Gli Scritti di Maria Valtorta

535. Judas sommé de se présenter chez Caïphe.

535. Giuda Iscariota chiamato

535.1

Jésus, Pierre, Jude et Thomas sont absents, mais je vois les neuf autres qui se dirigent vers le faubourg d’Ophel.

Sur les routes, ce n’est pas la grande foule de la Pâque, de la Pentecôte ou de la fête des Tentes. Il s’agit pour la plupart d’habitants de la ville. Peut-être que les Encénies n’étaient pas très importantes et n’exigeaient pas la présence des juifs à Jérusalem. Il n’y avait que ceux qui se trouvaient par hasard à Jérusalem, ou les villageois voisins, qui venaient dans la ville pour monter au Temple. Les autres, à cause de la saison ou du caractère spécial de la fête, étaient restés chez eux.

Pourtant, beaucoup de disciples qui, par amour du Seigneur, ont quitté maisons et famille, intérêts et travaux, se trouvent à Jérusalem, et ils se sont unis aux apôtres. Je ne vois cependant pas Isaac, ni Abel, ni Philippe, pas plus que Nicolaï, qui est allé accompagner Sabéa à Aéra. Ils discutent familièrement, racontant et écoutant tout ce qui s’est passé pendant leur séparation. On dirait pourtant qu’ils ont déjà vu le Maître, peut-être au Temple, car ils ne s’étonnent pas de son absence. Ils marchent lentement et, de temps à autre, ils s’arrêtent, comme pour attendre, regardant en avant et en arrière, ou observant les chemins qui descendent de Sion sur cette route qui mène aux portes méridionales de la ville.

535.2

Judas se tient parmi les tout derniers, et il joue à l’orateur dans un groupe de disciples pleins de bonne volonté plutôt que de science. A deux reprises, il est appelé nommément par certains juifs qui suivent le groupe, sans pourtant s’y mêler. Je ne sais quelles sont leurs intentions ni de quoi ils sont chargés. Par deux fois, Judas hausse les épaules sans même se retourner, mais, la troisième fois, il est obligé de le faire, car un juif quitte son groupe, traverse d’autorité celui des disciples, agrippe Judas par la manche et l’oblige à s’arrêter en lui disant :

« Viens ici un moment, car nous avons à te parler.

– Je n’ai pas le temps et je ne peux pas, répond Judas sur un ton tranchant.

– Vas-y, vas-y, nous t’attendons, lui propose André, qui est le plus proche de lui, car tant que nous ne voyons pas Thomas, nous ne pouvons sortir de la ville.

– C’est bon, allez de l’avant, je vous rejoins bientôt » dit Judas sans montrer le moindre désir de faire ce qu’on lui demande.

Resté seul, il lance à l’importun :

« Eh bien ? Que veux-tu ? Que me voulez-vous ? Vous n’avez pas encore fini de m’ennuyer ?

– Oh ! quels grands airs tu te donnes ! Pourtant, quand nous t’appelions pour te donner de l’argent, tu ne trouvais pas que nous t’ennuyions ! Tu es orgueilleux, homme ! Mais il y a quelqu’un qui peut te rendre humble… Souviens-t-en.

– Je suis un homme libre et…

– Non, tu n’es pas libre. Libre est celui que, d’aucune manière, nous ne pouvons rendre esclave, et tu connais son nom. Mais toi !… Tu es esclave de tout et de tous, et pour commencer de ton orgueil. Bref… fais attention : si tu ne viens pas avant sexte chez Caïphe, malheur à toi ! »

C’est une vraie menace.

« C’est bien ! Je viendrai, mais vous feriez mieux de me laisser tranquille, si vous voulez…

– Quoi ? Quoi, marchand de promesses, bon à rien… »

Judas se libère en repoussant violemment celui qui le tient, et il se sauve en lançant :

« Je parlerai quand j’y serai. »

535.3

Il rejoint les autres de son groupe. Il paraît songeur, un peu embarrassé. André lui demande avec sollicitude :

« De mauvaises nouvelles ? Non, hein ! Peut-être ta mère… »

Judas, qui au début l’avait regardé de travers et s’apprêtait à lui faire une réponse acerbe, se fait plus humain :

« Oui. Des nouvelles pas bien bonnes… Tu sais… la saison… Maintenant… car il me revient maintenant à l’esprit un ordre du Maître. Si cet homme ne m’avait pas arrêté, j’allais l’oublier… Mais il m’a indiqué le lieu où il habite et, en l’entendant, je me suis rappelé son commandement. Alors, quand j’irai là-bas pour cette raison, je passerai chez cet homme et j’en saurai davantage… »

André, simple et honnête comme il l’est, est bien loin de soupçonner que son compagnon puisse mentir, et il dit gentiment :

« Tu peux y aller tout de suite. Je me charge d’en parler aux autres. Va, va ! Enlève-toi ce souci…

– Non, non. Je dois attendre Thomas à cause de l’argent. Un moment de plus ou de moins… »

Les autres, qui s’étaient arrêtés, les regardent venir.

« Judas a reçu de tristes nouvelles, confie André, prévenant.

– Oui… en quelques mots. Mais j’en saurai davantage quand j’irai faire ce que je dois…

– Quoi donc ? demande Barthélemy.

535.4

– Voilà Thomas qui arrive en courant » annonce Jean au même instant.

Judas en profite pour ne pas répondre.

« Je vous ai fait attendre longtemps ? C’est que je voulais mener à bien une bonne affaire… et j’y suis parvenu. Regardez cette belle bourse : cela va servir aux pauvres. Le Maître sera content.

– C’était nécessaire. Nous n’avions plus le moindre sou pour les mendiants, remarque Jacques, fils d’Alphée.

– Confie-la-moi, demande Judas, en tendant la main vers la lourde bourse que Thomas tient sous bonne garde.

– Mais… Jésus m’a chargé de la vente, et je dois lui remettre en mains propres ce que j’ai reçu.

– Tu lui en indiqueras le montant. Donne-la-moi maintenant, je suis pressé de partir.

– Non, je ne te la donne pas ! Jésus m’a dit pendant que nous traversions le Sixte : “ Ensuite, tu me rapporteras la somme. ” C’est ce que je compte à faire.

– De quoi as-tu peur ? Que je l’allège ou que je t’enlève le mérite de la vente ? A Jéricho, moi aussi, j’ai vendu, et avantageusement. Depuis des années, c’est moi qui suis c sont bien humbles hargé de l’argent. C’est mon droit.

– Oh ! écoute : si tu veux faire toute une histoire pour cela, tiens ! Je me suis acquitté de ma tâche, et je ne me soucie pas du reste. Tiens, prends. Il y a tant de choses plus belles que ça !… »

Et Thomas passe la bourse à Judas.

« Vraiment, si le Maître a dit… objecte Philippe.

– Trêve de discussions ! Marchons plutôt, maintenant que nous sommes tous ensemble. Le Maître nous a recommandé d’arriver à Béthanie avant sexte. Nous en avons à peine le temps, dit Jacques, fils de Zébédée.

