Gli Scritti di Maria Valtorta

370. Le jeudi avant la Pâque.

370. Giovedì avanti Pasqua. Al convito dei poveri

370.1

« Que la paix soit sur cette maison et en tous ceux ici présents. »

C’est la salutation que Jésus adresse en entrant dans le vaste vestibule très luxueux, tout illuminé bien qu’il fasse encore jour.

Les lampes ne sont d’ailleurs pas inutiles, car s’il est vrai qu’il fait jour, il est aussi vrai que, dehors, le soleil est éblouissant dans les rues et sur les façades des maisons blanchies à la chaux. Mais ici, dans le vaste et surtout très long corridor qui sert de vestibule et traverse toute la maison, du portail massif au jardin dont on aperçoit au fond la verdure ensoleillée que la perspective fait paraître lointaine, il doit y avoir habituellement une pénombre qui est obscurité pour ceux qui viennent du dehors, les yeux éblouis par le grand soleil.

Aussi Kouza a-t-il pourvu à ce que les larges et nombreuses poêles de cuivre repoussé, fixées à intervalle régulier sur les deux murs, soient toutes éclairées, ainsi que le lampadaire central, un large bassin d’albâtre rosé avec, encastrées dans la transparence carnée de l’albâtre, des jaspes et autres écailles précieuses et multicolores qui, sous la lumière allumée à l’intérieur, resplendissent comme autant d’étoiles qui projettent des arcs-en-ciel sur les murs peints en bleu foncé, sur les visages, sur le dallage de marbre cipolin. On dirait que de petits éclairs se posent sur les murs, sur les visages, sur le sol, étincelles multicolores, minuscules et mouvantes, car le lampadaire se balance légèrement sous le courant d’air qui traverse le vestibule et qui déplace continuellement les facettes des écailles précieuses.

« Paix à cette maison » répète Jésus en s’avançant, tout en bénissant sans arrêt les serviteurs courbés jusqu’à terre, les hôtes étonnés d’être rassemblés là, tout près du Rabbi, dans un palais princier…

370.2

Quels hôtes ! La pensée de Jésus est facile à comprendre. Le festin d’amour qu’il a voulu dans la maison de sa bonne disciple est la mise en œuvre d’une page de l’Evangile. Il y a là des mendiants, des estropiés, des aveugles, des orphelins, des vieillards, des jeunes veuves avec leurs bébés attachés à leurs vêtements ou suçant le lait peu abondant de leur mère mal nourrie. La richesse de Jeanne a déjà pourvu à remplacer les guenilles par des habits modestes, mais propres et neufs. Les chevelures peignées dans un souci prévoyant de netteté, les vêtements frais de ces malheureux — que les serviteurs alignent et aident à gagner leurs places —, leur donnent certainement un aspect moins misérable que celui qu’ils avaient quand Jeanne les a envoyé chercher dans les ruelles, aux carrefours, sur les chemins qui mènent à Jérusalem, là où leur misère honteuse se cachait ou bien s’exposait pour obtenir quelque aumône. Mais à côté de cela, les privations sur les visages, les infirmités des membres, les malheurs, les solitudes dans les regards restent bien visibles…

Jésus passe et bénit. Chaque malheureux reçoit sa bénédiction et, si la main droite se lève pour bénir, la gauche s’abaisse pour caresser les têtes tremblantes et chenues des vieillards ou les têtes innocentes des enfants. Il parcourt ainsi le vestibule, en allant et venant pour bénir tout le monde, même ceux qui entrent pendant qu’il bénit déjà et qui, encore en haillons, craintifs, timides, se cachent dans un coin jusqu’à ce que les serviteurs les amènent gentiment ailleurs pour être, comme ceux qui les ont précédés, lavés et habillés de neuf.

370.3

Une jeune veuve passe avec sa nichée d’enfants… Quelle misère ! Le plus jeune est tout à fait nu, serré dans le voile déchiré de sa mère… les plus grands avec juste ce qu’il faut pour sauvegarder la décence. Seul l’aîné, un garçon efflanqué, porte ce que l’on peut appeler un habit ; en revanche, il va pieds nus.

Jésus observe et appelle la femme pour lui dire :

« D’où viens-tu ?

– De la plaine de Saron, Seigneur. Lévi est devenu majeur… J’ai dû l’accompagner au Temple… moi… puisqu’il n’a plus de père. »

La femme sanglote sans bruit, de ces larmes silencieuses de ceux qui ont vraiment trop pleuré.

« Quand ton époux est-il mort ?

– Il y a eu un an au mois de Shebat. J’étais enceinte depuis deux lunes… » dit-elle en réprimant ses sanglots pour ne pas troubler son bébé et en se penchant sur lui.

« Le bébé a donc huit mois ?

– Oui, Seigneur.

– Que faisait ton mari ? »

La femme murmure si doucement que Jésus ne comprend pas. Il se penche pour entendre en disant :

« Répète sans crainte.

– Il était forgeron dans une maréchalerie… Mais il a été très malade… car il avait des blessures qui s’étaient envenimées. »

Et elle achève tout bas :

« C’était un soldat de Rome.

– Mais toi, tu es du peuple d’Israël ?

– Oui, Seigneur. Ne me chasse pas pour impureté, comme l’ont fait mes frères quand je suis allée implorer leur pitié après la mort de Cornélius…

– N’aie pas peur ! Que fais-tu maintenant comme travail ?

– Je suis servante, quand on veut de moi, glaneuse, laveuse de draps, broyeuse de chanvre… tout… pour leur donner à manger. Lévi va maintenant être paysan… si on veut de lui, car… c’est un bâtard de race.

– Fais confiance au Seigneur !

– Si je n’avais pas cru en lui, je me serais tuée avec eux, Seigneur.

– Va, femme, nous nous reverrons » dit Jésus.

Sur ce, il la congédie.

370.4

Jeanne, pendant ce temps, est accourue et elle est restée à genoux en attendant que le Maître la voie. Il se retourne en effet, et la salue.

« Paix à toi, Jeanne ! Tu m’as parfaitement obéi.

– T’obéir fait ma joie. Mais je n’ai pas été la seule à te procurer “ cette cour ” comme tu le voulais. Kouza m’a aidée de toutes les façons possibles ainsi que Marthe et Marie. Et Elise avec elles. Les uns ont envoyé leurs serviteurs chercher ce qu’il fallait et aider les miens à rassembler les hôtes, d’autres ont aidé les serviteurs et les servantes des bains à laver les “ bien-aimés ”, comme tu les appelles. Maintenant, avec ta permission, je vais donner à tout le monde un peu de nourriture pour qu’ils n’aient pas trop faim en attendant le repas.

– Fais-le, oui. Où sont les femmes disciples ?

– Sur la terrasse supérieure où je fais disposer les tables. Est-ce une bonne idée ?

– Oui, Jeanne. Là-haut, on sera tranquille, aussi bien eux que nous.

– Oui, c’est ce que j’ai pensé. D’ailleurs, dans aucune autre salle je n’aurais pu faire les préparatifs pour tant de monde… Et je ne voulais pas faire de séparation pour ne pas occasionner jalousies et rancœurs. Les malheureux ont une sensibilité si vive, ils souffrent si facilement !… Ils ne sont qu’une plaie et il suffit d’un regard pour les blesser.

– Oui, Jeanne. Ton âme est sensible à la pitié, et tu comprends. Que Dieu te récompense pour ta compassion.

370.5

Y a-t-il beaucoup de femmes disciples ?

– Toutes celles qui étaient à Jérusalem !… Mais… Seigneur… j’ai peut-être commis une faute… Je voudrais te dire quelque chose en secret.

– Conduis-moi à un endroit solitaire. »

Ils vont, seuls tous les deux, dans une pièce où, à la vue des jouets étalés partout, je comprends que c’est la salle de jeux de Marie et de Matthias.

« Eh bien, Jeanne ?

– Ah ! mon Seigneur, j’ai sûrement été imprudente… Mais l’idée m’en est venue, si spontanément, et avec tant d’impétuosité ! Kouza me l’a reproché. Mais maintenant… Au Temple, il est venu un esclave de Plautina avec une tablette. Elle et ses compagnes demandaient s’il était possible de te voir. J’ai répondu : “ Oui, dans l’après-midi, chez moi. ” Elles vont donc venir… Ai-je mal agi ? Oh ! pas à cause de toi !… Mais à cause des autres, pour ceux qui sont tous Israël… et ne sont pas amour comme toi. Si j’ai fait une faute, j’essaierai de réparer… Mais je désire tant que le monde, le monde entier, t’aime, que… que je n’ai pas réfléchi que toi seul au monde es Perfection et qu’il y en a trop peu qui cherchent à te ressembler.

– Tu as bien fait. Aujourd’hui, je vous prêche à tous par les œuvres. Et la présence des Gentils parmi ceux qui croient en Jésus Sauveur sera l’une des missions que devront accomplir à l’avenir tous ceux qui croient en moi. Où sont les enfants ?

– Un peu partout, Seigneur » dit en souriant Jeanne, rassurée. Et elle explique : « La fête les exalte, et ils courent çà et là comme des oiseaux heureux. »

Jésus la quitte, revient dans le vestibule, fait un signe aux hommes qui étaient avec lui et se dirige vers le jardin pour monter sur la vaste terrasse.

370.6

Une joyeuse activité remplit la maison de la cave au toit. C’est un va-et-vient incessant, avec des vivres et de la vaisselle, des paquets de vêtements, des sièges… On accompagne les hôtes, en répondant aux questions toujours dans la bonne humeur et l’amitié.

Jonathas, solennel dans sa fonction d’intendant, dirige, surveille, conseille inlassablement.

La vieille Esther, heureuse de voir l’entrain et le bonheur de Jeanne, rit au milieu d’un cercle de pauvres enfants auxquels elle distribue des fouaces tout en racontant des histoires merveilleuses. Jésus s’arrête un moment pour écouter la conclusion magnifique de l’une d’elles, où l’on dit que “ à la bonne Aube-de-Mai, qui jamais ne se révoltait contre le Seigneur malgré les souffrances survenues dans sa maison, Dieu accorda beaucoup de faveurs qui permirent à Aube-de-Mai d’apporter secours et bienfaits même à ses frères. Les anges remplissaient la petite huche, finissaient le travail sur le métier pour servir la bonne fillette en disant : ‘ C’est notre sœur, parce qu’elle aime le Seigneur et son prochain. Il faut que nous l’aidions ’.”

– Que Dieu te bénisse, Esther ! Je m’arrêterais presque moi aussi pour écouter tes paraboles ! Veux-tu de moi ? dit Jésus en souriant.

– Oh ! mon Seigneur ! C’est moi qui dois t’écouter, mais pour les tout-petits, je fais encore l’affaire, moi, pauvre vieille sotte !

– Ton âme juste est utile aux adultes aussi. Continue, continue, Esther… »

Et il lui sourit en s’éloignant.

