The Writings of Maria Valtorta

525. Les prophéties de Sabéa de Betléchi.

525. The prophecies of Sabea of

525.1

C’est une bien pauvre exploitation qui sert à faire vivre le groupe hétérogène des amis de Zachée. Surtout maintenant que c’est l’hiver, elle est loin de réjouir le cœur. Ils l’aiment pourtant, et c’est avec fierté qu’ils la montrent à Jésus : les trois champs de blé, labourés et bruns, le verger avec quelques arbres de bon rapport, d’autres encore trop jeunes pour qu’on puisse en attendre des fruits, quelques pauvres rangées de vignes, le potager… une petite étable où se trouvent une vache, et un âne pour la noria, un réduit avec quelques poules et cinq couples de colombes, six brebis, un taudis comprenant une cuisine et trois chambres, un hangar qui sert de bûcher, de débarras et de grenier à foin, un puits à la margelle ébréchée, et une citerne à l’eau croupie. Rien de plus.

« Si la saison est favorable…

– Si les bêtes ont des petits…

– Si les jeunes arbres prennent bien racine… »

Tout est au conditionnel… Ce sont des espoirs très précaires…

Mais un homme se rappelle ce qu’il avait entendu dire, il y a quelques années : la prodigieuse récolte qu’avait eue Doras grâce à une bénédiction donnée par le Maître pour que Doras soit plus humain avec ses serviteurs paysans, et il dit :

« Et si tu bénissais ce lieu… Doras aussi était pécheur…

– Tu as raison. Ce que j’ai accompli en sachant que je n’allais pas changer ce cœur, je l’accomplirai aussi pour vous, dont le cœur a changé. »

Et il ouvre les bras pour bénir :

« Je le fais immédiatement, car je veux vous convaincre de mon amour. »

Puis ils reprennent leur route en direction du fleuve, en longeant des champs labourés dont la terre est grasse et noire, et des arbres fruitiers que la saison a dénudés.

525.2

A un détour, voilà quelques pharisiens qui s’avancent :

« Paix à toi, Maître. Nous t’avons attendu ici pour… te vénérer.

– Non, pour vous assurer que je ne triche pas. Vous avez bien fait. Soyez persuadés que je n’ai pas eu moyen de voir la femme, ni aucun de ceux qui sont avec elle. Vous, toi et toi, étiez de garde à la maison de Zachée, et vous vous êtes rendu compte qu’aucun de nous n’en est sorti. Vous m’avez précédé sur ce chemin, et vous avez vu qu’aucun de nous n’est parti en avant. Vous avez le désir de m’imposer des conditions, pour l’entrevue avec cette femme, et je vous dis que je les accepte avant même que vous ne le fassiez.

– Mais… si tu ne les connais pas…

– N’est-il pas vrai que c’est votre intention ?

– Si.

– De même donc que je connais vos pensées intimes, je sais aussi ce que vous allez me dire, et je vous déclare que j’accepte ce que vous voulez me proposer : cela servira à glorifier la Vérité. Parlez.

– Sais-tu ce dont il s’agit ?

– Je sais que vous jugez cette femme possédée, mais qu’aucun exorciste n’a pu chasser le démon. Je sais pourtant qu’elle ne tient pas de propos démoniaques. C’est ce que disent ceux qui l’ont entendue parler.

– Peux-tu jurer que tu ne l’as jamais vue ?

– Le juste ne jure jamais, car il sait qu’il a le droit d’être cru sur parole. Je vous assure que je ne l’ai jamais vue et que je ne suis jamais passé par son village : tous les habitants peuvent le confirmer.

– Pourtant, elle prétend connaître ton visage et ta voix.

– En effet, son âme me connaît, de par la volonté de Dieu.

– Tu dis “ de par la volonté de Dieu ”. Mais comment peux-tu l’affirmer ?

– On m’a rapporté qu’elle dit des paroles inspirées.

– Le démon aussi parle de Dieu.

– Mais avec des erreurs mêlées à dessein, pour dévoyer les hommes dans des pensées erronées.

525.3

– Eh bien… nous voudrions que tu nous laisses éprouver cette femme.

– De quelle manière ?

– Tu ne la connais vraiment pas ?

– Je vous ai dit que non.

– Alors voilà : nous envoyons quelqu’un en avant pour crier : “ Voici le Seigneur ”, et nous verrons si elle salue celui qui l’accompagne comme si c’était toi.

– Quelle pauvre preuve ! Je l’accepte pourtant. Choisissez parmi ceux qui m’accompagnent les personnes que vous voulez envoyer en avant, et moi, je vous suivrai avec les autres. Cependant, si la femme parle, vous devez la laisser s’exprimer pour que je juge ses propos.

– C’est juste. Le pacte est conclu et nous le tiendrons loyalement.

– Qu’il en soit ainsi, et que cela serve à toucher votre cœur.

– Maître, nous ne sommes pas tous des adversaires. Certains de nous sont indécis… et ont une volonté sincère de voir ce qui est vrai pour te suivre, dit un scribe.

– C’est vrai. Et ils seront encore aimés de Dieu. »

Les scribes examinent les apôtres et s’étonnent de l’absence de plusieurs, et en particulier de Judas, puis ils choisissent Jude et Jean. Ils prennent en plus le jeune voleur converti, qui est pâle et malingre et a une chevelure légèrement rousse, ceux, en somme, qui, par l’âge et la physionomie, ont des points communs avec le Maître.

« Nous partons avec eux. Toi, reste ici avec nos compagnons et les tiens, et suis-nous dans un moment. »

Ainsi font-ils.

525.4

Ils sont déjà en vue des bois qui bordent le fleuve. Un soleil couchant d’hiver dore le sommet des arbres et répand une vive lumière jaune sur les personnes rassemblées près d’eux.

« Voici le Messie ! Levez-vous ! Venez à sa rencontre ! » crient les scribes, qui ont pris de l’avance en coupant par un sentier. Celui-ci aboutit à un rouvre gigantesque aux racines puissantes à demi découvertes, qui peuvent servir de sièges à ceux qui s’abritent près de son tronc.

Le groupe de personnes rassemblées tout autour se retourne, se lève, s’ouvre et se sépare pour aller à la rencontre des arrivants. Près du tronc, il reste seulement trois scribes, Jean d’Ephèse, ainsi qu’un homme et une femme âgés, et encore une autre femme, assise sur une racine en saillie, dos au tronc, la tête penchée sur ses genoux enlacés par ses bras. Elle est toute couverte d’un voile violet si foncé qu’il paraît noir. Elle semble étrangère à tout, et le cri ne la fait pas bouger.

Un scribe touche son épaule :

« Le Maître est ici, Sabéa. Lève-toi et salue-le. »

La femme ne répond pas, ne bouge pas.

Les trois scribes se regardent et sourient ironiquement en faisant un signe entendu aux autres qui s’avancent. Et comme les personnes qui attendaient, ne voyant pas Jésus, s’étaient tues, eux et leurs compagnons crient plus fort que jamais, pour que la femme ne s’aperçoive pas de la supercherie.

« Femme, dit un scribe à la vieille mère qui est avec la fille, toi, au moins, salue le Maître et demande à ta fille de le faire. »

La femme se prosterne en même temps que son mari devant Jude, Jean et le voleur repenti. Puis, se levant, elle se tourne vers sa fille :

« Sabéa, ton Seigneur est ici. Vénère-le. »

La jeune femme ne bouge pas.

Le sourire des scribes se fait encore plus ironique et l’un d’eux, maigre, avec un gros nez, nasille d’une voix traînante :

« Tu ne t’attendais pas à cette épreuve, n’est-ce pas ? Et ton cœur tremble : tu sens que ton renom de prophétesse est en danger et tu ne tentes pas ta chance… Il me semble que cela suffit pour te déclarer menteuse… »

Du coup, la femme relève la tête, elle rejette son voile en arrière et le regarde avec de grands yeux :

« Je ne mens pas, scribe. Et je n’ai pas peur, car je suis dans la vérité. Où est le Seigneur ?

– Comment ? Tu prétends le connaître, et tu ne le vois pas ? Il est devant toi !

– Aucun d’eux n’est le Seigneur. C’est pour cela que je n’ai pas bougé. Aucun d’eux.

– Aucun d’eux ? Comment ? Ce Galiléen blond, ce n’est pas le Seigneur ? Moi, je ne le connais pas, mais je sais qu’il est blond, avec des yeux bleu ciel.

– Ce n’est pas le Seigneur.

– Alors, cet autre, qui est grand et sévère. Regarde ces traits de roi ! C’est lui, certainement.

– Non, ce n’est pas le Seigneur. Le Seigneur n’est pas parmi eux. »

Et la femme baisse de nouveau la tête dans ses genoux comme avant.

525.5

Après quelque temps, Jésus survient. Les scribes ont imposé le silence à la petite assistance. Aussi son arrivée n’est-elle trahie par aucun hosanna.

Jésus s’avance entre Pierre et son cousin Jacques. Il marche lentement… Silencieusement… L’herbe touffue amortit tout bruit de pas. Pendant que la vieille femme essuie ses larmes avec son voile et qu’un scribe l’offense en disant : « Votre fille est folle et menteuse », pendant que le père soupire et fait même des reproches à sa fille, Jésus arrive au bout du sentier et s’arrête.

La jeune femme, qui n’a rien pu entendre, qui n’a rien pu voir, bondit sur ses pieds, rejette son voile, découvrant ainsi toute sa tête, et tend les bras en s’écriant avec force :

« Voilà mon Seigneur qui vient à moi ! C’est lui, le Messie, ô hommes qui espériez me tromper et m’humilier. Je vois sur lui la lumière de Dieu qui me l’indique, et je l’honore ! »

Alors elle se jette au sol, mais en restant à sa place, à environ deux mètres de Jésus, le visage contre terre, dans l’herbe, et elle s’écrie :

« Je te salue[1], Roi des peuples, admirable Prince de paix, Père du siècle sans fin, chef du nouveau peuple de Dieu ! »

Et elle reste prosternée, sous son ample manteau foncé, d’un violet presque noir, aussi noir que le voile.

Puis elle se relève, et s’appuie debout contre le tronc sombre. Lorsqu’elle a rejeté son voile, elle est restée, les bras tendus en avant comme une statue ; cela m’a permis de voir qu’elle porte sous son manteau un habit de lourde laine d’un blanc d’ivoire, serré simplement par un cordon au cou et à la ceinture. Et surtout j’ai pu admirer sa beauté de femme d’âge mûr. Elle peut avoir environ trente ans, et trente ans en Palestine équivalent au moins à quarante des nôtres en général ; si la très sainte Marie fait exception à cette règle, pour les autres femmes, la maturité vient de bonne heure, surtout pour celles qui sont brunes de cheveux et de visage, et corpulentes comme celle-ci.

