The Writings of Maria Valtorta

566. A Ephraïm, le jour de l’arrivée de Marie avec Lazare et les femmes disciples.

566. In Ephraim, the day of the arrival of the Holy Mother, Lazarus and the women disciples. The character of Pilate.

566.1

Tout le monde est déjà debout dans la maison de Marie, femme de Jacob, bien que le jour se lève à peine. Je suppose que c’est un jour de sabbat, car je vois les apôtres, habituellement en mission. Les uns et les autres s’activent à faire de grands préparatifs de feu et d’eau chaude, à tamiser la farine ou à pétrir le pain pour aider Marie. La vieille femme est très agitée, d’une agitation de fillette, et, tout en travaillant énergiquement, elle demande à l’un ou l’autre :

« C’est vraiment pour aujourd’hui ? Est-ce que les autres pièces sont prêtes ? Vous êtes sûrs qu’elles ne sont pas plus de sept ? »

Pierre, qui est en train d’écorcher un agneau pour le préparer à la cuisson, lui répond pour tous :

« Elles devaient être ici avant le sabbat, mais peut-être que les femmes n’étaient pas encore prêtes et ont ainsi pris du retard. Mais elles vont sûrement arriver aujourd’hui. J’en suis bien content ! Le Maître est sorti ? Il est peut-être allé à leur rencontre…

– Oui, il est sorti avec Jean et Samuel en direction de la route de la Samarie centrale, répond Barthélemy, qui sort avec un broc rempli d’eau bouillante.

– Dans ce cas, nous pouvons être certains qu’elles approchent. Lui, il sait toujours tout, déclare André.

– Je voudrais savoir pourquoi tu ris ainsi : qu’est-ce qu’il y a de risible dans ce que dit mon frère ? demande Pierre, qui a remarqué le ricanement de Judas, inoccupé dans son coin.

– Ce n’est pas ton frère qui me fait rire. Vous êtes tous heureux, et je peux bien l’être moi aussi, et rire même sans raison. »

Pierre le regarde en montrant clairement ce qu’il en pense, mais il retourne s’occuper de son travail.

« Voilà ! J’ai réussi à trouver une branche fleurie, même si ce n’est pas de l’amandier, comme je l’aurais souhaité. Mais à l’époque où l’amandier n’a pas de fleurs, Marie elle-même prend d’autres branches, et elle se contentera de la mienne » dit Jude qui rentre, dégoulinant de rosée comme s’il était allé dans les bois, une gerbe de branches fleuries dans les bras.

C’est un miracle de blancheur humide de rosée qui paraît éclairer et embellir la cuisine.

« Qu’elles sont belles ! Où les as-tu trouvées ?

– Chez Noémi. Je savais que son verger est tardif, à cause de la tramontane qui ralentit son développement, et je suis monté là-haut.

– C’est pour cela que tu ressembles à un arbre des forêts. Les gouttes de rosée brillent dans tes cheveux et ont trempé tes vêtements.

– Le sentier était humide comme s’il avait plu. Ce sont déjà les rosées abondantes des plus beaux mois. »

Jude s’éloigne avec ses fleurs et, quelque temps plus tard, appelle son frère pour qu’il l’aide à les disposer.

« Je viens. Moi, je m’y connais. Femme, n’as-tu pas quelque am­phore au col élancé, si possible en terre rouge ? demande Thomas.

– J’ai ce que tu cherches, et aussi d’autres vases… Ceux qui servaient les jours de fêtes… pour les noces de mes enfants ou à quelque autre occasion importante. Si tu attends que je mette ces fouaces au four, un instant, je viens t’ouvrir le coffre où se trouvent mes plus beaux objets… Ah ! il y en a peu désormais, après tant de malheurs ! Mais j’en ai gardé quelques-uns pour… me rappeler… et souffrir, car si ce sont aussi des souvenirs joyeux, maintenant ils font pleurer car ils font revivre ce qui est fini.

– Alors il aurait mieux valu que personne ne les réclame. Je ne voudrais pas que ce soit comme à Nobé. Tant de préparatifs pour rien… dit Judas.

– Je te dis qu’un groupe de disciples nous a avertis ! Veux-tu qu’ils aient rêvé ? Ils ont parlé avec Lazare. Il les a envoyés en avant exprès. Ils venaient ici pour prévenir qu’avant le sabbat la Mère de Jésus allait arriver avec Lazare, son char, et les femmes disciples.

– En attendant, elles ne sont toujours pas là…

566.2

– Vous qui avez vu cet homme, dites-moi : est-ce qu’il ne fait pas peur ? demande la vieille femme en s’essuyant les mains à son tablier après avoir confié ses fouaces à Jacques, fils de Zébédée, et à André pour qu’ils les portent au four.

– Peur ? Pourquoi ?

– Eh ! un homme qui revient de chez les morts ! »

Elle est bouleversée.

« Sois tranquille, mère. Il est en tout comme nous, répond Jacques, fils d’Alphée, pour la réconforter.

– Veille plutôt à ne pas bavarder avec les autres femmes : que tout Ephraïm ne vienne pas nous ennuyer, lance impérieusement Judas.

– Je n’ai jamais parlé imprudemment depuis que vous êtes ici, ni aux habitants de la ville ni aux pèlerins. J’ai préféré passer pour une sotte plutôt que me montrer savante et déranger le Maître ou lui causer du tort. Et je saurai me taire aujourd’hui encore. Viens, Thomas… »

Et elle sort pour aller prendre ses trésors cachés.

« La vieille est épouvantée à l’idée qu’elle va voir un ressuscité, ricane Judas.

– Ce n’est pas la seule. Les disciples m’ont dit qu’à Nazareth les gens étaient tout agités, et de même à Cana et à Tibériade. Quelqu’un qui revient de la mort, après quatre jours de tombeau, ne se rencontre pas aussi facilement que des marguerites au printemps. Nous aussi, nous étions bien pâles quand il est sorti du tombeau ! Mais ne pourrais-tu pas travailler au lieu de rester planté là à faire des commentaires ? Tout le monde est affairé, et il y a encore tant de choses à préparer… Puisqu’on peut le faire aujourd’hui, va au marché, et achète ce qu’il faut. Ce que nous avons pris n’est pas suffisant maintenant qu’elles viennent, et nous n’avions pas le temps de retourner faire des courses en ville. Nous aurions été bloqués là où nous étions par le coucher du soleil. »

Judas appelle Matthieu qui rentre dans la cuisine bien rangée, et ils sortent ensemble.

566.3

Simon le Zélote, bien habillé, pénètre à son tour dans la pièce et s’exclame :

« Ce Thomas ! C’est vraiment un artiste ! Avec un rien, il a orné la salle comme pour un repas de noces. Allez voir. »

Tout le monde, excepté Pierre qui est en train de finir son travail, court pour aller admirer. Pierre dit :

« J’ai hâte qu’elles soient ici. Marziam sera peut-être avec elles. Dans un mois, c’est la Pâque, donc il sera sûrement déjà parti de Capharnaüm ou de Bethsaïde.

– Je me réjouis de la venue de Marie, à cause du Maître. Elle le réconfortera mieux que n’importe qui, et il en a besoin, lui répond Simon.

– Oh oui ! Mais as-tu remarqué comme Jean, lui aussi, est triste ? Je l’ai questionné, mais en vain. Malgré sa douceur, il est plus ferme que nous tous, et s’il ne veut rien dire, rien ne le fera parler. Mais je suis sûr qu’il sait quelque chose. On dirait l’ombre du Maître, il le suit toujours, il ne le quitte pas des yeux. Et il répond à ton regard par un sourire qui ferait fondre un tigre. Mais quand il ne se sent pas observé, son visage devient tout triste. Essaie de le questionner, toi. Il t’aime beaucoup, et il te sait plus prudent que moi…

– Ne crois pas cela ! Tu es devenu pour tous un exemple de prudence. On ne reconnaît plus en toi le vieux Simon. Tu es vraiment la pierre qui, par sa robustesse et sa carrure compacte, nous soutient tous.

– Mais tais-toi donc ! Je suis un pauvre homme. Bien sûr… à rester tant d’années avec Lui, on devient un peu comme Lui. Un peu… très peu, mais nous sommes déjà très différents de ce que nous étions. Et cela vaut pour tous… non, ce n’est pas exact, malheureusement.

566.4

Judas est toujours le même, ici comme à “ La Belle Eau ”…

– Dieu veuille qu’il soit toujours le même !

– Quoi ? Qu’est-ce que tu entends par là ?

– Tout et rien, Simon, fils de Jonas. Si le Maître m’entendait, il me dirait : “ Ne juge pas. ” Mais ce n’est pas juger, c’est craindre. Je crains que Judas ne devienne pire qu’à “ La Belle Eau ”.

– Il est certain qu’il a empiré, bien qu’il soit toujours le même. Il devrait en effet avoir changé, avoir grandi en justice, mais il est toujours pareil. Il a donc sur le cœur le péché de paresse spirituelle, qu’alors il n’avait pas. Les premiers temps… il était fou, oui, mais plein de bonne volonté… Mais, dis-moi : à ton avis, que signifie la décision du Maître d’envoyer Samuel avec nous et de rassembler tous les disciples, autant que faire se peut à Jéricho, pour la néoménie de Nisan ? Il avait d’abord annoncé que Samuel resterait ici… il avait aussi défendu de révéler où il se trouvait, lui. Je soupçonne quelque chose…

– Non, j’y reconnais une logique, pour moi c’est clair. Désormais, on ne sait par qui ni comment, la nouvelle de la présence du Maître ici est connue de toute la Palestine. Tu vois que des pèlerins et des disciples sont venus de Cédés à Engaddi, de Joppé à Bozra. Il est, par conséquent, inutile de garder plus longtemps le secret. En outre, la Pâque approche et il est certain que le Maître veut avoir les disciples avec lui, pour son retour à Jérusalem. Le Sanhédrin prétend, tu l’as entendu, qu’il est un vaincu et qu’il a perdu tous ses disciples. Et il lui répond en entrant en ville à leur tête…

– J’ai peur, Simon, terriblement peur… Tu as entendu, n’est-ce pas ? Tous, même les hérodiens, se sont unis contre lui…

– Eh oui ! Que Dieu nous aide !

– Et pourquoi envoie-t-il Samuel avec nous ?

– Sûrement pour le préparer à sa mission. Je ne vois pas de raison de s’agiter…

566.5

On frappe ! Ce sont certainement les femmes disciples ! »

Pierre se débarrasse de son tablier taché de sang et il suit, en courant, Simon le Zélote, qui s’est précipité à la porte de la maison. Tous ceux qui se trouvent dans la maison débouchent de partout en criant :

« Les voilà ! Les voilà ! »

Mais, une fois la porte ouverte, leur déception à la vue d’Elise et de Nikê est si manifeste que les deux disciples demandent :

« Il est arrivé quelque chose ?

– Non ! Non ! Mais nous croyions que… c’étaient Marie et les femmes disciples de Galilée… répond Pierre.

– Ah ! et vous voilà contrariés ! Nous, en revanche, nous sommes très heureuses de vous voir et d’apprendre que Marie ne va pas tarder d’arriver, dit Elise.

– Contrariés, non… Déçus, voilà ! Mais venez ! Entrez ! Paix à nos bonnes sœurs ! »

Jude les salue au nom de tous.

« A vous aussi. Le Maître n’est pas là ?

– Il est parti avec Jean à la rencontre de Marie. On sait qu’elle arrive par la route de Sichem, sur le char de Lazare » explique Simon le Zélote.

Elles entrent dans la maison, pendant qu’André s’occupe de l’ânon d’Elise. Nikê est venue à pied. Elles parlent des événements de Jérusalem, demandent des nouvelles des amis et des disciples… d’Annalia, de Marie et de Marthe, du vieux Jean de Nobé, de Joseph, de Nicodème, de tant d’autres…

566.6

L’absence de Judas permet de parler en paix et librement.

Elise, en femme âgée et expérimentée qui, au temps de Nobé, a été en contact avec Judas et le connaît donc bien — elle avoue même ouvertement “ ne l’aimer que pour l’amour de Dieu ” —, s’informe pour savoir s’il est à la maison, séparé des autres par quelque caprice, et c’est seulement quand elle est sûre qu’il est sorti pour faire les courses, qu’elle parle de ce qu’elle sait. Elle raconte “ qu’à Jérusalem, tout semble calme, qu’on n’interroge même plus les disciples connus, et qu’on murmure tout bas cette raison : Pilate aurait donné de la voix contre les membres du Sanhédrin, pour leur rappeler que c’est lui seul qui est chargé de rendre la justice en Palestine, et qu’ils doivent mettre fin à leurs agissements. ”

Et Nikê ajoute :

« Pourtant, on dit aussi — notamment Manahen mais aussi d’autres avec lui, et surtout une femme, Valéria — que Pilate a beau être las de ces soulèvements qui tiennent le pays dans l’agitation et peuvent lui valoir des ennuis, il est néanmoins impressionné par l’insistance avec laquelle les juifs lui insinuent que Jésus vise à se proclamer roi. On ajoute que, s’il n’y avait pas les rapports concordants et favorables des centurions et surtout l’influence de sa femme, il finirait par punir le Christ, peut-être par l’exil, pour ne plus avoir d’ennuis.

