Gli Scritti di Maria Valtorta

567. Parabole de la pièce de tissu déchirée

567. Parabola della stoffa strappata

567.1

Jésus se trouve, avec les femmes disciples et les deux apôtres, sur l’une des premières ondulations des montagnes qui s’élèvent derrière Ephraïm. Jeanne n’est pas accompagnée des enfants ni d’Esther. Je suppose qu’ils ont déjà été envoyés à Jérusalem, avec Jonathas. En plus de la Mère de Jésus, il y a seulement Marie, femme de Cléophas, Marie Salomé, Jeanne, Elise, Nikê et Suzanne. Les deux sœurs de Lazare ne sont pas encore là.

Elise et Nikê plient des vêtements, qui ont certainement été lavés au ruisseau qui scintille en contrebas, ou qui ont été apportés du torrent sur le plateau ensoleillé. Après en avoir regardé un, Nikê le porte à Marie, femme de Cléophas :

« Ton fils a décousu l’ourlet de celui-là aussi. »

Marie, femme d’Alphée, prend le vêtement et le pose près des autres à côté d’elle, sur l’herbe.

Toutes les disciples sont occupées à coudre, à réparer les déchirures qui se sont produites pendant les nombreux mois où les apôtres étaient seuls.

Elise, qui s’approche avec d’autres habits secs, lance :

« On voit bien que, depuis trois mois, vous n’avez pas eu avec vous une femme qui s’y connaisse ! Il n’y a pas un vêtement intact, excepté ceux du Maître, qui en revanche n’en a que deux : celui qu’il porte et celui qu’on a lavé aujourd’hui.

– Il les a tous donnés. Il semblait pris par la frénésie de ne plus rien avoir. Il porte des vêtements de lin depuis déjà plusieurs jours, dit Judas.

– Heureusement que ta Mère a pensé à en apporter des neufs. Celui qui est teint de pourpre est vraiment très beau. Il te fallait cela, Jésus, même si ça te va bien d’être ainsi vêtu de lin. Tu ressembles vraiment à un lys ! s’exclame Marie, femme d’Alphée.

– Un très grand lys, Marie ! ironise Judas.

– Mais pur comme tu ne l’es certainement pas, et pas même Jean. Toi aussi, tu porte du lin mais, sois-en sûr, tu n’as rien d’un lys ! rétorque franchement Marie, femme d’Alphée.

– Moi, je suis brun de cheveux et de teint. C’est pour cette raison que je suis différent.

– Non. Ce n’est pas dû à cela. C’est que toi, tu portes la candeur sur toi, mais lui l’a à l’intérieur. Elle rayonne par son regard, son sourire, sa parole. Voilà la vraie raison. Ah ! comme on est bien ici, avec mon Jésus. »

Et la bonne Marie pose l’une de ses mains flétries de vieille femme et de travailleuse sur le genou de Jésus, qui la caresse.

567.2

Marie Salomé, qui est en train d’examiner un vêtement, s’exclame :

« Voilà qui est pire qu’une déchirure ! Oh ! mon fils ! Qui a bouché le trou de cette façon ? »

Scandalisée, elle montre à ses compagnes une sorte de… nombril tout froncé en forme d’anneau qui ressort sur l’étoffe et que tiennent ensemble certains points capables d’horrifier une femme. Cette étrange réparation est l’épicentre d’une série de plis en éventail qui s’élargissent sur l’épaule du vêtement. Tout le monde rit, à commencer par Jean, l’auteur de la reprise, qui explique :

« Je ne pouvais rester avec la déchirure… alors je l’ai bouchée !

– Je le vois bien, pauvre de moi ! Je le vois bien ! Mais ne pouvais-tu pas le faire coudre par Marie, femme de Jacob ?

– Elle est presque aveugle, la pauvre femme ! Et puis… le malheur, c’est que ce n’était pas une déchirure ! C’était un vrai trou. Mon habit est resté attaché au fagot que je portais sur l’épaule et, en voulant le déposer, le morceau d’étoffe est venu avec. Alors, j’ai fait cette réparation !

– Tu l’as abîmé, mon fils. Il me faudrait… »

Elle examine le vêtement, mais secoue la tête et dit :

« J’espérais pouvoir enlever l’ourlet, mais il n’y en a plus…

– C’est moi qui l’ai enlevé à Nobé, car le pli était coupé. Mais j’ai donné à ton fils la partie que j’avais retirée… explique Elise.

