Gli Scritti di Maria Valtorta

314. Le dîner dans la maison de Nazareth et le départ pénible.

314. La cena nella casa di Nazareth e la dolorosa partenza.

314.1

C’est le soir : une nouvelle soirée d’adieux pour la petite maison de Nazareth et ses habitants, un autre dîner durant lequel la peine rend les personnes taciturnes et la nourriture insipide pour les bouches.

Jésus est assis à table avec Jean et Syntica, Pierre, Jean, Simon et Matthieu. Les autres n’ont pas pu y prendre place. Elle est si petite, la table de Nazareth ! Tout juste faite pour une petite famille de justes où l’on peut tout au plus faire asseoir le pèlerin et l’affligé pour les restaurer, par l’amour plus que par la nourriture ! Au maximum, ce soir-là, Marziam aurait pu s’asseoir, car c’est un enfant, très menu, qui prend peu de place…

Mais Marziam, très sérieux et silencieux, mange dans un coin, assis sur un petit banc aux pieds de Porphyrée que la Vierge a installée sur le siège du métier à tisser et qui, douce et silencieuse, mange la nourriture qu’on lui a donnée, en portant un regard de pitié sur les deux disciples qui vont bientôt partir et qui essaient d’avaler leurs bouchées en gardant la tête basse pour cacher leur visage brûlé par les larmes. Les autres, c’est-à-dire les deux fils d’Alphée, André et Jacques, fils de Zébédée, se sont installés dans la cuisine près d’une sorte de huche, mais on les voit par la porte ouverte.

314.2

La Vierge Marie et Marie, femme d’Alphée, vont et viennent en servant les uns et les autres, maternelles, angoissées, tristes. Et si la Vierge caresse ceux qu’elle approche de son sourire, si douloureux ce soir-là, Marie, femme d’Alphée, moins réservée et plus familière, joint au sourire l’acte et la parole en y ajoutant un baiser ou une caresse selon le bénéficiaire, encourageant l’un ou l’autre à prendre les aliments les plus appropriés à sa condition physique et en vue du voyage. Je crois que, par une pitié affectueuse pour Jean d’En-Dor qui est épuisé et qui en ces jours d’attente est encore plus amaigri, elle se donnerait elle-même à manger tant elle s’efforce de le persuader de prendre ceci ou cela en en vantant la saveur et les propriétés salutaires. Mais en dépit de toutes ses… séductions, les mets restent presque intacts dans l’assiette de Jean, et Marie, femme d’Alphée, s’en afflige comme une mère qui voit son bébé repousser son sein.

« Mais tu ne peux partir comme ça, mon fils ! » s’écrie-t-elle.

Dans son cœur maternel, elle ne réfléchit pas que Jean est à peu près du même âge qu’elle et que le mot de “ fils ” ne convient guère. Mais elle ne voit en lui qu’une personne qui souffre, si bien qu’elle ne trouve que ce terme pour le consoler…

« Voyager l’estomac vide, sur ce char cahotant dans le froid humide de la nuit, cela te fera mal. Et puis… qui sait comment vous mangerez durant cet horrible et long voyage !… Miséricorde éternelle ! En mer, pendant tant de milles ! Moi, je mourrais de peur ! Et le long des côtes phéniciennes, et puis !… ce sera encore pire ! Et le patron du bateau sera sûrement un Philistin ou un Phénicien ou un étranger de quelque autre nation d’enfer… et il n’aura pas pitié… Allez, pendant que tu es encore près d’une mère qui t’aime bien !… Mange : rien qu’un petit morceau de cet excellent poisson. Au moins pour faire plaisir à Simon-Pierre qui l’a pêché à Bethsaïde avec tant d’amour et qui aujourd’hui m’a montré comment le préparer, pour toi et pour Jésus, pour bien vous restaurer.

314.3

Cela ne te convient pas ?… Alors… oh, cela, tu vas le manger ! »

Elle court à la cuisine et en rapporte un plat de bouillie fumante. Je ne sais pas ce dont il s’agit… C’est certainement une sorte de farine ou bien de grains cuits dans du lait jusqu’à en devenir de la bouillie :

« Regarde, je t’ai fait cela parce je me souviens qu’un jour tu en as parlé comme d’un doux souvenir de ta petite enfance… C’est bon et ça fait du bien. Allons, un petit peu… »

Jean se laisse servir quelques cuillerées de ce plat dans son assiette et essaie de l’avaler, mais des larmes coulent pour mêler leur sel à la nourriture tandis qu’il baisse encore plus la tête.

Les autres font grand honneur à ce qui doit être pour eux un délice. Leurs visages se sont éclairés à sa vue et Marziam s’est levé… mais ensuite, il a éprouvé le besoin de demander à la Vierge Marie :

« Est-ce que je peux en manger ? Il y a encore cinq jours avant la fin de mon vœu…

– Oui, mon enfant, tu peux en manger » dit Marie avec une caresse.