C’est le type classique de la femme hébraïque. Je crois que Rachel, Ruth et Judith, célèbres pour leur beauté, devaient lui ressembler. Grande, plantureuse et pourtant élancée, la peau lisse et d’une pâleur brunâtre, la bouche petite aux lèvres un peu grosses d’un rouge vif, le nez droit, long et fin, deux yeux profonds, sombres, veloutés sous un arc de cils longs et fournis, un front haut, lisse, royal, un ovale plutôt allongé, et une chevelure d’ébène magnifique comme une couronne d’onyx. Sans être une merveille, elle a un corps de statue et une majesté de reine.

525.6

Elle se met donc debout en s’appuyant contre le tronc noir, et présente ses mains longues, brunes, très belles, reliées au bras par un fin poignet. Elle observe le Maître en silence, secouant la tête parce que des scribes lui soufflent :

« Tu te trompes, Sabéa. Le Messie, ce n’est pas lui, mais l’homme que tu as vu auparavant sans le reconnaître. »

Elle secoue la tête, ferme, l’air sévère, et ne détache pas les yeux du Seigneur. Puis son visage se transfigure, en prenant une expression dont je ne sais dire si elle est de joie fervente ou de ravissement extatique. Elle tient de l’un et de l’autre. Elle paraît pâlir comme si elle était sur le point de s’évanouir, alors que toute la vie se concentre dans ses yeux, qui deviennent lumineux, d’une lumière de joie, de triomphe, d’amour… Je ne sais. Rient-ils, ces yeux ? Non, ils ne rient pas, pas plus que la bouche à l’expression sévère. Et pourtant, il y a en eux une lumière de joie, et ces yeux acquièrent de plus en plus une intensité puissante qui vous frappe.

Jésus la regarde avec douceur et un peu de tristesse.

« Tu vois bien que c’est une folle ? » lui murmure un scribe.

Jésus ne répond pas. La main gauche pendant le long de son côté, la droite retenant son manteau sur la poitrine, il regarde et se tait.

La femme étend les bras comme avant. On dirait un gigantesque papillon aux ailes violettes, et au corps de vieil ivoire. Et un nouveau cri sort de ses lèvres :

« O Adonaï, tu es grand ! Toi seul es grand, ô Adonaï ! Tu es grand au Ciel et sur la terre, dans le temps et dans les siècles des siècles, et au-delà du temps, depuis toujours et pour toujours, ô Seigneur, Fils du Seigneur. Tes ennemis sont sous tes pieds, et l’amour de ceux qui t’aiment soutient ton trône. »

Sa voix se fait de plus en plus forte et assurée, tandis que ses yeux se détachent du visage de Jésus pour regarder dans le lointain, un peu au-dessus de la tête de ceux qui l’entourent et l’observent attentivement. Du fait qu’elle se tient debout contre le tronc du rouvre, qui est lui-même sur une levée de terre, elle les domine sans difficulté.

Après une pause, elle reprend :

« Le trône de mon Seigneur est orné[2] de douze pierreries, celles des douze tribus des justes. Dans la grande perle qu’est le trône, le trône blanc et précieux resplendissant du très saint Agneau, sont enchâssés des topazes avec des améthystes, des émeraudes avec des saphirs, des rubis avec des sardoines, et des agates, des chrysolithes, des béryls, des onyx, des jaspes, des opales. Ceux qui croient, ceux qui espèrent, ceux qui aiment, ceux qui se repentent, ceux qui vivent et meurent en justes, ceux qui souffrent, ceux qui délaissent l’erreur pour la vérité, ceux qui étaient durs de cœur et sont devenus doux en son nom, les innocents, les repentis, ceux qui se dépouillent de tout afin d’être agiles pour suivre le Seigneur, les vierges à l’esprit resplendissant d’une lumière semblable à une aube du Ciel de Dieu… Gloire au Seigneur ! Gloire à Adonaï ! Gloire au Roi qui siège sur son trône ! »

Sa voix claironne. Les gens frémissent. La femme semble réellement voir ce qu’elle dit, comme si le nuage doré qui passe dans un ciel serein et qu’elle semble suivre des yeux, était pour elle une lentille qui lui permet de contempler avec ravissement les gloires célestes.

525.7

Elle se repose, comme épuisée, mais sans changer d’attitude. Seul son visage se transfigure encore plus, accentuant la pâleur de sa peau et l’éclat du regard.

Puis elle recommence à parler en baissant les yeux sur Jésus qui l’écoute attentivement, au milieu d’un cercle de scribes qui hochent la tête d’un air sceptique et ironique, et des apôtres et des fidèles que fait pâlir une émotion sacrée. Sa voix est distincte, mais moins forte :

« Je vois ! Je vois dans l’Homme ce qui se cache dans l’Homme. Saint est l’Homme, mais je ploie les genoux devant le Saint des Saints enfermé dans l’Homme. »

Puis sa parole redevient puissante, impérieuse comme un commandement :

« Regarde ton Roi, peuple de Dieu ! Connais son visage ! La beauté de Dieu est devant toi. La sagesse de Dieu a pris une bouche pour t’instruire. Ce ne sont plus les prophètes, ô peuple d’Israël, qui te parlent de l’Innommable. C’est lui-même. Lui qui connaît le mystère qu’est Dieu, qui te parle de Dieu. Lui qui connaît la pensée de Dieu, qui t’attire sur son sein, ô peuple encore enfant après tant de siècles, et qui te nourrit du lait de la sagesse de Dieu pour te rendre adulte en lui. C’est pour cela qu’il s’est incarné dans le sein d’une femme d’Israël, plus grande que toute autre devant Dieu et les hommes. Elle a ravi le cœur de Dieu par une seule de ses palpitations de colombe. La beauté de son âme a séduit le Très-Haut et il a fait d’elle son trône. Marie, femme d’Aaron, a péché, car le péché était en elle. Déborah discerna ce qu’il fallait faire, mais ne le fit pas de ses mains. Jahel fut courageuse, mais se souilla de sang. Judith était juste et craignait le Seigneur, et Dieu fut dans ses paroles et lui permit d’agir en sorte qu’Israël soit sauvé, mais par amour de sa patrie, elle se servit d’une ruse homicide. Mais la Femme qui l’a engendré les surpasse, parce qu’elle est la servante parfaite de Dieu et qu’elle le sert sans pécher. Toute pure, innocente et lumineuse, c’est le bel Astre de Dieu, de son lever à son coucher. Toute belle, resplendissante et pure, pour être Etoile et Lune, lumière pour les hommes afin qu’ils trouvent le Seigneur. Elle ne précède pas et ne suit pas l’Arche sainte, comme Marie, femme d’Aaron, car elle est elle-même l’Arche. Sur l’eau trouble de la terre recouverte par le déluge des fautes, elle s’élance et sauve, car celui qui entre en elle trouve le Seigneur. Colombe sans tache, elle sort et porte l’olivier[3], l’olivier de paix aux hommes, car elle est la belle Olive. Elle se tait, et dans son silence elle parle et agit plus que Déborah, Jahel et Judith ; et elle ne conseille pas la bataille, ne pousse pas aux massacres, ne répand pas d’autre sang que le meilleur du sien, celui dont elle a fait son Fils. Mère malheureuse ! Mère sublime !… Judith craignait le Seigneur, mais sa fleur a appartenu à un homme. Elle, en revanche, a offert au Très-Haut sa pureté inviolée. Le Feu de Dieu est descendu dans le calice du doux lys, et un sein de femme a contenu et porté la Puissance, la Sagesse et l’Amour de Dieu. Gloire à cette Femme ! Chantez ses louanges, femmes d’Israël ! »

525.8

La femme se tait comme si sa voix était épuisée. Effectivement, je ne sais comment elle fait pour parler si longuement avec une telle force.

Les scribes s’écrient :

« Elle est folle ! Elle est folle ! Fais-la taire ! Folle ou possédée. Ordonne à l’esprit qui la retient de s’en aller.

– C’est impossible. Il n’y a que l’esprit de Dieu en elle, et Dieu ne se chasse pas lui-même.

– Tu ne le fais pas parce qu’elle te loue, toi et ta Mère, et cela flatte ton orgueil.

– Scribe, réfléchis à ce que tu sais de moi, et tu verras que je ne connais pas l’orgueil.

– Pourtant, seul un démon peut parler en elle pour célébrer ainsi une femme !… Qu’est-ce que la femme en Israël et pour Israël, sinon un péché aux yeux de Dieu ? Elle est séduite et séductrice ! Si on n’avait pas la foi, on hésiterait à penser que la femme a une âme. Il lui est interdit de s’approcher du Saint, à cause de son impureté. Et cette femme prétend que Dieu est descendu en elle !… » lance un autre scribe, scandalisé.

Ses compagnons lui font écho.

Jésus dit, sans regarder personne en face — il semble se parler à lui-même — :

« “ La Femme écrasera la tête du Serpent… La Vierge concevra et enfantera un Fils qui sera appelé Emmanuel… Un germe sortira de la souche de Jessé, une fleur viendra de cette souche et sur lui reposera l’Esprit du Seigneur. ” Cette femme, c’est ma Mère. Scribe, pour l’honneur de ta science, rappelle-toi et comprends les paroles du Livre[4]. »

Les scribes ne savent que répondre. Ces paroles, ils les ont dites et redites mille fois, et annoncées comme vraies. Peuvent-ils maintenant les nier ? Ils se taisent.

525.9

Quelqu’un ordonne d’allumer des feux, car le froid se fait sentir près de la rive où souffle le vent du soir. On obéit, et des branches flambent en cercle autour du groupe qui se serre.

La lumière dansante du feu semble réveiller la femme, qui s’était tue et restait les yeux fermés, comme recueillie. Elle les ouvre, se secoue, regarde de nouveau Jésus et s’écrie de nouveau :

« Adonaï ! Adonaï, tu es grand ! Chantons au Divin un cantique nouveau ! Shalem ! Shalem ! Malchik !!… Paix ! Paix ! ô Roi à qui rien ne résiste !… »

Soudain, elle se tait. Elle tourne les yeux, pour la première fois depuis qu’elle parle, sur ceux qui entourent Jésus, et fixe les scribes, comme si elle les voyait pour la première fois : alors, sans motif apparent, des larmes se forment dans ses grands yeux, et son visage devient triste et sans éclat.