– Alors moi, je vous quitte. Allez de l’avant. Je fais seulement un aller-retour.

– Mais non ! Jésus a dit bien clairement : “ Restez tous unis ”, rappelle Matthieu.

– Il parlait de vous. Mais moi, je dois partir, surtout maintenant que j’ai appris ces mauvaises nouvelles de ma mère !…

– C’est une interprétation possible. Si Judas a reçu des ordres que nous ne connaissons pas… » intervient Jean, conciliant.

Les autres, hormis André et Thomas, semblent peu enclins à le laisser partir, mais ils finissent par céder :

« Eh bien, va. Mais fais vite et sois prudent… »

Et Judas décampe par une ruelle qui mène sur la colline de Sion, pendant que ses compagnons reprennent leur marche.

535.5

« Néanmoins… ce n’est pas convenable » constate Simon le Zélote, après quelque temps. « Nous n’avons pas bien agi. Le Maître avait dit : “ Restez toujours ensemble et soyez bons. ” Nous avons désobéi au Maître. Cela me tourmente.

– C’est aussi ce que je pensais… » lui répond Matthieu.

Les apôtres sont tous en groupe depuis qu’ils ont dû décider de ce qu’il convenait de faire. J’ai remarqué que les disciples s’écartent toujours avec respect quand les apôtres se réunissent pour discuter.

Barthélemy tranche :

« Agissons de la manière suivante : congédions ceux qui nous suivent, dès maintenant, sans attendre d’être sur la route de Béthanie. Puis séparons-nous en deux groupes et restons à attendre Judas, les uns sur la voie d’en-bas, les autres sur la voie d’en-haut. Les plus agiles sur la première, les autres sur la seconde. Même si le Maître nous précède, il nous verra arriver ensemble, car un groupe attendra l’autre à l’entrée de Béthanie. »

C’est décidé. Ils congédient les disciples, puis ils se dirigent tous ensemble vers l’endroit d’où l’on peut bifurquer vers Gethsémani et prendre la voie haute sur le mont des Oliviers, ou suivre la route basse qui longe le Cédron et mène à Béthanie et Jéricho…

535.6

Pendant ce temps, Judas court comme si on le poursuivait. Il continue pendant quelque temps à monter la rue étroite qui mène vers le sommet de la colline de Sion en direction du couchant, puis tourne par une ruelle encore plus étroite, presque une venelle, qui, au lieu de monter, descend vers le sud. Il est soupçonneux ; il se hâte et, de temps en temps, il se retourne, comme effrayé. Il craint visiblement d’être suivi.

Après avoir contourné des maisons construites sans aucun ordre, la ruelle tortueuse débouche sur une vaste campagne. Une colline s’élève de l’autre côté de la vallée qui se trouve au-delà des murs ; c’est une colline basse, couverte d’oliviers, qui contraste avec l’aride pierraille de la vallée du Hinnom. Judas traverse en hâte les haies qui bornent les jardins des dernières maisons contre les murs, ces misérables maisons des pauvres de Jérusalem. Pour sortir de la ville, il ne passe pas par la Porte de Sion toute proche, mais il monte en courant vers une autre porte un peu à l’ouest. Le voilà hors de la cité. Il trotte comme un poulain pour faire vite. Il passe comme le vent près d’un aqueduc, puis, sourd à leurs lamentations, près des tristes grottes des lépreux du Hinnom. Il est clair qu’il cherche les endroits que les autres évitent.

Il va directement vers la colline couverte d’oliviers, solitaire au sud de la ville. Une fois arrivé sur ses pentes, il pousse un soupir de soulagement et ralentit sa marche. Il rajuste son couvre-chef, sa ceinture, son vêtement qu’il avait relevé, regarde en se protégeant du soleil — car il l’a dans les yeux — vers l’orient, vers l’endroit où se trouve la route d’en-bas qui conduit à Béthanie et Jéricho, mais il ne voit rien qui le trouble. Au contraire, un coin de la colline le dissimule. Il sourit. Il se met à monter plus lentement, pour apaiser son essoufflement. Entre-temps, il réfléchit, mais en s’assombrissant peu à peu. Il est manifeste qu’il monologue intérieurement, en silence. A un certain moment, il s’arrête, retire la bourse de sa poitrine, l’observe, puis la remet après en avoir divisé le contenu, en en mettant une partie dans sa propre bourse, peut-être pour que soit moins visible le volume qu’il a caché.

535.7

Une maison s’élève au milieu des oliviers. C’est une belle demeure, la plus belle de la colline, car les autres maisons éparses sur les pentes sont bien humbles, qu’il s’agisse de dépendances de la belle demeure ou d’habitations indépendantes. On y accède par une sorte de chemin ensablé qui traverse les oliviers bien alignés. Judas frappe à la porte, se fait reconnaître, entre, puis se dirige avec assurance de l’autre côté de l’atrium, dans une cour carrée qui a de nombreuses portes sur ses côtés.

Il ouvre l’une d’elles et pénètre dans une vaste pièce où se trouvent diverses personnes : je reconnais le visage sournois et haineux de Caïphe, celui d’Elchias le pharisien, l’air de fouine de Félix — le membre du Sanhédrin —, la tête de vipère de Simon. Plus loin se trouve Doras, fils de Doras, dont les traits rappellent de plus en plus ceux de son père, et avec lui Cornélius et Tolmaï. Et il y a les autres scribes, Sadoq et Chanania, âgé, parcheminé, mais jeune en méchanceté, et encore Calba Scheboua l’Ancien, Nathanaël ben Fabba et puis un certain Doro, un Simon, un Joseph, un Joachim que je ne connais pas. Caïphe cite les noms, moi je les écris. Il achève : « … rassemblés ici pour te juger. »

Judas a un air curieux : à la fois peureux, dépité, violent, mais il se tait. Il n’a plus rien d’arrogant. Railleurs, les autres l’entourent, et chacun y va de sa question :

« Eh bien ! Qu’as-tu fais de notre argent ? Que nous dis-tu, homme sage, homme qui fait tout, vite et bien ? Où est ton travail ? Tu es un menteur, un bavard, un bon à rien. Où est la femme ? Même elle, tu ne l’as plus ? C’est donc Jésus que tu sers, au lieu de nous, hein ? Est-ce ainsi que tu nous aides ? »

C’est un assaut criant, braillant, menaçant, dont beaucoup de mots m’échappent.