– Il ne manquerait plus que cela ! Il serait bien capable de le faire ! C’est pour les Romains la peine la plus légère, et la plus employée après la flagellation. Imaginez-vous : Jésus seul, je ne sais où, et nous dispersés çà et là… s’exclame Simon le Zélote.

– Dispersés… c’est toi qui le dis ! Moi, on ne me disperse pas ! Je marche à sa suite… s’écrie Pierre.

– Oh ! Simon ! Peux-tu avoir l’illusion qu’ils te laisseraient faire ? Ils t’attachent comme un galérien et t’emmènent là où ça leur plaît, sur les galères ou dans une de leurs prisons, et toi, tu ne peux plus le suivre ton Maître » lui dit Barthélemy.

Pierre s’entortille les cheveux, perplexe, découragé.

« Nous allons en parler à Lazare. Lazare se rendra ouvertement chez Pilate. Pilate le verra sûrement avec plaisir, car les païens aiment voir les êtres extraordinaires… préconise Simon le Zélote.

– Il y est certainement allé avant son départ, et Pilate n’aura plus envie de le voir ! répond Pierre d’un air abattu.

– Alors il s’y rendra en tant que fils de Théophile, ou bien il accompagnera sa sœur Marie chez les dames. Elles étaient amies quand… bref, quand Marie était pécheresse…

566.7

– Savez-vous que Valéria est devenue prosélyte après le divorce de son mari ? Je parle sérieusement ! Elle mène une vie de juste qui est un exemple pour beaucoup d’entre nous. Elle a affranchi ses esclaves et les instruit tous dans le vrai Dieu. Elle avait pris une maison dans Sion. Mais maintenant que Claudia est venue, elle est retournée chez elle…

– Alors !…

– Non, dit Nikê. Elle m’a déclaré : “ Quand Jeanne vient, je l’accompagne. Mais maintenant je veux convaincre Claudia ”… Il semble que Claudia n’arrive pas à dépasser les limites de sa croyance dans le Christ. Pour elle, c’est un sage, rien de plus… Il paraît même que, avant d’arriver en ville, elle a été quelque peu troublée par les bruits qu’on a fait courir et qu’elle a dit, l’air sceptique : “ C’est un homme comme nos philosophes, et pas des meilleurs, car sa parole ne correspond pas à sa vie ”, et qu’elle a eu des… des… en somme, elle s’est permis des mots qu’elle n’aurait pas dits, auparavant.

– Il fallait s’y attendre ! Des âmes païennes ! Ouais ! Il peut y en avoir une bonne… Mais les autres !… Elles ne valent rien, c’est de l’ordure ! s’exclame sentencieusement Barthélemy.

– Et Joseph ? demande Jude.

– Lequel ? Celui de Séphoris ? Il a une peur ! Ah ! Il y a eu votre frère Joseph. A peine arrivé, il est reparti, en passant toutefois par Béthanie, pour conseiller aux sœurs d’empêcher à tout prix le Maître d’entrer en ville et d’y séjourner. J’étais là, et j’ai entendu. C’est ainsi que j’ai appris que Joseph de Séphoris a eu beaucoup d’ennuis, et qu’il a très peur. Votre frère l’a chargé de se tenir au courant de ce qu’on complote au Temple. Joseph peut le savoir par l’intermédiaire de ce parent qui est marié, je ne sais si c’est avec la sœur ou la nièce de sa femme, et qui est employé au Temple, dit Elise.

566.8

– Que de peurs ! Désormais, quand nous monterons à Jérusalem, j’enverrai mon frère chez Hanne. Je pourrais y aller, moi aussi, car je connais bien ce vieux renard. Mais Jean sait mieux s’y prendre. Et Hanne l’aimait bien autrefois, quand on écoutait les paroles de ce vieux loup, en le prenant pour un agneau ! J’enverrai Jean. Lui saura supporter même des insultes sans réagir. Moi… s’il me déclarait anathème du Maître, ou même seulement que je suis anathème parce que je l’aime, je sauterais sur ce vieil enflé, je l’attrapperais par le cou et le tordrais comme on essore un filet. Je lui ferais rendre l’âme sournoise qui l’habite ! Même s’il était entouré de tous les soldats du Temple et des prêtres !

– Oh ! si le Maître t’entendait parler ainsi ! s’exclame André, scandalisé.

– C’est bien parce qu’il n’est pas là que je le dis !

– Tu as raison ! Tu n’es pas seul à le vouloir. Je le veux moi aussi, déclare Pierre.

– Moi aussi, et je ne parle pas seulement d’Hanne, affirme Jude.

– Ah ! pour cela, moi j’en… servirais plusieurs. J’ai une longue liste… Ces trois carcasses de Capharnaüm — j’exclus Simon le pharisien, qui me paraît passablement bon —, ces deux loups d’Esdrelon, ce vieux sac d’os qu’est Chanania, et puis… un mas­sacre, je vous dis, un massacre à Jérusalem, et en tête de tous Elchias. Je n’en peux plus de voir toutes ces vipères aux aguets ! »

Pierre bouillonne de colère.

Jude prend la parole avec un calme glacial encore plus impressionnant que s’il était furieux comme Pierre :

« Et moi, je t’aiderais. Mais… je commencerais peut-être par enlever les vipères qui se trouvent à côté de nous.

– Qui ? Samuel ?

– Non, non ! Samuel n’est pas le seul à être près de nous. Il y en a tant qui montrent un certain visage mais ont une âme différente de ce qu’ils laissent paraître ! Je ne les perds pas de vue, jamais. Je veux être sûr avant d’agir. Mais quand je le serai… Le sang de David est chaud, et celui de Galilée aussi. Je les ai en moi, tous les deux, en lignée paternelle et maternelle.

– Il suffit que tu me le dises, et je t’aide… déclare Pierre.

– Non. La vengeance du sang regarde les parents, c’est donc moi qui suis concerné. »

566.9

Soudain, Elise, qui pleurait doucement depuis quelque temps, intervient :

« Mes enfants ! Mes enfants ! Ne parlez pas ainsi ! Ce n’est pas ce qu’enseigne le Maître ! Vous ressemblez à des lionceaux furieux au lieu d’être les agneaux de l’Agneau ! Abandonnez cet esprit de vengeance. L’époque de David est passée depuis longtemps ! Les lois du sang et du talion sont supprimées par le Christ. Il conserve les dix commandements immuables, mais les autres dures lois mosaïques, il les abroge. De Moïse restent les commandements de pitié, d’humanité et de justice, résumés et perfectionnés par notre Jésus dans son plus grand commandement : “ Aimer Dieu de tout son être, aimer le prochain comme soi-même, pardonner à ceux qui nous offensent, aimer nos ennemis. ” Ah ! pardonnez-moi, si moi, qui suis une femme, j’ai osé enseigner à mes frères, et vous êtes plus grands que moi ! Mais je suis une vieille mère, et une mère peut toujours parler. Croyez-moi, mes enfants ! Si vous appelez Satan en vous avec dans votre cœur de la haine pour les ennemis, avec un désir de vengeance, il entrera en vous pour vous corrompre. Satan n’est pas une force, soyez-en sûr. La force, c’est Dieu. Satan est faiblesse, il est fardeau, il est torpeur. Vous ne saurez plus remuer un doigt, non contre les ennemis, mais pas même pour faire une caresse à notre Jésus tellement affligé, si la haine et la vengeance vous tiennent dans leurs chaînes. Oui, mes enfants, tous mes enfants ! Même vous qui avez mon âge, et davantage peut-être. Vous êtes tous des enfants pour une femme qui vous aime, pour une mère qui a retrouvé la joie de pouvoir l’être en vous aimant tous comme des fils. Ne me donnez pas l’angoisse de perdre une nouvelle fois des fils chéris, et pour toujours ; car si vous mourez dans la haine ou dans le crime, vous êtes morts pour l’éternité et nous ne pourrons plus nous réunir là-haut, dans la joie, autour de notre commun amour : Jésus. Promettez-moi ici, maintenant, à moi qui vous en supplie, à une pauvre femme, à une pauvre mère, de ne plus jamais avoir de telles pensées. Ah ! c’est jusqu’à votre visage qui est défiguré. Vous me paraissez des inconnus, vous n’êtes plus les mêmes ! Comme la haine vous enlaidit ! Vous étiez si doux ! Mais qu’arrive-t-il donc ? Ecoutez-moi ! Marie vous dirait les mêmes paroles, avec plus de puissance, car c’est Marie ; mais il vaut mieux qu’elle ne connaisse pas toute la douleur… Oh ! pauvre Mère ! Mais qu’arrive-t-il ? Dois-je donc vraiment croire que déjà se lève l’heure des ténèbres, l’heure qui engloutira tout, l’heure où Satan sera le roi en tous, sauf chez le Saint, et dévoiera même les saints, même vous, en vous rendant lâches, parjures, cruels comme il l’est ? Ah ! jusqu’à présent, j’ai toujours espéré ! J’ai toujours dit : “ Les hommes ne triompheront pas contre le Christ. ” Mais maintenant… maintenant je crains et je tremble pour la première fois ! Sur ce ciel serein d’Adar, je vois s’allonger et envahir la grande Ténèbre dont le nom est Lucifer, je la vois vous plonger tous dans la nuit et faire pleuvoir des poisons qui vous rendent malades. Oh ! j’ai peur ! »

Elise s’abandonne alors, la tête sur la table près de laquelle elle est assise, et elle sanglote douloureusement.

566.10

Les apôtres se regardent d’un air affligé, puis ils s’efforcent de la réconforter. Mais elle ne veut pas de leur réconfort et le leur fait savoir :

« Une seule chose a de la valeur à mes yeux : votre promesse. C’est pour votre bien ! Pour qu’aux souffrances de Jésus ne s’ajoute pas la plus grande : celle de vous voir damnés, vous, ses bien-aimés.

– Mais oui, Elise. Si tu le veux ! Ne pleure pas, femme ! Nous te le promettons. Ecoute : nous ne lèverons pas le petit doigt sur qui que ce soit. Nous ne regarderons même pas, pour ne pas voir. Ne pleure pas ! Ne pleure pas ! Nous pardonnerons à ceux qui nous offensent. Nous aimerons ceux qui nous haïssent ! Allons ! Ne pleure pas. »

Elise lève son visage ridé où brillent des larmes, et elle dit :

« Souvenez-vous-en. Vous me l’avez promis ! Répétez votre promesse !

– Nous te le promettons, femme.

– Mes chers fils ! Maintenant, vous me plaisez ! Je vous retrouve bons. Maintenant que mon angoisse est apaisée, et que vous êtes redevenus purs, après cet amer levain, préparons-nous à recevoir Marie. Qu’est-ce qu’il reste à faire ? demande-t-elle en finissant de sécher ses yeux.

– Vraiment… Nous avions veillé à tout, à la manière des hommes. Mais Marie, femme de Jacob, nous a aidés. C’est une Samaritaine, mais elle est très bonne. Tu vas la voir. Elle est au four en train de surveiller le pain. Elle est seule. Ses enfants sont morts ou oublieux, ses richesses évanouies, et pourtant elle n’a pas de rancune…

– Ah ! vous voyez ! Vous voyez qu’il y en a qui savent pardonner, même chez les païens, les Samaritains ? Et ce doit être terrible, sachez-le, de devoir pardonner à un fils !… Mieux vaut être mort que pécheur !…

566.11

Etes-vous sûrs que Judas n’est pas là ?

– A moins d’être devenu un oiseau, c’est impossible, car les fe­nêtres sont ouvertes, mais les portes sont fermées, excepté celle-ci.

– Alors… La mère de Judas s’est rendue à Jérusalem, avec quelqu’un de sa parenté. Elle est allée offrir des sacrifices au Temple, puis elle est venue chez nous. On dirait une martyre. Elle est d’une tristesse… ! Elle m’a demandé, elle nous a demandé à toutes, si nous ne savions rien de son fils : s’il était avec le Maître, s’il y était toujours resté avec lui…

– Qu’a-t-elle, cette femme ? s’étonne André.

