Gli Scritti di Maria Valtorta

525. Les prophéties de Sabéa de Betléchi.

525. Profezie di Sabea di Betlechi e giudizio su di lei.

525.1

C’est une bien pauvre exploitation qui sert à faire vivre le groupe hétérogène des amis de Zachée. Surtout maintenant que c’est l’hiver, elle est loin de réjouir le cœur. Ils l’aiment pourtant, et c’est avec fierté qu’ils la montrent à Jésus : les trois champs de blé, labourés et bruns, le verger avec quelques arbres de bon rapport, d’autres encore trop jeunes pour qu’on puisse en attendre des fruits, quelques pauvres rangées de vignes, le potager… une petite étable où se trouvent une vache, et un âne pour la noria, un réduit avec quelques poules et cinq couples de colombes, six brebis, un taudis comprenant une cuisine et trois chambres, un hangar qui sert de bûcher, de débarras et de grenier à foin, un puits à la margelle ébréchée, et une citerne à l’eau croupie. Rien de plus.

« Si la saison est favorable…

– Si les bêtes ont des petits…

– Si les jeunes arbres prennent bien racine… »

Tout est au conditionnel… Ce sont des espoirs très précaires…

Mais un homme se rappelle ce qu’il avait entendu dire, il y a quelques années : la prodigieuse récolte qu’avait eue Doras grâce à une bénédiction donnée par le Maître pour que Doras soit plus humain avec ses serviteurs paysans, et il dit :

« Et si tu bénissais ce lieu… Doras aussi était pécheur…

– Tu as raison. Ce que j’ai accompli en sachant que je n’allais pas changer ce cœur, je l’accomplirai aussi pour vous, dont le cœur a changé. »

Et il ouvre les bras pour bénir :

« Je le fais immédiatement, car je veux vous convaincre de mon amour. »

Puis ils reprennent leur route en direction du fleuve, en longeant des champs labourés dont la terre est grasse et noire, et des arbres fruitiers que la saison a dénudés.

525.2

A un détour, voilà quelques pharisiens qui s’avancent :

« Paix à toi, Maître. Nous t’avons attendu ici pour… te vénérer.

– Non, pour vous assurer que je ne triche pas. Vous avez bien fait. Soyez persuadés que je n’ai pas eu moyen de voir la femme, ni aucun de ceux qui sont avec elle. Vous, toi et toi, étiez de garde à la maison de Zachée, et vous vous êtes rendu compte qu’aucun de nous n’en est sorti. Vous m’avez précédé sur ce chemin, et vous avez vu qu’aucun de nous n’est parti en avant. Vous avez le désir de m’imposer des conditions, pour l’entrevue avec cette femme, et je vous dis que je les accepte avant même que vous ne le fassiez.

– Mais… si tu ne les connais pas…

– N’est-il pas vrai que c’est votre intention ?

– Si.

– De même donc que je connais vos pensées intimes, je sais aussi ce que vous allez me dire, et je vous déclare que j’accepte ce que vous voulez me proposer : cela servira à glorifier la Vérité. Parlez.

– Sais-tu ce dont il s’agit ?

– Je sais que vous jugez cette femme possédée, mais qu’aucun exorciste n’a pu chasser le démon. Je sais pourtant qu’elle ne tient pas de propos démoniaques. C’est ce que disent ceux qui l’ont entendue parler.

– Peux-tu jurer que tu ne l’as jamais vue ?

– Le juste ne jure jamais, car il sait qu’il a le droit d’être cru sur parole. Je vous assure que je ne l’ai jamais vue et que je ne suis jamais passé par son village : tous les habitants peuvent le confirmer.

– Pourtant, elle prétend connaître ton visage et ta voix.

– En effet, son âme me connaît, de par la volonté de Dieu.

– Tu dis “ de par la volonté de Dieu ”. Mais comment peux-tu l’affirmer ?

– On m’a rapporté qu’elle dit des paroles inspirées.

– Le démon aussi parle de Dieu.

– Mais avec des erreurs mêlées à dessein, pour dévoyer les hommes dans des pensées erronées.

525.3

– Eh bien… nous voudrions que tu nous laisses éprouver cette femme.

– De quelle manière ?

– Tu ne la connais vraiment pas ?

– Je vous ai dit que non.

– Alors voilà : nous envoyons quelqu’un en avant pour crier : “ Voici le Seigneur ”, et nous verrons si elle salue celui qui l’accompagne comme si c’était toi.

– Quelle pauvre preuve ! Je l’accepte pourtant. Choisissez parmi ceux qui m’accompagnent les personnes que vous voulez envoyer en avant, et moi, je vous suivrai avec les autres. Cependant, si la femme parle, vous devez la laisser s’exprimer pour que je juge ses propos.

– C’est juste. Le pacte est conclu et nous le tiendrons loyalement.

– Qu’il en soit ainsi, et que cela serve à toucher votre cœur.

– Maître, nous ne sommes pas tous des adversaires. Certains de nous sont indécis… et ont une volonté sincère de voir ce qui est vrai pour te suivre, dit un scribe.

– C’est vrai. Et ils seront encore aimés de Dieu. »

Les scribes examinent les apôtres et s’étonnent de l’absence de plusieurs, et en particulier de Judas, puis ils choisissent Jude et Jean. Ils prennent en plus le jeune voleur converti, qui est pâle et malingre et a une chevelure légèrement rousse, ceux, en somme, qui, par l’âge et la physionomie, ont des points communs avec le Maître.

« Nous partons avec eux. Toi, reste ici avec nos compagnons et les tiens, et suis-nous dans un moment. »

Ainsi font-ils.

525.4

Ils sont déjà en vue des bois qui bordent le fleuve. Un soleil couchant d’hiver dore le sommet des arbres et répand une vive lumière jaune sur les personnes rassemblées près d’eux.

« Voici le Messie ! Levez-vous ! Venez à sa rencontre ! » crient les scribes, qui ont pris de l’avance en coupant par un sentier. Celui-ci aboutit à un rouvre gigantesque aux racines puissantes à demi découvertes, qui peuvent servir de sièges à ceux qui s’abritent près de son tronc.

Le groupe de personnes rassemblées tout autour se retourne, se lève, s’ouvre et se sépare pour aller à la rencontre des arrivants. Près du tronc, il reste seulement trois scribes, Jean d’Ephèse, ainsi qu’un homme et une femme âgés, et encore une autre femme, assise sur une racine en saillie, dos au tronc, la tête penchée sur ses genoux enlacés par ses bras. Elle est toute couverte d’un voile violet si foncé qu’il paraît noir. Elle semble étrangère à tout, et le cri ne la fait pas bouger.

Un scribe touche son épaule :

« Le Maître est ici, Sabéa. Lève-toi et salue-le. »

La femme ne répond pas, ne bouge pas.

Les trois scribes se regardent et sourient ironiquement en faisant un signe entendu aux autres qui s’avancent. Et comme les personnes qui attendaient, ne voyant pas Jésus, s’étaient tues, eux et leurs compagnons crient plus fort que jamais, pour que la femme ne s’aperçoive pas de la supercherie.

« Femme, dit un scribe à la vieille mère qui est avec la fille, toi, au moins, salue le Maître et demande à ta fille de le faire. »

La femme se prosterne en même temps que son mari devant Jude, Jean et le voleur repenti. Puis, se levant, elle se tourne vers sa fille :

« Sabéa, ton Seigneur est ici. Vénère-le. »

La jeune femme ne bouge pas.

Le sourire des scribes se fait encore plus ironique et l’un d’eux, maigre, avec un gros nez, nasille d’une voix traînante :

« Tu ne t’attendais pas à cette épreuve, n’est-ce pas ? Et ton cœur tremble : tu sens que ton renom de prophétesse est en danger et tu ne tentes pas ta chance… Il me semble que cela suffit pour te déclarer menteuse… »

Du coup, la femme relève la tête, elle rejette son voile en arrière et le regarde avec de grands yeux :

« Je ne mens pas, scribe. Et je n’ai pas peur, car je suis dans la vérité. Où est le Seigneur ?

– Comment ? Tu prétends le connaître, et tu ne le vois pas ? Il est devant toi !

– Aucun d’eux n’est le Seigneur. C’est pour cela que je n’ai pas bougé. Aucun d’eux.

– Aucun d’eux ? Comment ? Ce Galiléen blond, ce n’est pas le Seigneur ? Moi, je ne le connais pas, mais je sais qu’il est blond, avec des yeux bleu ciel.

– Ce n’est pas le Seigneur.

– Alors, cet autre, qui est grand et sévère. Regarde ces traits de roi ! C’est lui, certainement.

– Non, ce n’est pas le Seigneur. Le Seigneur n’est pas parmi eux. »

Et la femme baisse de nouveau la tête dans ses genoux comme avant.

525.5

Après quelque temps, Jésus survient. Les scribes ont imposé le silence à la petite assistance. Aussi son arrivée n’est-elle trahie par aucun hosanna.

Jésus s’avance entre Pierre et son cousin Jacques. Il marche lentement… Silencieusement… L’herbe touffue amortit tout bruit de pas. Pendant que la vieille femme essuie ses larmes avec son voile et qu’un scribe l’offense en disant : « Votre fille est folle et menteuse », pendant que le père soupire et fait même des reproches à sa fille, Jésus arrive au bout du sentier et s’arrête.

La jeune femme, qui n’a rien pu entendre, qui n’a rien pu voir, bondit sur ses pieds, rejette son voile, découvrant ainsi toute sa tête, et tend les bras en s’écriant avec force :

« Voilà mon Seigneur qui vient à moi ! C’est lui, le Messie, ô hommes qui espériez me tromper et m’humilier. Je vois sur lui la lumière de Dieu qui me l’indique, et je l’honore ! »

Alors elle se jette au sol, mais en restant à sa place, à environ deux mètres de Jésus, le visage contre terre, dans l’herbe, et elle s’écrie :

« Je te salue[1], Roi des peuples, admirable Prince de paix, Père du siècle sans fin, chef du nouveau peuple de Dieu ! »

Et elle reste prosternée, sous son ample manteau foncé, d’un violet presque noir, aussi noir que le voile.

Puis elle se relève, et s’appuie debout contre le tronc sombre. Lorsqu’elle a rejeté son voile, elle est restée, les bras tendus en avant comme une statue ; cela m’a permis de voir qu’elle porte sous son manteau un habit de lourde laine d’un blanc d’ivoire, serré simplement par un cordon au cou et à la ceinture. Et surtout j’ai pu admirer sa beauté de femme d’âge mûr. Elle peut avoir environ trente ans, et trente ans en Palestine équivalent au moins à quarante des nôtres en général ; si la très sainte Marie fait exception à cette règle, pour les autres femmes, la maturité vient de bonne heure, surtout pour celles qui sont brunes de cheveux et de visage, et corpulentes comme celle-ci.

C’est le type classique de la femme hébraïque. Je crois que Rachel, Ruth et Judith, célèbres pour leur beauté, devaient lui ressembler. Grande, plantureuse et pourtant élancée, la peau lisse et d’une pâleur brunâtre, la bouche petite aux lèvres un peu grosses d’un rouge vif, le nez droit, long et fin, deux yeux profonds, sombres, veloutés sous un arc de cils longs et fournis, un front haut, lisse, royal, un ovale plutôt allongé, et une chevelure d’ébène magnifique comme une couronne d’onyx. Sans être une merveille, elle a un corps de statue et une majesté de reine.