535.8

Judas les laisse l’invectiver à leur aise. Quand ils sont fatigués et essoufflés, il prend la parole :

« J’ai fait ce que j’ai pu. Est-ce ma faute si c’est un homme que personne ne peut faire pécher ? Vous vouliez éprouver sa vertu, avez-vous dit. Moi, je vous ai donné la preuve qu’il ne pèche pas. J’ai donc servi votre dessein. Avez-vous peut-être réussi, vous tous, à le mettre dans la situation d’un accusé ? Non. A chacune de vos tentatives pour le faire apparaître comme un pécheur, pour l’attirer dans un piège, il est sorti plus grand qu’avant. Si donc vous, avec votre hargne, vous n’êtes parvenus à rien, devais-je réussir, moi qui ne le hais pas, qui suis seulement déçu d’avoir suivi un pauvre innocent, trop saint pour pouvoir être un roi, et un roi qui écrase ses ennemis ? Quel mal m’a-t-il fait, pour que je lui veuille du mal ? Je parle ainsi, car je pense que vous le haïssez au point de vouloir sa mort. Je ne peux plus croire que vous désirez seulement convaincre le peuple que c’est un fou, et nous persuader, me persuader, pour notre bien, et lui-même par pitié pour lui. Vous êtes trop généreux avec moi, et trop furieux de le voir plus fort que le mal, pour que je puisse le croire. Vous m’avez demandé ce que j’ai fait de votre argent. J’en ai fait l’usage que vous savez. Pour convaincre la femme, j’ai dû beaucoup dépenser… Je n’y suis pas arrivé avec la première et…

535.9

– Tais-toi donc ! Rien n’est vrai. Elle était folle de lui, et elle est sûrement venue aussitôt. Du reste, tu l’as garanti, car tu disais qu’elle te l’avait avoué. Tu es un voleur. Qui sait à quoi t’a servi notre argent !

– A ruiner mon âme, assassins d’une âme ! A faire de moi un sournois, un homme qui n’a plus de paix, qui devient suspect à Jésus et à ses compagnons. Car, sachez-le, lui m’a découvert… Ah ! s’il m’avait chassé ! Mais il ne me chasse pas. Non, il ne me chasse pas. Il me défend, il me protège, il m’aime !… Votre argent… pourquoi donc en ai-je accepté le premier sou ?

– Parce que tu es un malheureux. Tu as profité de notre argent, et maintenant tu pleures de l’avoir dépensé. Menteur ! En attendant, rien n’a réussi, et les foules autour de lui deviennent plus nombreuses et sont de plus en plus fascinées. Notre ruine approche, et par ta faute !

– Par ma faute ? Alors pourquoi n’avez-vous pas osé l’arrêter et l’accuser de vouloir se faire roi ? Vous m’avez pourtant avoué que vous avez voulu le tenter, bien que je vous aie assuré que c’était inutile, puisqu’il n’a aucun désir de pouvoir. Pourquoi ne l’avez-vous pas amené à pécher contre sa mission, si vous êtes tellement puissants ?

– Parce qu’il s’est échappé de nos mains. C’est un démon qui disparaît, quand il le veut, comme de la fumée. Il est comme un serpent : il fascine, et on ne peut plus rien faire quand il vous scrute.

– Quand il scrute ses ennemis, c’est-à-dire vous. Car moi, je vois que quand il porte les yeux sur ceux qui ne le haïssent pas de tout leur être — comme vous le faites —, alors son regard fait bouger, il fait agir. Ah ! quel regard ! Quand il me dévisage ainsi, il me rend bon, moi qui suis un monstre pour moi-même, et pour vous qui me le faites devenir dix fois plus !

– Que de paroles ! Tu nous avais assuré que, pour le bien d’Israël, tu allais nous aider. Mais tu ne comprends pas, malheureux, que cet homme est notre ruine ?

– Notre ruine ? Celle de qui ?

– Mais de tout le peuple ! Les Romains…

– Non. C’est seulement votre ruine. C’est pour vous, que vous craignez. Vous savez que Rome ne sévira pas contre nous à cause de Jésus. Vous le savez, comme moi je le sais, comme le peuple le sait. Mais vous tremblez parce que vous redoutez qu’il vous rejette du Temple, du Royaume d’Israël. Et il ferait bien de débarrasser son aire de vous, espèces de hyènes immondes… ordures, vipères !… »

Il est en rage.

535.10

Rendus furieux à leur tour, ils se saisissent de lui, le secouent, et c’est tout juste s’ils ne le jettent pas par terre… Caïphe lui crie au visage :

« D’accord, c’est vrai. Mais s’il en est ainsi, nous avons le droit de défendre ce qui nous appartient. Et puisque les petits moyens ne suffisent plus pour le convaincre de fuir, de laisser le champ libre, nous allons désormais agir par nous-mêmes, et te laisser de côté, toi qui n’es qu’un lâche serviteur, qu’un marchand de paroles. Et après Jésus, nous nous occuperons de toi, n’en doute pas et… »

Elchias fait taire Caïphe et lui lance avec son flegme glacial de serpent venimeux :

« Non. Tu exagères, Caïphe. Judas a fait ce qu’il a pu. Tu ne dois pas le menacer. Au fond, n’a-t-il pas les mêmes intérêts que nous ?

– Mais es-tu stupide, Elchias ? Moi, partager les intérêts de cet individu ? Ce que je veux, c’est que Jésus soit écrasé ! Or Judas veut qu’il triomphe, pour triompher avec lui. Et tu prétends… crie Simon.

– Paix, paix ! Vous dites toujours que je suis sévère. Mais voilà qu’aujourd’hui je suis le seul qui soit bon. Il faut comprendre Judas et l’excuser. Il nous aide comme il le peut. C’est pour nous un bon ami, mais c’est aussi, naturellement, un ami du Maître. Son cœur est angoissé… Il voudrait sauver le Maître, lui-même, et Israël… Comment concilier ce qui est si opposé ? Laissons-le parler. »

La meute se calme. Judas peut enfin s’exprimer :

« Elchias a raison. Moi… Qu’attendez-vous de moi ? Je ne le sais pas encore exactement. J’ai fait mon possible. Je ne puis davantage. Jésus est trop grand pour moi. Il lit dans mon cœur… et il ne me traite jamais comme je le mérite. Moi, je suis un pécheur, il le sait et il m’absout. Si j’étais moins lâche, je devrais… Je devrais me tuer pour me mettre dans l’impossibilité de lui faire du mal. »

Judas s’assied, accablé, le visage dans les mains, les yeux écarquillés et perdus dans le vide. Manifestement, le combat entre ses instincts contraires le fait souffrir…

« Fariboles ! Que veux-tu qu’il sache ? Tu agis ainsi parce que tu t’es repenti de t’être mis en avant ! s’écrie le dénommé Cornélius.

– Et s’il en était ainsi ? Oh, s’il en était ainsi ! Si je m’étais réellement repenti et si j’étais devenu capable de persister dans ce sentiment !…

– Mais vous le voyez ? Vous l’entendez ? Nos pauvres deniers ! croasse Chanania.

– Nous n’avons que faire d’un homme qui ne sait pas ce qu’il veut. Celui que nous avons choisi est pire qu’un faible d’esprit ! renchérit Félix.

– Un faible d’esprit ? Un pantin, devrais-tu dire ! Le Galiléen le tire avec une ficelle, et il va au Galiléen. Si c’est nous qui le tirons, il vient à nous, s’écrie Sadoq.

– Eh bien, si vous êtes tellement plus habiles que moi, agissez tout seuls. Moi, à partir d’aujourd’hui, je m’en désintéresse. N’attendez plus un renseignement, plus un mot. D’ailleurs, je ne pourrai plus vous les donner car, désormais, Jésus est sur ses gardes et il me surveille…

– Mais si tu as dit qu’il t’absout ?

