Tyr s’éveille sous le souffle de la tramontane. La mer n’est qu’un gai frémissement de petites vagues, une vraie splendeur en bleu et blanc agitée sous un ciel azur, sous des cirrus blancs en mouvement là-haut, comme l’écume ici-bas. Le soleil jouit de sa journée de sérénité après tant de grisaille et de mauvais temps.
« J’ai compris » dit Pierre se mettant debout dans la barque où il a dormi. « Il est temps de bouger. Et “ elle ” (il montre la mer qui est agitée jusqu’à l’intérieur du port) nous a donné l’eau lustrale… Hum ! Allons faire la deuxième partie du sacrifice… Dis, Jacques… tu n’as pas l’impression de porter deux victimes au sacrifice ? Moi, si.
– Moi aussi, Simon. Et… je remercie le Maître de l’estime qu’il a pour nous. Mais… moi, je n’aurais pas voulu suppoter tant de souffrance. Et je n’aurais jamais pensé voir cela…
– Moi non plus… Mais… Tu sais ? Je dis que le Maître ne l’aurait pas fait si le Sanhédrin n’y avait fourré son nez…
– Il l’a dit, en effet… Mais qui a bien pu avertir le Sanhédrin ? C’est ce que je voudrais savoir…
– Qui ? Dieu éternel, fais que je me taise et que je ne pense pas ! J’ai fait ce vœu pour éloigner ce soupçon qui me ronge. Aide-moi, Jacques, à ne pas penser. Parle d’autre chose.
– Mais de quoi ? Du temps qu’il fait ?
– Oui, peut-être.
– En fait de mer, moi je ne connais rien…
– Je crois qu’on va bouger, dit Pierre en regardant la mer.
– Non ! Quelques vagues, mais ce n’est rien. Hier, elle était plus mauvaise. Du haut du bateau ce doit être très beau, cette mer agitée. Elle plaira à Jean… Elle le fera chanter.