538.1
Jésus se tient derrière le Temple, près de la Porte des Troupeaux, hors de la ville. Autour de lui se trouvent les apôtres et les disciples bergers, à l’exception de Lévi. Tous sont effrayés, et même furieux. Je ne vois aucun des autres disciples qui étaient auparavant au Temple avec lui.
Ils discutent. Je pourrais même dire que le débat a lieu entre eux, Jésus, et Judas en particulier. Ils reprochent à ce dernier les colères des juifs et le font avec une ironie quelque peu mordante. Judas les laisse dire, mais il ne cesse de répéter :
« J’avais parlé avec des pharisiens, des scribes et des prêtres, or aucun n’était présent. »
Ils reprochent à Jésus de ne pas avoir arrêté la discussion après l’avoir fait tomber une première fois. Jésus répond :
« Je devais compléter ma manifestation. »
Qui plus est, ils sont en désaccord sur l’endroit où aller, maintenant que le sabbat approche et que ce sont des jours de fête. Simon-Pierre propose la maison de Joseph d’Arimathie, puisque, à Béthanie, ils ne feraient que causer du dérangement ; d’ailleurs, Jésus a déclaré qu’il ne fallait plus s’y rendre.
Thomas répond :
« Joseph n’est pas chez lui, et Nicodème non plus. Ils sont partis à cause de la fête. Je les ai salués hier quand nous attendions Judas, et ils me l’ont dit.
– Chez Nikê, alors, suggère Matthieu.
– Elle est à Jéricho pour la fête, assure Philippe.
– Chez Joseph de Séphoris, propose Jacques, fils d’Alphée.
– Hum ! Joseph… dit Pierre. Nous ne serions pas un cadeau pour lui ! Il a eu des ennuis et… mais oui, je le dis ! Il vénère le Maître, mais il veut être tranquille. Il ressemble à une barque prise entre deux courants opposés… et pour être toujours à flot… il tient compte de tout le lest, même du petit Martial… au point que cela lui semble trop beau de l’avoir passé à Joseph d’Arimathie.
– Ah ! c’est pour cela qu’il était avec lui hier ? s’exclame André.
– Bien sûr ! Il vaut donc mieux le laisser en paix dans un petit port bien tranquille… Hé ! on n’est pas très courageux ! Et le Sanhédrin fait peur à tout le monde ! ajoute Pierre.
– Parle pour toi, je t’en prie. Moi, je n’ai peur de personne, lance Judas.
– Moi non plus. Pour défendre le Maître, je défierais toutes les légions. Mais nous, c’est nous… Les autres… Hé ! Ils ont leurs affaires, leurs maisons, leurs épouses, leurs filles… Ils y pensent.
– Nous aussi, nous en avons, fait remarquer Barthélemy.
– Mais nous sommes les apôtres et…
– Et vous êtes pareils aux autres. Ne critiquez personne, car l’épreuve n’est pas encore venue, dit Jésus.
– Elle n’est pas venue ? Et que veux-tu de plus que celles que nous avons déjà traversées ? Et pourtant, tu as vu aujourd’hui comme je t’ai défendu ! Tous, nous t’avons défendu. Mais moi, plus que les autres ! J’ai joué des coudes avec certaines poussées qui
auraient fait chavirer une barque !…