« Vous trouverez certainement un char sur la place du marché, mais si vous voulez le mien, je vous le prête en souvenir de Théophile. Si je suis un homme tranquille, c’est à lui que je le dois. Il m’a défendu parce qu’il était juste. Et certaines choses ne s’oublient pas, dit le vieil aubergiste, debout devant les apôtres dans le premier soleil du matin.
– Mais ton char, nous le garderons au loin des jours durant… Et puis qui va le conduire? Moi, j’y arrive avec l’âne… mais les chevaux…
– Mais c’est la même chose, homme ! Je ne vais pas te donner un poulain indompté, mais un prudent cheval de trait, doux comme un agneau. Vous aurez vite fait, et sans peine. A la neuvième heure, vous serez à Antioche, d’autant plus que le cheval connaît bien la route et y va tout seul. Tu me le rendras quand tu voudras, sans autre intérêt de ma part que celui de rendre service au fils de Théophile, à qui vous direz que je lui suis encore très redevable, que je pense à lui et que je me considère comme son serviteur.
– Que faisons-nous ? demande Pierre à ses compagnons.
– Ce que tu crois être le mieux. Tu décides, et nous obéissons…
– Nous essayons le cheval ? C’est à cause de Jean que je dis cela… et aussi pour faire vite… Il me semble conduire quelqu’un à la mort, et j’ai hâte que tout soit fini…
– Tu as raison, disent-ils tous.
– Alors, homme, j’accepte.
– Et moi, je vous le confie avec joie. Je vais préparer le véhicule. »