Les scribes entourent Jésus, en le tirant à part et ils éloignent toute autre personne par des paroles et des regards menaçants. L’un d’eux déclare :
« Le moins que tu puisses faire, c’est de la guérir. Car, si tu veux vraiment soutenir qu’elle n’a pas de démon, tu ne peux nier qu’elle est malade. Ces femmes !… Et des femmes sacrifiées par le destin… Leur vitalité doit bien s’épancher quelque part… elles divaguent… elles voient des choses irréelles… et surtout elles te voient, toi qui es jeune et beau… et…
– Tais-toi, bouche de vipère ! Toi-même, tu ne crois pas ce que tu dis, s’emporte Jésus d’un ton impérieux qui rend muet le scribe maigre, au gros nez qui, au commencement, avait raillé la femme comme fausse prophétesse.
– N’offensons pas le Maître. Nous l’avons choisi comme juge d’un cas que nous n’arrivions pas à trancher… » intervient un autre scribe.
C’est celui qui était allé à la rencontre de Jésus sur la route avec les autres, pour lui dire que tous les scribes ne lui sont pas opposés, mais que certains l’observent pour discerner, avec une volonté sincère de le suivre s’ils jugent qu’il est bien Dieu.
« Tais-toi donc, Joël, dit Alamot, fils d’Abia ! Seul un avorton comme toi peut parler de la sorte ! » lui lancent méchamment les autres.
Le scribe devient congestionné sous l’insulte, mais il se domine et répond avec dignité :
« Si la nature n’a pas favorisé ma personne, cela n’a pas amputé mon cerveau. Au contraire, en m’enlevant beaucoup de plaisirs, elle a fait de moi un homme sage. Si vous étiez saints, vous n’humilieriez pas l’homme, mais vous respecteriez le sage.
– Bien ! Parlons de ce qui nous préoccupe. Tu as le devoir de la guérir, Maître, car dans son délire, elle épouvante les gens et offense le sacerdoce, les pharisiens et nous.
– Si elle vous avait loués, m’imposeriez-vous de la guérir ? demande doucement Jésus.
– Non. Car cela inciterait les gens à nous respecter, ce peuple capricieux qui nous hait en son cœur et nous méprise quand il le peut, répond un scribe sans s’apercevoir qu’il tombe dans le piège.
– Mais ne serait-elle pas encore une malade ? N’aurais-je pas le devoir de la guérir ? » questionne encore doucement Jésus.
On dirait un écolier qui demande à son maître ce qu’il doit faire. Mais les scribes, aveuglés par l’orgueil, ne comprennent pas qu’ils sont en train de se trahir…
« Dans ce cas, non. Au contraire ! La laisser, la laisser à son délire ! Faire tout ce qui est possible pour que les gens la croient prophétesse. L’honorer ! L’indiquer…
– Mais si ce n’était pas la vérité ?
– Oh ! Maître ! Une fois enlevé ce qu’elle dit contre nous, le reste serait très utile pour relever la fierté d’Israël contre les Romains, pour rabaisser l’orgueil du peuple envers nous !
– Mais on ne pourrait lui dire : “ Parle comme ceci, mais ne dis pas cela ”, dit fermement Jésus.
– Et pourquoi ?
– Parce que celui qui délire parle sans savoir ce qu’il dit.
– Oh ! avec de l’argent et quelques menaces… on obtiendrait tout. On contrôlait aussi les prophètes…
– Je ne suis pas au courant, en vérité…
– Hé ! c’est que tu ne sais pas lire entre les lignes et que tout n’a pas été couché par écrit.
– Mais l’esprit prophétique ne connaît pas d’influence extérieure, scribe. Il vient de Dieu, or Dieu ne s’achète pas et on ne l’effraie pas » déclare Jésus en changeant de ton.
C’est le commencement de sa contre-attaque.
« Mais elle, ce n’est pas une prophétesse.