– Oui. Il m’absout, mais c’est justement parce qu’il sait tout. Il sait tout ! Il sait tout ! Oh ! »

Judas se cache la tête dans les mains.

« Alors déguerpis, espèce de femmelette en vêtements d’homme, avorton mal bâti ! Fiche le camp ! Nous agirons par nous-mêmes. Et prends garde, prends garde à ne pas lui parler de cela, sinon nous te le ferons payer.

– Je m’en vais ! Je m’en vais ! Si seulement je n’étais jamais venu !

535.11

Rappelez-vous pourtant ce que je vous ai déjà dit : Jésus a rencontré ton père, Simon, et ton beau-frère, Elchias. Je ne crois pas que Daniel ait divulgué quoi que soit. J’étais présent, et je ne l’ai jamais vu faire d’aparté. Mais ton père ! Il n’a pas parlé, d’après mes condisciples. Il n’a même pas révélé ton nom. Il s’est borné à raconter que son fils l’a chassé parce qu’il aimait le Maître et qu’il n’approuvait pas ta conduite. Mais il a déjà reconnu que nous nous voyons, que je viens chez toi… Et il pourrait dire le reste, aussi. Tecua n’est pas au bout du monde… Ne prétendez pas ensuite que c’est moi qui ai parlé, quand trop de personnes déjà connaissent vos projets.

– Mon père ne parlera plus jamais. Il est mort, annonce lentement Simon.

– Mort ? Tu l’as tué ? Quelle horreur ! Pourquoi donc t’ai-je indiqué l’endroit où il était !…

– Moi, je n’ai tué personne. Je n’ai pas bougé de Jérusalem. Il y a tant de manières de mourir… Tu es étonné qu’un vieillard — et un vieillard qui va exiger de l’argent — soit tué ? Du reste… c’est sa faute ! S’il était resté tranquille, s’il n’avait pas eu des yeux, des oreilles et une langue pour voir, écouter, et faire des reproches, il serait encore honoré et servi dans la maison de son fils… déclare Simon avec une lenteur exaspérante.

– En somme… tu l’as fait tuer ? Parricide !

– Tu es fou : le vieux a été frappé, il est tombé, sa tête a heurté le sol, il est mort. Un accident, un simple accident. Cela a été mauvais pour lui d’exiger de l’argent d’un malandrin…

– Je te connais, Simon. Et je ne puis croire… Tu es un assassin… »

Judas en est tout interdit.

« Et toi, tu délires ! Tu vois un crime là où il n’y a qu’un malheur. Je l’ai appris seulement avant-hier, et j’ai pris des mesures pour tirer vengeance et lui rendre honneur. Mais, si j’ai pu honorer le cadavre, je n’ai pas pu prendre l’assassin. Ce sera quelque voleur, descendu du mont Hadomim pour étaler sur les marchés le produit de ses vols… Qui pourrait l’attraper maintenant ?

– Je ne te crois pas… Je ne te crois pas… Je pars ! Je pars ! Laissez-moi sortir !… Vous êtes… pires que des chacals… Je pars ! Je pars ! »

Sur ce, il ramasse son manteau qui était tombé et s’apprête à se retirer.

535.12

Mais Chanania le saisit de sa main de rapace :

« Et la femme ? Où se trouve la femme ? Qu’a-t-elle dit ? Qu’a-t-elle fait ? Tu es au courant ?

– Je ne sais rien… Laissez-moi m’en aller…

– Tu mens ! Tu es un menteur ! hurle Chanania.

– Je l’ignore. Je le jure. Elle est venue, c’est sûr, mais personne ne l’a vue. Ni moi qui ai dû partir aussitôt avec le Rabbi, ni mes compagnons. Je les ai habilement interrogés… J’ai seulement vu les bijoux brisés qu’Elise a apportés dans la cuisine… et je ne sais rien d’autre. Je le jure par l’Autel et le Tabernacle !

– Qui pourrait te croire ? Tu es un lâche. Tout comme tu trahis ton Maître, tu peux nous trahir nous aussi. Mais prends garde à toi !

– Je ne trahis pas. Je le jure par le Temple de Dieu !

– Tu es un parjure. Ton visage le révèle. C’est Jésus que tu sers, et pas nous…

– Non. Je le jure sur le nom de Dieu.

– Dis-le, si tu l’oses, pour confirmer ton serment !

– Je le jure sur Jéhovah ! »

Il prend un teint terreux en bredouillant ainsi le nom du Seigneur, Il tremble, il balbutie, il ne sait même plus le prononcer normalement. Il semble dire un j, un h, un v traînant, pour ainsi dire terminé en aspiration. Je le reconstituerais ainsi : Jeocvèh. Bref, sa prononciation est étrange.

Un silence lourd de peur règne dans la pièce. Ils se sont même écartés de Judas… Mais ensuite Doras et un autre reviennent à la charge :

« Répète ce serment pour confirmer que tu ne serviras que nous…

– Ah, non ! Maudits ! Cela, non ! Je vous jure que je ne vous ai pas trahis et que je ne vous dénoncerai pas au Maître, et déjà je fais un péché. Mais mon avenir, je ne le lie pas à vous, à vous qui, demain, au nom de mon serment, pourriez m’imposer… n’importe quoi, même un crime. Non ! Dénoncez-moi au Sanhédrin comme sacrilège, dénoncez-moi comme assassin aux Romains. Je ne me défendrai pas. Je me ferai tuer… Et ce sera la meilleure solution pour moi. Mais moi, je ne jure plus… je ne jure plus… »

Il se dégage par des efforts violents de celui qui le tient et s’enfuit en criant :

« Sachez pourtant que Rome vous surveille, que Rome aime le Maître… »

Un bruit de porte retentissant qui fait résonner la maison indique que Judas est sorti de ce repaire de loups.

535.13

Ils se dévisagent… La rage, et peut-être l’effroi, les rend livides… Et, ne pouvant passer leur colère et leur peur sur personne, ils se disputent. Chacun cherche à faire endosser à l’autre la responsabilité des démarches qui ont été faites et des conséquences qu’elles peuvent avoir. Les uns font tel reproche, les autres tel autre. Les uns à propos du passé, les autres en pensant à l’avenir. Certains crient : « Tu as voulu séduire Judas » ; d’autres : « Vous avez eu tort de le maltraiter, vous vous êtes découverts ! » ; certains proposent : « Courons-lui après avec de l’argent, avec des excuses… »

« Ah ! cela non ! » s’écrie Elchias, qui reçoit le plus de reproches. « Laissez-moi faire, et vous devrez reconnaître que je suis sage. Judas, quand il n’aura plus d’argent, deviendra doux comme un agneau ! » Il rit comme un serpent. « Il tiendra bon aujourd’hui, demain, peut-être un mois… Mais ensuite… Il est trop vicieux pour pouvoir vivre dans la pauvreté que le Rabbi lui impose…. et il viendra à nous… Ha ! Ha ! Laissez-moi faire ! Laissez-moi faire ! Moi, je sais…

