Gli Scritti di Maria Valtorta

554. Le sabbat à Ephraïm, sur un îlot du torrent.

554. Il sabato ad Efraim, su un’isoletta nel torrente.

554.1

« Levez-vous, nous irons le long du torrent. Comme des Hébreux hors de leur patrie et là où il n’y a pas de synagogues, nous allons célébrer le sabbat entre nous. Venez, mes enfants… ”, dit Jésus aux apôtres, oisifs dans le jardin de la maison ; et il tend la main vers les trois pauvres gamins qui se sont groupés dans un coin.

Ils accourent, laissant apparaître une joie timide sur leur petit visage précocement pensif d’enfants qui ont connu des drames trop lourds pour eux, et les deux aînés glissent leur petite main dans celles de Jésus. Mais le plus petit veut être pris dans les bras, et Jésus le contente en disant au plus grand :

« Tu vas rester à côté de moi et tu tiendras mon vêtement comme hier. Mais Isaac est trop fatigué et trop petit pour marcher tout seul… »

Le bambin boit le sourire de Jésus et accepte, se contentant de marcher près de Jésus comme un petit homme.

« Donne-moi le petit, Maître. Tu dois ressentir encore ta fatigue d’hier, et Ruben souffre de ne pas te donner la main… » dit Barthélemy,

Il s’apprête à saisir le petit garçon, mais celui-ci s’agrippe au cou de Jésus.

« Il est têtu comme tous ceux de sa race ! fulmine Judas.

– Non : il a peur. Tu ne comprends rien aux enfants ! Ils sont ainsi. Quand ils sont affligés ou effrayés, ils cherchent un refuge auprès du premier qui leur a souri et qui les a réconfortés » réplique Barthélemy.

Et, puisqu’il ne peut prendre dans ses bras le plus petit, il donne la main au plus grand, après lui avoir caressé les cheveux et souri paternellement.

554.2

Une fois sortis de la maison — où il ne reste que la femme —, ils vont de l’autre côté du village en suivant le torrent. Qu’elles sont belles, ses berges couvertes d’herbe nouvelle et constellées de fleurs des prés ! L’eau est limpide et gazouille entre les rochers ; bien qu’elle soit peu abondante, elle fait entendre des notes de harpe et clapote en se brisant contre les plus gros cailloux épars sur le fond sableux, ou en s’insinuant entre les échancrures de quelque minuscule îlot couvert de roseaux. Près de la rive, les oiseaux s’envolent des arbres avec des trilles joyeux, se posent sur une branche en plein soleil en chantant leurs premières chansons printanières, ou descendent, gracieux et vifs, pour chercher des insectes et des vers dans le sol, ou pour boire près des berges. Deux tourterelles sauvages prennent leur bain dans une anse de la rive et se becquettent en roucoulant, puis s’envolent en emportant dans leurs becs un flocon de laine laissé par quelque brebis sur une branche d’aubépine qui fleurit au sommet.

« Elles font cela pour construire leur nid, dit le plus grand des enfants. Elles ont sûrement des tourtereaux… »

Il baisse la tête, bas, très bas, et après avoir esquissé un léger sourire aux premières mots, il pleure sans bruit en essuyant ses yeux de sa main.

Avec son bon cœur de père de famille, Barthélemy le prend dans ses bras, comprenant quelle blessure ont pu provoquer les deux tourterelles en s’occupant de leur nid, et il soupire. Le petit garçon pleure sur son épaule et le deuxième, voyant ces larmes, se met à pleurer à son tour, imité par le troisième qui appelle son père de sa voix grêle d’enfant qui commence à parler.

Judas s’en mêle :

« Aujourd’hui, ce sera cela, notre prière du sabbat ! Tu aurais pu les laisser à la maison ! Une femme est plus indiquée que nous dans ces cas-là, et…

– Mais elle ne fait que pleurer, elle aussi ! D’ailleurs, j’ai moi-même envie d’en faire autant… Car ce sont des drames… qui font trop de peine… lui répond Pierre, en prenant dans ses bras le deuxième enfant.

– Oui, ce sont des choses qui font pleurer, c’est vrai. Et Marie, femme de Jacob, cette pauvre vieille femme affligée, n’est pas très capable de consoler… confirme Simon le Zélote.

– Il ne semble pas que, nous non plus, nous y parvenions vraiment.

554.3

Le seul qui pouvait les consoler, c’était le Maître, et il ne l’a pas fait.

– Il ne l’a pas fait ? Et que devait-il faire de plus ? Il a convaincu les voleurs. Il a parcouru plusieurs milles avec les enfants dans les bras, il s’est occupé d’avertir leur parenté…

– Tout cela est secondaire. Lui, qui est Celui qui commande même à la mort, pouvait, ou plutôt devait descendre au bercail et ressusciter le berger. Il l’a bien fait pour Lazare qui n’était utile à personne ! Ici, il s’agit d’un père, qui plus est veuf, et d’enfants qui restent seuls… Cette résurrection s’imposait. Je ne te comprends pas, Maître…

– Et nous, nous ne te comprenons pas, toi qui te montres si irrespectueux…

– Paix, paix ! Judas ne comprend pas. Il n’est pas le seul à ne pas comprendre les raisons de Dieu, et les conséquences du péché. Toi aussi, Simon-Pierre, tu ne vois pas pourquoi les innocents doivent souffrir. Ne jugez donc pas Judas s’il ne comprend pas pourquoi l’homme n’est pas ressuscité. Si Judas réfléchissait, lui qui me reproche toujours de partir seul et au loin, il comprendrait que je ne pouvais aller si loin… En effet, le bercail se trouvait dans la plaine de Jéricho, mais au-delà de la ville, vers le gué. Qu’auriez-vous dit si je m’étais absenté pendant trois jours au moins ?

– Tu pouvais commander par ton esprit au mort de ressusciter.

– Es-tu plus exigeant que les pharisiens et les scribes, qui ont voulu avoir la preuve d’un mort déjà décomposé pour pouvoir dire que je ressuscite réellement les morts ?

– Mais eux le voulaient parce qu’ils te haïssent. Moi, je le voudrais parce que je t’aime et que je voudrais te voir écraser tous tes ennemis.

– Ton vieux sentiment et ton amour désordonné… Tu n’as pas su déraciner de ton cœur les vieux arbres pour les remplacer par de jeunes plants ; et les vieux, développés par la Lumière de laquelle tu t’es approché, sont devenus encore plus robustes. Ton erreur est celle de beaucoup de gens, présents et à venir, celle des hommes qui, malgré les secours de Dieu, ne changent pas parce qu’ils ne répondent pas par une volonté héroïque aux secours de Dieu.

– Est-ce que, par hasard, les autres disciples ont détruit les vieux arbres ?

– Ils les ont au moins beaucoup taillés et greffés. Toi, tu ne l’as pas fait. Tu n’as même pas regardé avec attention s’ils méritaient une greffe, la taille, ou s’il fallait les enlever. Tu es un jardinier imprévoyant, Judas.

– Seulement pour mon âme cependant, car pour les jardins je sais m’y prendre.

– Tu sais t’y prendre, oui. Pour tout ce qui concerne la terre, tu t’y connais. Je voudrais te voir les mêmes capacités pour les réalités du Ciel.

– Mais ta lumière devrait faire d’elle-même toutes sortes de prodiges en nous ! N’est-elle pas bonne, peut-être ? Si elle fertilise le mal et lui donne de la force, alors elle n’est pas bonne, et c’est sa faute si nous ne devenons pas bons.

– Parle pour toi, mon ami. Moi, je ne trouve pas que le Maître ait renforcé mes tendances mauvaises, rétorque Thomas.

– Moi non plus.

– Ni moi, renchérissent André et Jacques, fils de Zébédée.

– Pour moi, bien au contraire, sa puissance m’a délivré du mal et m’a refait à neuf. Pourquoi parles-tu ainsi ? Est-ce que tu réfléchis avant d’ouvrir la bouche ? » demande Matthieu.