– Elle a son fils. Tu ne penses pas que cela suffit ? répond Jude.

– Je l’ai réconfortée. Elle a voulu retourner au Temple avec nous. Nous y sommes allées toutes ensemble pour prier… Puis elle est repartie, toujours aussi angoissée. Je lui ai dit : “ Si tu restes avec nous, nous allons bientôt trouver le Maître. Ton fils est auprès de lui. ” Elle savait déjà que Jésus est ici. Cela s’est su jusqu’aux confins de la Palestine. Elle m’a répondu : “ Non, non ! Le Maître m’a recommandé de ne pas être à Jérusalem au printemps. J’obéis, mais j’ai voulu, avant l’époque de son retour, monter au Temple. J’ai un tel besoin de Dieu ! ” Et elle a ajouté une étrange parole : “ Je suis innocente, mais j’ai l’enfer en moi, et il me torture ”… Nous l’avons longuement interrogée, mais elle n’a pas voulu en dire davantage, ni sur ses tortures, ni sur la raison de l’interdiction de Jésus. Elle nous a prié de ne parler de tout cela ni à Jésus ni à Judas.

– Pauvre femme ! Elle ne sera donc pas ici à la Pâque ? demande Thomas.

– Non.

– Si Jésus le lui a imposé, c’est qu’il a ses raisons… Vous avez entendu, hein ! On sait vraiment partout que Jésus est ici ! s’exclame Pierre.

– Oui. L’homme qui le révélait appelait au rassemblement en son nom pour se soulever “ contre les tyrans ”, aux dires de certains. D’autres prétendaient que le Maître est ici parce qu’il se sait démasqué…

– Toujours les mêmes raisons ! Ils doivent avoir dépensé tout l’or du Temple pour envoyer partout leurs émissaires » remarque André.

566.12

On frappe à la porte.

« Les voici ! » s’écrient-ils en courant ouvrir.

Mais c’est Judas qui revient avec ses achats, suivi de Matthieu. A la vue d’Elise et Nikê, Judas les salue en demandant :

« Etes-vous seules ?

– Seules. Marie n’est pas encore arrivée.

– Elle ne vient pas des régions du midi, donc elle ne peut avoir fait route avec vous. Je voulais savoir si Anastasica était venue.

– Non. Elle est restée à Bet-Çur.

– Pourquoi ? Elle aussi est disciple. Ignores-tu donc que c’est d’ici que nous partirons à Jérusalem pour la Pâque ? Elle devrait être ici. Si les femmes disciples et les fidèles ne sont pas parfaits, qui le sera ? Qui escortera le Maître, pour détruire la légende que tous l’ont abandonné ?

– S’il s’agit de cela, ce ne sera pas une pauvre femme qui comblera les vides ! Les roses sont à leur place parmi les épines et dans les jardins clos. Je lui sers de mère et je le lui ai imposé.

– Alors, elle sera absente pour la Pâque ?

– Effectivement.

– Et de deux ! s’écrie Pierre.

– Que dis-tu ? Qui sont ces deux ? demande Judas, toujours soupçonneux.

– Rien, rien ! Un calcul. On peut compter tant de choses, n’est-ce pas ? Même les… mouches, par exemple, qui se posent sur mon agneau écorché. »

Marie, femme de Jacob, rentre, suivie de Samuel et de Jean qui portent les pains sortis du four. Elise salue la femme et Nikê l’imite. Elise a une douce parole pour mettre tout de suite la femme à son aise :

« Nous sommes sœurs dans la douleur, Marie. Moi aussi, je suis seule, car j’ai perdu mon époux et mes fils, et Nikê est veuve. Nous nous aimerons donc, car il faut avoir pleuré pour comprendre. »

566.13

Pendant ce temps, Pierre interroge Jean :

« Comment donc es-tu ici ? Et le Maître ?

– Sur le char, avec sa Mère.

– Et tu ne le disais pas ?

– Tu ne m’en as pas donné le temps ! Elles sont toutes là, mais vous verrez comme Marie de Nazareth est changée ! Elle semble avoir pris des années. Lazare m’a rapporté que la nouvelle que Jésus était réfugié ici l’avait remplie d’angoisse.

– Pourquoi le lui a-t-il dit, cet imbécile ? Avant de mourir, il était intelligent. Mais peut-être que dans le tombeau son cerveau s’est écrabouillé et ne s’est pas reconstruit. On ne reste pas mort impunément !… ironise Judas sur un ton méprisant.

– Mais non ! Pour parler, attends de savoir ! Lazare de Béthanie l’a appris à Marie quand déjà ils étaient en route, car elle s’étonnait de le voir prendre cette route, intervient sévèrement Samuel.

– Oui. A son premier passage à Nazareth, il a seulement dit : “ Je te conduirai chez ton Fils d’ici un mois. ” Il ne lui a même pas révélé : “ Nous allons à Ephraïm ” au moment de partir… ajoute Jean.

– Tout le monde sait que Jésus se trouve ici. Elle était donc la seule à l’ignorer ? demande toujours impoliment Judas en interrompant son compagnon.

– Marie le savait. Elle l’avait entendu dire, mais comme un fleuve de toutes sortes de mensonges coulait en charriant de la boue à travers la Palestine, elle ne tenait aucune nouvelle pour vraie. Elle se consumait en silence, dans la prière. Mais une fois qu’ils furent en voyage, Lazare avait pris le chemin qui longe le fleuve pour désorienter les Nazaréens et tous les habitants de Cana, de Sephoris, de Bethléem de Galilée…

– Ah ! il y a aussi Noémi avec Myrta et Aurea ? demande Thomas.

– Non, elles en ont eu l’interdiction de la part de Jésus. C’est Isaac qui leur a porté cet ordre à son retour en Galilée.

– Alors… ces femmes, elles aussi, ne seront pas avec nous comme l’an passé.

– En effet.

– Et de trois !

– Ni nos femmes ni nos filles. Le Maître le leur a ordonné avant de quitter la Galilée, ou plutôt il l’a répété. Car ma fille Marianne m’a rapporté que Jésus l’avait dit dès la dernière Pâque.

– Mais… très bien ! Il y a au moins Jeanne ? Salomé ? Marie, femme d’Alphée ?

– Oui, et Suzanne aussi.

– Et certainement Marziam…

566.14

Mais qu’est-ce que ce tapage ?

– Les chars ! Les chars ! Et tous les Nazaréens qui ne se sont pas donnés pour battus et ont suivi Lazare… et ceux de Cana… » répond Jean, qui s’éloigne en courant avec les autres.

Par la porte ouverte, un spectacle tumultueux s’offre à la vue. Il y a là Marie, assise auprès de son Fils, les femmes disciples, Lazare, Jeanne qui est sur son char avec Marie et Mathias, Esther et d’autres serviteurs ainsi que le fidèle Jonathas, mais aussi une foule de gens : des visages connus, d’autres inconnus, de Nazareth, de Cana, de Tibériade, de Naïm, d’En-Dor. Et des Samaritains de tous les villages situés sur le parcours et d’autres localités voisines. Ils se précipitent devant les chars, obstruant le passage de ceux qui veulent sortir comme de ceux qui veulent entrer.

« Mais que désirent ces gens ? Pourquoi sont-ils venus ? Com­ment ont-ils su ?

– Eh ! ceux de Nazareth étaient aux aguets. Quand ils ont vu Lazare arriver le soir pour repartir au matin, ils ont couru pendant la nuit dans les villes voisines ; ceux de Cana en ont fait autant, car Lazare était passé pour prendre Suzanne et rencontrer Jeanne, et ils l’ont suivi et précédé pour voir Jésus et Lazare. De même, quand les Samaritains l’ont appris, ils les ont rejoints. Et les voilà tous !… explique Jean.

– Dis-moi, toi qui avais peur que le Maître n’ait pas d’escorte, celle-là te paraît-elle suffisante ? demande Philippe à Judas.

– Ils sont venus pour Lazare…

– Ils auraient pu repartir après l’avoir vu, mais ils sont restés jusqu’ici. C’est signe qu’il y en a encore qui viennent pour le Maître.

– Bien. Ne faisons pas de discours inutiles. Cherchons plutôt à leur faire place pour leur permettre d’entrer. Allons, mes garçons ! Il faut nous remettre à l’exercice ! Il y a longtemps que nous n’avions pas joué des coudes pour frayer la route au Maître ! »

Et Pierre est le premier à tenter d’ouvrir un passage à travers la foule qui crie des hosannas, curieuse, dévouée, bavarde selon les cas. Cela fait, avec l’aide des autres et de disciples nombreux qui, disséminés dans la foule, cherchent à se joindre aux apôtres, il maintient vide un espace pour que les femmes puissent se réfugier dans la maison ainsi que Jésus et Lazare. Une fois entré en dernier, il bloque la porte avec des verrous et des barres, et envoie les autres fermer du côté du jardin.

566.15

« Ouf ! La paix soit avec toi, Marie bénie ! Je te revois enfin ! Maintenant tout est beau, puisque tu es parmi nous ! » s’exclame Pierre, qui la salue en se courbant jusqu’à terre.

Marie a le visage visage triste, pâle et fatigué, déjà le visage de l’Affligée.

« Oui, tout maintenant est moins douloureux puisque je suis auprès de Jésus.

– Je t’avais assuré que je ne te disais que la vérité ! déclare Lazare.

– Tu as raison… Mais le soleil s’est obscurci pour moi, et toute paix a disparu quand j’ai su que mon Fils était ici… J’ai compris… Ah ! »

D’autres larmes coulent sur ses joues pâles.

« Ne pleure pas, Maman ! Ne pleure pas ! J’étais ici parmi ces braves gens, près d’une autre Marie qui est une mère… »

Jésus la conduit vers une pièce qui ouvre sur le jardin tranquille. Tous les suivent.

Lazare s’excuse :

« J’ai été obligé de la renseigner, car elle connaissait la route et ne comprenait pas pourquoi je faisais ce détour. Elle le croyait chez moi à Béthanie… En outre, à Sichem un homme a crié : “ Allons nous aussi à Ephraïm, chez le Maître. ” Aucune excuse ne me fut plus possible… J’espérais prendre les devants sur cette foule en partant de nuit par des chemins insolites. Mais pas moyen ! Ils montaient partout la garde, et pendant qu’un groupe me suivait, un autre allait dans les environs pour prévenir. »

566.16

Marie, femme de Jacob, apporte du lait, du miel, du beurre et du pain frais et les offre à Marie pour commencer. Elle regarde Lazare par en dessous, un peu curieuse, un peu craintive, et sa main a une secousse quand, en donnant du lait à Lazare, elle l’effleure ; elle ne peut retenir un cri de surprise quand elle le voit manger sa fouace comme tous les autres.

Lazare est le premier à en rire en disant, sur un ton affable, distingué et plein d’assurance, comme tous les hommes de grande naissance :

« Oui, femme, je mange tout comme toi, et j’aime ton pain et ton lait. Et ton lit me plaira certainement, car je sens la lassitude comme je sens la faim. »

Il se tourne vers les autres pour ajouter :

« Beaucoup de gens me touchent sans prétexte pour sentir si je suis en chair et en os, si j’ai de la chaleur et si je respire. C’est un peu ennuyeux, et une fois ma mission finie, je me retirerai à Béthanie. Si je restais près de toi, Maître, je susciterais trop de distractions. J’ai brillé, j’ai témoigné de ta puissance jusqu’en Syrie. Maintenant, je m’éclipse. Toi seul dois resplendir dans le ciel du miracle, dans le ciel de Dieu, et en présence des hommes. »

Marie, pendant ce temps, s’adresse à la vieille mère :

« Mon Fils m’a dit à quel point tu as été bonne pour lui. Per­mets-moi de t’embrasser pour te montrer que je t’en suis recon­naissante. Je n’ai rien pour te récompenser, excepté mon amour. Je suis pauvre, moi aussi… et je puis même dire que je n’ai plus de Fils, car c’est à Dieu et à sa mission qu’il appartient… Je souhaite d’ailleurs qu’il en soit toujours ainsi, car tout ce que Dieu veut est saint et juste. »

Marie est douce, mais comme elle est déjà brisée… Tous les apôtres la regardent avec pitié, jusqu’à en oublier de penser à tous ceux qui manifestent dehors et de demander des nouvelles de leurs parents qui habitent au loin.

Mais Jésus intervient :

« Je monte sur la terrasse pour congédier les gens et les bénir. »

566.17

Alors Pierre se réveille :

« Mais où est Marziam ? J’ai vu tous les disciples, sauf lui.

– Il n’est pas là, répond Marie Salomé, la mère de Jacques et de Jean.

– Il n’est pas là ? Pourquoi ? Il est malade ?

