Gli Scritti di Maria Valtorta

566. A Ephraïm, le jour de l’arrivée de Marie avec Lazare et les femmes disciples.

566. Ad Efraim, il giorno dell’arrivo della Madre

566.1

Tout le monde est déjà debout dans la maison de Marie, femme de Jacob, bien que le jour se lève à peine. Je suppose que c’est un jour de sabbat, car je vois les apôtres, habituellement en mission. Les uns et les autres s’activent à faire de grands préparatifs de feu et d’eau chaude, à tamiser la farine ou à pétrir le pain pour aider Marie. La vieille femme est très agitée, d’une agitation de fillette, et, tout en travaillant énergiquement, elle demande à l’un ou l’autre :

« C’est vraiment pour aujourd’hui ? Est-ce que les autres pièces sont prêtes ? Vous êtes sûrs qu’elles ne sont pas plus de sept ? »

Pierre, qui est en train d’écorcher un agneau pour le préparer à la cuisson, lui répond pour tous :

« Elles devaient être ici avant le sabbat, mais peut-être que les femmes n’étaient pas encore prêtes et ont ainsi pris du retard. Mais elles vont sûrement arriver aujourd’hui. J’en suis bien content ! Le Maître est sorti ? Il est peut-être allé à leur rencontre…

– Oui, il est sorti avec Jean et Samuel en direction de la route de la Samarie centrale, répond Barthélemy, qui sort avec un broc rempli d’eau bouillante.

– Dans ce cas, nous pouvons être certains qu’elles approchent. Lui, il sait toujours tout, déclare André.

– Je voudrais savoir pourquoi tu ris ainsi : qu’est-ce qu’il y a de risible dans ce que dit mon frère ? demande Pierre, qui a remarqué le ricanement de Judas, inoccupé dans son coin.

– Ce n’est pas ton frère qui me fait rire. Vous êtes tous heureux, et je peux bien l’être moi aussi, et rire même sans raison. »

Pierre le regarde en montrant clairement ce qu’il en pense, mais il retourne s’occuper de son travail.

« Voilà ! J’ai réussi à trouver une branche fleurie, même si ce n’est pas de l’amandier, comme je l’aurais souhaité. Mais à l’époque où l’amandier n’a pas de fleurs, Marie elle-même prend d’autres branches, et elle se contentera de la mienne » dit Jude qui rentre, dégoulinant de rosée comme s’il était allé dans les bois, une gerbe de branches fleuries dans les bras.

C’est un miracle de blancheur humide de rosée qui paraît éclairer et embellir la cuisine.

« Qu’elles sont belles ! Où les as-tu trouvées ?

– Chez Noémi. Je savais que son verger est tardif, à cause de la tramontane qui ralentit son développement, et je suis monté là-haut.

– C’est pour cela que tu ressembles à un arbre des forêts. Les gouttes de rosée brillent dans tes cheveux et ont trempé tes vêtements.

– Le sentier était humide comme s’il avait plu. Ce sont déjà les rosées abondantes des plus beaux mois. »

Jude s’éloigne avec ses fleurs et, quelque temps plus tard, appelle son frère pour qu’il l’aide à les disposer.

« Je viens. Moi, je m’y connais. Femme, n’as-tu pas quelque am­phore au col élancé, si possible en terre rouge ? demande Thomas.

– J’ai ce que tu cherches, et aussi d’autres vases… Ceux qui servaient les jours de fêtes… pour les noces de mes enfants ou à quelque autre occasion importante. Si tu attends que je mette ces fouaces au four, un instant, je viens t’ouvrir le coffre où se trouvent mes plus beaux objets… Ah ! il y en a peu désormais, après tant de malheurs ! Mais j’en ai gardé quelques-uns pour… me rappeler… et souffrir, car si ce sont aussi des souvenirs joyeux, maintenant ils font pleurer car ils font revivre ce qui est fini.

– Alors il aurait mieux valu que personne ne les réclame. Je ne voudrais pas que ce soit comme à Nobé. Tant de préparatifs pour rien… dit Judas.

– Je te dis qu’un groupe de disciples nous a avertis ! Veux-tu qu’ils aient rêvé ? Ils ont parlé avec Lazare. Il les a envoyés en avant exprès. Ils venaient ici pour prévenir qu’avant le sabbat la Mère de Jésus allait arriver avec Lazare, son char, et les femmes disciples.

– En attendant, elles ne sont toujours pas là…

566.2

– Vous qui avez vu cet homme, dites-moi : est-ce qu’il ne fait pas peur ? demande la vieille femme en s’essuyant les mains à son tablier après avoir confié ses fouaces à Jacques, fils de Zébédée, et à André pour qu’ils les portent au four.

– Peur ? Pourquoi ?

– Eh ! un homme qui revient de chez les morts ! »

Elle est bouleversée.

« Sois tranquille, mère. Il est en tout comme nous, répond Jacques, fils d’Alphée, pour la réconforter.

– Veille plutôt à ne pas bavarder avec les autres femmes : que tout Ephraïm ne vienne pas nous ennuyer, lance impérieusement Judas.

– Je n’ai jamais parlé imprudemment depuis que vous êtes ici, ni aux habitants de la ville ni aux pèlerins. J’ai préféré passer pour une sotte plutôt que me montrer savante et déranger le Maître ou lui causer du tort. Et je saurai me taire aujourd’hui encore. Viens, Thomas… »

Et elle sort pour aller prendre ses trésors cachés.

« La vieille est épouvantée à l’idée qu’elle va voir un ressuscité, ricane Judas.

– Ce n’est pas la seule. Les disciples m’ont dit qu’à Nazareth les gens étaient tout agités, et de même à Cana et à Tibériade. Quelqu’un qui revient de la mort, après quatre jours de tombeau, ne se rencontre pas aussi facilement que des marguerites au printemps. Nous aussi, nous étions bien pâles quand il est sorti du tombeau ! Mais ne pourrais-tu pas travailler au lieu de rester planté là à faire des commentaires ? Tout le monde est affairé, et il y a encore tant de choses à préparer… Puisqu’on peut le faire aujourd’hui, va au marché, et achète ce qu’il faut. Ce que nous avons pris n’est pas suffisant maintenant qu’elles viennent, et nous n’avions pas le temps de retourner faire des courses en ville. Nous aurions été bloqués là où nous étions par le coucher du soleil. »

Judas appelle Matthieu qui rentre dans la cuisine bien rangée, et ils sortent ensemble.

566.3

Simon le Zélote, bien habillé, pénètre à son tour dans la pièce et s’exclame :

« Ce Thomas ! C’est vraiment un artiste ! Avec un rien, il a orné la salle comme pour un repas de noces. Allez voir. »

Tout le monde, excepté Pierre qui est en train de finir son travail, court pour aller admirer. Pierre dit :

« J’ai hâte qu’elles soient ici. Marziam sera peut-être avec elles. Dans un mois, c’est la Pâque, donc il sera sûrement déjà parti de Capharnaüm ou de Bethsaïde.

– Je me réjouis de la venue de Marie, à cause du Maître. Elle le réconfortera mieux que n’importe qui, et il en a besoin, lui répond Simon.

– Oh oui ! Mais as-tu remarqué comme Jean, lui aussi, est triste ? Je l’ai questionné, mais en vain. Malgré sa douceur, il est plus ferme que nous tous, et s’il ne veut rien dire, rien ne le fera parler. Mais je suis sûr qu’il sait quelque chose. On dirait l’ombre du Maître, il le suit toujours, il ne le quitte pas des yeux. Et il répond à ton regard par un sourire qui ferait fondre un tigre. Mais quand il ne se sent pas observé, son visage devient tout triste. Essaie de le questionner, toi. Il t’aime beaucoup, et il te sait plus prudent que moi…

– Ne crois pas cela ! Tu es devenu pour tous un exemple de prudence. On ne reconnaît plus en toi le vieux Simon. Tu es vraiment la pierre qui, par sa robustesse et sa carrure compacte, nous soutient tous.

– Mais tais-toi donc ! Je suis un pauvre homme. Bien sûr… à rester tant d’années avec Lui, on devient un peu comme Lui. Un peu… très peu, mais nous sommes déjà très différents de ce que nous étions. Et cela vaut pour tous… non, ce n’est pas exact, malheureusement.

566.4

Judas est toujours le même, ici comme à “ La Belle Eau ”…

– Dieu veuille qu’il soit toujours le même !

– Quoi ? Qu’est-ce que tu entends par là ?

– Tout et rien, Simon, fils de Jonas. Si le Maître m’entendait, il me dirait : “ Ne juge pas. ” Mais ce n’est pas juger, c’est craindre. Je crains que Judas ne devienne pire qu’à “ La Belle Eau ”.

– Il est certain qu’il a empiré, bien qu’il soit toujours le même. Il devrait en effet avoir changé, avoir grandi en justice, mais il est toujours pareil. Il a donc sur le cœur le péché de paresse spirituelle, qu’alors il n’avait pas. Les premiers temps… il était fou, oui, mais plein de bonne volonté… Mais, dis-moi : à ton avis, que signifie la décision du Maître d’envoyer Samuel avec nous et de rassembler tous les disciples, autant que faire se peut à Jéricho, pour la néoménie de Nisan ? Il avait d’abord annoncé que Samuel resterait ici… il avait aussi défendu de révéler où il se trouvait, lui. Je soupçonne quelque chose…

– Non, j’y reconnais une logique, pour moi c’est clair. Désormais, on ne sait par qui ni comment, la nouvelle de la présence du Maître ici est connue de toute la Palestine. Tu vois que des pèlerins et des disciples sont venus de Cédés à Engaddi, de Joppé à Bozra. Il est, par conséquent, inutile de garder plus longtemps le secret. En outre, la Pâque approche et il est certain que le Maître veut avoir les disciples avec lui, pour son retour à Jérusalem. Le Sanhédrin prétend, tu l’as entendu, qu’il est un vaincu et qu’il a perdu tous ses disciples. Et il lui répond en entrant en ville à leur tête…

– J’ai peur, Simon, terriblement peur… Tu as entendu, n’est-ce pas ? Tous, même les hérodiens, se sont unis contre lui…

– Eh oui ! Que Dieu nous aide !

– Et pourquoi envoie-t-il Samuel avec nous ?

– Sûrement pour le préparer à sa mission. Je ne vois pas de raison de s’agiter…

566.5

On frappe ! Ce sont certainement les femmes disciples ! »

Pierre se débarrasse de son tablier taché de sang et il suit, en courant, Simon le Zélote, qui s’est précipité à la porte de la maison. Tous ceux qui se trouvent dans la maison débouchent de partout en criant :

« Les voilà ! Les voilà ! »

Mais, une fois la porte ouverte, leur déception à la vue d’Elise et de Nikê est si manifeste que les deux disciples demandent :

« Il est arrivé quelque chose ?

– Non ! Non ! Mais nous croyions que… c’étaient Marie et les femmes disciples de Galilée… répond Pierre.

– Ah ! et vous voilà contrariés ! Nous, en revanche, nous sommes très heureuses de vous voir et d’apprendre que Marie ne va pas tarder d’arriver, dit Elise.

– Contrariés, non… Déçus, voilà ! Mais venez ! Entrez ! Paix à nos bonnes sœurs ! »

Jude les salue au nom de tous.

« A vous aussi. Le Maître n’est pas là ?

– Il est parti avec Jean à la rencontre de Marie. On sait qu’elle arrive par la route de Sichem, sur le char de Lazare » explique Simon le Zélote.

Elles entrent dans la maison, pendant qu’André s’occupe de l’ânon d’Elise. Nikê est venue à pied. Elles parlent des événements de Jérusalem, demandent des nouvelles des amis et des disciples… d’Annalia, de Marie et de Marthe, du vieux Jean de Nobé, de Joseph, de Nicodème, de tant d’autres…

566.6

L’absence de Judas permet de parler en paix et librement.

Elise, en femme âgée et expérimentée qui, au temps de Nobé, a été en contact avec Judas et le connaît donc bien — elle avoue même ouvertement “ ne l’aimer que pour l’amour de Dieu ” —, s’informe pour savoir s’il est à la maison, séparé des autres par quelque caprice, et c’est seulement quand elle est sûre qu’il est sorti pour faire les courses, qu’elle parle de ce qu’elle sait. Elle raconte “ qu’à Jérusalem, tout semble calme, qu’on n’interroge même plus les disciples connus, et qu’on murmure tout bas cette raison : Pilate aurait donné de la voix contre les membres du Sanhédrin, pour leur rappeler que c’est lui seul qui est chargé de rendre la justice en Palestine, et qu’ils doivent mettre fin à leurs agissements. ”

Et Nikê ajoute :

« Pourtant, on dit aussi — notamment Manahen mais aussi d’autres avec lui, et surtout une femme, Valéria — que Pilate a beau être las de ces soulèvements qui tiennent le pays dans l’agitation et peuvent lui valoir des ennuis, il est néanmoins impressionné par l’insistance avec laquelle les juifs lui insinuent que Jésus vise à se proclamer roi. On ajoute que, s’il n’y avait pas les rapports concordants et favorables des centurions et surtout l’influence de sa femme, il finirait par punir le Christ, peut-être par l’exil, pour ne plus avoir d’ennuis.

– Il ne manquerait plus que cela ! Il serait bien capable de le faire ! C’est pour les Romains la peine la plus légère, et la plus employée après la flagellation. Imaginez-vous : Jésus seul, je ne sais où, et nous dispersés çà et là… s’exclame Simon le Zélote.

– Dispersés… c’est toi qui le dis ! Moi, on ne me disperse pas ! Je marche à sa suite… s’écrie Pierre.

– Oh ! Simon ! Peux-tu avoir l’illusion qu’ils te laisseraient faire ? Ils t’attachent comme un galérien et t’emmènent là où ça leur plaît, sur les galères ou dans une de leurs prisons, et toi, tu ne peux plus le suivre ton Maître » lui dit Barthélemy.

Pierre s’entortille les cheveux, perplexe, découragé.

