The Writings of Maria Valtorta

510. Guérison d’un aveugle-né,

510. Healing of a man born blind, caused

510.1

Jésus, ses apôtres et Joseph de Séphoris sortent et prennent la direction de la synagogue. La journée, limpide et sereine, réjouit comme une promesse de printemps après les jours venteux et couverts précédents — de vrais jours d’hiver. Beaucoup d’habitants de Jérusalem sont donc dans les rues, les uns allant à la synagogue, d’autres en revenant ou arrivant d’ailleurs, certains avec leur famille afin de sortir de la ville pour profiter du soleil dans la campagne. Par la Porte d’Hérode, visible de la maison de Joseph de Séphoris, on voit les gens sortir des murs pour aller se distraire joyeusement à l’extérieur de la ville et plonger dans la verdure, dans l’espace, dans la liberté, en dehors des rues étroites serrées entre les hautes maisons. Je crois que la ceinture champêtre qui entourait Jérusalem avait été voulue spontanément par les habitants, qui voulaient concilier la distance du chemin permis le sabbat avec leur désir d’air libre et de soleil, qu’ils prenaient sur les routes, et non seulement sur les terrasses des maisons.

Mais Jésus ne se dirige pas vers la Porte d’Hérode. Au contraire, il lui tourne le dos pour aller vers l’intérieur de la ville. Mais à peine a-t-il eu le temps de faire quelques pas sur la rue plus large, où débouche le petit chemin qui donne accès à la maison de Joseph de Séphoris, que Judas attire son attention sur un jeune homme qui s’avance vers eux, en tâtant les murs avec un bâton, son visage sans yeux levé un peu haut, avec la démarche particulière aux aveugles. Ses habits sont pauvres mais propres. Il doit être bien connu à Jérusalem, car plusieurs le montrent du doigt et certains lui disent :

« Homme, aujourd’hui tu t’es trompé de route. Tu as dépassé tous les chemins du mont Moriah, tu es déjà à Bézéta.

– Aujourd’hui, je ne demande pas d’argent, répond l’aveugle avec un sourire et en continuant vers le nord de la ville.

510.2

– Maître, observe-le. Il a les paupières soudées, ou plutôt il n’a pas de paupières. Son front rejoint ses joues sans aucune cavité et il semble ne pas avoir de globes oculaires dessous. Il est né ainsi, le malheureux, et il mourra de même sans avoir vu une seule fois la lumière du soleil ni le visage d’un homme. Maintenant, Maître, dis-moi : pour être ainsi puni, il a certainement péché. Mais s’il est né aveugle, comme c’est certain, comment peut-il avoir péché avant de naître ? Ce sont ses parents qui ont péché, et Dieu les a punis en le faisant naître comme ça ? »

Les autres apôtres, Isaac et Marziam, se serrent près de Jésus pour entendre sa réponse. Deux habitants de Jérusalem de condition aisée qui se tenaient un peu en arrière de l’aveugle pressent le pas, comme attirés par la haute taille de Jésus, qui domine la foule. Parmi eux se trouve Joseph d’Arimathie : il ne s’approche pas, mais, adossé à un portail élevé sur deux marches, il tourne les yeux vers tous les visages pour les observer.

On entend clairement la réponse de Jésus dans le silence qui s’est fait :

« Ni lui ni ses parents n’ont péché plus que ne pèche tout homme : peut-être moins encore, car la pauvreté est souvent un frein au péché. Mais il est né ainsi pour que, une fois encore, soient manifestées en lui la puissance et les œuvres de Dieu. Je suis la Lumière venue dans le monde pour que les hommes, qui ont oublié Dieu ou perdu son image spirituelle, voient et se souviennent, et pour que ceux qui cherchent Dieu, ou lui appartiennent déjà, soient confirmés dans la foi et dans l’amour. Le Père m’a envoyé pour que, dans le temps qui est encore accordé à Israël, je complète la connaissance de Dieu en Israël et dans le monde. Il me faut donc accomplir les œuvres de Celui qui m’a envoyé pour témoigner que je peux ce que lui peut, parce que je suis un avec lui, et pour que le monde sache et voie que le Fils n’est pas dissemblable du Père ; ainsi pourra-t-il croire en moi pour ce que je suis. Après viendra la nuit pendant laquelle on ne peut plus travailler, la ténèbre, et celui en qui mon signe et la foi en moi ne se seront pas gravés, ne pourra plus le faire dans les ténèbres et la confusion, la douleur, la désolation et la ruine qui couvriront ces lieux et étourdiront les âmes par le débordement des peines. Mais, tant que je suis dans le monde, je suis lumière et témoignage, parole,

chemin et vie, sagesse, puissance et miséricorde.

510.3

Va donc chercher l’aveugle et amène-le ici.

– André, vas-y, je veux rester là et voir ce que fait le Maître » répond Judas en montrant Jésus.

Celui-ci s’est penché sur le chemin poussiéreux, a craché sur un petit tas de terre et est en train de délayer avec le doigt la poussière dans la salive pour former une boulette de boue. Pendant qu’André, toujours serviable, va chercher l’aveugle — qui est sur le point de tourner dans le petit chemin où se trouve la maison de Joseph de Séphoris —, Jésus étend la boue sur ses deux index en restant ainsi, mains tendues, comme le prêtre pendant la messe. Cependant, Judas quitte sa place pour dire à Matthieu et à Pierre :

« Venez ici, vous qui n’êtes pas grands, vous verrez mieux.

Puis il se met derrière tout le monde, presque caché par les fils d’Alphée et par Barthélemy, qui sont grands.

André revient en tenant par la main l’aveugle, qui s’époumone :

« Je ne veux pas d’argent. Laisse-moi partir. Je sais où se trouve celui qu’on appelle Jésus, et je vais pour demander… »

– C’est Jésus qui est devant toi » lui dit André en s’arrêtant devant le Maître.

Contrairement à son habitude, Jésus ne pose aucune question à l’homme. Il lui étend aussitôt sur les paupières closes un peu de la boue qu’il a sur les index, et il lui ordonne :

« Maintenant, rends-toi le plus vite possible à la citerne de Siloé, sans t’arrêter pour parler avec quelqu’un. »

L’aveugle, le visage barbouillé de boue, reste un instant perplexe et il ouvre les lèvres pour parler, puis il referme la bouche et obéit. Il commence par marcher lentement comme s’il était pensif ou bien déçu, puis il presse le pas en rasant le mur avec son bâton, de plus en plus vite, autant que le peut un aveugle, peut-être davantage, comme s’il se sentait guidé…

Les deux habitants de Jérusalem ont un rire sarcastique et partent en hochant la tête. Joseph d’Arimathie — et cela m’étonne — les suit sans même saluer le Maître, ce qui le fait revenir sur ses pas, c’est-à-dire vers le Temple, alors qu’il venait de là. Ainsi, tant l’aveugle que les deux hommes et Joseph d’Arimathie, se dirigent vers le sud de la ville, tandis que Jésus tourne vers l’ouest. Et je le perds de vue, car la volonté du Seigneur me fait suivre l’aveugle et ceux qui l’escortent.

510.4

Après avoir passé Bézéta, ils s’engagent tous dans la vallée qui sépare le mont Moriah du mont Sion — il me semble l’avoir entendu appeler Tiropéon à d’autres occasions — et la parcourent dans toute sa longueur jusqu’à Ophel, le longent, sortent sur la route qui mène à la fontaine de Siloé, en restant toujours dans cet ordre : d’abord l’aveugle qui doit être connu dans ce quartier populaire, puis les deux hommes, et en dernier lieu, à quelque distance, Joseph d’Arimathie,

Joseph s’arrête près d’une maisonnette insignifiante, à demi cachée par une haie de buis qui fait saillie en contournant son jardinet. Mais les deux hommes s’avancent tout près de la fontaine. Ils observent l’aveugle qui s’approche avec précaution du vaste bassin et, en tâtant le mur humide, plonge une main qu’il retire toute ruisselante. Puis il se lave les yeux à trois reprises. La troisième fois, il presse aussi sur son visage l’autre main en laissant tomber son bâton et en poussant un cri comme s’il souffrait.