– Non. Il va bien, et ta femme aussi va bien. Mais Porphyrée ne l’a pas laissé venir.

– Quelle femme stupide ! Dans un mois, c’est la Pâque, et il lui faudra bien venir pour la Pâque ! Elle pouvait le lui permettre dès maintenant, et faire cette joie à Marziam et à moi. Mais elle est plus lente à comprendre qu’une brebis et…

– Jean et Simon-Pierre, et toi aussi Lazare avec Simon le Zélote, venez avec moi. Quant aux autres, restez là où vous êtes, jusqu’à ce que j’aie congédié les gens et mis les disciples à part » ordonne Jésus.

Après être sorti avec les quatre hommes, il ferme la porte, traverse le couloir et la cuisine et arrive dans le jardin, suivi de Pierre, qui bougonne, et des autres. Mais avant de poser le pied sur la terrasse, il s’arrête dans l’escalier, et se tourne pour poser une main sur l’épaule de Pierre, qui lève la tête d’un air mécontent.

« Ecoute-moi bien, Simon-Pierre, et cesse d’accuser Porphyrée et de lui faire des reproches. Elle est innocente. Elle obéit à un ordre de moi. C’est moi qui lui ai commandé, avant les Tabernacles, de ne pas faire venir Marziam en Judée…

– Mais la Pâque, Seigneur ?

– Je suis le Seigneur, comme tu le dis bien. Et en tant que tel, je peux demander ce que je veux, car tout ordre de moi est juste. Par conséquent, ne te laisse pas troubler par des scrupules. Te souviens-tu de ce qui est écrit[1] dans les Nombres ? “ Si quelqu’un dans votre nation se trouve impur du fait d’un mort, ou est en voyage au loin, il célébrera la Pâque du Seigneur le quatorzième jour du second mois, vers le soir. ”

– Mais Marziam n’est pas impur, j’espère du moins que Porphyrée ne songe pas à mourir justement maintenant, et il n’est pas en voyage… objecte Pierre.

– Peu importe. C’est ma volonté. Certaines choses rendent plus impur qu’un mort. Marziam… je ne veux pas qu’il se contamine. Laisse-moi faire, Pierre. Je sais. Sois capable d’obéir, comme ton épouse et Marziam lui-même. Nous ferons avec lui la seconde Pâque, au quatorzième jour du second mois. Et nous serons très heureux alors. Je te le promets. »

Pierre fait un geste comme pour dire : “ Résignons-nous ”, mais il ne répond rien.

566.18

Simon le Zélote remarque :

« II vaut mieux que tu cesses de compter ceux qui seront absents à la Pâque en ville !

– Je n’ai plus envie de compter. Tout cela me fait… froid… Les autres peuvent-ils savoir ?

– Non. C’est exprès que je vous ai pris à part.

– Alors… j’ai aussi quelque chose à dire en particulier à Lazare.

– Parle. Si je le peux, je te répondrai, dit Lazare.

– Même si tu ne me réponds pas, peu m’importe. Il me suffit que tu ailles trouver Pilate — l’idée est de ton ami Simon — et que, en parlant de choses et d’autres, tu lui fasses révéler ses intentions au sujet de Jésus, en bien ou en mal… Tu sais… adroitement… Car on colporte tant d’histoires !…

– Je le ferai, dès mon arrivée à Jérusalem. Je passerai par Béthel et Rama plutôt que par Jéricho sur ma route vers Béthanie, je séjournerai dans mon palais de Sion, et j’irai chez Pilate. Sois tranquille, Pierre, car je serai adroit et sincère.

– Et tu perdras du temps pour rien, mon ami. Car Pilate — tu le connais comme homme, moi je le connais comme Dieu — n’est qu’un roseau qui ploie sous le vent, en essayant d’y échapper. Il ne manque jamais de sincérité, car il est toujours convaincu qu’il veut agir, et il fait ce qu’il dit à ce moment-là. Mais peu après, sous l’effet d’un vent contraire, il oublie — oh ! ce n’est pas qu’il manque à ses promesses et à sa volonté — il oublie tout simplement ce qu’il voulait auparavant. Le cri d’une volonté plus forte que la sienne lui enlève, comme en soufflant dessus, le souvenir des idées qu’un autre cri y avait mises, et lui en inspire d’autres. Il doit aussi tenir compte de son épouse, qui menace de se séparer de lui s’il ne fait pas ses quatre volontés — or une fois séparé d’elle, adieu toute sa force, toute protection auprès du “ divin ” César, comme ils disent, même s’ils sont convaincus que ce César est plus abject qu’eux… Mais, en l’homme, ils savent reconnaître l’Idée, or l’Idée surpasse l’homme qui la représente, et on ne peut dire d’elle qu’elle est impure : il est juste que, comme tout citoyen, il aime sa patrie, qu’il veuille son triomphe… Or César, c’est la Patrie… et voilà comment un misérable est… un grand homme, grâce à ce qu’il représente…

Mais je ne voulais pas parler de César, mais de Pilate ! Car, au-dessus de toutes ces voix, depuis celle de son épouse jusqu’à celle des foules, il y a son moi. Le petit ego d’un petit homme, l’ego avide de l’homme avide, l’ego orgueilleux de l’homme orgueilleux. Cette petitesse, cette avidité, cet orgueil veulent régner pour être grands, avoir beaucoup d’argent et dominer une foule de sujets que l’obéissance fait plier. La haine couve par dessous, mais notre petit César appelé Pilate ne s’en rend pas compte… Il ne voit que les dos courbés qui feignent d’obéir et de trembler devant lui, ou qui le font réellement. Et à cause de cette voix tempétueuse de son ego, il est prêt à tout. Je dis bien : à tout, pourvu qu’il continue à être Ponce Pilate, le Proconsul, le serviteur de César, le Dominateur de l’une des nombreuses régions de l’Empire. Il s’ensuit que, même s’il est aujourd’hui mon défenseur, demain il sera mon juge… inexorable. La pensée de l’homme est toujours indécise, mais elle est souverainement indécise quand cet homme s’appelle Ponce Pilate. Mais toi, Lazare, tu peux satisfaire Pierre… Si cela doit le consoler…

– Consoler non, mais… me calmer un peu, oui…

– Alors fais ce plaisir à notre bon Pierre, et va voir Pilate.

– J’irai, Maître. Mais tu as dépeint le Proconsul comme aucun historien ou philosophe n’aurait pu le faire. Le tableau est parfait !

– Je pourrais aussi bien dépeindre tout homme avec sa véritable effigie : son caractère.

566.19

Mais allons trouver ces gens qui font beaucoup de bruit. »

Il monte les dernières marches et se présente. Il lève les bras et dit d’une voix forte :

« Hommes de Galilée et de Samarie, mes disciples et vous qui me suivez : votre amour, le désir de m’honorer et d’honorer ma Mère et mon ami, en escortant leur char, m’indique quel est votre état d’esprit. Je ne puis que vous bénir pour cela. Néanmoins, retournez à vos maisons, à vos affaires. Vous qui venez de Galilée, partez et dites à ceux qui sont restés là-bas que Jésus de Nazareth les bénit. Hommes de Galilée, nous nous verrons pour la Pâque à Jérusalem, où j’entrerai le lendemain du sabbat précédant la Pâque. Hommes de Samarie, partez vous aussi, et sachez ne pas borner votre amour pour moi à me suivre et me chercher sur les routes de la terre, mais sur celles de l’esprit. Allez, et que la Lumière brille en vous. Disciples du Maître, séparez-vous des fidèles en restant à Ephraïm pour recevoir mes instructions. Allez. Obéissez.

– Il a raison ! Nous le dérangeons. Il veut rester avec sa Mère ! s’écrient les disciples et les Nazaréens.

– Nous allons partir, mais auparavant, nous voulons qu’il nous promette de venir à Sichem avant la Pâque. A Sichem ! A Sichem !

– J’y viendrai. Allez. Je viendrai avant de monter pour la Pâque à Jérusalem.

– Non, n’y va pas ! Reste avec nous ! Avec nous ! Nous te défendrons ! Nous te ferons Roi et Pontife ! Eux te haïssent ! Nous, nous t’aimons ! A bas les juifs ! Vive Jésus !

– Silence ! Arrêtez ce vacarme ! Ma Mère souffre de ces cris qui peuvent davantage me nuire qu’une voix qui me maudirait. Mon heure n’est pas encore venue. Partez. Je passerai par Sichem, mais enlevez de votre cœur la pensée que je puisse, par quelque basse lâcheté humaine et par une révolte sacrilège contre la volonté de mon Père, ne pas accomplir mon devoir d’israélite, en adorant le vrai Dieu dans l’unique Temple où l’on puisse l’adorer, et de Messie, en prenant la couronne ailleurs qu’à Jérusalem, où je serai oint Roi universel selon la parole et la vérité vue par les grands prophètes[2].

– A bas ! Il n’y a pas d’autre prophète après Moïse ! Tu es un rêveur.

– Et vous aussi. Etes-vous libres, peut-être ? Non. Comment s’appelle Sichem ? Quel est son nouveau nom ? Car il en est d’elle comme de beaucoup d’autres villes de Samarie, de Judée ou de Ga­lilée — le mangonneau romain nous met tous au même niveau. S’appelle-t-elle donc Sichem ? Non, mais Neapolis, comme Bet-Shéan s’appelle Scythopolis et comme beaucoup d’autres villes par la volonté des Romains ou celle de leurs vassaux flatteurs, ont pris le nom imposé par la domination ou la flatterie. Et vous, chacun en particulier, vous voudriez être plus qu’une ville, plus que nos maîtres, plus que Dieu ? Non, rien ne peut changer ce qui a été fixé pour le salut de tous. Moi, je suis la voie droite. Suivez-moi, si vous voulez entrer avec moi dans le Royaume éternel. »

566.20

Il est sur le point de se retirer, mais les Samaritains font un tel vacarme que les Galiléens réagissent ; et en même temps, ceux qui étaient à l’intérieur de la maison accourent dans le jardin, puis sur l’escalier et sur la terrasse. Le premier visage à apparaître derrière Jésus, c’est celui, pâle, triste et angoissé de Marie. Elle embrasse son Fils et le serre contre elle comme si elle voulait le défendre des injures qui montent d’en bas :

« Tu nous as trahis ! Tu t’es réfugié chez nous pour nous faire croire que tu nous aimais, alors qu’ensuite tu nous méprises ! Méprisés, nous le serons encore davantage par ta faute ! »… et ainsi de suite.

S’approchent aussi de Jésus les femmes disciples, les apôtres et en dernier, apeurée, Marie, femme de Jacob. Les cris d’en-bas expliquent l’origine du tumulte, origines lointaines, mais certaines :

« Pourquoi nous as-tu envoyé tes disciples nous apprendre que tu es persécuté ?

– Je n’ai envoyé personne. Voici là-bas ceux de Sichem. Qu’ils s’avancent. Que leur ai-je dit un jour sur la montagne ?

– C’est vrai. Il nous a dit qu’il ne peut être qu’adorateur dans le Temple aussi longtemps que le temps nouveau ne sera pas venu pour tous. Maître, nous ne sommes pas coupables, crois-le bien. Ils ont été trompés par de faux envoyés.

– Je le sais. Et maintenant, partez. Je viendrai quand même à Sichem. Je n’ai peur de personne. Mais allez-vous-en, pour ne pas vous nuire à vous-mêmes et à ceux de votre sang. Voyez-vous là-bas luire au soleil les cuirasses des légionnaires qui descendent la route ? Ils vous ont certainement suivis à distance à la vue d’une telle escorte. Ils sont restés dans les bois à attendre. Vos cris maintenant les attirent ici. Partez pour votre bien. »

Effectivement, au loin, sur la grande route que l’on voit s’élever vers les montagnes, celle sur laquelle Jésus avait trouvé l’affamé, on voit briller des clartés mouvantes qui avancent. Les gens se dispersent lentement. Il reste ceux d’Ephraïm, les Galiléens, les disciples.

« Vous aussi, habitants d’Ephraïm et de Galilée, rentrez chez vous. Obéissez à celui qui vous aime ! »

Eux aussi s’en vont.

566.21

Seuls restent les disciples que Jésus ordonne de faire entrer dans le jardin et dans la maison. Pierre et d’autres descendent ouvrir. Mais pas Judas. Il ricane :

« Maintenant, tu vas voir comment les “ bons Samaritains ” vont te détester ! Pour construire le Royaume, tu disperses les pierres, et les pierres écartées d’une construction deviennent des armes pour frapper. Tu les as méprisés ! Ils ne l’oublieront pas.