Elle s’exprime à présent lentement, d’une voix profonde, comme quelqu’un qui parle de choses douloureuses :

« Non. Il y en a qui te résistent ! O peuple, écoute ! Depuis ma douleur, ô peuple de Betléchi, tu m’as entendue parler. Après des années de silence et de souffrance, j’ai entendu et j’ai dit ce que j’entendais. Maintenant, je ne suis plus au milieu des verts bosquets de Betléchi, vierge veuve qui trouve dans le Seigneur son unique paix. Je n’ai pas autour de moi mes seuls concitoyens pour leur dire : “ Craignons le Seigneur, car l’heure est arrivée d’être prêts à entendre son appel. Rendons beau le vêtement de notre cœur pour ne pas être indignes en sa présence. Ceignons-nous de force, car l’heure du Christ est l’heure de l’épreuve. Purifions-nous comme des hosties pour l’autel, pour pouvoir être accueillis par Celui qui l’envoie. Que celui qui est bon devienne meilleur. Que celui qui est orgueilleux devienne humble. Que celui qui souffre de la volupté se dépouille de sa chair pour pouvoir suivre l’Agneau. Que l’avare devienne généreux, car Dieu nous comble dans son Messie, et que chacun pratique la justice afin de pouvoir appartenir au Peuple du Béni qui vient. ” Maintenant je parle devant lui, devant ceux qui croient en lui et aussi devant ceux qui ne croient pas et qui se moquent du Saint et de ceux qui parlent et croient en son nom, et en lui. Mais je n’ai pas peur. Vous prétendez que je suis folle, vous assurez qu’un démon parle en moi. Je suis consciente que vous pourriez me faire lapider comme blasphématrice. Je sais que ce que je vous dirai vous paraîtra insulte et blasphème, et que vous allez me haïr. Mais je n’ai pas peur. Je suis peut-être la dernière des voix qui parlent de lui avant sa manifestation, et il est possible que je connaisse le sort de plusieurs autres voix. Mais je ne crains rien. Trop long est l’exil dans le froid et la solitude de la terre, pour qui pense au sein d’Abraham, et, plus saint que le sein d’Abraham, au Royaume de Dieu que le Christ nous ouvre.

Sabéa de Carmel, de la descendance d’Aaron, ne redoute pas la mort, mais elle craint le Seigneur. Elle s’exprime quand il le lui demande pour ne pas désobéir à sa volonté, et elle dit la vérité, car elle parle de Dieu dans les termes que Dieu lui donne. Je ne redoute pas la mort, même si vous m’appelez démon et me lapidez comme blasphématrice ; même si mon père, ma mère et mes frères meurent à cause de ce déshonneur, je ne tremblerai pas de peur et de peine. Je sais que le démon n’est pas en moi, car en moi tout foyer mauvais fait silence, et Betléchi tout entière le sait. Je sais que les pierres ne pourront arrêter mon chant plus longtemps que la durée d’une respiration, et qu’ensuite, je pourrai chanter plus librement au-delà de la terre. Je sais que Dieu réconfortera la douleur de ceux de mon sang, et elle sera courte, alors qu’éternel sera ensuite leur joie de parents, martyrs d’une martyre. Je ne crains pas votre mort, mais celle qui me viendrait de Dieu si je n’obéissais pas. Et je parle. Je dis ce qui m’est transmis. O peuple, écoute, et écoutez, vous tous, scribes d’Israël. »

Elle élève de nouveau sa voix affligée :

525.10

« Une voix, une voix me vient d’en haut et elle crie dans mon cœur. Elle dit : “ L’ancien Peuple de Dieu ne peut chanter le nouveau cantique parce qu’il n’aime pas son Sauveur. Ceux qui chanteront le cantique nouveau sont ceux de toutes les nations qui seront sauvés, ceux du Peuple nouveau du Christ Seigneur, non pas ceux qui haïssent mon Verbe ”… Horreur ! (elle pousse réellement un cri qui donne le frisson). La voix donne la lumière ; la lumière donne la vue ! Horreur ! Je vois ! »

Elle hurle, plutôt qu’elle ne crie. Elle se tord comme si elle était retenue de force devant un spectacle redoutable qui lui torture le cœur et qu’elle cherchait à y mettre fin par la fuite. Le manteau glisse de ses épaules, et elle reste dans son vêtement blanc contre le grand tronc noir. Dans la lumière qui baisse lentement dans le reflet vert du bois, et dans celui, rougeâtre, de la flamme qui danse, son visage prend un aspect fortement tragique. Des ombres se dessinent sous ses yeux, autour des narines, au-dessous des lèvres. On dirait un visage creusé par la douleur. Elle se tord les mains en répétant plus doucement : “ Je vois ! Je vois ! ”, et elle boit ses larmes en poursuivant :

« Je vois les crimes de mon peuple, et je suis impuissante à les arrêter. Je vois le cœur de mes compatriotes et je ne puis le changer. Horreur ! Horreur ! Satan a quitté son séjour et il est venu demeurer dans leur cœur.

– Fais-la taire ! ordonnent les scribes à Jésus.

– Vous avez promis de la laisser parler… » répond Jésus.

La femme continue :

« Visage contre terre, dans la boue, ô Israël qui sais encore aimer le Seigneur, couvre-toi de cendres, revêts le cilice. Pour toi ! Pour eux ! Jérusalem ! Jérusalem, sauve-toi ! Je vois une ville qui entre en tumulte pour demander un crime. J’entends les cris de haine de ceux qui appellent un sang sur eux. Je vois qu’on élève la Victime dans la Pâque de sang et ce sang couler, ce sang qui crie plus fort que le sang d’Abel, tandis que les cieux s’ouvrent, que la terre tremble et que le soleil s’obscurcit. Et ce sang ne crie pas vengeance, mais demande pitié pour son peuple assassin, pitié pour nous ! Jérusalem !!! Convertis-toi ! Tout ce sang ! Ce sang ! C’est un fleuve, un fleuve qui lave le monde en guérissant tout mal, en effaçant toute faute… Mais pour nous, pour nous le peuple d’Israël, ce sang c’est du feu, pour nous c’est le scalpel qui écrit sur les fils de Jacob le nom de déicide et la malédiction de Dieu. Jérusalem ! Aie pitié de toi-même et de nous !…

525.11

– Mais fais-la taire, nous te l’ordonnons ! hurlent les scribes, tandis que la femme sanglote en se couvrant le visage.

– Je ne puis imposer à la vérité de se taire.

– La vérité ! La vérité ! C’est une folle en délire ! Quel Maître es-tu si tu prends pour vérité les paroles d’une femme qui divague ?

– Quel Messie es-tu si tu ne sais pas faire taire une femme ?

– Et quel prophète es-tu si tu ne sais pas mettre en fuite le démon ? Et pourtant, d’autres fois, tu l’as fait !

– Il l’a fait, oui. Mais maintenant cela ne lui convient pas. C’est un jeu bien combiné pour effrayer les foules !

– Et j’aurais choisi cette heure, ce lieu et cette poignée d’hommes pour cela, alors que cela m’était possible à Jéricho, lorsque j’avais plus de cinq mille personnes qui me suivaient et m’entouraient plusieurs fois, quand l’enceinte du Temple était trop petite pour accueillir tous ceux qui voulaient m’entendre ? Le démon peut-il donc parler avec sagesse ? Qui de vous, en conscience, peut dire qu’une parole erronée est sortie de ces lèvres ? Ne résonnent-elles pas sur ses lèvres, avec une voix de femme, les terribles paroles des prophètes ? N’entendez-vous pas le hurlement de Jérémie, les pleurs d’Isaïe et des autres prophètes ? N’entendez-vous pas la voix de Dieu à travers la créature, la voix qui cherche à se faire accueillir pour votre bien ? Moi, vous ne m’écoutez pas. Je parle, vous pouvez le penser, en ma faveur. Mais elle, qui m’est inconnue, quelle faveur espère-t-elle de ces paroles ? Qu’obtiendra-t-elle sinon votre mépris, vos menaces, peut-être votre vengeance ? Non, je ne lui impose pas silence ! Et même, pour que ces quelques personnes l’entendent, et pour que vous aussi vous l’entendiez et puissiez vous repentir, je lui ordonne : “ Parle ! Parle, je te le dis, au nom du Seigneur ! ” »

Maintenant, c’est Jésus qui en impose, c’est le Christ puissant des heures de miracle, aux grands yeux magnétiques dans leur splendeur d’étoile bleue, que la flamme d’un brasier, allumé entre la femme et lui, avive encore.

La femme, au contraire, accablée par la douleur, est moins royale et elle reste, la tête inclinée, le visage voilé par ses mains et par ses cheveux noirs qui se sont défaits et retombent sur ses épaules et en avant, comme un voile de deuil sur son vêtement blanc.

« Parle, je te le répète. Tes paroles douloureuses ne restent pas sans fruit. Sabéa, de la race d’Aaron, parle ! »

525.12

La femme obéit. Mais elle murmure, de sorte que tous se serrent plus près pour mieux l’entendre. Elle semble s’adresser à elle-même, en regardant vers le fleuve qui coule à sa droite, ses eaux bruissant sous le reflet des dernières lueurs du jour. On dirait qu’elle parle au fleuve :

« O Jourdain, fleuve sacré de nos pères, à l’onde céruléenne et sinueuse comme une soie de prix, qui reflètes les pures étoiles et la lune candide, et caresses les saules de tes rives, tu es le fleuve de paix, et pourtant tu connais bien des souffrances. O Jourdain qui, aux heures de tempête, transportes sur tes eaux gonflées et troubles les sables de mille torrents et ce qu’ils ont arraché, et parfois déracines un tendre arbuste sur lequel il y a un nid pour le transporter en tourbillonnant vers l’abîme mortel de la Mer Salée, tu n’as pas pitié du couple d’oiseaux qui suivent en volant et en criant de douleur leur refuge détruit par ta violence ; tu verras de même, ô Jourdain sacré, le peuple qui n’a pas voulu le Messie frappé par la colère divine, arraché aux maisons et à l’autel, et aller à sa ruine pour périr dans une mort plus grande.