« Nous allons en parler à Lazare. Lazare se rendra ouvertement chez Pilate. Pilate le verra sûrement avec plaisir, car les païens aiment voir les êtres extraordinaires… préconise Simon le Zélote.

– Il y est certainement allé avant son départ, et Pilate n’aura plus envie de le voir ! répond Pierre d’un air abattu.

– Alors il s’y rendra en tant que fils de Théophile, ou bien il accompagnera sa sœur Marie chez les dames. Elles étaient amies quand… bref, quand Marie était pécheresse…

566.7

– Savez-vous que Valéria est devenue prosélyte après le divorce de son mari ? Je parle sérieusement ! Elle mène une vie de juste qui est un exemple pour beaucoup d’entre nous. Elle a affranchi ses esclaves et les instruit tous dans le vrai Dieu. Elle avait pris une maison dans Sion. Mais maintenant que Claudia est venue, elle est retournée chez elle…

– Alors !…

– Non, dit Nikê. Elle m’a déclaré : “ Quand Jeanne vient, je l’accompagne. Mais maintenant je veux convaincre Claudia ”… Il semble que Claudia n’arrive pas à dépasser les limites de sa croyance dans le Christ. Pour elle, c’est un sage, rien de plus… Il paraît même que, avant d’arriver en ville, elle a été quelque peu troublée par les bruits qu’on a fait courir et qu’elle a dit, l’air sceptique : “ C’est un homme comme nos philosophes, et pas des meilleurs, car sa parole ne correspond pas à sa vie ”, et qu’elle a eu des… des… en somme, elle s’est permis des mots qu’elle n’aurait pas dits, auparavant.

– Il fallait s’y attendre ! Des âmes païennes ! Ouais ! Il peut y en avoir une bonne… Mais les autres !… Elles ne valent rien, c’est de l’ordure ! s’exclame sentencieusement Barthélemy.

– Et Joseph ? demande Jude.

– Lequel ? Celui de Séphoris ? Il a une peur ! Ah ! Il y a eu votre frère Joseph. A peine arrivé, il est reparti, en passant toutefois par Béthanie, pour conseiller aux sœurs d’empêcher à tout prix le Maître d’entrer en ville et d’y séjourner. J’étais là, et j’ai entendu. C’est ainsi que j’ai appris que Joseph de Séphoris a eu beaucoup d’ennuis, et qu’il a très peur. Votre frère l’a chargé de se tenir au courant de ce qu’on complote au Temple. Joseph peut le savoir par l’intermédiaire de ce parent qui est marié, je ne sais si c’est avec la sœur ou la nièce de sa femme, et qui est employé au Temple, dit Elise.

566.8

– Que de peurs ! Désormais, quand nous monterons à Jérusalem, j’enverrai mon frère chez Hanne. Je pourrais y aller, moi aussi, car je connais bien ce vieux renard. Mais Jean sait mieux s’y prendre. Et Hanne l’aimait bien autrefois, quand on écoutait les paroles de ce vieux loup, en le prenant pour un agneau ! J’enverrai Jean. Lui saura supporter même des insultes sans réagir. Moi… s’il me déclarait anathème du Maître, ou même seulement que je suis anathème parce que je l’aime, je sauterais sur ce vieil enflé, je l’attrapperais par le cou et le tordrais comme on essore un filet. Je lui ferais rendre l’âme sournoise qui l’habite ! Même s’il était entouré de tous les soldats du Temple et des prêtres !

– Oh ! si le Maître t’entendait parler ainsi ! s’exclame André, scandalisé.

– C’est bien parce qu’il n’est pas là que je le dis !

– Tu as raison ! Tu n’es pas seul à le vouloir. Je le veux moi aussi, déclare Pierre.

– Moi aussi, et je ne parle pas seulement d’Hanne, affirme Jude.

– Ah ! pour cela, moi j’en… servirais plusieurs. J’ai une longue liste… Ces trois carcasses de Capharnaüm — j’exclus Simon le pharisien, qui me paraît passablement bon —, ces deux loups d’Esdrelon, ce vieux sac d’os qu’est Chanania, et puis… un mas­sacre, je vous dis, un massacre à Jérusalem, et en tête de tous Elchias. Je n’en peux plus de voir toutes ces vipères aux aguets ! »

Pierre bouillonne de colère.

Jude prend la parole avec un calme glacial encore plus impressionnant que s’il était furieux comme Pierre :

« Et moi, je t’aiderais. Mais… je commencerais peut-être par enlever les vipères qui se trouvent à côté de nous.

– Qui ? Samuel ?

– Non, non ! Samuel n’est pas le seul à être près de nous. Il y en a tant qui montrent un certain visage mais ont une âme différente de ce qu’ils laissent paraître ! Je ne les perds pas de vue, jamais. Je veux être sûr avant d’agir. Mais quand je le serai… Le sang de David est chaud, et celui de Galilée aussi. Je les ai en moi, tous les deux, en lignée paternelle et maternelle.

– Il suffit que tu me le dises, et je t’aide… déclare Pierre.

– Non. La vengeance du sang regarde les parents, c’est donc moi qui suis concerné. »

566.9

Soudain, Elise, qui pleurait doucement depuis quelque temps, intervient :

« Mes enfants ! Mes enfants ! Ne parlez pas ainsi ! Ce n’est pas ce qu’enseigne le Maître ! Vous ressemblez à des lionceaux furieux au lieu d’être les agneaux de l’Agneau ! Abandonnez cet esprit de vengeance. L’époque de David est passée depuis longtemps ! Les lois du sang et du talion sont supprimées par le Christ. Il conserve les dix commandements immuables, mais les autres dures lois mosaïques, il les abroge. De Moïse restent les commandements de pitié, d’humanité et de justice, résumés et perfectionnés par notre Jésus dans son plus grand commandement : “ Aimer Dieu de tout son être, aimer le prochain comme soi-même, pardonner à ceux qui nous offensent, aimer nos ennemis. ” Ah ! pardonnez-moi, si moi, qui suis une femme, j’ai osé enseigner à mes frères, et vous êtes plus grands que moi ! Mais je suis une vieille mère, et une mère peut toujours parler. Croyez-moi, mes enfants ! Si vous appelez Satan en vous avec dans votre cœur de la haine pour les ennemis, avec un désir de vengeance, il entrera en vous pour vous corrompre. Satan n’est pas une force, soyez-en sûr. La force, c’est Dieu. Satan est faiblesse, il est fardeau, il est torpeur. Vous ne saurez plus remuer un doigt, non contre les ennemis, mais pas même pour faire une caresse à notre Jésus tellement affligé, si la haine et la vengeance vous tiennent dans leurs chaînes. Oui, mes enfants, tous mes enfants ! Même vous qui avez mon âge, et davantage peut-être. Vous êtes tous des enfants pour une femme qui vous aime, pour une mère qui a retrouvé la joie de pouvoir l’être en vous aimant tous comme des fils. Ne me donnez pas l’angoisse de perdre une nouvelle fois des fils chéris, et pour toujours ; car si vous mourez dans la haine ou dans le crime, vous êtes morts pour l’éternité et nous ne pourrons plus nous réunir là-haut, dans la joie, autour de notre commun amour : Jésus. Promettez-moi ici, maintenant, à moi qui vous en supplie, à une pauvre femme, à une pauvre mère, de ne plus jamais avoir de telles pensées. Ah ! c’est jusqu’à votre visage qui est défiguré. Vous me paraissez des inconnus, vous n’êtes plus les mêmes ! Comme la haine vous enlaidit ! Vous étiez si doux ! Mais qu’arrive-t-il donc ? Ecoutez-moi ! Marie vous dirait les mêmes paroles, avec plus de puissance, car c’est Marie ; mais il vaut mieux qu’elle ne connaisse pas toute la douleur… Oh ! pauvre Mère ! Mais qu’arrive-t-il ? Dois-je donc vraiment croire que déjà se lève l’heure des ténèbres, l’heure qui engloutira tout, l’heure où Satan sera le roi en tous, sauf chez le Saint, et dévoiera même les saints, même vous, en vous rendant lâches, parjures, cruels comme il l’est ? Ah ! jusqu’à présent, j’ai toujours espéré ! J’ai toujours dit : “ Les hommes ne triompheront pas contre le Christ. ” Mais maintenant… maintenant je crains et je tremble pour la première fois ! Sur ce ciel serein d’Adar, je vois s’allonger et envahir la grande Ténèbre dont le nom est Lucifer, je la vois vous plonger tous dans la nuit et faire pleuvoir des poisons qui vous rendent malades. Oh ! j’ai peur ! »

Elise s’abandonne alors, la tête sur la table près de laquelle elle est assise, et elle sanglote douloureusement.

566.10

Les apôtres se regardent d’un air affligé, puis ils s’efforcent de la réconforter. Mais elle ne veut pas de leur réconfort et le leur fait savoir :

« Une seule chose a de la valeur à mes yeux : votre promesse. C’est pour votre bien ! Pour qu’aux souffrances de Jésus ne s’ajoute pas la plus grande : celle de vous voir damnés, vous, ses bien-aimés.

– Mais oui, Elise. Si tu le veux ! Ne pleure pas, femme ! Nous te le promettons. Ecoute : nous ne lèverons pas le petit doigt sur qui que ce soit. Nous ne regarderons même pas, pour ne pas voir. Ne pleure pas ! Ne pleure pas ! Nous pardonnerons à ceux qui nous offensent. Nous aimerons ceux qui nous haïssent ! Allons ! Ne pleure pas. »

Elise lève son visage ridé où brillent des larmes, et elle dit :

« Souvenez-vous-en. Vous me l’avez promis ! Répétez votre promesse !

– Nous te le promettons, femme.

– Mes chers fils ! Maintenant, vous me plaisez ! Je vous retrouve bons. Maintenant que mon angoisse est apaisée, et que vous êtes redevenus purs, après cet amer levain, préparons-nous à recevoir Marie. Qu’est-ce qu’il reste à faire ? demande-t-elle en finissant de sécher ses yeux.

– Vraiment… Nous avions veillé à tout, à la manière des hommes. Mais Marie, femme de Jacob, nous a aidés. C’est une Samaritaine, mais elle est très bonne. Tu vas la voir. Elle est au four en train de surveiller le pain. Elle est seule. Ses enfants sont morts ou oublieux, ses richesses évanouies, et pourtant elle n’a pas de rancune…

– Ah ! vous voyez ! Vous voyez qu’il y en a qui savent pardonner, même chez les païens, les Samaritains ? Et ce doit être terrible, sachez-le, de devoir pardonner à un fils !… Mieux vaut être mort que pécheur !…

566.11

Etes-vous sûrs que Judas n’est pas là ?

– A moins d’être devenu un oiseau, c’est impossible, car les fe­nêtres sont ouvertes, mais les portes sont fermées, excepté celle-ci.

– Alors… La mère de Judas s’est rendue à Jérusalem, avec quelqu’un de sa parenté. Elle est allée offrir des sacrifices au Temple, puis elle est venue chez nous. On dirait une martyre. Elle est d’une tristesse… ! Elle m’a demandé, elle nous a demandé à toutes, si nous ne savions rien de son fils : s’il était avec le Maître, s’il y était toujours resté avec lui…

– Qu’a-t-elle, cette femme ? s’étonne André.

– Elle a son fils. Tu ne penses pas que cela suffit ? répond Jude.

– Je l’ai réconfortée. Elle a voulu retourner au Temple avec nous. Nous y sommes allées toutes ensemble pour prier… Puis elle est repartie, toujours aussi angoissée. Je lui ai dit : “ Si tu restes avec nous, nous allons bientôt trouver le Maître. Ton fils est auprès de lui. ” Elle savait déjà que Jésus est ici. Cela s’est su jusqu’aux confins de la Palestine. Elle m’a répondu : “ Non, non ! Le Maître m’a recommandé de ne pas être à Jérusalem au printemps. J’obéis, mais j’ai voulu, avant l’époque de son retour, monter au Temple. J’ai un tel besoin de Dieu ! ” Et elle a ajouté une étrange parole : “ Je suis innocente, mais j’ai l’enfer en moi, et il me torture ”… Nous l’avons longuement interrogée, mais elle n’a pas voulu en dire davantage, ni sur ses tortures, ni sur la raison de l’interdiction de Jésus. Elle nous a prié de ne parler de tout cela ni à Jésus ni à Judas.

– Pauvre femme ! Elle ne sera donc pas ici à la Pâque ? demande Thomas.

– Non.

– Si Jésus le lui a imposé, c’est qu’il a ses raisons… Vous avez entendu, hein ! On sait vraiment partout que Jésus est ici ! s’exclame Pierre.

– Oui. L’homme qui le révélait appelait au rassemblement en son nom pour se soulever “ contre les tyrans ”, aux dires de certains. D’autres prétendaient que le Maître est ici parce qu’il se sait démasqué…

– Toujours les mêmes raisons ! Ils doivent avoir dépensé tout l’or du Temple pour envoyer partout leurs émissaires » remarque André.

566.12

On frappe à la porte.

« Les voici ! » s’écrient-ils en courant ouvrir.

Mais c’est Judas qui revient avec ses achats, suivi de Matthieu. A la vue d’Elise et Nikê, Judas les salue en demandant :

« Etes-vous seules ?

– Seules. Marie n’est pas encore arrivée.

– Elle ne vient pas des régions du midi, donc elle ne peut avoir fait route avec vous. Je voulais savoir si Anastasica était venue.

– Non. Elle est restée à Bet-Çur.

– Pourquoi ? Elle aussi est disciple. Ignores-tu donc que c’est d’ici que nous partirons à Jérusalem pour la Pâque ? Elle devrait être ici. Si les femmes disciples et les fidèles ne sont pas parfaits, qui le sera ? Qui escortera le Maître, pour détruire la légende que tous l’ont abandonné ?

– S’il s’agit de cela, ce ne sera pas une pauvre femme qui comblera les vides ! Les roses sont à leur place parmi les épines et dans les jardins clos. Je lui sers de mère et je le lui ai imposé.