– Qu’ils me détestent. Ce n’est pas par peur de leur haine que j’éviterai d’accomplir mon devoir. Viens, Mère. Allons dire aux disciples ce qu’ils doivent faire avant que je ne les congédie. »

Accompagné de Marie et de Lazare, il descend l’escalier pour entrer dans la maison où s’entassent les disciples venus à Ephraïm. Il leur donne l’ordre de s’éparpiller partout pour prévenir tous leurs compagnons qu’ils doivent être à Jéricho pour la néoménie de Nisan et attendre son arrivée. Il leur demande aussi d’avertir les habitants des endroits où ils passeront qu’il allait quitter Ephraïm et de leur dire qu’ils doivent le chercher à Jérusalem pour la Pâque.

Puis il les répartit en groupes de trois et confie à Isaac, Hermas et Etienne, le nouveau disciple — Samuel — qu’Etienne salue ainsi :

« La joie de te voir dans la lumière tempère mon angoisse de constater que tout devient pierre pour le Maître. »

Et Hermas, de son côté, lui dit :

« Tu as quitté un homme pour un Dieu. Désormais, Dieu est vraiment avec toi. »

Humble et réservé, Isaac se contente de lui souhaiter :

« Que la paix soit avec toi, mon frère. »

Une fois consommés le pain et le lait que les habitants d’Ephraïm ont offerts, avec une bonne intention, les disciples aussi prennent la route. Voici enfin la paix…

566.22

Mais pendant qu’on prépare l’agneau, Jésus est encore occupé. Il va trouver Lazare et lui dit :

« Viens avec moi le long du torrent. »

Lazare obéit avec sa promptitude habituelle.

Ils s’éloignent de la maison d’environ deux cents mètres. Lazare se tait en attendant que Jésus parle. Et Jésus s’explique :

« Voici ce dont je voulais te faire part : ma Mère est très abattue, tu le vois. Fais venir ici tes sœurs. Moi, en réalité, je vais pousser vers Sichem avec tous les apôtres et les femmes disciples. Mais je les enverrai ensuite en avant, à Béthanie, pendant que je m’arrêterai quelque temps à Jéricho. Je peux encore oser garder avec moi des femmes ici, en Samarie, mais pas ailleurs…

– Maître ! Tu crains vraiment…Ah ! s’il en est ainsi, pourquoi m’as-tu ressuscité ?

– Pour avoir un ami.

– Oh ! si c’est pour cela, alors, me voici. Toute douleur n’est rien pour moi, si je puis te réconforter par mon amitié.

– Je le sais. C’est pour cela que je me sers de toi et que je me servirai de toi comme du plus parfait ami.

– Dois-je réellement aller trouver Pilate ?

– Oui, si tu veux. Mais pour Pierre, pas pour moi.

– Maître, je te tiendrai au courant… Quand quittes-tu cet endroit ?

– D’ici huit jours. J’aurai à peine le temps d’aller où je veux, puis d’arriver chez toi avant la Pâque, pour refaire mes forces à cette oasis de paix qu’est Béthanie, avant de me plonger dans le tumulte de Jérusalem.

– Tu sais, Maître, que le Sanhédrin est bien décidé à créer des accusations — étant donné qu’il n’y en a pas — pour t’obliger à fuir pour toujours ? Je le tiens de Jean, le membre du Sanhédrin, que j’ai rencontré par hasard à Ptolémaïs, heureux du nouvel enfant qui va bientôt naître. Il m’a dit : “ Je regrette cette décision du Sanhédrin. Car j’aurais voulu que le Maître soit présent à la circoncision du bébé, que j’espère être un garçon. Il doit naître dans les premiers jours de Tamuz. Mais le Maître sera-t-il encore parmi nous à cette époque ? Et j’aurais souhaité… qu’il puisse bénir le petit Emmanuel — et ce nom te dit ce que je pense — à son entrée dans le monde. Car mon fils — bienheureux sera-t-il — n’aura pas à lutter pour croire, comme nous le devons. Il grandira dans le temps messianique, et il lui sera facile d’en accepter l’idée. ” Jean est arrivé à croire que tu es le Promis.

– Lui seul, parmi tant de personnes, me dédommage de ce que les autres ne font pas. Lazare, saluons-nous ici, dans la paix. Et merci pour tout, mon ami. Tu es un ami véritable. Avec dix hommes qui te ressembleraient, il serait encore doux de vivre au milieu de tant de haine…

– Tu as maintenant ta Mère, mon Seigneur. Elle vaut cent Lazare. Mais rappelle-toi bien que je te procurerai tout ce dont tu peux avoir besoin, si cela m’est possible. Ordonne, et je serai ton serviteur, en toute chose. Je ne serai pas sage, ni saint comme d’autres qui t’aiment, mais tu ne trouveras personne de plus fidèle que moi, excepté Jean. Je ne crois pas être orgueilleux en disant cela.

566.23

Et maintenant que nous avons parlé de toi, je dois t’entretenir de Syntica. Je l’ai vue. Elle est active et sage comme seule une Grecque, qui a pu venir à ta suite, peut l’être. Elle souffre d’être au loin, mais elle dit qu’elle est heureuse de préparer ton chemin. Elle espère te revoir avant de mourir.

– Elle me reverra assurément. Je ne déçois jamais les espérances des justes.

– Elle dirige une petite école très fréquentée par des fillettes de toutes provenances. Mais, le soir, elle prend avec elle quelque pauvre gamine de sang mêlé et n’appartenant donc à aucune religion, et elle les instruit sur toi. Je lui ai demandé : “ Pourquoi ne te fais-tu pas prosélyte ? Cela t’aiderait beaucoup. ” Elle m’a répondu : “ Parce que je ne veux pas me consacrer au peuple d’Israël, mais aux autels vides qui attendent un Dieu. Je les prépare à recevoir mon Seigneur. Puis, une fois son Règne établi, je rentrerai dans ma patrie et, sous le ciel de l’Hellade, je finirai ma vie en préparant les cœurs aux maîtres. C’est mon rêve. Mais si je meurs auparavant de maladie ou sous la persécution, je partirai tout aussi heureuse, car ce sera signe que j’ai accompli mon travail, et qu’il appelle à lui sa servante, qui l’a aimé dès la première rencontre.

– C’est vrai. Syntica m’a réellement aimé dès la première rencontre.

– Je voulais lui taire à quel point tu es tourmenté. Mais Antioche résonne comme un coquillage de toutes les rumeurs du vaste empire de Rome, donc de ce qui se passe ici. Par conséquent, Syntica n’ignore pas tes peines, et elle en souffre encore plus que d’être au loin. Elle voulait me donner de l’argent. J’ai refusé en lui conseillant de s’en servir pour les fillettes. Mais j’ai pris un couvre-chef qu’elle a tissé avec de la soie de deux grosseurs. C’est ta Mère qui l’a. Syntica a voulu dessiner avec le fil ton histoire, la sienne et celle de Jean d’En-Dor. Et sais-tu comment ? En tissant tout autour du carré une bordure représentant un agneau qui défend deux colombes contre une bande de hyènes. L’une d’elles a les ailes brisées et l’autre a rompu la chaîne qui la tenait attachée. Et l’histoire se poursuit en alternant, jusqu’au vol vers les hauteurs de la colombe aux ailes brisées, et la prison volontaire de l’autre aux pieds de l’agneau. On dirait une de ces histoires que les sculpteurs grecs retracent dans le marbre sur les festons des temples et sur les stèles de leurs morts, ou encore que les peintres peignent sur les vases. Elle voulait te l’envoyer par l’entremise d’un de mes serviteurs, mais je l’ai pris moi-même.

– Je le porterai, parce qu’il vient d’une bonne disciple. Allons vers la maison. Quand comptes-tu partir ?

– Demain à l’aurore, pour faire reposer les chevaux. Puis je ne m’arrêterai pas jusqu’à Jérusalem et j’irai trouver Pilate. Si je peux lui parler, je t’enverrai ses réponses par Marie. »

Ils rentrent lentement dans la maison en parlant de sujets de moindre importance.

566.1

In Mary of Jacob’s house they are already up although it is hardly daybreak. I would say that it must be a Sabbath, because I see that the apostles also are present, whereas they are usually away evangelizing. They are busy lighting fires and boiling water, and Mary is helped in sieving flour and kneading it to bake bread.

The old woman is very excited, as excited as a little girl, and while working actively she asks this one and that one: «Will it really be today? And are the other places ready? Are you sure that they are not more than seven?»

Peter, who is skinning a lamb preparing it to be cooked, replies on behalf of everybody: «They were to be here before the Sabbath, but the women were probably not yet ready and so they have delayed. But they will certainly come today. Ah! I am happy! Has the Master gone out? Perhaps He has gone to meet them…»

«Yes. He went out with John and Samuel towards the road to central Samaria» replies Bartholomew coming out with a pitcher of boiling water.

«Then we can be certain that they are arriving. He always knows everything» states Andrew.

«I would like to know why you are laughing like that. What is there to laugh at when my brother speaks?» asks Peter who has no­ticed the sly laugh of Judas, who is idle in a corner.

«I am not laughing because of your brother. You are all happy and I can be happy as well and laugh without any reason.» Peter looks at him meaningly, but he resumes his work.

«Here it is! I managed to find a flowery branch. It is not the branch of an almond-tree, as I wanted. But after the almond-tree has bloomed, She has other branches and She will be pleased with mine» says Thaddeus who comes in dripping dew, as if he had been walk­ing in woods, and carrying a bunch of flowery branches. A miracle of dewy whiteness that seems to brighten and decorate the kitchen.

«Oh! How beautiful! Where did you find them?»

«At Naomi’s. I knew that her orchard is late because of its north­ern position. And I went up there.»

«That’s why you look like a forest tree yourself! The dew-drops shine in your hair and have wet your garment.»

«The path was as damp as if it had rained. It is already the plen­tiful dew of the most beautiful months.» Thaddeus goes away with his flowers, and shortly afterwards he calls his brother to help him arrange them.

«I will come. I am an expert. Woman, have you an amphora with a thin neck, if possible of red clay?» says Thomas.

«I have what you want and other vases as well… The ones I used on feast days… for the weddings of my sons or some other impor­tant occasion. If you wait for me to put these cakes in the oven, only a moment, I will come and open the chest where the beautiful things are kept… Ah! they are only few now, after so much misfortune! But I have kept some to… remember… and to suffer, because even if they are memories of happy days, they now make one shed tears because they remind one of what is finished.»

«In that case it would have been better if no one had asked them of you. I would not like what happened to us at Nob to occur again here. So many preparations for nothing…» says the Iscariot.

«I tell you that a group of disciples informed us! Do you think they had dreamt of it? They spoke to Lazarus. He sent them ahead on purpose. They came to tell us that His Mother would be here be­fore the Sabbath in Lazarus’ wagon, with Lazarus and the women disciples…»

«But they have not come…»

566.2

«Since you have seen that man, tell me: does he not give you a fright?» asks the old woman drying her hands in her apron after entrusting her cakes to James of Zebedee and Andrew who take them to the stone oven.

«A fright? Why?»

«H’m! a man who comes back from the dead!» She is utterly moved.

«Don’t worry, mother. He is exactly like us» says James of Alphaeus comforting her.

«Rather than be afraid you had better make sure that you do not chatter with other women about it, otherwise we shall have the whole of Ephraim here bothering us» says the Iscariot peremptorily.

«I have never spoken imprudently since you came here, either with the people of the town or with pilgrims. I have preferred to be considered foolish rather than appear wise, in order not to dis­turb the Master and harm Him. And I will be quiet today as well. Come, Thomas…» and she goes out to show him her hidden treasures.

«The woman is frightened thinking that she will be seeing a man who has been raised from the dead» says the Iscariot laughing Ironically.

«She is not the only one. The disciples told me that they were all excited at Nazareth and also at Cana and Tiberias. One that comes back from the dead after being four days in a sepulchre is not as easily found as daisies in springtime. We were also very pale when he came out of the sepulchre! But instead of standing there making idle comments, could you not do some work? Everybody is work­ing and there is still so much to be done… Go to the market, since you can do that today, and buy what is needed. What we bought is no longer sufficient, now that they are coming, and we had no time to go back to town and do some shopping. We would have been held up, where we were, by sunset.»

Judas calls Matthew, who comes into the kitchen dressed up, and they go out together.

566.3

The Zealot also comes into the kitchen, he is well dressed as well, and he says: «Our Thomas! He is really an artist. With very little he has decorated the room as if it were for a wedding dinner. Go and see it.»

They all rush to see it, with the exception of Peter, who is finishing his work. Peter says: «I am dying to see them here. Perhaps Marjiam is with them. In a month’s time it will be Passover. He must have already left Capernaum or Bethsaida.»