525.13

Mon peuple, sauve-toi ! Crois en ton Seigneur ! Suis ton Messie ! Reconnais-le pour ce qu’il est : non pas un roi de peuples et d’armées, mais le Roi des âmes, de tes âmes, de toutes les âmes. Il est descendu rassembler les âmes justes, il remontera les conduire au Royaume éternel. Vous qui pouvez encore aimer, serrez-vous contre le Saint ! Vous qui avez à cœur le sort de votre patrie, unissez-vous au Sauveur. Que ne meure pas tout entière la descendance d’Abraham ! Fuyez les faux prophètes à la bouche mensongère et au cœur voleur qui veulent vous arracher au salut. Sortez des ténèbres qui s’élèvent autour de vous. Ecoutez la voix de Dieu ! Il n’y a qu’un seul Vivant. Les grands que vous craignez aujourd’hui, sont déjà poussière dans le décret de Dieu. Les lieux où ils règnent et d’où ils oppriment sont déjà des ruines. Un seul dure. Jérusalem ! Où sont les fiers fils de Sion dont tu te vantes ? Où sont les rabbis et les prêtres, qui étaient ton ornement et en qui tu te complaisais ? Regarde-les ! Accablés, enchaînés, ils partent en exil, à travers les ruines de tes palais, la puanteur de ceux qui sont morts par l’épée ou la faim. La colère de Dieu est sur toi, ô Jérusalem qui repousses ton Messie et le frappes au visage et au cœur. Toute beauté est détruite en toi. Toute espérance est morte pour toi. Le Temple et l’autel sont profanés…

– Fais-la taire ! Elle blasphème ! Nous te demandons de lui imposer silence !

– … l’éphod est arraché. Il ne sert plus…

– Tu es coupable si tu ne lui cloues pas la bouche !

– … car il ne règne plus. Il y en a un autre, un grand-prêtre éternel, qui, lui, est saint et envoyé par Dieu : Roi et Prêtre pour l’éternité, par Celui qui prend comme siennes les offenses faites au Christ et en demande vengeance. Cet autre grand-prêtre est le vrai, le Saint, oint par Dieu et par son sacrifice, à la place de ceux sur le front desquels la tiare est un déshonneur, car elle couvre des pensées d’horreur !…

– Tais-toi, maudite ! Tais-toi, ou nous te frappons ! »

Les scribes la malmènent rudement, mais elle semble ne rien sentir.

525.14

Le peuple proteste violemment ;

« Laissez-la s’exprimer, vous qui parlez tant. Elle dit la vérité. C’est ainsi : il n’y a plus de sainteté parmi vous. Un seul est le Saint, et vous le tourmentez. »

Les scribes jugent plus prudent de se taire, et la femme poursuit de sa voix lasse et dolente :

« Il était venu t’apporter la paix, et tu lui as fait la guerre… Le salut, et tu l’as méprisé… L’amour, et tu l’as haï… Le miracle, et tu l’as traité de démon… Ses mains ont guéri tes malades, et tu les as transpercées. Il t’apportait la lumière, et tu as couvert de crachats et d’ordure son visage. Il t’apportait la vie, et tu lui as donné la mort. Israël, pleure ton erreur et ne t’en prends pas au Seigneur alors que tu pars vers ton exil, un exil qui n’aura pas de fin comme ceux d’autrefois. Tu parcourras toute la terre, Israël, mais comme un peuple vaincu et maudit, poursuivi par la voix de Dieu et par les mêmes paroles qui furent dites à Caïn. Et tu ne pourras pas revenir ici te reconstruire un nid solide, sinon quand tu reconnaîtras avec les autres peuples qu’il est, lui, Jésus, le Christ, le Seigneur Fils du Seigneur… »

La voix de la femme est blanche de peine et de fatigue, lasse comme la voix d’un agonisant. Mais elle ne se tait pas encore, au contraire, elle se ranime pour un dernier commandement :

« A terre, peuple qui sais encore aimer ! Couvre-toi de cendre, revêts-toi d’un cilice. La fureur de Dieu est suspendue sur nous comme un nuage chargé de grêle et d’éclairs au-dessus d’un champ maudit. »

La femme tombe à genoux, les bras tendus vers Jésus, et s’écrie :

« Paix, paix, ô Roi de justice et de paix ! Paix, ô Adonaï grand et puissant, auquel le Père lui-même ne résiste pas ! Implore pour nous la paix, par ton nom, ô Jésus, Sauveur et Messie, Rédempteur et Roi, et Dieu, trois fois saint ! »

Puis elle s’abat, secouée par des sanglots, le visage sur l’herbe.

525.15

Les scribes entourent Jésus, en le tirant à part et ils éloignent toute autre personne par des paroles et des regards menaçants. L’un d’eux déclare :

« Le moins que tu puisses faire, c’est de la guérir. Car, si tu veux vraiment soutenir qu’elle n’a pas de démon, tu ne peux nier qu’elle est malade. Ces femmes !… Et des femmes sacrifiées par le destin… Leur vitalité doit bien s’épancher quelque part… elles divaguent… elles voient des choses irréelles… et surtout elles te voient, toi qui es jeune et beau… et…

– Tais-toi, bouche de vipère ! Toi-même, tu ne crois pas ce que tu dis, s’emporte Jésus d’un ton impérieux qui rend muet le scribe maigre, au gros nez qui, au commencement, avait raillé la femme comme fausse prophétesse.

– N’offensons pas le Maître. Nous l’avons choisi comme juge d’un cas que nous n’arrivions pas à trancher… » intervient un autre scribe.

C’est celui qui était allé à la rencontre de Jésus sur la route avec les autres, pour lui dire que tous les scribes ne lui sont pas opposés, mais que certains l’observent pour discerner, avec une volonté sincère de le suivre s’ils jugent qu’il est bien Dieu.

« Tais-toi donc, Joël, dit Alamot, fils d’Abia ! Seul un avorton comme toi peut parler de la sorte ! » lui lancent méchamment les autres.

Le scribe devient congestionné sous l’insulte, mais il se domine et répond avec dignité :

« Si la nature n’a pas favorisé ma personne, cela n’a pas amputé mon cerveau. Au contraire, en m’enlevant beaucoup de plaisirs, elle a fait de moi un homme sage. Si vous étiez saints, vous n’humilieriez pas l’homme, mais vous respecteriez le sage.

– Bien ! Parlons de ce qui nous préoccupe. Tu as le devoir de la guérir, Maître, car dans son délire, elle épouvante les gens et offense le sacerdoce, les pharisiens et nous.

– Si elle vous avait loués, m’imposeriez-vous de la guérir ? demande doucement Jésus.

– Non. Car cela inciterait les gens à nous respecter, ce peuple capricieux qui nous hait en son cœur et nous méprise quand il le peut, répond un scribe sans s’apercevoir qu’il tombe dans le piège.

– Mais ne serait-elle pas encore une malade ? N’aurais-je pas le devoir de la guérir ? » questionne encore doucement Jésus.

On dirait un écolier qui demande à son maître ce qu’il doit faire. Mais les scribes, aveuglés par l’orgueil, ne comprennent pas qu’ils sont en train de se trahir…

« Dans ce cas, non. Au contraire ! La laisser, la laisser à son délire ! Faire tout ce qui est possible pour que les gens la croient prophétesse. L’honorer ! L’indiquer…

– Mais si ce n’était pas la vérité ?

– Oh ! Maître ! Une fois enlevé ce qu’elle dit contre nous, le reste serait très utile pour relever la fierté d’Israël contre les Romains, pour rabaisser l’orgueil du peuple envers nous !

– Mais on ne pourrait lui dire : “ Parle comme ceci, mais ne dis pas cela ”, dit fermement Jésus.

– Et pourquoi ?

– Parce que celui qui délire parle sans savoir ce qu’il dit.

– Oh ! avec de l’argent et quelques menaces… on obtiendrait tout. On contrôlait aussi les prophètes…

– Je ne suis pas au courant, en vérité…

– Hé ! c’est que tu ne sais pas lire entre les lignes et que tout n’a pas été couché par écrit.

– Mais l’esprit prophétique ne connaît pas d’influence extérieure, scribe. Il vient de Dieu, or Dieu ne s’achète pas et on ne l’effraie pas » déclare Jésus en changeant de ton.

C’est le commencement de sa contre-attaque.

« Mais elle, ce n’est pas une prophétesse.

525.16

Ce n’est plus le temps des prophètes.

– Ce n’est plus le temps des prophètes ? Pourquoi donc ?

– Parce que nous ne les méritons pas. Nous sommes trop corrompus.

– Vraiment ? Et c’est toi qui dis cela ? Toi qui tout à l’heure la jugeais digne de châtiment parce qu’elle tenait les mêmes propos? »

Le scribe est désorienté. Un autre vient à son secours :

« Le temps des prophètes a fini avec Jean. Ils ne sont plus utiles.

– Et pourquoi donc ?

– Parce que tu es là pour rappeler la Loi et parler de Dieu.

– Même au temps des prophètes, il y avait la Loi, et la Sagesse parlait de Dieu ; ils existaient pourtant.

– Mais que prophétisaient-ils ? Ta venue. Tu es venu. Ils ne servent plus à rien.

– Des centaines de fois vous, les prêtres et les pharisiens, m’avez interrogé pour savoir si j’étais ou non le Christ ; et parce que je l’affirmais, j’ai été traité de blasphémateur et de fou, et on a même pris des pierres pour me les lancer. N’es-tu pas, Sadoq, appelé le scribe d’or ? dit Jésus, en montrant le scribe au gros nez, qui a maltraité la femme après avoir essayé de la tromper.

– C’est vrai. Eh bien ?

– Eh bien, c’est toi, précisément, qui as été le premier, à Giscala comme au Temple, à déclencher la violence contre moi. Mais je te pardonne. Je te rappelle seulement que tu le faisais en prétendant que je ne pouvais être le Christ, alors que maintenant tu soutiens le contraire. Et je te rappelle aussi le défi que je t’ai lancé à Cédès[5]. D’ici peu, tu verras s’en accomplir une partie. Quand la lune sera revenue à la phase où maintenant elle brille dans le ciel, je t’en donnerai la preuve, la première. Tu auras l’autre quand le grain, qui actuellement dort en terre, agitera ses épis encore verts au vent de Nisan.