370.7

Dans le vaste jardin, les hôtes sont maintenant dispersés et mangent un casse-croûte, en regardant autour d’eux et en se regardant les uns les autres, stupéfaits… Ils parlent et échangent des commentaires sur ce bonheur inespéré. Mais, en voyant Jésus passer, ils se lèvent s’ils peuvent le faire et se courbent pour adorer.

« Mangez, mangez en toute liberté et bénissez le Seigneur, dit Jésus en passant pour aller vers les pièces des jardiniers d’où part l’escalier extérieur qui mène à la vaste terrasse.

370.8

– Oh ! mon Rabbouni ! » s’écrie Marie-Madeleine qui sort en courant d’une salle, les bras chargés de langes et de chemisettes pour les bébés. Sa voix veloutée d’orgue d’or remplit le chemin, ombragé par des festons de roses.

« Marie, que Dieu soit avec toi. Où vas-tu avec tant de hâte ?

– Ah ! j’ai dix enfants à vêtir ! Je les ai lavés et maintenant je les habille. Après cela, je te les amènerai, frais comme des fleurs. Je m’enfuis, Maître, car… tu les entends ? On dirait dix agneaux qui bêlent… »

Là-dessus, elle part en courant et en riant, splendide et sereine dans son vêtement simple et seigneurial de lin blanc, serré à la taille par une fine ceinture d’argent, les cheveux serrés d’un simple nœud sur la nuque, retenus par un ruban blanc noué sur le front.

« Comme elle est différente de celle qu’elle était sur le Mont des Béatitudes ! » s’exclame Simon le Zélote.

370.9

Au premier palier de l’escalier, ils rencontrent la fille de Jaïre et Annalia qui descendent si vite qu’elles semblent voler.

« Maître ! Seigneur ! s’écrient-elles.

– Que Dieu soit avec vous. Où allez-vous ?

– Chercher des nappes. C’est la servante de Jeanne qui nous envoie. Tu va parler, Maître ?

– Bien sûr !

– Oh ! alors cours, Myriam ! Faisons vite ! dit Annalia.

– Vous avez tout le temps de faire votre travail. J’attends d’autres personnes. Mais depuis quand, ma fille, t’appelles-tu Myriam ? dit-il en regardant la fille de Jaïre.

– Depuis aujourd’hui. Depuis maintenant. C’est ta Mère qui m’a donné ce nom. Parce que… n’est-ce pas Annalia ? C’est aujourd’hui un grand jour pour quatre vierges…

– Oh, oui ! Allons-nous le dire au Seigneur ou en laissons-nous le soin à Marie ?

– A Marie, à Marie. Va, va, Seigneur. Ta Mère t’en parlera. »

Et elles partent en courant, dans la première fleur de la jeunesse, avec de belles formes humaines, mais un regard radieux angélique…

370.10

Ils en sont au troisième palier quand ils rencontrent Elise de Beth-Çur, qui descend gravement avec la femme de Philippe.

« Ah, Seigneur ! Aux uns tu prends, aux autres tu donnes !… Mais que tu en sois également béni ! s’écrie cette dernière.

– De quoi parles-tu, femme ?

– Tu vas le savoir… Quelle peine et quelle gloire, Seigneur ! Tu me mutiles et me couronnes. »

Philippe, qui est à côté de Jésus, l’interroge :

« Que dis-tu ? De quoi tu parles ? Tu es mon épouse et ce qui t’arrive me concerne…

– Tu vas le savoir, Philippe. Va, va avec le Maître. »

Entre-temps, Jésus demande à Elise si elle est bien guérie. La femme, à laquelle sa grande douleur d’autrefois a donné une majesté de reine souffrante, dit :

« Oui, mon Seigneur. Mais ce n’est pas une douleur que de souffrir avec la paix dans le cœur. Et maintenant, j’ai la paix dans le cœur.

– Et tu vas avoir bientôt davantage.

– Quoi, Seigneur ?

– Va et reviens, et tu le sauras.

370.11

– Voilà Jésus ! Voilà Jésus ! » crient les deux enfants qui ont le visage appuyé contre la balustrade ornée d’arabesques qui borde la terrasse des deux côtés qui donnent sur le jardin, et de laquelle descendent des branches de rosiers et de jasmins en fleurs : c’est en effet un vaste jardin suspendu sur lequel, en cette heure ensoleillée, on a étendu un voile multicolore.

Toutes les personnes occupées aux préparatifs sur la terrasse se retournent au cri de Marie et de Matthias et, laissant ce qu’elles faisaient, elles vont à la rencontre de Jésus aux genoux de qui sont déjà accrochés les deux enfants.

Jésus salue les nombreuses femmes qui se pressent. Aux disciples proprement dites ou aux femmes, filles, ou sœurs des apôtres et des disciples, se mêlent d’autres moins connues, moins intimes, telles que l’épouse de Simon — le cousin de Jésus — ; les mères des âniers de Nazareth ; la mère d’Abel de Bethléem de Galilée ; Anne, femme de Jude (la maison près du lac de Mérom) ; Marie, femme de Simon, la mère de Judas de Kérioth ; Noémi d’Ephèse ; Sarah et Marcelle de Béthanie (Sarah est la femme que Jésus a guérie sur le Mont des Béatitudes et qu’il a envoyée chez Lazare avec le vieil Ismaël. Elle me semble être maintenant servante de Marie, sœur de Lazare) ; puis la mère de Jaia ; la mère de Philippe d’Arbel ; Dorca, la jeune mère de Césarée de Philippe, et sa belle-mère ; la mère d’Annalia ; Marie de Bozra, la lépreuse miraculée venue avec son mari à Jérusalem ; et d’autres encore que je connais de vue, mais dont je ne puis me rappeler exactement les noms.

Jésus pénètre sur la vaste terrasse rectangulaire qui donne d’un côté sur le Siste. Il va se placer près de la pièce sur laquelle débouche l’escalier intérieur, et qui ressemble à un cube de faible hauteur situé à l’angle nord de la terrasse. Jérusalem se montre tout entière, et avec elle ses alentours immédiats. C’est une vue extraordinaire. Toutes les disciples, toutes les femmes même, quittent le travail des tables pour se serrer autour de lui. Les serviteurs continuent leur travail.

370.12

Marie se tient auprès de son Fils. Dans la lumière dorée qui filtre à travers le grand voile étendu sur une bonne partie de la terrasse et qui prend une délicate couleur émeraude là où, pour arriver à la vue, elle doit pour passer filtrer à travers un massif de jasmins et de rosiers disposés pour faire une tonnelle, Marie paraît encore plus jeune et plus agile ; on dirait une sœur des plus jeunes disciples, à peine plus âgée, et belle, belle comme la plus splendide des roses épanouies dans le jardin suspendu, dans les vasques disposées tout autour qui contiennent des rosiers, des jasmins, des muguets, des lys et autres plantes merveilleuses.

« Mère, mon épouse a parlé d’une étrange façon !… Qu’est-ce qui est arrivé pour qu’elle puisse se dire à la fois mutilée et couronnée ? » demande Philippe, qui brûle de le savoir.

Marie sourit doucement en le dévisageant et elle, qui est si rétive à la confidence, lui prend la main en disant :

« Serais-tu capable, toi, de donner à mon Jésus ce qui t’est le plus cher ? Vraiment, tu le devrais… parce que lui te donne le Ciel et le chemin pour y aller.

– Mais certainement, Mère, je le saurais… surtout si je savais que ce que je lui donnerais pouvait le rendre heureux.

– Il l’a, Philippe : ta seconde fille[1] se consacre elle aussi au Seigneur. Elle l’a dit tout à l’heure, à sa mère et à moi, en présence de nombreuses disciples…

– Toi ! ? Toi ! ? » demande Philippe, ébahi, en désignant une gentille enfant qui se serre contre Marie comme pour qu’elle la protège. L’apôtre a du mal à avaler ce second coup qui le prive pour toujours de l’espoir d’une descendance. Il essuie la sueur soudaine que la nouvelle lui a causée… Il tourne les yeux vers ceux qui l’entourent. Il lutte… Il souffre.

La jeune fille gémit :

« Père… ton pardon… et ta bénédiction… »

Et elle glisse à ses pieds.

Philippe caresse machinalement ses cheveux châtains et s’éclaircit la gorge qui se serre. Enfin il parle :

« On pardonne aux enfants qui pèchent… Toi, tu ne pèches pas en te consacrant au Maître… et… et… ton pauvre père ne peut que te dire… que te dire : “ Sois bénie ”… Ah ! ma fille, ma fille !… Comme la volonté de Dieu est à la fois douce et terrible ! »

Puis il se penche, la relève, l’étreint, lui dépose un baiser sur le front, sur les cheveux, en pleurant… après quoi, la tenant encore dans ses bras, il se dirige vers Jésus et lui dit :

« Moi, je l’ai engendrée, mais toi, tu es son Dieu… Ton droit est plus grand que le mien… Merci… merci, Seigneur, de la… de la joie que… »

Il ne peut poursuivre. Il tombe à genoux aux pieds de Jésus et se baisse pour embrasser ses pieds en gémissant :

« Jamais plus, jamais plus de petits-enfants… C’était mon rêve !… Le sourire de ma vieillesse !… Pardonne-moi ces larmes, mon Seigneur… Je suis un pauvre homme…

– Relève-toi, mon ami, et sois heureux de donner les prémices aux parterres angéliques.

370.13

Viens. Viens ici, entre ma Mère et moi. Apprenons d’elle comment la chose est arrivée parce que, je te l’assure, je n’y suis pour rien. »

Marie explique :

« Moi aussi, je sais peu de chose. Nous parlions entre femmes et, comme cela arrive souvent, on m’interrogeait sur mon vœu de virginité. On me demandait encore comment seraient les futures vierges, quelles fonctions, quelles gloires je prévoyais pour elles. Je répondais comme je sais… Et pour l’avenir, je prévoyais une vie de prière, de consolation pour les souffrances que le monde causera à mon Jésus. Je disais : “ Ce seront les vierges qui soutiendront les apôtres, qui laveront le monde souillé en le revêtant et en le parfumant de leur pureté. Elle seront les anges qui chanteront les louanges pour couvrir les blasphèmes. Et Jésus en sera heureux, et il accordera des grâces au monde, et il fera miséricorde grâce à ces agnelles disséminées parmi les loups…” Et je disais d’autres choses encore. Ce fut alors que la fille de Jaïre me demanda : “ Donne-moi un nom, Mère, pour mon avenir de vierge, car je ne puis permettre qu’un homme jouisse de ce corps qui a été ranimé par Jésus. C’est à lui seul qu’appartient mon corps jusqu’à ce que parviennent ma chair au tombeau et mon âme au Ciel ” ; et Annalia dit : “ Moi aussi, j’ai pensé le faire. Et aujourd’hui, je suis plus légère que l’hirondelle, car j’ai rompu tout lien. ” C’est alors que ta fille, Philippe, est intervenue : “ Moi aussi, je serai comme vous. Vierge pour l’éternité ! ” Sa mère — la voilà qui arrive — lui fit observer qu’on ne peut prendre ainsi une telle décision. Mais elle n’a pas changé d’avis. A ceux qui lui demandaient s’il y avait longtemps qu’elle y pensait, elle répondait “ non ”, et à ceux qui voulaient savoir comment cela lui était venu, elle assurait : “Je l’ignore. C’est comme une flèche de lumière qui m’a traversé le cœur, et j’ai compris de quel amour j’aime Jésus”. »

L’épouse de Philippe demande à son mari :

« Tu as entendu ?