«I am happy, for the Master’s sake, that Mary is coming. She will comfort Him more than anybody else. And He needs it» the Zealot replies to him.

«So much. And have you noticed how sad is John also? I have asked him. But in vain. In his kindness he is more firm than all of us, and if he does not want to speak, nothing can make him do so.

But I am sure that he is aware of something. And he seems to be the Master’s shadow. He follows Him all the time. And he is always looking at Him. And when he knows that he is not being watched – because, if he knows, he looks at you with such a smile that would make even a tiger mild – when he knows that nobody is watching him, I say, his countenance is very sad. You should try and ask him. He is very fond of you. And he knows that you are more prudent than I am …»

«Oh! certainly not. You have become an example of prudence for all of us. No one would recognise the old Simon in you. You are real­ly the stone that by its hard sound compactness supports us all.»

«Not at all! Don’t say that! I am a poor man. Certainly… by stay­ing with Him for so many years, one becomes a little like Him. A little… very little, but quite different from what one was previous­ly. We have all… no, not all of us, unfortunately.

566.4

Judas is always the same. Here as he was at the Clear Water…»

«And may God grant that he may always be the same!»

«What? What do you mean?»

«Nothing and everything, Simon of Jonah. If the Master heard me He would say: “Do not judge”. But I am not judging. I am afraid. I am afraid that Judas is worse than he was at the Clear Water.»

«He certainly is, even if he is as he was then. Because he should have changed very much, he should have grown in justice, instead he is always the same. So in his heart there is the sin of spiritual indolence, which was not there previously. Because at the begin­ning… yes, he was mad, but he was full of goodwill… Tell me, the fact that the Master has decided to send Samuel with us and to gather together all the disciples, all those that can be gathered at Jericho for the new moon of Nisan, what does it make you think? Previously He had said that the man was to stay here… and He had also forbidden us to say where He was. It makes me suspicious…»

«No. In my opinion the situation is clear and logical. By now, we do not know by whom and how the news has been spread that the Master is here and it is known all over Palestine. You know that pilgrims and disciples have come here from Kedesh to Engedi, from Joppa to Bozrah. So there is no sense in keeping it secret any longer. Further, Passover is approaching and the Master certainly wants to have His disciples with Him for His return to Jerusalem. You heard that the Sanhedrin says that He has been defeated and has· lost all His disciples. And He will reply to it by entering the town at the head of them…»

«I am afraid, Simon. Very much afraid… You have heard that everybody, also the Herodians, have joined together against Him…»

«Yes! It’s true. May God help us!…»

«And why is He sending Samuel with us?»

«Certainly to prepare him for his mission. I see no reason why we should worry…

566.5

They are knocking! It’s certainly the women disciples!…»

Peter throws away his bloodstained apron and runs following the Zealot, who has rushed to the door of the house. All the others who are in the house appear from the various doors and shout: «Here they are! Here they are!»

But when they open the door they are so obviously disappointed in seeing Eliza and Nike, that the two women disciples ask: «Is there anything wrong?»

«No! No! The fact is that… we thought it was the Mother and the women disciples from Galilee…» says Peter.

«Ah! you have taken it badly. But we are very happy to see you and to hear that Mary is about to arrive» says Eliza.

«No, we have not taken it badly… We are disappointed! But come! Come in! Peace be with our good sisters» says Thaddeus greeting them on behalf of everybody.

«And to you. Is the Master not in?»

«He has gone with John to meet Mary. We know that She is com­ing along the Shechem road in Lazarus’ wagon» explains the Zealot.

They go into the house while Andrew takes care of Eliza’s don­key. Nike has come on foot. They speak of what is happening in Jerusalem, they inquire after friends and disciples… after Annaleah, Mary and Martha, old John of Nob, Joseph, Nicodemus and many more.

566.6

The absence of Judas Iscariot allows them to speak peace­fully and openly.

Eliza, an elderly experienced woman, who at the time they were at Nob, has been in touch with the Iscariot and by now knows him very well and also «she only loves him out of love for God» as she says openly, asks whether he is in the house and does not want to join the others for some whim of his, and only after she learns that he is out, shopping, she speaks of what she knows: «that everything seems to have calmed down at Jerusalem, that not even the well known disciples are questioned any more, that it is rumoured that it happened because Pilate had spoken in a threatening voice to those of the Sanhedrin, reminding them that he is the only one who administers justice in Palestine and therefore they should put an end to their nonsense.»

«But they also say» remarks Nike «– and it is Manaen who says this and other men with him, nay other women, because Valeria is the other voice – that Pilate is really so tired of all the risings that continuously excite the country and that may cause him trou­ble, and that he is also so struck by the insistence of the Jews in insinuating that Jesus is aiming at proclaiming Himself king, that if he did not have the concordant favourable reports of the centuri­ons and above all, if he were not pressed by his wife, he would end up by punishing the Christ, if only by banishing Him, in order not to be troubled any more.»

«That would be the last straw. And he is capable of doing it! Quite capable! It is the lightest Roman punishment, and the most used after scourging. But can you imagine that! Jesus all alone, goodness knows where, and we scattered here and there …» says the Zealot.

«Of course! Scattered! That’s what you say. But they will not scat­ter me. I will follow Him…» says Peter.

«Oh! Simon! Can you flatter yourself that they would allow you to do that? They tie you up like a galley slave, and they take you wher­ever they want, even on a galley or to one of their prisons, and you would no longer be able to follow your Master» says Bartholomew. Peter ruffles his hair looking perplexed and downhearted.

«We shall tell Lazarus. Lazarus will go to Pilate frankly. Pilate will certainly see him with pleasure because the Gentiles love to see extraordinary beings …» says the Zealot.

«He has probably been there before he left, and Pilate may no longer be anxious to see him!» says Peter dejectedly.

«He will then go as Theophilus’ son. Or he will take his sister Mary to visit the ladies of rank. They were friends when… well, when Mary was a sinner…»

566.7

«Do you know that Valeria, after her husband divorced her, has become a proselyte? She has been in earnest. She lives an honest life and is an example to many of us. She freed all her slaves and she instructs them in the true God. She had gone to live in Zion. But now that Claudia has come, she has gone back to her…»

«Then!…»

«No. She said to me: “As soon as Johanna comes I am going to stay with her. But now I want to convince Claudia”… Claudia does not seem to be able to get over the limit of her opinion on Christ. According to her He is a wise man. Nothing else… Nay before she came to town, she seems to have been somewhat upset by the rumours that were spread and to have said sceptically: “He is a man like our philosophers, and not of the best, because His word does not correspond to His life”, and she had some… in short she allowed herself certain things that she had previously given up» says Nike.

«That was to be expected. Heathen souls! H’m! There may be a good one… But the others!… Corrupt! Corrupt!» Bartholomew says sententiously.

«And what about Joseph?» asks Thaddeus.

«Who? The man from Sephoris? He is terrified! Your brother Joseph came. He came and left at once, but he passed by Bethany to tell the sisters that at all costs they should keep the Master from going to town and from remaining there. I was there and I heard him. Likewise I heard that Joseph of Sephoris had a lot of trouble and now he is very much afraid. Your brother asked him to keep well informed of what is plotted in the Temple. The man from Sephoris can find out through that relative who is the husband either of the sister or of the daughter of his wife’s sister, I do not know, and who is employed at the Temple» says Eliza.

566.8

«How much fear! Now, when we go to Jerusalem, I want to send my brother to Annas. I could go myself, because I also know the sly fox well. But John is more capable. And Annas was very fond of him, when we listened to the words of the old fox believing that he was a lamb! I will send John. He will be able to put up even with abuse without reacting. I… if he said anathema of the Master to me, or even if he only said that I am anathema because I follow Him, I would jump to his neck, I would seize him and squeeze his old stout body as if it were a net out of which water is to be squeezed. I would make him give back the wicked soul he has! Even if all the soldiers and priests of the Temple were around him!»

«Oh! if the Master heard you speak thus!» exclaims Andrew, who is utterly scandalised.

«I am saying so exactly because He is not here!»

«You are right! You are not the only one to have certain wishes. I have them, too!» says Peter.

«And I, too, and not only with regards to Annas» says Thaddeus.

«Oh! in that case I… would serve several of them. I have a long list… Those three old crocks of Capernaum – I leave out Simon, the Pharisee, because he seems to be tolerably good – those two wolves of Esdraelon, and that old heap of bones of Hananiah, and then… a slaughter, a real slaughter, I tell you, at Jerusalem, with Helkai at the head of them all. I cannot bear those snakes lying in wait any longer!» Peter is furious.

Thaddeus, calm in speaking, but even more impressive in his gla­cial calm than if he were as furious as Peter, says: «And I would give you a hand. But… perhaps I would begin by removing the snakes close at hand.»

«Who? Samuel?»

«No. Not at all! Not only Samuel is close at hand. There are many who show a face but their souls are different from the face they show! I never lose sight of them. Never. I want to be sure before acting. But when I am sure! David’s blood is hot, and hot is the blood of Galilee. They are both in me through my paternal and maternal lines.»

«Oh! In the event… tell me! I will help you…» says Peter.

«No. Blood revenge is the concern of relatives. It’s for me to take it.»

566.9

«But, my dear children! Do not speak thus. That is not what the Master teaches! You look like little furious lions instead of being the lambs of the Lamb! Restrain so much spirit of revenge. The days of David went by long ago! The law of blood and retaliation has been cancelled by the Christ. He confirms the ten unchangeable commandments, but He cancels the other hard Mosaic laws. The com­mandments of Moses concerning pity, humanity and justice remain and are condensed and perfected in His greater commandment: “To love God with our whole-selves, to love our neighbour as we love ourselves, to forgive those who offend us, to love those who hate us”. Oh! forgive me, if I, a woman, have dared to teach my brothers, who are greater than I am! But I am an old mother. And a mother can always speak. Believe me, my children! If you yourselves call Satan by hating enemies, by wishing for revenge, he will come into you and corrupt you. Satan is not strength. Believe me. God is strength. Satan is weakness, a burden, he us sluggishness. You would not be able to move a finger any more, not only against your enemies, but not even to caress our distressed Jesus, if hatred and revenge should enchain you. Cheer up, my dear children, all of you! Also those who are as old as I am, perhaps older. You are all sons for a woman who loves you, for a mother who has found once again the joy of being a mother by loving you as her children. Do not make me feel distressed once again, having lost my dear children again and for good; because if you die cherishing hatred or crime, you die forever, and we shall not longer be able to gather all together up there, in joy, around our common love: Jesus. Promise me here, at once, as I implore you, promise me, a poor woman, a poor mother, that you will never have such thoughts again. Oh! they even dis­figure your faces. You seem strangers to me, you are different! How ugly hatred makes you! You were so meek! But what is happening? Listen to me! Mary would say the same words as mine to you, with greater power, because She is Mary; but it is better if She is not aware of all the grief… Oh! poor Mother! But what is happening? So have I to really believe that the hour of darkness has already come, the hour that will swallow everybody, the hour in which Sa­tan will be king in everybody, with the exception of the Holy One, and he will lead astray also saints, you also, making you cowards, perjurers, as cruel as he is? Oh! so far I have always hoped! I have always said: “Men will not prevail against the Christ”. But now! But now I am afraid and I tremble for the first time! I see the great Darkness, whose name is Lucifer, stretch out and invade this serene sky of Adar and darken all of you, and pour poisons that make you sick. Oh! I am afraid!» Eliza, who for some time had been weeping silently, drops with her head on the table at which she was sitting and sobs sorrowfully.

566.10

The apostles look at one another. Then, although distressed, they begin to console her. But she does not want consolation and she says so: «One, only one is good for me: your promise. For your own good! So that Jesus may not have the greatest of His sorrows: to see you, His beloved disciples, damned.»

«Of course, Eliza. If that is what you want! Do not weep, woman! We promise you. Listen. We will not lift a finger against anybody. We shall not even look, so that we may not see. Don’t weep. Don t weep! We will forgive those who offend us. We will love those who hate us! Don’t weep.»

Eliza raises her face shining with tears and says: «Remember. You have promised it! Repeat your promise!»

«We promise you it, woman.»

«How dear you are, my children! Now I do like you! I see that you are good again. Now that my worry is appeased and that you are once again free from that bitter ferment, let us get ready to receive Mary. What is there to be done?» she asks and she finishes wiping her tears.

«Actually… we have prepared, as men can do. But Mary of Jacob helped us. She is a Samaritan, but she is very good. You will soon see her. She is out at the stone oven watching the bread. She is alone: her children are either dead or have forgotten her, her riches have vanished, and yet she bears no one ill-will…»

«Ah! see! Can you see that there is who knows how to forgive also among heathens and Samaritans? And it must be dreadful you know to have to forgive a son!… Better dead than a sinner. Ah.