– Oui. Mais, en attendant… Tu as entendu ? Les Romains nous épient ! Les Romains aiment Jésus ! Et c’est vrai. Ce matin encore, comme hier et avant-hier, il y en avait qui l’attendaient sur le Parvis des Gentils. Les femmes de l’Antonia y sont toujours… Elles viennent même de Césarée pour l’entendre…

– Caprices de femmes ! Je ne m’en soucie guère. L’homme est beau et il parle bien. Elles sont folles des bavards démagogues et des philosophes. Pour elles, le Galiléen est l’un d’eux, rien de plus. Et il leur sert de distraction dans leur oisiveté. Il faut de la patience pour réussir ! De la patience, de la ruse, et du courage aussi. Mais vous n’en avez pas : vous voulez agir, mais sans paraître. Moi, je vous ai dit ce que je compte faire. Mais vous ne voulez pas…

– Personnellement, je crains le peuple. Il aime trop le Galiléen. Amour par ci, amour par là… Qui le touche ? Si nous le chassons, lui, nous serons chassés, nous… Il faut… dit Caïphe.

– Ne laissons plus l’occasion s’échapper. Combien nous en avons perdu ! A la première qui se présente, il faut faire pression sur ceux qui sont incertains parmi nous, et puis agir aussi avec les Romains.

– C’est vite dit ! Mais quand et où avons-nous eu la possibilité de le faire ? Jésus ne pèche pas, ne cherche pas le pouvoir, ne…

– Si elle n’existe pas, créons-la… Et maintenant, partons. En attendant, demain, nous le surveillerons… Le Temple est à nous. Dehors, c’est Rome qui commande. Dehors, il y a le peuple pour le défendre. Mais à l’intérieur du Temple… »

535.1

Non vedo Gesù, né Pietro, né Giuda d’Alfeo, né Tommaso. Ma vedo gli altri nove camminare in direzione del sobborgo di Ofel.

La gente che è per le strade non è la grande gente delle feste di Pasqua, Pentecoste e Tabernacoli; è su per giù la gente cittadina. Si vede che le Encenie non erano molto importanti e non richiedevano la presenza degli ebrei a Gerusalemme. Soltanto quelli che per caso erano in città, oppure quelli dei paesi vicini a Gerusalemme, venivano in città salendo al Tempio. Gli altri, sia per la stagione o per il carattere proprio della festa, se ne stavano nelle loro città e nelle loro case.

Però molti discepoli, quelli che per amore del Signore hanno lasciato casa e parenti, interessi e lavori, sono in Gerusalemme e si sono uniti agli apostoli. Non vedo però Isacco, né Abele, né Filippo e neppure Nicolai, andato ad accompagnare Sabea ad Aera. Parlano fra loro bonariamente, raccontando e sentendo raccontare di tutti i fatti intercorsi nel tempo che sono stati divisi. Si direbbe però che hanno già visto il Maestro, forse al Tempio, perché non si stupiscono della sua assenza. Vanno lentamente e ogni tanto si fermano come in attesa, guardando avanti e indietro, guardando per le vie che scendono da Sion in questa strada che conduce verso le porte meridionali della città.

535.2

Per due volte l’Iscariota, che è quasi in coda a tutti e che fa l’oratore ad un gruppetto di discepoli pieni di buona volontà ma non di scienza, viene chiamato a nome da alcuni giudei che seguono il gruppo senza però mescolarvisi, non so con quali intenzioni o con quali incarichi. E per due volte l’Iscariota fa una scrollata di spalle senza neppure voltarsi. Ma la terza gli è giocoforza farlo, perché un giudeo lascia il suo gruppo, fende con prepotenza quello dei discepoli, prende Giuda per una manica e lo obbliga a fermarsi dicendogli: «Vieni qui fuori un momento, ché ti dobbiamo parlare».

«Non ho tempo e non posso», risponde reciso l’Iscariota.

«Va’, va’. Ti aspettiamo. Tanto, finché non vediamo Toma, non si può uscire di città», gli dice Andrea che è il più vicino a lui.

«Va bene, andate avanti che verrò presto», dice Giuda senza nessuna apparente buona volontà di fare ciò che deve fare.

Rimasto solo, dice al suo importunatore: «Ebbene? Che vuoi? Che volete? Non avete ancora finito di darmi noia?».

«Oh! Oh! che arie che ti dài! Però quando ti chiamavamo per darti dei denari non trovavi che ti davamo noia! Sei superbo, uomo! Ma c’è chi ti può fare umile… Ricordalo».

«Sono un uomo libero e…».

«No. Non sei libero. Libero è colui che in nessun modo possiamo fare schiavo. E tu ne sai il nome. Tu!… Tu sei schiavo di tutto e di tutti, e per primo del tuo orgoglio. Breve. Guarda che, se non vieni prima di sesta in casa di Caifa, guai a te!». Un «guai» veramente minaccioso.

«E va bene! Verrò. Ma fareste meglio a lasciarmi stare se volete…».

«Cosa? Cosa, venditore di promesse, buono a nulla…».

Giuda si libera con uno spintone da colui che lo tiene e corre via dicendo: «Dirò quando sarò là».

535.3

Si riunisce agli altri del suo gruppo. È pensieroso e un poco torvo. Andrea gli chiede premuroso: «Cattive notizie? No, eh? Forse tua madre…».

Giuda, che lo aveva guardato male in principio, già pronto ad un’acre risposta, si fa più umano e dice: «Già. Poco buone notizie… Sai… la stagione… Adesso… perché mi è venuto in mente ora un ordine del Maestro. Se quell’uomo non mi fermava mi dimenticavo anche questo… Ma mi ha nominato il luogo dove abita e dietro quel nome mi sono ricordato l’incarico avuto. Ebbene ora, quando andrò per questo, andrò anche da quel­l’uomo e saprò meglio…».

Andrea, così semplice e onesto come è, è ben lontano dal sospettare che il compagno possa mentire. E dice premuroso: «Ma va’, va’ subito. Dirò io agli altri. Va’, va’! Levati dall’orgasmo…».

«No, no. Devo attendere Tommaso, per via del denaro. Momento più o momento meno…».

Gli altri, che si erano fermati in attesa, li guardano venire.

«Giuda ha avuto tristi notizie», dice premuroso Andrea.

«Già… in conciso. Ma poi saprò meglio quando andrò a fare ciò che devo…».

«Che cosa?», chiede Bartolomeo.

535.4

«Ecco Toma che viene di corsa», dice contemporaneamente Giovanni. E ciò serve a Giuda per non rispondere.

«Vi ho fatto aspettare? Molto? È che volevo far bene… E bene ho fatto. Guardate che bella borsa. Buona per i poveri. Sarà contento il Maestro».

«Ci voleva. Non avevamo un picciolo per i mendichi», dice Giacomo d’Alfeo.

«Dammela», dice l’Iscariota tendendo la mano alla borsa pesante che Tommaso palleggia fra le mani.

«Ma veramente… Gesù ha dato a me l’incarico della vendita, ed io devo deporre nelle sue mani il ricavato».