– Oui, femme, ma chair gémit… or elle devrait chanter parce que cela, c’est notre glorification. Elle, notre lourde chair, a engendré deux anges. Ne pleure pas, femme. Tu l’as dit précédemment : il t’a couronnée… La reine ne pleure pas quand elle reçoit le diadème… »

Mais Philippe pleure encore

370.14

ainsi qu’un certain nombre d’hommes et de femmes, maintenant que tous sont rassemblés là-haut. Marie, femme de Simon, fond en larmes dans un coin… Marie de Magdala pleure dans un autre, en tiraillant le lin de son vêtement dont elle arrache machinalement des fils à la bordure qui l’orne. Anastasica pleure en essayant de cacher de la main son visage en larmes.

« Pourquoi pleurez-vous ? » demande Jésus.

Personne ne répond. Le Seigneur appelle Anastasica et l’interroge de nouveau. Elle répond :

« Parce que, Seigneur, pour une joie nauséabonde éprouvée une seule nuit, j’ai perdu d’être une de tes vierges.

– Tout état est bon, lorsqu’on y sert le Seigneur. Dans la future Eglise, il faudra des vierges et des femmes mariées, toutes utiles au triomphe du Royaume de Dieu dans le monde et au travail de leurs frères prêtres.

370.15

Elise de Beth-Çur, viens ici. Console cette femme qui n’est guère qu’une enfant… »

Et, de sa main, il met Anastasica dans les bras d’Elise. Il les observe pendant qu’Elise la caresse et que l’autre s’abandonne dans ces bras maternels, puis il demande :

« Elise, connais-tu son histoire ?

– Oui, Seigneur. Et elle me fait beaucoup de peine, cette pauvre colombe sans nid.

– Elise, aimes-tu cette sœur ?

– L’aimer ? Beaucoup, mais pas comme une sœur. Elle pourrait être ma fille. Et maintenant que je la tiens dans mes bras, il me semble redevenir la mère heureuse d’autrefois. A qui vas-tu confier cette douce gazelle ?

– A toi, Elise.

– A moi ? »

La femme desserre le cercle de ses bras pour regarder le Seigneur, incrédule…

« A toi. Tu ne veux pas d’elle ?

– Oh, Seigneur ! Seigneur ! Seigneur ! »…

Elise, à genoux, rampe vers Jésus, et elle ne sait que dire, de quelle manière, ni que faire pour exprimer sa joie.

« Lève-toi, sois pour elle, saintement, une mère, et qu’elle soit pour toi saintement une fille. Progressez toutes deux sur le chemin du Seigneur.

370.16

Marie, sœur de Lazare, pourquoi pleures-tu, toi qui était si gaie, il y a un instant ? Où sont les dix fleurs que tu voulais m’apporter ?

– Ils dorment, rassasiés, dans la propreté, Maître… Et moi je pleure, parce que jamais plus je n’aurai la pureté des vierges et mon âme toujours pleurera, jamais satisfaite… parce que j’ai péché…

– Mon pardon et tes larmes te rendent plus pure qu’elles. Viens ici, ne pleure plus. Laisse les larmes à ceux qui doivent avoir honte de quelque chose. Allons, va prendre tes fleurs. Allez-y, vous aussi, épouses et vierges. Allez dire aux hôtes de Dieu de monter. Il faut les congédier avant la fermeture des portes, car beaucoup d’entre eux sont disséminés à travers la campagne. »

Ils partent, obéissants, laissant seulement sur la terrasse à sa place Jésus, qui caresse Marie et Matthias, Elise et Anastasica qui, un peu plus loin, se tiennent par la main en se regardant dans les yeux avec un sourire qui éclaire une larme de joie, Marie, femme de Simon, sur laquelle se penche avec pitié Marie la très sainte ; et Jeanne qui se tient sur le seuil de la porte, incertaine, et regarde un peu dedans, un peu dehors, vers Jésus. Les apôtres et les disciples sont descendus en même temps que les femmes pour aider les serviteurs à transporter les estropiés, les aveugles, les boiteux, les bossus, les vieillards, par le long escalier.

370.17

Jésus relève la tête, qu’il tenait penchée sur les deux enfants, et voit Marie inclinée sur la mère de Judas. Il se lève et s’avance vers elles. Il pose sa main sur la tête grisonnante de Marie, femme de Simon :

« Pourquoi pleures-tu, femme ?

– Ah ! Seigneur, Seigneur ! J’ai enfanté un démon ! Aucune mère en Israël ne souffrira autant que moi !

– Marie, une autre mère[2], et pour le même motif que toi, m’a dit ces mêmes paroles. Pauvres mères !…

– Ah ! mon Seigneur, il y en a donc un autre qui, comme mon Judas, est perfide et criminel à ton égard ? Ce n’est pas possible ! Lui, qui te possède, s’est livré à des pratiques immondes. Lui, qui respire ton haleine, est luxurieux et voleur, et peut-être deviendra-t-il homicide. Lui… Sa pensée est mensonge ! Sa vie est une fièvre. Fais-le mourir, Seigneur ! Par pitié ! Fais-le mourir !

– Marie, ton cœur te le montre pire qu’il n’est. La peur te rend folle. Mais calme-toi et raisonne. Quelles preuves as-tu de son inconduite ?

– A ton égard, rien. Mais c’est une avalanche qui descend. Je l’ai surpris et il n’a pas pu cacher les preuves qui… Le voilà… Par pitié, tais-toi ! Il me regarde, il soupçonne. C’est ma douleur. Aucune mère n’est plus malheureuse que moi en Israël… »

Marie murmure :

« Moi… Car à ma douleur, je joins celle de toutes les mères malheureuses… Et ma douleur me vient de la haine, non d’un seul, mais de tout un monde. »

370.18

Appelé par Jeanne, Jésus va la trouver. Pendant ce temps, Judas s’avance vers sa mère, que Marie réconforte encore, et il l’apostrophe :

« Tu as pu dire tous tes délires ? Me calomnier ? Tu es contente, maintenant ?

– Judas ! Est-ce ainsi que tu parles à ta mère ? » demande sévèrement Marie.

C’est la première fois que je la vois ainsi…

« Oui, parce que je suis las de sa persécution.

– Oh ! mon fils, ce n’est pas une persécution, c’est de l’amour ! Tu prétends que je suis malade, mais c’est toi qui l’es ! Tu dis que je te calomnie et que j’écoute tes ennemis. Mais c’est toi qui te fais tort, tu suis et fréquentes des personnes néfastes qui t’entraîneront. C’est que tu es un faible, mon fils, et ils s’en sont aperçus… Crois-en ta mère. Ecoute Ananias, qui est âgé et sage. Judas ! Judas ! Aie pitié de toi, de moi ! Judas ! Où vas-tu, Judas ? »

Judas, qui traverse la terrasse presque en courant, se retourne et hurle :

« Là où je suis utile et vénéré ! »

Et il descend précipitamment l’escalier tandis que sa malheureuse mère, se penchant sur le parapet, lui crie :

« N’y va pas ! N’y va pas ! Ils veulent ta ruine ! Mon fils ! Mon fils ! Mon fils !… »

Judas est arrivé en bas, et les arbres le cachent à la vue de sa mère. Il réapparaît un instant dans un espace vide avant d’entrer dans le vestibule.

« Il est parti !… L’orgueil le dévore ! gémit sa mère.

– Prions pour lui, Marie. Prions toutes deux ensemble… » dit la Vierge en tenant par la main la triste mère du futur déicide.

370.19

Pendant ce temps, les hôtes commencent à monter… et Jésus parle avec Jeanne.

« Bon, qu’elles viennent donc. C’est bien qu’elles aient pris des vêtements juifs, pour ne pas heurter les préventions de certains. Je les attends ici. Va les appeler. »

Adossé à l’huisserie, il observe l’afflux des convives que les apôtres et les disciples — hommes et femmes — guident affectueusement selon un ordre préétabli. Au milieu se trouve la table basse des enfants puis, de part et d’autre, toutes les autres disposées parallèlement.

Mais tandis que les aveugles, les boiteux, les bossus, les estropiés, les vieillards, les veuves, les mendiants, prennent place avec leurs douloureuses histoires imprimées sur le visage, voilà qu’on apporte, gracieux comme des paniers de fleurs, des corbeilles transformées en berceaux et jusqu’à de petits coffres dans lesquels, étendus sur des coussins, dorment de jeunes bébés repus pris à leurs mères mendiantes. Et Marie de Magdala, rassérénée, court vers Jésus en disant :

« Les fleurs sont arrivées. Viens les bénir, mon Seigneur. »

Mais, en même temps, Jeanne arrive par l’escalier intérieur en disant :

« Maître, voici les disciples païennes. »

Ce sont sept femmes, vêtues d’habits modestes et foncés, semblables à ceux des juifs. Elles ont toutes le visage voilé et un manteau les couvre jusqu’aux pieds.

Deux sont grandes et majestueuses, les autres de taille moyenne. Mais quand, après avoir vénéré le Maître, elles retirent leurs manteaux, il est facile de reconnaître Plautina, Lydia, Valéria, Flavia l’affranchie — celle qui a écrit les paroles de Jésus dans le jardin de Lazare —, auxquelles s’ajoutent trois inconnues. L’une d’elles, au regard habitué au commandement, s’agenouille pourtant en disant au Seigneur :

« Avec moi, c’est Rome qui se prosterne à tes pieds. »

Il y a également une forte matrone d’environ cinquante ans, et enfin une toute jeune femme élancée et sereine comme une fleur des champs.

Marie de Magdala reconnaît les Romaines malgré leurs vêtements juifs et, les yeux écarquillés, murmure :

« Claudia !

– C’est bien moi. J’en ai assez d’entendre par la parole d’autrui ! Il faut atteindre la vérité et la sagesse directement à la source.

– Crois-tu qu’ils vont nous reconnaître ? demande Valéria à Marie de Magdala.

– Si vous ne vous trahissez pas en disant vos noms, je ne crois pas. Du reste, je vais vous placer à un endroit sûr.

– Non, Marie. Aux tables, pour servir les mendiants. Personne ne pourra penser que ce sont des patriciennes qui servent les pauvres, les plus petits du monde juif, dit Jésus.

– C’est une bonne idée, Maître, car l’orgueil est inné en nous.