566.11

Are you sure that Judas is not here.»

«If he has not become a bird, he cannot be here, because the win­dows are open, but all the doors are closed, except this one.»

«Then … Mary of Simon has been to Jerusalem with her relative.

She came to offer sacrifices at the Temple. Then she came to us. She seems a martyr. How depressed she is! She asked me and everybody whether we had any news of her son. Whether he was with the Master. Whether he had always been with Him.»

«What is the matter with that woman?» asks Andrew quite astonished.

«Her son. Do you not think that it is enough?» asks Thaddeus.

«I comforted her. She wanted to go back to the Temple with us. We all went there together to pray… Then she left, always with her worry. I said to her: “If you stay with us, we shall be going to the Master shortly. Your son is there”. She already knew that Jesus is here. It has been known as far as the borders of Palestine. But she said: “No, no! The Master told me not to be in Jerusalem in spring. I am obeying Him. But I wanted to go up to the Temple be­fore He returned. I am in such need of God”. And she said a strange word… She said “I am blameless. But I am so tortured that hell is in me and I am in it” … We repeatedly asked her why. But she would not say anything else, with regards to her torture or to the reasons for Jesus’ prohibition. She asked us not to say anything to Jesus or to Judas.»

«Poor woman! So will she not be there at Passover?» asks Thomas.

«No, she will not.»

«Well! If Jesus told her that, He must have a reason… Did you hear what she said, eh? It is really known everywhere that Jesus is here!» says Peter.

«Yes. And Some people said that those who were spreading the news were doing so to gather men in His name, to rise “against the tyrants”. Others said that He is here because He realises that He has been unmasked…»

«Always the same reasons! They must have spent all the gold of the Temple to send those… servants of theirs everywhere!» remarks Andrew.

566.12

There are some knocks on the door. «They are here!» they say and they rush to open.

It is instead Judas with his shopping. Matthew follows him. Judas sees Eliza and Nike and he greets them asking: «Are you alone?»

«All alone. Mary has not come yet.»

«Mary is not coming from the southern regions and thus she can­not be with you. I was asking whether Anastasica is here.»

«No. She remained at Bethzur.»

«Why? She is a disciple, too. Do you not know that from here we shall be going to Jerusalem for Passover? She should be here. If the women disciples and the believers are not perfect, who will be so? Who will form the train of the Master, to discredit the legend that everybody had abandoned Him?»

«Oh! with regards to that, it will not be a poor woman to fill the gaps! Roses are all right among thorns and in enclosed gardens. I act as her mother and I ordered that.»

«So will she not be there at Passover?»

«No, she will not.»

«And that makes two!» exclaims Peter.

«What are you saying? Which two?» asks Judas suspiciously.

«Nothing, nothing! A calculation of mine. Many things can be counted, can they not? Also… flies, for instance; that alight on my skinned lamb.»

Mary of Jacob comes in followed by Samuel and John who are carrying loaves just taken out of the oven. Eliza greets the woman and so does Nike. And Eliza has a kind word to make her feel at ease: «You are among sisters, in sorrow, Mary. I am alone as I lost husband and children, and she is a widow. So We will love one another, because only who has wept can understand.»

566.13

In the meantime Peter says to John: «How come you are here? And the Master?»

«On the wagon. With His Mother.»

«And are you not saying anything?»

«You have not given me time. All the women are there. But you will see how worn out Mary of Nazareth is! She seems to have aged years and years. Lazarus says that She was very upset when he told Her that Jesus had taken shelter here.»

«Why did that fool tell Her? Before dying he was intelligent. Perhaps His brain became mushy in the sepulchre and It has never recovered. One does not lie dead with impunity!…» says Judas of Kerioth ironically and scornfully.

«Nothing of the kind. You had better wait and listen, before speaking. Lazarus of Bethany told Mary when they were already on the way, as She was surprised at the road that Lazarus was tak­ing» says Samuel sternly.

«Yes. The first time he passed through Nazareth he only said: “I will take You to Your Son in a month’s time”. He did not even say to Her: “We are going to Ephraim” when they were about to leave, but …» says John.

«Everybody knows that Jesus is here. Was She the only one who did not know?» asks always rudely Judas, interrupting his companion.

Mary knew. She had heard it being said. But since a muddy stream of several lies flows through Palestine, She did not accept any news as true. She was wasting away with grief, In silence, pray­ing. But once they were on the road, as Lazarus had taken the road along the river, in order to bewilder the Nazarenes, and all those at Cana, Sephoris, Bethlehem of Galilee…»

«Ah! Is Naomi also there with Myrtha and Aurea?» asks Thomas.

«No. They were ordered by Jesus not to come. When Isaac came back to Galilee he brought His order.»

«So… also these women will not be with us as last year.»

«No, they will not be with us.»

«And that’s three!»

«Neither our wives and daughters. The Master told them before leaving Galilee. Nay, He repeated His order. Because my daughter Marian told me that Jesus had informed them since last Passover.»

«But… very well! Is at least Johanna there? Salome? Mary of Alphaeus?»

«Yes. And Susanna.»

«And Marjiam certainly…

566.14

But what is that noise.»

«The wagons! The wagons! And all the Nazarenes who have not surrendered and have followed Lazarus… and those from Cana…» replies John running away with the others.

Once the door is opened, a tumultuous sight can be seen. Besides Mary sitting near her Son and the women disciples, besides Lazarus, besides Johanna, in her wagon with Mary and Matthias, Esther and other maidservants and faithful Jonathan, there is a crowd of peo­ple with known faces and unknown ones. From Nazareth, Cana, Tiberias, Nain, Endor. And Samaritans from all the villages they passed through on their journey and from other nearby ones. And they rush to the front of the wagons, obstructing the passage to those who want to come out or go in.

«But what do these people want? Why have they come? How did they know?»

«Eh! those of Nazareth were on the look-out, and when Lazarus came in the evening to leave the following morning, during the night they ran to the nearby towns, and those from Cana did the same because Lazarus had passed there to get Susanna and to meet Johanna. And they followed and preceded him, to see Jesus and to see Lazarus. And also those of Samaria heard about it and they joined the rest. And here they are, all of them!…» explains John.

«Listen! You who were afraid that the Master would have no train do you think this one is sufficient?» Philip says to the Iscariot.

«They came for Lazarus …»

«Once they had seen him, they could have gone away. Instead they remained and have come here. Which means that there are also some who came for the Master.»

«Well. Let us have no idle talk. Instead let us make way to let them go in. Come on, boys! In order to get into practice again! We have not elbowed our way through the crowd for the Master for a long time!» and Peter is the first to begin to open a passage through the crowd that sings hosannas, is curious, devout, talkative according to the various moods. And when he succeeds with the help of other people and of many disciples who, spread out among the crowds, are trying to join the apostles, he keeps the space empty so that the women may take shelter in the house with Jesus and Lazarus. He then closes the door, being the last one to go in, and he bars it and bolts it and sends the others to close the door on the side of the kitch­en garden.

566.15

«Oh! at long last! Peace be with You, blessed Mary! At last I see You! Now everything is beautiful because You are with us!» says Peter greeting Her and he stoops before Mary. A Mary with a sad pale tired face, it is already the face of Our Lady of Sorrows.

«Yes, everything is now less sorrowful because I am here near Him.»

«I had assured You that I was telling nothing but the truth!» says Lazarus.

«You are right… But the sun became obscured for Me and I had no peace when I heard that My Son was here… I understood… Oh!» More tears stream down Her wan cheeks.

«Do not weep, Mother! Do not weep! I was here among these good people, near another Mary who is a mother…» Jesus leads Her towards a room that opens onto the peaceful kitchen garden. They all follow Him.

Lazarus says apologising: «l had to tell Her, because She knew the road, and She could not understand why I was taking that one. She thought that He was with me at Bethany… And at Shechem also a man shouted: “We are going to Ephraim, too, to the Master”. It was impossible for me to find an excuse… I was also hoping to outdistance those people by setting off at night along strange routes. Nothing doing! They were on the alert everywhere, and while one group followed me, another went around spreading the news.»

566.16

Mary of Jacob brings some milk, butter and new bread and offers them to Mary first. She looks Lazarus up and down stealthily, half-curious, half-frightened, and her hand jerks when, offering Lazarus some milk, she touches his hand lightly and she cannot help exclaim­ing «oh!» when she sees Him eat his cake like everybody else.

Lazarus is the first to laugh and he says in an affable gentleman­ly manner, with the confidence of all men of high birth: «Yes, wom­an. I eat just like you, and I like your bread and your milk. And am sure I shall like your bed, because I feel tired exactly as I feel, hungry.» He turns around saying: «There are many who touch me with some excuse to feel whether I am flesh and bones, whether I am warm and I breathe. It is a bit of a nuisance. And when my mis­sion is over, I will retire to Bethany. If I were near You, Master, I would stir up too many distractions. I have shone, I have borne witness to Your power as far as Syria. I shall now disappear. You alone must shine in the sky of miracles, in the sky of God and in the eyes of men.»

Mary in the meantime says to the old woman: «You have been good to My Son. He told Me how good you have been. Let Me kiss you to tell you how grateful I am to you. I have nothing to give you as a reward, except My love. I am poor, too… and I also can say that. I no longer have a son, because He belongs to God and to His mis­sion… And may it always be so, because holy and just is what God wants.»

Mary is kind, but she is already heart-broken … All the apostles look at Her compassionately to the extent of forgetting those who are rioting outside, and of inquiring after their far away relatives.

But Jesus says: «I will go up to the terrace to dismiss and bless the people»,

566.17

and Peter then rouses himself and asks: «But where is Marjiam? I have seen all the disciples but not him.»

«Marjiam is not here» replies Salome, the mother of James and John.

«Marjiam is not here? Why? Is he ill?»

«No. He is well. And your wife is well. But Marjiam is not here. Porphirea did not let him come.»

«Silly woman! In a month’s time it will be Passover and he has to come for Passover! She could have let him come with you now and make the boy and me happy. But she is more backward than a sheep in understanding certain things…»

«John and Simon of Jonah, and you, Lazarus with Simon Zealot, come with Me. You, all of you, stay here where you are, until I dismiss the crowd, separating the disciples from it» orders Jesus, and He goes out with the four closing the door.

Through the corridor and the kitchen He goes out into the kitch­en garden followed by Peter, who is grumbling, and by the others. But before setting foot on the terrace, He stops on the little stair­case, He turns around laying a hand on the shoulder of Peter who raises his unhappy face.

«Listen to Me carefully, Simon Peter, and stop accusing and reproaching Porphirea. She is innocent. She obeyed an order of Mine. Before the feast of the Tabernacles I or­dered her not to let Marjiam come to Judaea…»

«But Passover, Lord!»

«I am the Lord. You say that. And as the Lord I can order any­thing, because every order of Mine is just. So do not be upset by scruples. Do you remember what is stated[1] in Numbers? “If anyone of your country becomes unclean by touching a dead body or is on a journey abroad, such person shall keep Passover for the Lord on the fourteenth day of the second month, in the evening”.»

«But Marjiam is not unclean, I hope that Porphirea does not want to die just now, and he is not on a journey…» says Peter objecting.

«It does not matter. That is what I want. There are things that make one unclean more than a dead body. Marjiam… I do not want him to be contaminated. Let Me do as I wish, Peter. I know. Be obe­dient as your wife is and Marjiam, too. We shall keep the second Passover with him, on the fourteenth day of the second month. And we shall be so happy then. It’s a promise.»

Peter makes a gesture as if to say: «Let us resign ourselves», but he makes no objection.

566.18

The Zealot remarks: «It is a lot if you do not continue your calcu­lation of how many will not be in town at Passover!»

«I do not feel like counting any more. All this gives me a strange sensation… An icy feeling… Can the others be told?»

«No. I took you aside deliberately.»

«Then… I also have something to tell Lazarus in particular.»

«Tell me. If I can, I will reply to you» says Lazarus.

«Oh! even if you do not reply it does not matter. It is enough for me if you go to Pilate – the idea is of your friend Simon – and talk­ing of various matters, you worm out of him what he is thinking of doing for Jesus, in good or in evil… You know… craftily… Be­cause there are so many rumours!…»

«I will. As soon as I arrive in Jerusalem. I will go to Bethany via Bethel and Ramah instead of Jericho, and I will stop in my man­sion in Zion, and I will go to Pilate. Don’t worry, Peter, because I shall be skilful and sincere.»