525.6

Elle se met donc debout en s’appuyant contre le tronc noir, et présente ses mains longues, brunes, très belles, reliées au bras par un fin poignet. Elle observe le Maître en silence, secouant la tête parce que des scribes lui soufflent :

« Tu te trompes, Sabéa. Le Messie, ce n’est pas lui, mais l’homme que tu as vu auparavant sans le reconnaître. »

Elle secoue la tête, ferme, l’air sévère, et ne détache pas les yeux du Seigneur. Puis son visage se transfigure, en prenant une expression dont je ne sais dire si elle est de joie fervente ou de ravissement extatique. Elle tient de l’un et de l’autre. Elle paraît pâlir comme si elle était sur le point de s’évanouir, alors que toute la vie se concentre dans ses yeux, qui deviennent lumineux, d’une lumière de joie, de triomphe, d’amour… Je ne sais. Rient-ils, ces yeux ? Non, ils ne rient pas, pas plus que la bouche à l’expression sévère. Et pourtant, il y a en eux une lumière de joie, et ces yeux acquièrent de plus en plus une intensité puissante qui vous frappe.

Jésus la regarde avec douceur et un peu de tristesse.

« Tu vois bien que c’est une folle ? » lui murmure un scribe.

Jésus ne répond pas. La main gauche pendant le long de son côté, la droite retenant son manteau sur la poitrine, il regarde et se tait.

La femme étend les bras comme avant. On dirait un gigantesque papillon aux ailes violettes, et au corps de vieil ivoire. Et un nouveau cri sort de ses lèvres :

« O Adonaï, tu es grand ! Toi seul es grand, ô Adonaï ! Tu es grand au Ciel et sur la terre, dans le temps et dans les siècles des siècles, et au-delà du temps, depuis toujours et pour toujours, ô Seigneur, Fils du Seigneur. Tes ennemis sont sous tes pieds, et l’amour de ceux qui t’aiment soutient ton trône. »

Sa voix se fait de plus en plus forte et assurée, tandis que ses yeux se détachent du visage de Jésus pour regarder dans le lointain, un peu au-dessus de la tête de ceux qui l’entourent et l’observent attentivement. Du fait qu’elle se tient debout contre le tronc du rouvre, qui est lui-même sur une levée de terre, elle les domine sans difficulté.

Après une pause, elle reprend :

« Le trône de mon Seigneur est orné[2] de douze pierreries, celles des douze tribus des justes. Dans la grande perle qu’est le trône, le trône blanc et précieux resplendissant du très saint Agneau, sont enchâssés des topazes avec des améthystes, des émeraudes avec des saphirs, des rubis avec des sardoines, et des agates, des chrysolithes, des béryls, des onyx, des jaspes, des opales. Ceux qui croient, ceux qui espèrent, ceux qui aiment, ceux qui se repentent, ceux qui vivent et meurent en justes, ceux qui souffrent, ceux qui délaissent l’erreur pour la vérité, ceux qui étaient durs de cœur et sont devenus doux en son nom, les innocents, les repentis, ceux qui se dépouillent de tout afin d’être agiles pour suivre le Seigneur, les vierges à l’esprit resplendissant d’une lumière semblable à une aube du Ciel de Dieu… Gloire au Seigneur ! Gloire à Adonaï ! Gloire au Roi qui siège sur son trône ! »

Sa voix claironne. Les gens frémissent. La femme semble réellement voir ce qu’elle dit, comme si le nuage doré qui passe dans un ciel serein et qu’elle semble suivre des yeux, était pour elle une lentille qui lui permet de contempler avec ravissement les gloires célestes.

525.7

Elle se repose, comme épuisée, mais sans changer d’attitude. Seul son visage se transfigure encore plus, accentuant la pâleur de sa peau et l’éclat du regard.

Puis elle recommence à parler en baissant les yeux sur Jésus qui l’écoute attentivement, au milieu d’un cercle de scribes qui hochent la tête d’un air sceptique et ironique, et des apôtres et des fidèles que fait pâlir une émotion sacrée. Sa voix est distincte, mais moins forte :

« Je vois ! Je vois dans l’Homme ce qui se cache dans l’Homme. Saint est l’Homme, mais je ploie les genoux devant le Saint des Saints enfermé dans l’Homme. »

Puis sa parole redevient puissante, impérieuse comme un commandement :

« Regarde ton Roi, peuple de Dieu ! Connais son visage ! La beauté de Dieu est devant toi. La sagesse de Dieu a pris une bouche pour t’instruire. Ce ne sont plus les prophètes, ô peuple d’Israël, qui te parlent de l’Innommable. C’est lui-même. Lui qui connaît le mystère qu’est Dieu, qui te parle de Dieu. Lui qui connaît la pensée de Dieu, qui t’attire sur son sein, ô peuple encore enfant après tant de siècles, et qui te nourrit du lait de la sagesse de Dieu pour te rendre adulte en lui. C’est pour cela qu’il s’est incarné dans le sein d’une femme d’Israël, plus grande que toute autre devant Dieu et les hommes. Elle a ravi le cœur de Dieu par une seule de ses palpitations de colombe. La beauté de son âme a séduit le Très-Haut et il a fait d’elle son trône. Marie, femme d’Aaron, a péché, car le péché était en elle. Déborah discerna ce qu’il fallait faire, mais ne le fit pas de ses mains. Jahel fut courageuse, mais se souilla de sang. Judith était juste et craignait le Seigneur, et Dieu fut dans ses paroles et lui permit d’agir en sorte qu’Israël soit sauvé, mais par amour de sa patrie, elle se servit d’une ruse homicide. Mais la Femme qui l’a engendré les surpasse, parce qu’elle est la servante parfaite de Dieu et qu’elle le sert sans pécher. Toute pure, innocente et lumineuse, c’est le bel Astre de Dieu, de son lever à son coucher. Toute belle, resplendissante et pure, pour être Etoile et Lune, lumière pour les hommes afin qu’ils trouvent le Seigneur. Elle ne précède pas et ne suit pas l’Arche sainte, comme Marie, femme d’Aaron, car elle est elle-même l’Arche. Sur l’eau trouble de la terre recouverte par le déluge des fautes, elle s’élance et sauve, car celui qui entre en elle trouve le Seigneur. Colombe sans tache, elle sort et porte l’olivier[3], l’olivier de paix aux hommes, car elle est la belle Olive. Elle se tait, et dans son silence elle parle et agit plus que Déborah, Jahel et Judith ; et elle ne conseille pas la bataille, ne pousse pas aux massacres, ne répand pas d’autre sang que le meilleur du sien, celui dont elle a fait son Fils. Mère malheureuse ! Mère sublime !… Judith craignait le Seigneur, mais sa fleur a appartenu à un homme. Elle, en revanche, a offert au Très-Haut sa pureté inviolée. Le Feu de Dieu est descendu dans le calice du doux lys, et un sein de femme a contenu et porté la Puissance, la Sagesse et l’Amour de Dieu. Gloire à cette Femme ! Chantez ses louanges, femmes d’Israël ! »

525.8

La femme se tait comme si sa voix était épuisée. Effectivement, je ne sais comment elle fait pour parler si longuement avec une telle force.

Les scribes s’écrient :

« Elle est folle ! Elle est folle ! Fais-la taire ! Folle ou possédée. Ordonne à l’esprit qui la retient de s’en aller.

– C’est impossible. Il n’y a que l’esprit de Dieu en elle, et Dieu ne se chasse pas lui-même.

– Tu ne le fais pas parce qu’elle te loue, toi et ta Mère, et cela flatte ton orgueil.

– Scribe, réfléchis à ce que tu sais de moi, et tu verras que je ne connais pas l’orgueil.

– Pourtant, seul un démon peut parler en elle pour célébrer ainsi une femme !… Qu’est-ce que la femme en Israël et pour Israël, sinon un péché aux yeux de Dieu ? Elle est séduite et séductrice ! Si on n’avait pas la foi, on hésiterait à penser que la femme a une âme. Il lui est interdit de s’approcher du Saint, à cause de son impureté. Et cette femme prétend que Dieu est descendu en elle !… » lance un autre scribe, scandalisé.

Ses compagnons lui font écho.

Jésus dit, sans regarder personne en face — il semble se parler à lui-même — :

« “ La Femme écrasera la tête du Serpent… La Vierge concevra et enfantera un Fils qui sera appelé Emmanuel… Un germe sortira de la souche de Jessé, une fleur viendra de cette souche et sur lui reposera l’Esprit du Seigneur. ” Cette femme, c’est ma Mère. Scribe, pour l’honneur de ta science, rappelle-toi et comprends les paroles du Livre[4]. »

Les scribes ne savent que répondre. Ces paroles, ils les ont dites et redites mille fois, et annoncées comme vraies. Peuvent-ils maintenant les nier ? Ils se taisent.

525.9

Quelqu’un ordonne d’allumer des feux, car le froid se fait sentir près de la rive où souffle le vent du soir. On obéit, et des branches flambent en cercle autour du groupe qui se serre.

La lumière dansante du feu semble réveiller la femme, qui s’était tue et restait les yeux fermés, comme recueillie. Elle les ouvre, se secoue, regarde de nouveau Jésus et s’écrie de nouveau :

« Adonaï ! Adonaï, tu es grand ! Chantons au Divin un cantique nouveau ! Shalem ! Shalem ! Malchik !!… Paix ! Paix ! ô Roi à qui rien ne résiste !… »

Soudain, elle se tait. Elle tourne les yeux, pour la première fois depuis qu’elle parle, sur ceux qui entourent Jésus, et fixe les scribes, comme si elle les voyait pour la première fois : alors, sans motif apparent, des larmes se forment dans ses grands yeux, et son visage devient triste et sans éclat.

Elle s’exprime à présent lentement, d’une voix profonde, comme quelqu’un qui parle de choses douloureuses :

« Non. Il y en a qui te résistent ! O peuple, écoute ! Depuis ma douleur, ô peuple de Betléchi, tu m’as entendue parler. Après des années de silence et de souffrance, j’ai entendu et j’ai dit ce que j’entendais. Maintenant, je ne suis plus au milieu des verts bosquets de Betléchi, vierge veuve qui trouve dans le Seigneur son unique paix. Je n’ai pas autour de moi mes seuls concitoyens pour leur dire : “ Craignons le Seigneur, car l’heure est arrivée d’être prêts à entendre son appel. Rendons beau le vêtement de notre cœur pour ne pas être indignes en sa présence. Ceignons-nous de force, car l’heure du Christ est l’heure de l’épreuve. Purifions-nous comme des hosties pour l’autel, pour pouvoir être accueillis par Celui qui l’envoie. Que celui qui est bon devienne meilleur. Que celui qui est orgueilleux devienne humble. Que celui qui souffre de la volupté se dépouille de sa chair pour pouvoir suivre l’Agneau. Que l’avare devienne généreux, car Dieu nous comble dans son Messie, et que chacun pratique la justice afin de pouvoir appartenir au Peuple du Béni qui vient. ” Maintenant je parle devant lui, devant ceux qui croient en lui et aussi devant ceux qui ne croient pas et qui se moquent du Saint et de ceux qui parlent et croient en son nom, et en lui. Mais je n’ai pas peur. Vous prétendez que je suis folle, vous assurez qu’un démon parle en moi. Je suis consciente que vous pourriez me faire lapider comme blasphématrice. Je sais que ce que je vous dirai vous paraîtra insulte et blasphème, et que vous allez me haïr. Mais je n’ai pas peur. Je suis peut-être la dernière des voix qui parlent de lui avant sa manifestation, et il est possible que je connaisse le sort de plusieurs autres voix. Mais je ne crains rien. Trop long est l’exil dans le froid et la solitude de la terre, pour qui pense au sein d’Abraham, et, plus saint que le sein d’Abraham, au Royaume de Dieu que le Christ nous ouvre.