– Et l’humilité est le signe le plus clair de ma doctrine. Qui veut me suivre doit aimer la vérité, la pureté et l’humilité, avoir de la charité pour tous, et de l’héroïsme pour défier l’opinion des hommes et les pressions des tyrans. Allons-y.

– Pardon, Rabbi. Cette fillette est une esclave, fille d’esclaves. Je l’ai rachetée parce qu’elle est d’origine israélite et Plautina la garde avec elle. Mais je te l’offre, en pensant bien faire. Son nom est Egla. Elle t’appartient.

– Marie, accueille-la. Nous réfléchirons plus tard… Merci, femme. »

370.20

Jésus va sur la terrasse pour bénir les enfants. Les dames éveillent une grande curiosité, mais aucun soupçon, ainsi habillées et coiffées à l’hébraïque, en vêtements presque pauvres. Jésus va au milieu de la terrasse, près de la table des enfants, et il prie, offrant pour tous la nourriture au Seigneur, il bénit et donne l’ordre de commencer le repas.

Apôtres, disciples, dames, sont serviteurs des pauvres. Jésus donne l’exemple en retroussant les larges manches de son vêtement rouge et en s’occupant de ses enfants, aidé en cela par Myriam, fille de Jaïre, et par Jean.

Les bouches de tous travaillent remarquablement, mais tous les regards sont tournés vers le Seigneur. Le soir arrive, et on retire le voile pendant que les serviteurs apportent les lampes, encore superflues.

Jésus passe au milieu des tables. Il n’en laisse aucune sans un mot d’encouragement et sans aide. Il frôle ainsi plusieurs fois les royales Claudia et Plautina qui partagent humblement le pain et portent le vin aux lèvres des aveugles, des paralytiques, des manchots ; il sourit à ses vierges qui s’occupent des femmes ; aux mères disciples toutes pleines de pitié auprès des malheureux ; à Marie de Magdala qui se prodigue à une tablée de pauvres vieux, la plus triste de toutes, pleine de tousseurs, de gens qui tremblent, de mâchoires édentées qui mâchonnent et de bouches qui bavent ; et il aide Matthieu qui secoue un enfant qui a avalé de travers un morceau de fouace qu’il suçait et mordait avec ses nouvelles dents ; il complimente Kouza qui, arrivé au début du repas, découpe les viandes et s’en tire comme un serviteur expérimenté.

Le repas prend fin. Sur les visages rougis, dans les regards plus joyeux, on voit clairement la satisfaction des pauvres gens.

370.21

Jésus se penche sur un vieil homme secoué par un tremblement :

« A quoi penses-tu, père, toi qui souris ?

– Je pense que, vraiment, ce n’est pas un rêve. Il y a encore un instant, je croyais dormir et rêver. Mais maintenant, je sens que c’est vrai. Mais qui donc te rend si bon, toi, qui rends si bons tes disciples ? Vive Jésus ! » s’écrie-t-il pour finir.

Et toutes les voix de ces pauvres — et il y en a des centaines — crient :

« Vive Jésus ! »

Jésus se rend de nouveau au milieu et il ouvre les bras pour faire signe de se taire et de rester en place. Il commence à parler en s’asseyant, un petit enfant sur ses genoux.

« Vive, oui, vive Jésus, non parce que c’est moi qui suis Jésus. Mais parce que Jésus veut dire l’amour de Dieu fait chair et descendu parmi les hommes pour être connu et pour faire connaître l’amour qui sera le signe de la nouvelle ère. Vive Jésus, parce que Jésus veut dire “ Sauveur ”. Et c’est moi qui vous sauve. Je vous sauve tous, riches et pauvres, enfants et vieillards, juifs et païens, tous, pourvu que vous vouliez me donner la volonté d’être sauvés[3]. Jésus est pour tous. Il n’est pas pour tel ou tel. Jésus appartient à tous. Il appartient à tous les hommes et il est pour tous les hommes. C’est pour tous que je suis l’Amour miséricordieux et le Salut assuré. Qu’est-il besoin de faire pour appartenir à Jésus, et donc pour obtenir le salut ? Peu de choses, mais de grandes choses. Non pas grandes car difficiles comme celles qu’accomplissent les rois, mais grandes parce qu’elles veulent que l’homme se renouvelle pour les faire et pour devenir la possession de Jésus. Par conséquent amour, humilité, foi, résignation, compassion. Voilà tout. Vous, qui êtes disciples, qu’avez-vous fait aujourd’hui de grand ? Vous direz : “ Rien. Nous avons servi un repas. ” Non, vous avez servi l’amour. Vous vous êtes humiliés. Vous avez traité en frères des inconnus de toutes races, sans demander qui ils sont, s’ils sont en bonne santé, s’ils sont bons. Et vous l’avez fait au nom du Seigneur. Peut-être espériez-vous de moi de grands discours pour vous instruire. Je vous ai fait accomplir de grandes actions. Nous avons commencé cette journée par la prière, nous sommes venus à l’aide des lépreux et des mendiants, nous avons adoré le Très-Haut dans sa Maison, nous avons commencé les agapes fraternelles et le soin des pèlerins et des pauvres, nous avons servi parce que, servir par amour, c’est être semblable à moi qui suis le Serviteur des serviteurs de Dieu, Serviteur jusqu’à l’anéantissement de la mort pour vous procurer le salut… »

370.22

Un cri et un bruit de pas interrompt Jésus. Un groupe de juifs forcenés monte l’escalier en courant. Les Romaines les plus connues, c’est-à-dire Plautina, Claudia, Valéria et Lydia, se mettent à l’ombre en baissant leurs voiles. Les perturbateurs font irruption sur la terrasse et semblent chercher je ne sais quoi. Kouza, offensé, va au devant d’eux et leur demande :

« Que voulez-vous ?

– Rien qui te concerne. Nous cherchons Jésus de Nazareth, pas toi.

– Me voici. Ne me voyez-vous pas ? demande Jésus en posant l’enfant par terre et en se levant, imposant.

– Que fais-tu ici ?

– Vous pouvez le constater : je fais ce que j’enseigne et j’enseigne ce qu’il faut pratiquer, c’est-à-dire l’amour envers les plus pauvres. Qu’est-ce qu’on vous a dit ?

– On a entendu des cris séditieux et, comme, là où tu es, il y a des troubles, nous sommes venus voir.

– Là où je suis, c’est la paix. On criait : “ Vive Jésus. ”

– Justement. On a pensé, aussi bien au Temple qu’au palais d’Hérode, qu’ici on conjurait contre…

– Qui ? Contre qui ? Qui est roi en Israël ? Pas le Temple, pas Hérode. C’est Rome qui domine et bien fou est celui qui pense à se faire roi là où elle commande.

– Toi, tu dis que tu es roi.

– Je suis Roi, mais pas de ce royaume-là. Il est trop sordide pour moi ! L’empire lui aussi est trop sordide. Je suis le Roi du Royaume saint des Cieux, du Royaume de l’Amour et de l’Esprit. Allez en paix, ou restez si vous voulez et apprenez comment on arrive à mon Royaume. Mes sujets, les voilà : les pauvres, les malheureux, les opprimés, et puis les bons, les humbles, les charitables. Restez, joignez-vous à eux.

– Pourtant, tu es toujours à banqueter dans des maisons luxueuses, au milieu de belles femmes et…

– Cela suffit ! On ne fait pas d’insinuations contre le Rabbi et on ne l’offense pas dans ma maison. Sortez ! » tonne Kouza.

370.23

Mais par l’escalier intérieur bondit sur la terrasse une jolie silhouette de jeune fille voilée. Légère comme un papillon, elle s’élance vers Jésus et, là, elle jette son voile et son manteau pour tomber à ses pieds et essayer de les lui baiser.

« Salomé ! » s’écrie Kouza avec des autres.

Jésus s’est retiré si vivement pour fuir son contact que son siège se renverse, et il en profite pour en faire une séparation entre lui et Salomé. Ses yeux font peur tant ils sont phosphorescents, terribles.

Salomé, agile et effrontée, toute cajoleries, dit :

« Oui, c’est moi. L’acclamation est parvenue au Palais. Hérode envoie une ambassade pour dire qu’il veut te voir. Mais je l’ai précédée. Viens avec moi, Seigneur. Je t’aime tant et je te désire tant ! Je suis moi aussi chair d’Israël.

– Rentre chez toi.

– La Cour t’attend pour te faire honneur.

– Ma Cour, la voilà. Je ne connais pas d’autre cour, ni d’autres honneurs. »

Et de la main, il montre les pauvres assis aux tables.

– Je t’apporte des cadeaux pour elle. Voici mes bijoux.

– Je n’en veux pas.

– Pourquoi les refuses-tu ?

– Parce qu’ils sont impurs et donnés dans une intention impure. Va-t’en ! »

Interdite, Salomé se relève. Elle regarde à la dérobée le Terrible, le Très-Pur qui la foudroie de son bras tendu et de son regard de feu. Elle porte furtivement les yeux sur l’assistance, et elle voit moquerie ou nausée sur les visages. Les pharisiens sont pétrifiés et ils observent cette scène d’une grande intensité. Les Romaines osent avancer pour mieux voir.

Salomé tente un dernier essai :

« Tu approches même les lépreux… dit-elle, humble et suppliante.

– Ce sont des malades. Toi, tu es une impudique. Va-t’en ! »

La dernière injonction est si tonitruante que Salomé ramasse voile et manteau et, penchée, rampante, se dirige vers l’escalier.

« Attention, Seigneur !… Elle est puissante… Elle pourrait te nuire » murmure Kouza à voix basse.

Mais Jésus répond d’une voix très forte afin que tous puissent entendre, à commencer par celle qu’il chasse :

« Peu importe. Je préfère être tué que de faire alliance avec le vice. Sueur de femme lascive et or de courtisane sont des poisons d’enfer. S’allier par lâcheté aux puissants est une faute. Je suis Vérité, Pureté et Rédemption. Et je ne change pas. Va. Raccompagne-la…

– Je punirai les serviteurs qui l’ont laissée passer.

– Tu ne puniras personne. Une seule mérite d’être châtiée : elle-même, et elle l’est. Et qu’elle sache, et vous aussi, que ses pensées me sont connues et que j’en éprouve du dégoût. Que le serpent retourne à son trou. L’Agneau revient à ses jardins. »

Il s’assied. Il transpire. Il se tait.

370.24

Puis il reprend :

« Jeanne, donne à chacun une obole pour que leur vie soit moins triste pendant quelques jours… Que dois-je faire d’autre, enfants de la douleur ? Que voulez-vous, que je puisse vous donner ? Je lis dans les cœurs. Aux malades qui savent croire, paix et santé ! »

Une pause d’un instant, puis un cri… et nombreux, très nombreux, sont ceux qui se lèvent guéris. Les juifs, venus pour surprendre Jésus, s’en vont abasourdis et négligés dans le délire général d’acclamations pour les miracles et la pureté de Jésus.