– Alors, elle sera absente pour la Pâque ?

– Effectivement.

– Et de deux ! s’écrie Pierre.

– Que dis-tu ? Qui sont ces deux ? demande Judas, toujours soupçonneux.

– Rien, rien ! Un calcul. On peut compter tant de choses, n’est-ce pas ? Même les… mouches, par exemple, qui se posent sur mon agneau écorché. »

Marie, femme de Jacob, rentre, suivie de Samuel et de Jean qui portent les pains sortis du four. Elise salue la femme et Nikê l’imite. Elise a une douce parole pour mettre tout de suite la femme à son aise :

« Nous sommes sœurs dans la douleur, Marie. Moi aussi, je suis seule, car j’ai perdu mon époux et mes fils, et Nikê est veuve. Nous nous aimerons donc, car il faut avoir pleuré pour comprendre. »

566.13

Pendant ce temps, Pierre interroge Jean :

« Comment donc es-tu ici ? Et le Maître ?

– Sur le char, avec sa Mère.

– Et tu ne le disais pas ?

– Tu ne m’en as pas donné le temps ! Elles sont toutes là, mais vous verrez comme Marie de Nazareth est changée ! Elle semble avoir pris des années. Lazare m’a rapporté que la nouvelle que Jésus était réfugié ici l’avait remplie d’angoisse.

– Pourquoi le lui a-t-il dit, cet imbécile ? Avant de mourir, il était intelligent. Mais peut-être que dans le tombeau son cerveau s’est écrabouillé et ne s’est pas reconstruit. On ne reste pas mort impunément !… ironise Judas sur un ton méprisant.

– Mais non ! Pour parler, attends de savoir ! Lazare de Béthanie l’a appris à Marie quand déjà ils étaient en route, car elle s’étonnait de le voir prendre cette route, intervient sévèrement Samuel.

– Oui. A son premier passage à Nazareth, il a seulement dit : “ Je te conduirai chez ton Fils d’ici un mois. ” Il ne lui a même pas révélé : “ Nous allons à Ephraïm ” au moment de partir… ajoute Jean.

– Tout le monde sait que Jésus se trouve ici. Elle était donc la seule à l’ignorer ? demande toujours impoliment Judas en interrompant son compagnon.

– Marie le savait. Elle l’avait entendu dire, mais comme un fleuve de toutes sortes de mensonges coulait en charriant de la boue à travers la Palestine, elle ne tenait aucune nouvelle pour vraie. Elle se consumait en silence, dans la prière. Mais une fois qu’ils furent en voyage, Lazare avait pris le chemin qui longe le fleuve pour désorienter les Nazaréens et tous les habitants de Cana, de Sephoris, de Bethléem de Galilée…

– Ah ! il y a aussi Noémi avec Myrta et Aurea ? demande Thomas.

– Non, elles en ont eu l’interdiction de la part de Jésus. C’est Isaac qui leur a porté cet ordre à son retour en Galilée.

– Alors… ces femmes, elles aussi, ne seront pas avec nous comme l’an passé.

– En effet.

– Et de trois !

– Ni nos femmes ni nos filles. Le Maître le leur a ordonné avant de quitter la Galilée, ou plutôt il l’a répété. Car ma fille Marianne m’a rapporté que Jésus l’avait dit dès la dernière Pâque.

– Mais… très bien ! Il y a au moins Jeanne ? Salomé ? Marie, femme d’Alphée ?

– Oui, et Suzanne aussi.

– Et certainement Marziam…

566.14

Mais qu’est-ce que ce tapage ?

– Les chars ! Les chars ! Et tous les Nazaréens qui ne se sont pas donnés pour battus et ont suivi Lazare… et ceux de Cana… » répond Jean, qui s’éloigne en courant avec les autres.

Par la porte ouverte, un spectacle tumultueux s’offre à la vue. Il y a là Marie, assise auprès de son Fils, les femmes disciples, Lazare, Jeanne qui est sur son char avec Marie et Mathias, Esther et d’autres serviteurs ainsi que le fidèle Jonathas, mais aussi une foule de gens : des visages connus, d’autres inconnus, de Nazareth, de Cana, de Tibériade, de Naïm, d’En-Dor. Et des Samaritains de tous les villages situés sur le parcours et d’autres localités voisines. Ils se précipitent devant les chars, obstruant le passage de ceux qui veulent sortir comme de ceux qui veulent entrer.

« Mais que désirent ces gens ? Pourquoi sont-ils venus ? Com­ment ont-ils su ?

– Eh ! ceux de Nazareth étaient aux aguets. Quand ils ont vu Lazare arriver le soir pour repartir au matin, ils ont couru pendant la nuit dans les villes voisines ; ceux de Cana en ont fait autant, car Lazare était passé pour prendre Suzanne et rencontrer Jeanne, et ils l’ont suivi et précédé pour voir Jésus et Lazare. De même, quand les Samaritains l’ont appris, ils les ont rejoints. Et les voilà tous !… explique Jean.

– Dis-moi, toi qui avais peur que le Maître n’ait pas d’escorte, celle-là te paraît-elle suffisante ? demande Philippe à Judas.

– Ils sont venus pour Lazare…

– Ils auraient pu repartir après l’avoir vu, mais ils sont restés jusqu’ici. C’est signe qu’il y en a encore qui viennent pour le Maître.

– Bien. Ne faisons pas de discours inutiles. Cherchons plutôt à leur faire place pour leur permettre d’entrer. Allons, mes garçons ! Il faut nous remettre à l’exercice ! Il y a longtemps que nous n’avions pas joué des coudes pour frayer la route au Maître ! »

Et Pierre est le premier à tenter d’ouvrir un passage à travers la foule qui crie des hosannas, curieuse, dévouée, bavarde selon les cas. Cela fait, avec l’aide des autres et de disciples nombreux qui, disséminés dans la foule, cherchent à se joindre aux apôtres, il maintient vide un espace pour que les femmes puissent se réfugier dans la maison ainsi que Jésus et Lazare. Une fois entré en dernier, il bloque la porte avec des verrous et des barres, et envoie les autres fermer du côté du jardin.

566.15

« Ouf ! La paix soit avec toi, Marie bénie ! Je te revois enfin ! Maintenant tout est beau, puisque tu es parmi nous ! » s’exclame Pierre, qui la salue en se courbant jusqu’à terre.

Marie a le visage visage triste, pâle et fatigué, déjà le visage de l’Affligée.

« Oui, tout maintenant est moins douloureux puisque je suis auprès de Jésus.

– Je t’avais assuré que je ne te disais que la vérité ! déclare Lazare.

– Tu as raison… Mais le soleil s’est obscurci pour moi, et toute paix a disparu quand j’ai su que mon Fils était ici… J’ai compris… Ah ! »

D’autres larmes coulent sur ses joues pâles.

« Ne pleure pas, Maman ! Ne pleure pas ! J’étais ici parmi ces braves gens, près d’une autre Marie qui est une mère… »

Jésus la conduit vers une pièce qui ouvre sur le jardin tranquille. Tous les suivent.

Lazare s’excuse :

« J’ai été obligé de la renseigner, car elle connaissait la route et ne comprenait pas pourquoi je faisais ce détour. Elle le croyait chez moi à Béthanie… En outre, à Sichem un homme a crié : “ Allons nous aussi à Ephraïm, chez le Maître. ” Aucune excuse ne me fut plus possible… J’espérais prendre les devants sur cette foule en partant de nuit par des chemins insolites. Mais pas moyen ! Ils montaient partout la garde, et pendant qu’un groupe me suivait, un autre allait dans les environs pour prévenir. »

566.16

Marie, femme de Jacob, apporte du lait, du miel, du beurre et du pain frais et les offre à Marie pour commencer. Elle regarde Lazare par en dessous, un peu curieuse, un peu craintive, et sa main a une secousse quand, en donnant du lait à Lazare, elle l’effleure ; elle ne peut retenir un cri de surprise quand elle le voit manger sa fouace comme tous les autres.

Lazare est le premier à en rire en disant, sur un ton affable, distingué et plein d’assurance, comme tous les hommes de grande naissance :

« Oui, femme, je mange tout comme toi, et j’aime ton pain et ton lait. Et ton lit me plaira certainement, car je sens la lassitude comme je sens la faim. »

Il se tourne vers les autres pour ajouter :

« Beaucoup de gens me touchent sans prétexte pour sentir si je suis en chair et en os, si j’ai de la chaleur et si je respire. C’est un peu ennuyeux, et une fois ma mission finie, je me retirerai à Béthanie. Si je restais près de toi, Maître, je susciterais trop de distractions. J’ai brillé, j’ai témoigné de ta puissance jusqu’en Syrie. Maintenant, je m’éclipse. Toi seul dois resplendir dans le ciel du miracle, dans le ciel de Dieu, et en présence des hommes. »

Marie, pendant ce temps, s’adresse à la vieille mère :

« Mon Fils m’a dit à quel point tu as été bonne pour lui. Per­mets-moi de t’embrasser pour te montrer que je t’en suis recon­naissante. Je n’ai rien pour te récompenser, excepté mon amour. Je suis pauvre, moi aussi… et je puis même dire que je n’ai plus de Fils, car c’est à Dieu et à sa mission qu’il appartient… Je souhaite d’ailleurs qu’il en soit toujours ainsi, car tout ce que Dieu veut est saint et juste. »

Marie est douce, mais comme elle est déjà brisée… Tous les apôtres la regardent avec pitié, jusqu’à en oublier de penser à tous ceux qui manifestent dehors et de demander des nouvelles de leurs parents qui habitent au loin.

Mais Jésus intervient :

« Je monte sur la terrasse pour congédier les gens et les bénir. »

566.17

Alors Pierre se réveille :

« Mais où est Marziam ? J’ai vu tous les disciples, sauf lui.

– Il n’est pas là, répond Marie Salomé, la mère de Jacques et de Jean.

– Il n’est pas là ? Pourquoi ? Il est malade ?

– Non. Il va bien, et ta femme aussi va bien. Mais Porphyrée ne l’a pas laissé venir.

– Quelle femme stupide ! Dans un mois, c’est la Pâque, et il lui faudra bien venir pour la Pâque ! Elle pouvait le lui permettre dès maintenant, et faire cette joie à Marziam et à moi. Mais elle est plus lente à comprendre qu’une brebis et…

– Jean et Simon-Pierre, et toi aussi Lazare avec Simon le Zélote, venez avec moi. Quant aux autres, restez là où vous êtes, jusqu’à ce que j’aie congédié les gens et mis les disciples à part » ordonne Jésus.

Après être sorti avec les quatre hommes, il ferme la porte, traverse le couloir et la cuisine et arrive dans le jardin, suivi de Pierre, qui bougonne, et des autres. Mais avant de poser le pied sur la terrasse, il s’arrête dans l’escalier, et se tourne pour poser une main sur l’épaule de Pierre, qui lève la tête d’un air mécontent.

« Ecoute-moi bien, Simon-Pierre, et cesse d’accuser Porphyrée et de lui faire des reproches. Elle est innocente. Elle obéit à un ordre de moi. C’est moi qui lui ai commandé, avant les Tabernacles, de ne pas faire venir Marziam en Judée…

– Mais la Pâque, Seigneur ?

– Je suis le Seigneur, comme tu le dis bien. Et en tant que tel, je peux demander ce que je veux, car tout ordre de moi est juste. Par conséquent, ne te laisse pas troubler par des scrupules. Te souviens-tu de ce qui est écrit[1] dans les Nombres ? “ Si quelqu’un dans votre nation se trouve impur du fait d’un mort, ou est en voyage au loin, il célébrera la Pâque du Seigneur le quatorzième jour du second mois, vers le soir. ”

– Mais Marziam n’est pas impur, j’espère du moins que Porphyrée ne songe pas à mourir justement maintenant, et il n’est pas en voyage… objecte Pierre.

– Peu importe. C’est ma volonté. Certaines choses rendent plus impur qu’un mort. Marziam… je ne veux pas qu’il se contamine. Laisse-moi faire, Pierre. Je sais. Sois capable d’obéir, comme ton épouse et Marziam lui-même. Nous ferons avec lui la seconde Pâque, au quatorzième jour du second mois. Et nous serons très heureux alors. Je te le promets. »

Pierre fait un geste comme pour dire : “ Résignons-nous ”, mais il ne répond rien.

566.18

Simon le Zélote remarque :

« II vaut mieux que tu cesses de compter ceux qui seront absents à la Pâque en ville !

– Je n’ai plus envie de compter. Tout cela me fait… froid… Les autres peuvent-ils savoir ?

– Non. C’est exprès que je vous ai pris à part.

– Alors… j’ai aussi quelque chose à dire en particulier à Lazare.

– Parle. Si je le peux, je te répondrai, dit Lazare.

– Même si tu ne me réponds pas, peu m’importe. Il me suffit que tu ailles trouver Pilate — l’idée est de ton ami Simon — et que, en parlant de choses et d’autres, tu lui fasses révéler ses intentions au sujet de Jésus, en bien ou en mal… Tu sais… adroitement… Car on colporte tant d’histoires !…

– Je le ferai, dès mon arrivée à Jérusalem. Je passerai par Béthel et Rama plutôt que par Jéricho sur ma route vers Béthanie, je séjournerai dans mon palais de Sion, et j’irai chez Pilate. Sois tranquille, Pierre, car je serai adroit et sincère.