Mais l’enfant est encore hésitant et Marie, pour calmer les scrupules du petit disciple, interpelle son Fils :

« Jésus, Marziam demande s’il peut manger de l’orge mondé… à cause du miel qui en fait un plat sucré, tu sais…

– Oui, oui, Marziam. Ce soir, je te dispense de ton sacrifice à condition que Jean mange lui aussi son orge au miel. Tu vois comme l’enfant le désire ? Aide-le donc à cette récompense. »

Et Jésus, qui a Jean auprès de lui, lui prend la main et la lui tient pendant que Jean s’efforce, par obéissance, de finir son assiette.

314.4

Marie, femme d’Alphée, est plus satisfaite. Elle revient à l’assaut avec un beau plat de poires cuites au four toutes fumantes. Elle rentre du jardin avec son plateau et elle dit :

« Il pleut. Cela commence. Quel malheur !

– Mais non ! Cela vaut mieux, au contraire ! Comme ça, il n’y aura personne sur les routes. Quand on part, les salutations font toujours mal… Il vaut mieux filer avec le vent dans les voiles et sans trouver des bas-fonds ou des écueils qui imposent des arrêts et un marche lente. Et les curieux sont justement des bas-fonds et des écueils…, dit Pierre qui voit en tout événement les voiles et la navigation.

– Merci, Marie. Mais je ne mangerai rien d’autre, déclare Jean en cherchant à repousser les fruits.

– Ah ! Ça non ! C’est Marie qui les a cuites. Veux-tu mépriser la nourriture qu’elle a préparée ? Regarde comme elle les a bien cuisinées ! Avec leurs épices dans le petit trou… et leur beurre dessous… Ce doit être un dessert de roi, un sirop. Elle s’est rougie, elle aussi, au feu du four pour les dorer à point. Et elles sont bonnes pour la gorge, pour la toux… Elles réchauffent et guérissent. Marie, dis-lui, toi, comme elles réussissaient bien à mon Alphée quand il était malade. Mais il voulait qu’elles soient faites par toi. Eh oui ! C’est que tes mains sont saintes et donnent la santé ! Bénis sont les plats que tu prépares ! Mon Alphée était plus tranquille après avoir mangé ces poires… sa respiration était plus douce. Mon pauvre mari !… »

Marie saisit l’occasion de ce souvenir pour pouvoir enfin pleurer, et sortir pour ce faire. Je fais peut-être une supposition injuste, mais je crois que, sans la pitié qu’elle éprouve pour les deux disciples en partance, le “ pauvre Alphée ” n’aurait pas eu une seule larme de son épouse ce soir-là… Marie, femme d’Alphée, était tout éplorée pour Jean et Syntica, et pour Jésus, Jacques et Jude qui s’en vont, au point qu’elle a laissé libre cours à ses larmes pour ne pas étouffer.

314.5

Marie lui succède alors, en mettant sa main sur l’épaule de Syntica, placée en face de Jésus, entre Simon et Matthieu.

« Allons, mangez. Voulez-vous donc vous en aller en me laissant aussi dans l’angoisse que vous êtes partis presque à jeun ?

– Moi, j’ai mangé, Mère » dit Syntica en levant un visage fatigué et marqué par les larmes qu’elle a versées depuis plusieurs jours. Puis elle incline son visage sur l’épaule où se trouve la main de Marie, et frotte sa joue sur la petite main pour en être caressée. De l’autre main, Marie caresse ses cheveux et attire à elle la tête de Syntica, qui maintenant appuie son visage sur son sein.

« Mange, Jean, cela te fera réellement du bien. Tu as besoin de ne pas prendre froid. Toi, Simon-Pierre, tu veilleras à lui donner du lait chaud avec du miel tous les soirs ou, au moins, de l’eau bien chaude au miel. Souviens-t’en.

– J’y veillerai moi aussi, Mère. Sois tranquille, dit Syntica.

– Effectivement, j’en suis sûre. Mais tu le feras lorsque tu seras installée à Antioche. Pour le moment, c’est Simon-Pierre qui s’en occupera. Et rappelle-toi, Simon, de lui donner beaucoup d’huile d’olive. C’est pour cela que je t’ai donné ce flacon. Attention à ne pas le casser. Et si tu vois que sa respiration est plus difficile, fais comme je t’ai dit avec l’autre vase de baume. Prends-en suffisamment pour lui couvrir la poitrine, les épaules et les reins, et réchauffe-le jusqu’à pouvoir le toucher sans te brûler, puis oins-le et couvre-le aussitôt de ces bandes de laine que je t’ai données. J’ai tout préparé exprès. Quant à toi, Syntica, souviens-toi de sa composition, pour en refaire. Tu pourras toujours trouver des lys, du camphre et des dictames, de la résine et des œillets avec des lauriers, de l’armoise et le reste. J’ai entendu dire que Lazare a là-bas, à Antigonée, des jardins d’essences.