Jésus sourit en embrassant les enfants, puis il congédie les convives en retenant les veuves et il parle à Jeanne en leur faveur. Jeanne en prend note et les invite pour le lendemain. Puis elles aussi s’en vont. Les vieillards sont les derniers à partir…

Il reste les apôtres, les disciples et les Romaines. Jésus dit :

« Ainsi doit être l’union à l’avenir. Pas besoin de mots, ce sont les actes qui parlent aux âmes et aux intelligences par leur évidence. Que la paix soit avec vous. »

Il se dirige vers l’escalier intérieur et disparaît, suivi de Jeanne puis des autres.

370.25

Au bas de l’escalier, il rencontre Judas :

« Maître, ne va pas à Gethsémani ! Il y a là des ennemis qui te cherchent. Et toi, mère, que dis-tu maintenant ? Toi qui m’accuses ! Si je n’y étais pas allé, je n’aurais pas appris le piège tendu au Maître. Dans une autre maison ! Allons dans une autre maison !

– Chez nous, alors. Chez Lazare n’entre que celui qui est ami de Dieu, dit Marie de Magdala.

– Oui. Que ceux qui hier étaient à Gethsémani viennent au palais de Lazare avec ses sœurs. Demain, nous pourvoirons. »

370.1

«La pace sia a questa casa e su tutti i presenti», saluta Gesù entrando nell’ampio vestibolo molto fastoso, tutto illuminato nonostante sia giorno.

Né sono superflue le lampade. Perché, se è vero che è giorno, è anche vero che fuori il sole è abbacinante nelle vie e sulle facciate bianche di calcina, mentre qui, nell’ampio ma soprattutto lungo corridoio vestibolo, che deve tagliare tutta la casa, dal portone massiccio al giardino il cui verde pieno di sole appare là in fondo — e pare lontano per un giuoco di prospettiva — vi deve essere abitualmente una penombra che è ombra del tutto per chi viene da fuori, con gli occhi abbacinati dal gran sole. Perciò Cusa ha provveduto acciò le ampie e numerose padelle di rame sbalzato, infisse a distanze regolari sulle due pareti del vestibolo, siano tutte accese, e così pure il lampadario centrale, un’ampia conca di alabastro rosa con incastrati, nella levità carnea dell’alabastro, dei diaspri e altre scaglie preziose e multicolori che, per la luce accesa nell’interno, splendono come tante stelle, gettando arcobaleni sulle pareti tinte in azzurro cupo, sui volti, sul pavimento di marmo cipollino. E sembra che minute stelle si posino sulle pareti, sui volti, sul suolo, minute e mobili stelline multicolori, perché il lampadario ondeggia lievemente per la corrente d’aria che percorre il vestibolo, e perciò lo sfaccettio delle scaglie preziose si sposta di continuo.

«La pace a questa casa», ripete Gesù inoltrandosi, mentre senza sosta benedice i servi curvi fino a terra, gli ospiti stupiti di essere lì raccolti, a contatto con il Rabbi, in un palazzo principesco…

370.2

­Gli ospiti! Il pensiero di Gesù si delinea chiaramente. Il convito d’amore che ha voluto in casa della buona discepola è una pagina del Vangelo tradotta in azione. Sono mendicanti, storpi, ciechi, orfani, vecchi, giovani vedove con i piccoli attaccati alle vesti o succhianti lo scarso latte della madre denutrita. La ricchezza di Giovanna ha già provveduto a sostituire le vesti cenciose con vesti modeste ma pulite e nuove. Ma se le chiome ravviate, in provvidenziale misura di pulizia, e se le vesti monde dànno a questi infelici, che i servi allineano o sorreggono per portarli al posto, un aspetto meno miserabile certo di quello che avevano quando Giovanna li mandò a raccogliere negli angiporti, ai crocicchi, sulle carraie che conducono a Gerusalemme, là dove la loro miseria si celava vergognosa oppure si esponeva per avere elemosina, in compenso restano visibili gli stenti sui volti, le infermità nelle membra, le sventure, le solitudini negli sguardi…

Gesù passa e benedice. Ogni infelice riceve la sua benedizione e, se la destra è alzata a benedire, la sinistra si abbassa ad accarezzare tremule e canute teste di vegliardi o innocenti testoline di bimbi. Percorre così in su e in giù il vestibolo, per benedire tutti, anche quelli che entrano mentre Egli già benedice e, ancora cenciosi, si nascondono con timore e soggezione in un angolo finché i servi, con atti gentili, li portano altrove per essere, come coloro che li hanno preceduti, lavati e vestiti di vesti monde.

370.3

70.3Passa una giovane vedova con la sua chiocciata di bambini… Che miseria! Il più piccolo nudo affatto, stretto nello stracciato velo della madre… i più grandicelli con appena quel tanto da salvare la decenza. Solo il maggiore, un allampanato fanciullo, ha un abito che può dirsi tale, ma in compenso è scalzo.

Gesù osserva e chiama la donna dicendo: «Da dove vieni?».

«Dal piano di Saron, Signore. Levi mi è divenuto maggiorenne… E l’ho dovuto accompagnare al Tempio… io… posto che non ha più padre», e la donna piange senza rumore, il pianto muto di chi ha troppo pianto.

«Quando ti è morto l’uomo?».

«Fu un anno a scebat. Ero incinta di due lune…», e inghiotte i singhiozzi per non turbare, curvandosi tutta sul piccolino.

«Il pargolo ha dunque otto mesi?».

«Sì, Signore».

«Che faceva tuo marito?».

La donna mormora così piano che Gesù non capisce. Si curva per sentire dicendo: «Ripeti senza timore».

«Faceva il fabbro in una mascalcia… Ma fu malato molto… perché aveva ferite che marcivano». E termina pianissimo: «Era un soldato di Roma».

«Ma tu sei d’Israele?».

«Sì, Signore. Non mi scacciare per immonda come fecero i miei fratelli quando sono andata ad implorare pietà dopo la morte di Cornelio…».

«Non avere paure di tal genere! Che fai ora di lavoro?».

«La serva, se mi vogliono, la spigolatrice, la follatrice di panni, batto la canapa… di tutto… per sfamare questi. Levi ora farà il contadino… se lo vorranno, perché… bastardo nella razza».

«Confida nel Signore!».

«Non avessi confidato, mi sarei uccisa con tutti loro, Signore».

«Va’, donna. Ci vedremo ancora», e la congeda.

370.4

­Giovanna intanto è accorsa e sta in ginocchio in attesa che il Maestro la veda. Egli si volge, infatti, e la vede.

«Pace a te, Giovanna. Mi hai ubbidito a perfezione».

«Ubbidirti è la mia gioia. Ma non sono stata la sola a procurarti “la corte” come Tu volevi. Cusa mi ha aiutata in ogni maniera, e Marta e Maria anche. Ed Elisa con loro. Chi mandando i servi loro a prendere ciò che occorreva e ad aiutare i servi miei a radunare gli ospiti, chi aiutando le ancelle e i servi dei bagni a rendere mondi i “beneamati”, come Tu li chiami. Ora, con tua licenza, darò a tutti un po’ di cibo, perché non siano esausti in attesa delle mense».

«Fa’, fa’ pure. Dove sono le discepole?».

«Sulla terrazza superiore dove faccio preparare le mense. Ho pensato giusto?».

«Sì, Giovanna. Lassù staranno quieti, e noi con loro».

«Sì, ho pensato io pure così. D’altronde in nessuna sala avrei potuto allestire per così tanti… E non volevo fare separazioni per non creare gelosie e dolore. Gli infelici hanno una sensibilità così acuta, una dolorabilità, anzi!… Sono tutti una ferita, e basta uno sguardo a farli soffrire».

«Sì, Giovanna. Tu hai l’anima pietosa e comprendi. Dio ti dia bene per la tua pietà.

370.5

Ci sono molte discepole?».

«Oh! Tutte quelle presenti in Gerusalemme!… Ma… Signore… io forse ho peccato… Vorrei dirti una cosa in segreto».

«Conducimi in luogo solitario».

Vanno loro due soli in una stanza che, per i balocchi sparsi dovunque, si intuisce luogo di giuochi di Maria e Mattia.

«Ebbene, Giovanna?».

«O mio Signore, io certo sono stata imprudente… Ma mi è venuto così spontaneo l’atto, così impetuoso! Cusa me ne ha rimproverata. Ma ormai… Al Tempio venne uno schiavo di Plautina con una tavoletta. Ella e le compagne chiedevano se era possibile vederti. Ho risposto: “Sì. Nel pomeriggio a casa mia”. E verranno… Ho fatto male? Oh! non per Te!… Ma per gli altri, per quelli che sono tutti Israele… e non sono amore come Te. Se ho mancato, provvederò a riparare… Ma desidero tanto che il mondo, tutto il mondo, ti ami, che… che non ho riflettuto che nel mondo Tu solo sei Perfezione e troppo pochi cercano di assomigliarti».

«Hai fatto bene. Oggi Io predico a voi tutti con le opere. E la presenza dei gentili fra i credenti in Gesù Salvatore sarà una delle cose da farsi in futuro dai miei credenti. I bambini dove sono?».

«Da per tutto, Signore», sorride Giovanna tranquillizzata, e termina: «La festa li esalta e corrono qua e là come uccellini felici».

Gesù la lascia, torna nel vestibolo, fa un cenno agli uomini che erano con Lui, e si avvia verso il giardino per poi salire alla vasta terrazza.

370.6

­Una lieta operosità empie la casa dalle cantine al tetto. Chi va, chi viene con cibi e suppellettili, con fasci di vesti, con sedili, accompagnando ospiti, rispondendo a chi interroga, tutti con letizia e amore. Gionata, solenne nella sua funzione di intendente, dirige, sorveglia, consiglia instancabile.

La vecchia Ester, felice di vedere Giovanna così animata e prospera, ride in mezzo ad un cerchio di poveri bambini, ai quali distribuisce focacce mentre narra novelle meravigliose. Gesù si ferma un momento ad ascoltare la conclusione splendida di una di esse, in cui è detto che «alla buona Alba di maggio, che mai si ribellava al Signore per i dolori che erano venuti alla sua casa, Dio concesse molti aiuti, per cui Alba di maggio fu salvezza e bene anche dei fratellini suoi. Gli angeli empivano la piccola madia, finivano il lavoro sul telaio per aiutare la buona fanciulla dicendo: “È nostra sorella perché ama il Signore e il suo prossimo. Va aiutata da noi”».

«Dio ti benedica, Ester! Quasi mi fermo Io pure ad ascoltare le tue parabole! Mi vuoi?», dice Gesù sorridendo.

«Oh! mio Signore! Io devo ascoltare Te! Ma per i piccoli basto anche io, povera vecchia stolta!».

«La tua anima giusta serve anche agli adulti. Continua, continua, Ester…», e le sorride andandosene.

370.7

Per il vasto giardino ormai sono sparsi gli ospiti e consumano il loro primo spuntino guardandosi intorno e guardandosi l’un l’altro con stupefazione. Parlano scambiandosi commenti sulla insperata fortuna. Ma vedendo passare Gesù si alzano, solo che possano farlo, e si curvano adorando.