Sabéa de Carmel, de la descendance d’Aaron, ne redoute pas la mort, mais elle craint le Seigneur. Elle s’exprime quand il le lui demande pour ne pas désobéir à sa volonté, et elle dit la vérité, car elle parle de Dieu dans les termes que Dieu lui donne. Je ne redoute pas la mort, même si vous m’appelez démon et me lapidez comme blasphématrice ; même si mon père, ma mère et mes frères meurent à cause de ce déshonneur, je ne tremblerai pas de peur et de peine. Je sais que le démon n’est pas en moi, car en moi tout foyer mauvais fait silence, et Betléchi tout entière le sait. Je sais que les pierres ne pourront arrêter mon chant plus longtemps que la durée d’une respiration, et qu’ensuite, je pourrai chanter plus librement au-delà de la terre. Je sais que Dieu réconfortera la douleur de ceux de mon sang, et elle sera courte, alors qu’éternel sera ensuite leur joie de parents, martyrs d’une martyre. Je ne crains pas votre mort, mais celle qui me viendrait de Dieu si je n’obéissais pas. Et je parle. Je dis ce qui m’est transmis. O peuple, écoute, et écoutez, vous tous, scribes d’Israël. »

Elle élève de nouveau sa voix affligée :

525.10

« Une voix, une voix me vient d’en haut et elle crie dans mon cœur. Elle dit : “ L’ancien Peuple de Dieu ne peut chanter le nouveau cantique parce qu’il n’aime pas son Sauveur. Ceux qui chanteront le cantique nouveau sont ceux de toutes les nations qui seront sauvés, ceux du Peuple nouveau du Christ Seigneur, non pas ceux qui haïssent mon Verbe ”… Horreur ! (elle pousse réellement un cri qui donne le frisson). La voix donne la lumière ; la lumière donne la vue ! Horreur ! Je vois ! »

Elle hurle, plutôt qu’elle ne crie. Elle se tord comme si elle était retenue de force devant un spectacle redoutable qui lui torture le cœur et qu’elle cherchait à y mettre fin par la fuite. Le manteau glisse de ses épaules, et elle reste dans son vêtement blanc contre le grand tronc noir. Dans la lumière qui baisse lentement dans le reflet vert du bois, et dans celui, rougeâtre, de la flamme qui danse, son visage prend un aspect fortement tragique. Des ombres se dessinent sous ses yeux, autour des narines, au-dessous des lèvres. On dirait un visage creusé par la douleur. Elle se tord les mains en répétant plus doucement : “ Je vois ! Je vois ! ”, et elle boit ses larmes en poursuivant :

« Je vois les crimes de mon peuple, et je suis impuissante à les arrêter. Je vois le cœur de mes compatriotes et je ne puis le changer. Horreur ! Horreur ! Satan a quitté son séjour et il est venu demeurer dans leur cœur.

– Fais-la taire ! ordonnent les scribes à Jésus.

– Vous avez promis de la laisser parler… » répond Jésus.

La femme continue :

« Visage contre terre, dans la boue, ô Israël qui sais encore aimer le Seigneur, couvre-toi de cendres, revêts le cilice. Pour toi ! Pour eux ! Jérusalem ! Jérusalem, sauve-toi ! Je vois une ville qui entre en tumulte pour demander un crime. J’entends les cris de haine de ceux qui appellent un sang sur eux. Je vois qu’on élève la Victime dans la Pâque de sang et ce sang couler, ce sang qui crie plus fort que le sang d’Abel, tandis que les cieux s’ouvrent, que la terre tremble et que le soleil s’obscurcit. Et ce sang ne crie pas vengeance, mais demande pitié pour son peuple assassin, pitié pour nous ! Jérusalem !!! Convertis-toi ! Tout ce sang ! Ce sang ! C’est un fleuve, un fleuve qui lave le monde en guérissant tout mal, en effaçant toute faute… Mais pour nous, pour nous le peuple d’Israël, ce sang c’est du feu, pour nous c’est le scalpel qui écrit sur les fils de Jacob le nom de déicide et la malédiction de Dieu. Jérusalem ! Aie pitié de toi-même et de nous !…

525.11

– Mais fais-la taire, nous te l’ordonnons ! hurlent les scribes, tandis que la femme sanglote en se couvrant le visage.

– Je ne puis imposer à la vérité de se taire.

– La vérité ! La vérité ! C’est une folle en délire ! Quel Maître es-tu si tu prends pour vérité les paroles d’une femme qui divague ?

– Quel Messie es-tu si tu ne sais pas faire taire une femme ?

– Et quel prophète es-tu si tu ne sais pas mettre en fuite le démon ? Et pourtant, d’autres fois, tu l’as fait !

– Il l’a fait, oui. Mais maintenant cela ne lui convient pas. C’est un jeu bien combiné pour effrayer les foules !

– Et j’aurais choisi cette heure, ce lieu et cette poignée d’hommes pour cela, alors que cela m’était possible à Jéricho, lorsque j’avais plus de cinq mille personnes qui me suivaient et m’entouraient plusieurs fois, quand l’enceinte du Temple était trop petite pour accueillir tous ceux qui voulaient m’entendre ? Le démon peut-il donc parler avec sagesse ? Qui de vous, en conscience, peut dire qu’une parole erronée est sortie de ces lèvres ? Ne résonnent-elles pas sur ses lèvres, avec une voix de femme, les terribles paroles des prophètes ? N’entendez-vous pas le hurlement de Jérémie, les pleurs d’Isaïe et des autres prophètes ? N’entendez-vous pas la voix de Dieu à travers la créature, la voix qui cherche à se faire accueillir pour votre bien ? Moi, vous ne m’écoutez pas. Je parle, vous pouvez le penser, en ma faveur. Mais elle, qui m’est inconnue, quelle faveur espère-t-elle de ces paroles ? Qu’obtiendra-t-elle sinon votre mépris, vos menaces, peut-être votre vengeance ? Non, je ne lui impose pas silence ! Et même, pour que ces quelques personnes l’entendent, et pour que vous aussi vous l’entendiez et puissiez vous repentir, je lui ordonne : “ Parle ! Parle, je te le dis, au nom du Seigneur ! ” »

Maintenant, c’est Jésus qui en impose, c’est le Christ puissant des heures de miracle, aux grands yeux magnétiques dans leur splendeur d’étoile bleue, que la flamme d’un brasier, allumé entre la femme et lui, avive encore.

La femme, au contraire, accablée par la douleur, est moins royale et elle reste, la tête inclinée, le visage voilé par ses mains et par ses cheveux noirs qui se sont défaits et retombent sur ses épaules et en avant, comme un voile de deuil sur son vêtement blanc.

« Parle, je te le répète. Tes paroles douloureuses ne restent pas sans fruit. Sabéa, de la race d’Aaron, parle ! »

525.12

La femme obéit. Mais elle murmure, de sorte que tous se serrent plus près pour mieux l’entendre. Elle semble s’adresser à elle-même, en regardant vers le fleuve qui coule à sa droite, ses eaux bruissant sous le reflet des dernières lueurs du jour. On dirait qu’elle parle au fleuve :

« O Jourdain, fleuve sacré de nos pères, à l’onde céruléenne et sinueuse comme une soie de prix, qui reflètes les pures étoiles et la lune candide, et caresses les saules de tes rives, tu es le fleuve de paix, et pourtant tu connais bien des souffrances. O Jourdain qui, aux heures de tempête, transportes sur tes eaux gonflées et troubles les sables de mille torrents et ce qu’ils ont arraché, et parfois déracines un tendre arbuste sur lequel il y a un nid pour le transporter en tourbillonnant vers l’abîme mortel de la Mer Salée, tu n’as pas pitié du couple d’oiseaux qui suivent en volant et en criant de douleur leur refuge détruit par ta violence ; tu verras de même, ô Jourdain sacré, le peuple qui n’a pas voulu le Messie frappé par la colère divine, arraché aux maisons et à l’autel, et aller à sa ruine pour périr dans une mort plus grande.

525.13

Mon peuple, sauve-toi ! Crois en ton Seigneur ! Suis ton Messie ! Reconnais-le pour ce qu’il est : non pas un roi de peuples et d’armées, mais le Roi des âmes, de tes âmes, de toutes les âmes. Il est descendu rassembler les âmes justes, il remontera les conduire au Royaume éternel. Vous qui pouvez encore aimer, serrez-vous contre le Saint ! Vous qui avez à cœur le sort de votre patrie, unissez-vous au Sauveur. Que ne meure pas tout entière la descendance d’Abraham ! Fuyez les faux prophètes à la bouche mensongère et au cœur voleur qui veulent vous arracher au salut. Sortez des ténèbres qui s’élèvent autour de vous. Ecoutez la voix de Dieu ! Il n’y a qu’un seul Vivant. Les grands que vous craignez aujourd’hui, sont déjà poussière dans le décret de Dieu. Les lieux où ils règnent et d’où ils oppriment sont déjà des ruines. Un seul dure. Jérusalem ! Où sont les fiers fils de Sion dont tu te vantes ? Où sont les rabbis et les prêtres, qui étaient ton ornement et en qui tu te complaisais ? Regarde-les ! Accablés, enchaînés, ils partent en exil, à travers les ruines de tes palais, la puanteur de ceux qui sont morts par l’épée ou la faim. La colère de Dieu est sur toi, ô Jérusalem qui repousses ton Messie et le frappes au visage et au cœur. Toute beauté est détruite en toi. Toute espérance est morte pour toi. Le Temple et l’autel sont profanés…

– Fais-la taire ! Elle blasphème ! Nous te demandons de lui imposer silence !

– … l’éphod est arraché. Il ne sert plus…

– Tu es coupable si tu ne lui cloues pas la bouche !

– … car il ne règne plus. Il y en a un autre, un grand-prêtre éternel, qui, lui, est saint et envoyé par Dieu : Roi et Prêtre pour l’éternité, par Celui qui prend comme siennes les offenses faites au Christ et en demande vengeance. Cet autre grand-prêtre est le vrai, le Saint, oint par Dieu et par son sacrifice, à la place de ceux sur le front desquels la tiare est un déshonneur, car elle couvre des pensées d’horreur !…

– Tais-toi, maudite ! Tais-toi, ou nous te frappons ! »

Les scribes la malmènent rudement, mais elle semble ne rien sentir.

525.14

Le peuple proteste violemment ;

« Laissez-la s’exprimer, vous qui parlez tant. Elle dit la vérité. C’est ainsi : il n’y a plus de sainteté parmi vous. Un seul est le Saint, et vous le tourmentez. »

Les scribes jugent plus prudent de se taire, et la femme poursuit de sa voix lasse et dolente :

« Il était venu t’apporter la paix, et tu lui as fait la guerre… Le salut, et tu l’as méprisé… L’amour, et tu l’as haï… Le miracle, et tu l’as traité de démon… Ses mains ont guéri tes malades, et tu les as transpercées. Il t’apportait la lumière, et tu as couvert de crachats et d’ordure son visage. Il t’apportait la vie, et tu lui as donné la mort. Israël, pleure ton erreur et ne t’en prends pas au Seigneur alors que tu pars vers ton exil, un exil qui n’aura pas de fin comme ceux d’autrefois. Tu parcourras toute la terre, Israël, mais comme un peuple vaincu et maudit, poursuivi par la voix de Dieu et par les mêmes paroles qui furent dites à Caïn. Et tu ne pourras pas revenir ici te reconstruire un nid solide, sinon quand tu reconnaîtras avec les autres peuples qu’il est, lui, Jésus, le Christ, le Seigneur Fils du Seigneur… »

La voix de la femme est blanche de peine et de fatigue, lasse comme la voix d’un agonisant. Mais elle ne se tait pas encore, au contraire, elle se ranime pour un dernier commandement :

« A terre, peuple qui sais encore aimer ! Couvre-toi de cendre, revêts-toi d’un cilice. La fureur de Dieu est suspendue sur nous comme un nuage chargé de grêle et d’éclairs au-dessus d’un champ maudit. »

La femme tombe à genoux, les bras tendus vers Jésus, et s’écrie :

« Paix, paix, ô Roi de justice et de paix ! Paix, ô Adonaï grand et puissant, auquel le Père lui-même ne résiste pas ! Implore pour nous la paix, par ton nom, ô Jésus, Sauveur et Messie, Rédempteur et Roi, et Dieu, trois fois saint ! »

Puis elle s’abat, secouée par des sanglots, le visage sur l’herbe.