– Et splendides, d’ailleurs » dit Simon le Zélote qui les a vus.

Et il ajoute :

« Moi, je ne conseille rien, mais je dis que cet endroit devrait être salutaire à Jean aussi bien pour l’esprit que pour la chair, plus encore qu’Antioche. Il est abrité des vents, l’air y est léger, car il vient des bois de résineux situés sur les pentes d’une petite colline qui protège des vents de la mer, mais permet cependant aux sels de mer bienfaisants de se répandre jusque là : c’est un endroit paisible, silencieux, et pourtant gai grâce aux myriades de fleurs et d’oiseaux qui y vivent en paix… Enfin, vous verrez vous-mêmes ce qui vous convient le mieux.

314.6

Syntica est si judicieuse ! En ces choses-là, il vaut mieux s’en remettre aux femmes, n’est-ce pas ?

– En effet, je confie mon Jean précisément au bon sens et au bon cœur de Syntica, répond Jésus.

– Et moi aussi » dit Jean d’En-Dor. « Moi… moi… moi, je n’ai plus aucune énergie… et… je ne serai jamais plus utile à rien…

– Jean, ne parle pas ainsi ! Quand l’automne dépouille les arbres, il n’est pas dit qu’ils soient inertes. Au contraire, ils travaillent avec une énergie cachée à préparer le triomphe de leur prochaine fructification. Pour toi, c’est la même chose. Tu es maintenant dépouillé par le vent froid de cette douleur. Mais en réalité, au plus profond de toi-même, tu travailles déjà pour tes nouveaux ministères. Ta peine elle-même te poussera à l’action. Pour ma part, j’en suis certaine. Alors tu seras toujours celui qui m’aidera, moi, pauvre femme qui ai encore tant à apprendre pour devenir quelque chose de Jésus.

– Ah ! Que veux-tu donc que je sois désormais ?! Je n’ai plus rien à faire… Je suis fini !

– Non, ce n’est pas bien de dire cela ! Seul celui qui meurt peut dire : “ Je suis un homme fini. ” Pas les autres. Tu crois que tu n’as plus rien à faire ? Il te reste encore ce que tu m’as confié un jour : accomplir le sacrifice. Et comment, sinon par la souffrance ? Jean, il est prétentieux de te citer les sages, à toi le pédagogue, mais je te rappelle Gorgias de Léontine. Il enseignait qu’on n’expie, en cette vie ou en l’autre, que par les douleurs et les souffrances. Et je te rappelle encore notre grand Socrate : “ Désobéir à celui qui nous est supérieur, qu’il soit dieu ou homme, est mal et honteux. ” Or, s’il était juste de le faire pour obéir à une injuste sentence prononcée par des hommes injustes, que sera-ce s’il s’agit d’un ordre donné par l’Homme très saint et par notre Dieu ? Il est grand d’obéir, seulement parce que c’est obéir. C’est donc un immense mérite que d’obéir à un ordre saint, que moi je juge comme une grande miséricorde et sur lequel tu dois avoir le même jugement que moi. Tu ne cesses de dire que ta vie arrive à son terme et que tu ne crois pas encore avoir remboursé tes dettes envers la Justice. Alors pourquoi ne prends-tu pas cette grande douleur comme un moyen d’y arriver à annuler ces dettes, et ce dans le court laps de temps qui te reste encore ? Une grande douleur pour avoir une grande paix ! Crois-moi que cela vaut la peine d’en souffrir. L’unique but qui soit important dans la vie, c’est d’arriver à la mort après avoir conquis la vertu.

– Tu me redonnes du courage, Syntica… Fais-le toujours.

– Je le ferai. Je te le promets ici. Mais de ton côté, aide-moi, en homme et en chrétien. »

314.7

Le repas est fini. Marie ramasse les poires qui restent et les met dans un pot pour les donner à André, qui sort et revient en disant :

« Il pleut toujours plus. Je suis d’avis qu’il vaut mieux…

– Oui. Attendre, c’est toujours prolonger l’agonie. Je vais tout de suite préparer la bête. Et vous aussi, venez avec les coffres et tout le reste. Toi aussi, Porphyrée. Vite ! Tu es si patiente que l’âne a été conquis et qu’il se laisse habiller (c’est le mot qu’il emploie) sans entêtement. Après, c’est André, qui te ressemble, qui s’en chargera. Allons, en route tout le monde ! »

Et Pierre les pousse tous hors de la pièce et de la cuisine à l’exception de Marie, Jésus, Jean d’En-Dor et Syntica.