554.4

Pierre est sur le point de s’exprimer, mais il préfère s’éloigner, et il se met à marcher vivement avec l’enfant à son cou, en imitant le balancement d’une barque pour le faire rire. En passant, il prend Jude par un bras et lui crie :

« Allons là-bas, dans cette île ! Elle est remplie de fleurs comme une corbeille. Venez, Nathanaël, Philippe, Simon, Jean… Un bon saut, et on y est. Le torrent, ainsi divisé, ne forme plus que deux ruisseaux de chaque côté de l’île… »

Et il bondit le premier en posant le pied sur un affleurement de sable large de quelques mètres, couvert d’herbe comme une prairie, tapissé des premières fleurs, au milieu desquelles se trouve un seul peuplier grand et élancé dont la cime ondule à une brise légère. Les apôtres qu’il a appelés le rejoignent lentement, suivis par ceux qui se trouvaient plus près de Jésus, mais ce dernier reste en arrière pour parler avec Judas.

« Mais il n’a pas encore fini, celui-là ? demande Pierre à son frère.

– Le Maître est en train de travailler son cœur, répond André.

– Eh ! il serait plus facile de faire pousser des figues sur cet arbre que de faire naître la justice dans le cœur de Judas.

– Et dans son cerveau, renchérit Matthieu.

– Il est horripilant parce qu’il veut toujours paraître le plus malin et avoir le dernier mot, dit Jude.

– Il souffre parce qu’il n’a pas été choisi pour évangéliser. Moi, je le sais, explique Jean.

– Pour ma part… S’il veut prendre ma place… Je ne tiens pas vraiment à y aller ! s’exclame Pierre.

– Aucun de nous n’y tient, mais lui, si. D’un autre côté, mon Frère ne veut pas l’envoyer. Ce matin, je lui en ai parlé, car j’avais compris d’où venait la mauvaise humeur de Judas. Mais Jésus m’a répondu : “ C’est justement parce qu’il a le cœur si malade que je le garde près de moi. Ce sont ceux qui souffrent et qui sont faibles, qui ont besoin d’un médecin et de quelqu’un pour les soutenir. ”

– Oui !… C’est bien !…

554.5

Venez, mes enfants ! Prenons ces beaux roseaux pour en faire des petits bateaux. Voyez comme ils sont beaux ! Et, mettons ces fleurs à l’intérieur, en guise de pêcheurs. Regardez si elles ne ressemblent pas à des têtes, avec un chapeau blanc et rouge… Ici, nous allons faire le port, et là, les maisons des pêcheurs… Maintenant, nous allons attacher les barques avec ces grands joncs, et vous pourrez les faire se déplacer sur l’eau, comme ça… Et puis vous les tirez sur la rive après la pêche… Vous pouvez aussi faire le tour de l’île… attention aux rochers, hein !… »

Pierre est admirable de patience. Il a travaillé avec son couteau des morceaux de roseaux, en les taillant d’un nœud à l’autre et en les découvrant d’un côté pour transformer les roseaux en petites barques, il a mis pour servir de pêcheurs des pâquerettes encore en bouton, il a creusé dans le sable un port lilliputien et fabriqué des maisons avec le sable humide. Une fois atteint son but d’amuser les enfants, il s’assied, manifestement satisfait, en murmurant :

« Pauvres gosses !… »

Jésus pose le pied sur l’île au moment même où les deux bambins commencent leur jeu, et il les caresse en déposant à terre le plus petit, qui s’associe au jeu de ses frères.

« Je suis à vous. Et maintenant parlons de Dieu, car parler de Dieu et parler à Dieu c’est se préparer à la mission. Et après avoir prié, c’est-à-dire parlé à Dieu, nous parlerons de Dieu, qui est présent en toutes choses, afin d’enseigner ce qui est bon. Allons, levez-vous et prions »

Et il entonne des psaumes en hébreu, auxquels s’associent les apôtres.

En entendant chanter ces hommes, les enfants, qui s’étaient éloignés avec leurs petits bateaux, suspendent leur babillage et leurs jeux, et s’approchent. Ils écoutent avec attention, les yeux fixés sur Jésus qui, pour eux, est tout ; puis, avec l’esprit d’imitation de cet âge, ils prennent la même pose que ceux qui prient et essaient de suivre le chant en fredonnant l’air, car ils ne connaissent pas les paroles des psaumes. Jésus baisse les yeux vers eux, et il les regarde avec un sourire qui encourage le chant des petites voix innocentes. Se sentant approuvés, ils reprennent courage…

Le chant des psaumes s’achève.

554.6

Jésus s’assied sur l’herbe et prend la parole:

« Quand les rois d’Israël, celui de Joram et celui de Juda[1], se réunirent pour combattre le roi de Moab, ils s’adressèrent au prophète Elisée pour lui demander conseil. Celui-ci répondit à l’envoyé du roi : “ Si je n’avais pas de respect pour Josaphat, roi de Juda, je ne t’aurais même pas regardé. Mais maintenant, amenez-moi un joueur de harpe. ” Et pendant que le harpiste jouait, Dieu parla à son prophète pour ordonner de faire creuser plusieurs fossés dans le torrent à sec, afin qu’il s’emplisse d’eau pour les hommes et les bêtes. Et, à l’heure du sacrifice du matin, le torrent, sans qu’il y eût du vent ou de la pluie, s’emplit comme le Seigneur l’avait dit. Quelles sont selon vous les leçons de cet épisode ? Parlez ! »

Les apôtres se consultent. Les uns pensent :

« Dieu ne parle pas quand le cœur est troublé. Elisée veut calmer l’indignation qui lui vient de se trouver en face du roi d’Israël, pour pouvoir entendre Dieu. »

D’autres disent:

« C’est une leçon de justice. Elisée, pour ne pas punir le roi de Juda innocent, sauve même le coupable. »

D’autres encore :

« C’est une leçon d’obéissance et de foi. Ils ont creusé les fossés pour obéir à un commandement stupide en apparence, et ils ont attendu l’eau avec foi, bien que le ciel soit serein et sans vent.

– Vous avez bien répondu, mais pas complètement. Quand le cœur est troublé, Dieu ne parle pas. C’est vrai. Mais il n’est pas besoin de harpe pour calmer le cœur. Il suffit d’avoir la charité, cette harpe spirituelle qui donne des notes de paradis. Quand une âme vit dans la charité, elle a le cœur calme, elle entend la voix de Dieu et la comprend. ”

– Alors Elisée n’avait pas la charité puisqu’il était troublé.

– Elisée appartenait au temps de la Justice. Il faut savoir transporter au temps de la Charité les épisodes anciens et les voir, non pas à la lumière des foudres, mais à celle des astres. Vous appartenez au temps nouveau. Pourquoi donc êtes-vous si souvent plus irascibles et plus troublés que les hommes des temps anciens ? Dépouillez-vous du passé. Je le répète, même si cela ne plaît pas à Judas de l’entendre encore une fois : déracinez, taillez, greffez, plantez de nouveaux arbres. Renouvelez-vous, creusez les fossés de l’humilité, de l’obéissance, de la foi. Ces rois surent le faire or, à deux contre un, ils n’étaient pas de Juda, et n’entendirent pas Dieu mais le prophète de Dieu leur répéter les volontés du Très-Haut. Ils seraient morts de soif par suite du manque d’eau s’ils n’avaient pas su obéir. Mais ils obéirent, et l’eau remplit les fossés qu’ils avaient creusés, de sorte que, non seulement ils échappèrent à la soif, mais ils vainquirent leurs ennemis. Je suis l’Eau de la vie. Creusez des fossés dans vos cœurs pour pouvoir me recevoir.

554.7

Et maintenant, écoutez : je ne fais pas de longs discours. Je vous livre des pensées pour que vous les méditiez. Vous serez toujours comme ces enfants, et même moins qu’eux, car eux sont innocents alors que vous ne l’êtes pas, si bien que la lumière spirituelle est plus trouble en vous si vous ne vous habituez pas à méditer. Vous écoutez toujours, mais ne retenez jamais, car votre intelligence est en sommeil au lieu d’être active. Réfléchissez donc[2] : quand la Sunamite perdit son fils, elle voulut aller trouver le prophète bien que son mari lui dise que ce n’était pas le premier du mois et que ce n’était pas le sabbat. Mais elle savait qu’elle devait s’y rendre, car certaines démarches ne souffrent pas de retard. Et parce qu’elle sut avoir cette bonne intelligence spirituelle, son fils ressuscita. Qu’en dites-vous?

– Que c’est un reproche pour moi à propos du sabbat, dit Judas.

– Tu vois donc, Judas, que quand tu veux, tu sais comprendre ? Ouvre donc ton esprit à la justice.