«And you will waste your time for nothing, My dear friend. Be­cause Pilate – you are aware of it as a man, I as God – is but a reed that bends to the side opposite the hurricane, endeavouring to avoid it. He is never insincere. Because he is always convinced that he wants to take action, and he does what he says in that mo­ment. But a moment later, because of the howling of a storm from another direction, he forgets – oh! he does not break his promise or his will – he forgets, just that, what he wanted previously. He forgets because the cry of a will stronger than his makes him lose his memory, it blows away all the thoughts that another cry had placed in it, and replaces them with new ones. And then, above all the storms that with numberous voices, from that of his wife who threatens to separate if he does not do what she wants – and once he is separated from her, that is the end of all his strength, of his protection with “divine” Caesar, as they say, although they are con­vinced that this Caesar is more abject than they are… But they can see the Idea in the man, nay the Idea annihilates the man represent­ing it, and one cannot say that the idea is unclean: every citizen loves and it is fair that he should love his Fatherland, and should want it to triumph… Caesar is the Fatherland… so also a miserable man is… great because of what he represents … But I did not want to speak of Caesar, but of Pilate! – So I was saying that above all the voices, from that of his wife to those of the crowds, there is the voice, oh! what a voice! of his ego. Of the small ego of the small man of the greedy ego of the greedy man, of the proud ego of the proud man; that smallness, that greed, that pride want to reign to be great, they want to reign to have superabundance of money, they want to reign to be able to rule over a multitude of subjects stoop­ing to pay homage to them. Hatred is smouldering underneath, but the little Caesar named Pilate, our little Caesar does not see it … He can only see the backs bent feigning homage and fear before him or really feeling both. And because of the stormy voice of his ego he is prepared to do anything. I say: anything. Provided he may continue to be Pontius Pilate, the Proconsul, the servant of Caesar, the Ruler of one of the many regions of the empire. And because of all that even if now he is My defender, tomorrow he will be My judge, and inexorable. The thought of man is always uncertain. Most uncertain when that man’s name is Pontius Pilate. But, Lazarus, you may satisfy Peter… If that is to console him…»

«Not to console me, but… to calm me a little…»

«Then please our good Peter and go to Pilate.»

«I will go Master. But You have described the Proconsul as no historian or philosopher could have done. A perfect portrait!»

«I could likewise depict every man in his real image: his character.

566.19

But let us go to these people who are rioting.»

He climbs the last steps and shows Himself. He raises His arms and says in a loud voice: «Men of Galilee and of Samaria, disciples and followers. Your love, your wishes to honour Me and My Mother and My friend by escorting their wagon, tell Me what your thoughts are. I can but bless you for such thoughts. But go back to your homes, to your business, now. You from Galilee, go and tell those who remained there that Jesus of Nazareth blesses them. Men of Galilee, we shall meet again in Jerusalem at Passover, and I will enter the town the day after the Sabbath before Passover. Men of Samaria, you may go, too, and do not confine your love for Me to following and looking for Me on the routes of the Earth, but on those of the spirit. Go and may the Light shine in you. Disciples of the Master, part from the believers and remain in Ephraim to receive My instructions. Go. Be obedient.»

«He is right. We are disturbing Him. He wants to be with His Mother!» shout the disciples and the Nazarenes.

«We are going away. But we want His promise first: that He will come to Shechem before Passover. To Shechem! To Shechem!»

«I will come. Go. I will come before going to Jerusalem for Passover.»

«Don’t go! Don’t go! Stay with us! With us! We will defend You! We will make You King and Pontiff! They hate You! We love You! Down with the Jews! Long live Jesus!»

«Silence. Stop rioting! My Mother suffers because of this shout­ing that can harm Me more than a voice cursing Me. My hour has not yet come. Go. I will come to Shechem. But remove from your hearts the thought that I, for base human cowardice and a sacrile­gious rebellion against the will of My Father, may not fulfil My duty as an Israelite, worshipping the true God in the only Temple in which He can be worshipped, and as Messiah, by being crowned any­where but in Jerusalem, where I shall be anointed universal King according to the words and the truth foreseen by the great prophets[2]

«Down! There is no other prophet but Moses! You are a day­dreamer.»

«And you, too. Are you perhaps free? No, you are not. What is the name of Shechem? Its new name? And what happened to Shechem, happened also to many other towns in Samaria, Judaea and Galilee. Because the Roman mangonel has levelled us all alike. Is its name Shechem? No. Its name is Neapolis. As Beth-Shean is named Scythopolis, and many other towns that either by will of the Ro­mans or by the will of adulating vassals have taken the names im­posed by domination or by adulation. And you, as individuals are you going to be worth more than a town, more than our rulers, more than God? No. Nothing can change what is destined for the salva­tion of everybody. I follow the straight road. Follow Me, if you want to enter the eternal Kingdom with Me.»

566.20

He is about to withdraw. But the Samaritans are uproari­ous so much so that the Galileans react and those who were in the house rush out at the same time into the kitchen garden, and then up the staircase and on to the terrace. The sad pale distressed face of Mary is the first to appear behind Jesus’ shoulders, and She em­braces and clasps Him as if She wished to defend Him from the in­sults rising from below: «You have betrayed us! You took refuge among us making us believe that You loved us whereas now You despise us! And we shall be more despised through Your fault!» and so forth.

Jesus is approached also by the women disciples, by the apostles, und last by Mary of Jacob, who is frightened. The shouts from below explain the origin of the uproar, a remote but certain origin: «So why did You send Your disciples to us to tell us that You are persecuted?»

«I did not send anybody. Those from Shechem are over there. Let them come forward. What did I say to them one day on the mountain?»

«That is true. He said to us that He can only be a worshipper in the Temple, until the new time comes for everybody. Master, we are not to be blamed, believe us. But they have been deceived by false messengers of Yours.»

«I know. But go now. I will come to Shechem just the same. I am not afraid of anybody. But go now so that you may not harm your­selves and those of your blood. Can you see over there the cuirasses of the legionaries shine in the sun as they go down the road? They have certainly followed you at a distance, seeing such a procession and they have remained waiting in the wood. Your shouting is now attracting them here. Go, for your own sake.»

In fact, far away on the main road that can be seen rising towards the mountains, the one on which Jesus found the starving man, it is possible to see lights gleam and move forward. The people dis­perse slowly. Those from Ephraim, the Galileans and the disciples remain.

«You may go to your homes as well, you people from Ephraim. And you, too, Galileans, please go away. Obey Him Who loves you.»

They also go away.

566.21

Only the disciples remain and Jesus orders the apostles to let them go into the house and the kitchen garden. Peter goes downstairs with the others to open.

Judas of Kerioth does not go down. He laughs! He laughs saying: «You will now see how “the good Samaritans” hate You! To build the Kingdom You are scattering the stones. And stones dispelled from a building become weapons to strike. You have despised them!

And they will not forget.»

«Let them hate Me. I will not avoid doing My duty for fear of their hatred. Come, Mother. Let us go and tell the disciples what they are to do before I dismiss them» and between Mary and Lazarus He goes downstairs into the house where the disciples who gathered at Ephraim are crowded, and He orders them to spread everywhere informing all their companions to be at Jericho for the new moon of Nisan and wait for Him until He arrives, and to let the people or the villages through which they pass know that He will leave Ephraim and that they should look for Him, in Jerusalem at Passover.

He then divides them into three groups entrusting the new disci­ple Samuel to Isaac, Hermas and Stephen. Stephen greets Samuel saying: «The joy in seeing you relieves my pain to see that every­thing becomes an obstacle for the Master.» Hermas instead greets him thus: «You left a man for a God. And God is now really with you.» Isaac, humble and bashful, only says: «Peace be with you brother.»

After handing out bread and milk that the people from Ephraim kindly think of offering, also the disciples depart and at last there is peace …

566.22

But while the lamb is being prepared, Jesus has still something to do. He approaches Lazarus and says to him: «Come with Me along the torrent.» Lazarus obeys promptly as usual.

They move away from the house about two hundred metres. Lazarus is silent waiting for Jesus to speak. And Jesus says: «I wanted to tell you this. My Mother is very depressed, as you can see. Send your sisters here. I will really go towards Shechem with all the apostles and women disciples. But then I will send them on to Bethany, while I will stay for some time in Jericho. I can still dare to keep some women here in Samaria, but not anywhere else…»

«Master! You really fear… Oh! if so why did You raise me from the dead?»

«To have a friend.»

«Oh!!! If that is the case, well, here I am. All sorrows, if I can comfort You with my friendship, are nothing to me.»

«I know. That is why I use and will use you as the most perfect friend.»

«Must I really go to Pilate?»

«If you think so. But for Peter. Not for Me.»

«Master, I will let You know… When are You leaving this place?»

«In eight days time. There is just enough time to go where I want and then be with you before Passover. I want to acquire new strength at Bethany, the oasis of peace, before plunging into the turmoil of Jerusalem.»

«Are You aware, Master, that the Sanhedrin is quite determined to create charges, since there are none, to compel You to flee for good? I learned that from John, the member of the Sanhedrin, when I met him by chance at Ptolemais, and he was very happy because of the son about to be born to him. He said to me: “I am sorry that the Sanhedrin is so determined. Because I would have liked the Master to be present at the circumcision of my child, as I hope it will be a boy. He is to be born early in the month of Tammuz. But will the Master still be among us by that time? And I would like… Because I would like little Immanuel, and that name will tell you what I think, to be blessed by Him at his first appearance in the world. Because my son, lucky fellow, will not have to struggle to believe, as we had to. He will be brought up in the Messianic times and it will be easy for him to accept the idea”. John has arrived at believing that You are the Promised One.»

«And that one out of many compensates Me for what the others do not do. Lazarus, let us say goodbye here, in peace. And thank you for everything, My dear friend. You are a true friend. With ten friends like you it would have been pleasant to live among so much hatred …»

«Now You have Your Mother, my Lord. She is worth ten… one hundred Lazarus. But remember that whatever You may need, if it is at all possible, I will get it for You: Give me Your orders, and I will be Your servant, in everything. I may not be wise or holy, like other people who love You, but if You exclude John, You will not be able to find another one more faithful than I am. I do not think that I am being proud saying this.

566.23

And now that we have spoken of You, I will tell You about Syntyche. I saw her. She is as active and wise as only a Greek woman, who has been able to be­come Your follower, can be. She suffers to be so far away. But she says that she enjoys preparing Your way. She hopes to see You be­fore she dies.»

«She will certainly see Me. I do not disappoint the hopes of the just.»

«She has a little school attended by many girls of all places. But in the evening she keeps some poor little girls of mixed race, and thus of no religion. And she instructs them in Your doctrine. I asked her: “Why do you not become a proselyte? It would be of great help to you”. She replied: “Because I do not want to devote myself to those of Israel, but to the empty altars awaiting a God. I prepare them to receive my Lord. Then, once His Kingdom is established, I will return to my Fatherland, and under the sky of Hellas I will spend my life preparing hearts for the masters. That is my dream. But if I should die before, of a disease or in a persecution, I shall go away equally happy, because it means that I have fulfilled my work and that He calls to Himself the servant who has loved Him since the first time she met Him” .»

«It is true. Syntyche has really loved Me since our first meeting.»

«I did not want to tell her how distressed You are. But Antioch resounds like a shell with all the voices of the vast Roman empire, and consequently also with what happens here. And Syntyche is aware of Your grief. And she suffers even more to be far away. She wanted to give me some money, which I refused, and I told her to use it for her girls. But I took a headgear woven by her with two types of byssus of different thickness. Your Mother has it. With the yarn Syntyche has described Your story, her own and that of John of Endor. And do You know how? By weaving a hem all around the square and representing on it a lamb that defends two doves from a pack of hyenas, one of the doves has both wings broken and the other has a broken chain that held it fastened. And the story proceeds, alternately, to the flight towards the sky of the dove with the broken wings and the voluntary captivity of the other at the feet of the lamb. It looks like one of those stories that Greek sculp­tors carve on the marble festoons of temples and on the stelae of their dead relatives, or painters paint on vases. She wanted to send it to You by my servants. I brought it.»

«I shall wear it because it comes from a good disciple. Let us go towards the house. When are you thinking of leaving?»

«Tomorrow at dawn. To let the horses rest. Then I will not stop until I arrive in Jerusalem and I will go to Pilate. If I succeed in speaking to him, I will send You his replies by Mary.»

They go slowly back into the house, talking of minor topics.


Notes

  1. ce qui est écrit en Nb 9, 10-11. Cela concerne la Pâque supplémentaire, plusieurs fois mentionnée dans l’Œuvre, qui en présentera une célébration au chapitre 636.
  2. vue par les grands prophètes, comme en Is 2, 3.

Notes

  1. is stated in: Numbers 9,10-11.
  2. foreseen by the great prophets, as in: Isaiah 2,3.