Puis il retire lentement ses mains et son cri de douleur se fait cri de joie :

« Oh ! Très-Haut ! Je vois ! »

Il se jette à terre, comme vaincu par l’émotion, met ses mains sur ses yeux pour les protéger, les serre contre ses tempes, à la fois impatient de voir, mais gêné par la lumière, tout en répétant :

« J’y vois ! J’y vois ! C’est donc cela, la terre ! La lumière ! L’herbe, dont je ne connaissais que la fraîcheur… »

Il se lève tout en restant courbé, comme quelqu’un qui porte un poids, le poids de sa joie, va au ruisselet qui évacue le trop-plein d’eau et le regarde couler, scintillant et riant… Il murmure :

« Et ceci, c’est l’eau… Voilà ! C’est ainsi que je la sentais entre mes doigts (il y plonge la main) froide et coulante, mais je ne la connaissais pas… Ah ! qu’elle est belle ! Comme tout est beau ! »

Il lève la tête et voit un arbre… il s’en approche, le touche, tend la main, attrape une petite branche, l’observe en riant. Puis, abritant ses yeux de la main, il regarde le ciel, le soleil, et deux larmes tombent de ses paupières vierges qu’il a ouvertes pour contempler le monde… Il baisse alors les yeux sur l’herbe où une fleur se balance sur sa tige et aperçoit son image que reflète l’eau du ruisselet. Il se dévisage et dit :

« Voilà à quoi je ressemble ! »

Il observe avec étonnement une tourterelle venue boire un peu plus loin, puis une chevrette qui arrache les dernières feuilles d‘un rosier sauvage, enfin une femme qui vient à la fontaine avec un bébé sur son sein. Et cette femme lui rappelle sa mère, sa mère au visage inconnu. Alors, levant les bras au ciel, il s’écrie :

« Sois béni, Très-Haut, pour la lumière, pour ma mère et pour Jésus ! »

Puis il part en courant, abandonnant là son bâton désormais inutile…

Les deux hommes n’ont pas attendu aussi longtemps. Dès qu’ils ont remarqué que le miraculé avait recouvré la vue, ils sont partis en courant vers la ville. Joseph, au contraire, reste jusqu’à la fin et quand l’aveugle — qui ne l’est plus — passe devant lui pour entrer dans le dédale des ruelles du quartier populeux d’Ophel, à son tour il quitte sa place et revient sur ses pas, vers la ville, tout pensif…

510.5

Le quartier d’Ophel, toujours bruyant, est maintenant en pleine ébullition. On court à droite, à gauche, on questionne, on répond.

« Vous l’aurez confondu avec quelqu’un d’autre…

– Non, te dis-je. Je lui ai demandé : “ Est-ce bien toi, Sidonia surnommé Bartolmaï ? ” et il m’a répondu : “ Oui, c’est moi. ” Je voulais l’interroger pour savoir comment cela s’était produit, mais il est parti en courant.

– Où est-il maintenant ?

– Chez sa mère, certainement.

– Qui ? Qui l’a vu ? demandent des gens qui accourent.

– Moi, moi, répondent plusieurs.

– Mais comment est-ce arrivé ?

– … Je l’ai vu qui courait sans bâton avec deux yeux au visage et j’ai dit : “ Regarde ! Voilà comment serait Bartolmaï si… ”

– Je t’assure que j’en suis toute tremblante. En entrant, il a crié : “ Mère, je te vois ! ”

– C’est une grande joie pour ses parents. Maintenant, il pourra aider son père et gagner sa vie…

– La pauvre femme ! Ce fut pour elle une telle joie qu’elle s’en est trouvée mal. Ah ! c’est extraordinaire ! J’étais allée lui demander un peu de sel et…

– Courons chez lui, pour savoir… »

Joseph d’Arimathie se trouve pris au milieu de ce vacarme et, je ne sais si c’est par curiosité ou par esprit d’imitation, il suit le courant et aboutit dans une impasse, qui arriverait au Cédron sinon. La foule s’y presse, empêchant d’entendre à cause de ses cris le grondement du torrent, gonflé par les pluies d’automne.

Joseph y arrive quand, d’une autre ruelle qui débouche dans l’impasse, surgissent les deux hommes de tout à l’heure avec trois autres : un scribe, un prêtre et un troisième que son vêtement ne me permet pas d’identifier. Ils se fraient un passage avec autorité et cherchent à entrer dans la maison bondée.

Celle-ci comprend une vaste cuisine noire comme du goudron, avec un coin qui en est séparé par une cloison rudimentaire au-delà de laquelle se trouvent un grabat et une porte qui donne dans une autre pièce avec un lit plus grand. Une porte, ouverte dans le mur opposé, laisse voir un jardinet de quelques mètres carrés. Et c’est tout.

510.6

Appuyé à une table, l’aveugle guéri répond à ceux qui l’interrogent, tous de pauvres gens comme lui, le petit peuple de Jérusalem, de ce quartier qui est peut-être le plus pauvre de tous. Sa mère, debout auprès de lui, le regarde et pleure en s’essuyant les yeux avec son voile. Le père, un homme usé par le travail, se passe dans la barbe une main agitée par un tremblement.

L’entrée dans la maison est impossible, même aux docteurs autoritaires juifs, et les cinq hommes doivent écouter du dehors les paroles de l’aveugle guéri.

« Comment ils se sont ouverts ? Cet homme, que l’on appelle Jésus, m’a barbouillé les yeux avec de la terre mouillée, et il m’a dit : “ Va te laver à la fontaine de Siloé. ” J’y suis allé, je me suis lavé et mes yeux se sont ouverts, et j’ai vu.

– Mais comment as-tu fait pour trouver le Rabbi ? Tu disais toujours que tu étais malheureux, car jamais tu ne le rencontrais, même quand il passait par ici pour se rendre chez Jonas à Gethsémani. Et aujourd’hui, maintenant qu’on ne sait jamais où il est…

– Hé ! hier soir, un de ses disciples est venu et il m’a donné deux pièces de monnaie en me disant : “ Pourquoi ne cherches-tu pas à voir ? ” Je lui ai répondu : “ J’ai cherché, mais je ne trouve jamais ce Jésus qui accomplit des miracles. Je le cherche depuis qu’il a guéri Annalia, qui est de mon quartier, mais quand je vais quelque part, il est ailleurs… ” Il a repris : “ Je suis l’un de ses apôtres, et ce que, moi, je lui demande, il le fait. Viens demain à Bézéta et cherche la maison de Joseph le Galiléen, celui du poisson sec, Joseph de Séphoris, près de la Porte d’Hérode et du tournant de la place, du côté de l’orient, et tu verras que tôt ou tard, il passera par là ou entrera dans la maison. Alors moi, je t’indiquerai au Maître. ” J’ai répondu : “ Mais demain, c’est le sabbat. ” Je voulais dire qu’il ne ferait rien ce jour-là. Il m’a déclaré : “ Si tu veux guérir, c’est le moment, car après on quitte la ville et tu ne sais pas si tu pourras le rencontrer. ” J’ai repris : “ Je sais qu’on s’en prend à lui. Je l’ai entendu depuis les portes de l’enceinte du Temple où je vais mendier. C’est pourquoi je suis sûr que, maintenant qu’il est ainsi persécuté ainsi, il ne voudra pas l’être davantage, et il ne me guérira pas un jour de sabbat. ” Il m’a alors répliqué : “ Fais ce que je te dis, et le jour du sabbat tu verras le soleil ”.

Et j’y suis allé. Qui ne l’aurait pas fait ? Si c’est son apôtre qui l’affirme ! Il a d’ailleurs ajouté : “ Je suis celui que Jésus écoute le plus, et je viens exprès, car tu me fais pitié et je veux que, après avoir été tellement bafouée, sa puissance resplendisse. C’est toi, un aveugle de naissance, qui la feras resplendir. Je sais ce que je dis. Viens et tu verras. ” Alors je m’y suis rendu. Je n’étais pas encore arrivé à la maison de Joseph qu’un homme m’a pris par la main — mais d’après sa voix ce n’était pas celui d’hier — et il m’a proposé : “ Viens avec moi, mon frère. ” Je ne voulais pas le suivre, je croyais qu’il voulait me donner du pain et de l’argent, peut-être des vêtements, et je lui demandais de me laisser partir parce que je savais où trouver celui qu’on appelle Jésus. L’homme m’a répondu : “ Voici Jésus. Il est devant toi. ” Mais je n’ai rien vu, puisque j’étais aveugle. J’ai senti deux doigts couverts de terre mouillée qui me touchaient des deux côtés et j’ai entendu une voix qui disait : “ Va vite à Siloé et lave-toi. Ne parle à personne. ” C’est ce que j’ai fait. Mais j’étais découragé, car j’espérais voir aussitôt, et j’ai failli croire que c’était une plaisanterie de jeunes gens sans cœur. Je me refusais presque à y aller, mais j’ai entendu une sorte de voix me dire : “ Espère et obéis ” ; alors je me suis rendu à la fontaine, je m’y suis lavé, et j’ai vu. »

Le jeune homme s’arrête, comme en extase, pour repenser à la joie de sa première vision…

510.7

« Faites sortir le garçon. Nous voulons l’interroger » crient les cinq hommes.