– Et tu perdras du temps pour rien, mon ami. Car Pilate — tu le connais comme homme, moi je le connais comme Dieu — n’est qu’un roseau qui ploie sous le vent, en essayant d’y échapper. Il ne manque jamais de sincérité, car il est toujours convaincu qu’il veut agir, et il fait ce qu’il dit à ce moment-là. Mais peu après, sous l’effet d’un vent contraire, il oublie — oh ! ce n’est pas qu’il manque à ses promesses et à sa volonté — il oublie tout simplement ce qu’il voulait auparavant. Le cri d’une volonté plus forte que la sienne lui enlève, comme en soufflant dessus, le souvenir des idées qu’un autre cri y avait mises, et lui en inspire d’autres. Il doit aussi tenir compte de son épouse, qui menace de se séparer de lui s’il ne fait pas ses quatre volontés — or une fois séparé d’elle, adieu toute sa force, toute protection auprès du “ divin ” César, comme ils disent, même s’ils sont convaincus que ce César est plus abject qu’eux… Mais, en l’homme, ils savent reconnaître l’Idée, or l’Idée surpasse l’homme qui la représente, et on ne peut dire d’elle qu’elle est impure : il est juste que, comme tout citoyen, il aime sa patrie, qu’il veuille son triomphe… Or César, c’est la Patrie… et voilà comment un misérable est… un grand homme, grâce à ce qu’il représente…

Mais je ne voulais pas parler de César, mais de Pilate ! Car, au-dessus de toutes ces voix, depuis celle de son épouse jusqu’à celle des foules, il y a son moi. Le petit ego d’un petit homme, l’ego avide de l’homme avide, l’ego orgueilleux de l’homme orgueilleux. Cette petitesse, cette avidité, cet orgueil veulent régner pour être grands, avoir beaucoup d’argent et dominer une foule de sujets que l’obéissance fait plier. La haine couve par dessous, mais notre petit César appelé Pilate ne s’en rend pas compte… Il ne voit que les dos courbés qui feignent d’obéir et de trembler devant lui, ou qui le font réellement. Et à cause de cette voix tempétueuse de son ego, il est prêt à tout. Je dis bien : à tout, pourvu qu’il continue à être Ponce Pilate, le Proconsul, le serviteur de César, le Dominateur de l’une des nombreuses régions de l’Empire. Il s’ensuit que, même s’il est aujourd’hui mon défenseur, demain il sera mon juge… inexorable. La pensée de l’homme est toujours indécise, mais elle est souverainement indécise quand cet homme s’appelle Ponce Pilate. Mais toi, Lazare, tu peux satisfaire Pierre… Si cela doit le consoler…

– Consoler non, mais… me calmer un peu, oui…

– Alors fais ce plaisir à notre bon Pierre, et va voir Pilate.

– J’irai, Maître. Mais tu as dépeint le Proconsul comme aucun historien ou philosophe n’aurait pu le faire. Le tableau est parfait !

– Je pourrais aussi bien dépeindre tout homme avec sa véritable effigie : son caractère.

566.19

Mais allons trouver ces gens qui font beaucoup de bruit. »

Il monte les dernières marches et se présente. Il lève les bras et dit d’une voix forte :

« Hommes de Galilée et de Samarie, mes disciples et vous qui me suivez : votre amour, le désir de m’honorer et d’honorer ma Mère et mon ami, en escortant leur char, m’indique quel est votre état d’esprit. Je ne puis que vous bénir pour cela. Néanmoins, retournez à vos maisons, à vos affaires. Vous qui venez de Galilée, partez et dites à ceux qui sont restés là-bas que Jésus de Nazareth les bénit. Hommes de Galilée, nous nous verrons pour la Pâque à Jérusalem, où j’entrerai le lendemain du sabbat précédant la Pâque. Hommes de Samarie, partez vous aussi, et sachez ne pas borner votre amour pour moi à me suivre et me chercher sur les routes de la terre, mais sur celles de l’esprit. Allez, et que la Lumière brille en vous. Disciples du Maître, séparez-vous des fidèles en restant à Ephraïm pour recevoir mes instructions. Allez. Obéissez.

– Il a raison ! Nous le dérangeons. Il veut rester avec sa Mère ! s’écrient les disciples et les Nazaréens.

– Nous allons partir, mais auparavant, nous voulons qu’il nous promette de venir à Sichem avant la Pâque. A Sichem ! A Sichem !

– J’y viendrai. Allez. Je viendrai avant de monter pour la Pâque à Jérusalem.

– Non, n’y va pas ! Reste avec nous ! Avec nous ! Nous te défendrons ! Nous te ferons Roi et Pontife ! Eux te haïssent ! Nous, nous t’aimons ! A bas les juifs ! Vive Jésus !

– Silence ! Arrêtez ce vacarme ! Ma Mère souffre de ces cris qui peuvent davantage me nuire qu’une voix qui me maudirait. Mon heure n’est pas encore venue. Partez. Je passerai par Sichem, mais enlevez de votre cœur la pensée que je puisse, par quelque basse lâcheté humaine et par une révolte sacrilège contre la volonté de mon Père, ne pas accomplir mon devoir d’israélite, en adorant le vrai Dieu dans l’unique Temple où l’on puisse l’adorer, et de Messie, en prenant la couronne ailleurs qu’à Jérusalem, où je serai oint Roi universel selon la parole et la vérité vue par les grands prophètes[2].

– A bas ! Il n’y a pas d’autre prophète après Moïse ! Tu es un rêveur.

– Et vous aussi. Etes-vous libres, peut-être ? Non. Comment s’appelle Sichem ? Quel est son nouveau nom ? Car il en est d’elle comme de beaucoup d’autres villes de Samarie, de Judée ou de Ga­lilée — le mangonneau romain nous met tous au même niveau. S’appelle-t-elle donc Sichem ? Non, mais Neapolis, comme Bet-Shéan s’appelle Scythopolis et comme beaucoup d’autres villes par la volonté des Romains ou celle de leurs vassaux flatteurs, ont pris le nom imposé par la domination ou la flatterie. Et vous, chacun en particulier, vous voudriez être plus qu’une ville, plus que nos maîtres, plus que Dieu ? Non, rien ne peut changer ce qui a été fixé pour le salut de tous. Moi, je suis la voie droite. Suivez-moi, si vous voulez entrer avec moi dans le Royaume éternel. »

566.20

Il est sur le point de se retirer, mais les Samaritains font un tel vacarme que les Galiléens réagissent ; et en même temps, ceux qui étaient à l’intérieur de la maison accourent dans le jardin, puis sur l’escalier et sur la terrasse. Le premier visage à apparaître derrière Jésus, c’est celui, pâle, triste et angoissé de Marie. Elle embrasse son Fils et le serre contre elle comme si elle voulait le défendre des injures qui montent d’en bas :

« Tu nous as trahis ! Tu t’es réfugié chez nous pour nous faire croire que tu nous aimais, alors qu’ensuite tu nous méprises ! Méprisés, nous le serons encore davantage par ta faute ! »… et ainsi de suite.

S’approchent aussi de Jésus les femmes disciples, les apôtres et en dernier, apeurée, Marie, femme de Jacob. Les cris d’en-bas expliquent l’origine du tumulte, origines lointaines, mais certaines :

« Pourquoi nous as-tu envoyé tes disciples nous apprendre que tu es persécuté ?

– Je n’ai envoyé personne. Voici là-bas ceux de Sichem. Qu’ils s’avancent. Que leur ai-je dit un jour sur la montagne ?

– C’est vrai. Il nous a dit qu’il ne peut être qu’adorateur dans le Temple aussi longtemps que le temps nouveau ne sera pas venu pour tous. Maître, nous ne sommes pas coupables, crois-le bien. Ils ont été trompés par de faux envoyés.

– Je le sais. Et maintenant, partez. Je viendrai quand même à Sichem. Je n’ai peur de personne. Mais allez-vous-en, pour ne pas vous nuire à vous-mêmes et à ceux de votre sang. Voyez-vous là-bas luire au soleil les cuirasses des légionnaires qui descendent la route ? Ils vous ont certainement suivis à distance à la vue d’une telle escorte. Ils sont restés dans les bois à attendre. Vos cris maintenant les attirent ici. Partez pour votre bien. »

Effectivement, au loin, sur la grande route que l’on voit s’élever vers les montagnes, celle sur laquelle Jésus avait trouvé l’affamé, on voit briller des clartés mouvantes qui avancent. Les gens se dispersent lentement. Il reste ceux d’Ephraïm, les Galiléens, les disciples.

« Vous aussi, habitants d’Ephraïm et de Galilée, rentrez chez vous. Obéissez à celui qui vous aime ! »

Eux aussi s’en vont.

566.21

Seuls restent les disciples que Jésus ordonne de faire entrer dans le jardin et dans la maison. Pierre et d’autres descendent ouvrir. Mais pas Judas. Il ricane :

« Maintenant, tu vas voir comment les “ bons Samaritains ” vont te détester ! Pour construire le Royaume, tu disperses les pierres, et les pierres écartées d’une construction deviennent des armes pour frapper. Tu les as méprisés ! Ils ne l’oublieront pas.

– Qu’ils me détestent. Ce n’est pas par peur de leur haine que j’éviterai d’accomplir mon devoir. Viens, Mère. Allons dire aux disciples ce qu’ils doivent faire avant que je ne les congédie. »

Accompagné de Marie et de Lazare, il descend l’escalier pour entrer dans la maison où s’entassent les disciples venus à Ephraïm. Il leur donne l’ordre de s’éparpiller partout pour prévenir tous leurs compagnons qu’ils doivent être à Jéricho pour la néoménie de Nisan et attendre son arrivée. Il leur demande aussi d’avertir les habitants des endroits où ils passeront qu’il allait quitter Ephraïm et de leur dire qu’ils doivent le chercher à Jérusalem pour la Pâque.

Puis il les répartit en groupes de trois et confie à Isaac, Hermas et Etienne, le nouveau disciple — Samuel — qu’Etienne salue ainsi :

« La joie de te voir dans la lumière tempère mon angoisse de constater que tout devient pierre pour le Maître. »

Et Hermas, de son côté, lui dit :

« Tu as quitté un homme pour un Dieu. Désormais, Dieu est vraiment avec toi. »

Humble et réservé, Isaac se contente de lui souhaiter :

« Que la paix soit avec toi, mon frère. »

Une fois consommés le pain et le lait que les habitants d’Ephraïm ont offerts, avec une bonne intention, les disciples aussi prennent la route. Voici enfin la paix…

566.22

Mais pendant qu’on prépare l’agneau, Jésus est encore occupé. Il va trouver Lazare et lui dit :

« Viens avec moi le long du torrent. »

Lazare obéit avec sa promptitude habituelle.

Ils s’éloignent de la maison d’environ deux cents mètres. Lazare se tait en attendant que Jésus parle. Et Jésus s’explique :

« Voici ce dont je voulais te faire part : ma Mère est très abattue, tu le vois. Fais venir ici tes sœurs. Moi, en réalité, je vais pousser vers Sichem avec tous les apôtres et les femmes disciples. Mais je les enverrai ensuite en avant, à Béthanie, pendant que je m’arrêterai quelque temps à Jéricho. Je peux encore oser garder avec moi des femmes ici, en Samarie, mais pas ailleurs…

– Maître ! Tu crains vraiment…Ah ! s’il en est ainsi, pourquoi m’as-tu ressuscité ?

– Pour avoir un ami.

– Oh ! si c’est pour cela, alors, me voici. Toute douleur n’est rien pour moi, si je puis te réconforter par mon amitié.

– Je le sais. C’est pour cela que je me sers de toi et que je me servirai de toi comme du plus parfait ami.

– Dois-je réellement aller trouver Pilate ?

– Oui, si tu veux. Mais pour Pierre, pas pour moi.

– Maître, je te tiendrai au courant… Quand quittes-tu cet endroit ?

– D’ici huit jours. J’aurai à peine le temps d’aller où je veux, puis d’arriver chez toi avant la Pâque, pour refaire mes forces à cette oasis de paix qu’est Béthanie, avant de me plonger dans le tumulte de Jérusalem.

– Tu sais, Maître, que le Sanhédrin est bien décidé à créer des accusations — étant donné qu’il n’y en a pas — pour t’obliger à fuir pour toujours ? Je le tiens de Jean, le membre du Sanhédrin, que j’ai rencontré par hasard à Ptolémaïs, heureux du nouvel enfant qui va bientôt naître. Il m’a dit : “ Je regrette cette décision du Sanhédrin. Car j’aurais voulu que le Maître soit présent à la circoncision du bébé, que j’espère être un garçon. Il doit naître dans les premiers jours de Tamuz. Mais le Maître sera-t-il encore parmi nous à cette époque ? Et j’aurais souhaité… qu’il puisse bénir le petit Emmanuel — et ce nom te dit ce que je pense — à son entrée dans le monde. Car mon fils — bienheureux sera-t-il — n’aura pas à lutter pour croire, comme nous le devons. Il grandira dans le temps messianique, et il lui sera facile d’en accepter l’idée. ” Jean est arrivé à croire que tu es le Promis.

– Lui seul, parmi tant de personnes, me dédommage de ce que les autres ne font pas. Lazare, saluons-nous ici, dans la paix. Et merci pour tout, mon ami. Tu es un ami véritable. Avec dix hommes qui te ressembleraient, il serait encore doux de vivre au milieu de tant de haine…

– Tu as maintenant ta Mère, mon Seigneur. Elle vaut cent Lazare. Mais rappelle-toi bien que je te procurerai tout ce dont tu peux avoir besoin, si cela m’est possible. Ordonne, et je serai ton serviteur, en toute chose. Je ne serai pas sage, ni saint comme d’autres qui t’aiment, mais tu ne trouveras personne de plus fidèle que moi, excepté Jean. Je ne crois pas être orgueilleux en disant cela.

566.23

Et maintenant que nous avons parlé de toi, je dois t’entretenir de Syntica. Je l’ai vue. Elle est active et sage comme seule une Grecque, qui a pu venir à ta suite, peut l’être. Elle souffre d’être au loin, mais elle dit qu’elle est heureuse de préparer ton chemin. Elle espère te revoir avant de mourir.

– Elle me reverra assurément. Je ne déçois jamais les espérances des justes.