525.15

Les scribes entourent Jésus, en le tirant à part et ils éloignent toute autre personne par des paroles et des regards menaçants. L’un d’eux déclare :

« Le moins que tu puisses faire, c’est de la guérir. Car, si tu veux vraiment soutenir qu’elle n’a pas de démon, tu ne peux nier qu’elle est malade. Ces femmes !… Et des femmes sacrifiées par le destin… Leur vitalité doit bien s’épancher quelque part… elles divaguent… elles voient des choses irréelles… et surtout elles te voient, toi qui es jeune et beau… et…

– Tais-toi, bouche de vipère ! Toi-même, tu ne crois pas ce que tu dis, s’emporte Jésus d’un ton impérieux qui rend muet le scribe maigre, au gros nez qui, au commencement, avait raillé la femme comme fausse prophétesse.

– N’offensons pas le Maître. Nous l’avons choisi comme juge d’un cas que nous n’arrivions pas à trancher… » intervient un autre scribe.

C’est celui qui était allé à la rencontre de Jésus sur la route avec les autres, pour lui dire que tous les scribes ne lui sont pas opposés, mais que certains l’observent pour discerner, avec une volonté sincère de le suivre s’ils jugent qu’il est bien Dieu.

« Tais-toi donc, Joël, dit Alamot, fils d’Abia ! Seul un avorton comme toi peut parler de la sorte ! » lui lancent méchamment les autres.

Le scribe devient congestionné sous l’insulte, mais il se domine et répond avec dignité :

« Si la nature n’a pas favorisé ma personne, cela n’a pas amputé mon cerveau. Au contraire, en m’enlevant beaucoup de plaisirs, elle a fait de moi un homme sage. Si vous étiez saints, vous n’humilieriez pas l’homme, mais vous respecteriez le sage.

– Bien ! Parlons de ce qui nous préoccupe. Tu as le devoir de la guérir, Maître, car dans son délire, elle épouvante les gens et offense le sacerdoce, les pharisiens et nous.

– Si elle vous avait loués, m’imposeriez-vous de la guérir ? demande doucement Jésus.

– Non. Car cela inciterait les gens à nous respecter, ce peuple capricieux qui nous hait en son cœur et nous méprise quand il le peut, répond un scribe sans s’apercevoir qu’il tombe dans le piège.

– Mais ne serait-elle pas encore une malade ? N’aurais-je pas le devoir de la guérir ? » questionne encore doucement Jésus.

On dirait un écolier qui demande à son maître ce qu’il doit faire. Mais les scribes, aveuglés par l’orgueil, ne comprennent pas qu’ils sont en train de se trahir…

« Dans ce cas, non. Au contraire ! La laisser, la laisser à son délire ! Faire tout ce qui est possible pour que les gens la croient prophétesse. L’honorer ! L’indiquer…

– Mais si ce n’était pas la vérité ?

– Oh ! Maître ! Une fois enlevé ce qu’elle dit contre nous, le reste serait très utile pour relever la fierté d’Israël contre les Romains, pour rabaisser l’orgueil du peuple envers nous !

– Mais on ne pourrait lui dire : “ Parle comme ceci, mais ne dis pas cela ”, dit fermement Jésus.

– Et pourquoi ?

– Parce que celui qui délire parle sans savoir ce qu’il dit.

– Oh ! avec de l’argent et quelques menaces… on obtiendrait tout. On contrôlait aussi les prophètes…

– Je ne suis pas au courant, en vérité…

– Hé ! c’est que tu ne sais pas lire entre les lignes et que tout n’a pas été couché par écrit.

– Mais l’esprit prophétique ne connaît pas d’influence extérieure, scribe. Il vient de Dieu, or Dieu ne s’achète pas et on ne l’effraie pas » déclare Jésus en changeant de ton.

C’est le commencement de sa contre-attaque.

« Mais elle, ce n’est pas une prophétesse.

525.16

Ce n’est plus le temps des prophètes.

– Ce n’est plus le temps des prophètes ? Pourquoi donc ?

– Parce que nous ne les méritons pas. Nous sommes trop corrompus.

– Vraiment ? Et c’est toi qui dis cela ? Toi qui tout à l’heure la jugeais digne de châtiment parce qu’elle tenait les mêmes propos? »

Le scribe est désorienté. Un autre vient à son secours :

« Le temps des prophètes a fini avec Jean. Ils ne sont plus utiles.

– Et pourquoi donc ?

– Parce que tu es là pour rappeler la Loi et parler de Dieu.

– Même au temps des prophètes, il y avait la Loi, et la Sagesse parlait de Dieu ; ils existaient pourtant.

– Mais que prophétisaient-ils ? Ta venue. Tu es venu. Ils ne servent plus à rien.

– Des centaines de fois vous, les prêtres et les pharisiens, m’avez interrogé pour savoir si j’étais ou non le Christ ; et parce que je l’affirmais, j’ai été traité de blasphémateur et de fou, et on a même pris des pierres pour me les lancer. N’es-tu pas, Sadoq, appelé le scribe d’or ? dit Jésus, en montrant le scribe au gros nez, qui a maltraité la femme après avoir essayé de la tromper.

– C’est vrai. Eh bien ?

– Eh bien, c’est toi, précisément, qui as été le premier, à Giscala comme au Temple, à déclencher la violence contre moi. Mais je te pardonne. Je te rappelle seulement que tu le faisais en prétendant que je ne pouvais être le Christ, alors que maintenant tu soutiens le contraire. Et je te rappelle aussi le défi que je t’ai lancé à Cédès[5]. D’ici peu, tu verras s’en accomplir une partie. Quand la lune sera revenue à la phase où maintenant elle brille dans le ciel, je t’en donnerai la preuve, la première. Tu auras l’autre quand le grain, qui actuellement dort en terre, agitera ses épis encore verts au vent de Nisan.

525.17

Mais à ceux qui prétendent que les prophètes sont inutiles, je réponds : “ Qui donc pourrait imposer des limites au Très-Haut ? ” En vérité, en vérité je vous dis qu’il y aura toujours des prophètes tant qu’il y aura des hommes. Ce sont des flambeaux au milieu des ténèbres du monde. Ce sont des brasiers au milieu de la glace du monde. C’est le son des trompettes qui réveillent les endormis. Ce sont les voix qui rappellent Dieu et ses vérités tombées dans l’oubli et négligées avec le temps, et qui portent à l’homme la voix directe de Dieu, en suscitant des frémissements d’émotion chez les oublieux, les apathiques fils de l’homme. Ils porteront d’autres noms, mais une pareille mission et un même sort d’humaine douleur et de joie surnaturelle. Malheur, s’il n’y avait pas ces âmes que le monde haïra et que Dieu aimera avec prédilection ! Malheur, s’il n’y en avait pas pour souffrir et pardonner, aimer et travailler dans l’obéissance au Seigneur ! Le monde périrait au milieu des ténèbres, du froid, d’une torpeur mortelle, d’une hébétude, d’une ignorance sauvage et abrutissante. C’est pourquoi Dieu en suscitera, et il y en aura toujours. D’ailleurs, qui pourrait imposer à Dieu de ne pas le faire ? Toi, Sadoq ? ou toi ? ou toi ? En vérité, je vous dis que même les esprits d’Abraham, de Jacob et de Moïse, d’Elie et d’Elisée, ne pourraient imposer à Dieu ces limites, or Dieu seul sait combien ils étaient saints et quelles lumières éternelles ils sont.

– Alors, tu ne veux pas guérir la femme, ni la condamner ?

– Non.

– Et tu l’estimes prophétesse ?

– Inspirée, oui.

– Tu es un démon, comme elle. Partons. Il ne convient pas de perdre notre temps avec des démons » dit Sadoq, en bousculant le Christ comme un rustre, pour l’écarter.

Un grand nombre le suivent. Certains restent, dont celui qu’ils ont appelé Joël Alamot.

« Et vous, vous ne les suivez pas ? demande Jésus en montrant ceux qui s’en vont.

– Non, Maître. Nous allons partir parce qu’il fait nuit, mais nous voulons te dire que nous croyons en ton jugement. Dieu peut tout, c’est vrai, et pour nous qui tombons dans des fautes nombreuses, il peut susciter des âmes qui nous rappellent à la justice, dit l’un d’eux, très âgé.

– Tu as raison. Et l’humilité que tu montres est, aux yeux de Dieu, plus grande que ton savoir.

– Alors, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

– Oui, Jacob.

– Comment sais-tu mon nom ? »

Jésus sourit sans répondre.

« Maître, souviens-toi aussi de nous » disent les trois autres.

Et le dernier à parler, Joël Alamot, ajoute :

« Et bénissons le Seigneur qui nous a accordé ce moment.

– Bénissons le Seigneur ! » répond Jésus.

Ils se saluent et se séparent.

525.18

Jésus se réunit à ses apôtres et se rend en leur compagnie près de la femme, qui a repris sa position initiale : ramassée sur elle-même sur la racine qui fait saillie.

Son père et sa mère demandent avec angoisse au Maître :

« Notre fille est-elle donc un démon? C’est ce qu’ils ont dit avant de s’en aller.

– Non, elle ne l’est pas. Soyez en paix, et aimez-la, car son sort est très douloureux, comme tous les sorts semblables au sien.

– Mais ils ont dit que tu avais jugé de la sorte…

– Ils ont menti. Moi, je ne mens pas. Soyez en paix. »

Jean d’Ephèse s’avance avec Salomon et les autres disciples :

« Maître, je veux t’informer que Sadoq les a menacés.

– Eux ou elle ?

– Eux et elle. N’est-ce pas, vous deux ?

– Oui. Ils nous ont dit, à sa mère et à moi, que si nous ne savons pas faire taire notre fille, malheur à nous. Et ils ont menacé Sabéa : “ Si tu parles, nous te dénoncerons au Sanhédrin. ” Nous prévoyons de mauvais jours pour nous !… Mais notre cœur est en paix grâce à ce que tu nous as dit… et nous supporterons le reste. Mais pour elle… Que devons nous faire ? Conseille-nous, Seigneur. »

Jésus réfléchit, puis répond:

« N’avez-vous pas des parents loin de Betléchi ?

– Non, Maître. »

Après un nouveau temps de réflexion, Jésus lève la tête et regarde Joseph, Jean d’Ephèse et Philippe d’Arbel. Il ordonne :

« Vous vous mettrez en voyage avec eux puis, de Betléchi, avec elle et son trousseau, vous vous rendrez à Aéra. Vous direz à la mère de Timon de la garder en mon nom. Elle sait ce qu’est avoir un fils persécuté.

– Nous allons faire cela, Seigneur. C’est une bonne décision. Aéra est éloignée et hors de leur atteinte » disent-ils tous trois.

Le père et la mère de Sabéa baisent les mains du Maître, le remercient et le bénissent.

