C’est à peine un début d’aurore, mais déjà les hommes rivalisent avec les oiseaux qui s’agitent dans les premiers vols, les premiers travaux et les premiers chants du jour. La maisonnée de Gethsémani s’éveille tout doucement, mais se trouve devancée par le Maître, qui revient de la prière qu’il a faite aux premières lueurs de l’aube, si toutefois il ne rentre pas après une nuit entière de prière.
C’est aussi le lent réveil du champ des Galiléens tout proche, sur le plateau du mont des Oliviers. Cris et appels percent l’air serein, atténués par la distance, mais assez nets pour faire comprendre que les pieux pèlerins réunis là vont reprendre les cérémonies pascales, interrompues le soir précédent.
En bas, la ville s’éveille ; c’est le commencement du brouhaha qui va la remplir en ces jours de surpopulation, avec le braiment des ânes, les cris des maraîchers et des marchands d’agneaux qui se pressent aux portes pour entrer, et avec la plainte si émouvante des centaines d’agneaux qui, sur des chars, des bâts, sur des bâtons ou sur les épaules, s’en vont à leur tragique destin et appellent leurs mères, bêlant parce qu’ils en sont loin, sans savoir qu’ils devraient pleurer parce que leur vie arrive si tôt à sa fin. Puis la rumeur ne cesse de croître dans Jérusalem, avec les bruits de pas dans les rues, les appels d’une terrasse à l’autre et de celles-ci à la rue, ou en sens inverse. Ce tohu-bohu parvient comme le bruit de la marée, atténué par la distance, jusqu’à la paisible vallée de Gethsémani.