Le jeune se fraie un chemin et sort sur le seuil.

« Où est celui qui t’a guéri ?

– Je l’ignore, répond le jeune homme auquel un ami a murmuré : “ Ce sont des scribes et des prêtres. ”

– Comment l’ignores-tu ? Tu disais tout à l’heure que tu le savais. Ne mens pas aux docteurs de la Loi et au prêtre ! Malheur à celui qui cherche à tromper les magistrats du peuple !

– Je ne trompe personne. Ce disciple m’a dit : “ Il est dans cette maison ”, et c’était vrai, car j’en étais tout proche quand j’ai été interpellé et conduit à lui. Mais où il est maintenant, je ne le sais pas. Le disciple m’a dit qu’ils s’en vont. Il pourrait déjà avoir franchi les portes.

– Mais où allait-il ?

– Qu’est-ce que j’en sais ? ! Peut-être en Galilée… A voir la façon dont on le traite ici !…

– Imbécile et impoli ! Fais attention à la façon dont tu parles, lie du peuple ! Je t’ai demandé par quelle route il partait.

– Mais comment voulez-vous que je le sache, puisque j’étais aveugle ? Un aveugle peut-il dire où va quelqu’un d’autre ?

– C’est bien. Suis-nous.

– Où voulez-vous me conduire ?

– Chez les chefs des pharisiens.

– Pourquoi ? Qu’ont-ils à faire avec moi ? Seraient-ce eux qui m’ont guéri, pour que je doive les remercier ? Lorsque j’étais aveugle et que je mendiais, mes mains n’ont jamais touché leur argent, mes oreilles n’ont jamais entendu le moindre mot de pitié de leur part, et mon cœur n’a jamais connu leur amour. Que dois-je leur dire ? Il n’y en a qu’un à qui je doive dire “ merci ” après mon père et ma mère, qui pendant tant d’années m’ont aimé malheureux. Et c’est ce Jésus qui m’a guéri en m’aimant de tout son cœur, comme l’ont fait mes parents. Je refuse d’aller chez les pharisiens. Je reste avec ma mère et mon père pour profiter de la vue de leurs visages, et eux de mes yeux qui sont nés maintenant, après tant de printemps depuis celui où je suis né, mais sans voir la lumière.

– Assez parlé ! Viens et suis-nous.

– Oh non ! Je ne viens pas ! Avez-vous jamais essuyé une larme à ma mère humiliée par mon malheur, ou une goutte de sueur à mon père épuisé par le travail ? Aujourd’hui, je peux le faire par mon aspect, et je devrais les quitter et vous suivre ?

– Nous te l’ordonnons. Ce n’est pas toi qui commandes, mais le Temple et les chefs du peuple. Si l’orgueil d’être guéri te ferme l’intelligence pour te le rappeler, nous nous en chargeons. Avance ! Marche !

– Mais pourquoi devrais-je venir ? Qu’attendez-vous de moi ?

– Que tu fasses une déposition. C’est le sabbat. Or cet acte a été accompli pendant le sabbat. Il doit être enregistré à cause du péché : le tien et celui de ce satan.

– C’est vous qui êtes satan, c’est vous qui êtes péché ! Et je devrais venir déposer contre celui qui m’a fait du bien ? Vous êtes ivres ! Je viendrai au Temple pour bénir le Seigneur, et rien de plus. Je suis resté pendant bien des d’années dans l’ombre de la cécité, mais mes paupières closes n’ont produit de ténèbres que pour mes yeux. Mon intelligence, elle, est restée dans la lumière, dans la grâce de Dieu, et elle me dit que je ne dois pas porter tort à l’unique Saint qui soit en Israël.

– Assez, homme ! Ignores-tu que des châtiments sont prévus pour ceux qui s’opposent aux magistrats ?

– Moi, je ne sais rien. Je suis ici et j’y reste. Et vous n’avez pas intérêt à me nuire. Ne voyez-vous pas qu’Ophel tout entier est de mon côté ?

– Oui ! Oui ! Laissez-le ! Chacals ! Dieu le protège. Ne le touchez pas ! Dieu est avec les pauvres ! Dieu est avec nous, affameurs et hypocrites ! »

Les gens crient et menacent dans l’une de ces manifestations spontanées du peuple qui sont les explosions de l’indignation des humbles envers ceux qui les oppriment, ou d’amour pour ceux qui les protègent. Et ils crient :

« Malheur à vous, si vous frappez notre Sauveur, l’ami des pauvres, le Messie trois fois saint ! Malheur à vous ! On n’a pas craint les colères d’Hérode, ni celles des Chefs, quand on a voulu. Nous ne craignons pas les vôtres, vieilles hyènes aux mâchoires édentées ! Chacals aux ongles coupés ! Puissants inutiles ! Rome ne veut pas de tumulte et n’opprime pas le Rabbi, car lui est paix, mais elle vous connaît. Hors d’ici ! Hors des quartiers de ceux que vous opprimez par des dîmes plus fortes que leurs ressources, afin d’avoir de l’argent pour satisfaire vos désirs et conclure des marchés honteux. Descendants de Jason[1] ! De Simon ! Tortionnaires des vrais Eléazar, des saints Onias. Vous méprisez les prophètes ! Hors d’ici ! Fichez le camp ! »

Le tumulte ne cesse de croître.

510.8

Joseph d’Arimathie, écrasé contre un muret, jusqu’alors spectateur attentif, mais inactif des faits, monte d’un saut sur le muret avec une agilité insoupçonnable chez un homme âgé et, de plus, empêtré dans ses vêtements et ses manteaux. Et, debout, il s’écrie :

« Silence, habitants. Ecoutez Joseph l’Ancien ! »

Une, deux, dix têtes se tournent dans la direction du cri. A la vue de Joseph, on crie son nom. Il doit être connu et jouir de la faveur populaire, car les hurlements d’indignation font place aux cris de joie :

« Joseph l’Ancien est là ! Vive lui ! Paix et longue vie au juste ! Paix et bénédiction au bienfaiteur des malheureux ! Silence, pour que Joseph parle ! Silence ! »

Le silence s’établit non sans mal et, pendant quelques minutes, on entend le grondement du Cédron au-delà de l’impasse. Toutes les têtes se tournent vers Joseph, oubliant ce qui les tenait dans la direction opposée : les cinq malheureux et imprévoyants qui ont provoqué le tumulte.

« Habitants de Jérusalem, peuple d’Ophel, pourquoi vous laissez-vous aveugler par les soupçons et la colère ? Pourquoi manquer au respect et aux coutumes, vous qui êtes toujours si fidèles aux lois des pères ? Que craignez-vous ? Peut-être que le Temple soit un Moloch[2] qui ne rend pas ce qu’il accueille ? Peut-être que vos juges soient tous aveugles, plus que votre ami, aveugles de cœur et sourds en matière de justice ? N’est-il pas d’usage qu’un fait prodigieux soit déposé, écrit et conservé par qui de droit pour les Chroniques d’Israël ? Permettez donc que, même pour l’honneur du Rabbi que vous aimez, le miraculé monte faire une déposition pour l’œuvre accomplie. Vous hésitez encore ? Eh bien, je me porte garant qu’il n’arrivera aucun mal à Bartolmaï, et vous savez que je ne mens pas. Comme un fils qui m’est cher, je l’accompagnerai là-haut, et je vous le ramènerai ici ensuite. Fiez-vous à moi, et ne faites pas du sabbat un jour de péché en vous révoltant contre vos chefs.