Jésus se penche sur la femme, touche sa tête voilée pour l’appeler doucement :

« Sabéa, écoute-moi ! »

La femme lève la tête et le regarde, puis glisse à genoux.

Jésus lui pose la main sur la tête :

« Ecoute, Sabéa. Tu vas aller là où je t’envoie, auprès d’une mère. J’aurais voulu t’envoyer chez la mienne, mais cela ne m’est pas possible. Continue à servir le Seigneur dans la justice et l’obéissance. Je te bénis, femme. Va en paix.

– Oui, mon Seigneur, et mon Dieu. Mais quand je devrai parler, le pourrai-je ?…

– L’Esprit qui t’aime te guidera suivant le moment. Ne doute pas de son amour. Sois humble, chaste, simple et sincère, et lui ne t’abandonnera pas. Va en paix ! »

525.19

Il se réunit de nouveau aux apôtres et à Zachée avec les siens qui s’étaient arrêtés à quelques pas, pour retenir aussi les autres curieux.

« Allons. Il fait nuit. Je ne sais pas comment vous allez faire pour retourner à Jéricho, vous qui devez y aller.

– C’est plutôt pour la femme et ses parents, disons. Mais, si tu le juges bon, nous resterons hors de la maison et, vous tous, vous pourrez y dormir jusqu’au matin, propose l’un des amis de Zachée.

– Bonne idée. Allez dire à Sabéa de venir avec ses parents et les disciples. Ils y dormiront. Moi, je resterai avec vous. Ce n’est pas une nuit venteuse. Nous ferons des feux et nous attendrons l’aube ainsi, moi en vous instruisant, vous en m’écoutant. »

Et, lentement, il se met en chemin à la première clarté de la lune…

525.1

È un ben povero podere quello che alimenta l’accolta eterogenea degli amici di Zaccheo. Specie ora che è inverno, non rallegra certo il cuore. Ma pure essi lo amano e lo mostrano con orgoglio a Gesù. I tre campi a grano, arati e bruni, il frutteto con pochi alberi produttivi e gli altri ancora troppo giovani per sperare che lo siano, qualche striminzito filare di viti, l’ortaglia… una stalletta con una vaccherella e un asino per il bindolo, un recinto con poche galline e cinque coppie di colombi, sei pecore, una stamberga con una cucina e tre camere, una tettoia che fa da legnaia, ripostiglio e fienile, un pozzo dalla bocca sbrecciata e una cisterna dall’acqua melmosa. Nulla più.

«Se ci aiuterà la stagione…», «Se le bestie figlieranno…», «Se gli alberelli attecchiranno…». Tutto è al condizionale… Speranze molto precarie…

Ma uno si ricorda di ciò che ha sentito dire anni prima — del prodigioso raccolto avuto da Doras per una benedizione data dal Maestro perché Doras fosse umano con i suoi servi contadini — e dice: «E se Tu benedicessi questo luogo… Anche Doras era peccatore…».

«Hai ragione. Ciò che ho fatto sapendo che non avrebbe mutato quel cuore, lo farò anche per voi dal cuore mutato». E apre le braccia a benedire, dicendo: «Lo faccio subito, perché voglio persuadervi che vi amo».

Poi proseguono la strada verso il fiume, costeggiando campi arati, dalla grassa terra scura, e frutteti spogliati dalla stagione.

525.2

Ad una curva ecco alcuni scribi farsi avanti. «La pace a Te, Maestro. Ti abbiamo atteso qui per… venerarti».

«No. Per essere sicuri che non faccio frode. Avete fatto bene. Persuadetevi che non ho avuto modo di vedere la donna né alcuno di quelli che sono con lei. Voi, tu e tu, eravate di guardia alla casa di Zaccheo e avete visto che nessuno di noi è uscito. Voi mi avete preceduto sulla via e avete visto che nessuno di noi è andato avanti. Voi avete in cuore di impormi delle clausole all’incontro con quella donna, ed Io vi dico che le accetto prima ancora che le facciate».

«Ma… se non le sai…».

«Non è forse vero che me le volete fare?».

«È vero».

«Come dunque so questa vostra intenzione, nota a voi soli, così so ciò che mi direte. Ed Io vi dico che accetto ciò che volete propormi, perché servirà a dar gloria alla Verità. Parlate».

«Sai come sono le cose?».

«So che la donna è giudicata da voi indemoniata e che però nessun esorcista poté cacciarle il demonio. E so che però essa non dice parole di demonio. Così dicono quelli che l’han sentita parlare».

«Puoi giurare che non l’hai mai vista?».

«Il giusto non giura mai, perché sa che ha diritto di essere creduto sulla sua parola. Io vi dico che non l’ho mai vista e che non sono mai passato dal suo paese, e tutto il paese può confermarlo».

«Eppure lei pretende di conoscere il tuo volto e la tua voce».

«La sua anima infatti mi conosce per volere di Dio».

«Tu dici “per volere di Dio”. Ma come lo puoi asserire?».

«Mi è stato detto che dice parole ispirate».

«Anche il demonio parla di Dio».

«Ma con errori mescolati ad arte, per traviare gli uomini in pensieri di errore».

525.3

«Ebbene… noi vorremmo che Tu ci lasciassi provare la donna».

«In che modo?».

«Tu non la conosci proprio?».

«Vi dico di no».

«Ecco, allora. Mandiamo avanti qualcuno gridando: “Ecco il Signore” e vediamo se lei saluta chi è con costui come Tu fossi».

«Povera prova! Ma pure accetto. Scegliete voi, fra quelli che mi accompagnano, coloro da mandare avanti. E Io vi seguirò con gli altri. Però se la donna parlerà voi la dovete lasciar parlare, perché Io giudichi le sue parole».

«È giusto. Il patto è fatto e lo manterremo lealmente».

«Così avvenga, e serva a toccarvi il cuore».

«Maestro, non tutti siamo avversari. Alcuni fra noi sono su posizione di attesa… e con sincera volontà di vedere il vero per seguirti», dice uno scriba.

«È vero. E costoro saranno amati ancora da Dio».

Gli scribi esaminano gli apostoli e si stupiscono dell’assenza di molti, e specie dell’Iscariota, e poi scelgono Giuda Taddeo e Giovanni. In più prendono il giovane ladro convertito, che è pallido e magro e con i capelli tendenti al rossiccio. Quelli insomma che, per età e fisionomia, hanno punti uguali col Maestro.

«Noi andiamo avanti con costoro. Tu resta qui con i nostri compagni e coi tuoi, e seguici fra qualche tempo».

Così fanno.

525.4

Sono già in vista i boschi che costeggiano il fiume. Un sole d’inverno al tramonto indora le vette delle piante e sparge una luce gialla e vivida sulle persone raccolte presso gli alberi.

«Ecco! Ecco il Messia! Alzatevi! Venitegli incontro!», gridano gli scribi andati avanti, deviando verso un sentiero che termina contro un rovere colossale dalle radici potenti semi scoperte a far da sedile a chi si ricovera presso il suo tronco.

Il gruppo di persone raccolte là intorno si volge, si alza, si apre e si scioglie per venire incontro a quelli che vengono. E presso il tronco restano soltanto tre scribi, Giovanni d’Efeso e un uomo e una donna anziani, più un’altra donna che sta seduta su una radice sporgente, le spalle al tronco, la testa china sui ginocchi stretti fra le braccia allacciate, tutta coperta da un velo di un viola tanto carico da parere nero. Sembra estranea a tutto. Non si scuote per il gridio.

Uno scriba la tocca sulla spalla: «È qui il Maestro, Sabea. Sorgi e salutalo».

La donna non risponde e non si muove.

I tre scribi si guardano e sorridono ironici, facendo un cenno d’intesa agli altri che vengono avanti. E, posto che quelli che erano in attesa, non vedendo Gesù, si erano zittiti, gridano essi più forte che mai, essi e i compari, perché la donna non si avveda dell’inganno.

«Donna», dice uno scriba alla vecchia madre che è con la figlia, «almeno tu saluta il Maestro e di’ a tua figlia di farlo».

La donna si prostra, insieme al marito, davanti al Taddeo e Giovanni e al ladro pentito e poi, alzandosi, dice alla figlia: «Sabea, il tuo Signore è qui. Veneralo».

La giovane non si muove.

Il sorriso ironico degli scribi si accentua, e uno, magro e nasuto, dice con voce nasale e strascicata: «Non te l’aspettavi questa prova, non è vero? E il tuo cuore trema. Senti che la tua fama di profetessa è in pericolo e non tenti la sorte… Mi pare che ciò basti a definirti per menzognera…».

La donna alza la testa di colpo. Getta indietro il velo e guarda con occhi bene aperti mentre dice: «Non mento, scriba. E non ho paura, perché sono nella verità. Dove è il Signore?».

«Come? Dici che lo conosci e non lo vedi? Lo hai davanti».

«Nessuno di questi è il Signore. Per questo non mi movevo. Nessuno di questi».

«Nessuno di questi? Come? Quel galileo biondo non è il Signore? Io non lo conosco, ma so che è biondo e con occhi di cielo».

«Non è il Signore».

«Allora quello alto e severo. Guarda che tratti da re. È Lui certo».

«Non è il Signore. Non è fra questi il Signore», e la donna riabbassa il capo fra le ginocchia come prima.

525.5

Qualche tempo passa. Poi ecco avanzarsi Gesù. Gli scribi hanno imposto silenzio alla poca gente. Perciò il suo venire non è accusato da nessun osanna. Gesù viene avanti fra Pietro e Giacomo suo cugino. Cammina lentamente… Silenziosamente… L’erba folta attutisce ogni fruscio di passi. Mentre la vecchia si asciuga delle lacrime col suo velo e uno scriba ferisce dicendo: «Vostra figlia è folle e mentitrice», mentre il padre sospira e anche rimprovera la figlia, Gesù giunge ai limiti del sentiero e si ferma.

La giovane, che non ha potuto sentire niente, che non ha potuto vedere nulla, balza in piedi, getta il velo, scopre così tutto il capo, stende le braccia con un grido potente: «Eccolo che a me viene il mio Signore! Questo è il Messia, o uomini che mi volete ingannare e avvilire. Io vedo su Lui la luce di Dio che me lo indica, e lo onoro!», e si getta a terra ma rimanendo al suo posto, a un due metri circa da Gesù. Volto a terra, fra l’erba, ella grida: «Io ti saluto[1], o Re dei popoli, o Ammirabile, o Principe di pace, Padre del secolo senza fine, Duce del popolo nuovo di Dio!», e resta prostrata sotto il suo ampio mantello scuro, di un viola quasi nero come il velo.

Ma nel momento che si è alzata in piedi contro il tronco nero — e dopo aver gettato il velo è rimasta con le braccia tese in avanti, come una statua — ho potuto notare che sotto il manto è vestita di una veste di pesante lana di un bianco avoriato, stretta semplicemente da un cordone al collo e alla cintura. E soprattutto ho potuto ammirare la sua bellezza di donna matura. Avrà un trent’anni. E trent’anni in Palestina equivalgono almeno a quaranta dei nostri, generalmente, ché se per Maria Ss. questa regola ha un’eccezione, per le altre donne la maturità viene presto, e specie per quelle brune di capelli e di viso e formose come questa. Essa è il tipo classico della donna ebrea. Io credo che così saranno state Rachele e Rut e Giuditta, celebri per la loro bellezza. Alta, formosa eppure slanciata, dalla pelle liscia e di un pallore brunetto, bocca piccola e dalle labbra un poco tumide e vivamente rosse, naso diritto, lungo, sottile, due occhi profondi, scuri, vellutati fra un arco di ciglia lunghe e folte, fronte alta, liscia, regale, un ovale piuttosto allungato e delle chiome d’ebano splendide come un serto d’onice. Non un gioiello, ma un corpo statuario e un’imponenza da regina.