«Mangiate, mangiate. State in libertà e benedite il Signore», dice Gesù passando, diretto alle stanze dei giardinieri, dalle quali ha inizio la scala che per un’aerea rampa conduce alla vasta terrazza.

370.8

­«Oh! Rabboni mio!», grida la Maddalena che corre fuori da una stanza con le braccia cariche di fasce e camiciole per i pargoli. E la sua voce vellutata d’organo d’oro empie il viale ombroso sotto cui sono festoni di rose.

«Maria, Dio sia con te. Dove vai così di fretta?».

«Oh! ho dieci pargoli da vestire! Li ho lavati e ora li vesto, e poi te li porterò, freschi come fiori. Fuggo, Maestro, perché… li senti? sembrano dieci agnellini belanti…», e corre via ridendo, splendida e serena nella sua semplice e signorile veste di candido lino, stretta alla vita da una cintura sottile d’argento, coi capelli stretti in un semplice nodo sulla nuca, sorretti da un nastro bianco che si annoda alla fronte.

«Come è diversa da quella che era sul monte delle Beatitudini!», esclama Simone Zelote.

370.9

Nella prima rampa di scale incrociano la figlia di Giairo e Annalia, che scendono così svelte che sembra che volino.

«Maestro!», «Signore!», esclamano.

«Dio sia con voi. Dove andate?».

«A prendere tovaglie. Ci manda l’ancella di Giovanna. Parli, Maestro?».

«Certamente!».

«Oh! allora corri, Mirjam! Facciamo presto!», dice Annalia.

«Avete tutto il tempo di fare ciò che dovete. Attendo altre persone. Ma da quando, fanciulla, ti chiami Mirjam?», dice guardando la figlia di Giairo.

«Da oggi. Da ora. Me lo ha dato tua Madre il nome. Perché… vero, Annalia? Oggi è un grande giorno per quattro vergini…».

«Oh! sì. Lo diremo al Signore o lasciamo a Maria di dirlo?».

«A Maria, a Maria. Va’, va’, Signore. La Madre ti parlerà», e corrono via leggere, nel primo fiorire della gioventù, umane nelle belle forme, angeliche nello sguardo radioso…

370.10

­Sono alla terza rampa quando incrociano Elisa di Betsur, che scende gravemente insieme alla moglie di Filippo.

«Ah! Signore!», grida quest’ultima. «A chi togli, a chi dài!… Ma che Tu sia benedetto lo stesso!».

«Di che parli, donna?».

«Ora lo saprai… Che pena e che gloria, Signore! Tu mi mutili e mi incoroni».

Filippo, che è vicino a Gesù, dice: «Che dici? Di che parli? Tu mi sei moglie e ciò che ti avviene mi tocca…».

«Oh! lo saprai, Filippo. Va’, va’ col Maestro».

Gesù intanto chiede a Elisa se è ben guarita. E la donna, alla quale il grande dolore dei tempi passati ha dato una maestà di regina dolente, dice: «Sì, mio Signore. Ma soffrire con la pace nel cuore non è spasimo. Ed io ora ho la pace in cuore».

«E presto avrai più ancora».

«Che, Signore?».

«Va’ e torna, e lo saprai».

370.11

­«C’è Gesù! C’è Gesù!», trillano i due bambini che hanno il visetto appoggiato contro la rabescata ringhiera, che limita la terrazza dai due lati che guardano sul giardino, e dalla quale scendono rami in fiore di rose e gelsomini, perché il terrazzo è un vasto giardino pensile sul quale, in quest’ora di sole, è steso un velario multicolore.

Tutte le persone che si agitano in preparativi sulla terrazza si volgono al grido di Maria e Mattia e, lasciando in tronco ciò che facevano, vengono incontro a Gesù, alle cui ginocchia già sono avviticchiati i due fanciulli.

Gesù saluta le donne, numerose, che si affollano. Fra le vere e proprie discepole o mogli, figlie, sorelle di apostoli e discepoli, sono mescolate altre meno note, meno intime, quali la moglie del cugino Simone, le madri degli asinai di Nazaret, la madre di Abele di Betlemme di Galilea, Anna di Giuda (casa presso il lago Meron), Maria di Simone madre di Giuda di Keriot, Noemi di Efeso, Sara e Marcella da Betania (Sara è la donna che Gesù guarì sul monte delle Beatitudini e mandò da Lazzaro col vecchio Ismaele. Ora sembra ancella di Maria di Lazzaro); poi la madre di Jaia, la madre di Filippo d’Arbela, Dorca la giovane madre di Cesarea di Filippo e sua suocera, la madre di Annalia, Maria di Bozra la miracolata di lebbra venuta col marito a Gerusalemme, e altre, altre, non nuove allo sguardo ma non menzionabili dalla mente con nome proprio.

Gesù si inoltra sulla vasta terrazza rettangolare, che da un lato si affaccia sul Sisto, e va a mettersi presso la stanza che è sbocco alla scala interna, credo, e che è simile ad un cubo basso messo nell’angolo settentrionale della terrazza. Gerusalemme si mostra tutta, e con essa i suoi immediati dintorni. Una vista stupenda. Tutte le discepole, tutte le donne anzi, lasciano di occuparsi delle mense per stringersi intorno a Lui. I servi proseguono il loro lavoro.

370.12

­Maria è presso al Figlio. Nella luce dorata che filtra dal grande velario steso su buona parte della terrazza, e che poi diviene luce delicatamente smeraldina là dove, per giungere ai visi, deve filtrare da un intrico di gelsomini e rosai messi a fare pergola, Ella pare ancor più giovane e snella; una sorella delle più giovani discepole, appena di poco maggiore, e bella, bella come la più splendida delle rose fiorite nel giardino pensile, nelle capaci vasche messe tutt’intorno ad esso a contenere rosai, gelsomini, mughetti, gigli e altre piante gentili.

«Madre, mia moglie ha parlato in un certo modo… Che è avvenuto perché mia moglie possa dirsi mutilata e incoronata insieme?», chiede Filippo che brucia nella voglia di sapere.

Maria sorride dolcemente mentre lo guarda e, Lei così restia a confidenze, gli prende la mano dicendo: «Saresti capace tu di dare al mio Gesù la cosa a te più cara? Veramente dovresti… perché Egli a te dà il Cielo e la via per andarvi».

«Ma certo, Madre, che saprei… specie se ciò che darei avesse potere di farlo felice».

«Lo ha. Filippo, anche la tua altra figlia[1] si consacra al Signore. Lo ha detto poco fa a me e alla madre, alla presenza di molte discepole…».

«Tu!? Tu?!», chiede Filippo sbalordito, puntando l’indice sulla gentile fanciulla che si stringe a Maria quasi per esserne protetta. L’apostolo inghiotte male questo secondo colpo che lo priva per sempre da speranza di nipoti. Si asciuga il sudore improvviso che la notizia gli ha dato… gira lo sguardo sui volti che gli sono intorno. Lotta… Soffre.

La figlia geme: «Padre… il tuo perdono… e la tua benedizione…», e gli scivola ai piedi.

Filippo la carezza macchinalmente sui capelli castani e si schiarisce la gola stretta in un nodo. Infine parla: «Si perdonano i figli che peccano… Tu non pecchi consacrandoti al Maestro… e… e… e il tuo povero padre non può che dirti… che dirti: “che tu sia benedetta”… Ah! figlia! figlia mia!… Come è soave e tremendo il volere di Dio!», e si china, la alza, l’abbraccia, la bacia sulla fronte, sui capelli, piangendo… e poi, tenendola ancora fra le braccia, va verso Gesù e gli dice: «Ecco. Io l’ho generata, ma Tu sei il suo Dio… Il tuo diritto è più del mio… Grazie… grazie, Signore, della… della gioia che…»; non può più proseguire. Cade a ginocchi ai piedi di Gesù e si curva a baciarne i piedi gemendo: «Mai, mai più nipoti!… Il mio sogno!… Il sorriso della mia vecchiaia!… Perdona questo pianto, mio Signore… Sono un povero uomo…».

«Alzati, amico mio. E sii lieto di dare le primizie alle aiuole angeliche.

370.13

­Vieni. Vieni qui fra Me e mia Madre. Sentiamo da Lei come avvenne la cosa, perché, te lo assicuro, per la mia parte Io non ne ho né colpa né merito».

Maria spiega: «Poco so io pure. Parlavamo fra noi donne e, come spesso avviene, mi interrogavano sul mio voto verginale. Mi interrogavano ancora sul come saranno le vergini future, quali uffici, quali glorie prevedevo per esse. Io rispondevo come so… E per il futuro prevedevo per esse vita di orazione e di consolazione alle sofferenze che il mondo darà a Gesù mio. Dicevo: “Saranno le vergini quelle che sostengono gli apostoli, quelle che laveranno il mondo insozzato vestendolo della loro purezza, di essa profumandolo, saranno gli angeli che canteranno le laudi per coprire le bestemmie. E Gesù ne sarà felice, e grazie darà al mondo, e darà misericordia per queste agnelle sparse fra i lupi…”, e altre cose dicevo. Fu allora che la figlia di Giairo mi disse: “Dammi un nome, o Madre, per il mio futuro di vergine, perché io non posso concedere che un uomo goda il corpo che fu rianimato da Gesù. Di Lui solo è questo mio corpo fino a che sarà la carne del sepolcro e l’anima del Cielo”; e Annalia disse: “Io pure così ho sentito di fare. E oggi sono più allegra di rondine perché ogni legame è spezzato”. E fu anche allora che tua figlia, o Filippo, disse: “Anche io sarò come voi. Vergine in eterno!”. La madre, ecco che viene, le fece considerare che così non si può prendere tanta decisione. Ma ella non mutò parere. E a chi le chiedeva se era antico pensiero diceva “no”, e a chi le chiedeva come le era venuto diceva: “Non so. Come una freccia di luce mi ha squarciato il cuore e ho capito di che amore amo Gesù”».

La moglie di Filippo chiede al marito: «Udisti?».

«Sì, donna. La carne geme… e dovrebbe cantare perché è la sua glorificazione questa. Essa, la nostra pesante carne, ha generato due angeli. Non piangere, donna. Tu l’hai detto avanti: Egli ti ha incoronata… La regina non piange quando riceve il serto…».

Ma piange anche Filippo,

370.14

­e piangono in molti, sia uomini che donne, ora che tutti sono raccolti quassù. Maria di Simone piange a dirotto in un angolo… Maria di Magdala piange in un altro, tormentando il lino della sua veste alla quale strappa macchinalmente i fili della bordura che l’orna. Anastasica lacrima tentando celare con la mano il volto lacrimoso.

«Perché piangete?», chiede Gesù.

Nessuno risponde.

Gesù chiama Anastasica e l’interroga di nuovo, e lei: «Perché, Signore, per una gioia nauseabonda, avuta per una notte sola, ho perduto d’essere una tua vergine».