525.17

Mais à ceux qui prétendent que les prophètes sont inutiles, je réponds : “ Qui donc pourrait imposer des limites au Très-Haut ? ” En vérité, en vérité je vous dis qu’il y aura toujours des prophètes tant qu’il y aura des hommes. Ce sont des flambeaux au milieu des ténèbres du monde. Ce sont des brasiers au milieu de la glace du monde. C’est le son des trompettes qui réveillent les endormis. Ce sont les voix qui rappellent Dieu et ses vérités tombées dans l’oubli et négligées avec le temps, et qui portent à l’homme la voix directe de Dieu, en suscitant des frémissements d’émotion chez les oublieux, les apathiques fils de l’homme. Ils porteront d’autres noms, mais une pareille mission et un même sort d’humaine douleur et de joie surnaturelle. Malheur, s’il n’y avait pas ces âmes que le monde haïra et que Dieu aimera avec prédilection ! Malheur, s’il n’y en avait pas pour souffrir et pardonner, aimer et travailler dans l’obéissance au Seigneur ! Le monde périrait au milieu des ténèbres, du froid, d’une torpeur mortelle, d’une hébétude, d’une ignorance sauvage et abrutissante. C’est pourquoi Dieu en suscitera, et il y en aura toujours. D’ailleurs, qui pourrait imposer à Dieu de ne pas le faire ? Toi, Sadoq ? ou toi ? ou toi ? En vérité, je vous dis que même les esprits d’Abraham, de Jacob et de Moïse, d’Elie et d’Elisée, ne pourraient imposer à Dieu ces limites, or Dieu seul sait combien ils étaient saints et quelles lumières éternelles ils sont.

– Alors, tu ne veux pas guérir la femme, ni la condamner ?

– Non.

– Et tu l’estimes prophétesse ?

– Inspirée, oui.

– Tu es un démon, comme elle. Partons. Il ne convient pas de perdre notre temps avec des démons » dit Sadoq, en bousculant le Christ comme un rustre, pour l’écarter.

Un grand nombre le suivent. Certains restent, dont celui qu’ils ont appelé Joël Alamot.

« Et vous, vous ne les suivez pas ? demande Jésus en montrant ceux qui s’en vont.

– Non, Maître. Nous allons partir parce qu’il fait nuit, mais nous voulons te dire que nous croyons en ton jugement. Dieu peut tout, c’est vrai, et pour nous qui tombons dans des fautes nombreuses, il peut susciter des âmes qui nous rappellent à la justice, dit l’un d’eux, très âgé.

– Tu as raison. Et l’humilité que tu montres est, aux yeux de Dieu, plus grande que ton savoir.

– Alors, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

– Oui, Jacob.

– Comment sais-tu mon nom ? »

Jésus sourit sans répondre.

« Maître, souviens-toi aussi de nous » disent les trois autres.

Et le dernier à parler, Joël Alamot, ajoute :

« Et bénissons le Seigneur qui nous a accordé ce moment.

– Bénissons le Seigneur ! » répond Jésus.

Ils se saluent et se séparent.

525.18

Jésus se réunit à ses apôtres et se rend en leur compagnie près de la femme, qui a repris sa position initiale : ramassée sur elle-même sur la racine qui fait saillie.

Son père et sa mère demandent avec angoisse au Maître :

« Notre fille est-elle donc un démon? C’est ce qu’ils ont dit avant de s’en aller.

– Non, elle ne l’est pas. Soyez en paix, et aimez-la, car son sort est très douloureux, comme tous les sorts semblables au sien.

– Mais ils ont dit que tu avais jugé de la sorte…

– Ils ont menti. Moi, je ne mens pas. Soyez en paix. »

Jean d’Ephèse s’avance avec Salomon et les autres disciples :

« Maître, je veux t’informer que Sadoq les a menacés.

– Eux ou elle ?

– Eux et elle. N’est-ce pas, vous deux ?

– Oui. Ils nous ont dit, à sa mère et à moi, que si nous ne savons pas faire taire notre fille, malheur à nous. Et ils ont menacé Sabéa : “ Si tu parles, nous te dénoncerons au Sanhédrin. ” Nous prévoyons de mauvais jours pour nous !… Mais notre cœur est en paix grâce à ce que tu nous as dit… et nous supporterons le reste. Mais pour elle… Que devons nous faire ? Conseille-nous, Seigneur. »

Jésus réfléchit, puis répond:

« N’avez-vous pas des parents loin de Betléchi ?

– Non, Maître. »

Après un nouveau temps de réflexion, Jésus lève la tête et regarde Joseph, Jean d’Ephèse et Philippe d’Arbel. Il ordonne :

« Vous vous mettrez en voyage avec eux puis, de Betléchi, avec elle et son trousseau, vous vous rendrez à Aéra. Vous direz à la mère de Timon de la garder en mon nom. Elle sait ce qu’est avoir un fils persécuté.

– Nous allons faire cela, Seigneur. C’est une bonne décision. Aéra est éloignée et hors de leur atteinte » disent-ils tous trois.

Le père et la mère de Sabéa baisent les mains du Maître, le remercient et le bénissent.

Jésus se penche sur la femme, touche sa tête voilée pour l’appeler doucement :

« Sabéa, écoute-moi ! »

La femme lève la tête et le regarde, puis glisse à genoux.

Jésus lui pose la main sur la tête :

« Ecoute, Sabéa. Tu vas aller là où je t’envoie, auprès d’une mère. J’aurais voulu t’envoyer chez la mienne, mais cela ne m’est pas possible. Continue à servir le Seigneur dans la justice et l’obéissance. Je te bénis, femme. Va en paix.

– Oui, mon Seigneur, et mon Dieu. Mais quand je devrai parler, le pourrai-je ?…

– L’Esprit qui t’aime te guidera suivant le moment. Ne doute pas de son amour. Sois humble, chaste, simple et sincère, et lui ne t’abandonnera pas. Va en paix ! »

525.19

Il se réunit de nouveau aux apôtres et à Zachée avec les siens qui s’étaient arrêtés à quelques pas, pour retenir aussi les autres curieux.

« Allons. Il fait nuit. Je ne sais pas comment vous allez faire pour retourner à Jéricho, vous qui devez y aller.

– C’est plutôt pour la femme et ses parents, disons. Mais, si tu le juges bon, nous resterons hors de la maison et, vous tous, vous pourrez y dormir jusqu’au matin, propose l’un des amis de Zachée.

– Bonne idée. Allez dire à Sabéa de venir avec ses parents et les disciples. Ils y dormiront. Moi, je resterai avec vous. Ce n’est pas une nuit venteuse. Nous ferons des feux et nous attendrons l’aube ainsi, moi en vous instruisant, vous en m’écoutant. »

Et, lentement, il se met en chemin à la première clarté de la lune…

525.1

The croft that feeds the heterogeneous group of Zacchaeus’ friends is a very poor one indeed, particularly now that the winter season does not certainly cheer up hearts. Yet they are fond of it and they are proud of showing it to Jesus. Three corn fields, ploughed and brown, the orchard with few fruitful trees and others too young for any hope of fruit, a few stunted rows of vines, a vegetable garden… a small stable with a little cow and a donkey for the water-wheel, an enclosure with a few hens and five pairs of doves, six sheep, a hovel with a kitchen and three rooms, a. shed used as wood-store, lumber-room and hay-loft, a well with a chipped rim and a cistern with muddy water. Nothing else…

«If the season is favourable…», «If the animals will litter…», «If the trees take root…» Everything is conditional… Very poor hopes…

But one of them remembers what he heard years before – of the wonderful crop Doras had because of a blessing given by the Master so that Doras might be humane to his peasants – and he says: «And if You blessed this place… Doras also was a sinner…»

«You are right. What I did, although I knew that it would not change his heart, I will do also for you, whose hearts have changed.» And He stretches out His arms to bless saying: «I will do that at once to convince you that I love you.»

Then they proceed on the road towards the river, along ploughed fields with dark fertile land, and orchards stripped by the season.

525.2

At a bend some scribes come forward. «Peace to You, Master.

We have been waiting for You here to venerate You…»

«No. To be sure that I work no fraud. You have done the right thing. You must be convinced that I have had no opportunity to see the woman or any of the people who are with her. You were on watch at Zacchaeus’ house and you saw that none of us came out. You preceded Me on the way and you saw that none of us went ahead of you. You are thinking of imposing terms on Me with regards to the meeting with that woman, and I tell you that I will accept them even before you mention them.»

«But… if You do not know them…»

«Is it not true that you do want to impose them?»

«It is true.»

«As I am aware of your intention, which is known only to you, I am also aware of what you will say to Me. And I tell you that I will accept what you intend to propose, because it will serve to give glory to the Truth. Speak up.»

«Do You know what the situation is?»

«I know that you consider her to be possessed, and that no exorciser has been able to expel the demon. And I know that she does not speak words worthy of a demon. That is what those who have heard her speak say.»

«Can You swear that You have never seen her?»

«A just man never swears, because he is entitled to have his word accepted. I tell you that I have never seen her and that I have never been to her village, and the whole village can confirm that.»

«And yet she maintains that she knows Your face and Your voice.»

«Her soul in fact knows Me by the will of God.»

«You say by the will of God. But how can You state that?»

«I have been told that she speaks inspired words.»

«The demon also speaks of God.»

«But mixing errors on purpose, to lead men astray with wrong thoughts.»

525.3

«Well… we would like You to allow us to put the woman to a test.»

«In what way?»

«Do You really not know her?» «I have told you that I do not.»

«Well then. We will send somebody ahead shouting: “Here is the Lord” and we shall see whether she greets him as if it were You.» «A poor test! But I agree. Pick those to be sent ahead, from My followers. I will follow you with the others. But if the woman speaks, you must let her speak, that I may judge her words.»

«That is fair. The agreement is made and we will keep it loyally.»

«Let it be so and may your hearts be touched.»

«Master, we are not all enemies. Some of us are in a position of expectation… sincerely anxious to see the truth and follow You» says a scribe.

«That is true. And they will still be loved by God.»

The scribes examine the apostles and are surprised at the absence of many, of the Iscariot in particular. They then choose Judas Thaddeus and John. They also take the young converted thief who is pale and thin and with hair verging to a reddish hue. In short, they take those who, because of their age and features, look like the Master.

«We will go on with them. You will remain here with Our compa­nions and Yours, and will follow us after some time.»

They do that.

525.4

The woods along the river are already in sight. The winter sun­shine at sunset gilds the tree-tops and spreads a bright yellow light on the people gathered near the trees.

«Here He is! Here is the Master! Get up! Come and meet Him!» shout the scribes who had gone ahead, deviating towards a path that ends against a huge oak, with mighty roots half uncovered, forming seats for those who take shelter near its trunk.

The people gathered there, turn around, stand up, open out and part to come and meet those who are arriving. Only three scribes remain near the trunk, with John of Ephesus, and an elderly man and woman, and another woman who is sitting on one of the pro­truding roots, her back to the trunk, her head bent on her knees which are embraced by her arms with clasped hands, all covered with such a deep violet veil, that it seems to be black. She seems indifferent to everything. She does not stir despite all the shouting.

A scribe touches her shoulder: «The Master is here, Sabea. Stand up and greet Him.»

The woman does not reply and does not move.

