La vallée profonde et boisée où s’élève Jabès Galaad résonne du fracas d’un petit torrent très gonflé qui coule en écumant vers le Jourdain très proche. Un sombre crépuscule, qui termine une sombre journée, épaissit encore plus l’obscurité des bois, et le village apparaît dès l’abord triste et inhospitalier.
Thomas, toujours de bonne humeur, bien que ses vêtements soient dans l’état d’un linge que l’on sort d’un baquet, de la tête à la ceinture et de la ceinture aux pieds, un ruisseau qui marche, dit :
« Hum ! Je ne voudrais pas qu’après des siècles ce pays se venge sur nous de la mauvaise surprise[1] que lui a faite Israël ! Assez ! Allons souffrir pour le Seigneur. »
Les gens ne les brutalisent pas, cela non. Mais ils les chassent de partout en les traitant de voleurs et pis encore ; Philippe et Matthieu doivent même se sauver à toutes jambes pour échapper à un gros chien qu’un berger a lancé contre eux, alors qu’ils étaient allés frapper à la porte du bercail afin de demander un refuge pour la nuit “ au moins sous le toit des animaux ”.
« Et maintenant qu’allons-nous faire ?
– Nous n’avons pas de pain.
– Et pas d’argent. Sans argent, on ne trouve ni pain ni logement !
– Nous sommes trempés, gelés, affamés.
– Et la nuit vient. Nous aurons l’air frais, demain matin, après une nuit passée dans le bois ! »
Sur les douze, sept ronchonnent ouvertement, trois ont le mécontentement gravé sur le visage et leur silence parle de lui-même, Simon le Zélote marche la tête basse, indéchiffrable. Jean paraît être sur des charbons ardents et il tourne la tête rapidement des rouspéteurs à Jésus, et de celui-ci aux premiers. Sa peine se lit sur son visage. Jésus va personnellement, puisque les apôtres s’y refusent ou le font avec crainte, frapper de maison en maison en parcourant patiemment les ruelles, transformées en marécages glissants et fétides. Mais partout on les repousse.