– Oui… mais tu n’as pas violé le sabbat pour ressusciter l’homme.

– J’ai fait davantage : j’ai empêché la ruine, la mort de ces enfants, la vraie mort, et j’ai rappelé aux voleurs que…

– Oh ! attends pour prétendre avoir fait quelque chose ! Moi, je ne crois pas que ces vauriens t’obéirons…

– Si le Maître l’affirme…

– Elisée lui-même, dans le récit de la Sunamite, déclare : “ Le Seigneur l’a tenu secret pour moi. ” Donc on ne sait pas toujours tout, même par les prophètes, réplique Judas.

– Notre Frère est plus qu’un prophète, objecte Jude.

– Je le sais. C’est le Fils de Dieu. Mais c’est aussi l’Homme. Comme tel, il peut lui arriver de ne pas connaître des choses de moindre importance, comme une conversion et un retour… Maître, sais-tu vraiment toujours, toujours tout ? Je me le demande souvent… insiste Judas avec un désir tenace de savoir.

– Et dans quelle intention ? Pour t’apporter la paix, pour te donner un conseil, pour te causer du tourment ? demande Jésus.

– Mais… Je ne saurais. Je me le demande et…

– Et tu sembles troublé même en te le demandant, constate Thomas.

– Moi ? Il est sûr que la perplexité trouble toujours…

– Que de subtilités ! Moi, je ne me pose pas tant de questions. Je crois sans tant chercher à connaître, et je ne suis pas du tout angoissé ni troublé. Mais laissons parler le Maître. Elle ne me plaît pas, cette leçon. Dis-nous plutôt une belle parabole, Maître. Elle plaira aussi aux enfants, dit Pierre.

554.8

– J’ai encore une question à poser. Celle-ci : que signifie pour vous la farine qui enlève l’amertume à la soupe des fils des prophètes ? »

C’est un profond silence qui y répond.

« Comment ? Vous ne savez pas quoi dire ?

– Peut-être la farine absorbe-t-elle l’amertume… propose Matthieu, peu sûr de lui.

– Tout aurait été amer, même la farine.

– Par un miracle du prophète qui ne voulait pas mortifier le serviteur, suggère Philippe.

– Aussi. Mais pas pour cette seule raison.

– Le Seigneur a voulu faire briller la puissance du prophète, même sur les choses matérielles, dit Simon le Zélote.

– Oui, mais ce n’est pas encore la juste signification. Les vies des prophètes anticipent ce qui sera dans la plénitude des temps : dans mon temps. Ils font voir mon jour terrestre sous des symboles et des figures. Donc… »

Silence. Ils se regardent. Puis Jean baisse la tête, son visage s’enflamme, et il sourit.

« Pourquoi ne dis-tu pas ce que tu penses, Jean ? lui demande Jésus. Ce n’est pas manquer à l’amour que de parler, puisque tu ne le fais pas pour humilier quelqu’un.

– Je pense que cela signifie ceci : au temps de la faim de vérité et de la disette de sagesse, celui où tu es venu, tous les arbres sont retournés à l’état sauvage et ont donné des fruits amers, immangeables, comme empoisonnés pour les fils des hommes, de sorte que c’est en vain qu’ils les cueillent et les accommodent pour s’en nourrir. Mais la bonté de l’Eternel t’envoie, toi, farine de grain de choix, et toi, par ta perfection, tu enlèves le poison de toutes nourritures en leur rendant leur bonté première, et en rendant de nouveau comestibles les arbres des Ecritures, que les siècles ont dénaturés, et le palais des hommes que la concupiscence a corrompus. Dans ce cas, Celui qui ordonne d’apporter la farine et la verse dans la soupe amère, c’est ton Père, et c’est toi la farine qui se sacrifie afin de se faire nourriture pour les hommes. Une fois que tu auras été consommé, il n’y aura plus rien d’amer dans le

monde, car tu auras rétabli l’amitié avec Dieu.

554.9

Je peux m’être trompé…

– Non, tu ne t’es pas trompé. C’est bien le symbole.

– Oh ! et comment as-tu fait pour y penser ? » s’étonne Pierre.

C’est Jésus qui lui répond :

« Je reprends tes mots de tout à l’heure : un bon saut, et l’on arrive sur l’île paisible et fleurie de la spiritualité. Mais il faut avoir le courage de le faire, en abandonnant la rive, le monde. Sauter sans se demander si quelqu’un rira de la gaucherie de notre bond ou se moquera de notre simplisme de préférer au monde un îlot solitaire. Sauter sans avoir peur de se blesser, de se mouiller ou d’être déçu. Quitter tout pour se réfugier en Dieu. S’établir sur l’île séparée du monde, et en sortir uniquement pour distribuer, à ceux qui sont restés sur la rive, les fleurs et les eaux pures recueillies dans l’île de l’esprit, où pousse un arbre unique : celui de la Sagesse. En restant près de lui, loin des bruits fracassants du monde, on en saisit toutes les paroles et on devient maître en sachant être disciple. Cela aussi est un symbole.

554.10

Mais maintenant, nous allons raconter une jolie parabole pour les enfants. Venez ici, tout près. »

Les trois garçons s’approchent si près qu’ils s’asseyent tout bonnement sur les jambes de Jésus, qui les enlace de ses bras, et commence son récit :

« Un jour le Seigneur Dieu dit : “ Je vais faire l’homme, et l’homme vivra dans le paradis terrestre où se trouve le grand fleuve qui ensuite se divise en quatre, formant le Phison, le Géhon, l’Euphrate et le Tigre, qui parcourent la terre. L’homme sera heureux, car il possédera toutes les beautés et tout ce qui est bon dans la Création, et mon amour pour la joie de son esprit. ” Et c’est ce qu’il fit. C’était comme si l’homme se trouvait sur une grande île, mais encore plus fleurie que celle-ci, avec des arbres de toutes espèces et tous les animaux. Et tout au-dessus était l’amour de Dieu, qui servait de soleil à l’âme, et la voix de Dieu était dans les vents, plus mélodieuse qu’un chant d’oiseau.

Mais voilà que, dans cette belle île fleurie, au milieu de toutes les bêtes et de toutes les plantes, entra en rampant un serpent différent de ceux qui avaient été créés par Dieu — ils étaient bons, sans crochet venimeux, sans férocité dans les replis de leur corps sinueux —. Mais ce serpent-là s’était vêtu d’une peau aux couleurs des plus admirables pierres précieuses. Il s’était même fait plus beau, au point de ressembler à un grand collier de roi qui avançait en ondulant au milieu des magnifiques plantes du Jardin. Il alla s’enrouler autour d’un arbre qui s’élevait au milieu du Jardin, un bel arbre solitaire, beaucoup plus grand que celui-ci, et couvert de feuilles et de fruits merveilleux. Placé là, le serpent avait l’air d’un bijou, il brillait au soleil, et tous les animaux le regardaient, car aucun se souvenait de l’avoir vu être créé, ni même de l’avoir vu avant ce moment. Mais personne ne s’en approchait. Tous, au contraire, s’éloignaient de l’arbre maintenant qu’il avait le serpent autour de son tronc.

Seuls l’homme et la femme s’en approchèrent, la femme avant l’homme parce qu’elle était charmée par cette apparition luisante et majestueuse qui bougeait la tête, semblable à une fleur à moitié éclose. Elle écouta ce que disait le serpent et désobéit au Seigneur, puis elle fit désobéir Adam. Ce fut seulement ensuite qu’ils virent le serpent pour ce qu’il était et qu’ils comprirent leur péché, car désormais ils avaient perdu l’innocence du cœur. Et ils se cachèrent pour échapper à Dieu qui les cherchait, puis ils mentirent à Dieu qui les interrogeait.

Alors Dieu mit des anges à la limite du Jardin et en chassa les hommes. Ce fut comme si les hommes étaient jetés de la rive tranquille de l’Eden dans les fleuves remplis d’eau comme quand arrivent les crues du printemps. Mais Dieu laissa pourtant dans le cœur de ceux qui étaient chassés le souvenir de leur destinée éternelle, c’est-à-dire de leur passage du beau jardin, où ils entendaient la voix aimante de Dieu, au paradis où ils auraient profité complètement de Dieu. Et avec ce souvenir, le Seigneur leur laissa le saint désir de retrouver le paradis perdu, en menant une vie de juste.