«Ogni stato è buono, se in esso si serve il Signore. Nella Chiesa futura occorreranno vergini e matrone. Tutte utili al trionfo del Regno di Dio nel mondo e al lavoro dei fratelli sacerdoti.

370.15

­Elisa di Betsur, vieni qua. Consola questa quasi fanciulla…». E mette di sua mano Anastasica fra le braccia di Elisa.

Le osserva mentre Elisa la carezza e l’altra si abbandona fra quelle braccia di madre, e poi chiede: «Elisa, conosci la sua sto­ria?».

«Sì, Signore. E mi fa tanta pena, povera colomba senza nido».

«Elisa, ami tu questa sorella?».

«Amarla? Tanto. Ma non come sorella. Ella mi può essere figlia. E ora che la tengo fra le braccia mi pare di tornare ad essere la madre felice del tempo passato. A chi affiderai questa dolce gazzella?».

«A te, Elisa».

«A me?». La donna slega il cerchio delle braccia per guardare il Signore, incredula…

«A te. Non la vuoi?».

«Oh! Signore! Signore! Signore!»… Elisa in ginocchio striscia da Gesù e non sa, non sa come, cosa dire, cosa fare per esprimere la sua gioia.

«Alzati e siile santamente madre, ed ella ti sia santamente ­figlia, e ambedue procedete nella via del Signore.

370.16

­Maria di Lazzaro, perché piangi, tu, tanto ilare poc’anzi? Dove sono i dieci fiori che mi volevi portare?…».

«Dormono sazi nel nitore, Maestro… E io piango perché mai più avrò il nitore delle vergini, e l’anima mia sempre piangerà, mai sazia perché… perché ho peccato…».

«Il mio perdono e il pianto tuo ti fanno più monda di essi. Vieni qui. Non piangere più. Lascia il pianto a chi ha da vergognarsi di qualcosa. Su. Va’ a prendere i tuoi fiori; andate anche voi, spose e vergini. Andate a dire agli ospiti di Dio di salire. Occorre congedarli avanti la chiusura delle porte, perché molti di essi stanno sparsi per la campagna».

Vanno ubbidienti, rimanendo solo sul terrazzo Gesù, al suo posto, che carezza Maria e Mattia; Elisa e Anastasica che poco più là si tengono per mano guardandosi negli occhi con un sorriso intriso di un pianto felice; Maria di Simone sulla quale si curva pietosa Maria Ss.; e Giovanna che sulla porta della stanza guarda incerta un poco dentro, un poco fuori, verso Gesù. Gli apostoli e discepoli sono scesi insieme alle donne per aiutare i servi a trasportare gli storpi, ciechi, zoppi, rattratti, vecchi, per la lunga scala.

370.17

­Gesù alza il capo che aveva chino sui due fanciulli e vede Maria curva sulla madre di Giuda. Si alza e va da loro. Posa la mano sulla testa brizzolata di Maria di Simone: «Perché piangi, donna?».

«Oh! Signore! Signore! Io ho partorito un demonio! Nessuna madre in Israele sarà pari a me nel dolore!».

«Maria, un’altra madre[2], e per lo stesso motivo che è tuo, mi ha detto e dice queste parole. Povere madri!…».

«O mio Signore, vi è dunque un altro che come Giuda mio sia un perfido e scellerato verso di Te? Oh! non può essere! Egli, che ha Te, si è dato a pratiche immonde. Egli, che respira il tuo alito, è libidinoso e ladro, forse diverrà omicida. Egli… oh! Menzogna è il suo pensiero! Febbre la sua vita. Fàllo morire, Signore! Per pietà! Fàllo morire!».

«Maria, il tuo cuore te lo mostra peggio che non sia. La paura ti fa folle. Ma calmati e ragiona. Che prove hai del suo agire?».

«Verso Te nulla. Ma è una valanga che scende. L’ho sorpreso, e non ha potuto nascondere le prove che… Eccolo… Per pietà, taci! Mi guarda. Sospetta. È il mio dolore. Nessuna madre più infelice di me in Israele!…».

Maria sussurra: «Io… Perché al mio unisco il dolore di tutte le madri infelici… Perché il mio dolore è dato dall’odio non di uno, ma di tutto un mondo».

370.18

Gesù, chiamato da Giovanna, va da lei; intanto Giuda viene verso la madre, che è ancora confortata da Maria, e l’apostrofa: «Hai potuto dire i tuoi deliri? Calunniarmi? Sei lieta ora?».

«Giuda! Così parli a tua madre?», chiede severa Maria. È la prima volta che la vedo così…

«Sì. Perché sono stanco della sua persecuzione».

«Oh! figlio mio, non è una persecuzione! È amore. Tu mi dici malata. Ma tu sei il malato! Tu dici che io ti calunnio e che ascolto tuoi nemici. Ma tu ti fai torto, ma tu segui e coltivi esseri nefasti che ti travolgeranno. Perché tu sei debole, figlio mio, ed essi se ne sono accorti… Da’ retta a tua madre. Ascolta Anania, vecchio e saggio. Giuda! Giuda! Pietà di te, di me! Giuda!!! Dove vai, Giuda?!».

Giuda, che traversa quasi di corsa la terrazza, si volta e grida: «Dove sono utile e venerato», e scende a precipizio la scala mentre l’infelice madre, sporgendosi dal parapetto, gli grida: «Non andare! Non andare! Essi vogliono la tua rovina! Figlio! Figlio! Figlio mio!…».

Giuda è giunto in basso e gli alberi lo nascondono alla vista della madre. Riappare per un momento in uno spazio vuoto prima di entrare nel vestibolo.

«È andato!… La superbia lo divora!», geme sua madre.

«Preghiamo per lui, Maria. Preghiamo noi due insieme…», dice la Vergine tenendo per mano la triste madre del futuro deicida.

370.19

­Intanto cominciano a salire gli ospiti… e Gesù parla con Giovanna. «Va bene. Vengano pure. Molto meglio se si sono messe vesti ebree per non urtare le prevenzioni di molti. Le attendo qui. Va’ a chiamarle», e addossato allo stipite osserva l’af­flusso dei convitati, che apostoli, discepoli e discepole guidano con amorevolezza alle tavole secondo un ordine prestabilito. Al centro è la tavola bassa dei fanciulli, poi, di qua e di là, tutte le altre, parallele.

Ma mentre ciechi, zoppi, rattratti, storpi, vecchi, vedove, mendichi si dispongono con le loro storie di dolori impresse sui volti, ecco che, gentili come cesti di fiori, vengono portati dei cestoni mutati in cuna, persino dei piccoli cofani, nei quali, adagiati su cuscini, dormono sazi i poppanti presi alle madri mendiche. E Maria di Madgala, rasserenata, corre da Gesù dicendo: «Sono giunti i fiori. Vieni a benedirli, mio Signore».

Ma nello stesso tempo Giovanna emerge dalle scale interne dicendo: «Maestro, ecco le discepole pagane». Sono sette donne, vestite di oscure e dimesse vesti simili a quelle delle ebree. Un velo è sul volto di tutte e un mantello le copre fino ai piedi. Due sono alte e maestose, le altre di media statura. Ma quando, dopo aver venerato il Maestro, si levano il mantello è facile riconoscere Plautina, Lidia, Valeria; la liberta Flavia, quella che ha scritto le parole di Gesù nel giardino di Lazzaro; e poi vi sono tre sconosciute. Una dallo sguardo uso al comando e che pure si inginocchia dicendo al Signore: «E con me Roma si prostri ai tuoi piedi», e poi una formosa matrona sui cinquant’anni, e infine una giovinetta esile e serena come un fior di campo.

Maria di Magdala riconosce le romane, nonostante le loro vesti ebree, e mormora: «Claudia!!!», e resta ad occhi sgranati.

«Io. Basta di udire per altrui parola! La Verità e la Sapienza vanno attinte alla fonte diretta».

«Credi che ci riconosceranno?», chiede Valeria a Maria di Magdala.

«Se non vi tradite col nominarvi, non credo. Del resto vi metterò in luogo sicuro».

«No, Maria. Alle tavole, a servire i mendichi. Nessuno potrà pensare che le patrizie siano serve ai poveri, agli infimi del mondo ebraico», dice Gesù.

«Bene sentenzi, o Maestro. Perché la superbia è innata in noi».

«E l’umiltà è il segno più netto della mia dottrina. Chi mi vuole seguire deve amare la Verità, la Purezza e l’Umiltà, avere carità per tutti ed eroismo per sfidare l’opinione degli uomini e le pressioni dei tiranni. Andiamo».

«Perdona, o Rabbi. Questa fanciulla è una schiava figlia di schiavi. L’ho riscattata perché di origine israelita e Plautina con sé la tiene. Ma io te l’offro, pensando che bene è farlo. Il suo nome è Egla. Ti appartiene».

«Maria, accoglila. Poi penseremo… Grazie, donna».

370.20

­Gesù va sul terrazzo a benedire i fanciulli. Molta curiosità destano le dame. Ma così vestite e pettinate all’ebrea, in vesti quasi povere, non destano sospetti. Gesù va al centro della terrazza, presso la tavola dei fanciulli, e prega, offrendo per tutti il cibo al Signore, benedice e dà ordine di iniziare il pasto. Apostoli, discepoli, discepole, dame, sono i servi dei poveri, e Gesù ne dà l’esempio rimboccandosi le larghe maniche della veste rossa e occupandosi dei suoi bambini, aiutato da Mirjam di Giairo e da Giovanni. Le bocche di tanti denutriti lavorano egregiamente, ma gli occhi sono tutti rivolti al Signore. La sera scende e viene levato il velario mentre lumi, ancora superflui, vengono portati dai servi.

Gesù circola fra le tavole. Non lascia nessuno senza conforti di parole e di aiuto. Sfiora così più volte le regali Claudia e Plautina, che dimesse spezzano il pane o portano il vino alle labbra dei ciechi, dei paralitici, dei monchi; sorride alle sue vergini che si occupano delle donne, alle madri discepole tutte pietose presso gli infelici, a Maria di Magdala che si prodiga a una tavolata di vecchioni, la più triste di tutte, piena di tossi, di tremiti, di mascelle sdentate che biasciano e di bocche che sbavano; e aiuta Matteo che palleggia un infante, che si è fatto andare per traverso una mollica di focaccia che succhiava e mordeva coi dentini novelli; complimenta Cusa che, sopraggiunto al principio del pasto, scalca le carni e serve come un servo provetto.

Il pasto ha termine. Nei volti coloriti, negli occhi più lieti, è palese la soddisfazione dei miseri.

370.21

Gesù si curva su un vecchione scosso da un tremito e dice: «Che pensi, o padre, che sorridi?».

«Penso che non è proprio un sogno. Fino a poco fa credevo di dormire e sognare. Ma ora sento che è proprio vero. Ma chi ti fa così buono, che fai buoni così i tuoi discepoli? Viva Gesù!», grida per ultimo.