– Oui, mais je m’en suis servi pour faire une corde à mon sac…

– Nos pauvre enfants ! Comme il est nécessaire que nous soyons près d’eux ! soupire la Vierge Marie, qui répare le vêtement de je ne sais qui.

– A cet endroit, il faut du tissu. Regardez : les points ont fini de déchirer tout autour, et d’un mal déjà grand en est venu un irréparable ; à moins que… l’on puisse trouver quelque chose qui remplace l’étoffe manquante. Alors… cela se verra encore… mais ce sera passable.

– Tu m’as inspiré une parabole ! » dit Jésus

Judas intervient en même temps :

« Je crois avoir au fond de mon sac une pièce d’étoffe de cette couleur. C’est le reste d’un vêtement qui était trop déteint pour que je le porte ; je l’ai donné à un homme qui était tellement plus petit que moi, que nous avons dû en couper presque deux palmes. Si tu attends un instant, je vais le chercher. Mais auparavant je voudrais entendre la parabole.

– Que Dieu te bénisse. Ecoute donc. Pendant ce temps, je remets les cordons du vêtement de Jacques. Ils sont tout élimés.

– Parle, Maître. Ensuite, je ferai ce plaisir à Marie Salomé.

– Voici ma parabole :

567.3

je compare l’âme à une étoffe. Quand elle est infusée, elle est neuve, sans déchirure. Elle a seulement la tache originelle, mais elle n’a pas de blessures dans sa constitution, ni d’autres taches, ni de dégradation. Puis, avec le temps, et à cause des vices qu’elle accueille, elle s’use jusqu’à s’entailler, elle se tache par ses imprudences, elle se lacére par ses désordres. Alors, quand elle est déchirée, il ne faut pas la racommoder maladroitement — ce qui aggraverait les dégâts —, mais il faut de longues, patientes et parfaites reprises pour faire disparaître le plus possible les dommages. Et si l’étoffe est trop déchirée, peut-être même au point d’avoir perdu un morceau, on ne doit pas prétendre présomptueusement la réparer tout seul : il faut se tourner vers Celui que l’on sait pouvoir rendre l’âme à nouveau intègre, parce qu’il lui est permis de tout faire et parce que lui peut tout faire. Je parle de Dieu, mon Père, et du Sauveur que je suis. Mais l’orgueil de l’homme est tel que, plus grande est la ruine de son âme, plus il cherche à la rapiécer par des remèdes insuffisants qui créent une infirmité de plus en plus grande.

Vous pourrez objecter qu’une déchirure se verra toujours. Marie Salomé vient de le dire. Oui, on verra toujours les blessures qu’une âme a subies, mais elle livre une bataille et il est normal qu’elle reçoive des coups, tant les ennemis qui la cernent sont nombreux. Mais à la vue d’un homme couvert de cicatrices, qui sont les signes d’autant de nombreuses blessures reçues en combattant pour obtenir la victoire, personne ne peut dire : “ Cet homme est impur. ” On affirmera au contraire : “ Voilà un héros. Ce sont les marques couleur de sang de sa valeur. ” Et jamais on ne verra un soldat éviter de se faire soigner par honte d’une glorieuse blessure ; il se rendra au contraire chez le médecin et lui dira avec un saint orgueil : “ Voilà, j’ai combattu et j’ai vaincu. Je ne me suis pas épargné, comme tu vois. Maintenant remets-moi sur pied, pour que je sois prêt à prendre part à d’autres batailles en vue d’autres victoires. ” Inversément, l’homme couvert des plaies de maladies impures, dues à des vices indignes, celui-là en a honte devant ses proches et ses amis, et même devant les médecins. Il est parfois tellement stupide qu’il les tient cachées jusqu’à ce que leur puanteur les révèle. Mais alors, il est trop tard pour le guérir.