Mais, mes enfants, vous avez vu tout à l’heure que, tant qu’un bateau descend en suivant le courant, il avance facilement. Au contraire, quand il le remonte, il a du mal à rester en surface, à ne pas être bousculé par l’eau, à ne pas faire naufrage au milieu des herbes et du sable, ou des pierres du cours d’eau. Si Simon-Pierre n’avait pas attaché vos petites barques avec les joncs souples de la rive, vous les auriez toutes perdues, comme c’est arrivé à Isaac quand il a lâché le jonc.

Il arrive la même chose aux hommes jetés sur les courants de la terre : il leur faut toujours rester entre les mains de Dieu, en lui confiant leur volonté, qui est — comme le jonc — aux mains du bon Père qui est dans les Cieux et qui est le Père de tous et spécialement des innocents. Et ils doivent avoir l’œil bien ouvert pour éviter les herbes et les roseaux, les pierres, les tourbillons et la boue qui pourraient retenir, briser ou engloutir la barque de leur âme en arrachant le fil de la volonté qui les tient unis à Dieu. Car le Serpent, qui n’est plus dans le Jardin, se trouve maintenant sur la terre, et il cherche justement à mener les âmes au naufrage, et à les empêcher de remonter par l’Euphrate, le Tigre, le Géhon et le Phison jusqu’au grand Fleuve qui court dans le Paradis éternel et arrose les arbres de la Vie et du Salut. Or ce sont ces derniers qui portent les fruits perpétuels dont profiteront tous ceux qui ont su remonter le courant pour se réunir à Dieu et à ses anges sans avoir jamais plus à souffrir de rien.

554.11

– Maman disait cela aussi, dit le plus grand des enfants.

– Oui, elle disait ça, gazouille le plus petit.

– Tu ne peux pas le savoir. Moi si, parce que je suis grand. Mais si tu racontes des choses qui ne sont pas vraies, tu n’entreras pas dans le Paradis.

– Pourtant, Papa disait qu’il n’y avait rien de vrai, objecte le cadet.

– Parce que lui ne croyait pas au Seigneur de Maman.

– Ton père n’était pas samaritain ? demande Jacques, fils d’Alphée.

– Non, il était d’ailleurs. Mais Maman était samaritaine, et nous sommes samaritains parce qu’elle voulait que nous soyons comme elle. Et elle nous parlait du Paradis et du Jardin, mais pas aussi bien que toi. Moi, j’avais peur du serpent et de la mort, car Maman disait que le serpent, c’était le diable, et parce que Papa prétendait que la mort est la fin de tout. A cause de cela, j’étais très malheureux d’être seul ; je disais aussi qu’il est inutile d’être bon désormais : quand nos parents étaient en vie, nous les réjouissions par notre bonté, mais, eux disparus, il n’y avait plus personne à qui faire ce plaisir. Maintenant, je sais… et je serai bon. Je n’enlèverai jamais mon fil des mains de Dieu de peur d’être emporté par les eaux de la terre.

– Mais Maman, elle est allée en haut ou en bas ? demande, perplexe, le deuxième enfant.

– Que veux-tu dire, mon petit ? questionne Matthieu.

– Je dis : où est-elle ? Elle est allée au fleuve du Paradis éternel ?

– Espérons-le, mon enfant. Si elle était bonne…

– C’était une Samaritaine… lance avec mépris Judas.

– Et alors ? il n’y a pas de paradis pour nous, sous prétexte que nous sommes samaritains ? Alors, nous n’aurons pas Dieu, nous ? Lui l’a appelé “ le Père de tous. ” Moi qui suis orphelin, cela me plaisait de penser que j’ai encore un Père… Mais s’il n’y en a pas pour nous… »

Il baisse la tête avec tristesse.

« Dieu est le Père de tous, mon enfant. Est-ce que, par hasard, je t’ai moins aimé parce que tu es samaritain ? Je t’ai arraché aux voleurs, et je t’arracherai au démon, de la même façon que je lui arracherais le petit garçon du grand-prêtre du Temple de Jérusalem, s’il ne considérait pas comme une violence que le Rédempteur sauve son enfant. D’ailleurs, j’en fais encore plus pour toi, parce que tu es seul et malheureux. Pour moi, il n’y a aucune différence entre l’âme d’un juif et celle d’un Samaritain. Et d’ici peu, il n’y aura plus de séparation entre la Samarie et la Judée, car le Messie aura un peuple unique qui portera son nom, et auquel appartiendront tous ceux qui l’aimeront.

– Moi, je t’aime, Seigneur. Mais tu me conduis auprès de ma mère ? dit le plus grand des trois enfants.

– Tu ne sais pas où elle se trouve. Cet homme a seulement dit qu’il nous faut espérer… dit le cadet.

– Moi, je l’ignore, mais le Seigneur le sait. Il a su où nous étions, alors que nous, nous ne savions même pas où nous étions.

– Avec des voleurs… Ils voulaient nous tuer… »

La terreur revient sur le petit visage du cadet.

« Les voleurs étaient de vrais démons, mais lui nous a sauvés parce que nos anges l’ont appelé.

– Maman aussi, les anges l’ont sauvée. Je le sais, parce que je rêve toujours d’elle.

– Tu es un menteur, Isaac. Tu ne peux pas rêver d’elle : tu ne t’en souviens pas. »

Le petit pleure en disant :

« Non, non. Moi, je rêve vraiment d’elle !

– Ne traite pas ton frère de menteur, Ruben. Son âme peut bien voir sa mère, car le bon Père des Cieux peut permettre à l’orphelin de rêver d’elle et de la connaître partiellement, comme il nous permet de le connaître lui-même. Car, de cette connaissance limitée, vient la bonne volonté de le connaître parfaitement, ce que l’on obtient en étant toujours très bons.

554.12

Et maintenant, partons. Le sabbat est sanctifié puisque nous avons parlé de Dieu. »

Il se lève et entonne d’autres psaumes.

Des habitants d’Ephraïm s’approchent en entendant le chœur. Ils attendent avec respect la fin du psaume pour saluer, et s’adressent à Jésus :

« Tu as préféré venir ici, plutôt qu’avec nous ? Tu ne nous aimes donc pas ?

– Aucun de vous ne m’avait invité. Je suis donc venu ici avec mes apôtres et les enfants.

– C’est vrai. Mais nous croyions que ton disciple t’avait fait part de notre désir. »

Jésus regarde Jean et Judas. Ce dernier répond :

« J’ai oublié de le dire hier, et aujourd’hui, avec ces enfants, je n’y ai plus pensé. »

Jésus, pendant ce temps, quitte l’îlot et passe le minuscule bras d’eau pour aller auprès des habitants d’Ephraïm. Les apôtres le suivent, tandis que les enfants s’attardent à délier les deux barques de roseau qui restent et, à Pierre qui les questionne, ils expliquent :

« Nous voulons les garder pour nous rappeler la leçon.

– Et moi ? Je l’ai perdue ! Je ne me souviendrai pas, et je n’irai pas au Paradis, pleurniche le plus petit.

– Attends ! Ne pleure pas. Je te fais tout de suite le petit bateau. Bien sûr. Toi aussi, tu dois garder en mémoire cette leçon. Eh ! il faudrait que, tous, nous en fassions une avec son jonc attaché à la proue, pour nous rappeler. Ce serait plus utile pour nous, les hommes, que pour vous, les enfants ! Hélas ! »

Après avoir taillé le jonc et fabriqué la barque, Pierre prend contre lui les trois enfants, en une seule brassée, et il saute le ruisseau pour aller auprès de Jésus.

« Ce sont eux ? demande Malachie d’Ephraïm.

– Oui.

– Et ils sont de Sichem ?

– C’est ce que disait le petit pâtre : que ses parents venaient des campagnes.

– Pauvres enfants ! Mais si personne de leur parenté ne venait, que ferais-tu ?

– Je les garderais avec moi. Mais ils viendront.

– Ces voleurs… Ne vont-ils pas venir, eux aussi ?

– Ils ne viendront pas, mais n’ayez pas de crainte pour eux. Même s’ils venaient… C’est moi qui les volerais et non pas eux qui vous voleraient. Je leur ai déjà enlevé leurs quatre proies, et j’espère avoir arraché un peu de leur âme au péché, au moins pour l’un ou l’autre.