525.6

Ecco che si alza puntando le mani lunghe, brunette, bellissime, congiunte al braccio da un polso sottile. Eccola di nuovo in piedi, contro il tronco scuro. Guarda in silenzio, ora, il Maestro, e scrolla il capo perché degli scribi le dicono: «Ti sbagli, o Sabea. Non è Lui il Messia, ma è quello che hai visto prima senza riconoscere». Ella scrolla il capo ferma, severa, e non toglie gli occhi dal Signore. E poi il suo viso si trasfigura in un’espressione che non so dire se di gioia fervida o di sonnolenza estatica. Ha dell’una e dell’altra cosa, perché pare trascolorare come in chi è prossimo a svenire, mentre tutta la vita si concentra negli occhi che si fanno luminosi di una luce di gioia, di trionfo, d’amore… Non so. Ridono quegli occhi? No, non ridono, come non ride la bocca severa. Eppure è una luce di gioia in loro, e sempre più quegli occhi acquistano una potenza di intensità che colpisce.

Gesù la guarda con il suo sguardo mite, un poco mesto. «Lo vedi che è una folle?», gli sussurra uno scriba. Gesù non ribatte parola. La mano sinistra pendente lungo il fianco, la destra a tenersi raccolto il mantello sul petto, guarda e tace.

E la donna apre la bocca e stende le braccia come prima. Sembra un’enorme farfalla dalle ali viola e il corpo d’avorio vecchio. E un nuovo grido esce dalle sue labbra: «O Adonai, Tu sei grande! Tu solo sei grande, o Adonai! Grande Tu sei e in Cielo e in Terra, e nel tempo e nei secoli dei secoli, e oltre il tempo, da sempre e per sempre, o Signore, Figlio del Signore. Sotto ai tuoi piedi sono i tuoi nemici, e regge il tuo trono l’amore di quelli che ti amano».

La voce si fa sempre più sicura e forte, mentre gli occhi si staccano dal volto di Gesù e guardano in un punto lontano, un poco al disopra delle teste che le stanno intorno attente e che ella, stando ritta contro il tronco del rovere, che è su un rialzo del suolo come fosse su un basso argine, domina senza fatica.

Dopo una pausa riprende: «Il trono del mio Signore è ornato[2] delle dodici pietre delle dodici tribù dei giusti. Nella grande perla che è il trono, il bianco prezioso trono splendente del santissimo Agnello, sono incastonati topazi con ametiste, smeraldi con zaffiri, e rubini con sardonici, e agate e crisoliti e berilli, onici, diaspri, opali. Quelli che credono, quelli che sperano, quelli che amano, quelli che si pentono, quelli che vivono e muoiono nella giustizia, quelli che soffrono, quelli che lasciano l’errore per la Verità, quelli che erano duri di cuore e miti si sono fatti in suo Nome, gli innocenti, i pentiti, quelli che si spogliano di ogni cosa per essere agili a seguire il Signore, i vergini dallo spirito splendente di luce simile ad un’alba del Cielo di Dio… Gloria al Signore! Gloria a Adonai! Gloria al Re assiso sul suo trono!».

La voce è uno squillo. La gente è scossa da un fremito. La donna sembra veramente vedere quello che dice, quasi che la nube dorata, che naviga in un cielo sereno e che ella sembra seguire con lo sguardo rapito, le fosse lente per vedere le glorie celesti.

525.7

Si riposa come stanca ma senza cambiare attitudine. Soltanto il suo viso si fa ancor più trasfigurato in pallore di epidermide e in fulgore di occhi. E poi riprende a parlare abbassando lo sguardo su Gesù, che l’ascolta attento fra una cerchia di scribi, che crollano il capo scettici e schernitori, e di apostoli e seguaci pallidi di emozione sacra. Riprende a parlare a voce distinta ma meno alta: «Io vedo! Io vedo nell’Uomo ciò che si cela nell’Uomo. Santo è l’Uomo, ma il mio ginocchio si piega davanti al Santo dei Santi chiuso nell’Uomo».

La voce torna forte, imperiosa come un comando: «Guarda il tuo Re, o popolo di Dio! Conosci il suo Volto! La Bellezza di Dio ti è davanti. La Sapienza di Dio ha preso una bocca per istruirti. Non sono più i profeti, o popolo d’Israele, quelli che ti parlano dell’Innominabile. È Lui stesso. Lui, che conosce il Mistero che è Dio, che ti parla di Dio. Lui, che conosce il Pensiero di Dio, che ti accosta al suo seno, o popolo ancor pargolo dopo tanti secoli, e ti nutre col latte della Sapienza di Dio per farti adulto in Dio. Per fare questo si è incarnato in un seno. In un seno di donna d’Israele, grande più al cospetto di Dio e degli uomini di ogni altra donna. Ella ha rapito il cuore di Dio con uno solo dei suoi palpiti di colomba. La bellezza del suo spirito ha sedotto l’Altissimo ed Egli di Lei ha fatto il suo trono. Maria d’Aronne peccò perché in lei era il peccato. Debora giudicò ciò che era da farsi, ma non operò con le sue mani. Giaele fu forte, ma si sporcò di sangue. Giuditta era giusta e temeva il Signore, e Dio fu nelle sue parole e le permise l’atto perché fosse salvato Israele, ma per amor di patria usò astuzia omicida. Ma la Donna che lo ha generato supera queste donne, perché è l’Ancella perfetta di Dio e lo serve senza peccare. Tutta pura, innocente e bella, è il bell’Astro di Dio, dal suo sorgere al suo tramontare. Tutta bella, splendente e pura per essere Stella e Luna, Luce agli uomini per trovare il Signore. Non precede e non segue l’Arca santa come Maria d’Aronne, perché Arca è Ella stessa. Sulla torbida onda della Terra, coperta dal diluvio delle colpe, Ella scorre e salva, perché chi entra in Lei trova il Signore. Colomba senza macchia, esce e porta l’ulivo[3], l’ulivo di pace agli uomini, perché Ella è Uliva speciosa. Tace, e nel suo silenzio parla e opera più di Debora, Giaele e Giuditta, e non consiglia battaglia, non incita a stragi, non sparge altro sangue che il suo più eletto, quello col quale ha fatto il suo Figlio. Misera Madre! Madre sublime!… Temeva Giuditta il Signore, ma di un uomo era stato il suo fiore. Questa il suo fiore inviolato ha dato all’Altissimo, e il Fuoco di Dio è sceso nel calice del giglio soave, e un seno di donna ha contenuto e portato la Potenza, la Sapienza e l’Amore di Dio. Gloria alla Donna! Cantate, o donne d’Israele, le lodi di Lei!».

525.8

La donna tace come fosse spossata la sua voce. Infatti non so come faccia a tenere quel timbro così forte.

Gli scribi dicono: «È pazza! È pazza! Falla tacere. Pazza o posseduta. Imponi allo spirito che la tiene che se ne vada».

«Non posso. Non c’è che spirito di Dio, e Dio non scaccia Se stesso».

«Non lo fai perché ella loda Te e la Madre tua, e ciò solletica il tuo orgoglio».

«Scriba, rifletti a ciò che sai di Me e vedrai che Io non conosco l’orgoglio».

«Eppure solo un demonio può parlare in lei per celebrare così una donna!… La donna! E che è in Israele e per Israele la donna? E che, se non peccato agli occhi di Dio? La sedotta e seduttrice! Se non fosse fede, si stenterebbe a pensare un’anima nella femmina. Le è interdetto di accostarsi al Santo per la sua immondezza. E costei dice che Dio scese in lei!…», dice un altro scriba, scandalizzato, e i suoi compari gli fanno bordone.

Gesù dice senza guardare nessuno in volto, pare che parli a Se stesso: «“La Donna schiaccerà la testa del Serpente… La Vergine concepirà e partorirà un Figlio che sarà chiamato Emmanuele… Un germoglio spunterà dalla radice di Jesse, un fiore verrà da questa radice e su Lui si riposerà lo Spirito del Signore”. Questa Donna. Mia Madre. Scriba, per onore del tuo sapere, ricorda e comprendi le parole del Libro».

Gli scribi non sanno che rispondere. Quelle parole[4] sono state mille volte lette da loro e dette vere. Possono ora negarlo? Tac­ciono.

525.9

Uno ordina di accendere dei fuochi, perché il freddo si fa sen­tire presso le rive dove scorre il vento della sera. Ubbidiscono e dei falò di frasche fiammeggiano a corona intorno al gruppo serrato.

La luce danzante del fuoco pare riscuotere la donna, che si era azzittita e che stava ad occhi chiusi come raccolta in se stessa. Riapre gli occhi, si scuote. Guarda di nuovo Gesù e grida di nuovo: «Adonai! Adonai, Tu sei grande! Cantiamo al Divino un cantico nuovo! Shalem! Shalem! Malchich!!… (scrivo così, ma l’h è aspirata come quasi un c detto da toscani). Pace! Pace! o Re al quale nulla resiste!…».

La donna tace di colpo. Gira gli occhi, per la prima volta da quando parla, su quelli che circondano Gesù, e fissa gli scribi come li vedesse per la prima volta, e senza un motivo apparente delle lacrime si formano nei suoi grandi occhi e il viso si fa triste e senza splendore.

Parla lentamente, ora, e con voce profonda come chi parla di cose di dolore: «No. Vi è chi ti resiste! O popolo, ascolta! Da dopo il mio dolore, o popolo di Betlechi, mi hai sentito parlare. Dopo anni di silenzio e di dolore ho sentito e ho detto ciò che sentivo. Ora non sono più fra i verdi boschi di Betlechi, vergine vedova che trova nel Signore la sua unica pace. Non ho intorno soltanto i miei concittadini ai quali dire: “Temiamo il Signore perché l’ora è giunta di esser pronti alla sua chiamata. Facciamo bella la veste del cuore per non essere indegni al suo cospetto. Cingiamoci di fortezza perché l’ora del Cristo è ora di prova. Purifichiamoci come ostie per l’altare perché si possa essere accolti da Colui che lo manda. Chi è buono si faccia più buono. Chi è superbo si faccia umile. Chi patisce lussuria si cavi la carne per potere seguire l’Agnello. L’avaro diventi benefattore perché Dio ci benefica nel suo Messia, e ognuno pratichi giustizia per poter appartenere al Popolo del Benedetto che viene”. Ora io parlo davanti a Lui e davanti a chi crede in Lui, e anche davanti a chi non crede e deride il Santo e quelli che parlano e credono nel suo Nome e in Lui. Ma non ho paura. Voi dite che io sono folle, voi dite che in me parla un demonio. Io so che potreste farmi lapidare come bestemmiatrice. So che ciò che dirò vi parrà insulto e bestemmia, e mi odierete. Ma non ho paura. Ultima, forse, delle voci che parlano di Lui prima della sua Manifestazione, avrò forse la sorte di molte altre voci, e non ho paura. Troppo lungo è l’esilio nel freddo e nella solitudine della Terra, per chi pensa al seno d’Abramo, al Regno di Dio che il Cristo ci apre, più santo del santo seno di Abramo. Sabea di Carmel della stirpe di Aronne non teme la morte. Ma teme il Signore. E parla quando Egli la fa parlare per non disubbidire al suo volere. E dice il vero perché parla di Dio con le parole che Dio le dà. Non temo la morte. Anche se mi direte demonio e mi lapiderete come bestemmiatrice, anche se il padre e la madre e i fratelli miei per questo disonore moriranno, io non tremerò di paura e di pena. So che il demonio non è in me perché in me tace ogni fomite, e tutta Betlechi lo sa. So che le pietre non potranno che mettere una sosta più breve di un respiro al mio canto, e dopo al mio canto sarà dato più ampio respiro nella libertà d’oltre Terra. So che il dolore di quelli del mio sangue Dio lo conforterà, e sarà breve, mentre eterno sarà poi il loro gaudio di parenti martiri di una martire. Non temo la vostra morte, ma quella che mi verrebbe da Dio se non l’ubbidissi. E parlo. E dico ciò che mi vien detto. O popolo ascolta, e ascoltate voi, scribi d’Israele».

