Tout le monde est déjà debout dans la maison de Marie, femme de Jacob, bien que le jour se lève à peine. Je suppose que c’est un jour de sabbat, car je vois les apôtres, habituellement en mission. Les uns et les autres s’activent à faire de grands préparatifs de feu et d’eau chaude, à tamiser la farine ou à pétrir le pain pour aider Marie. La vieille femme est très agitée, d’une agitation de fillette, et, tout en travaillant énergiquement, elle demande à l’un ou l’autre :
« C’est vraiment pour aujourd’hui ? Est-ce que les autres pièces sont prêtes ? Vous êtes sûrs qu’elles ne sont pas plus de sept ? »
Pierre, qui est en train d’écorcher un agneau pour le préparer à la cuisson, lui répond pour tous :
« Elles devaient être ici avant le sabbat, mais peut-être que les femmes n’étaient pas encore prêtes et ont ainsi pris du retard. Mais elles vont sûrement arriver aujourd’hui. J’en suis bien content ! Le Maître est sorti ? Il est peut-être allé à leur rencontre…
– Oui, il est sorti avec Jean et Samuel en direction de la route de la Samarie centrale, répond Barthélemy, qui sort avec un broc rempli d’eau bouillante.
– Dans ce cas, nous pouvons être certains qu’elles approchent. Lui, il sait toujours tout, déclare André.
– Je voudrais savoir pourquoi tu ris ainsi : qu’est-ce qu’il y a de risible dans ce que dit mon frère ? demande Pierre, qui a remarqué le ricanement de Judas, inoccupé dans son coin.
– Ce n’est pas ton frère qui me fait rire. Vous êtes tous heureux, et je peux bien l’être moi aussi, et rire même sans raison. »
Pierre le regarde en montrant clairement ce qu’il en pense, mais il retourne s’occuper de son travail.
« Voilà ! J’ai réussi à trouver une branche fleurie, même si ce n’est pas de l’amandier, comme je l’aurais souhaité. Mais à l’époque où l’amandier n’a pas de fleurs, Marie elle-même prend d’autres branches, et elle se contentera de la mienne » dit Jude qui rentre, dégoulinant de rosée comme s’il était allé dans les bois, une gerbe de branches fleuries dans les bras.
C’est un miracle de blancheur humide de rosée qui paraît éclairer et embellir la cuisine.
« Qu’elles sont belles ! Où les as-tu trouvées ?
– Chez Noémi. Je savais que son verger est tardif, à cause de la tramontane qui ralentit son développement, et je suis monté là-haut.
– C’est pour cela que tu ressembles à un arbre des forêts. Les gouttes de rosée brillent dans tes cheveux et ont trempé tes vêtements.
– Le sentier était humide comme s’il avait plu. Ce sont déjà les rosées abondantes des plus beaux mois. »
Jude s’éloigne avec ses fleurs et, quelque temps plus tard, appelle son frère pour qu’il l’aide à les disposer.
« Je viens. Moi, je m’y connais. Femme, n’as-tu pas quelque amphore au col élancé, si possible en terre rouge ? demande Thomas.
– J’ai ce que tu cherches, et aussi d’autres vases… Ceux qui servaient les jours de fêtes… pour les noces de mes enfants ou à quelque autre occasion importante. Si tu attends que je mette ces fouaces au four, un instant, je viens t’ouvrir le coffre où se trouvent mes plus beaux objets… Ah ! il y en a peu désormais, après tant de malheurs ! Mais j’en ai gardé quelques-uns pour… me rappeler… et souffrir, car si ce sont aussi des souvenirs joyeux, maintenant ils font pleurer car ils font revivre ce qui est fini.
– Alors il aurait mieux valu que personne ne les réclame. Je ne voudrais pas que ce soit comme à Nobé. Tant de préparatifs pour rien… dit Judas.
– Je te dis qu’un groupe de disciples nous a avertis ! Veux-tu qu’ils aient rêvé ? Ils ont parlé avec Lazare. Il les a envoyés en avant exprès. Ils venaient ici pour prévenir qu’avant le sabbat la Mère de Jésus allait arriver avec Lazare, son char, et les femmes disciples.
– En attendant, elles ne sont toujours pas là…