– Pour ces enfants, nous allons t’aider. Tu nous le permettras ?

– Oui. Et ce n’est pas parce qu’ils sont de votre région, mais parce que ce sont des innocents, or aimer les innocents est un chemin qui mène rapidement à Dieu.

– Mais toi seul ne fais pas de distinction entre innocents et innocents. Un Judéen n’aurait pas recueilli ces petits Samaritains, pas plus qu’un Galiléen. Nous ne sommes pas aimés. Et ce manque d’amour pour nous, ils l’ont aussi à l’égard des personnes qui ne savent même pas encore ce que c’est que d’être samaritain et juif. Et cela, c’est cruel.

– Oui. Mais il n’en sera plus ainsi quand on suivra ma Loi. Tu vois, Malachie ? Ils sont dans les bras de Simon-Pierre, de mon frère et de Simon le Zélote. Aucun d’eux n’est samaritain, ni père. Et pourtant, tu ne serres pas tes enfants sur ton cœur avec autant d’amour que le font mes disciples pour les orphelins de Samarie. Voici quelle est l’idée messianique : réunir tout le monde dans l’amour. C’est la vérité de l’idée messianique. Un seul peuple sur la terre sous le sceptre du Messie. Un seul peuple dans le Ciel sous le regard d’un seul Dieu. »

Tout en parlant, ils se dirigent vers la maison de Marie, femme de Jacob.

554.1

«Alzatevi e andiamo lungo il torrente. Come gli ebrei fuori della loro patria e in luoghi dove non sono sinagoghe, celebreremo il sabato fra noi. Venite, fanciulli…», dice Gesù agli apostoli, oziosi nell’orto della casa, e tende la mano ai tre poveri bambini che stanno in gruppo in un angolo.

Essi accorrono con una timida gioia sul visuccio precocemente pensoso di bambini che hanno visto cose troppo più grandi di loro, e i due più grandicelli mettono la loro manina in quella di Gesù, ma il più piccino vuole essere preso fra le braccia, e Gesù lo accontenta dicendo al più grande: «Tu mi starai al fianco ugualmente, mi terrai la veste come ieri. Ma Isacco è troppo stanco e piccino per fare da sé…». Il grandicello beve il sorriso di Gesù e accetta, contentandosi di camminare vicino a Gesù come un ometto.

«Da’ a me il fanciullo, Maestro. Tu devi essere ancora stanco di ieri, e Ruben ci soffre a non darti la mano…», dice Bartolomeo e fa per levargli il fanciullino, che si attacca al collo di Gesù.

«È caparbio come tutta la razza!», esclama l’Iscariota.

«No. È spaurito. Tu non capisci nulla di figli. I piccoli sono così. Quando sono afflitti o spaventati cercano rifugio nel primo che ha loro sorriso e dato conforto», ribatte Bartolomeo e, non potendo prendere in braccio il più piccolo, dà la mano al più grande dopo averlo accarezzato sui capelli e avergli sorriso paterno.

554.2

Escono dalla casa, nella quale resta soltanto la donna, e vanno, seguendo il torrente oltre il paese. Sono belle le sue sponde che l’erba nuova ricopre e i fiori del prato costellano. L’acqua è limpida e chiacchierina fra i sassi e, sebbene sia poca, canta con note d’arpa e fruscia spezzandosi contro i sassi più grossi sparsi nel greto, o insinuandosi fra le frastagliature di qualche minuscola isola coperta di canne. Dalle piante presso le rive gli uccelli sfrecciano via con trilli di gioia, oppure si posano su qualche ramo in pieno sole e cantano le prime canzoni di primavera, o scendono, graziosi e vivaci, a cercare insetti e vermi nel suolo o a bere presso le rive. Due tortorine selvatiche fanno il loro bagno in una curva della riva e si sbeccuzzano tubando, poi se ne vanno a volo, tenendo nel becco un bioccolo di lana lasciato da qualche pecora contro una pianta di biancospino che comincia a fiorire nella cima.

«Fanno così per fare il nido», dice il bambino più grande. «Hanno certo i tortorini…». China il capo basso basso e, dopo avere avuto una larva di sorriso alle prime parole, piange senza rumore asciugandosi gli occhi con la mano.

Bartolomeo lo prende in braccio, comprendendo quale ferita hanno stuzzicato le due tortorelle con le loro cure. E sospira Bartolomeo, che ha l’animo buono di un buon padre di famiglia. Il bambino gli piange sulla spalla e l’altro, il secondo, vedendo quel pianto, si mette a piangere a sua volta, imitato dal terzo che chiama il padre con la sua vocina di piccolino che da poco sa parlare.

«Oggi sarà questa la nostra orazione del sabato! Potevi lasciarli in casa! La donna è più adatta di noi in questi casi e…», osserva l’Iscariota.

«Ma se non fa che piangere essa pure! Come del resto ho gran voglia di farlo io… Perché sono cose… che fanno piangere…», gli risponde Pietro prendendo in braccio il secondo bambino.

«Sì. Sono cose che fanno piangere. È vero. E Maria di Giacobbe, povera vecchia afflitta, non è molto capace di consolare…», conferma lo Zelote.

«Anche a noi non sembra che ci riesca molto.

554.3

L’unico che poteva consolare era il Maestro. E non lo ha fatto».

«Non lo ha fatto? E che doveva fare di più? Ha persuaso i ladroni, ha fatto miglia coi bambini fra le braccia, ha provveduto ad avvertire i parenti loro…».

«Tutte cose secondarie. Egli, che è Colui che comanda anche alla morte, poteva, anzi doveva scendere all’ovile e risuscitare il pastore. Lo ha pur fatto per Lazzaro, che non era utile a nessuno! Qui un padre, e vedovo per giunta, dei bambini che restano soli… Questa risurrezione era da farsi. Io non ti capisco, Maestro…».

«E noi non si capisce te, così irrispettoso…».

«Pace, pace! Giuda non comprende. Non è solo a non comprendere le ragioni di Dio e le conseguenze del peccato. Tu pure, Simone di Giona, non comprendi perché gli innocenti devono soffrire. Non vogliate perciò giudicare Giuda di Simone, che non comprende perché l’uomo non è risuscitato. Se Giuda rifletterà, lui che sempre mi rimprovera di andare solo e lontano, comprenderà che non potevo andare così lontano… Perché

l’ovile era nella pianura di Gerico, ma oltre la città, verso il guado. Che avreste detto se fossi stato lontano almeno tre giorni?».

«Potevi comandare col tuo spirito al morto di risorgere».

«Sei tu da più dei farisei e scribi, che vollero la prova di un mor­­to già disfatto per poter dire che Io risuscito realmente i morti?».

«Ma essi la volevano perché ti odiano. Io la vorrei perché ti amo e vorrei vederti schiacciare tutti i tuoi nemici».

«Il tuo vecchio sentimento e il tuo disordinato amore. Non hai saputo sbarbare dal tuo cuore le piante vecchie per sostituirle con le nuove; e le vecchie, fertilizzate dalla Luce alla quale ti sei accostato, sono diventate ancor più robuste. Il tuo è l’errore di molti, presenti e futuri. Di quelli che, nonostante gli aiuti di Dio, non si trasformano perché non rispondono con eroico volere al soccorso di Dio».

«Forse che costoro, che sono come me tuoi discepoli, hanno distrutto le vecchie piante?».

«Le hanno almeno molto potate e molto innestate. Tu non lo hai fatto. Non hai nemmeno guardato con attenzione se esse meritavano innesti, potatura, o di essere levate. Sei un giardiniere improvvido, Giuda».

«Solo per la mia anima, però. Perché per i giardini so fare».

«Sai fare. Per tutte le cose terrestri sai fare. Ti vorrei vedere ugualmente capace per le cose del Cielo».

«Ma la tua luce dovrebbe fare da sé ogni prodigio in noi! Non è forse buona? Se rende fertile il male e lo irrobustisce, allora non è buona, ed è colpa sua se noi non si diviene buoni».

«Parla per te, amico. Io non trovo che il Maestro mi abbia fatto più forti le cattive tendenze», dice Tommaso.

«E neppure io», «E io», dicono Andrea e Giacomo di Zebedeo.