– Il a raison ! Il ne le faut pas, nous pouvons le croire. C’est un juste. Dans les bonnes délibérations du Sanhédrin, il y a toujours sa voix. »

Les gens changent d’avis et finissent par crier : « A toi, oui, notre ami, nous te le confions ! » Et en s’adressant au jeune homme : « Va ! N’aie pas peur. Avec Joseph d’Arimathie, tu es en sécurité comme avec ton père, et davantage. » Et ils ouvrent leurs rangs pour que l’ancien aveugle puisse rejoindre Joseph, qui est descendu de sa tribune improvisée. Au moment où il passe, ils lui soufflent : « Nous venons nous aussi. Ne crains rien ! »

Joseph, dans ses riches vêtements de laine luxueuse, pose une main sur l’épaule du miraculé, et se met en route. La tunique bise et usée du jeune homme, son petit manteau, frottent l’ample vêtement rouge foncé et le riche manteau encore plus foncé du vieux membre du Sanhédrin. Les cinq hommes suivent, puis la foule innombrable d’Ophel…

510.9

Les voilà au Temple, après avoir traversé les rues centrales, attirant l’attention d’une foule de gens qui se montrent au doigt l’ancien aveugle en disant :

« Mais c’est l’aveugle qui mendiait ! Maintenant, il a des yeux ! Mais peut-être est-ce quelqu’un qui lui ressemble ! Non, c’est sûrement lui, et ils le conduisent au Temple. Allons nous rendre compte ! »

Le cortège ne cesse de grossir, jusqu’au moment où les murs du Temple les engloutissent tous.

Joseph conduit le jeune homme dans une salle — mais ce n’est pas le Sanhédrin — où se trouvent de nombreux scribes et pharisiens. Joseph entre, et avec lui Bartolmaï et les cinq hommes. Les habitants d’Ophel sont repoussés dans la cour.

« Voici l’homme. Je vous l’ai amené moi-même : sans être vu, j’ai assisté à sa rencontre avec le Rabbi et à sa guérison, et je puis vous affirmer que ce fut tout à fait fortuit de la part du Rabbi. L’homme, vous l’entendrez dire vous aussi, fut amené ou plutôt invité à se rendre auprès du Rabbi, par Judas de Kérioth, que vous connaissez. Et j’ai moi-même entendu — tout comme ces deux-là, car ils étaient présents — comment ce fut Judas qui engagea Jésus de Nazareth à accomplir ce miracle. Maintenant je dépose ici que, s’il y a lieu de punir quelqu’un, ce n’est pas l’aveugle ni le Rabbi, mais l’homme de Kérioth qui — Dieu voit si je mens en disant ce que pense mon intelligence — est le seul auteur du fait, puisqu’il l’a provoqué par une manœuvre préméditée. C’est tout ce que j’ai à dire.

– Ta déclaration n’annule pas la faute du Rabbi. Si son disciple pèche, le Maître ne doit pas pécher. Or il l’a fait en guérissant un jour de sabbat. Il a accompli une œuvre servile.

– Cracher par terre n’est pas faire œuvre servile, et toucher les yeux d’un autre n’est pas faire œuvre servile. Moi aussi, je touche l’homme et je ne crois pas pécher.

– Il a accompli un miracle le jour du sabbat : c’est en cela que consiste le péché.

– Honorer le sabbat par un miracle est une grâce de Dieu et de sa bonté. C’est son jour. Et le Tout-Puissant ne peut-il pas le célébrer par un miracle qui fait resplendir sa puissance ?

– Nous ne sommes pas ici pour t’écouter, toi. Tu n’es pas accusé. C’est l’homme que nous voulons interroger.

510.10

A toi de répondre. Comment as-tu obtenu la vue ?

– Je l’ai déjà dit, et ceux-là m’ont entendu. Le disciple de ce Jésus m’a dit hier : “ Viens et je te ferai guérir. ” J’ai obéi, et j’ai senti qu’on me mettait de la boue ici et j’ai entendu une voix qui me disait d’aller à Siloé et de m’y laver. Je l’ai fait, et j’y vois.

– Mais sais-tu qui t’a guéri ?

– Bien sûr que je le sais ! Jésus. Je vous l’ai dit.

– Mais sais-tu exactement qui est Jésus ?

– Moi, je ne sais rien. Je suis un pauvre et un ignorant, et il y a peu de temps, j’étais aveugle. Cela, je le sais et je sais que lui m’a guéri ; s’il a pu le faire, Dieu est certainement avec lui.

– Ne blasphème pas ! Dieu ne peut être avec quelqu’un qui n’observe pas le sabbat » crient certains.

Mais Joseph et les pharisiens Eléazar, Jean et Joachim font remarquer :

« Et pourtant un pécheur ne peut accomplir de tels prodiges.

– Vous aussi êtes séduits par ce possédé ?

– Non : nous sommes justes, et nous disons que si Dieu ne peut être avec celui qui agit un jour de sabbat, il n’est pas possible non plus qu’un homme sans l’aide de Dieu fasse qu’un aveugle-né y voie » déclare calmement Eléazar.

Les trois autres approuvent.

« Et le démon, où le mettez-vous ? hurlent, hargneux, les mauvais.

– Je ne puis croire, et vous non plus, que le démon puisse accomplir des œuvres capables de faire louer le Seigneur, intervient le pharisien Jean.

– Qui donc le loue ?

– Le jeune homme, ses parents, Ophel tout entier et moi avec eux, ainsi que tous les hommes justes qui ont une crainte sainte de Dieu » réplique Joseph.

Les mauvais, tout penauds et ne sachant qu’objecter, s’en prennent à Sidonia, dit Bartolmaï :

« Et toi, que penses-tu de celui qui t’a ouvert les yeux ?

– Pour moi, c’est un prophète, et plus grand qu’Elie avec le fils de la veuve de Sarepta. Car si Elie a fait revenir l’âme dans l’enfant, ce Jésus m’a donné ce que je n’avais jamais perdu, ne l’ayant jamais eu : la vue. Et si, en un éclair, il m’a fait des yeux avec rien qu’un peu de boue, alors qu’en neuf mois ma mère, avec sa chair et son sang n’a pas réussi à me les faire, il doit être grand comme Dieu, qui avec de la boue a créé l’homme.

– Va-t’en ! Fiche le camp ! Blasphémateur ! Menteur ! Vendu ! »

Et ils chassent Bartolmaï comme si c’était un damné.

510.11

« L’homme ment. Ce ne peut être vrai. Tous s’accordent à dire qu’un aveugle de naissance ne peut guérir. C’est peut-être quelqu’un qui ressemble à Bartolmaï, et que le Nazaréen a préparé… ou bien… Bartolmaï n’a jamais été aveugle. »

Devant cette affirmation surprenante, Joseph d’Arimathie rétorque :

« Que la haine aveugle, on le sait depuis le temps de Caïn, mais qu’elle rende stupide, on l’ignorait encore ! Imaginez-vous possible d’arriver au plein développement de la jeunesse en feignant d’être aveugle pour… attendre un éventuel événement éclatant et très éloigné ? Croyez-vous réellement que les parents de Bartolmaï ne connaissent pas leur fils ou se prêtent à ce mensonge ?

– L’argent peut tout, or ils sont pauvres.

– Le Nazaréen l’est plus qu’eux.

– Tu mens ! Il lui passe par les mains des sommes de satrape.

– Mais elles ne s’y arrêtent pas un instant. Ces sommes appartiennent aux pauvres. Elles servent pour le bien, pas pour le mensonge.

– Comme tu le défends ! Et tu es un des Anciens !

– Joseph a raison. Il faut dire la vérité, quelle que soit la charge que l’homme occupe, déclare Eléazar.

510.12

– Courez rappeler l’aveugle et ramenez-le ici, et que d’autres aillent chercher ses parents et les fassent venir » s’écrie Elchias en ouvrant la porte toute grande et en donnant ses ordres à des hommes qui attendent dehors.

Sa bouche est presque couverte de bave tant la colère l’étrangle.

Les uns courent d’un côté, les autres de l’autre. Le premier à revenir est Sidonia, dit Bartolmaï, étonné et ennuyé. Ils le fichent dans un coin, en le dévisageant comme une meute de chiens qui guette un gibier…

Puis, après un bon moment, voilà qu’arrivent ses parents, entourés de la foule.

« Vous, entrez ! Les autres, dehors ! »

Le couple entre. Epouvantés, ils voient leur fils tout au fond, en bonne forme, mais en état d’arrestation. La mère gémit :

« Mon fils ! Dire que ce devait être un jour de fête pour nous !

– Ecoutez-nous. Cet homme est votre fils ? demande avec rudesse un pharisien.

– Oui, c’est notre fils ! Qui d’autre voulez-vous que ce soit ?

– Vous en êtes vraiment sûrs ? »

Le père et la mère sont tellement abasourdis par la question que, avant de répondre, ils se regardent.

« Répondez !

– Noble pharisien, peux-tu penser qu’un père et une mère puissent se tromper à propos de leur enfant ? dit humblement le père.

