« Faites sortir le garçon. Nous voulons l’interroger » crient les cinq hommes.
Le jeune se fraie un chemin et sort sur le seuil.
« Où est celui qui t’a guéri ?
– Je l’ignore, répond le jeune homme auquel un ami a murmuré : “ Ce sont des scribes et des prêtres. ”
– Comment l’ignores-tu ? Tu disais tout à l’heure que tu le savais. Ne mens pas aux docteurs de la Loi et au prêtre ! Malheur à celui qui cherche à tromper les magistrats du peuple !
– Je ne trompe personne. Ce disciple m’a dit : “ Il est dans cette maison ”, et c’était vrai, car j’en étais tout proche quand j’ai été interpellé et conduit à lui. Mais où il est maintenant, je ne le sais pas. Le disciple m’a dit qu’ils s’en vont. Il pourrait déjà avoir franchi les portes.
– Mais où allait-il ?
– Qu’est-ce que j’en sais ? ! Peut-être en Galilée… A voir la façon dont on le traite ici !…
– Imbécile et impoli ! Fais attention à la façon dont tu parles, lie du peuple ! Je t’ai demandé par quelle route il partait.
– Mais comment voulez-vous que je le sache, puisque j’étais aveugle ? Un aveugle peut-il dire où va quelqu’un d’autre ?
– C’est bien. Suis-nous.
– Où voulez-vous me conduire ?
– Chez les chefs des pharisiens.
– Pourquoi ? Qu’ont-ils à faire avec moi ? Seraient-ce eux qui m’ont guéri, pour que je doive les remercier ? Lorsque j’étais aveugle et que je mendiais, mes mains n’ont jamais touché leur argent, mes oreilles n’ont jamais entendu le moindre mot de pitié de leur part, et mon cœur n’a jamais connu leur amour. Que dois-je leur dire ? Il n’y en a qu’un à qui je doive dire “ merci ” après mon père et ma mère, qui pendant tant d’années m’ont aimé malheureux. Et c’est ce Jésus qui m’a guéri en m’aimant de tout son cœur, comme l’ont fait mes parents. Je refuse d’aller chez les pharisiens. Je reste avec ma mère et mon père pour profiter de la vue de leurs visages, et eux de mes yeux qui sont nés maintenant, après tant de printemps depuis celui où je suis né, mais sans voir la lumière.
– Assez parlé ! Viens et suis-nous.
– Oh non ! Je ne viens pas ! Avez-vous jamais essuyé une larme à ma mère humiliée par mon malheur, ou une goutte de sueur à mon père épuisé par le travail ? Aujourd’hui, je peux le faire par mon aspect, et je devrais les quitter et vous suivre ?
– Nous te l’ordonnons. Ce n’est pas toi qui commandes, mais le Temple et les chefs du peuple. Si l’orgueil d’être guéri te ferme l’intelligence pour te le rappeler, nous nous en chargeons. Avance ! Marche !
– Mais pourquoi devrais-je venir ? Qu’attendez-vous de moi ?
– Que tu fasses une déposition. C’est le sabbat. Or cet acte a été accompli pendant le sabbat. Il doit être enregistré à cause du péché : le tien et celui de ce satan.
– C’est vous qui êtes satan, c’est vous qui êtes péché ! Et je devrais venir déposer contre celui qui m’a fait du bien ? Vous êtes ivres ! Je viendrai au Temple pour bénir le Seigneur, et rien de plus. Je suis resté pendant bien des d’années dans l’ombre de la cécité, mais mes paupières closes n’ont produit de ténèbres que pour mes yeux. Mon intelligence, elle, est restée dans la lumière, dans la grâce de Dieu, et elle me dit que je ne dois pas porter tort à l’unique Saint qui soit en Israël.
– Assez, homme ! Ignores-tu que des châtiments sont prévus pour ceux qui s’opposent aux magistrats ?
– Moi, je ne sais rien. Je suis ici et j’y reste. Et vous n’avez pas intérêt à me nuire. Ne voyez-vous pas qu’Ophel tout entier est de mon côté ?
– Oui ! Oui ! Laissez-le ! Chacals ! Dieu le protège. Ne le touchez pas ! Dieu est avec les pauvres ! Dieu est avec nous, affameurs et hypocrites ! »
Les gens crient et menacent dans l’une de ces manifestations spontanées du peuple qui sont les explosions de l’indignation des humbles envers ceux qui les oppriment, ou d’amour pour ceux qui les protègent. Et ils crient :
« Malheur à vous, si vous frappez notre Sauveur, l’ami des pauvres, le Messie trois fois saint ! Malheur à vous ! On n’a pas craint les colères d’Hérode, ni celles des Chefs, quand on a voulu. Nous ne craignons pas les vôtres, vieilles hyènes aux mâchoires édentées ! Chacals aux ongles coupés ! Puissants inutiles ! Rome ne veut pas de tumulte et n’opprime pas le Rabbi, car lui est paix, mais elle vous connaît. Hors d’ici ! Hors des quartiers de ceux que vous opprimez par des dîmes plus fortes que leurs ressources, afin d’avoir de l’argent pour satisfaire vos désirs et conclure des marchés honteux. Descendants de Jason ! De Simon ! Tortionnaires des vrais Eléazar, des saints Onias. Vous méprisez les prophètes ! Hors d’ici ! Fichez le camp ! »
Le tumulte ne cesse de croître.