« Maître ! O Maître, aide-moi ! C’est l’heure de… me sentir fendre le cœur ! Oui, elle est venue ! Ah ! Pourquoi, bon Jésus, ne m’as-tu pas fait mourir ici, dès que j’ai connu le déchirement de ma condamnation et fait l’effort de l’accepter ? »

Tout angoissé, Jean d’En-Dor s’abat sur la poitrine de Jésus en pleurant. Marie et Syntica essaient de le calmer et Marie, bien que toujours si réservée, le détache de Jésus en l’embrassant et en l’appelant « mon fils chéri, mon fils préféré »…

314.8

Au même moment, Syntica s’agenouille aux pieds de Jésus en disant :

« Bénis-moi, consacre-moi pour que je sois fortifiée. Seigneur, Sauveur et Roi, ici, en présence de ta Mère, je jure et je promets de suivre ton enseignement et de te servir jusqu’à mon dernier soupir. Je jure et je promets de me vouer à ta doctrine et à ceux qui te suivent, par amour pour toi, Maître et Sauveur. Je jure et je promets que ma vie n’aura pas d’autre but, et que tout ce qu’est le monde et la chair est pour moi définitivement mort, alors qu’avec l’aide de Dieu et des prières de ta Mère, j’espère vaincre le démon pour qu’il ne m’induise pas en erreur et qu’à l’heure de ton Jugement je ne sois pas condamnée. Je jure et je promets que les séductions et les menaces ne me feront pas plier et que je m’en souviendrai, à moins que Dieu n’en dispose autrement. Mais j’espère en lui et je crois en sa bonté, ce qui me donne la certitude qu’il ne me laissera pas à la merci de forces obscures plus fortes que les miennes. Consacre ta servante, Seigneur, pour qu’elle soit défendue contre les embûches de l’ennemi, quel qu’il soit. »

Jésus lui pose les mains sur la tête, les paumes ouvertes comme le font aussi les prêtres, et prie sur elle. Marie conduit Jean d’En-Dor auprès de Syntica et le fait s’agenouiller en disant :

« Lui aussi, mon Fils, afin qu’il te serve dans la sainteté et la paix. »

Et Jésus réitère son geste sur la tête inclinée du pauvre Jean. Puis il le relève et fait lever Syntica, en mettant leurs mains dans les mains de Marie et en disant :

« Et que ce soit elle, la dernière qui vous caresse ici. »

Sur ce, il sort rapidement pour aller je ne sais où.

« Mère, adieu ! Je n’oublierai jamais ces journées, gémit Jean.

– Moi non plus, je ne t’oublierai pas, mon fils chéri.

– Moi aussi, Mère… Adieu. Permets-moi de t’embrasser encore. Oh ! Après tant d’années, je m’étais rassasiée de baisers maternels ! Maintenant, c’est fini… »

Syntica pleure dans les bras de Marie, qui l’embrasse. Jean sanglote sans retenue. Marie l’étreint lui aussi. Maintenant, elle les a tous les deux dans les bras, en vraie Mère des chrétiens, et elle effleure de ses lèvres très pures la joue rugueuse de Jean d’un baiser pudique, mais plein d’affection. Avec ce baiser, les larmes de la Vierge restent sur la joue émaciée…

314.9

Pierre entre :

« C’est prêt. En route ! »

Mais il n’ajoute rien, tant il est ému. Marziam, qui suit son père comme son ombre, s’attache au cou de Syntica et l’embrasse, puis il étreint Jean et lui donne des baisers, des baisers… Mais il pleure lui aussi.

Ils sortent, Marie tenant Syntica par la main et Marziam la main de Jean.

« Nos manteaux…, dit en pleurant Syntica, sur le point de rentrer.

– Ils sont ici, ils sont ici. Vite, prenez… » dit Pierre, rudement pour ne pas s’émouvoir, mais, derrière les deux disciples qui s’enveloppent de leurs manteaux, il essuie ses larmes du revers de la main…

Là-bas, au-delà de la haie, la lumière brinquebalante du petit char fait une tache jaune dans l’air obscur… La pluie grésille dans les feuillages des oliviers, clapote sur le bassin plein d’eau… Un pigeon, éveillé par la lumière des lampes que les apôtres tiennent à l’abri de leur manteau, tout bas pour éclairer les sentiers pleins de flaques d’eau, roucoule lamentablement…

Jésus se trouve déjà à côté du char, sur lequel on a tendu une couverture en guise de capote.

« Allons, allons ! Il pleut beaucoup ! » dit Pierre pour qu’ils se dépêchent.