525.10

Alza di nuovo la voce accorata e dice: «Una voce, una voce viene dall’alto e grida nel mio cuore. E dice: “L’antico Popolo di Dio non può cantare il nuovo cantico perché non ama il suo Salvatore. Canteranno il cantico nuovo i salvati di ogni nazione, quelli del Popolo nuovo del Cristo Signore, non quelli che odiano il mio Verbo”… Orrore! (dà veramente un urlo che fa rabbrividire). La voce dà luce, la luce dà vista! Orrore! Io vedo!».

L’urlo è quasi un ululo. Ella si torce come fosse tenuta fissa davanti ad uno spettacolo tremendo che le torturasse il cuore e cercasse di porvi termine con la fuga. Il mantello le scivola dalle spalle ed ella rimane nella sua veste bianca contro il gran tronco nero. Nella luce, che si riduce lentamente nel riflesso verde del bosco e in quello rossastro e danzante delle fiamme, il suo viso acquista una tragicità potente. Delle ombre si formano sotto gli occhi, intorno alle narici, sotto il labbro. Pare un volto scavato dal dolore. Si torce le mani ripetendo più piano: «Io vedo! Io vedo!», e beve le sue lacrime mentre continua: «Io vedo i delitti di questo mio popolo. E sono impotente a fermarli. Io vedo il cuore dei miei compatrioti e non lo posso mutare. Orrore! Orrore! Satan ha lasciato i suoi luoghi ed è venuto a prender dimora nel cuore di questi».

«Falla tacere!», ordinano gli scribi a Gesù.

«Avete promesso di lasciarla parlare…», risponde Gesù.

La donna continua: «Volto a terra, nel fango, o Israele che ancora sai amare il Signore. Copriti di cenere, vestiti di cilicio. Per te! Per loro! Gerusalemme! Gerusalemme, salvati! Io vedo una città che tumultua chiedendo un delitto. Io sento, io sento l’urlo di quelli che invocano con odio un sangue su loro. Io vedo innalzare la Vittima nella Pasqua di Sangue e fluire quel Sangue, e gridare quel Sangue più del sangue d’Abele, mentre si aprono i cieli e la terra si scuote e il sole si oscura. E quel Sangue non grida vendetta, ma prega pietà per il suo Popolo uccisore, pietà per noi! Gerusalemme!!! Convertiti! Quel Sangue! Quel Sangue! Un fiume! Un fiume che lava il mondo guarendo ogni male, cancellando ogni colpa… Ma per noi, per noi d’Israele, quel Sangue è fuoco, per noi è scalpello che scrive sui figli di Giacobbe il nome di deicidi e la maledizione di Dio. Gerusalemme! Abbi pietà di te stessa e di noi!…».

525.11

«Ma falla tacere, ti ordiniamo!», urlano gli scribi mentre la donna singhiozza coprendosi il volto.

«Non posso imporre alla Verità di tacere».

«Verità! Verità! È una folle che delira! Che Maestro sei, se prendi per verità le parole di una delirante?».

«E che Messia sei se non sai far tacere una donna?».

«E che Profeta sei se non sai porre in fuga il demonio? Eppure altre volte lo hai fatto!».

«Lo ha fatto, sì. Ma ora non gli conviene. È tutto un ben congegnato giuoco per intimorire le turbe!».

«E avrei scelto quest’ora, questo luogo e questo pugno d’uomini per farlo, quando potevo farlo in Gerico, quando ho avuto cinque e più di cinque mila persone che mi hanno seguito e circondato più volte, quando il recinto del Tempio è stato ristretto per accogliere tutti quelli che mi volevano sentire? E può forse il demonio dire parole di sapienza? Chi di voi, in coscienza, può dire che un errore è uscito da quelle labbra? Non risuonano sulle sue labbra, con voce di donna, le terribili parole dei profeti? Non sentite l’ululo di Geremia e il pianto di Isaia e degli altri profeti? Non sentite la voce di Dio attraverso alla creatura, la Voce che cerca di farsi accogliere per vostro bene? Me, non mi ascoltate. Parlo, potete pensarlo, in mio favore. Ma costei, che mi è ignota, quale favore spera da queste parole? Che ne avrà, se non il vostro disprezzo, le vostre minacce, forse la vostra vendetta? No, che non le impongo silenzio! Anzi, perché questi pochi la sentano, e voi pure sentiate e possiate ravvedervi, le ordino: “Parla! Parla, ti dico, in nome del Signore!”».

Ora è Gesù che è imponente, è il Cristo potente delle ore di miracolo, dai grandi occhi magnetici nel loro splendore di stella azzurra, che la fiamma di un falò, acceso fra la donna e Lui, avviva ancor di più. La donna, invece, oppressa dal dolore, è meno regale e sta a capo chino col viso velato dalle mani e dai capelli neri, che si sono disciolti e le piovono sulle spalle e in avanti, come un velo di lutto sulla veste bianca.

«Parla, ti dico. Non sono senza frutto le tue dolorose parole. Sabea, della stirpe d’Aronne, parla!».

525.12

La donna ubbidisce. Ma parla piano, tanto che tutti si stringono più vicino per sentirla meglio. Pare che parli a se stessa, guardando verso il fiume che scorre frusciando alla sua destra con un ultimo sfaccettio d’acque, nelle ultime luci del giorno. E pare che parli al fiume: «O Giordano, sacro fiume dei padri, che hai l’onda cerula e cresputa come un bisso prezioso, e vi rifletti le pure stelle e la candida luna, e carezzi i salici delle tue rive, e fiume di pace sei, e pur conosci tanto dolore; o Giordano, che nelle ore di tempesta sull’onde gonfie e turbate trasporti le arene di mille torrenti e le loro rapine, e talvolta tronchi un tenero arbusto su cui è un nido e lo trasporti vorticoso verso l’abisso mortale del mar Salato, e non hai pietà della coppia di uccelli che seguono a volo, stridendo di dolore, il loro nido distrutto dalla tua rapina; così vedrai, o sacro Giordano, percosso dall’ira divina, strappato alle case e all’altare, andare alla rovina, perendo nella morte più grande, andare il popolo che non volle il Messia.

525.13

Popolo mio, salvati! Credi nel tuo Signore! Segui il tuo Messia! Riconoscilo per ciò che è. Non re di popoli e milizie. Re delle anime, delle tue anime, di tutte le anime è. Disceso a raccogliere le anime giuste, risalirà per condurle nel Regno eterno. O voi che ancora potete amare, stringetevi al Santo! O voi che avete a cuore le sorti della Patria, unitevi al Salvatore! Che tutto non muoia il seme d’Abramo! Fuggite i falsi profeti dalle bocche di menzogna e i cuori di rapina che vogliono strapparvi alla Salvezza. Uscite dalle tenebre che vi innalzano intorno. Ascoltate la voce di Dio! I grandi che oggi temete sono già polvere, nel decreto di Dio. Uno solo è il Vivente. I luoghi nei quali regnano e dai quali opprimono sono già rovine. Uno solo dura. Gerusalemme! Dove sono gli orgogliosi figli di Sion dei quali ti vanti? Dove i rabbi e i sacerdoti dei quali ti orni e nei quali ti ammiri? Guardali! Oppressi, in catene, vanno verso l’esilio, fra le macerie dei tuoi palazzi, fra il fetore dei morti di spada e di fame. Su te è il furore di Dio, o Gerusalemme che respingi il tuo Messia e lo colpisci nel volto e nel cuore. Ogni bellezza è in te distrutta. Ogni speranza per te è morta. Profanato è il Tempio e l’altare…».

«Falla tacere! Bestemmia! Falla tacere, diciamo».

«…strappato è l’efod. Non serve più…».

«Sei colpevole se non le imponi silenzio!».

«…perché non regna più. Vi è un altro, eterno Pontefice, ed è santo, e messo da Dio: Re e Sacerdote in eterno, da Colui che fa sue le offese fatte al Cristo e ne fa le vendette. Un altro Pontefice. Il vero, il santo, unto da Dio e dal suo Sacrificio, al posto di quelli sulla cui fronte è un disdoro la tiara, perché copre pensieri d’orrore!…».

«Taci, maledetta! Taci, o ti colpiamo!», e gli scribi la malmenano rudemente. Ma lei pare non senta.

525.14

Il popolo tumultua: «Lasciatela parlare, voi che parlate tanto. Dice il vero. Così è. Non c’è più santità fra voi. Uno solo è il Santo e voi lo angariate».

Gli scribi reputano prudente tacere, e la donna prosegue con la sua voce stanca e dolente: «Era venuto a portarti la pace. E guerra gli hai dato… Salute. E tu lo hai schernito… Amore. E lo hai odiato… Miracolo. E lo hai detto demonio… Le sue mani hanno guarito i tuoi malati. E tu le hai trafitte. Ti portava la Luce. E tu hai coperto di sputi e lordure il suo volto. Ti portava la Vita. E tu gli hai dato la morte. Israele, piangi il tuo fallo e non imprecare al Signore mentre vai verso il tuo esilio, che non avrà termine come quelli di un tempo. Tutta la Terra scorrerai, Israele, ma come popolo vinto e maledetto, inseguito dalla voce di Dio, e con le stesse parole dette a Caino. E qui non potrai tornare a ricostruire un solido nido se non quando riconoscerai con gli altri popoli che questo è Gesù, il Cristo, il Signore Figlio del Signore…».

La voce della donna è bianca di pena e fatica, stanca come la voce di uno che muore. Ma non tace ancora, anzi si rianima per un ultimo comando: «A terra, popolo che sai ancora amare. Copriti di cenere, vestiti di cilicio. Il furore di Dio è sospeso su noi come nube gravida di grandine e folgori su un campo maledetto».

La donna crolla in ginocchio, a braccia tese verso Gesù, e grida: «Pace, pace, o Re di giustizia e di pace! Pace, o Adonai grande e potente, al quale neppure il Padre resiste! Impetra per noi pace, per il tuo Nome, o Gesù, Salvatore e Messia, Redentore e Re, e Dio, tre volte santo!», e si abbatte, scossa dai singhiozzi, col viso sull’erba.

525.15

Gli scribi circondano Gesù tirandolo in disparte e allontanando ogni altro con sguardi e parole minacciose, e uno di essi dice: «Il meno che Tu possa fare è di guarirla. Perché, se proprio vuoi dirla libera da un demonio, non puoi negare che sia una malata. Donne!… E donne sacrificate dal destino… La loro vitalità deve bene effondersi da qualche parte… e divagano… e vedono cose irreali… e soprattutto vedono Te che sei giovane e bello… e…».

«Taci, bocca di serpente! Tu stesso non credi a ciò che dici», scatta Gesù con un impero che tronca le parole sulle labbra dello scriba magro e nasuto, che all’inizio del fatto aveva schernito la donna come falsa profetessa.