«A me, poi, la sua potenza mi ha liberato dal male e fatto nuovo. Perché parli così? Non rifletti a ciò che dici?», chiede Matteo.

554.4

Pietro sta per parlare, ma preferisce andarsene, e si dà a camminare lesto col fanciullino in collo, imitando l’ondulare di una barca per farlo ridere, e nel passare prende per un braccio il Taddeo e grida: «Su, andiamo là, in quell’isola! È piena di fiori come un canestro. Venite, Natanaele, Filippo, Simone, Giovanni… Un bel salto e ci si è. Il torrente, così diviso, non è che due ruscelli al di qua e al di là dell’isola…».

E salta per primo, posando piede su un’emergenza sabbiosa larga pochi metri, erbosa come un prato, fiorita dei primi fiori come un tappeto, al centro della quale è un solo pioppo alto e sottile che ondeggia la cima ad un venticello leggero. Lo raggiungono lentamente i chiamati, seguiti poi da quelli che erano più vicini a Gesù, che resta indietro parlando con l’I­sca­rio­ta.

«Ma non ha ancora finito quello là?», chiede Pietro a suo fratello.

«Il Maestro gli sta lavorando il cuore», risponde Andrea.

«Eh! più facile che io riesca a far spuntare fichi su questa pianta che non nel cuore di Giuda venga giustizia».

«E nel suo intelletto», rincara Matteo.

«È stolto perché lo vuole essere, e in ciò che vuole», dice il Taddeo.

«Soffre perché non è stato scelto per evangelizzare. Io lo so», spiega Giovanni.

«Ma per me… Se vuole andare lui al mio posto… Non ci tengo proprio ad andare in giro!», esclama Pietro.

«Nessuno di noi ci tiene. Ma lui sì. Invece mio fratello non lo vuole mandare. Questa mattina gliene ho parlato, perché avevo capito l’umore di Giuda e le cause di esso. Ma Gesù ha detto: “Proprio perché è un cuore così malato, lo tengo presso di Me. Sono i sofferenti e i deboli che hanno bisogno del medico e di chi li sorregge”».

«Già!… Bene!…

554.5

Venite, fanciulli. Ora prendiamo queste belle canne e ne facciamo delle barchettine. Vedete che belle! E dentro, a far da pescatori, ci mettiamo questi fiorellini. Guardate qui se non sembrano teste, con un copricapo bianco e rosso… Qui facciamo il porto e qui, ecco, le casette dei pescatori… Ora leghiamo le barche con queste belle erbe fini, e voi le fate andare in acqua, così…, e poi le tirate sulla riva dopo la pesca… Potete anche fare il giro dell’isola… e attenti agli scogli, eh!…». Pietro è ammirabile di pazienza. Ha lavorato di coltello su pezzi di canna, tagliando da nodo a nodo e scoperchiando un lato per trasformare le canne in barchette, ha messo a fare da pescatori delle pratoline ancora in boccio, ha scavato nella rena un porto lillipuziano e creato delle casette con la sabbia umida e, ottenuto lo scopo di ricreare i bambini, si siede soddisfatto mormorando: «Povere creature!…».

Gesù pone piede sull’isola proprio quando i due fanciulletti iniziano il loro giuoco e li carezza deponendo a terra il più piccino, che si unisce al giuoco dei fratellini.

«Eccomi a voi. E ora parliamo di Dio. Perché parlare di Dio e parlare a Dio è prepararsi alla missione. E dopo aver fatto orazione, ossia dopo aver parlato a Dio, parleremo di Dio che è presente in tutte le cose per istruire alle cose buone. Su, alzatevi e preghiamo», e intona dei salmi in ebraico, ai quali fanno coro gli apostoli.

I fanciulli, che si erano allontanati con le loro barchettine, sospendono il cinguettio delle loro vocette e i loro giuochi, e si avvicinano sentendo cantare quegli uomini. Ascoltano attenti, con gli occhi fissi su Gesù che per loro è tutto, e poi, con lo spirito di imitazione dei bambini, prendono la stessa postura degli oranti e cercano di seguire il canto, con la sola voce, non sapendo le parole dei salmi. Gesù abbassa gli occhi e li guarda con un sorriso che aumenta il canto delle vocette innocenti. Si sentono approvati e si rincuorano…

Il canto dei salmi ha fine.

554.6

Gesù si siede sull’erba e inizia a parlare:

«Quando i re d’Israele, di Edom e di Giuda[1] si riunirono per combattere il re di Moab e si rivolsero per consiglio a Eliseo profeta, egli rispose al messo dei re: “Se non avessi rispetto a Giosafat, re di Giuda, neppure ti avrei guardato. Ma ora conducetemi un suonatore d’arpa”. E mentre l’arpista suonava, Dio parlò al suo profeta comandando di fare scavare fosse e fosse nel torrente arido, perché si empisse d’acqua per uomini e bestie. E all’ora del sacrificio del mattino il torrente, senza che fosse vento o pioggia, si empì come il Signore aveva detto. Quali, secondo voi, le lezioni di questo episodio? Parlate!».

Gli apostoli si consultano fra loro. Chi dice: «Nel turbamento del cuore non parla Dio. Eliseo vuole placare il suo sdegno, sorto nel vedersi di fronte il re d’Israele, per potere sentire Dio». Chi invece dice: «È lezione di giustizia. Eliseo, per non punire l’innocente re di Giuda, salva anche il colpevole». Altri ancora: «È lezione di ubbidienza e di fede. Essi scavarono le fosse ubbidendo al comando in apparenza stolto e attesero con fede l’acqua benché fosse sereno e senza vento il cielo».

«Avete risposto bene, ma non ampiamente bene. Nel turbamento del cuore non parla Iddio. È vero. Ma non necessitano arpe a calmare il cuore. Basta avere la carità, che è l’arpa spirituale che dà note di paradiso. Quando un’anima vive nella carità ha il cuore calmo e sente la voce di Dio e la comprende».

«Allora Eliseo non aveva carità, perché era turbato».

«Eliseo è del tempo della Giustizia. Bisogna saper trasportare al tempo della Carità gli episodi antichi e vederli non alla luce delle folgori ma a quella degli astri. Voi siete del tempo nuovo. Perché dunque tanto sovente siete più iracondi e turbati di quelli del tempo antico? Spogliatevi del passato. Lo ripeto, anche se a Giuda non piace sentirlo ripetere. Estirpate, potate, innestate, mettete piante nuove. Rinnovatevi, scavate le fosse dell’umiltà, dell’ubbidienza, della fede. Quei re lo seppero fare ed erano, due contro uno, non di Giuda, e non sentirono Dio, ma il profeta di Dio ripetere i voleri dell’Altissimo. Sarebbero morti di sete nell’aridità se non avessero saputo ubbidire. Ubbidirono e l’acqua empì le fosse scavate, e non solo furono salvi dalla sete ma vinsero i nemici. Io sono l’Acqua della Vita.

Scavate fosse nei vostri cuori per poter ricevere Me.

554.7

E ora ascoltate. Non faccio lunghi discorsi. Vi do delle sentenze perché voi le meditiate. Sarete sempre come questi fanciulli, e anche meno di loro, perché essi sono innocenti e voi non lo siete e perciò è più fosca in voi la luce spirituale, se non vi abituate a meditare. Sempre ascoltate, mai non ritenete, perché la vostra intelligenza dorme in luogo di essere attiva. Dunque sentite[2]. Quando alla Sunamite morì il figlio, ella volle andare dal profeta nonostante che il marito le dicesse che non era il primo del mese e non era sabato. Ma ella sapeva di dover andare, perché per certe cose non sono ammesse dilazioni. E poiché seppe comprendere lo spirito delle cose, ebbe risuscitato il figlio. Che ne dite di questo fatto?».

«Che esso è rimprovero a me per il sabato», dice l’Iscariota.

«Vedi dunque, o Giuda, che quando vuoi sai capire? Apri dunque il tuo spirito alla giustizia».

«Sì… ma Tu non hai violato il sabato per risuscitare l’uo­mo».

«Ho fatto di più. Ho impedito la rovina, la morte di questi, la vera morte. E ho ricordato ai ladroni che…».

«Oh! attendi a consolarti di aver fatto qualcosa! Io non credo che essi ti abbiano ubbidito…».

«Se il Maestro lo dice…».