– Elle dirige une petite école très fréquentée par des fillettes de toutes provenances. Mais, le soir, elle prend avec elle quelque pauvre gamine de sang mêlé et n’appartenant donc à aucune religion, et elle les instruit sur toi. Je lui ai demandé : “ Pourquoi ne te fais-tu pas prosélyte ? Cela t’aiderait beaucoup. ” Elle m’a répondu : “ Parce que je ne veux pas me consacrer au peuple d’Israël, mais aux autels vides qui attendent un Dieu. Je les prépare à recevoir mon Seigneur. Puis, une fois son Règne établi, je rentrerai dans ma patrie et, sous le ciel de l’Hellade, je finirai ma vie en préparant les cœurs aux maîtres. C’est mon rêve. Mais si je meurs auparavant de maladie ou sous la persécution, je partirai tout aussi heureuse, car ce sera signe que j’ai accompli mon travail, et qu’il appelle à lui sa servante, qui l’a aimé dès la première rencontre.

– C’est vrai. Syntica m’a réellement aimé dès la première rencontre.

– Je voulais lui taire à quel point tu es tourmenté. Mais Antioche résonne comme un coquillage de toutes les rumeurs du vaste empire de Rome, donc de ce qui se passe ici. Par conséquent, Syntica n’ignore pas tes peines, et elle en souffre encore plus que d’être au loin. Elle voulait me donner de l’argent. J’ai refusé en lui conseillant de s’en servir pour les fillettes. Mais j’ai pris un couvre-chef qu’elle a tissé avec de la soie de deux grosseurs. C’est ta Mère qui l’a. Syntica a voulu dessiner avec le fil ton histoire, la sienne et celle de Jean d’En-Dor. Et sais-tu comment ? En tissant tout autour du carré une bordure représentant un agneau qui défend deux colombes contre une bande de hyènes. L’une d’elles a les ailes brisées et l’autre a rompu la chaîne qui la tenait attachée. Et l’histoire se poursuit en alternant, jusqu’au vol vers les hauteurs de la colombe aux ailes brisées, et la prison volontaire de l’autre aux pieds de l’agneau. On dirait une de ces histoires que les sculpteurs grecs retracent dans le marbre sur les festons des temples et sur les stèles de leurs morts, ou encore que les peintres peignent sur les vases. Elle voulait te l’envoyer par l’entremise d’un de mes serviteurs, mais je l’ai pris moi-même.

– Je le porterai, parce qu’il vient d’une bonne disciple. Allons vers la maison. Quand comptes-tu partir ?

– Demain à l’aurore, pour faire reposer les chevaux. Puis je ne m’arrêterai pas jusqu’à Jérusalem et j’irai trouver Pilate. Si je peux lui parler, je t’enverrai ses réponses par Marie. »

Ils rentrent lentement dans la maison en parlant de sujets de moindre importance.

566.1

Nella casa di Maria di Giacobbe sono già alzati, nonostante il giorno spunti appena. Direi che è giorno di sabato, perché vedo presenti anche gli apostoli che di solito sono in missione. Vi è un grande preparare di fuochi e acque calde, e Maria è aiutata a setacciar farine e a intriderle per farne pane.

La vecchietta è molto agitata, di un’agitazione di bimba, e mentre lavora solerte domanda a questo e a quello: «Sarà proprio per oggi? E gli altri luoghi sono pronti? Siete sicuri che non sono più di sette?».

Le risponde per tutti Pietro, che sta scuoiando un agnello per prepararlo alla cottura: «Dovevano essere qui prima del sabato, ma forse le donne non erano pronte ancora e hanno perciò ritardato. Ma oggi certo verranno. Ah! io ne sono felice! Il Maestro è andato fuori? Forse è andato incontro a loro…».

«Sì. È uscito con Giovanni e Samuele andando verso la via della Samaria centrale», risponde Bartolomeo uscendo con una brocca colma di acqua bollente.

«Allora si può essere certi che arrivano. Egli sa sempre tutte le cose», professa Andrea.

«Io vorrei sapere: perché tu ridi così? Che c’è da ridere quando parla mio fratello?», interroga Pietro che ha notato la risatina di Giuda, ozioso in un angolo.

«Non rido per tuo fratello. Siete tutti felici e lo posso essere anche io, e ridere anche senza ragione».

Pietro lo guarda con chiara espressione ma torna ad occuparsi del suo lavoro.

«Ecco! Ce l’ho fatta a trovare un ramo di pianta in fiore. Non è mandorlo come volevo. Ma Ella, finito di fiorire il mandorlo, tiene altri rami e si accontenterà del mio», dice il Taddeo che rientra, gocciolante di guazza come fosse stato nei boschi e con un fascio di rami fioriti. Un miracolo di candore rugiadoso che pare rischiarare e abbellire la cucina.

«Oh! belli! Dove li hai trovati?».

«Da Noemi. Sapevo che il suo frutteto è tardivo per la posizione di tramontana che lo tiene indietro. E sono salito là».

«Per questo sembri anche tu una pianta del bosco! Le gocce delle rugiade ti brillano nei capelli e ti hanno bagnato la ve­ste».

«Il sentiero era umido come per pioggia. Sono già le rugiade abbondanti dei mesi più belli». Il Taddeo se ne va coi suoi fiori, e dopo poco chiama suo fratello perché lo aiuti a disporre i fiori.

«Vengo io. Me ne intendo. Donna, non hai qualche anfora dal collo slanciato, possibilmente di terra rossa?», dice Tommaso.

«Ho quel che cerchi e anche altri vasi… Quelli che usavo nei dì di festa… per le nozze dei figli miei o altro gran motivo. Se attendi che io metta queste focacce in forno, un attimo, vengo ad aprirti il cofano dove son riposte le cose belle… Ah! poche ormai, dopo tanta sventura! Ma alcune le ho serbate per… ricordare… e soffrire, perché, se anche sono ricordi di letizia, ora danno pianto perché ricordano ciò che è finito».

«Allora era meglio che nessuno te le chiedesse. Tanto! Non vorrei che ci accadesse come a Nobe. Tanti preparativi per nulla…», dice l’Iscariota.

«Se ti dico che ci ha avvertito un gruppo di discepoli?! Vuoi che abbiano sognato? Hanno parlato con Lazzaro. Li ha mandati avanti apposta. Venivano qui ad avvisare che avanti il sabato sarebbe stata qui la Madre col carro di Lazzaro, e Lazzaro e le discepole…».

«Intanto non sono venute…».

566.2

«Voi che lo avete visto quell’uomo, dite: non fa paura?», chiede la vecchietta asciugandosi le mani al grembiule dopo aver affidato le sue focacce a Giacomo di Zebedeo e ad Andrea, che le portano al forno.

«Paura? Perché?».

«Eh! un uomo che torna dai morti!». È tutta commossa.

«Sta’ calma, madre. È in tutto come noi», la conforta Giacomo d’Alfeo.

«Piuttosto bada di non fare chiacchiere con le altre donne, tu. Che non si abbia tutta Efraim qui dentro a dare noia», dice imperiosamente l’Iscariota.

«Non ho mai fatto parole imprudenti da quando siete qui. Né con quelli della città né con pellegrini. Ho preferito passare da stolta invece di mostrarmi sapiente, per non dare disturbo al Maestro e fargli del male. E saprò tacere anche oggi. Vieni, Tommaso…», ed esce per andare a mettere fuori i suoi tesori na­scosti.

«La donna è spaventata pensando di vedere un risorto», dice l’Iscariota e ride ironico.

«Non è la sola. Mi hanno detto i discepoli che a Nazaret erano tutti agitati, e così a Cana e a Tiberiade. Uno che torna da morte dopo quattro giorni di sepolcro non si trova facilmente come le margherite a primavera. Anche noi eravamo ben pallidi quando egli uscì dal sepolcro! Ma piuttosto che stare lì a far commenti inutili, non potresti lavorare? Si lavora tutti, e c’è ancor tanto da fare… Oggi che si può farlo, va’ al mercato e compera ciò che occorre. Quanto avevamo preso noi non è sufficiente, ora che esse vengono, né noi si faceva a tempo a tornare alla città a fare acquisti. Ci avrebbe bloccati, là dove si era, il tramonto».

Giuda chiama Matteo, che rientra in cucina tutto in ordine, ed escono insieme.

566.3

Rientra in cucina anche lo Zelote, lui pure tutto ben ordinato nelle vesti, e dice: «Quel Toma! È proprio un artista. Con un nulla ha addobbato la stanza come per un pranzo di nozze. Andate a vedere».

Tutti, meno lo Zelote e Pietro[1], che sta finendo la sua operazione, corrono a vedere. Pietro dice: «Non vedo il momento che siano qui. Forse ci sarà anche Marziam. Fra un mese è Pasqua. Certo sarà già partito da Cafarnao o Betsaida».

«Io sono contento che venga Maria per il Maestro. Lo con­forterà più di tutti. E ne ha bisogno», gli risponde lo Zelote.

«Tanto. Ma hai notato come è triste anche Giovanni? Io l’ho interrogato. Ma inutilmente. Nella sua dolcezza è più fermo di tutti noi e, se non vuol dire, niente lo fa parlare. Ma io sono sicuro che egli sa qualche cosa. E pare l’ombra del Maestro. Lo segue sempre. Lo guarda sempre. E quando non sa di essere osservato — perché allora risponde al tuo sguardo con quel suo sorriso che farebbe dolce anche una tigre — quando non si sa osservato, dico, il suo volto si fa triste, triste. Prova ad interrogarlo tu. Egli ti vuole molto bene. E ti sa più prudente di me…».

«Oh! questo no. Tu ti sei fatto un esempio a tutti noi di prudenza. Non si riconosce più in te il vecchio Simone. Sei proprio la pietra che per la sua robusta e quadrata compattezza sorregge noi tutti».

«Ma va’ là! Non lo dire! Sono un pover’uomo. Certo… a stare con Lui tanti anni si diventa un poco come Lui. Un poco… molto poco, ma già molto diversi da quanto si era prima. Tutti ci siamo… no, non tutti, purtroppo.

566.4

Giuda è sempre uguale. Qui come all’Acqua Speciosa…».

«E voglia Dio che sia sempre uguale!».

«Che? Che vuoi dire?».

«Nulla e tutto, Simone di Giona. Se il Maestro mi sentisse, mi direbbe: “Non giudicare”. Ma ciò non è giudicare. Questo è temere. Io temo che Giuda sia peggio che all’Acqua Speciosa».

«Certo che lo è, anche se è ancora come era allora. Lo è perché doveva essere molto cambiato, cresciuto in giustizia, e invece è sempre uguale. Ha dunque il peccato di accidia spirituale sul cuore, che allora non aveva. Perché i primi tempi… matto sì, ma pieno di buona volontà… Di’: cosa ti fa pensare che il Maestro abbia deciso di mandare con noi Samuele e di radunare tutti i discepoli, quanti se ne possono radunare a Gerico, per la neomenia di nisam? Prima aveva detto che l’uomo sarebbe rimasto qui… e prima anche ci aveva vietato di dire dove Egli era. Io sono in sospetto…».

«No. Vedo le cose chiare e logiche. Ormai, non si sa da chi e come propalata, la notizia che il Maestro è qui è nota a tutta la Palestina. Vedi che sono venuti qui pellegrini e discepoli da Cedes a Engaddi, da Joppe a Bozra. Ed è perciò inutile conservare più il segreto. Inoltre la Pasqua si avvicina ed è certo che il Maestro vuol avere i discepoli con Sé per il suo ritorno a Gerusalemme. Il Sinedrio dice, lo hai sentito, che Egli è un vinto e che ha perduto tutti i discepoli. Ed Egli gli risponde entrando in città alla testa di essi…».

«Ho paura, Simone! Una grande paura… Hai sentito, eh? Tutti, anche gli erodiani, si sono uniti contro di Lui…».

«Eh! sì! Dio ci aiuti!…».

«E Samuele perché lo manda con noi?».

«Per prepararlo certo alla sua missione. Non vedo motivo di agitazione…

566.5

Bussano! Certo sono le discepole!…».

Pietro getta via il suo grembiule insanguinato e segue di corsa lo Zelote, che si è precipitato alla porta di casa.

Sbucano dai diversi usci gli altri che sono in casa e tutti gridano: «Eccole! Eccole!».

Ma, aperta la porta, restano così palesemente delusi davanti a Elisa e Niche, che le due discepole chiedono: «Ma è accaduto forse qualcosa?».

«No! No! Ma è che… credevamo fosse la Madre e le discepole galilee…», dice Pietro.

«Ah! e ci siete rimasti male. Ma noi siamo ben felici invece di vedervi e di sapere che sta per giungere Maria», dice Elisa.

«Male no… Delusi, ecco! Ma venite! Entrate! La pace sia alle buone sorelle», saluta per tutti il Taddeo.

«E a voi. Il Maestro non c’è?».

«È andato con Giovanni incontro a Maria. Si sa che viene per la strada di Sichem sul carro di Lazzaro», spiega lo Zelote.

Entrano in casa, mentre Andrea si occupa dell’asinello di Elisa. Niche è venuta a piedi. Parlano di quello che avviene a Gerusalemme, chiedono degli amici e discepoli,… di Annalia, di Maria e Marta, del vecchio Giovanni di Nobe, di Giuseppe, di Nicodemo, di tanti.

566.6

L’assenza di Giuda Iscariota fa che si parli in pace e apertamente.

Elisa, donna anziana, esperta, e che è stata nei tempi di Nobe a contatto con l’Iscariota e lo conosce ormai molto bene e anche «non lo ama altro che per amor di Dio», come dice apertamente, si informa anzi se egli è in casa, non essendosi forse voluto unire[2] agli altri per qualche capriccio, e solo dopo che sa che è fuori, alle spese, parla di ciò che sa: «che a Gerusalemme pare tutto calmato, anzi non sono neppur più interrogati i noti discepoli, che si sussurra che ciò sia avvenuto perché Pilato ha fatto la voce grossa con quelli del Sinedrio, ricordando loro che la giustizia solo lui in Palestina la esercita, e di farla finita perciò».