«Gliene dirai la cifra. Ora dammi, ché ho fretta di andare».

«No, che non te la do! Gesù mi ha detto, mentre andavamo per il Sisto: “Poi mi darai la somma”. E io lo faccio».

«Di cosa hai paura? Che l’alleggerisca o ti levi il merito della vendita? A Gerico io pure ho venduto, e bene. Da anni sono io quello che si incarica del denaro. È il mio diritto».

«Oh! senti! Se vuoi fare una lite per questo, tieni. Ho fatto il mio di incarico e del resto non mi curo. Tieni, tieni. Ci sono tante cose più belle di queste!…», e Tommaso passa la borsa a Giuda.

«Veramente, se il Maestro ha detto…», dice Filippo.

«Ma non sofisticare! Piuttosto andiamo, ora che si è tutti insieme. Il Maestro ha detto di essere a Betania prima di sesta. Si fa appena a tempo», dice Giacomo di Zebedeo.

«Allora io vi lascio. Voi andate avanti. Ché io vado e torno».

«No, poi! Ha detto ben chiaro: “State tutti uniti”», dice Mat­teo.

«Tutti uniti voi. Ma io devo andare. Ora poi che so di mia madre!…».

«La cosa si può interpretare anche così. Se lui ha avuto ordini che non sappiamo…», concilia Giovanni.

Gli altri, meno Andrea e Tommaso, sembrano poco propensi a lasciarlo andare. Ma infine dicono: «Ebbene, vai. Ma fa’ presto e sii prudente…».

E Giuda scappa via per una viuzza che porta sul colle di Sion, mentre gli altri riprendono ad andare.

535.5

«Però non è giusto. Non abbiamo fatto bene. Il Maestro aveva detto: “State sempre insieme e siate buoni”. Abbiamo disubbidito al Maestro. Ne ho tormento», dice dopo qualche tempo Simone Zelote.

«Lo pensavo anche io…», gli risponde Matteo.

Gli apostoli sono tutti in gruppo da quando hanno dovuto decidere dei loro affari. Ho notato che i discepoli si scostano sempre con rispetto quando gli apostoli si riuniscono a discutere.

Bartolomeo dice: «Facciamo così. Licenziamo questi che ci seguono. Da ora. Senza attendere di essere sulla via di Betania. E poi dividiamoci in due gruppi e stiamo ad attendere Giuda, parte sulla via bassa, parte sulla via alta. Quelli più svelti sulla via bassa, gli altri su quella alta. Se anche il Maestro ci precede, ci vedrà giungere insieme, perché fuor di Betania un gruppo attenderà l’altro».

La cosa è accolta. Congedano i discepoli. E poi vanno uniti sino al luogo da dove si può piegare verso il Getsemani e prendere la via alta sul monte degli Ulivi, e anche, costeggiando il Cedron, si prende la via bassa per Betania e Gerico…

535.6

Giuda intanto corre via come un inseguito. Continua per qualche tempo a salire la vietta stretta che conduce verso la cima di Sion in direzione di ponente, poi piega per una vietta ancor più piccola, quasi un vicolo, che in luogo di salire scende verso mezzogiorno. È sospettoso. Corre e ogni tanto si volta indietro come spaventato. È visibilmente sospettoso di essere seguito.

La vietta, tortuosa fra gli spigoli delle case messe senza norma edilizia, si apre già su un’ampiezza di campagna. Un colle è oltre la valle al di là delle mura. Un colle basso, coperto di ulivi, al di là dell’arida sassaia della valle di Innon. Giuda corre giù lesto, passando fra le siepi che son limite agli orticelli delle ultime case contro le mura, le povere case dei poveri di Gerusalemme, e non prende, per uscire dalla città, la porta di Sion che ha vicina, ma corre in su, verso un’altra porta un poco occidentale. È fuori di città. Trotta come un puledro per fare presto. Passa come un vento presso un acquedotto; poi, sordo ai loro lamenti, presso le tristi grotte dei lebbrosi di Innon. È chiaro che cerca i luoghi sfuggiti dagli altri.

Va diretto verso il colle coperto di ulivi, solitario al sud della città. Tira un respiro di sollievo quando è alle sue pendici e rallenta il passo, si riassetta il copricapo, la cintura, la veste che si era rialzata, guarda facendo solecchio, perché ha il sole negli occhi, verso oriente, verso là dove è la strada bassa che va a Betania e Gerico. Ma non vede nulla che lo turbi. Anzi, uno spigolo del colle fa da sipario fra lui e quella via. Sorride. Prende a salire lentamente, per farsi passare il fiato grosso, il colle. E pensa intanto. E più pensa e più si fa scuro. Certo monologa fra sé, ma silenziosamente. Ad un certo punto si ferma, leva la borsa dal seno, la osserva, poi la rimette in seno, ma dopo averne diviso il contenuto, mettendone in parte nella sua borsa, perché appaia meno il volume che ha celato in seno, forse.

535.7

Una casa è fra gli ulivi. Una bella casa. La più bella del colle, perché altre casette che sono sparse sulle pendici, non so se dipendenti dalla bella casa o facenti parte a sé, sono ben umili. Vi giunge attraverso una specie di viale insabbiato fra ulivi messi a dimora con ordine. Bussa alla porta. Si fa riconoscere. Entra. Va sicuro oltre l’atrio in un cortile quadrato intorno ai cui lati sono molte porte. Spinge una di esse.

Entra in una vasta stanza dove sono diverse persone, delle quali riconosco il viso sornione e astioso insieme di Caifa, quello ultrafarisaico di Elchia, quello da faina del sinedrista Felice, insieme a quello di vipera di Simone. Più in là è Doras figlio di Doras, sempre più simile nelle fattezze a suo padre, e con lui Cornelio e Tolmai. E vi sono gli altri scribi Sadoc e Canania, vecchio di anni, incartapecorito, ma giovane in cattiveria, e Callascebona l’Anziano, e Natanael ben Faba e poi un certo Doro, un Simone, un Giuseppe, un Gioachino che non conosco. Caifa dice i nomi, io li scrivo. Egli termina: «…adunati qui per giudicarti».

Giuda ha un viso curioso: di paura, di stizza, di violenza insieme. Ma tace. Non sciorina la sua alterigia. Gli altri lo circondano schernitori e tutti dicono la loro.

«Ebbene? Che ne hai fatto del nostro denaro? Cosa ci dici, uomo sapiente, uomo che fa tutto, e presto e bene? Dove è il tuo lavoro? Sei un bugiardo, un ciarliero buono a nulla. Dove è la donna? Più neanche quella hai? E così, in luogo di servirci, servi Lui, eh? È così che ci aiuti?». Una carica astiosa che urla e sbraita minacciosa, e della quale molte parole mi sfuggono.