Les humbles sont toujours sincères ; ce sont même des valeu­reux qui n’ont pas à avoir honte des blessures reçues au combat. Les orgueilleux sont toujours menteurs et lâches. A cause de leur amour-propre, ils arrivent à la mort, faute de vouloir aller vers Celui qui peut les guérir et lui dire : “ Père, j’ai péché. Mais si tu veux, tu peux me guérir. ” Nombreuses sont les âmes qui, à cause de l’orgueil qui les empêche de confesser une faute initiale, arrivent à la mort. Il est alors trop tard pour elles aussi. Elles se refusent à croire que la miséricorde divine est plus puissante et plus large que toute gangrène, si profonde et si étendue qu’elle soit, et qu’elle peut tout guérir. Mais quand ces âmes des orgueilleux se rendent compte qu’elles ont méprisé tout moyen de salut, elles tombent dans le désespoir, puisqu’elles sont sans Dieu. Alors, en se disant qu’il est trop tard, elles se donnent la dernière mort, celle de la damnation.

567.4

Et maintenant, Judas, va chercher ton morceau de tissu…

– J’y vais, mais cette parabole ne m’a pas plu. Je n’y ai rien com­pris.

– Elle est pourtant si limpide ! Je l’ai comprise, moi qui suis une pauvre femme ! dit Marie Salomé.

– Eh bien, pas moi ! Autrefois, tu en disais de plus belles. Maintenant… les abeilles… l’étoffe… les villes qui changent de nom… les âmes qui sont des barques… Des symboles si pauvres et si confus, qu’ils ne me plaisent plus et que je ne comprends pas… Mais je vais chercher le tissu : il est nécessaire, mais ce sera toujours un vêtement abîmé. »

Judas se lève et s’éloigne.

Marie a toujours plus incliné la tête sur son travail pendant que Judas parlait. Jeanne, au contraire, l’a levée en fixant l’imprudent d’un air indigné. Elise aussi l’a levée, mais ensuite elle a imité Marie, et de même Nikê. Stupéfaite, Suzanne a écarquillé ses grands yeux, et elle a observé Jésus au lieu de l’apôtre, comme si elle se demandait pourquoi il ne réagissait pas. Aucune n’a parlé ni bougé. Mais Marie Salomé et Marie, femme d’Alphée, plus populaires, se sont regardées en hochant la tête et, Judas à peine parti, Marie Salomé dit :

« C’est lui qui a la tête à l’envers !

– Oui, c’est pour cela qu’il ne comprend rien ! Je ne sais pas si même toi, Jésus, tu pourras la lui remettre en place. Si mon fils était ainsi, je la lui briserais complètement. Oui, comme je la lui ai faite pour qu’elle soit une tête de juste, je lui la briserais de la même façon. Il vaut mieux avoir le visage balafré que le cœur ! s’exclame Marie, femme d’Alphée.

– Sois indulgente, Marie. Tu ne peux comparer tes enfants, qui ont grandi dans une famille honnête, dans une ville comme Nazareth, avec cet homme, intervient Jésus.

– Sa mère est bonne. Son père n’était pas mauvais, à ce que j’ai entendu dire.

– Oui, mais son cœur ne manquait pas d’orgueil. C’est pour cela qu’il a éloigné son fils de sa mère trop tôt, et qu’il a contribué, lui aussi, à développer l’hérédité morale, qu’il avait donnée à son fils, en l’envoyant à Jérusalem. Il est douloureux de le reconnaître, mais le Temple n’est certainement pas un endroit où l’orgueil héréditaire soit susceptible de diminuer… dit Jésus

– Aucune place d’honneur à Jérusalem n’est indiquée pour abaisser l’orgueil et faire disparaître tout autre défaut » soupire Jeanne avant d’ajouter : « Et il en est de même de toute autre place d’honneur à Jéricho, à Césarée de Philippe, à Tibériade ou à l’autre Césarée… »

Et elle coud rapidement en penchant son visage sur son travail plus qu’il n’est nécessaire.

« Marie, sœur de Lazare, a de l’autorité, mais elle n’a pas d’orgueil, fait observer Nikê.

– Maintenant ! Mais avant, elle était très fière, à l’opposé de ses parents qui ne le furent jamais, répond Jeanne.

– Quand vont-elles arriver ? demande Marie Salomé.

– Bientôt, si nous devons partir d’ici trois jours.

– Travaillons rapidement, alors. Nous avons à peine le temps de tout finir, dit Marie, femme d’Alphée, pour les inciter à se presser.

567.5

– Nous avons tardé à venir à cause de Lazare. Mais tant mieux, car cela a épargné beaucoup de fatigue à Marie, constate Suzanne.

– Mais te sens-tu capable de faire tant de chemin ? Tu es si pâle et si lasse, Marie ! demande Marie, femme d’Alphée, en posant la main sur les genoux de la Vierge Marie et en la regardant avec peine.