«Anche però si dice», osserva Niche «— ed è proprio Mannaen che lo dice, e con lui altri, anzi altre, perché è Valeria l’altra voce — che Pilato sia veramente così stanco di queste sommosse che tengono agitato il Paese e che gli possono dare delle noie, e impressionato anche, per l’insistenza con cui i giudei gli insinuano che Gesù mira a proclamarsi re, che se non ci fossero i concordi rapporti favorevoli dei centurioni, e soprattutto le pressioni della moglie, finirebbe a punire il Cristo, magari con l’esilio, pur di non avere più noie».

«Ci mancherebbe altro! Ed è capace di farlo! Capacissimo! È il più lieve castigo romano, e il più usato dopo la flagellazione. Ma ve lo pensate? Gesù solo chissà dove, e noi dispersi qua e là…», dice lo Zelote.

«Già! Dispersi! Lo dici tu. Me non mi disperdono. Gli vado dietro…», dice Pietro.

«Oh! Simone! Ti puoi illudere che te lo lascerebbero fare? Ti legano come un galeotto e ti portano dove piace a loro, magari sulle galere o dentro ad una prigione delle loro, e tu il tuo Maestro non lo puoi più seguire», gli dice Bartolomeo.

Pietro si arruffa i capelli perplesso, sconfortato.

«Lo diremo a Lazzaro. Lazzaro andrà apertamente da Pilato. Certo Pilato lo vedrà volentieri, perché questi gentili amano vedere gli esseri straordinari…», dice lo Zelote.

«Ci sarà già stato prima di partire, e Pilato non desidererà più di vederlo!», dice Pietro con abbattimento.

«Allora ci andrà come figlio di Teofilo. Oppure accompagnerà sua sorella Maria dalle dame. Erano amiche quando… sì, insomma, quando Maria era peccatrice…».

566.7

«Sapete che Valeria, dopo che il marito si è divorziato da lei, si è fatta proselite? Quella ha fatto sul serio. Conduce una vita da giusta che è un esempio a molti di noi. Ha affrancato i suoi schiavi e li istruisce tutti nel vero Dio. Si era presa una casa in Sion. Ma ora che Claudia è venuta, è tornata da lei…».

«Allora!…».

«No. A me ha detto: “Come viene Giovanna, vado con lei. Ma ora voglio persuadere Claudia”… Pare che Claudia non riesca a superare il limite del suo credere in Cristo. Per lei è un saggio. Nulla più… Anzi sembra che, prima di venire in città, si fosse alquanto disturbata per le voci fatte correre e, scettica, dicesse: “È un uomo come i nostri filosofi e non dei migliori, perché la sua parola non corrisponde alla sua vita”, e abbia avuto dei… delle… insomma si sia permesse cose che prima aveva abbandonate», dice Niche.

«C’era da aspettarselo. Anime pagane! Uhm! Una buona ci può essere… Ma le altre!… Lordure! Lordure!», sentenzia Bartolomeo.

«E Giuseppe?», chiede il Taddeo.

«Chi? Quel di Sefori? Ha una paura! Ah! c’è stato vostro fratello Giuseppe. Venuto e partito subito, ripassando però da Betania per dire alle sorelle che trattengano ad ogni costo il Maestro dall’andare in città e dal rimanervi. Io ero là e ho sentito. Così ho anche saputo che Giuseppe di Sefori ha avuto molte noie e ora ha molta paura. Vostro fratello lo ha incaricato di stare al corrente di ciò che si complotta nel Tempio. Quel di Sefori lo può sapere per mezzo di quel parente che è marito non so se della sorella o della figlia della sorella della moglie, e che ha uffici al Tempio», dice Elisa.

566.8

«Quante paure! Adesso, quando si andrà a Gerusalemme, voglio mandare mio fratello da Anna. Potrei andarci anche io, perché anche io conosco bene quella vecchia volpe. Ma Giovanni sa più fare. E Anna gli voleva molto bene, allora, quando si ascoltava le parole di quel vecchio lupo credendolo un agnello! Manderò Giovanni. Egli saprà sopportare anche degli improperi senza reagire. Io… se mi dicesse anatema del Maestro, o anche solo che sono anatema io perché lo seguo, gli salterei al collo, lo abbrancherei e stringerei quel vecchio corpaccio come fosse una rete che deve perdere l’acqua. Gliela farei restituire io l’anima bieca che ha dentro! Anche avesse intorno tutti i soldati del Tempio e i sacerdoti!».

«Oh! se ti sentisse il Maestro a parlare così!», dice scandalizzato Andrea.

«È ben perché non c’è, che lo dico!».

«Hai ragione! Non sei solo ad avere certe voglie. Le ho anche io!», dice Pietro.

«E io pure, e non per Anna soltanto», dice il Taddeo.

«Oh! per questo io ne… servirei diversi. Ho una nota lunga… Quelle tre carcasse di Cafarnao — escludo il fariseo Simone perché pare passabilmente buono — quei due lupi di Esdrelon e quel vecchio mucchio d’ossi di Canania, e poi… una strage, vi dico, una strage a Gerusalemme, con alla testa di tutti Elchia. Non ne posso più di tutti questi serpenti in agguato!». Pietro è furente.

Il Taddeo, calmo nel dirlo, ma ancor più impressionante nella sua calma glaciale che se fosse furente come Pietro, dice: «E io ti aiuterei. Ma… forse comincerei a levare i serpenti che sono vicini».

«Chi? Samuele?».

«No, no! Non abbiamo vicino soltanto Samuele. Ci sono tanti che mostrano un viso e hanno un’anima diversa dal volto che mostrano! Io non li perdo di vista. Mai. Voglio essere sicuro prima di agire. Ma quando lo sarò! Il sangue di Davide è caldo, e caldo è quello di Galilea. Sono in me, per linea paterna e per linea materna, tutti e due».

«Oh! caso mai me lo dici, eh! Ti aiuto…», dice Pietro.

«No. La vendetta del sangue spetta ai parenti. A me spet­ta».

566.9

«Ma figli! Figli! Non parlate così! Non è questo ciò che insegna il Maestro! Sembrate leoncelli furenti in luogo di essere gli agnelli dell’Agnello! Deponete tanto spirito di vendetta. I tempi di Davide sono superati da un pezzo! La legge del sangue e del taglione sono annullate dal Cristo. Egli lascia i dieci comandi immutabili, ma le altre dure leggi mosaiche le abroga. Di Mosè restano i comandi di pietà, di umanità e giustizia, compendiati e perfezionati dal nostro Gesù nel suo più grande comando: “Amare Dio con tutti se stessi, amare il prossimo come noi stessi, perdonare a chi offende, dare amore a chi ci odia”. Oh! perdonate se io, donna, ho osato insegnare ai miei fratelli, e più grandi di me! Ma sono una vecchia madre. E una madre può sempre parlare. Credetelo, figli miei! Se voi stessi chiamate in voi Satana con l’odio per i nemici, col desiderio di vendetta, esso entrerà in voi corrompendovi. Non è una forza, Satana. Credetelo. Forza è Dio. Satana è debolezza, è peso, è torpore. Voi non sapreste più muovere un dito, non contro i nemici, ma neppure per dare una carezza all’afflitto nostro Gesù, se l’odio e la vendetta vi avessero messi in catene. Su, figli miei, tutti figli! Anche voi che avete i miei anni, e più, forse. Tutti figli per una donna che vi ama, per una madre che ha ritrovato la gioia d’esser madre amandovi come figli tutti. Non mi fate di nuovo angosciata per aver perduto novellamente i figli cari, e per sempre; perché se morite coll’odio, o col delitto, morti siete per l’eternità e non potremo più riunirci lassù, in giubilo, intorno al nostro comune amore: Gesù. Promettete qui, subito, a me che ve ne supplico, ad una povera donna, ad una povera mamma, di non avere mai più questi pensieri. Oh! vi sfigurano persino il volto. Mi parete sconosciuti, diversi! Come vi fa brutti il rancore! Così dolci eravate! Ma che avviene dunque? Ascoltatemi! Maria vi direbbe le mie stesse parole, con più potenza perché Essa è Maria; ma meglio è che Ella non sappia tutto il dolore… Oh! povera Madre! Ma che avviene? Devo dunque proprio credere che già sorge l’ora delle tenebre, l’ora che inghiottirà tutti, l’ora in cui Satana sarà re in tutti, meno che nel Santo, e travierà anche i santi, anche voi, facendovi vili, spergiuri, crudeli come esso è? Oh! finora ho sempre sperato! Sempre ho detto: “Gli uomini non prevarranno contro il Cristo”. Ma ora! Ora temo e tremo per la prima volta! Su questo sereno cielo di adar io vedo allungarsi e invadere la gran Tenebra che ha nome Lucifero e oscurarvi tutti, e piovere tossici che vi fanno malati. Oh! ho paura!».

Elisa, che già da qualche tempo piangeva senza scosse, si abbandona col capo sul tavolo presso il quale è seduta e singhiozza dolorosamente.

566.10

Gli apostoli si guardano fra loro. Poi, afflitti, si danno a confortarla. Ma lei non vuole conforti e lo dice: «Uno, uno solo mi vale: la vostra promessa. Per il vostro bene! Perché Gesù non abbia nei suoi dolori il più grande: quello di vedervi dannati, voi, i suoi diletti».

«Ma sì, Elisa. Se questo vuoi! Non piangere, donna! Te lo promettiamo. Ascolta. Non alzeremo un dito su nessuno. Non guarderemo neppure per non vedere. Non piangere! Non piangere! Perdoneremo a chi offende. Ameremo chi ci odia! Su! Non piangere».

Elisa alza il volto rugoso, lucido di pianto, e dice: «Ricordate. Me lo avete promesso! Ripetetelo!».

«Te lo promettiamo, donna».

«Cari i miei figli! Ora sì che mi piacete! Vi riconosco buoni. Adesso che si è calmato il mio affanno e che voi siete tornati puri da quel lievito amaro, prepariamo per ricevere Maria. Che c’è da fare?», dice finendo di asciugarsi gli occhi.

«Veramente… noi si era fatto. Da uomini. Ma Maria di Giacobbe ci ha aiutato. È una samaritana, ma è molto buona. Ora la vedrai. È al forno a sorvegliare il pane. È sola. I figli morti o dimentichi di lei, le ricchezze svanite, eppure non ha ranco­ri…».

«Ah! vedete! Vedete che c’è chi sa perdonare, anche presso i pagani, i samaritani? E deve essere terribile, sapete, dover perdonare ad un figlio!… Meglio morto che peccatore! Ah!

566.11

Siete sicuri che Giuda non c’è?».

«Se non è diventato uccello, non ci può essere, essendo aperte le finestre ma chiuse le porte, tutte meno questa».

«Allora… È stata a Gerusalemme Maria di Simone col suo parente. È venuta ad offrire sacrifici al Tempio. E poi è venuta da noi. Sembra una martire. Come è afflitta! Mi ha chiesto, a tutte ha chiesto se sapevamo nulla di suo figlio. Se era col Maestro. Se c’era sempre stato».

«Che ha quella donna?», chiede stupito Andrea.

«Ha suo figlio. Non ti pare che basti?», chiede il Taddeo.

«Io l’ho riconfortata. Volle tornare con noi al Tempio. Ci andammo tutte unite a pregare… Poi è ripartita, sempre col suo affanno. Io le dissi: “Se resti con noi, fra poco si va dal Maestro. Là è tuo figlio”. Sapeva già che Gesù è qui. Lo si è saputo sino ai confini della Palestina. Ma ha detto: “No, no! Il Maestro mi ha detto di non essere a Gerusalemme a primavera. Io ubbidisco. Ma ho voluto, avanti il tempo del suo ritorno, salire al Tempio. Ho bisogno tanto di Dio”. E ha detto una strana parola… Ha detto: “Io sono incolpevole. Ma l’inferno è in me e io in esso, tanto sono torturata”… Molto l’abbiamo interrogata. Ma lei non ha voluto dire di più. Né le sue torture, né le ragioni del divieto di Gesù. Si è raccomandata di non dire nulla né a Gesù né a Giuda».

«Povera donna! Dunque a Pasqua non ci sarà?», chiede Tom­maso.

«Non ci sarà».

«Mah! Se Gesù glielo ha imposto, avrà il suo motivo… Avete sentito, eh? Si sa proprio dovunque che Gesù è qui!», dice Pietro.

«Sì. E chi lo diceva chiamava a raccolta in suo nome, per sollevarsi “contro i tiranni”, dicevano alcuni. E altri, che Egli è qui perché si sa smascherato…».

«Sempre le stesse ragioni! Devono aver speso tutto l’oro del Tempio per mandare da per tutto questi… loro servi!», osserva Andrea.

566.12

Dei colpi alla porta. «Sono qui!», dicono e corrono ad aprire.

Invece è Giuda con i suoi acquisti. Matteo lo segue. Giuda vede Elisa e Niche e le saluta, chiedendo: «Siete sole?».

«Sole. Maria non è ancora venuta».

«Non viene dalle contrade del mezzogiorno Maria e non può perciò essere con voi. Io dicevo se non c’è Anastasica».

«No. È rimasta a Betsur».

«Perché? Essa pure è discepola. Non lo sai che da qui si andrà per la Pasqua a Gerusalemme? Doveva esserci. Se non sono perfette le discepole e i fedeli, chi lo sarà? Chi farà corteo al Maestro, a sfatare la leggenda che tutti lo hanno abbandonato?».

«Oh! per questo! Non sarà una povera donna colei che colmerà i vuoti! Le rose stanno bene fra le spine e negli orti chiusi. Le faccio da madre e ho imposto così».

«Allora per Pasqua non ci sarà?».

«Non ci sarà».

«E due!», esclama Pietro.

«Che dici? Chi: due?», chiede Giuda sempre sospettoso.

«Niente, niente! Un calcolo mio. Si può contare tante cose, no? Anche le… mosche, ad esempio, che si posano sul mio agnello scuoiato».