Et pendant que Jacques, fils de Zébédée, remplace Porphyrée à la bride, lui, sans façons, soulève de terre Syntica et la pose sur le char et, avec encore plus de promptitude, il saisit Jean d’En-Dor et le met dessus ; puis il monte à son tour, et donne immédiatement au pauvre âne un coup de fouet si énergique que celui-ci se précipite en avant, bousculant presque Jacques. Et Pierre insiste jusqu’à ce qu’ils se trouvent sur la vraie route, à une bonne distance des maisons… Un dernier cri d’adieu suit ceux qui partent et qui pleurent sans retenue…

Pierre arrête ensuite sa monture hors de Nazareth, et attend Jésus et les autres qui ne tardent pas à les rejoindre en marchant rapidement sous la pluie battante.

Ils prennent une route à travers les jardins pour arriver de nouveau au nord de la ville, sans la traverser. Mais Nazareth, plongée dans l’obscurité, dort sous l’eau glacée de la nuit d’hiver… et je crois que le bruit des sabots de l’âne, peu perceptible sur le terrain détrempé, en terre battue, n’est pas même entendu par des veilleurs éventuels…

La troupe avance dans le plus grand silence. Seuls les sanglots des deux disciples se font entendre, mêlés au crépitement de la pluie sur le feuillage des oliviers.

314.1

Ed è sera. Una nuova sera di addio per la casetta di Nazaret ed i suoi abitanti. Un’altra cena durante la quale la pena rende svogliate al cibo le bocche e taciturne le persone.

Alla tavola sono seduti Gesù con Giovanni e Sintica, e Pietro, Giovanni, Simone e Matteo. Gli altri non hanno potuto sedersi ad essa. È tanto piccola la mensa di Nazaret! Fatta proprio per una piccola famiglia di giusti, che al massimo possono farvi sedere il pellegrino e l’afflitto per dare loro un ristoro più di amore che di cibo! Al massimo, questa sera, avrebbe potuto sedersi ad essa Marziam, perché è un bambino, ed esile molto, che poco posto occupa… Ma Marziam, molto serio e silenzioso, mangia in un angolo, seduto su di un panchettino ai piedi di Porfirea, che la Vergine ha installata sul suo sedile del telaio e che, mite e silenziosa, mangia il cibo che le hanno dato guardando con sguardo di pietà i due prossimi alla partenza, che cercano inghiottire i loro bocconi stando molto a capo chino per nascondere il viso bruciato dalle lacrime. Gli altri, ossia i due figli di Alfeo, Andrea e Giacomo di Zebedeo, si sono installati in cucina, presso una specie di madia. Ma si vedono dalla porta aperta.

314.2

Maria Ss. e Maria d’Alfeo vanno e vengono servendo questi e quelli, materne, affannate, tristi. E se Maria Ss. carezza col suo sorriso, tanto doloroso questa sera, coloro che avvicina, Maria d’Alfeo, meno riservata e più alla buona, unisce al sorriso l’atto e la parola, e più di una volta incita, unendovi una carezza o anche un bacio, a seconda di chi è che ne beneficia, questo o quello a nutrirsi prendendo i cibi più acconci al loro fisico e al prossimo viaggio. Io credo che per amore pietoso per lo sfinito Giovanni, che in questi giorni di attesa è ancor più smagrito, gli darebbe se stessa da mangiare, tanto si studia a persuaderlo a prendere questo o quello, magnificandone il sapore e le proprietà salutifere. Ma, nonostante le sue… seduzioni, i cibi restano quasi intatti sul piatto di Giovanni, e Maria d’Alfeo ne è afflitta come una madre che veda respingere dal suo lattante il capezzolo.

«Ma così non puoi partire, figlio!», esclama. E nella sua anima materna non riflette che Giovanni di Endor ha su per giù la sua età, e il nome di “figlio” è perciò mal dato. Ma ella vede in lui solo una creatura che soffre, e perciò non trova, per consolarlo, che questo nome… «Viaggiare a stomaco vuoto, su quella carretta traballante, nel freddo umido della notte, ti farà male. E poi, chissà mai come mangerete durante quest’orrido e lungo viaggio!… Eterna pietà! In mare, per tante miglia! Io morirei di paura. E lungo coste fenicie, e poi!… peggio ancora! E, certo, il padrone della nave sarà filisteo o fenicio o di qualche altra nazione d’inferno… e non vi avrà pietà… Su dunque, mentre sei ancora vicino ad una mamma che ti vuol bene!… Mangia: un pezzettino solo di questo pesce ottimo. Tanto per fare contento anche Simone di Giona, che lo ha preparato a Betsaida con tanto amore e oggi mi ha insegnato a cucinarlo così, per te e Gesù, che ne abbiate gran ristoro.

314.3

Non ti va proprio?… Allora… oh! questo lo mangerai!», e corre via verso la cucina tornando con un vassoio colmo di una fumante polentina. Non so cosa sia… Certo è qualche specie di farina o di grani cotti, fino ad essere sfatti, nel latte: «Guarda, questo l’ho fatto io perché mi sono ricordata che un giorno tu ne hai parlato come di un dolce ricordo della tua fanciullezza… È buono e fa bene. Su, un poco».