535.8

Giuda li lascia ben bene urlare. Quando sono stanchi e senza fiato parla lui: «Ho fatto quel che ho potuto. Che colpa ne ho io se è un uomo che nessuno può far peccare? Volevate provare la sua virtù, avete detto. Io vi ho dato la prova che Egli non pecca. Perciò vi ho serviti in quel che volevate. Siete forse riusciti, voi tutti, a metterlo in posizione di accusato? No. Da ogni vostro tentativo di farlo apparire peccatore, di trarlo in trappola, Egli è uscito più grande di prima. E allora, se non ci siete riusciti voi col vostro astio, dovevo riuscirci io che non lo odio, che sono soltanto deluso di avere seguito un povero innocente, troppo santo per poter essere un re, e un re che schiacci i suoi nemici? Che male mi ha fatto, Lui, perché io faccia a Lui del male? Dico così perché penso che voi lo odiate al punto di volerlo morto. Non posso più credere che volete soltanto persuadere il popolo che Egli è un folle, e persuadere noi, me, per nostro bene, e Lui stesso per pietà di Lui. Siete troppo generosi con me, e troppo furenti di vederlo al di sopra del male, perché lo possa credere. Mi avete chiesto che ne ho fatto del vostro denaro. L’uso che voi sapete ne ho fatto. Per convincere la donna ho dovuto spendere e spendere… E non mi è riuscito farlo con la prima e…».

535.9

«Ma taci! Non è vero nulla. Essa era folle di Lui e certo è venuta subito. Del resto tu lo hai garantito, perché dicevi che essa te lo aveva confessato. Sei un ladro. Chissà a che ti è servito il nostro denaro!».

«A rovinarmi l’anima, assassini di un’anima! A fare di me un subdolo, uno che non ha più pace, uno che si sente in sospetto presso di Lui e i compagni. Perché, sappiatelo, Egli mi ha scoperto… Oh! se mi avesse scacciato! Ma non mi scaccia. No. Non mi scaccia. Mi difende, mi protegge, mi ama!… Il vostro denaro! Ma perché ho preso il primo picciolo?».

«Perché sei uno sciagurato. Intanto lo hai goduto il nostro denaro, ed ora piangi di averlo goduto. Falso! Intanto non si è combinato nulla, e le folle intorno a Lui crescono di numero e sono sempre più affascinate. La nostra rovina si approssima, e per tua colpa!».

«Mia? E perché allora non avete osato prenderlo e accusarlo di volersi fare re? Mi avete pur detto che lo avete voluto tentare, nonostante vi avessi detto che era inutile, che Egli non ha fame di potere. Perché non lo avete indotto a peccare contro la sua missione, se siete tanto bravi?».

«Perché ci è sfuggito dalle mani. È un demonio che dilegua come un fumo quando vuole. È come un serpente: affascina, non si può più fare nulla se guarda».

«Se guarda i nemici: voi. Perché io vedo che, se guarda quelli che non lo odiano con tutto loro stessi, come voi fate, allora il suo sguardo fa muovere, fa operare. Oh! il suo sguardo! Perché mi guarda così e mi fa buono, io che sono un mostro per me stesso e per voi, che mi fate mostro dieci volte?!».

«Quante parole! Tu ci avevi assicurato che per il bene di Israele ci avresti aiutato. Ma non capisci, o sciagurato, che questo uomo è la nostra rovina?».

«Nostra? Di chi?».

«Ma del popolo tutto! I romani…».

«No. È solo vostra la rovina. Voi temete per voi. Voi sapete che Roma non infierirà su noi per causa di Lui. Voi lo sapete questo, come lo so io, come lo sa il popolo. Ma voi tremate perché sapete, temete che Egli vi getti fuori dal Tempio, dal regno d’Israele. E farebbe bene. Bene farebbe a nettare la sua aia da voi, iene immonde, lordure, aspidi!…». È furente.

535.10

Lo afferrano, lo scrollano, resi a loro volta furenti, quasi lo atterrano… Caifa gli urla sul viso: «E va bene. Così è. Ma se così è, abbiamo diritto di difendere il nostro. E visto che le piccole cose non bastano più per persuaderlo a fuggire, a lasciar libero il campo, ecco che ora faremo da noi, lasciando indietro te, servo imbelle, spenditor di parole. E dopo Lui serviremo anche te, non dubitare, e…».

Elchia tappa la bocca a Caifa e dice, con la sua flemma glaciale di serpe venefica: «No. Non così. Tu esageri, Caifa. Giuda ha fatto ciò che ha potuto. Non lo devi minacciare. In fondo non ha egli i nostri stessi interessi?».

«Ma sei stolto, o Elchia? Io gli interessi di costui? Ma io voglio che Egli sia schiacciato! E Giuda vuole che Egli trionfi per trionfare con Lui. E tu dici…», urla Simone.

«Pace, pace! Dite sempre che io sono severo. Ma ecco che oggi io sono l’unico buono. Bisogna capire e compatire Giuda. Egli ci aiuta come può. Ci è buon amico, ma è, naturalmente, anche amico del Maestro. Il suo cuore è ambasciato… Vorrebbe salvare il Maestro, se stesso e Israele… Come conciliare certe cose così opposte? Lasciamolo parlare».

La canea si calma. Giuda può infine parlare. E dice: «Elchia ha ragione. Io… Cosa volete da me? Non lo so ancor di preciso. Io ho fatto ciò che ho potuto. Io non posso fare di più. Egli è troppo più grande di me. Mi legge in cuore… e non mi tratta mai come merito. Io sono un peccatore, ed Egli lo sa e mi assolve. Se fossi meno vile dovrei… Uccidermi dovrei, per mettermi nell’impossibilità di fargli del male». Giuda si siede, accasciato. Col volto fra le mani, gli occhi sbarrati e fissi nel vuoto, soffre visibilmente nella lotta fra i suoi opposti istinti…

«Fole! Cosa vuoi che sappia? Tu fai così perché sei pentito di esserti fatto avanti!», esclama quello chiamato Cornelio.

«E se così fosse? Oh, se così fosse! Se fossi realmente pentito e capace di stare in questo pentimento!…».

«Ma lo vedete? Ma lo sentite? Poveri i nostri denari!», gracchia Canania.

«Abbiamo a che fare con uno che non sa ciò che vuole. Peggio che un ebete abbiamo scelto!», rincara Felice.

«Ebete? Un fantoccio, devi dire! Lo tira con un filo il Galileo, va dal Galileo. Lo tiriamo noi e viene da noi», strilla Sadoc.

«Ebbene, se siete tanto più bravi di me, fate da voi. Io da oggi me ne disinteresso. Non aspettatevi più un avviso né una parola. Già non potrei più darvela, perché Egli è ormai in sospetto e mi sorveglia…».

«Ma se hai detto che ti assolve?».

«Sì. Mi assolve. Ma appunto perché tutto sa. Tutto sa! Tutto sa! Oh!». Giuda si preme le mani sul viso.

«E va’ via, allora, femmina in veste d’uomo, malnato, deforme! Va’ via! Faremo da noi. E badati, badati da parlare di ciò a Lui, perché altrimenti te la faremo pagare».

«Vado! Vado! Mai fossi venuto!