– Mais… pouvez-vous jurer que… oui… que, contre une certaine somme d’argent, il ne vous a pas été demandé de dire qu’il s’agit de votre fils, alors que c’est quelqu’un qui lui ressemble ?

– Demandé de dire ? Et par qui donc ? Jurer ? Mais mille fois, et sur l’autel et le nom de Dieu, si tu veux ! »

Et ils l’affirment avec tant d’assurance que le plus obstiné en serait démonté. Mais les pharisiens ne se démontent pas ! Ils demandent :

« Mais votre fils n’était pas né aveugle ?

– Si, il était né comme ça. Avec les paupières closes et par dessous le vide, rien…

– Alors comment donc y voit-il maintenant ? Il a des yeux sur lesquels s’ouvrent des paupières. Vous ne voudriez tout de même pas prétendre que des yeux peuvent naître ainsi, comme des fleurs au printemps, et qu’une paupière s’ouvre comme le fait le calice d’une fleur !… lance un autre pharisien avec un rire sarcastique.

– Nous savons que cet homme est vraiment notre fils depuis presque trente ans, et qu’il est né aveugle, mais comment il y voit aujourd’hui, nous ne le savons pas, et nous ignorons qui lui a ouvert les yeux. Du reste, demandez-le-lui. Il n’est pas idiot et ce n’est plus un enfant. Il est bien assez grand. Interrogez-le, et il vous répondra.

– Vous mentez, s’écrie un des deux hommes qui avaient toujours suivi l’aveugle. Lui, dans votre maison, a raconté comment il a été guéri et par qui. Pourquoi dites-vous l’ignorer ?

– Nous étions tellement abasourdis par la surprise que nous n’avons pas entendu » répondent les parents en s’excusant.

510.13

Les pharisiens s’adressent à Sidonia dit Bartolmaï :

« Avance ici, toi, et rends gloire à Dieu si cela t’est possible ! Tu ne sais pas que celui qui t’a touché les yeux est un pécheur ? Tu ne le sais pas ? Eh bien, apprends-le. Nous te l’affirmons, nous qui le savons.

– Bah ! Dites ce que vous voulez ! Pour moi, si c’est un pécheur, je l’ignore. Je sais seulement qu’avant, j’étais aveugle, et que maintenant, je vois clair.

– Mais que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ?

– Je vous l’ai déjà dit et vous m’avez entendu. Vous voulez l’entendre de nouveau ? Pourquoi ? Peut-être désirez-vous devenir ses disciples ?

– Imbécile ! Sois, toi, un disciple de cet homme. Nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous connaissons tout de Moïse, et nous savons que Dieu lui a parlé. Mais de cet homme, nous ne savons rien, ni d’où il vient, ni qui il est, et aucun prodige du Ciel ne l’indique comme prophète.

– C’est justement cela qui est extraordinaire : que vous ne sachiez pas d’où il est et que vous disiez qu’aucun prodige n’indique qu’il soit juste. Mais lui m’a ouvert les yeux, ce qu’aucun de nous en Israël n’a jamais pu faire, pas même l’amour d’une mère et les sacrifices de mon père. Une chose pourtant que nous savons tous, aussi bien vous que moi, c’est que Dieu n’exauce pas le pécheur, mais celui qui craint Dieu et accomplit sa volonté. On n’a jamais entendu dire que quelqu’un, dans le monde entier, ait pu ouvrir les yeux à un aveugle-né : mais cela, Jésus l’a fait. S’il n’était pas de Dieu, cela lui aurait été impossible.

– Tu es né entièrement dans le péché, tu as l’esprit difforme autant et plus que ne l’était ton corps, et tu prétends nous faire la leçon ? Va-t’en, misérable avorton, et fais-toi satan avec ton séducteur. Dehors ! Dehors, tout le monde, plèbe imbécile et pécheresse ! »

Et ils les jettent dehors, fils, père et mère, comme si c’étaient trois lépreux.

510.14

Tous trois s’éloignent rapidement, suivis par leurs amis. Mais une fois l’enceinte franchie, Sidonia se retourne et dit :

« Restez ! Et dites ce que vous voulez. La vérité, c’est que j’y vois et j’en loue Dieu. Et satan, c’est vous qui le serez, et non pas le Bon qui m’a guéri.

– Tais-toi, mon fils ! Tais-toi ! Pourvu que cela ne nous porte pas tort !… gémit la mère.

– Oh ! ma mère ! L’air de cette salle t’a empoisonné l’âme, toi qui dans ma douleur m’enseignais à louer Dieu, et qui, maintenant dans la joie, ne sais pas le remercier et qui crains les hommes ? Si Dieu nous a tant aimés, toi et moi, au point de nous accorder ce miracle, ne saura-t-il pas nous défendre contre une poignée d’hommes ?

– Ton fils a raison, femme. Allons à notre synagogue pour louer le Seigneur, puisqu’ils nous ont chassés du Temple. Et dépêchons-nous, avant la fin du sabbat… »

Pressant le pas, ils se perdent dans les chemins de la vallée.

510.1

Jesus goes out with his apostles and Joseph of Sephoris, heading towards the synagogue. The clear limpid day makes people glad, like a promise of springtime after windy cloudy winter days. Thus many people of Jerusalem are in the streets, some going to synagogues, some coming back from them or from other places, some with their families, wishing to leave the town and enjoy the sunshine in the country. From Herod’s Gate, which is visible from the house of Joseph of Sephoris, one can see people go out to enjoy themselves beyond the walls, in the open: a plunge into the green vegetation, into the free open space, away from the narrow streets between high buildings. I think that the rural strip which ran around Jerusalem was purposely wanted by the citizens, who wanted to conciliate the walking limitations of the Sabbath with their wish for air and sunshine, to be enjoyed in the open, and not only on roof-terraces of houses. But Jesus is not go­ing towards Herod’s Gate. On the contrary He turns his back to it, moving towards the town centre.

But He has only taken a few steps in the wider street, into which opens the little street where Joseph of Sephoris’ house is, when Judas of Kerioth draws His attention to a young man who is pro­ceeding towards them feeling his way by touching the wall with a stick, raising up his face deprived of eyes, in the gait typical of blind people. His garments are poor, although clean, and he must be well known to many people in Jerusalem, because more than one point him out, and some go towards him saying: «Man, you have lost your way today. You have already passed the Moria streets and you are in Bezetha.»

«I am not begging for alms today» replies the blind man with a smile, and still smiling he proceeds towards the northern part of the town.

510.2

«Master, look at him. His eyelids are sealed. Nay, I would say that he has no eyelids at all. His forehead is joined to his cheeks without any cavity and no eyeballs appear to be underneath. The poor fellow was born like that. And he will die like that without seeing even once the light of the sun or the face of a man. Now tell me, Master. He has certainly sinned to be punished so severely. But if he was born blind, as he definitely was, can he have sinned before being born? Perhaps his parents committed sin and God punished them by allowing him to be born thus?»

Also the other apostles and Isaac and Marjiam press around the Master to hear His reply. And two well-to-do men of Jerusalem who were a little behind the blind man, quicken their paces hastening towards Jesus, as if they were attracted by the height of the Master, Who towers above the crowd. There is also Joseph of Arimathea, who remains at a distance, and leaning against a main door raised on two steps, he looks around watching all the faces.

Jesus replies and His words are clearly heard in the silence which has been created: «Neither he nor his parents have sinned more than any man sins, and perhaps they have sinned less. Because poverty often refrains from sin. But he was born thus, so that once again the power and works of God may be revealed through him. I am the Light which has come to the world so that those of the world who have forgotten God, or have lost His spiritual image, may see and remember Him, and those who seek God, or already belong to Him, may be confirmed in their faith and love. The Father sent Me that I may complete the knowledge of God in Israel and in the world, in the time still granted to Israel. I, therefore, must accomplish the work of He Who sent Me testi­fying that I can do what He can, because I am one with Him, and the world may know and see that the Son is not different to the Father, and may believe in Me for what I am. Later the night will come when it will no longer be possible to work, and it will be dark, and those who have not engraved in themselves My sign and their faith in Me, will no longer be able to do so in the darkness confusion, sorrow, desolation and ruin, which will overwhelm these places and astonish spirits with the orgasm of anguish. But as long as I am in the world, I am Light and Witness, Word, Way and Life, Wisdom, Power and Mercy.

510.3

So go, meet the man born blind and bring him here to Me.»