– Je ne suis pas malade, Marie, et je peux marcher, c’est certain.

– Malade non, mais si affligée, Mère… Je donnerais dix ans de ma vie, j’accepterais n’importe quelle souffrance pour te revoir comme je t’ai vue la première fois, dit Jean, qui la regarde avec pitié.

– Mais ton amour est déjà un remède, Jean. Je sens mon cœur se calmer en voyant combien vous aimez mon Fils. Car il n’y a pas d’autre cause à ma douleur que de voir qu’il n’est pas aimé. Ici, près de lui, et parmi vous, qui êtes si fidèles, je vais déjà mieux. Evidemment… ces derniers mois… seule à Nazareth… après l’avoir vu partir déjà si tourmenté, déjà si persécuté… et quand j’entendais toutes ces rumeurs… Ah ! quelle douleur ! Mais, près de lui, je vois, je dis : “ Au moins mon Jésus a sa Maman pour le consoler et pour lui dire des mots qui en couvrent d’autres ” ; je vois aussi que tout amour n’est pas mort en Israël. Et cela me rend la paix, un peu de paix. Pas beaucoup… car… »

Marie n’en dit pas davantage. Elle baisse la tête, qu’elle avait levée pour parler à Jean, et on ne voit plus que le haut de son front que fait rougir une émotion muette… et puis deux larmes brillent sur le vêtement sombre qu’elle recoud.

Jésus soupire et se lève de sa place pour aller s’asseoir à ses pieds. Là, il abandonne sa tête sur les genoux de sa Mère, il baise la main qui tient l’étoffe et reste ainsi, comme un enfant qui se repose. Marie retire l’aiguille de l’étoffe pour ne pas blesser son Fils, puis elle pose sa main droite sur la tête de Jésus penchée sur ses genoux et elle tourne son visage vers le ciel. Elle prie sûrement, bien que ses lèvres ne remuent pas ; toute son attitude montre qu’elle prie. Puis elle se penche pour déposer un baiser sur les cheveux de son Fils, près des tempes découvertes.

567.6

Les autres gardent le silence jusqu’au moment où Marie Salomé dit :

« Comme Judas tarde! Le soleil va se coucher ! Je n’y verrai plus clair !

– Peut-être quelqu’un l’a-t-il arrêté », répond Jean, avant de demander à sa mère : « Veux-tu que j’aille lui dire de se dépêcher ?

– Tu ferais bien. Car s’il ne trouve pas le même tissu, je vais raccourcir les manches, d’autant plus que l’été arrive ; et pour l’automne, je te préparerai un autre vêtement, car celui-là ne peut plus t’aller, et avec le morceau enlevé, je t’arrangerai ici. Il sera encore bon pour aller à la pêche, car je suppose que, après la Pentecôte, vous reviendrez en Galilée.

– Dans ce cas, j’y vais » dit Jean.

Aimable comme toujours, il demande aux autres femmes :

« Avez-vous des vêtements déjà prêts, que je puisse emporter dans nos maisons ? Si oui, donnez-les-moi, vous serez moins char­gées au retour. »

Les femmes rassemblent ce qu’elles ont déjà réparé et le remettent à Jean, qui fait demi-tour pour s’en aller,

567.7

mais s’arrête tout à coup en voyant arriver en courant Marie, femme de Jacob.

La bonne petite vieille marche péniblement et se hâte autant que le lui le permettent ses nombreuses années, puis elle crie à Jean :

« Est-ce que le Maître est ici ?

– Oui, mère. Que veux-tu ? »

La femme répond en continuant de courir :

« Ada va mal… Son mari voudrait la soulager en appelant Jésus… Mais depuis que ces Samaritains ont été… si mauvais, il n’ose pas… Je lui ai dit : “ Tu ne le connais pas encore. Moi, j’y vais et… il ne… me dira pas non. ” »

La vieille femme est tout essoufflée par la course et la montée.

« Ne cours pas davantage. Je viens avec toi, ou plutôt je te pré­cède. Suis-nous tranquillement. Tu es trop âgée, mère, pour courir ainsi » lui dit Jésus. Puis il s’adresse à sa Mère et aux femmes disciples : « Je reste au village. Paix à vous. »

Il prend Jean par le bras et descend rapidement avec lui. Marie, femme de Jacob, qui a repris son souffle, voudrait bien les suivre après avoir répondu aux femmes qui l’interrogent :

« Hum ! Seul le Rabbi peut la sauver. Autrement, elle va mourir comme Rachel. Elle se refroidit, perd ses forces et se débat déjà dans les convulsions de la douleur. »

Mais les femmes la retiennent :

« Mais vous n’avez pas essayé de lui mettre des briques chaudes sous les reins ?