The three scribes look at one another and smile ironically, nod­ding meaningfully to the others who are coming forward. And as those who were waiting had become quiet, because they did not see Jesus, they begin to shout louder than ever with their ac­complices, so that the woman may not become aware of the deceit.

«Woman» says a scribe to the old mother who is with her daugh­ter «you, at least, ought to greet the Master, and tell your daughter to greet Him.»

The woman prostrates herself with her husband before Thaddeus and John and the repentant thief, then standing up, she says to her daughter: «Sabea, your Lord is here. Worship Him.»

The young woman does not stir.

The scribes smile more ironically, and one of them, a thin big-­nosed man, says in a nasal drawling voice: «You were not expecting this test, were you? And your heart is trembling. You realise that your fame of a prophetess is in danger and you are not prepared to tempt fate… I think that is enough to say that you are a liar…»

The woman raises her head all of a sudden. She throws her veil behind her head and looking with wide-open eyes she says: «I do not lie, scribe. And I am not afraid because I am in the truth. Where is the Lord?»

«What? You say that you know Him and you do not see Him? He is in front of you.»

«None of these is the Lord. That’s why I did not move. None of them.»

«None of them? What? Is that fair-haired Galilean not the Lord? I do not know Him, but I know that He is fair-haired and His eyes are sky-blue.»

«He is not the Lord.»

«Well, it is that other one, who is tall and severe looking. Look at His royal features. It’s certainly Him.»

«He is not the Lord. The Lord is not amongst them» and she lowers her head on her knees as before.

525.5

Some time passes. Then Jesus comes forward. The scribes have ordered the few people present to be silent. So his ar­rival is not given away by any hosanna. Jesus is coming forward between Peter and his cousin James. He is walking slowly… Silently… The thick grass deadens all shuffling of feet. While the old woman wipes her tears with her veil and a scribe offends her saying: «Your daughter is mad and a liar», and her father sighs and reproaches his daughter, Jesus arrives at the end of the path and He stops.

The young woman, who could not hear or see anything, jumps to her feet, throws back her veil, uncovering thus her head, stretches out her arms with a mighty cry: «Here is my Lord coming to me! This is the Messiah, o men, who want to deceive and humiliate me. I can see upon Him the light of God Who points Him out to me and I honour Him!» and she throws herself on the ground, remaining where she was, at about two metres from Jesus. With her face on the ground, on the grass, she shouts: «I greet You[1], o King of peoples, o Wonder, o Prince of Peace, Father of the century that has no end, Leader of the new people of God!» and she remains prostrated under her wide dark mantle, of a violet almost black shade like her veil.

But the moment she stood up against the black trunk – and after casting off her veil, she remained with her arms stretched for­ward like a statue – I noticed that under her mantle she wore a heavy woollen dress of a white-ivory shade, fastened at her neck and waist only by a cord. And above all I was able to admire her beauty of a middle-aged woman. She must be about thirty years old. And generally speaking, thirty years in Palestine are equivalent to at least forty of our years; if Our Lady is an excep­tion to this rule, other women reach maturity early, particularly those of dark complexion and hair and buxom like this one. She is the classical type of a Jewish woman. I think that Rachel, Ruth and Judith, who were famous for their beauty, must have been like her. Tall, buxom yet slender, with smooth skin of a pale brown hue, a small mouth and lips lightly tumid and deeply red, a straight long thin nose, deep dark velvet-like eyes under an arch of long thick eyebrows, a high smooth regal forehead, a rather long oval-shaped face and ebony hair as wonderful as an onyx wreath. Not a jewel, but a statuesque body and the majesty of a queen.

525.6

She is now getting up pushing her hands, which are long, brown, beautiful, joined to her arms by thin wrists. She is now on her feet, standing against the dark trunk. She now looks at the Master in silence, and shakes her head because the scribes say to her: «You are wrong, Sabea. He is not the Messiah, but it is the one you saw previously without recognising him.» She shakes her head decidedly and severely, without taking her eyes off the Lord. Then her face becomes transfigured into an expression that I cannot say whether it is of intense joy or ecstatic drowsiness. It looks like both, because she grows pale like one who is about to faint, while all her life seems to concentrate on her eyes which become bright with a light of joy, of triumph, of love… I do not know. Are those eyes smiling? No, they are not, as her severe lips are not smiling. And yet a light of joy shines in them and they acquire a greater and greater power of intensity, that is striking.

Jesus looks at her with his meek somewhat sad eyes. «Don’t You see that she is mad?» a scribe whispers to Him. Jesus does not re­ply. With His left hand hanging down His side, His right one holding His mantle on His chest, He looks and is silent.

And the woman opens her mouth and stretches her arms as she did previously. She looks like a huge butterfly with violet wings and a body of ancient ivory. And a new cry is uttered by her lips: «O Adonai, You are great! You alone are great, O Adonai! You are great in Heaven and on the Earth, in time and in ages, and beyond Time, from time immemorial and forever, a Lord, Son of the Lord. Your enemies are under Your feet and Your throne is supported by the love of those who love You.»

Her voice becomes steadier and steadier and louder and louder while her eyes are taken off Jesus’ face and they look at a point in the distance, a little above the heads of those who are paying at­tention around her and whom she dominates without difficulty, standing straight against the trunk of the oak, which is on a rising of the ground like a low bank.

After a pause she resumes speaking: «The throne of my Lord is adorned[2] with the twelve stones of the twelve tribes of the just. In the great pearl that is the throne, the white precious bright throne of the Most Holy Lamb, there are mounted topazes with amethysts, emeralds with sapphires, rubies with sardonyxes, and agates and chrysolites and beryls, onyxes, jaspers, opals. Those who believe, those who hope, those who love, those who repent, those who live and die in justice, those who suffer, those who leave error for the Truth, those who were hard-hearted and have become meek in His Name, the innocent, the repentant, those who divest themselves of everything to be agile in following the Lord, the virgins whose spirits shine with a light like the dawn of the Heaven of God… Glory to the Lord! Glory to Adonai! Glory to the King sitting on His throne!»

Her voice is a sharp sound. The people quiver with emotion. The woman seems to be really seeing what she says, as if the golden cloud sailing in the clear sky and which she seems to be following with her enraptured eyes, were a lens with which she saw the heavenly glories.

525.7

She rests as if she were tired but without changing attitude. Only her face becomes more transfigured as it grows paler and her eyes shine more brightly. She resumes speaking lowering her eyes on Jesus Who is listening to her attentively among a group of scribes who shake their heads sceptically and scornfully, and among His apostles and followers who are pale with holy emotion. She resumes speaking in a clear but lower voice: «I see! I see in the Man what is concealed in the Man. Holy is the Man, but my knee bends before the Holy of Holies enclosed in the Man.»

Her voice becomes loud again and imperious like a command: «Look at your King, o people of God! Become acquainted with His Face! The Beauty of God is before you! The Wisdom of God has taken a mouth to teach you. It is no longer the prophets, o people of Israel, who speak to you of the Unnamable One. It is He Himself. He, Who knows the mystery that is God, speaks to you of God. He Who knows the thought of God Who presses you to His bosom, o people who are still a baby after so many centuries, and nourishes you with the milk of God’s Wisdom to make you an adult in God. To do that He has become incarnate in a womb. In the womb of an Israelite woman, greater in the eyes of God and of men than any other woman. She stole the heart of God with one only of Her throbs of a dove. The beauty of Her spirit fascinated the Most High and of Her He made His throne. Miriam of Aaron sinned because sin was in her. Deborah decided what was to be done, but she did not act with her own hands. Jael was strong, but she soiled her hands with blood. Judith was just and she feared the Lord, and God was in her words and allowed her the deed that Israel might be saved, but for the love of her country she made use of murderous cunning. But the Woman Who generated Him exceeds those women because She is the perfect Maid of God and serves Him without sinning. Entirely pure, innocent and beautiful, She is the beautiful Star of God, from its rising to its setting. Entirely beautiful, shining and pure to be Star and Moon, Light to men to find God. She does not precede and does not follow the holy Ark as Miriam of Aaron did, because She is the Ark Herself. On the mud­dy water of the Earth covered with the flood of sins, She sails and saves, because those who enter in Her find the Lord. Spotless dove She goes out and brings the olive-branch[3], the branch of peace to men, because She is the beautiful Olive-tree. She is silent and in Her silence She speaks and acts more than Deborah, Jael and Judith and She does not advise to fight, She does not urge to slaughter, She sheds no blood but Her own most chosen blood, with which She made Her Son. Unhappy Mother! Sublime Mother!… Judith feared the Lord, but her flower had belonged to a man. This Woman gave Her inviolate flower to the Most High, and the Fire of God descended into the calyx of the sweet lily and the womb of woman contained and carried the Power, the Wisdom and the Love of God. Glory to the Woman! Sing, O women of Israel, Her praises!»

525.8

The woman becomes silent as if her voice were exhausted. In fact I do not know how she can hold such a strong timbre.

The scribes say: «She is mad! She is mad! Make her keep quiet. She is either mad or possessed. Order the spirit possessing her to go away.»

«I cannot. There no spirit in her but God’s, and God does not eject Himself.»

«You are not doing it because she praises You and your Mother and that tickles your pride.»

«Scribe, meditate on what you know about Me and you will see that I know no pride.»

«And yet only a demon can speak in her to sing the praises of a woman thus!… A woman! And what is woman in Israel and for Israel? What, but sin in the eyes of God? The seduced and seducer! If it were not part of our faith, one could hardly believe that woman has a soul. She is forbidden to go close to the Holy because of her uncleanliness. And this woman says that God descended in­to Her!…» says another scandalised scribe and his accomplices aid and abet him.

Jesus says, without looking at anybody in the face, He seems to be speaking to Himself: «“The Woman will crush the head of the Serpent… The Virgin will conceive and give birth to a Son Who will be called Immanuel.” A shoot will spring from the stock of Jesse, a flower will come up from this root and the Spirit of the Lord will rest on Him”. That Woman. My Mother. Scribe, out of respect for your knowledge, remember and understand the words[4] of the Book.»

The scribes do not know what to reply. They have read those words thousands of times and said that they were true. Can they now deny it? They keep quiet.

525.9

One gives instructions to light some fires as it is getting cold near the banks of the river where the evening wind is blowing. The order is obeyed and bonfires of sticks blaze in a circle around the people who have grouped together.