«Will you go, Andrew. I want to stay here and see what the Master does» replies Judas pointing at the Master, Who has bent down on the dusty road, has spat on the ground and with His finger is mixing the dust with the spittle forming a pellet of mud. While Andrew, who is always obliging, goes to get the blind man, who is about to turn into the narrow street where the house of Joseph of Sephoris is, Jesus spreads the mud on both forefingers and remains thus, with His hands raised, as priests hold them at Holy Mass, at the Gospel or at the Epistle. Judas withdraws from his place saying to Matthew and Peter: “Since you are not very tall, come here and you will see better.» And he stands at the back, almost concealed by the sons of Alphaeus and by Bartholomew, who are tall.

Andrew comes back holding the blind man by the hand who is anxiously repeating: «I don’t want money. Let me go. I know where the man named Jesus is. And I am going to ask…»

«This is Jesus, He is here in front of you» says Andrew stopping in front of the Master.

Jesus contrary to His usual habit, does not ask the man anything. He at once spreads the little mud, which He has on His forefingers, on the closed eyelids and says: «And now go, as quick­ly as you can, to the Pool of Siloam, and do not stop to speak to anybody.»

The blind man, his face soiled with mud, remains perplexed for a moment and moves his lips to speak. He then closes them and obeys. His first steps are slow, as if he were pensive or disap­pointed. Then he quickens his pace, grazing the wall with his stick, walking faster and faster, as far as it is possible for a blind man, as if he felt being guided…

The two men of Jerusalem laugh sarcastically shaking their heads and go away. Joseph of Arimathea, and this amazes me, follows them without even a word of greeting to the Master, retracing his steps, that is, going towards the Temple, whilst he was coming from that direction. Thus, the blind man, the two men and Joseph of Arimathea go towards the southern part of the town while Jesus goes westwards and I lose sight of Him, because the Lord wants me to follow the blind man and his followers.

510.4

After passing through Bezetha they all enter the valley which lies between Moria and Zion – I think that in the past I heard it be­ing called Tyropoeon – they go along it as far as Ophel, they walk around it, they come out on the street leading to the Siloam Pool, always in the following order: first the blind man who must be well known in that quarter of common people, then the two men, last at some distance, Joseph of Arimathea.

Joseph stops near a poor house, and he is half-hidden by a box hedge that sticks out surrounding the little kitchen garden of the poor house. The two men instead go near the pool and watch the blind man who cautiously approaches the large pool and feeling the damp wall puts one hand into the cistern and withdraws it dripping water and washes his eyes once, twice, three times. At the third time he drops his stick and presses his face with the other hand uttering a cry which sounds like a painful one.

He then removes his hands slowly and his previous painful cry changes into a shout of joy: «Oh! Most High! I can see!». and he throws himself on the ground overwhelmed with emotion, his hands shielding his eyes and pressing his temples, anxious to see but troubled by the light, and he repeats: «I can see! I can see! So this is the earth! And this is the light! This is the grass which I knew only through its coolness…» He stands up and stoops, like one carrying a weight, his weight of joy, he goes to the stream of the overflowing water and looks at it flowing brightly and joyful­ly and he whispers: «And this is the water… There you are! That’s how I felt it with my fingers (he dips his hand into it) it is cold and cannot be held, but I did not know you… Ah! Beautiful! Beautiful! How beautiful everything is!» He looks up and sees a tree… he approaches it, touches it, stretches out a hand, draws a little branch to himself, looks at it and laughs, laughs, he screens his eyes with his hand and looks at the sky, at the sun, and two tears stream down from his virgin eyelids open to contemplate the world… And he lowers his eyes on the grass where a flower undulates on its stem and sees himself reflected in the water, and he looks at himself and says: «That’s how I am!» and he is amazed when he sees a dove come to drink a little farther away, and a little goat tearing off the last leaves of a wild rose bush, and a woman coming to the pool with a baby on her breast. And that woman reminds him of his mother, whose face is unknown to him and raising his arms towards the sky he shouts: «May You be blessed, Most High, because of light, because of my mother, because of Jesus!» and he runs away, leaving his now useless stick on the ground…

The two men have not waited to see all that. As soon as they realised that the man could see, they ran towards the town. Joseph instead remains until the end, and when the blind man – who is no longer blind – darts past him towards the labyrinth of lanes of the working-class neighbourhood of Ophel, he leaves his place and retraces his steps towards the town, looking very pensive…

510.5

The Ophel suburb, which is always very noisy, is now in a real turmoil: people are running in all directions, asking questions or replying to them.

«You may have mistaken him for somebody else…»

«No, I am sure. I spoke to him saying: “But is it really you Sidonia, nicknamed Bartholmai?”, and he replied: “It’s me”. I wanted to ask him how it happened, but he ran away.»

«Where is he now?»

«He is certainly with his mother.»

«Who has seen him?» ask some people who have just arrived. «I did. I did» reply many.

«But how did it happen?»

«… I saw him running without his stick, with two eyes in his face and I said: “Look! Bartholmai would be like that if… “»

«I tell you that I am still trembling. He came in shouting: “Mother, I see you!”.»

«A great joy for his parents. He will now be able to help his father and earn his food…»

«That poor woman! She was so overwhelmed with joy that she was not feeling well. Oh! There is one thing! I had gone to ask for some salt and…»

«Let us go and hear the man himself…»

Joseph of Arimathea is caught in the uproar and, I do not know whether out of curiosity or spirit of imitation, he follows the crowd and ends up in a blind alley, which would lead to the Kidron, if it continued. The people crowd there overcoming with their voices the rustling noise of the water of the torrent, swollen with the autumn rains. And Joseph arrives there when, from another lane joining with this one, the two men previously men­tioned come with three more: a scribe, a priest and another one whom I cannot identify by his garments. They elbow their way through the crowds arrogantly and they try to enter the house crammed with people.

The house consists of a large kitchen as black as tar, with a corner cut off by a rustic wooden partition, beyond which there is a couch and a door opening into another room with a bigger bed. Through a door on the opposite wall one can see a small kitchen garden only a few square metres large. That is all.

510.6

The cured blind man is speaking leaning on a table, replying to those asking him questions, all poor people like himself, the com­mon people of Jerusalem, of this suburb, which is perhaps the poorest in town. His mother is looking at him, standing beside him and is weeping drying her tears with her veil. His father, a man worn out by work, is rubbing his beard with a shaky hand.

It is impossible also for the overbearing Judaeans and doctors to go into the house and the five are compelled to listen to the words of the cured man outside.

«How were they opened? That man whose name is Jesus dirtied my eyes with some damp earth and He said to me: “Go and wash yourself in the pool of Siloam”. I went there, I washed myself, my eyes opened and I could see.»

«But how did you manage to find the Rabbi? You always said that you were unlucky, because you never met Him, not even when He used to pass here going to Jonah at Gethsemane. And to­day, now that one never knows where He is…»

«Eh! yesterday evening one of His disciples came and he gave me two coins saying: “Why don’t you try to see?”. I said to him: “I have tried. But I never find Jesus Who works miracles. I have been looking for Him since He cured Annaleah, a girl of my suburb, but if I come here, He is there…”, and he said to me: “I am one of His apostles and He does what I want. Come to Bezetha tomorrow and look for the house of Joseph the Galilean, the one who sells dried fish, Joseph of Sephoris, near Herod’s Gate and the arch in the square, on the eastern side, and you will notice that sooner or later He will be passing there or going into the house and I will mention you to the Master”. I said: “But tomorrow is the Sabbath”. I wanted to say that He would not do anything on a Sabbath. He replied to me: “If you want to be cured, that is the day, because afterwards we are leaving the town and you do not know whether you will ever meet Him again”. I said also: “I know that they are persecuting Him. I heard about it at the gates of the Temple enclosure, where I go to beg. So I say that now that they persecute Him, He will be less willing to be persecuted and He will not cure me on a Sabbath”. And he replied: “Do as I tell you and on a Sab­bath you will see the sun”. And I went. Who would not have gone, when one of His apostles says so? He also said to me: “I am the one to whom He listens most and I came specially because I feel sorry for you and because I want His power to be displayed brightly after they despised Him. You, who were born blind, will make it shine. I know what I am saying. Come and you will see”. And I went and I had not yet arrived at Joseph’s house, when a man took me by the hand, but by his voice I knew that he was not the man who spoke to me yesterday, and he said to me: “Come with me, brother” but I did not want to go, I thought he wanted to give me some bread and money, perhaps some clothes, and I repeatedly asked him to let me go, because I had heard where I could find the man named Jesus, and he said to me: “This is Jesus, here, in front of you”. But I could not see anything, because I was blind. I felt two fingers, covered with wet earth, touch me here and here, and I heard a voice say: “Go to the Siloam pool quickly and wash yourself and do not speak to anybody” and I did so. But I was down-hearted, because I was hoping to see at once, and I almost concluded that it was the joke of some heartless youngsters and I almost decided not to go. But I heard a kind of a voice within me say: “Hope and obey”, so I went to the pool and I washed myself and I could see.» And the young man stops ecstatically remember­ing the joy of his first vision…

510.7

«Let that man come out. We want to question him» shout the five men. The young fellow elbows his way through the crowd and goes to the door.»