Giovanni si lascia mettere qualche cucchiaio della molle pietanza sul piatto e cerca di ingoiarla, ma delle lacrime scendono a mescolare il loro sale nel cibo mentre egli china ancor più il viso sul piatto.

Gli altri fanno molta festa a questo cibo, che forse è una squisitezza. I loro volti si sono rischiarati nel vederlo, e Marziam si è alzato in piedi… ma poi ha sentito il bisogno di chiedere a Maria Ss.: «Io ne posso mangiare? Mancano ancora cinque giorni alla fine del voto…».

«Sì, figlio mio. Puoi mangiarne», dice Maria con una carezza.

Ma il bambino è ancora incerto e allora Maria, per calmare gli scrupoli del piccolo discepolo, interpella suo Figlio: «Gesù, Marziam chiede se può mangiare l’orzo mondo… per via del miele che ne fa un piatto dolce, sai…».

«Sì, sì, Marziam. Questa sera ti dispenso Io dal tuo sacrificio, a patto che Giovanni mangi lui pure il suo orzo melato. Vedi come lo desidera il bambino? Aiutalo dunque ad ottenere questa cosa». E Gesù, che ha vicino Giovanni, gli prende la mano e gliela tiene mentre Giovanni si sforza, ubbidiente, di finire il suo orzo.

314.4

Maria d’Alfeo è più contenta ora. E torna all’assalto con un bel piatto di pere, cotte nel forno, fumanti. Rientra dall’orto col suo vassoio e dice: «Piove. Comincia ora. Che pena!».

«Ma no! Meglio anzi! Così non ci sarà nessuno per le vie.

Quando si parte i saluti fanno sempre del male… Meglio filare col vento nella vela e senza trovare secche o scogli che esigono fermate e lento andare. E i curiosi sono proprio secche e scogli…», dice Pietro che in ogni azione vede la vela e il navigare.

«Grazie, Maria. Ma non mangio altro», dice Giovanni cercando respingere le frutta.

«Ah! questo no! Le ha cotte Maria. Vuoi sprezzare il cibo preparato da Lei? Guarda come le ha preparate bene! Con le loro spezie nel buchino… col loro burro alla base… Devono essere un boccone da re. Un giulebbe. Si è rosolata anche Lei al fuoco del forno per cuocerle così dorate. E fanno bene alla gola, alla tosse… Dànno calore e medicano. Maria, diglielo tu come facevano bene anche al mio Alfeo quando era malato. Ma le voleva fatte da te. Eh! già! Le tue mani sono sante e dànno salute!… Benedetti i cibi che tu prepari!… Era più quieto il mio Alfeo dopo che aveva mangiato quelle pere… il suo respiro era più dolce… Povero marito mio!…», e Maria coglie il destro della rievocazione per poter finalmente piangere ed uscire a piangere.

Forse faccio un cattivo pensiero, ma credo che, senza la pietà per i due che partono, il «povero Alfeo» non avrebbe avuto neppure una lacrima della consorte, quella sera… Maria d’Alfeo era piena di pianto per Giovanni e Sintica, e per Gesù, Giacomo e Giuda che se ne vanno, tanto piena che ha aperto uno sfogo al pianto per non soffocare.

314.5

Maria le subentra ora, posando una mano sulla spalla di Sintica che è di fronte a Gesù fra Simone e Matteo. «Suvvia dunque, mangiate. Volete dunque partire lasciandomi anche l’angoscia che siete partiti quasi digiuni?».

«Io ho mangiato, Madre», dice Sintica alzando il viso stanco e segnato del pianto fatto per più giorni. E poi abbassa il suo viso sulla spalla, dove è la mano di Maria, strisciando la guancia sulla piccola mano per esserne carezzata. Maria le carezza con l’altra mano i capelli e attira a sé il capo di Sintica, che ora le appoggia il viso sul seno.

«Mangia, Giovanni. Ti farà realmente bene. Hai bisogno di non raffreddarti. Tu, Simone di Giona, provvederai a dargli il latte caldo col miele ogni sera, o almeno acqua molto calda e melata. Ricòrdatelo».

«Provvederò io pure, Madre. Stànne sicura», dice Sintica.

«Ne sono infatti sicura. Ma ciò farai quando sarai installata ad Antiochia. Per ora ci penserà Simone di Giona. E ricorda, Simone, di dargli molto olio d’uliva. Ti ho dato per questo quell’orciolo. Bada che non si infranga. E se lo vedi più chiuso di respiro, fa’ come ti ho detto con l’altro vasetto di balsamo. Ne prendi tanto quanto sia sufficiente a ungergli il petto, le spalle e le reni, e lo scaldi fino a poterlo toccare senza scottarsi, e poi lo ungi e lo copri subito di quelle fasce di lana che ti ho dato. L’ho preparato apposta. E tu, Sintica, ricorda la sua composizione. Per rifarlo. Potrai sempre trovare gigli e canfore e dittami, e resine e garofani con lauri, artemisie e quant’altro.