«Non offendiamo il Maestro. Lo abbiamo eletto a giudice di un caso che noi non riusciamo a giudicare…», dice un altro scriba, quello che, andato con gli altri incontro a Gesù sulla via, ha detto a Gesù che non tutti gli scribi gli sono avversi, ma alcuni l’osservano anche per giudicare e con sincera volontà di seguirlo se giudicato Dio.

«Ma taci, Gioele detto Alamot, figlio di Abia! Solo un mal na­to come te può dire queste parole», lo investono gli altri.

Lo scriba diventa congestionato sotto l’insulto. Ma si domina e risponde con dignità: «Se natura mi è stata nemica nella persona, ciò non ha reso monco il mio intelletto. Anzi, precludendomi molti piaceri, ha fatto di me l’uomo di sapienza. E se voi foste santi non avvilireste l’uomo, ma rispettereste il sapiente».

«Bene! Parliamo di ciò che ci preme. Tu hai il dovere di guarirla, Maestro, perché nel suo delirio spaventa la gente e offende il sacerdozio, i farisei e noi».

«Se vi avesse lodato, mi direste di guarirla?», domanda Gesù dolcemente.

«No. Perché servirebbe a rendere la gente rispettosa di noi, questo popolo caprino che ci odia nel suo cuore e ci schernisce sol che possa», risponde uno scriba senza avvedersi di cadere in una trappola.

«Ma non sarebbe ancora una malata? Non avrei dovere di guarirla?», chiede ancora dolcemente Gesù. Sembra uno scolaro che chieda al pedagogo ciò che deve fare.

E gli scribi, acciecati da superbia, non capiscono che stanno confessando se stessi… «In quel caso, no. Anzi! Lasciarla, lasciarla nel suo delirio! Fare quanto si può perché la gente la creda profetessa. Onorarla! Indicarla…».

«Ma se fossero cose non vere?!…».

«Oh! Maestro! Tolto il punto nel quale dice cose contro noi, il resto servirebbe molto a rialzare l’orgoglio d’Israele contro il romano, a tenere basso l’orgoglio del popolo verso di noi!».

«Ma non si potrebbe dirle: “Parla così, ma non dire questo”», dice fermamente Gesù.

«E perché?».

«Perché chi delira parla senza sapere ciò che dice».

«Oh! con delle monete e qualche minaccia… si otterrebbe tutto. Si regolavano anche i profeti…».

«Non mi risulta, in verità…».

«Eh! perché non sai leggere fra le righe e perché non tutto è stato lasciato scritto».

«Ma lo spirito profetico non conosce imposizioni, o scriba. Esso viene da Dio, e Dio non si compera e non si spaurisce», dice Gesù cambiando tono. È l’inizio del suo contrattacco.

«Ma costei non è profetessa.

525.16

Non è più tempo di profeti».

«Non è più tempo di profeti? E perché?».

«Perché non ce li meritiamo. Siamo troppo corrotti».

«Veramente? E tu lo dici? Tu che poc’anzi la giudicavi degna di castigo perché diceva la stessa cosa?».

Lo scriba resta disorientato. Lo aiuta un altro: «Il tempo dei profeti è cessato con Giovanni. Non servono più».

«E perché mai?».

«Perché Tu ci sei a dire la Legge e a parlare di Dio».

«Anche al tempo dei profeti c’era la Legge e la Sapienza parlava di Dio. Eppure essi pure c’erano».

«Ma che profetizzavano? La tua venuta. Venuto sei. Essi non servono più».

«Cento e cento volte mi sono sentito chiedere da voi, da sacerdoti e farisei, se ero o non ero il Cristo, e poiché lo affermavo fui detto bestemmiatore e folle, e furono prese pietre per lanciarmele contro. Non sei tu Sadoc, detto lo scriba d’oro?», dice Gesù indicando lo scriba nasuto che ha malmenato la donna dopo averla tentata allo sbaglio.

«Lo sono. Ebbene?».

«Ebbene, tu, proprio tu, sei sempre stato il primo, a Giscala come al Tempio, ad iniziare la violenza contro di Me. Ma Io ti perdono. Ti ricordo soltanto che tu lo facevi dicendo che non potevo essere il Cristo, mentre ora lo sostieni. E ti ricordo anche la sfida che ti ho data a Cèdes[5]. Fra poco vedrai compiersi una parte di essa. Quando la luna sarà tornata alla fase con cui ora splende nel cielo, Io te la darò la prova. La prima. L’altra l’avrai quando il grano, che ora dorme nella terra, scuoterà le spighe ancor verdi ai venticelli di nisam.

525.17

Ma a quelli che dicono che sono inutili i profeti, rispondo: “E chi potrà mettere limiti al Signore altissimo?”. In verità, in verità vi dico che i profeti sempre ci saranno fino a che ci saranno gli uomini. Sono le fiaccole fra le tenebre del mondo. Sono i focolari fra il gelo del mondo. Sono gli squilli di tuba che sveglieranno gli assonnati. Sono le voci che ricordano Dio e le sue verità cadute in dimenticanza e trascuranza col tempo, e portano all’uomo la voce diretta di Dio, suscitando fremiti di emozione nei dimentichi, negli apatici figli dell’uomo. Avranno altri nomi, ma uguale missione e uguale sorte di umano dolore e di sovrumano godere. Guai se non ci fossero questi spiriti che il mondo odierà e Dio sovramerà! Guai se non ci fossero a patire e perdonare, amare e operare in obbedienza al Signore! Il mondo perirebbe fra le tenebre, il gelo, in un sopore di morte, in una ebetudine, in una ignoranza selvaggia e abbrutente. E perciò Dio li susciterà, e sempre ci saranno. E chi potrà imporre a Dio di non farlo? Tu, Sadoc? o tu? o tu? In verità vi dico che neppur gli spiriti di Abramo, Giacobbe e Mosè, di Elia ed Eliseo potrebbero imporre a Dio questa limitazione, e solo Dio sa quanto erano santi e quali luci eterne essi siano».

«Allora Tu non vuoi guarire la donna e neppure condannarla?».

«No».

«E la giudichi profetessa?».

«Ispirata, sì».

«Sei un demonio come lei. Andiamo. Non ci conviene perdere altro tempo con dei demoni», dice Sadoc dando un urtone da… facchino a Gesù, per scansarlo.

Molti lo seguono. Alcuni restano. Fra questi, quello che hanno chiamato Gioele Alamot.

«E voi non li seguite?», chiede Gesù indicando quelli che se ne vanno.

«No, Maestro. Andremo via perché è notte. Ma vogliamo dirti che crediamo nel tuo giudizio. Dio può tutto, è vero. E per noi, che cadiamo in molte colpe, può suscitare degli spiriti che ci richiamino alla giustizia», dice uno molto anziano.

«Hai detto bene. E questa tua umiltà è più grande agli occhi di Dio del tuo sapere».

«Allora ricordati di me quando sarai nel tuo Regno».

«Sì, Giacobbe».

«Come sai il mio nome?».

Gesù sorride senza rispondere.

«Maestro, anche di noi ricordati», dicono gli altri tre. E l’ul­timo a parlare, Gioele Alamot, dice anche: «E benediciamo il Signore che ci ha dato quest’ora».

«Benediciamo il Signore!», risponde Gesù.

Si salutano. Si separano.

525.18

Gesù si riunisce ai suoi apostoli e va con essi presso la donna, che ha ripreso ancora la posizione che aveva all’inizio: raggomitolata in se stessa sulla radice sporgente.

La madre e il padre di lei affannosamente chiedono al Maestro: «È dunque un demonio nostra figlia? Essi prima di andarsene lo hanno detto».

«Non lo è. Abbiate pace. E amatela perché la sua sorte è molto dolorosa. Come tutte le sorti simili alla sua».

«Ma essi hanno detto che così Tu hai giudicato…».

«Essi hanno mentito. Io non mento. Abbiate pace».

Giovanni d’Efeso si fa avanti con Salomon e gli altri discepoli: «Maestro, Sadoc ha minacciato costoro. Io te lo dico».

«Costoro o costei?».

«Costoro e costei. Non è vero, voi due?».

«Sì. Ci hanno detto, a me e alla madre, che se non sapremo far tacere la figlia nostra, guai a noi. E a Sabea hanno detto: “Se parlerai ti denunceremo al Sinedrio”. Giorni cattivi prevediamo per noi!… Ma il cuore è in pace per quello che Tu ci hai detto… e sopporteremo il resto. Ma per lei… Che dobbiamo fare? Consigliaci, Signore».

Gesù pensa e risponde poi: «Non avete parenti lontani da Betlechi?».

«No, Maestro».

… Gesù pensa e poi alza il volto e guarda Giuseppe, Giovanni d’Efeso e Filippo di Arbela. Ordina: «Vi metterete in viaggio con costoro e poi da Betlechi con costei e il corredo di costei andrete ad Aera. Direte alla madre di Timoneo che la custodisca in mio nome. Ella sa cosa è avere un figlio perseguitato».

«Faremo, Signore. Ben deciso. Aera è lontana e fuori mano», dicono i tre.

Il padre e la madre di Sabea baciano le mani al Maestro e lo ringraziano e benedicono.

Gesù si curva sulla donna e la tocca sul capo velato chiamandola con dolcezza: «Sabea, ascoltami!».

La donna alza il capo e lo guarda e poi scivola in ginocchio.

Gesù le tiene la mano sul capo: «Ascolta, Sabea. Tu andrai dove ti mando. Da una madre. Avrei voluto mandarti dalla mia. Ma non m’è concesso. E continua a servire il Signore in giustizia e ubbidienza. Io ti benedico, donna. Va’ in pace».

«Sì, mio Signore e Dio. Ma quando dovrò parlare, po­trò?…».

«Lo Spirito che ti ama ti guiderà a seconda dell’ora. Non temere del suo amore. Sii umile, casta, semplice e sincera, ed Egli non ti abbandonerà. Va’ in pace!».

525.19

Si riunisce di nuovo agli apostoli ed a Zaccheo coi suoi, che si erano fermati lontano qualche passo trattenendo anche altri curiosi.

«Andiamo. È notte. Non so come farete a tornare a Gerico, voi che dovete andare là».

«Piuttosto la donna e i suoi parenti, diciamo. Ma, se Tu lo giudichi buono, noi staremo fuori della casa, e Tu e loro potrete dormire in essa sino al mattino», propone uno degli amici di Zaccheo.

«Buona proposta. Andate a dire a Sabea di venire con i suoi e con i discepoli. Essi dormiranno. Io starò con voi. Non è notte ventosa. Faremo dei fuochi e attenderemo l’alba così, istruendovi Io, ascoltandomi voi».

E lentamente si mette in cammino nel primo chiarore di luna…


Notes

  1. Je te salue : ce sont les mots d’Is 9, 5.
  2. orné, comme en Ex 28, 15-21 ; 39, 8-14.
  3. elle sort et porte l’olivier, comme en Gn 8, 8-12. Quant à ce qui concerne les notes sur les femmes d’Israël, nous renvoyons le lecteur à l’index thématique qui se trouve à la fin du volume.
  4. les paroles du Livre se trouvent en Gn 3, 15 ; Is 7, 14 ; 11, 1-2.
  5. que je t’ai lancé à Cédès, en 342.6/7.

Note

  1. ti saluto, e lo fa con le parole di: Isaia 9, 5.
  2. ornato, come in: Esodo 28, 15-21; 39, 8-14.
  3. esce e porta l’ulivo, come in: Genesi 8, 8-12. Per le note sulle donne d’Israele qui menzionate rimandiamo all’indice tematico alla fine del volume.
  4. parole, che sono prese da: Genesi 3, 15; Isaia 7, 14; 11, 1-2.
  5. data a Cèdes, in 342.6/7.