L’amour, tout comme la haine, incitent nombre de pèlerins réunis à Jérusalem, et même des habitants de Jérusalem, à prendre la route de Béthanie sans même attendre que le soleil soit tout à fait couché. Le crépuscule commence à peine lorsque les premiers arrivent à la maison de Lazare. Or il se trouve que ce sont les juifs les plus connus pour leur intransigeance. Mais quand Lazare, prévenu par ses serviteurs, s’étonne de cette violation du sabbat, il s’attire cette réponse pour le moins pharisaïque :
« De la Porte du Troupeau, on ne voit déjà plus le disque du soleil, donc nous avons pris la route en pensant que nous n’aurions sûrement pas dépassé la distance prescrite avant que le soleil ne disparaisse derrière les dômes du Temple. »
Un petit sourire ironique passe sur le visage plutôt sec de Lazare (car s’il est en bonne santé, s’il a bonne mine, il n’est vraiment pas gros). Et il leur répond poliment, mais d’un ton légèrement sarcastique:
« Et que voulez-vous voir ? Le Maître respecte le sabbat, et il repose. Il ne se borne pas à ne plus voir le disque du soleil pour estimer que le sabbat est terminé, mais il attend que le dernier rayon ait disparu pour cela.
– Nous savons qu’il est parfait ! Nous le savons bien ! Mais si nous nous sommes trompés, raison de plus pour le voir. Quelques minutes seulement, le temps qu’il nous absolve.
– Je regrette, mais je ne puis. Le Maître est fatigué, et il se repose. Je ne vais pas le déranger. »