«Where is He Who cured you?»

«I don’t know» replies the youth to whom a friend whispered: «They are scribes and priests.»

«What do you mean you do not know? You were saying just now that you knew. Do not lie to the doctors of the Law and to the priest! Woe to those who try to deceive the magistrates of the peo­ple!»

«I am not deceiving anybody. That disciple said to me: “He is in that house” and it was true because I was near it when I was taken by the hand and led to Him. But I don’t know where He is now. The disciple told me that they were going away. He may be already outside the gates.»

«But where was He going?»

«And what do I know about that?! Perhaps He is going to Galilee… considering how He is treated here!…»

«You disrespectful fool, be careful how you speak, you scum of the mob! I asked you which way did He go?»

«But how can you expect me to know, if I was blind? Can a blind man say which way another man is going?»

«All right. Come with us.»

«Where are you taking me?»

«To the chiefs of the Pharisees.»

«Why? What have they got to do with me? Did they perhaps cure me, and I have to thank them? When I was blind and I used to beg, my hands never felt one of their coins, my ears never heard a mer­ciful word of theirs, and my heart never felt their love. What shall I say to them? I have only one person to thank, in addition to my father and mother who have loved me, a poor wretch, for so many years. And that is Jesus Who cured me, loving me with His heart, as my parents loved me with theirs. I am not coming to the Pharisees. I am staying with my mother and father, enjoying the sight of their faces, while they delight in looking at my newly born eyes, so many springtimes after the one in which I was born but I did not see the light.»

«Stop chattering. Come and follow us.»

«No! I am not coming! Have you ever wiped a tear of my mother, depressed by my misfortune, or a bead of perspiration of my father, exhausted with work? I can do that now with my present appearance, and according to you I should leave them and follow you?»

«We order you to come. Orders are not given by you, but by the Temple and the chiefs of the people. If the pride of being cured blunts your mind so that you do not remember that we give orders, we will remind you. Come on! Go on!»

«But why must I come with you? What do you want of me?»

«We want you to give evidence of the fact. This is the Sabbath. The deed was accomplished on the Sabbath. It is to be recorded as a sin. A sin of yours and of that satan.».

«You are satans! You are sinners! And I should come and testify against Him Who helped me? You must be drunk! I will come to the Temple. To bless the Lord. But not more than that I have been, in the darkness of blindness for many years. But my closed eyelids obscured only my eyes. My intellect has seen the light just the same, by the grace of God, and it tells me that I must not harm the Only Holy One in Israel.»

«Man, that’s enough! Don’t you know that there are punishments for those who oppose the magistrates?»

«I know nothing. I am here and I am staying here. And you had better not injure me. You can see that the whole of Ophel is on my side!»

«Yes. Leave him alone! Jackals! He is protected by God. Don’t touch him! God is with the poor! God is with us, you profiteers and hypocrites!» The crowd shouts and threatens in one of those spon­taneous popular demonstrations which are the outbreak of in­dignation of humble people against their oppressors, or the explo­sion of love for their protectors. And they cry out: «Woe betide you if you injure Our Saviour! The Friend of the poor! The three times Holy Messiah. Woe to you! We were not afraid of the wrath of Herod or of the Chiefs, when we wanted. We are not afraid of yours, you old toothless hyenas! You jackals with blunt claws! You useless overbearing fellows! Rome does not want tumults and does not oppress the Rabbi, because He is peaceful. But Rome knows you. Go away! Away from the quarters of those whom you oppress with tithes exceeding their means, in order to have money and satisfy your hunger for pleasure and accomplish disgraceful negotiations. You are the descendants of Jason! The descendants of Simon! The torturers of the true Eleazars, of the holy Oniases[1]. You despisers of the prophets, go away!» The tumult becomes fiercer and fiercer.

510.8

Joseph of Arimathea, who is crushed against a little wall and so far has been a diligent but passive spectator of the events, climbs on the little wall with agility unforeseeable in an old man and what is more muffled in garments and a wide mantle, and stand­ing on the wall he shouts: «Silence, citizens. And listen to Joseph the Elder!»

One, two, ten heads turn around in the direction of the cry. They see Joseph. They shout his name. The Arimathean must be well known and must stand high in the people’s favour because the cries of indignation turn into shouts of joy: «Joseph the Elder is here! Long live Joseph! Peace and long life to the just man! Peace and blessings to the benefactor of the poor! Silence! Joseph is going to speak! Silence!»

The crowd becomes silent with some difficulty and for some moments the rustling of the Kidron can be heard beyond the lane. Everybody is now looking at Joseph, as they have all forgotten what made them look in the opposite direction: the five wretched improvident men who gave rise to the uproar.

«Citizens of Jerusalem, men of Ophel, why are you allowing yourselves to be blinded with suspicion and anger? Why lack respect and infringe the customs, since you have always been so faithful to the laws of our ancestors? What are you afraid of. Do you perhaps fear the Temple is a Molech who does not give back what he receives? Are you afraid that your judges are all blind, blinder than your friend, blind in their hearts and deaf to Justice? Is it not our custom that prodigious events are testified, written and kept by those who are responsible for the Chronicles of Israel. So also to honour the Rabbi Whom you love, let the miraculously cured man go up to the Temple to give evidence of the work He ac­complished. Are you still hesitant? Well I stand surety that no harm will befall Bartholmai. And you know that I do not lie. I will escort him up there like a son dear to me, and then I will bring him back here. Believe me. And do not turn the Sabbath into a day of sin by rebelling against your chiefs.»

«What he says is right! We must not do that. We can believe him. He is a just man. His voice is always predominant in the good resolutions of the Sanhedrin.» The people consult with one another and they end up shouting: «Yes, we will trust our friend to you!» They then address the young man: «Come! Be not afraid. With Joseph of Arimathea you are as safe as you would be with your father and even safer» and they open out so that the young man may go to Joseph, who has come down from his improvised pulpit, and while he passes by they say to him: «We are coming as well. Don’t be afraid!»

Joseph, in his beautiful sumptuous woollen clothes, lays one hand on the young man’s shoulder and sets out. The grey worn tunic of the young fellow, and his short mantle rub against the dark red wide tunic and the even darker sumptuous mantle of the old member of the Sanhedrin. Behind them there are the five men, then a large crowd from Ophel…

510.9

They are now at the Temple, after crossing the central streets, attracting the attention of many people who point out to one another the previously blind man saying: «It’s the blind fellow who used to beg! And now he has eyes! Perhaps it’s one like him. No. It’s certainly the same man and they are taking him to the Temple. Let’s go and see» and the train becomes longer and longer until they all disappear within the walls of the Temple:

Joseph leads the young man into a hall, which is not the Sanhedrin, where there are many Pharisees and scribes. Joseph goes in with Bartholmai and the five men follow them. The common people of Ophel are pushed back into the court.

«This is the man. I brought him here myself, because I was pres­ent, without being seen, at his meeting with the Rabbi and at his recovery. And I can tell you that it was completely accidental as far as the Rabbi is concerned. The man, you will hear this yourselves, was led or rather invited to go where the Rabbi was, by Judas of Kerioth, who is known to you. And I heard, and these two who were with me also heard because they were present, how Judas induced Jesus of Nazareth to work the miracle. I now testify here that if there is one who ought to be punished, it is neither the blind man nor the Rabbi, but the man from Kerioth who – God sees whether I am lying in saying what I think – is the only one responsible for what happened, as he provoked it with deliberate manoeuvre. That is my statement.»

«What you state does not cancel the fault of the Rabbi. If one of His disciples sins, the Master must not commit sin. And He sinned by curing this man on a Sabbath. He accomplished a servile work.»

«To spit on the ground is not a servile work. And to touch the eyes of another person is not a servile work either. I am touching the man as well, but I do not think that I am committing a sin.»

«He worked a miracle on the Sabbath. That’s why He sinned.»