Sento che Lazzaro ha là ad Antigonio giardini di essenze».

«E splendidi», dice lo Zelote che li ha visti. E aggiunge: «Io non consiglio nulla. Ma dico che per Giovanni quel posto dovrebbe essere salutare, sia per lo spirito che per la carne, più ancora di Antiochia. Riparato dai venti, aria leggera che viene dai boschetti di piante resinose site sulle pendici di un piccolo colle, che fa da ostacolo ai venti del mare ma che però permette ai benigni sali marini di diffondersi fin lì, sereno, silenzioso eppure allegro per i mille fiori e uccelli che vi vivono in pace…

Insomma vedrete voi quello che più vi si confà.

314.6

Sintica ha tanto giudizio! Perché in queste cose è meglio affidarsi alle donne. Non è vero?».

«Infatti Io affido il mio Giovanni proprio al buon senso e al buon cuore di Sintica», dice Gesù.

«Ed io pure», dice Giovanni di Endor. «Io… io… io non ho più alcuna energia… e… non sarò mai più utile a nulla…».

«Giovanni, non lo dire! Quando l’autunno spoglia le piante non è già detto che esse siano inerti. Anzi lavorano con celata energia a preparare il trionfo del prossimo fruttificare. Tu sei lo stesso. Ora sei spogliato dal vento freddo di questo dolore. Ma in realtà nel tuo profondo tu lavori già per i nuovi ministeri. La stessa tua pena sarà uno sprone ad operare. Io ne sono certa. E allora sarai tu, sempre tu, quello che aiuterai me, povera donna che ancor tanto ha da imparare per diventare qualcosa di Gesù».

«Oh! che vuoi mai che io sia più?! Non ho nulla più da fare… Sono finito!».

«No. Ciò non sta bene dirlo! Solo chi muore può dire: “Io sono finito come uomo”. Non altri. Credi di non avere a fare più nulla? Ancor ti resta ciò che mi hai detto un giorno: compiere il sacrificio. E come, se non colla sofferenza? Giovanni, a te, pedagogo[1], è stolto citare i saggi, ma ti ricordo Gorgia di Leontina (o Leontine). Egli insegnava che non si espia, in questa o nell’altra vita, altro che coi dolori e le sofferenze. E ancor ti ricordo il nostro grande Socrate: “Disubbidire a chi è superiore di noi, sia dio che uomo, è male e vergogna”. Or se questo era giusto fare per ingiusta sentenza, data da uomini ingiusti, che mai sarà per ordine dato dall’Uomo santissimo e dal Dio nostro? Grande cosa è l’ubbidire, sol perché è ubbidire. Grandissima dunque l’ubbidire ad ordine santo che io giudico, e tu con me lo devi ugualmente giudicare, grande misericordia. Tu sempre dici che la tua vita volge al suo termine. Né ancor senti di avere annullato il tuo debito verso la Giustizia. E perché allora non giudichi questo grande dolore come un mezzo per giungere ad annullare questo debito, e farlo nel breve tempo che ancora ti resta? Grande dolore per avere grande pace! Credimi che vale la pena di soffrirlo. L’unica cosa che importante sia nella vita è di giungere alla morte avendo conquistato la Virtù».

«Tu mi rincuori, Sintica… Fàllo sempre».

«Lo farò. Qui lo prometto. Ma tu secondami, da uomo e da cristiano».

314.7

Il pasto è finito. Maria raccoglie le rimaste pere e le mette in un vaso dandole ad Andrea, che esce per tornare dicendo:

«Sempre più piove. Io direi che è meglio…».

«Sì. Attendere è sempre più agonia. Vengo subito a preparare la bestia. E voi pure venite, coi cofani e quant’altro. Anche tu, Porfirea. Svelta! Sei tanto paziente che l’asino ne è conquiso e si lascia vestire (dice proprio così) senza fare puntigli. Dopo ci penserà Andrea, che ti somiglia. Su, via tutti!». E Pietro spinge fuori dalla stanza e dalla cucina tutti meno Maria, Gesù, Giovanni di Endor e Sintica.

«Maestro! Oh! Maestro, aiutami! È l’ora di… sentirmi spaccare il cuore! È proprio venuta! Oh! perché, Gesù buono, non mi hai fatto morire qui, dopo che avevo già avuto lo strazio della mia condanna e fatto lo sforzo dell’accettazione di essa?!». E Giovanni si abbatte sul petto di Gesù, piangendo angosciosamente.

