129.1
Jésus se trouve aujourd’hui avec les neuf qui sont restés, puisque les trois autres sont partis pour Jérusalem. Thomas, toujours gai, se partage entre ses légumes et ses autres charges plus spirituelles. Pendant ce temps, Pierre, Philippe, Barthélemy et Matthieu s’occupent des pèlerins et les autres vont au fleuve pour baptiser. C’est vraiment un baptême de pénitence, avec la bise qui souffle !
Jésus est encore dans son coin à la cuisine pendant que Thomas s’active en silence pour laisser en paix le Maître. A cet instant André entre et dit :
« Maître, il y a un malade. A mon avis, ce serait bien de le guérir tout de suite parce que… Comme ils ne sont pas juifs, ils disent qu’il est fou, mais nous dirions, nous, qu’il est possédé. Il crie, il braille, il se débat. Viens le voir, toi.
– Tout de suite. Où est-il ?
– Il est encore dans la plaine. Entends-tu ces hurlements ? C’est lui. On dirait une bête, mais c’est lui. Il doit être riche, car celui qui l’accompagne est bien vêtu, et le malade a été descendu d’un char très luxueux et par plusieurs serviteurs. Ce doit être un païen car il blasphème les dieux de l’Olympe.
– Allons-y.
– Je viens voir aussi » dit Thomas, plus curieux de voir que préoccupé de ses légumes.
Ils sortent et, au lieu prendre la direction du fleuve, ils tournent du côté des champs qui séparent cette ferme (ainsi dirions-nous) de la maison du régisseur.
Des brebis broutaient dans un pré mais, apeurées, elles se sont maintenant éparpillées de tous côtés. Des bergers et un chien – c’est le second qui se présente dans mes visions – ont vainement essayé de les rassembler. Au milieu du pré, il y a un homme que l’on tient solidement attaché et qui, malgré cela, bondit comme un forcené. Il pousse des cris effrayants, toujours plus forts à mesure que Jésus s’approche de lui.
Pierre, Philippe, Matthieu et Nathanaël sont tout près, perplexes. Il y a aussi des gens : des hommes, car les femmes ont peur.
« Tu es venu, Maître ? Tu vois cette furie ? dit Pierre.
– Ça va passer.
– Mais… il est païen, le sais-tu ?
– Quelle importance cela peut-il avoir ?
– Eh bien… à cause de son âme !… »
Jésus a un bref sourire et s’avance. Il rejoint le groupe du fou qui s’agite de plus en plus.