«Anche Eliseo, nel racconto della Sunamite, dice: “Il Signore me lo ha tenuto nascosto”. Dunque non sempre tutto si sa neanche da parte dei profeti», ribatte l’Iscariota.

«Nostro fratello è da più di un profeta», osserva il Taddeo.

«Lo so. È il Figlio di Dio. Ma è anche l’Uomo. Come tale può essere soggetto a non sapere cose secondarie, come questa di una conversione e di un ritorno… Maestro, sai proprio sempre, sempre tutto? Io me lo chiedo sovente…», incalza, tenace nel suo cuore, l’Iscariota.

«E con quale spirito? Per darti pace, per darti consiglio, per darti turbamento?», chiede Gesù.

«Ma… Non saprei. Me lo chiedo e…».

«E sembri turbato anche nel chiedertelo», dice Tommaso.

«Io? Certo la perplessità turba sempre…».

«Quante sottigliezze! Io non me ne propongo tante. Credo sen­za indagare, e non sono perplesso e turbato per niente. Ma lasciamo parlare il Maestro. A me non piace questa lezione. Di’ una bella parabola, Maestro. Piacerà anche ai fanciulli», dice Pietro.

554.8

«Ho ancora da chiedere una cosa. Questa. Che significato ha per voi la farina che leva l’amaro alla minestra dei figli dei profeti?».

Un profondo silenzio è la risposta alla domanda.

«E che? Non sapete rispondere?».

«Forse perché la farina assorbì l’amaro…», dice incerto Matteo.

«Tutto sarebbe stato amaro, anche la farina».

«Per un miracolo del profeta, che non voleva mortificato il servo», suggerisce Filippo.

«Anche. Ma non per questo soltanto».

«Il Signore volle far brillare la potenza del profeta anche sulle materie comuni», dice lo Zelote.

«Sì. Ma non è ancora il significato giusto. Le vite dei profeti anticipano ciò che poi sarà nel tempo pieno: il mio; rispecchiano il mio giorno terreno sotto simboli e figure. Dunque…».

Silenzio. Si guardano. Poi Giovanni curva il capo, divenendo acceso nel volto, e sorride.

«Perché non dici il tuo pensiero, Giovanni?», lo interroga Gesù. «Non è mancanza di amore parlare, perché non lo fai per mortificare alcuno».

«Penso che voglia dire questo. Che nel tempo della fame della Verità e della carestia della Sapienza, questo nel quale Tu sei venuto, ogni albero si è inselvatichito ed ha dato frutti amari, immangiabili come tossico per i figli degli uomini, che in tal modo invano li colgono e se li preparano per nutrirsene. Ma la bontà dell’Eterno manda Te, farina di grano eletto, e Tu con la tua perfezione levi il tossico da ogni cibo, rendendo novellamente buoni e gli alberi delle Scritture, che i secoli hanno snaturato, e i palati degli uomini, che la concupiscenza ha corrotto. In questo caso, colui che ordina di portare la farina e la versa nell’amara caldaia è il Padre tuo, e Tu sei la farina che si sacrifica per farsi cibo agli uomini. E dopo la tua consumazione nulla più di amaro sarà nel mondo, perché Tu avrai ristabilito l’amicizia con Dio.

554.9

Posso aver sbagliato».

«Non hai sbagliato. Questo è il simbolo».

«Oh! e come hai fatto a pensarlo?», chiede stupito Pietro.

Gli risponde Gesù: «Io te lo dico con le tue stesse parole di poc’anzi. Un bel salto e si è sull’isola pacifica e fiorita della spiritualità. Ma bisogna avere il coraggio di fare il salto, abbandonando la riva, il mondo. Saltare senza pensare se c’è chi può ridere per il nostro salto goffo o deridere per la nostra semplicità di preferire un isolotto solitario al mondo. Saltare senza paura di ferirsi o bagnarsi, o di essere delusi. Lasciare tutto per rifugiarsi in Dio. Mettersi sull’isola separata dal mondo e di là uscirne unicamente per distribuire, a quelli che sono rimasti sulle rive, i fiori e le acque pure raccolti nell’isola dello spirito, dove è un unico albero: quello della Sapienza. Standogli vicino, lontano dai fragori del mondo, se ne afferrano tutte le parole e si diviene maestri sapendo essere discepoli.

Anche questo è un simbolo.

554.10

Ma ora racconteremo una bella parabola ai fanciullini. Venite qui ben vicino».

I tre bambini vanno tanto vicino che gli si siedono addirittura sulle gambe. Gesù li cinge con le braccia e incomincia a narrare:

«Un giorno il Signore Iddio disse: “Farò l’uomo, e l’uomo vivrà nel Terrestre Paradiso dove è il gran fiume che poi si divide in quattro capi, che sono il Fison, il Geon, l’Eufrate e il Tigri, che scorrono la Terra. E l’uomo sarà felice, avendo tutte le bellezze e bontà del Creato e il mio amore per gaudio del suo spirito”. E così fece. Era come se l’uomo fosse su una grande isola, ma ancor più fiorita di questa e con piante di ogni specie e con tutti gli animali. E sopra lui fosse l’amore di Dio a far da sole per l’anima, e la voce di Dio era nei venti, più melodiosa di canto d’uccello.

Ma ecco che in questa bell’isola fiorita, fra tutte le bestie e le piante, entrò strisciando un serpente diverso da quelli che erano stati creati da Dio e che erano buoni, senza veleno nei denti, senza ferocia nelle spire del corpo flessuoso. Anche questo serpente si era vestito della pelle dai colori di gemme che avevano gli altri, anzi si era fatto ancor più bello di questi, tanto che pareva un grande monile di re che andasse guizzando fra gli splendidi alberi del Giardino. Andò ad attorcigliarsi intorno ad un albero che sorgeva in mezzo al giardino, un albero bello, solitario, alto molto più di questo, coperto di foglie e frutti meravigliosi. E il serpente pareva un gioiello intorno al bell’albero, e scintillava al sole, e tutti gli animali lo guardavano perché nessuno si ricordava di averlo visto creare, né di averlo visto prima di allora. Ma nessuno gli si avvicinava, anzi tutti si allontanavano dall’albero, ora che aveva attorno al fusto il serpente.

Soltanto l’uomo e la donna si avvicinarono là, la donna prima dell’uomo, perché le piaceva quella cosa lucente che brillava al sole e muoveva il capo simile ad un fiore ancor semichiuso, e ascoltò quello che diceva il serpente, e disubbidì al Signore e fece disubbidire Adamo. Soltanto dopo avere disubbidito, videro il serpente per ciò che era e compresero il peccato, perché ormai avevano perduto l’innocenza del cuore. E si nascosero a Dio che li cercava, e poi mentirono a Dio che li interrogava.

Allora Dio mise degli angeli a confine del Giardino e cacciò gli uomini da esso. Fu come se gli uomini fossero, dalla riva sicura dell’Eden, gettati nei fiumi terrestri colmi d’acque come quando vengono le piene di primavera. E Dio lasciò però nel cuore degli scacciati il ricordo del loro destino eterno, ossia del passaggio dal bel Giardino, dove sentivano la voce e l’amore di Dio, al Paradiso dove avrebbero goduto di Dio completamente. E col ricordo lasciò lo stimolo santo a risalire verso il luogo perduto con una vita di giustizia.

Ma, fanciulli miei, voi lo avete provato poco fa che, finché la barca scende seguendo la corrente, è facile il suo cammino, mentre quando risale la corrente fatica a stare a galla, a non esser travolta dall’onda, a non naufragare fra le erbe e le sabbie o le pietre del fiume. Se Simon Pietro non avesse legato le vostre barchettine con i giunchi sottili della riva, le avreste perdute tutte, così come è accaduto a Isacco per aver lasciato andare il giunco.

Lo stesso succede degli uomini gettati sulle correnti della Terra. Devono stare sempre nelle mani di Dio, affidando la loro volontà, che è come il giunco, alle mani del buon Padre che è nei Cieli e che è Padre di tutti e specie degli innocenti, e devono avere l’occhio vigilante ad evitare le erbe ed i falaschi, le pietre, i mulinelli e il fango che potrebbero trattenere, frantumare o inghiottire la barca della loro anima, strappando il filo della volontà che li tiene uniti a Dio. Perché il Serpente, che non è più nel Giardino, è ora sulla Terra, e cerca proprio di far naufragare le anime, cerca di non farle risalire, per l’Eufrate, il Tigri, il Geon e il Fison, al Gran Fiume che scorre nel Paradiso eterno e alimenta gli alberi della Vita e Salute, che portano perpetui frutti, di cui godranno tutti coloro che hanno saputo risalire la corrente per riunirsi a Dio e agli angeli suoi senza avere mai più a soffrire di nulla».