The dancing light of the fire seems to rouse the woman who had become silent with her eyes closed deeply absorbed in herself. She opens her eyes and stirs herself. She looks at Jesus again and shouts once more: «Adonai! Adonai! You are great! Let us sing a new hymn to the Divine One! Shalom! Shalom! Malchich!!… (I am spelling it thus, but the “h” is aspirated almost like a “c” as pro­nounced by people in Tuscany). Peace! Peace! O King Whom nothing can resist!…»

Then she becomes silent all of a sudden. She looks around, for the first time since she began to speak, at those surrounding Jesus, and she stares at the scribes as if it were the first time she saw them, and without any apparent reason tears well up in her large eyes and her face becomes sad and dull. She speaks slowly now and in a deep voice like one relating sorrowful things: «No. There is who resists You! O people, listen! After my grief, o people of Bethlechi, you have heard me speak. After years of silence and grief I heard and I said what I had heard. Now I am no longer in the green woods of Bethlechi, a virgin widow who finds her only peace in the Lord. I have not around me only my fellow-citizens to say to them: “Let us fear the Lord because the hour has come when we must be ready for His call. Let us clothe our hearts with beautiful garments in order not to be unworthy of being in His presence. Let us gird ourselves with strength because the hour of the Christ is an hour of trial. Let us purify ourselves like victims for the altar, so that we may be received by Him who sends the Christ. Let those who are good become better. Let those who are proud become humble. Let thus who suffer from lust divest themselves of their flesh to be able to follow the Lamb. Let the miser become a benefactor because God assists us through His Messiah, and let everybody practise justice in order to belong to the people of the Blessed One Who is coming”. Now I am speaking before Him and before those who believe in Him, and also before those who do not believe and scoff at the Holy One and at those who speak and believe in His Name and in Him. But I am not afraid. You say that I am mad, you say that a demon speaks in me. I am aware that you could have me stoned as a blasphemer. I know that what I am going to tell you will sound like an insult and blasphemy, and that you will hate me. But I am not afraid. Being perhaps the last of the voices that speak of Him before His Manifestation, I may follow the lot of many more voices, and I am not afraid. The exile in the cold and solitude of the Earth is too long for those who think of the bosom of Abraham, of the Kingdom of God that the Christ opens to us and is holier than the holy bosom of Abraham. Sabea of Carmel of the stock of Aaron is not afraid of death. But she fears the Lord. And she speaks when He makes her speak in order not to disobey His will. And she speaks the truth because she speaks of God with the words given to her by God. I do not fear death, even if you call me a demon and you have me stoned as a blasphemer, even if my father, mother and brothers should die because of such disgrace, I shall not tremble with fear or pain. I know that the demon is not in me, because all wicked incentives are inert in me, and the whole of Bethlechi knows that. I know that the interruption that stones may cause to my song will be shorter than a sigh, and afterwards more breath will be given to my song in the freedom beyond the Earth. I know that the grief of my kinsfolk will be comforted by God, and it will be short, whereas their joy of martyr relatives of a martyr will be eternal. I am not afraid of your death, but of that which would come to me from God, if I did not obey. And I speak. And I say what I have been told. O people, listen, and you too, o scribes of Israel, listen.»

525.10

She raises her sorrowful voice again and says: «A voice, a voice comes from high above and shouts in my heart. It says: “The an­cient People of God cannot sing the new hymn, because it does not love its Saviour. The new hymn will be sung by those saved in every country, those of the new People of the Christ Lord, not those who hate My Word”… Horror! (she really utters a cry that makes one shudder). The voice gives light, the light gives sight! Horror! I see!» Her shout is almost a howl. She writhes as if she were held firm before a dreadful sight torturing her heart, and she were trying to put an end to it by running away. Her mantle slips off her shoulders, and she is left in her white dress against the huge dark trunk. In the light fading slowly in the reflected green of the wood and in the reddish dancing reflection of the flames, her face becomes tremendously tragic. Shadows appear under her eyes, around her nostrils, under her lip. It seems a face disfigured by grief. She wrings her hands repeating in a lower voice: «I see! I see!» and she drinks her tears while she continues: «I see the crimes of these people of mine: And I am powerless to stop them. I see the hearts of my fellow-citizens and I am unable to change them. Hor­ror! Horror! Satan has left his place and has come to dwell in these hearts.»

«Make her keep quiet» the scribes order Jesus.

«You promised to let her speak…» replies Jesus.

The woman continues: «Your face on the ground, in the mud, o Israel, who still know how to love the Lord. Cover yourself with ashes, wrap yourself in sackcloth. For yourself! For them! Jerusalem! Jerusalem! Save yourself! I can see a town rioting and requesting a crime. I hear, I can hear the shouts of those who with hatred invoke blood upon themselves. I can see the Victim being raised in the Passover of Blood and I can see that Blood flowing, and I can hear that Blood cry louder than the blood of Abel, while heaven opens and the earth quakes and the sun grows dark. And that Blood does not cry out for vengeance, but it implores mercy on its murderous People and on us! Jerusalem!!! Be converted! That Blood! That Blood! A stream! A stream that washes the world cur­ing all evils, cancelling all sins… But for us, for us of Israel, that Blood is fire, for us it is a chisel that engraves the name of deicides and the curse of God on the sons of Jacob. Jerusalem! Have mercy on yourself and on us!…»

525.11

«Tell her to be quiet, it’s an order!» shout the scribes while the woman sobs covering her face.

«I cannot order the Truth to be quiet.»

«Truth! Truth! She is mad and she is raving! What kind of a Master are You, if You accept as true the words of a raving woman?»

«And what Messiah are You if You cannot make a woman be quiet?»

«And what Prophet are You if You cannot drive out a demon? And yet You have done it on other occasions!»

«Yes, He did. But it does not suit Him now. It is nothing but a well planned trick to frighten the crowd!»

«And I would have chosen this moment, this place and this hand­ful of men to do it, when I could have done it in Jericho when I had over five thousand people who followed and surrounded Me several times, when the enclosure of the Temple was too small to contain all those who wanted to hear Me? And can the demon speak words of wisdom? Which of you can honestly say that one er­ror has come out of her lips? Are the dreadful words of the proph­ets not resounding on her lips, in her womanly voice? Do you not hear the howl of Jeremiah and the weeping of Isaiah and of the other prophets? Do you not hear the voice of God spoken through a creature, the voice that strives to be accepted by you for your own good? You do not listen to Me. You may think that I speak in My own interest. But what profit does this woman, who is unknown to Me, hope to have from these words? What will she gain, except your contempt, your threats and perhaps your revenge? No, I will not order her to be silent! On the contrary, that these few people may hear her, and you also may hear her and mend your ways I say to her: “Speak! Speak up, I tell you, in the name of the Lord!”»

Jesus is now majestic, He is the powerful Christ of the moments of miracles, with His large magnetic eyes shining like blue stars, made even brighter by the flames of a bonfire which is burning between Him and the woman. The woman instead, overwhelmed by grief, is less regal looking, with her bead lowered, her face covered with her hands, and with her dark hair, which has become loose, falling over her shoulders and in front of her, like a mourn­ing veil over her white dress.

«Speak up, I tell you. Your sorrowful words are not fruitless. Sabea, of the stock of Aaron, speak up!»

525.12

The woman obeys. But she speaks in a low voice, in fact they all press closer to hear her better. She seems to be speaking to herself, looking towards the river that flows babbling on her right hand side, with the last gleams of the water in the fading light of the day. And she seems to be addressing the river: “O Jordan, sacred river of our fathers, your water is sky-blue and wavy like precious byssus, and you reflect the pure stars and the pale moon in it, and you caress the willows on your banks, and you are the river of peace and yet you know so much sorrow; o Jordan, in stormy times with your swollen agitated waves you carry the sand of a thousand torrents and at times you tear away a tender shrub on which there is a nest and you carry it away vortically towards the deadly abyss of the Salt Sea, and you have no mercy on the pair of birds, which screeching with pain fly following their nest, destroyed by your robbery; thus, o sacred Jordan, you will see the people, that did not want the Messiah, go towards its ruin, struck by divine wrath, torn away from their homes and from the altar, and perish on the greatest death.

525.13

My people, save yourselves! Believe in your Lord! Follow your Messiah! Recognise Him for what He is. Not the king of peoples and armies. He is the King of souls, of your souls, of all souls. He descended to gather the just souls, He will ascend again to lead them to the eternal Kingdom. O you, who are still able to love, press around the Holy One! O you, who have the destiny of our Fatherland at heart, join the Saviour! Let not all the offspring of Abraham die! Shun the false prophets who with lying mouths and rapacious hearts want to tear you away from Salvation. Come out of the darkness rising around you. Listen to the voice of God! In the decree of God, the mighty ones of whom you are now afraid, are already dust. One only is the Living Being. The places in which they reign and from which they oppress people, are already in ruin. One only is lasting. Jerusalem! Where are the proud sons of Zion of whom you boast? Where the rabbis and the priests with whom you adorn yourself and whom you regard with respect? Look at them! Oppressed, in chains, they are going towards their places of exile, among the ruins of your buildings, and among the dead bodies of those who were slaughtered or died of starvation. The fury of God is upon you, Jerusalem, who reject your Messiah and strike His face and heart. All your beauty has been destroyed. Every hope of yours is dead. The Temple and the altar are desecrated…»

«Make her be silent! She is blaspheming! Make her be quiet, we say.»

«… the ephod is torn. It is no longer of any use…»

«You are guilty if You do not command her to be silent!»

«…because he no longer reigns. There is another, an eternal Pon­tiff, and He is holy, and has been sent by God: King and Priest forever, sent by Him Who considers as given to Himself the offences given to the Christ and avenges them. Another Pontiff. The True Holy Pontiff, Anointed by God and by His Sacrifice, in the place of those on whose heads the tiara is a dishonour as it covers horrible thoughts!…»

«Be quiet, you cursed one! Be quiet or we will strike you!» and the scribes maltreat her rudely. But she does not appear to hear them.

525.14

The people set up a protest shouting: «Let her speak, since you speak so much. She is telling the truth. It is so. There is no more holiness among you. One only is Holy and you are vexing Him.»

The scribes deem it wise to be quiet, and the woman continues in her tired sorrowful voice: «He had come to bring you light. And you waged war against Him… Health. And you sneered at Him… Love. And you hated Him… Miracles. And you said He was a demon… His hands cured your sick people. And you pierced them. He brought you the Light. And you spat on His face and covered it with filth. He brought you Life. And you killed Him. Israel, grieve over your fault and do not curse the Lord, while you are going into the exile, that will not come to an end as the exiles of the past. You will roam all over the Earth, Israel, as a defeated cursed people, pursued by the voice of God with the same words spoken to Cain. And you will not be able to come back here and build a solid home, unless you acknowledge with the other peoples that this is Jesus, the Christ, the Lord Son of the Lord…» The woman’s voice is thin with pain and fatigue, as tired as the voice of one who is dying.