Maria e Sintica cercano di calmarlo, e Maria, benché sempre così riservata, lo stacca da Gesù abbracciandolo, chiamandolo: «Figlio caro, mio prediletto figlio»…

314.8

Sintica intanto si inginocchia ai piedi di Gesù dicendo:

«Benedicimi, consacrami perché io sia fortificata. Signore, Salvatore e Re, io, qui, alla presenza di tua Madre, giuro e professo di seguire la tua dottrina e di servirti fino all’ultimo respiro. Giuro e professo di dedicarmi alla tua dottrina ed ai seguaci di essa per amore di Te, Maestro e Salvatore. Giuro e professo che la mia vita non avrà altro scopo, e che tutto quanto è mondo e carne è per me morto definitivamente, mentre, con l’aiuto di Dio e delle preghiere della Madre tua, spero vincere il Demonio onde non mi tragga in errore e nell’ora del tuo Giudizio io non sia condannata. Giuro e professo che seduzioni e minacce non mi piegheranno e non avrò labile memoria, a meno che Dio non permetta altrimenti. Ma spero in Lui e credo nella sua bontà, onde sono certa che non mi lascerà in balìa di forze oscure più forti della mia. Consacra la tua serva, o Signore, perché sia difesa contro le insidie d’ogni nemico».

Gesù le pone le mani sul capo, a palme aperte, come fanno anche i sacerdoti, e prega su di lei.

Maria conduce Giovanni al fianco di Sintica e lo fa inginocchiare dicendo: «Anche questo, Figlio mio, perché ti serva con santità e pace».

E Gesù ripete l’atto sul capo curvo del povero Giovanni. Poi lo alza e fa alzare Sintica, mettendo le loro mani nelle mani di Maria e dicendo: «E sia Essa l’ultima che vi carezza, qui», ed esce svelto andando non so dove.

«Madre, addio! Non dimenticherò mai questi giorni», geme Giovanni.

«Neppure io ti dimenticherò, figlio caro».

«Io pure, Madre… Addio. Lascia che ti baci ancora… Oh!

dopo tanti anni mi ero sfamata di baci materni!… Ora non più…». Sintica piange fra le braccia di Maria che la bacia.

Giovanni singhiozza senza ritegno. Maria abbraccia anche lui, ora li ha tutti e due fra le braccia, vera Madre dei cristiani, e sfiora con le sue labbra purissime la gota rugosa di Giovanni, un bacio pudico, ma tanto amoroso. E col bacio resta il pianto della Vergine sulla gota scarna…

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Entra Pietro: «È pronto. Suvvia…», e non dice altro perché è commosso.

Marziam, che segue suo padre come l’ombra segue il corpo, si attacca al collo di Sintica e la bacia, poi si abbraccia Giovanni e lo bacia, lo bacia… Ma piange anche lui.

Escono. Maria tenendo per mano Sintica, Marziam per mano di Giovanni.

«I nostri mantelli…», dice fra le lacrime Sintica e fa per entrare nelle stanze.

«Sono qui, sono qui. Presto, prendete…». Pietro fa il rude per non fare il commosso, ma dietro le spalle dei due, che si avvolgono nei mantelli, si asciuga le lacrime col dorso della mano…

Là, oltre la siepe, il lumino ballonzolante del carretto mette una chiazza gialla nell’aria scura… La pioggia fruscia fra le fronde degli ulivi, suona sulla vasca colma d’acqua… Un colombo, svegliato dalla luce delle lampade tenute dagli apostoli, al riparo dei mantelli, basse, per illuminare i sentieri pieni di pozze, tuba lamentosamente…

Gesù è già presso al carretto su cui è stata tesa una coperta a fare da tetto.

«Su, su che piove forte!», incita Pietro. E mentre Giacomo di Zebedeo sostituisce Porfirea alle briglie, lui, senza tanti complimenti, alza da terra Sintica e la pone sul carro, e con ancor più sveltezza afferra Giovanni di Endor e lo butta sopra, e sale lui pure, dando subito una nerbata così energica al povero asino che quello scatta in avanti di corsa, quasi travolgendo Giacomo. E Pietro insiste finché sono sulla vera via, un bel po’ lontano dalla casa… Un ultimo grido di addio segue i partenti, che piangono senza ritegno…

Pietro ferma poi il somaro fuori di Nazaret, in attesa di Gesù e degli altri, che non tardano a raggiungerli camminando svelti sotto la pioggia che infittisce.

Prendono una strada fra le ortaglie per portarsi di nuovo al nord della città, senza attraversarla. Ma Nazaret è buia e dormente sotto l’acqua gelida della notte d’inverno… e credo che lo zoccolìo dell’asino, poco sensibile sul terreno fradicio, di terra battuta, non sia percepito neppure da chi è sveglio…

La comitiva procede nel massimo silenzio. Solo i singhiozzi dei due discepoli si sentono, mescolati al rumore della pioggia sulle fronde degli uliveti.


Note

  1. pedagogo, invece di demagogo, è correzione nostra.