554.11

«Lo diceva anche la mamma», dice il più grandicello dei bambini.

«Sì, lo diceva», cinguetta il più piccolo.

«Tu non puoi sapere. Io sì, perché sono grande. Ma se dici le cose non vere, tu nel Paradiso non ci entri».

«Il padre però diceva che non era vero niente», obbietta quello di mezzo.

«Perché lui non credeva nel Signore della mamma».

«Non era samaritano tuo padre?», chiede Giacomo d’Alfeo.

«No. Era di altri luoghi. Ma la mamma lo era, e noi lo siamo perché lei ci voleva come lei. E ci raccontava del Paradiso e del Giardino, ma non bene come hai detto Tu. Io avevo paura del serpente e della morte, perché la mamma diceva che uno era il diavolo e perché il padre diceva che la morte finisce tutto. Per questo ero tanto infelice di essere solo, e anche dicevo che è inutile essere buoni ormai, perché, finché c’era la madre e il padre, si dava gioia a essere buoni, ma ora non c’era più nessuno da far godere con le nostre bontà. Invece ora so… E sarò buono. Non leverò mai il mio filo dalle mani di Dio per non essere portato via dalle acque della Terra».

«Ma la mamma è andata in su o in giù?», chiede con perplessità il secondo fanciullo.

«Che vuoi dire, fanciullo?», chiede Matteo.

«Dico: dove è? È andata al fiume del Paradiso eterno?».

«Speriamolo, fanciullo. Se era buona…».

«Era samaritana…», dice con sprezzo l’Iscariota.

«E allora non c’è Paradiso per noi, perché si è samaritani? Allora non avremo Dio, noi? Lui lo ha chiamato: “Padre di tutti”. A me orfano piaceva pensare che ho un Padre ancora… Ma se per noi non c’è…», china il capo afflitto.

«Dio è il Padre di tutti, fanciullo mio. Ti ho forse amato meno Io, perché sei samaritano? Ti ho conteso ai ladroni, e ti contenderò al demonio, nello stesso modo con cui contenderei il piccolo figlio del Sommo Sacerdote del Tempio di Gerusalemme, se egli non riputasse obbrobrio che il Salvatore salvasse la sua creatura. Anzi, più ancora contendo te, perché sei solo e infelice. Non c’è differenza per Me fra lo spirito di un giudeo e quello di un samaritano. E fra poco non ci sarà più divisione fra Samaria e Giudea, perché il Messia avrà un unico popolo, che porterà il suo Nome e nel quale saranno tutti quelli che lo ameranno».

«Io ti amo, Signore. Ma mi porti dalla mia mamma?», dice il più grande dei tre fanciulli.

«Tu non sai dove è. Lo ha detto quell’uomo lì, che è solo da sperare…», dice il secondogenito.

«Io non lo so, ma il Signore lo sa. Ha saputo anche dove eravamo noi, e noi invece non sappiamo neppure dove eravamo».

«Coi ladroni… Ci volevano ammazzare…». Il terrore torna sul visetto del secondogenito.

«I ladroni erano come i demoni. Ma Lui ci ha salvati, perché i nostri angeli lo hanno chiamato».

«Anche la mamma l’hanno salvata gli angeli. Io lo so, perché me la sogno sempre».

«Tu sei bugiardo, Isacco. Non puoi sognarla. Non la ricor­di».

Il piccolino piange dicendo: «No. No. Io la sogno. La sogno io…».

«Non dire bugiardo al tuo fratello, Ruben. La sua anima può ben vedere la mamma, perché il buon Padre dei Cieli può concedere che l’orfanello la sogni e la conosca parzialmente, così come concede di conoscere Lui stesso. Perché da questa conoscenza limitata venga una buona volontà di conoscerlo perfettamente, cosa che si ottiene con l’essere sempre molto buoni.

554.12

E ora andiamo. Abbiamo parlato di Dio, e il sabato si è santificato». Si alza in piedi e intona altri salmi.

Della gente di Efraim, sentendo il coro, viene a quella volta e attende con rispetto la fine del salmo per salutare, e dice a Gesù: «Hai preferito venire qui anziché da noi? Non ci ami dun­que?».

«Nessuno di voi mi aveva invitato. Sono perciò venuto qui coi miei apostoli e coi fanciulli».

«È vero. Ma credevamo che il tuo discepolo ti avesse detto il nostro desiderio».

Gesù guarda Giovanni e Giuda. E Giuda risponde: «Me ne sono dimenticato di dirlo ieri, e oggi, con questi fanciulli, me ne sono distratto».

Gesù intanto lascia l’isoletta e passa il braccio minuscolo d’acqua, andando presso quelli di Efraim. Gli apostoli lo seguono, mentre i fanciulli si attardano per slegare le due superstiti barchettine di canna, e a Pietro che li sollecita spiegano: «Le vogliamo tenere per ricordarci la lezione».

«E io? Io l’ho perduta! E non ricorderò. E non andrò in Paradiso», piange il più piccino.

«Aspetta! Non piangere. Te la faccio subito la barchettina. Sicuro. Anche tu ti devi ricordare la lezione. Eh! Bisognerebbe farsela tutti una barchettina col suo giunco legato a prua per ricordare. Più noi, uomini, di voi fanciulli! Mah!», e Pietro taglia e forma la barchettina col suo giunco e prende in braccio, una bracciata sola, i tre fanciulli e salta il rio andando presso Gesù.

«Sono questi?», interroga Malachia di Efraim.

«Questi».

«E son di Sichem?».

«Così diceva il pastorello: che i parenti erano delle campagne».

«Poveri fanciulli! Ma se i parenti non venissero, che fare­sti?».

«Li terrei meco. Ma verranno».

«Quei ladroni… Non verranno essi pure?».

«Non verranno. Ma non temete per essi. Anche se venissero… Io sarei il loro predatore, e non essi i vostri predatori. Ho già strappato loro quattro prede e spero aver strappato un poco della loro anima al peccato, almeno in qualcuno».

«Ti aiuteremo per questi fanciulli. Questo ce lo concederai».

«Sì. E non perché sono della vostra regione, ma perché sono innocenti, e l’amore per gli innocenti è via che conduce rapidamente a Dio».

«Ma Tu solo non fai distinzione fra innocenti e innocenti. Un giudeo non avrebbe raccolto questi piccoli samaritani, e neppure un galileo. Non siamo amati. E il disamore per noi lo hanno anche per quelli che neppur sanno ancora cosa è essere samaritani e giudei. E questa è cosa crudele».

«Sì. Ma non sarà più così quando si seguirà la mia Legge. Lo vedi, Malachia? Essi sono fra le braccia di Simon Pietro, di mio fratello e di Simone Zelote. Nessuno di essi è samaritano, né padre. Eppure, neppure tu stringi sul cuore con tanto amore i tuoi figli come questi miei discepoli fanno con gli orfani di Samaria. L’idea messianica è questa: riunire tutti nell’amore. Questa è la verità dell’idea messianica. Un solo popolo sulla Terra sotto lo scettro del Messia. Un solo popolo in Cielo sotto lo sguardo di un solo Dio».

Si allontanano, parlando, verso la casa di Maria di Giacobbe.


Notes

  1. les rois d’Israël, celui de Joram et celui de Juda : ce récit se trouve en 2 R 3, 1-20.
  2. Réfléchissez donc : Jésus invite à lire le récit relaté en 2 R 4, 18-37. il fera référence plus tard aux versets 38-41, lorsqu’il parlera de la farine qui enlève l’amertume.

Note

  1. i re d’Israele, di Edom e di Giuda, invece di i re d’Israele, quello di Joram (nome del re d’Israele) e quello di Giuda, è correzione nostra, conforme al racconto di: 2 Re 3, 1-20, in particolare del versetto 9.
  2. sentite ciò che si narra in: 2 Re 4, 18-37. Ai successivi versetti 38-41 farà poi riferimento Gesù ricordando la farina che leva l’amaro.