Rientra Maria di Giacobbe seguita da Samuele e Giovanni che portano i pani sfornati. Elisa saluta la donna e così Niche. Ed Elisa ha una dolce parola per mettere subito la donna a suo agio: «Sei fra sorelle nel dolore, Maria. Io sono sola, avendo perduto sposo e figli, e costei è vedova. Perciò ci ameremo, perché solo chi ha pianto sa capire».

566.13

Ma intanto Pietro dice a Giovanni: «Come qui? Il Mae­stro?».

«Sul carro. Con sua Madre».

«E non lo dicevi?».

«Non me ne hai dato il tempo. Ci sono tutte. Ma vedrete come è sciupata Maria di Nazaret! Sembra invecchiata di lustri. Dice Lazzaro che ebbe molto affanno quando egli le disse che Gesù era qui rifugiato».

«Perché glielo ha detto quello stolto? Prima di morire era intelligente. Ma forse nel sepolcro si è spappolato il suo cervello e non si è ricostruito. Non si sta morti impunemente!…», dice ironico e sprezzante Giuda di Keriot.

«Nulla di questo. Attendi, per parlare, di sapere. Lazzaro di Betania lo disse a Maria quando già erano per via, stupendosi Ella della strada che Lazzaro prendeva», dice severo Samuele.

«Sì. Nel suo primo passaggio da Nazaret disse soltanto: “Ti condurrò da tuo Figlio fra un mese”. E neppur le disse: “Andiamo a Efraim” quando erano per partire, ma…», dice Giovanni.

«Tutti lo sanno che Gesù è qui. Solo Lei non sapeva?», chiede sempre villanamente Giuda interrompendo il compagno.

«Maria lo sapeva, lo aveva sentito dire. Ma, posto che un fiume di menzogne diverse corre fangoso per la Palestina, Ella non accoglieva, per vera, notizia alcuna. Si consumava in silenzio, pregando. Ma una volta che furono in viaggio, avendo Lazzaro preso la via lungo il fiume, allo scopo di disorientare i nazareni e tutti quelli di Cana, Sefori, Betlemme di Galilea…».

«Ah! c’è anche Noemi con Mirta e Aurea?», chiede Tommaso.

«No. Ne hanno avuto il divieto da parte di Gesù. Lo ha portato Isacco quando è tornato in Galilea, quest’ordine».

«Allora… anche queste donne non saranno con noi come lo scorso anno».

«Non saranno con noi».

«E tre!».

«Neppure le nostre donne e figlie. Il Maestro lo ha detto alle stesse prima di lasciare la Galilea. Anzi lo ha ripetuto. Perché mia figlia Marianna mi disse che Gesù lo aveva detto sin dalla passata Pasqua».

«Ma… benissimo! C’è almeno Giovanna? Salome? Maria d’Alfeo?».

«Sì. E Susanna».

«E certo Marziam…

566.14

Ma cosa è questo rumore?».

«I carri! I carri! E tutti i nazareni che non si sono dati vinti e hanno seguito Lazzaro… e quei di Cana…», risponde Giovanni correndo via con gli altri.

Aperta la porta, uno spettacolo tumultuoso si presenta alla vista. Oltre a Maria, seduta presso al Figlio e alle discepole, oltre a Lazzaro, oltre a Giovanna, sul suo carro insieme a Maria e Mattia, Ester e altre serventi e il fido Gionata, vi è una folla di gente: visi noti, visi ignoti. Di Nazaret, di Cana, Tiberiade, di Naim, di Endor. E samaritani di tutti i paesi toccati nel viaggio e di altri vicini. E si precipitano avanti ai carri, ostruendo il passaggio a chi vuole uscire e a chi vuole entrare.

«Ma che vogliono costoro? Perché sono venuti? Come hanno saputo?».

«Eh! quelli di Nazaret erano all’erta, e venuto Lazzaro, la sera, per partire al mattino, nella notte sono corsi alle città vicine, e così quei di Cana, perché Lazzaro era passato a prendere Susanna e ad incontrarsi con Giovanna. E lo hanno seguito e preceduto. Per vedere Gesù e per vedere Lazzaro. E quelli della Samaria pure hanno saputo e si sono uniti. Ed eccoli tutti!…», spiega Giovanni.

«Di’! Tu che avevi paura che il Maestro non avesse corteo, ti pare sufficiente questo?», dice Filippo all’Iscariota.

«Sono venuti per Lazzaro…».

«Visto che l’ebbero, avrebbero potuto andare. Ma invece sono rimasti sin qui. Segno che c’è anche chi viene per il Maestro».

«Bene. Non facciamo parole inutili. Cerchiamo piuttosto di far largo per farli entrare. Forza, ragazzi! Per rimettersi in esercizio! È tanto che non si lavora di gomiti per far largo al Maestro!», e Pietro si dà per il primo ad aprire il solco fra la folla osannante, curiosa, devota, pettegola, a seconda dei casi. E fattolo, aiutato dagli altri e da molti discepoli che sparsi fra la folla cercano di riunirsi agli apostoli, mantiene vuoto uno spazio perché le donne possano rifugiarsi in casa, e così Gesù e Lazzaro, e poi chiude la porta ritirandosi per ultimo e spranga con catenacci e sbarre, e manda altri a chiudere dalla parte dell’orto.

566.15

«Oh! finalmente! La pace sia con te, Maria benedetta! Finalmente ti rivedo! Ora tutto è bello perché tu sei con noi!», saluta Pietro curvandosi fino a terra davanti a Maria. Una Maria dal volto mesto, pallido e stanco, un volto già di Addolorata.

«Sì, ora tutto è meno doloroso perché sono qui vicino a Lui».

«Te lo avevo assicurato che non dicevo che il vero!», dice Lazzaro.

«Hai ragione… Ma il sole si è oscurato per me e cessata è ogni pace quando ho saputo che mio Figlio era qui… Ho capito… Oh!». Altre lacrime scendono sulle gote pallide.

«Non piangere, Mamma mia! Non piangere! Ero qui fra questa buona gente, presso un’altra Maria che è una madre…».

Gesù la guida verso una stanza che si apre sull’orto quieto. Tutti li seguono.

Lazzaro si scusa: «Ho ben dovuto dire, perché Ella conosceva la strada e non capiva perché pigliassi quella. Lo credeva con me, a Betania… E a Sichem anche un uomo gridò: “Anche noi ad Efraim, dal Maestro”. Non mi fu più possibile alcuna scusa… Speravo anche distanziare quella gente, partendo a notte, per vie strane. Ma sì! Erano di guardia in ogni luogo, e mentre un nucleo mi seguiva l’altro andava all’intorno ad avvisare».

566.16

Maria di Giacobbe porta latte, miele, burro e pane fresco, e li offre a Maria per prima, e sogguarda Lazzaro da sotto in su, metà curiosa, metà spaurita, e la sua mano ha una scossa quando, nel dare il latte a Lazzaro, gli sfiora la mano, e la sua bocca non trattiene un «oh!» quando lo vede mangiare la sua focaccia come tutti.

Lazzaro ride per il primo dicendo, affabile, signorile e sicuro come tutti gli uomini di grande nascita: «Sì, donna. Mangio proprio come te, e mi piace il tuo pane e il tuo latte. E certo mi piacerà il tuo letto, perché sento la stanchezza come sento la fame». Si volge a tutti dicendo: «Molti sono che mi toccano con una scusa per sentire se sono carne e ossa, se ho calore e respiro. È una lieve noia. E finita la mia missione mi rinchiuderò in Betania. Vicino a Te, Maestro, creerei distrazioni troppe. Ho brillato, ho testimoniato della tua potenza fino in Siria. Ora mi eclisso. Tu solo devi splendere nel cielo del miracolo, nel cielo di Dio e al cospetto degli uomini».

Maria, intanto, dice alla vecchietta: «Tu sei stata buona con mio Figlio. Egli mi ha detto quanto. Lascia che io ti baci per dirti che ti son grata. Non ho nulla per compensarti, fuorché il mio amore. Sono povera io pure… e anche io posso dire di non avere più figlio, perché Egli è di Dio e della sua missione… E così sia sempre, perché santo e giusto è tutto ciò che Dio vuo­le».

Maria è dolce, ma come è spezzata già… Tutti gli apostoli la guardano con pietà, tanto da dimenticarsi di chi tumultua fuori e di chiedere notizie dei parenti lontani.

Ma Gesù dice: «Salgo sul terrazzo per congedare e benedire la gente»;

566.17

e allora Pietro si riscuote e dice: «Ma dove è Marziam? Ho visto tutti i discepoli e non lui».

«Non c’è Marziam», risponde Salome, la madre di Giacomo e Giovanni.

«Non c’è Marziam? Perché? È malato?».

«No. Sta bene. E bene sta tua moglie. Ma non c’è Marziam. Porfirea non lo ha lasciato venire».

«Stolta femmina! Fra un mese è Pasqua ed egli deve ben venire per la Pasqua! Poteva farlo venire con voi da ora, dare una gioia al figlio e una a me. Ma è più tarda di una pecora a capire le cose e…».

«Giovanni e Simone di Giona, e tu Lazzaro con Simone Zelote, venite con Me. Voi tutti state qui dove siete, sinché ho congedato la gente, separando da essa i discepoli», ordina Gesù ed esce coi quattro chiudendo la porta.

Traversa il corridoio, la cucina, esce nell’orto seguito da Pietro che brontola e dagli altri. Ma prima di mettere piede sulla terrazza si ferma sulla scaletta, si volge posando una mano sulla spalla di Pietro che alza il volto scontento.

«Ascoltami bene, Simon Pietro, e cessa di accusare e rimproverare Porfirea. Ella è innocente. Ella ubbidisce a un ordine mio. Sono Io che le ho comandato, avanti ai Tabernacoli, di non far venire Marziam in Giudea…».

«Ma la Pasqua, Signore!».

«Sono il Signore. Tu lo dici. E come Signore posso ordinare qualunque cosa, perché ogni mio ordine è giusto. Perciò non ti turbare con gli scrupoli. Ti ricordi ciò che è detto[3] nei Numeri?

“Se alcuno della vostra nazione è immondo per un morto o è in viaggio lontano, faccia la Pasqua del Signore nel quattordicesimo giorno del secondo mese, verso sera”».

«Ma Marziam non è immondo, almeno spero che Porfirea non voglia proprio morire ora; e non è in viaggio…», obbietta Pietro.

«Non importa. Io voglio così. Ci sono cose che rendono più immondi di un morto. Marziam… Non voglio che si contamini. Lasciami fare, Pietro. Io so. Sii capace di ubbidire come lo è tua moglie e Marziam stesso. Faremo con lui la seconda Pasqua, al quattordicesimo del secondo mese. E saremo così felici, allora. Te lo prometto».

Pietro fa una mossa come per dire: «Rassegnamoci», ma non obbietta nulla.

566.18

Lo Zelote osserva: «Molto è che tu non continui il tuo conto di quanti non saranno a Pasqua in città!».

«Non ho più voglia di contare. Tutto ciò mi dà un che addosso… Un gelo… Gli altri possono sapere?».

«No. Vi ho presi apposta in disparte».

«Allora… ho anche io da dire qualcosa in disparte a Lazza­ro».

«Dilla. Se posso ti risponderò», dice Lazzaro.

«Oh! anche se non rispondi a me, non importa. Mi basta che tu vada da Pilato — l’idea è del tuo amico Simone — e che tu, così, fra una parola e l’altra, gli cavi fuori ciò che egli pensa di fare per Gesù, in bene o in male… Sai… con arte… Perché se ne dicono tante!…».

«Lo farò. Subito che arrivo a Gerusalemme. Passerò da Betel e Rama invece che da Gerico per andare a Betania, e sosterò nel palazzo di Sion, e andrò da Pilato. Sta’ tranquillo, Pietro. Ché sarò esperto e sincero».

«E perderai del tempo per niente, amico. Perché Pilato — tu lo sai come uomo, Io lo so come Dio — non è che una canna che piega dalla parte opposta all’uragano, tentando di sfuggire ad esso. Non è mai insincero. Perché sempre è convinto di voler fare, e fa, ciò che dice in quel momento. Ma il momento dopo, per un urlo di bufera che viene da un’altra parte, dimentica — oh! non è che manchi alle sue promesse e volontà — dimentica, questo solo, tutto ciò che voleva prima. Lo dimentica perché l’urlo di una volontà più forte della sua lo smemora, gli soffia via tutti i pensieri che un altro urlo vi aveva messi, e vi mette dentro i nuovi. E poi, su tutte le bufere che con mille voci, da quella della moglie che lo minaccia di separarsi se non fa ciò che ella vuole — e separato che sia da lei, addio ogni sua forza, ogni sua protezione presso il “divo” Cesare, come essi dicono, pur essendo convinti che questo Cesare è più abbietto di loro… Ma essi sanno vedere l’Idea nell’uomo, anzi l’Idea annulla l’uomo che la rappresenta, e l’Idea non si può dire che sia immonda: ogni cittadino ama, è giusto che ami la Patria, che voglia il suo trionfo… Cesare è la Patria… ed ecco… che anche un miserabile è… un grande per quello che rappresenta… Ma non volevo parlare di Cesare, ma di Pilato! — Dicevo, dunque, che su tutte le voci, da quella della moglie a quella delle folle, c’è la voce, ah! che voce!, del suo io. Dell’io piccolo del piccolo uomo, dell’io avido dell’avido uomo, dell’io orgoglioso dell’orgoglioso uomo; questa piccolezza, quest’avidità, quest’orgoglio vogliono regnare per essere grandi, vogliono regnare per essere pieni di denaro, vogliono regnare per poter dominare su un mucchio di sudditi curvi in ossequio. L’odio cova sotto, ma non lo vede il piccolo Cesare detto Pilato, il nostro piccolo Cesare… Egli vede solo le schiene curve che fingono un ossequio e un tremore davanti a lui, o li sentono realmente l’uno e l’altro. E per questa voce procellosa dell’io egli è disposto a tutto. Dico: a tutto. Pur di continuare ad essere Ponzio Pilato, il Proconsole, il servo di Cesare, il dominatore di una delle tante regioni dell’Impero. E per tutto questo, se anche ora è mio difensore, domani sarà mio giudice, e inesorabile. Sempre incerto è il pen­siero dell’uomo. Incertissimo, poi, quando quell’uomo si chiama Ponzio Pilato. Ma tu, Lazzaro, accontenta pure Pietro… Se ciò lo deve consolare…».