But she does not refrain from speaking, on the contrary, she takes courage again for a last command: «Lie down, people who do not yet know how to love. Roll in ashes, wrap yourself in sackcloth. The fury of God is hanging over us like a cloud laden with hailstones and lightning over a cursed field.»

The woman collapses on her knees, her arms stretched out towards Jesus, and she shouts: «Peace, peace, O King of justice and of peace! Peace, O great and mighty Adonai, Whom not even the Father resists! Implore peace for us, in Your Name, O Jesus, Saviour and Messiah, Redeemer and King, and God, three times holy!» and shaken by sobs, she falls to the ground with her face on the grass.

525.15

The scribes surround Jesus taking Him aside and turning away everybody else with threatening looks and words, and one of them says: «The least You can do is to cure her. Because if You insist on saying that she is free from a demon, You must admit that she is ill. Women!… And women sacrificed by fate… Their vitality must find relief somehow… and they digress… and they see unreal things… and above all they see You, Who are young and handsome… and…»

«Be quiet, you mouth of a snake! You do not believe yourself what you are saying» bursts out Jesus so authoritatively that He cuts short the words on the lips of the lean big-nosed scribe, who at the beginning of the incident had scoffed at the woman as a false prophetess.

«Let us not offend the Master. We appointed Him judge of a case on which we are unable to pass judgement…» says another scribe, the one who went with the others to meet Jesus on the road and told Him that not all the scribes are against Him, as some watch Him to form an opinion and to follow Him with a sincere will, if they consider Him to be God.

«Be quiet, Joel named Alamoth, son of Abijah! Only an ill-bred man like you can say such words» say the others angrily.

The scribe blushes at the insult. But he controls himself and he replies in a dignified manner: «If nature has been hostile to my person, that has not impaired my intellect. Nay, by precluding many pleasures from me, it made a man of wisdom of me. And if you were holy people you would not humiliate the man, but you would respect the sage.»

«Well! Let us talk of what matters to us. You must cure her, Master, because in her frenzy she frightens people and offends the priesthood, the Pharisees and us.»

«If she had praised you, would you ask Me to cure her?» Jesus asks kindly.

«No. Because it would serve to make people respectful to us, these capricious people who hate us in their hearts and sneer at us whenever they get a chance» replies one of the scribes without realising that he is falling into a trap.

«But would she still not be a sick person? Would I not have to cure her?» Jesus asks kindly again. He sounds like a schoolboy who is asking his teacher what he has to do. And the scribes, blinded by pride, do not realise that they are giving themselves away…

«In that case, no. On the contrary! She ought to be left in her fren­zy! And we should do everything in our power to make people believe that she is a prophetess. Honour her! Point her out…»

«But if it were not true?!…»

«Oh! Master! Once we do away with what she says against us, the rest would be of great assistance to raise the pride of Israel against the Romans again, and to humble the pride of the people against us!»

«But we could not say to her: “Speak thus, but do not say that”» says Jesus resolutely.

«Why?»

«Because those who rave do not know what they say.»

«Oh! with money and some threats… we would achieve anything. Even the prophets were under control…»

«Truly, I do not know about that…»

«Eh! because You do not know how to read between the lines and because not everything has been written.»

«But the prophetic spirit is not subject to orders, O scribe. It comes from God, and God cannot be bought over or frightened» says Jesus changing tone. It is the beginning of His counter-attack.

525.16

«But this woman is not a prophetess. It is no longer the time for prophets.»

«It is no longer the time for prophets? Why not?»

«Because we do not deserve them. We are too corrupt.»

«Really? And you say so? A short while ago you judged her to be worthy of punishment because she said the same thing?»

The scribe is disconcerted. Another scribe comes to his rescue saying: «The time of prophets ended with John. They are of no use any more.»

«Why?»

«Because You are here to tell us the Law and to speak to us of God.»

«Also in the days of the prophets there was the Law and Wisdom spoke of God. And yet they were there, too.»

«But what did they prophesy? Your coming. Since You have come, they do not serve any more.»

«Hundreds of times I have heard you, the priests and the Pharisees ask Me whether I was the Christ or not, and because I af­firmed it, I was said to be a blasphemer and a madman, and you picked up stones to throw them at Me. Are you not Sadoc, the so-­called golden scribe?» says Jesus pointing at the big-nosed scribe who had maltreated the woman after trying to deceive her.

«I am. So?»

«Well, you, exactly you, have always been the first, at Giscala and in the Temple, to stir up violence against Me. But I forgive you. I remind you only that you did so saying that I could not be the Christ, whereas now you maintain it. And I remind you also of the challenge I issued to you at Kedesh[5]. You will shortly see part of it being fulfilled. When the moon will come back to the phase in which she is now shining in the sky, I will give you the proof. The first one. You will have the second when the corn, which is now sleeping in the earth, will shake its still green ears in the breeze of Nisan.

525.17

But to those who say that the prophets are useless, I reply: “And who will put limits to the Most High Lord?”. I solemnly tell you that there will always be prophets as long as there are men. They are torches in the darkness of the world. They are the fireplaces among the ice of the world. They are the blares of trumpets that will awake drowsy people. They are the voices that remind men of God and of His truth, forgotten and neglected through time, and they bring the voice of God directly to man, arousing thrills of emotion in the forgetful listless children of man. They will have other names, but the same mission and the same destiny of human sorrow and superhuman enjoyment! Woe to men if there were no such spirits whom the world will hate and God will love dearly! Woe to men if they did not exist to suffer and forgive, to love and work obeying the Lord! The world would perish in darkness, frozen in deadly drowsiness, in idiocy, in wild brutal ignorance. God will therefore give rise to them, and there will always be some of them. And who can order God not to do so? You, Sadoc? or you? or you? I solemnly tell you that not even the spirits of Abraham, Jacob and Moses, of Elijah and Elisha could impose such a limitation on God, and God only knows how holy they were and what eternal lights they are.»

«So You will neither cure the woman nor condemn her?»

«No, I will not.»

«And do You judge her to be a prophetess?»

«Yes, an inspired prophetess.»

«You are a demon like her. Let us go. It is not right to lose more time with demons» says Sadoc, pushing Jesus rudely to move Him aside.

Many follow him. Some stay. Among the latter, the one whom they called Joel Alamoth.

«And are you not following them?» asks Jesus pointing at those going away.

«No, Master. We shall go away because night has fallen. But we want to tell You that we believe in Your judgement. God can do everything, that is true. And as we fall into many sins, He can give rise to spirits who will call us back to justice» says a very elderly one.

«You are right. And your humbleness is greater than your knowledge in the eyes of God.»

«Then, remember me when You are in your Kingdom.»

«Yes, Jacob, I will.»

«How do You know my name?» Jesus smiles without replying.

«Master, remember us as well» say the other three. And Joel Alamoth, the last one to speak, says: «And let us bless the Lord Who has given us this hour.»

«Let us bless the Lord!» replies Jesus.

They greet one another and part.

525.18

Jesus joins His apostles and goes with them towards the woman, who has resumed the position she had at the beginning, sitting all curled up on the protruding root.

Her mother and father ask the Master anxiously: «So is our daughter a demon? They said so before going away.»

«She is not. Set your minds at rest. And love her because her destiny is a very sorrowful one. Exactly as all destinies like hers.»

«But they said that that is Your judgement…»

«They have lied. I do not lie. Be at peace.»

John of Ephesus comes forward with Solomon and the other disciples and says: «Master, Sadoc has threatened them. I tell You.»

«Them or her?»

«Them and her. Isn’t that right?»

«Yes. They said to us, to my wife and me, that if we cannot con­vince our daughter to be silent, there will be trouble for us. And they said to Sabea: “If you speak we will denounce you to the Sanhedrin”. We foresee sad days for us!… But our hearts are at peace because of what You told us… and we will put up with the rest. But with regards to her… What shall we do? Tell us, Lord.»

Jesus is pensive, then He replies: «Have you no relatives far from Bethlechi?»

«No, Master.»

Jesus is pensive and then He raises His head and looks at Joseph, John of Ephesus and Philip of Arbela. He says to them: «You will set out with these people and then from Bethlechi you will go with her and her trousseau to Aera. You will tell Timoneus’ mother to keep her in my name. She knows what it means to have a persecuted son.»

«We will do that, Lord. It’s a wise decision. Aera is far and out of the way» say the three men.

Sabea’s father and mother kiss the Master’s hands and they thank Him and bless Him.

Jesus bends over the woman, He touches her veiled head and calls her gently: «Sabea, listen to Me!»

The woman raises her head, she looks at Him and then falls on her knees.

Holding His hand to her head Jesus says: «Listen, Sabea. You will go where I send you: to a mother. I would have liked to send you to My Mother. But it is not possible. And continue to serve the Lord with justice and obedience. I bless you, woman. Go in peace.»

«Yes, my Lord and my God. But shall I be able to speak when I have to?…»

«The Spirit Who loves you will guide you according to the mo­ment. Be sure of his love. Be humble, chaste, simple and sincere, and He will not abandon you. Go in peace!»

525.19

He joins again the apostles and Zacchaeus with his friends, who had stopped a few paces away holding back other curious people.

«Let us go. Night has fallen. I do not know how you who have to go to Jericho will get there.»

«Particularly for the woman and her relatives, I would say. But if You think that it is a good idea, we will stay outside and You and they will be able to sleep in the house until morning» suggests one of Zacchaeus’ friends.

«A good idea. Go and tell Sabea to come here with her relatives and the disciples. They will sleep in the house. I will stay with you. It is not a windy night. We will light some fires and we will wait for dawn thus, while I teach you and you listen to Me.»

And He slowly sets off in the early moonlight…


Notes

  1. Je te salue : ce sont les mots d’Is 9, 5.
  2. orné, comme en Ex 28, 15-21 ; 39, 8-14.
  3. elle sort et porte l’olivier, comme en Gn 8, 8-12. Quant à ce qui concerne les notes sur les femmes d’Israël, nous renvoyons le lecteur à l’index thématique qui se trouve à la fin du volume.
  4. les paroles du Livre se trouvent en Gn 3, 15 ; Is 7, 14 ; 11, 1-2.
  5. que je t’ai lancé à Cédès, en 342.6/7.

Notes

  1. I greet You, and she does so using the words of: Isaiah 9,5.
  2. adorned, as in: Exodus 28,15-21; 39,8-14.
  3. goes out and brings the olive-branch, as in: Genesis 8,8-12.
  4. words, from: Genesis 3,15; Isaiah 7,14; 11,1-2.
  5. issued to you at Kedesh, in 342.6/7.