«To honour the Sabbath by means of a miracle is a grace of God and a sign of His bounty. It is His day. Can the Almighty not celebrate it with a miracle that makes His power shine brightly?»

«We are not here to listen to you. You are not accused. We want to question that man.

510.10

It’s for you to reply. How did you get your eyesight?»

«I have explained that and these people heard me. The disciple of that Jesus said to me yesterday: “Come and I will have you cured”. And I came. And I felt some mud being put here and I heard a voice say to me to go to the Siloam pool and wash myself. And I did it and now I see.»

«But do you know who cured you?»

«Of course I do! Jesus. I told you.»

«But do you know exactly who Jesus is?»

«I know nothing. I am poor and ignorant. And up to a short time ago I was blind. I know that. And I know that He cured me. And if He was able to do that, God is certainly with Him.»

«Don’t blaspheme! God cannot be with those who do not keep the Sabbath» shout some.

But Joseph and the Pharisees Eleazar, John and Joachim remark: «Neither can a sinner work such prodigies.»

«Have you been seduced as well by that possessed man?»

«No. We are just. And we say that if God cannot be with those who work on the Sabbath, neither can man make a fellow born blind see without the help of God» says Eleazar calmly, and the others nod in assent.

«Are you forgetting about the demon?» shout the evil-minded enemies irritably.

«I cannot believe, neither you believe, that the demon may work a deed capable of making one praise the Lord» says John the Pharisee.

«And who is praising Him?»

«This young man, his relatives, the whole of Ophel, and I with them, and with me all those who are just and God fearing in a holy way» replies Joseph.

The evil-minded ones, now held up to ridicule, not knowing what to object, assail Sidonia nicknamed Bartholmai: «What do you say of Him Who opened your eyes?»

«As far as I am concerned He is a prophet. And He is greater than Elijah with the son of the widow of Zarephath. Because Elijah brought the soul back into the boy. But this Jesus has given me what I had never lost, because I never had it: my eyesight. And if He made my eyes in a flash with nothing, except a little mud, whilst my mother had not been able to make them in nine months with flesh and blood, He must be as great as God Who made man with mud.»

«Go away! Go away! You blasphemer. Liar! Corrupted!» and they eject him as if he were possessed.

510.11

«The man is lying. It cannot be true. Everybody knows that a person born blind cannot be cured. It must be one like Bartholmai, and the Nazarene has prepared him… or… Bartholmai has never been blind.»

Upon hearing such an astonishing statement Joseph of Arimathea bursts out: «It is known since the days of Cam that hatred blinds people. But that it makes them fools was not yet known. Do you think it credible that a man may reach maturity pretending that he is blind, just to wait for… a probable and very remote clamorous event? Or that Bartholmai’s parents do not recognise their son or that they lend themselves to this deception?»

«Money can do everything. And they are poor.»

«The Nazarene is poorer than they are.»

«You are lying! Sums worthy a Satrap pass through His hands!»

«But don’t stay there for a moment. That money is for the poor. It is used for a good purpose, not for falsehood.»

«How you defend Him! And you are one of the Elders!».

«Joseph is right. The truth is to be told whatever the office a man may hold» says Eleazar.

510.12

«Go and call the blind man back. Make haste and bring him here again. And let others go to his parents and bring them here» shouts Helkai opening the door and giving orders to some people waiting outside. And his mouth is almost covered with foam, so much is he choking with anger.

Some people run here, some there. The first to come back is Sidonia nicknamed Bartholmai, who is surprised and annoyed. They push him into a corner watching him as a pack of hounds gaze at game… Later, after some time, his parents arrive surrounded by a crowd.

«You two come in. All the others out!»

The two go in looking frightened. They see their son in the cor­ner, unharmed, but under arrest. His mother moans: «Son! And this was to be a happy day for us!»

«Listen to us. Is that man your son?» asks one of the Pharisees rudely.

«Of course he is our son! And who would it be if it were not him?»

«Are you really certain?»

The father and mother are so amazed at the question, that they look at each other before replying.

«Answer my question!»

«Noble Pharisee, do you think that a father and a mother may be deceived with regard to their child?» says the father humbly. «But… can you swear that… Yes, that for no amount of money you have been asked to say that this is your son whereas he is one like him?»

«Asked to say? And by whom? Swear? Yes, a thousand times in the name of the altar and in the Name of God, if you wish so!» His assertion is so resolute that it would discourage the most pig­headed person.

But the Pharisees are not disheartened’ They ask: «But was your son not born blind?»

«Yes, he was. His eyelids were closed and there was nothing under them…»

«How come he can now see, he has eyes and his eyelids are open? You are not going to tell me that eyes grow just like that, like flowers at springtime, and that an eyelid opens just like the calyx of a flower!…» says another Pharisee laughing sarcastically.

«We know that this man has really been our son for almost thirty years and that he was born blind, but we do not know how he can now see or who opened his eyes. In any case, ask him. He is not an idiot or a little boy. He is well on in age. Ask him and he will tell you.»

«You are lying. In your house he said how he was cured and by whom. Why do you say that you do not know?» shouts one of the two men who had always followed the blind man.

«We were so dumbfounded with amazement that we did not listen to him» the two reply apologetically.

510.13

The Pharisees turn to Sidonia nicknamed Bartholmai saying: «Come here. And give glory to God, if you can! Don’t you know that He Who touched your eyes is a sinner? Don’t you know? Well, you had better know. We are telling you because we know.»

«Who knows! It may well be as you say. I don’t know whether He is a sinner or not. I only know that previously I was blind, and now I can see, and quite clearly.»

«But what did He do to you? How did He open your eyes?»

«I have already told you and you did not listen to me. Now you want to hear it all over again? Why? Do you want to become His disciples?»

«Fool! You can be the disciple of that man. We are the disciples of Moses. And we know everything about Moses and that God spoke to him. But of this man we know nothing, where He comes from and who He is, and no prodigy of Heaven points Him out as a proph­et.»

«And that is just what is wonderful! That you do not know where He comes from and you say that no prodigy points Him out as a just man. But He opened my eyes and none of us in Israel had ever been able to do that, not even the love of a mother and the sacrifices of my father. But there is one thing that we all know, both you and I, that is, that God does not hear sinners, but only those who fear God and do His will. In no part of the world it has ever been heard that anyone was able to open the eyes of a man born blind, but this Jesus has done that. If He did not come from God, He would not have been able to do it.»

«You were born a sinner through and through and you are as disfigured in your spirit as you were in your body and even more so, and you pretend to teach us? Go away, cursed abortion and become a demon with your seducer. Go away, all of you, foolish sinful populace!» and they eject the son, father and mother, as if they were three lepers.

510.14

The three go away quickly, followed by their friends. But when he is outside the enclosure, Sidonia turns around and says: «And you can stay where you are, and say what you like. The truth is that I see and I praise God for it. You may be demons, not the Good One Who cured me.»

«Be quiet, son! Be quiet! Lest it should be detrimental to us!…» moans his mother.

«Oh! mother! Has the air in that hall poisoned your soul, as you used to teach me to praise God in my misfortune, and now you can­not thank Him in our joy and you are afraid of men? If God has loved me and you so much as to grant us the miracle, will He not be able to defend us from a handful of men?»

«Our son is right, woman. Let us go to our synagogue to praise the Lord, since they have driven us out of the Temple. And let us go at once before the Sabbath is over…»

And hastening their paces they disappear in the lanes in the valley.


Notes

  1. Jason… Simon… Eléazar… Onias… : se reporter à 2 M 4-6.
  2. Moloch est le nom d’une idole à qui on immolait en sacrifice des enfants, en les passant par le feu, au nom du sacrifice même, devenu proverbial. Il s’agissait d’un culte pécheur, condamné en Lv 18, 21 ; 20, 1-5 ; Dt 12, 31. Il en est fait mention en 2 R 16, 3 ; 23, 10 ; 2 Ch 33, 6 ; Jr 32, 35 ; Ez 16, 21. Dans la mention que nous rencontrerons en 555.7, le culte idolâtre de Baal et d’Astarté y est associé. En ce qui le concerne, nous renvoyons à Jg 2, 11-13 ; 6, 25-32 ; 10, 6 ; 1 R 11, 5.33 ; 18, 16-29 ; 2 R 10, 18-28 ; 23, 4-5.13 ; 2 Ch 33, 3 ; Os 11, 2.

Notes

  1. Jason… Simon… Eleazars… Oniases…, from: 2 Maccabees 4-6.