E tutte le voci di questi miseri, e sono centinaia, gridano: «Viva Gesù!».

Gesù va di nuovo al centro e apre le braccia, facendo cenno di tacere e di stare fermi, e inizia a parlare stando seduto con un fanciullino sulle ginocchia.

«Viva, sì, viva Gesù, non perché Io sono Gesù. Ma perché Gesù vuol dire l’amore di Dio fatto carne e sceso fra gli uomini per essere conosciuto e per far conoscere l’amore che sarà il segno della nuova èra. Viva Gesù perché Gesù vuol dire “Salvatore”. Ed Io vi salvo. Vi salvo tutti[3], ricchi e poveri, fanciulli e vegliardi, israeliti e pagani, tutti, purché voi vogliate darmi la volontà di essere salvati. Gesù è per tutti. Non è per questo o quello. Gesù è di tutti. Di tutti gli uomini e per tutti gli uomini. Per tutti sono l’Amore misericorde e la Salvezza sicura. Cosa è necessario fare per essere di Gesù, e perciò per avere salvezza? Poche cose. Ma grandi cose. Non grandi perché cose difficili come quelle che fanno i re. Ma grandi perché vogliono che l’uomo si rinnovelli per farle e per divenire di Gesù. Perciò amore, umiltà, fede, rassegnazione, compassione. Ecco. Voi, che discepoli siete, cosa avete fatto oggi di grande? Direte: “Nulla. Abbiamo servito un pasto”. No. Avete servito l’amore. Vi siete umiliati. Avete trattato da fratelli gli sconosciuti di tutte le razze, senza chiedere chi sono, se sono sani, se sono buoni. E lo avete fatto in nome del Signore. Forse speravate grandi parole da Me, per la vostra istruzione. Vi ho fatto fare grandi fatti. Abbiamo iniziato il giorno con la preghiera, abbiamo sovvenuto lebbrosi e mendichi, abbiamo adorato l’Altissimo nella sua Casa, abbiamo iniziato le agapi fraterne e la cura dei pellegrini e dei poveri, abbiamo servito perché servire per amore è essere simile a Me che sono Servo dei servi di Dio, Servo fino ad annichilimento di morte per ministrare a voi salvezza…».

370.22

­Un vocìo e uno scalpiccìo interrompe Gesù. Un gruppo scalmanato di israeliti sale di corsa le scale. Le romane più note, ossia Plautina, Claudia, Valeria e Lidia, si ritirano nell’ombra calando il velo. I disturbatori irrompono sul terrazzo e pare cerchino chissà che.

Cusa, offeso, va loro davanti e chiede: «Che volete?».

«Nulla che ti riguardi. Cerchiamo Gesù di Nazaret e non te».

«Eccomi. Non mi vedete?», chiede Gesù posando a terra il fanciullino e alzandosi imponente.

«Che fai qui?».

«Lo vedete. Faccio ciò che insegno e insegno ciò che va fatto: l’amore ai più poveri. Che vi era stato detto?».

«Furono uditi gridi sediziosi. E siccome dove sei Tu là è sedizione, siamo venuti a vedere».

«Là dove Io sono è pace. Il grido era: “Viva Gesù”».

«Appunto. Fu pensato, tanto al Tempio che al palazzo d’Erode, che qui si congiurasse contro…».

«Chi? Contro chi? Chi è re in Israele? Non il Tempio, non Erode. Roma domina, e folle è chi pensa a farsi re là dove essa impera».

«Tu dici d’esser re».

«Re sono. Ma non di questo regno. Troppo meschino per Me! Troppo meschino è anche l’impero. Re Io sono del Regno santo dei Cieli, del Regno dell’Amore e dello Spirito. Andate in pace. O restate, se volete, e imparate come si accede a questo mio Regno. I miei sudditi eccoli: i poveri, gli infelici, gli oppressi, e poi i buoni, gli umili, i caritatevoli. Restate, unitevi ad essi».

«Però Tu sei sempre ai conviti in case fastose, fra belle donne e…».

«Basta! Non si insinua e non si offende il Rabbi in casa mia. Uscite!», tuona Cusa.

370.23

­Ma dalla scala interna balza sul terrazzo una figuretta snella di fanciulla velata. Corre leggera come una farfalla fino a Gesù e là getta velo e manto, cadendogli ai piedi e tentando baciarglieli.

«Salomè!», grida Cusa e con lui altri.

Gesù si è ritirato così violentemente, per sfuggire il contatto, che il suo sedile si rovescia ed Egli ne approfitta per metterlo fra Sé e Salomè come separazione. I suoi occhi fanno paura tanto sono fosforescenti, terribili.

Salomè, leggera e sfrontata, tutta moine, dice: «Sì, io. L’acclamazione è giunta al Palazzo. Erode manda ambasceria a dirti che ti vuol vedere. Ma io l’ho prevenuta. Vieni con me, Signore. Io ti amo tanto e ti desidero tanto! Sono io pure carne d’Israele».

«Va’ alla tua casa».

«La Corte ti attende per darti onore».

«La mia Corte è questa. Non ne conosco altra né altri onori», e colla mano indica i poveri seduti alle tavole.

«Ti porto doni per essa. Ecco i miei monili».

«Non li voglio».

«Perché li rifiuti?».

«Perché sono immondi e dati per immondo scopo. Va’ via!».

Salomè si rialza interdetta. Guarda di sfuggita il Terribile, il Purissimo che la fulmina col braccio teso e lo sguardo di fuoco. Guarda furtiva tutti e vede beffa o nausea sui volti. I farisei sono pietrificati e osservano la scena potente. Le romane osano farsi avanti per vedere meglio.

Salomè tenta un’ultima prova. «Avvicini anche i lebbrosi…», dice sommessa e supplichevole.

«Sono dei malati. Tu sei un’impudica. Va’ via!».

L’ultimo «va’ via!» è talmente potente che Salomè raccoglie velo e manto e, curva, strisciando, si dirige alle scale.

«Bada, Signore!… Ella è potente… Potrebbe nuocerti», sussurra Cusa sottovoce.

Ma Gesù risponde a voce fortissima, ché tutti possano sentire, la scacciata per prima: «Non importa. Preferisco essere ucciso ad avere alleanze con il vizio. Sudore di donna lasciva e oro di meretrice sono veleni d’inferno. Alleanza di viltà coi potenti è colpa. Io sono Verità, Purezza e Redenzione. E non muto. Va’. Accompagnala…».

«Punirò i servi che l’hanno lasciata passare».

«Non punirai nessuno. Una sola va punita. Lei. E lo è. E sappia, e sappiate che il suo pensiero mi è noto e che ne ho ribrezzo. Torni la serpe nel suo covo. L’Agnello torna ai suoi giardini».

Si siede. Suda. Tace.

370.24

­Poi dice: «Giovanna, da’ ad ognuno l’obolo perché meno triste sia per qualche giorno la vita… Che altro vi devo fare, figli del dolore? Che volete che Io vi possa dare? Leggo nei cuori. Ai malati che sanno credere, pace e salu­te!».

Un attimo di sosta e poi un grido… e sono molti e molti che sorgono guariti. I giudei venuti a sorprendere se ne vanno sbalorditi e trascurati nel delirio generale di acclamazioni per il miracolo e per la purezza di Gesù.

Gesù sorride baciando i bambini. Poi congeda gli ospiti trattenendo le vedove e parla con Giovanna in loro favore. Giovanna prende nota e le invita per il domani. Poi esse pure vanno. Ultimi vanno i vecchi…

Restano apostoli, discepoli, discepole e le romane. Gesù dice: «Così è e deve essere l’unione futura. Non ci sono parole. I fatti parlino agli spiriti e alle menti colla loro evidenza. La pace sia con voi».

Si dirige verso le scale interne e scompare seguito da Giovanna e poi dagli altri.

370.25

­Alla base delle scale scontra Giuda: «Maestro, non andare al Getsemani! Ti cercano là dei nemici. E tu, madre, che dici ora? Tu che mi accusi! Se non fossi andato, non avrei saputo l’insidia tesa al Maestro. In un’altra casa! In un’altra casa andiamo!».

«Nella nostra, allora. In casa di Lazzaro non entra che chi è amico di Dio», dice Maria di Magdala.

«Sì. Quelli che ieri erano al Getsemani vengano con le sorelle al palazzo di Lazzaro. Domani provvederemo».


Notes

  1. ta seconde fille, à l’instar de la première en 241.2/3.
  2. une autre mère : celle de Marc, fils de Josias, en 358.7/8.
  3. Je vous sauve tous, …pourvu que vous vouliez me donner la volonté d’être sauvés. On en trouve l’explication surtout en 136.2, 494.7, 495.2/4 (qui fait une large place à la miséricorde), 520.5, 575.10/11 et 605.14/18. La condition citée pour obtenir le salut justifie certaines déclarations d’impuissance de la part de Jésus. Il ne se sert pas de sa toute-puissance divine, non seulement pour des actes contraires au bien véritable et à la justice (comme en 89.1, 95.6, 104.5, 172.7, 258.7), ou qui seraient inutiles, imprudents ou simplement inopportuns (comme dans les dernières lignes de 455.9 et en 484.2.3), mais aussi pour ces actes qui feraient le bien de ceux qui ne veulent pas les demander ou les accueillir (comme en 105.4, 302.2, 337.6, 368.12, 374.3, 503.7.10) ou encore de ceux qui les souhaiteraient dans un but fourbe (comme en 574.10). Jésus déclare sa toute-puissance divine en 53.5 et, sauf aux occasions mentionnées ci-dessus, il l’utilise à maintes reprises dans l’œuvre de Maria Valtorta.

Note

  1. anche la tua altra figlia, come la prima in 241.2/3.
  2. un’altra madre, quella di Marco di Giosia, in 358.7/8.
  3. Vi salvo tutti, …purché voi vogliate darmi la volontà di essere salvati, come viene spiegato soprattutto in: 136.2 - 494.7 - 495.2/4 (con ampio spazio per la misericordia) - 520.5 - 575.10/11 - 605.14/18. La suddetta condizione per ottenere la salvezza giustifica certe dichiarazioni d’impotenza da parte di Gesù, il quale non usa la propria onnipotenza divina non solo per quegli atti che sarebbero contrari al vero bene e alla giustizia (come in: 89.1 - 95.6 - 104.5 - 172.7 - 258.7), oppure che sarebbero inutili o imprudenti o semplicemente inopportuni (come in 455.9, ultime righe, e in 484.2.3), ma anche per quegli atti che farebbero il bene di chi non vuole chiederli o accoglierli (come in: 105.4 - 302.2 - 337.6 - 368.12 - 374.3 - 503.5/7.10) oppure di chi li vorrebbe per un fine non retto (come in 574.10). Gesù dichiara la propria onnipotenza divina in 53.5 e, tranne che nei casi suddetti, la ribadisce o la esercita innumerevoli volte nell’opera valtortiana.