535.11

Però ricordatevi ciò che vi ho già detto. Egli ha incontrato tuo padre, Simone, e tuo cognato, Elchia. Non credo che Daniel abbia parlato. Ero presente e non li ho mai visti parlare in disparte. Ma tuo padre! Non ha parlato, a quel che dicono i miei condiscepoli. Non ha neppure rivelato il tuo nome. Si è limitato a dire che suo figlio lo ha scacciato perché egli amava il Maestro e non approvava la tua condotta. Ma ha già detto che noi ci vediamo, che io vengo in casa tua… E potrebbe dire anche il resto. Tecua non è ai confini del mondo… Non dite poi che ho parlato io, quando già in troppi sanno i vostri propositi».

«Mio padre non parlerà mai più. È morto», dice lentamente Simone.

«Morto? Lo hai ucciso? Orrore! Perché mai ti ho detto dove era?…».

«Io non ho ucciso nessuno. Non mi sono mosso da Gerusalemme. Ci sono tante maniere di morire. Ti fai stupore che un vecchio, e un vecchio che va ad esigere delle monete, venga ammazzato? Del resto… colpa sua. Se stava quieto, se non aveva occhi e orecchi e lingua per vedere, udire e rimproverare, sarebbe ancora onorato e servito nella casa di suo figlio…», dice con una lentezza esasperante Simone.

«Insomma… lo hai fatto uccidere? Parricida!».

«Tu sei pazzo. Il vecchio è stato percosso, è caduto, ha urtato il capo, è morto. Una disgrazia. Una semplice disgrazia. Mal per lui che gli toccò esigere il pedaggio da un malandrino…».

«Ti conosco, Simone. E non posso credere… Sei un assassino…». Giuda è allibito.

L’altro gli ride in faccia ripetendo: «E tu deliri. Vedi un delitto dove è soltanto una sciagura. Io l’ho saputo soltanto ieri l’altro e ho provveduto. A far vendetta e a dare onore. Ma se ho potuto onorare il cadavere, non ho potuto afferrare l’assassino. Qualche ladrone certo, calato dall’Adomin a spacciare sui mercati le sue prede… Chi lo piglia più?».

«Non credo… Non credo… Via! Via! Lasciatemi andare!… Siete… peggio di sciacalli… Via! Via!», e raccatta il mantello che gli era caduto e fa per uscire.

535.12

Ma Canania lo afferra con la mano grifagna: «E la donna? Dove è la donna? Che ha detto? Che ha fatto? Lo sai?».

«Nulla so… Lasciami andare…».

«Tu menti! Sei un bugiardo!», urla Canania.

«Non lo so. Lo giuro. È venuta. Questo è certo. Ma nessuno l’ha vista. Non io che ho dovuto partire subito con il Rabbi. Non i miei compagni. Li ho abilmente interrogati… Ho visto i gioielli spezzati che Elisa ha portato in cucina… e altro non so. Lo giuro per l’Altare e il Tabernacolo!».

«E chi ti può credere? Sei un vile. Come tradisci il Maestro, puoi tradire anche noi. Ma bada a te!».

«Non tradisco. Lo giuro per il Tempio di Dio!».

«Sei uno spergiuro. Il tuo volto lo dice. Servi Lui e non noi…».

«No. Lo giuro sul Nome di Dio».

«Dillo, se osi, a convalida del tuo giurare!».

«Lo giuro su Jeové!», e diviene terreo nel pronunciare il Nome di Dio così. Trema, balbetta, non lo sa neppure dire come viene di solito pronunciato. Sembra che dica un J, una acca, un ve molto strascicato, direi finito in aspirazione. Ricostruirei così: Jeocvèh. In modo strano, insomma.

Un silenzio direi pauroso si è fatto nella stanza. Si sono persino scostati da Giuda… Ma poi Doras e un altro dicono: «Ripeti lo stesso giuramento a convalida che tu servirai noi soli…».

«Ah, no! Maledetti! Questo no! Vi giuro che non vi ho traditi e che non vi denuncerò al Maestro. E già faccio un peccato. Ma il mio futuro non lo lego a voi. A voi che domani, nel nome del giuramento, potreste impormi… qualunque cosa, anche un delitto. No! Denunciatemi come sacrilego al Sinedrio, denunciatemi come assassino ai romani. Non mi difenderò. Mi farò ammazzare… E sarà cosa buona per me. Ma io non giuro più… più giuro…», e si libera con degli sforzi violenti da chi lo tiene, e fugge via urlando: «Però sappiate che Roma sorveglia voi, che Roma ama il Maestro…». Una potente usciata che fa rimbombare la casa indica che Giuda è uscito da quel covo di lupi.

535.13

Si guardano in volto… La rabbia, e forse la paura, li fa lividi… E, non potendo sfogare la loro ira e paura su alcuno, si accapigliano fra di loro. Ognuno cerca di addossare all’altro la responsabilità dei passi fatti e delle conseguenze che possono avere. Chi rimprovera in un senso e chi nell’altro. Chi per il passato. Chi per il futuro. Chi urla: «Sei stato tu a voler sedurre Giuda», e chi: «Avete fatto male a trattarlo male. Vi siete scoperti!», e chi propone: «Corriamogli dietro, con del denaro, con delle scuse…».

«Ah! questo no!», strilla Elchia che è il più rimproverato. «Lasciate fare a me e dovrete dirmi che ho saggezza. Giuda senza più denaro si farà mite. Oh! mite come un agnello!», e ride serpentino. «Terrà duro oggi, domani, forse un mese… Ma poi… È troppo vizioso per poter vivere nella povertà che gli dà il Rabbi… e verrà a noi… Ah! Ah! Lasciatemi fare! Lasciatemi fare! Io so…».

«Sì. Ma intanto… Hai sentito? I romani ci spiano! I romani lo amano! Ed è vero. Anche questa mattina e ieri, e ieri l’altro, c’erano ad attenderlo nell’atrio dei Pagani. Le donne dell’Antonia ci sono sempre… Vengono persino da Cesarea per sentirlo…».

«Capricci di femmine! Non me ne preoccupo. L’uomo è bello. E parla bene. Esse sono pazze per i ciarlieri demagoghi e filosofi. Per loro il Galileo è un di questi, nulla più. E serve per svagarsi nei loro ozi. Pazienza ci vuole a riuscire! Pazienza e astuzia. E coraggio anche. Ma voi non lo avete. E volete fare ma non apparire. Io ve l’ho detto ciò che farei. Ma non vole­te…».

«Temo il popolo, io. Lo ama troppo. Amore di qua. Amore di là… Chi lo tocca? Se cacciamo Lui, saremo cacciati noi… Bisogna…», dice Caifa.

«Bisogna non lasciarsi scappare più l’occasione. Quante ne abbiamo perdute! Alla prima che si presenta occorre premere sugli incerti fra noi, e poi agire anche con i romani».

«Presto detto! Ma quando, dove abbiamo avuto occasione di farlo? Egli non pecca, non tende al potere, non…».

«Se non c’è, la si crea… Ed ora andiamo. Intanto domani lo sorveglieremo… Il Tempio è nostro. Fuori comanda Roma. Fuori è il popolo a difenderlo. Ma dentro al Tempio…».