«Consolare no, ma… tenermi più calmo, sì…».

«E allora accontenta il nostro buon Pietro e va’ da Pilato».

«Andrò, Maestro. Ma Tu hai dipinto il Proconsole come nessun storico o filosofo avrebbe potuto fare. È perfetto!».

«Potrei ugualmente dipingere ogni uomo nella sua vera effigie: il suo carattere.

566.19

Ma andiamo da questi che tumultuano».

Sale gli ultimi scalini e si presenta. Alza le braccia e dice forte: «Uomini di Galilea e di Samaria, discepoli e seguaci. Il vostro amore, il desiderio di onorarmi e di onorare la Madre mia e l’amico mio facendo scorta al loro carro, mi dice quale è il vostro pensiero. Io non posso che benedirvi per questo vostro pensiero. Però ora tornate alle vostre case, ai vostri affari. Voi di Galilea andate e dite ai rimasti che Gesù di Nazaret li benedice. Uomini di Galilea, ci vedremo per la Pasqua in Gerusalemme, dove entrerò il dì dopo il sabato avanti la Pasqua. Uomini di Samaria, andate voi pure e sappiate non limitare il vostro amore per Me a seguirmi e cercarmi sulle vie della Terra, ma in quelle dello spirito. Andate e la Luce brilli in voi. Discepoli del Maestro, separatevi dai fedeli restando in Efraim a ricevere le mie istruzioni. Andate. Ubbidite».

«Ha ragione! Noi lo disturbiamo. Egli vuole stare con la Madre!», gridano i discepoli e i nazareni.

«Ce ne andremo. Ma prima vogliamo la sua promessa di venire a Sichem prima di Pasqua. A Sichem! A Sichem!».

«Verrò. Andate. Verrò prima di salire per la Pasqua a Gerusalemme».

«Non andare! Non andare! Resta con noi! Con noi! Ti difenderemo! Ti faremo Re e Pontefice! Essi ti odiano! Noi ti amiamo! Abbasso i giudei! Viva Gesù!».

«Silenzio! Non tumultuate! La Madre mia soffre di queste grida che mi possono nuocere più di una voce di maledizione. Non è ancora la mia ora. Andate. Passerò da Sichem. Ma levate dal vostro cuore il pensiero che Io possa, per una bassa viltà umana e per una sacrilega ribellione alla volontà del Padre mio, non compiere il mio dovere di israelita adorando il vero Dio nell’unico Tempio in cui può essere adorato, e di Messia assumendo corona altrove che a Gerusalemme, dove sarò unto Re

universale secondo la parola e la verità vista dai grandi profeti[4]».

«Abbasso! Non c’è altro profeta dopo Mosè! Sei un illuso».

«E voi pure. Siete forse liberi? No. Come si chiama Sichem? Quale il suo nuovo nome? E come per essa, per molte altre città di Samaria, Giudea, Galilea. Perché il mangano romano ci livella tutti ad un modo. Si chiama forse Sichem? No. Neapoli si chiama. Così come Betscan si chiama Scitopoli e molte altre città che, o per volere dei romani, o per quello degli adulatori vassalli, hanno preso il nome imposto dal dominio o dall’adulazione. E voi, singoli, vorreste essere da più di una città, da più dei nostri dominatori, da più di Dio? No. Nulla può mutare ciò che è destinato per salvezza di tutti. Io seguo la via diritta. Seguitemi, se volete entrare con Me nel Regno eterno».

566.20

Fa per ritirarsi. Ma la gente samaritana tumultua tanto che i galilei reagiscono, e contemporaneamente accorrono fuor dalla casa, nell’orto, e poi su per la scala e sul terrazzo, quelli che erano in casa. Appare per primo il volto pallido e triste, angosciato di Maria da dietro le spalle di Gesù, e la Madre lo abbraccia e lo stringe come se volesse difenderlo dalle contumelie che salgono dal basso: «Tu ci hai traditi! Ti sei rifugiato da noi facendoci credere che ci amavi, mentre poi ci disprezzi! Disprezzati saremo più ancora per tua colpa!», e così via.

Si appressano a Gesù anche le discepole, gli apostoli, ultima, spaurita, Maria di Giacobbe. Gli urli dal basso spiegano le origini del tumulto, origini lontane ma sicure: «Perché ci hai mandato, allora, i tuoi discepoli a dirci che sei perseguitato?».

«Non ho mandato nessuno. Ecco là quelli di Sichem. Si facciano avanti. Che ho detto a loro un dì sulla montagna?».

«È vero. Egli ci ha detto che non può essere che adoratore nel Tempio sinché il tempo nuovo non sarà per tutti. Maestro, non noi colpevoli, credilo. Ma questi, illusi da tuoi falsi messi».

«Lo so. Ma ora andate. Io a Sichem verrò ugualmente. Non ho paura di alcuno. Ma ora andate per non nuocere a voi stessi e a quelli del vostro sangue. Vedete là che, scendendo per la via, luccicano al sole le corazze dei legionari? Certo vi hanno seguiti a distanza, vedendo tanto corteo, rimanendo nel bosco in attesa. Le vostre urla ora li attirano qui. Andate, per vostro bene».

Infatti, lontano sulla via maestra che si vede salire verso i monti, quella sulla quale Gesù trovò l’affamato, si vede un brillare di luci semoventi, avanzanti. La gente si disperde lentamente. Restano quelli di Efraim, i galilei, i discepoli.

«Andate voi pure alle vostre case, o efraimiti. E partite voi di Galilea. Ubbidite a chi vi ama!».

Anche questi vanno!

566.21

Restano solo i discepoli che Gesù ordina di far entrare nella casa e nell’orto. Pietro con altri scende ad aprire.

Giuda di Keriot non scende. Ride! Ride dicendo: «Ora vedrai i “buoni samaritani” come ti odieranno! Per costruire il Regno Tu disperdi le pietre. E pietre disperse da una costruzione divengono arma per colpire. Tu li hai sprezzati! Ed essi non dimenticheranno».

«Mi odino. Non per paura del loro odio eviterò di fare il mio dovere. Vieni, Madre. Andiamo a dire ai discepoli ciò che devono fare prima di congedarli», e fra Maria e Lazzaro scende la scala entrando nella casa dove si pigiano i discepoli convenuti ad Efraim, ai quali impartisce ordine di spargersi per ogni dove ad avvisare tutti i compagni di essere a Gerico per la neomenia di nisam e di attenderlo sino al suo arrivo, e ai cittadini dei luoghi per dove passeranno che Egli lascia Efraim e di ricercarlo a Gerusalemme per la Pasqua.

Poi li divide per gruppi di tre affidando a Isacco, Erma e Stefano il nuovo discepolo Samuele, che Stefano saluta così: «La gioia di vederti nella luce tempera il mio affanno di vedere che ogni cosa diviene pietra al Maestro», ed Erma invece saluta così: «Hai lasciato un uomo per un Dio. E Dio ora è veramente con te». Isacco, umile e schivo, dice solo: «La pace sia con te, fratello».

Offerto pane e latte, che gli efraimiti con buon pensiero pensano di offrire, anche i discepoli partono ed è infine pace…

566.22

Ma mentre si prepara l’agnello, Gesù ha ancora da fare. Va vicino a Lazzaro e gli dice: «Vieni con Me lungo il torrente». Lazzaro ubbidisce con la sua usuale prontezza.

Si dilungano dalla casa un duecento metri. Lazzaro tace attendendo che Gesù parli. E Gesù parla: «Ti volevo dire questo. Mia Madre è molto abbattuta. Tu lo vedi. Manda qui le tue sorelle. Io realmente mi spingerò verso Sichem con tutti gli apostoli e le discepole. Ma le manderò poi avanti, a Betania, mentre Io mi fermerò a Gerico qualche tempo. Posso ancora osare di tenere meco delle donne qui in Samaria. Ma non altrove…».

«Maestro! Temi proprio… Oh! se così è, perché mi hai risuscitato?».

«Per avere un amico».

«Oh!!! Se è per questo, allora, eccomi. Ogni dolore, se ti posso confortare della mia amicizia, mi è nulla».

«Lo so. Per questo ti uso e ti userò come il più perfetto amico».

«Devo realmente andare da Pilato?».

«Se lo credi. Ma per Pietro. Non per Me».

«Maestro, io ti farò sapere… Quando lasci questo luogo?».

«Fra otto giorni. Vi è appena tempo per andare dove voglio ed essere poi da te prima della Pasqua. Ritemprarmi in Betania, l’oasi di pace, prima di tuffarmi nel tumulto di Gerusalemme».

«Lo sai, Maestro, che il Sinedrio è ben deciso a creare le accuse, posto che non ci sono, per costringerti a fuggire per sempre? Questo lo so dal sinedrista Giovanni, che ho incontrato per caso a Tolemaide, felice del nuovo figlio che gli sta per nascere. Mi ha detto: “Ne ho dolore che così deciso sia il Sinedrio. Perché avrei voluto il Maestro presente alla circoncisione del figlio mio, che spero maschio. Deve nascere ai primi di tamuz. Ma sarà ancora fra noi il Maestro per quel tempo? E io vorrei… Perché il piccolo Emanuele, e quel nome ti dica come penso, lo avesse a benedirlo al suo primo atto nel mondo. Perché mio figlio, lui beato, non avrà da lottare per credere, così come noi dovemmo. Crescerà nel tempo messianico e gli sarà facile accettare l’idea”. Giovanni c’è arrivato a credere che Tu sei il Promesso».

«E quest’uno su molti mi ripaga di ciò che gli altri non fanno. Lazzaro, salutiamoci qui, in pace. E grazie di tutto, amico mio. Tu lo sei un vero amico. Con dieci tuoi pari sarebbe ancor stato dolce vivere fra tanto odio…».

«Ora hai tua Madre, mio Signore. Ella vale dieci e cento Lazzari. Ma ricorda sempre che qualunque sia cosa che ti può abbisognare, sol che io possa, te la procurerò. Ordinami e io sarò tuo servo, in ogni cosa. Non sarò sapiente, né santo, come altri che ti amano, ma un altro più fedele di me, se escludi Giovanni, non lo potrai trovare. Non credo di essere superbo dicendo questo.

566.23

E ora che abbiamo parlato di Te, ti dirò di Sintica. L’ho vista. È attiva e saggia come solo una greca, che ha potuto divenire tua seguace, può essere. Essa soffre di essere lontana. Ma dice che gode di preparare la tua via. Spera vederti prima di morire».

«Mi vedrà certamente. Non deludo le speranze dei giusti».

«Ha una piccola scuola, molto frequentata da fanciulle di ogni luogo. Ma la sera ha con sé qualche povera fanciullina di razza mista, e di nessuna religione perciò. E le istruisce su Te. Le ho detto: “Perché non ti fai proselite? Ti aiuterebbe molto”. Mi ha risposto: “Perché non voglio dedicare me stessa a quelli di Israele, ma agli altari vuoti che attendono un Dio. Li preparo a riceverlo il mio Signore. Poi, a suo Regno stabilito, andrò nella mia Patria, e sotto il cielo dell’Ellade consumerò la vita a preparare i cuori ai maestri. Questo io sogno. Ma se morirò prima, per malattia o persecuzione, me ne andrò ugualmente felice, perché segno sarà che ho compiuto il mio lavoro e che Egli chiama a Sé la sua serva che lo ha amato dal primo incontro”».

«È vero. Sintica mi ha realmente amato dal primo incontro».

«Io le volevo tacere come sei angustiato. Ma Antiochia risuona come una conchiglia di tutte le voci del vasto impero di Roma, e perciò anche di quanto qui avviene. E Sintica non ignora le tue pene. E ancor più le duole di essere lontana. Voleva darmi del denaro, che non volli, dicendole di usarlo per le sue bambine. Ma ho preso un copricapo da lei tessuto con bisso di due grandezze. Lo ha tua Madre. Sintica ha voluto, col filo, scrivere la tua e la sua storia e quella di Giovanni di Endor. E sai come? Tessendo tutt’intorno al quadrato una bordura in cui è raffigurato un agnello che difende da un branco di iene due colombe, delle quali una ha le ali spezzate e l’altra ha spezzata la catena che la teneva legata. E la storia procede, alternandosi, sino al volo verso l’alto della colomba dalle ali spezzate e la volontaria prigionia dell’altra ai piedi dell’agnello. Sembra una di quelle storie che col marmo fanno gli scultori greci sui festoni dei templi e sulle stele dei loro morti, o anche i pittori dipingono sui vasi. Voleva mandartelo dai miei servi. L’ho preso io».

«Lo porterò perché viene da una buona discepola. Andiamo verso la casa. Quando conti di partire?».

«Domani all’aurora. Per far riposare i cavalli. Poi non sosterò sino a Gerusalemme e andrò da Pilato. Se potrò parlargli ti manderò le sue risposte da Maria».

Rientrano in casa lentamente, parlando di cose minori.


Notes

  1. ce qui est écrit en Nb 9, 10-11. Cela concerne la Pâque supplémentaire, plusieurs fois mentionnée dans l’Œuvre, qui en présentera une célébration au chapitre 636.
  2. vue par les grands prophètes, comme en Is 2, 3.

Note

  1. meno lo Zelote e Pietro, invece di meno Pietro, è correzione di MV su una copia dattiloscritta.
  2. non essendosi forse voluto unire, invece di non unendosi, è correzione di MV su una copia dattiloscritta.
  3. è detto, in: Numeri 9, 10-11. Riguarda la Pasqua supplementare, più volte considerata nell’opera, che ne presenterà una celebrazione nel capitolo 636.
  4. vista dai grandi profeti, come in: Isaia 2, 3.