– Non ! Mieux vaut l’envelopper dans de la laine imbibée de vin aromatisé, le plus chaud possible.

– Ce qui m’a fait du bien, pour Jacques, ce furent les onctions d’huile puis les briques chaudes.

– Faites-la boire beaucoup.

– Si elle pouvait se tenir debout et faire quelques pas, et si pendant ce temps on lui frictionnait les reins fortement… »

Les mères, c’est-à-dire toutes sauf Nikê et Suzanne, ainsi que la Vierge Marie qui n’a pas connu les douleurs de toute femme en mettant son Fils au jour, préconisent ceci ou cela.

« On a tout essayé, tout ! Mais ses reins sont trop fatigués. C’est son onzième enfant ! Mais maintenant, j’y vais. J’ai repris mon souffle. Priez pour cette mère ! Que le Très-Haut la garde en vie jusqu’à l’arrivée du Rabbi. »

Et la pauvre vieille femme, seule et bonne, s’éloigne en trottinant.

567.8

Jésus, pendant ce temps, descend rapidement vers la ville que le soleil réchauffe. Il y entre par l’endroit opposé à celui où se trouve leur maison, c’est-à-dire par le nord-ouest d’Ephraïm alors que la maison de Marie, femme de Jacob, se trouve au sud-est. Il se hâte, sans s’arrêter pour parler avec ceux qui voudraient le retenir. Il se contente de les saluer et passe son chemin.

Un homme remarque :

« Il est fâché contre nous. Ceux des autres villages ont mal agi. Il a raison.

– Non, il va chez Janoé. Sa femme se meurt à son onzième enfantement.

– Pauvres enfants ! Et le Rabbi y va ? Il est trois fois bon : offensé, il comble de bienfaits.

– Mais Janoé ne l’a pas offensé ! Aucun de nous ne l’a offensé !

– Ce sont toujours des hommes de Samarie.

– Le Rabbi est juste, et il sait faire la distinction. Allons voir le miracle.

– Nous ne pourrons pas entrer. C’est une femme, et qui doit accoucher.

– Mais nous entendrons pleurer l’enfant, et ce sera une voix de miracle. »

Ils courent rejoindre Jésus, et d’autres se joignent à eux.

567.9

Jésus arrive à la maison, désolée par l’imminent malheur. En larmes, les dix enfants — la plus grande est une fillette contre laquelle se serrent ses petits frères — restent dans un coin de l’entrée, près de la porte grande ouverte. Des femmes vont et viennent, on entend des murmures, des bruits de pieds nus qui courent sur le dallage.

Une femme voit Jésus et pousse un cri :

« Janoé ! Garde espoir ! Il est venu ! »

Puis elle part au pas de course, un broc fumant dans les mains.

Un homme accourt et se prosterne. Il ne fait qu’un geste, et dit en montrant ses enfants:

« Je crois. Pitié pour eux.

– Lève-toi et prends courage. Le Très-Haut aide l’homme qui a foi, et il a pitié de ses enfants affligés.

– Oh ! viens, Maître, viens ! Elle est déjà noire, étranglée par les convulsions. Elle ne respire presque plus. Viens ! »

L’homme, qui a déjà perdu la tête, la perd complètement en entendant une femme l’appeler :

« Janoé, dépêche-toi ! Ada meurt ! »

Il pousse, il tire Jésus pour le faire aller plus vite vers la chambre de la mourante, sourd aux paroles de Jésus qui répète :

« Va, et aie foi ! »

De la foi, il en a, le pauvre homme, mais ce qui lui manque, c’est de pouvoir comprendre le sens de ces paroles, le sens secret qui lui donne déjà la certitude du miracle. Et Jésus, poussé et tiré, monte l’escalier pour entrer dans la pièce où se trouve la femme. Il s’arrête sur le palier, à trois mètres environ de la porte ouverte qui laisse voir un visage exsangue, livide même, déjà marqué par l’agonie. Les femmes ne tentent plus rien. Elles ont recouvert la femme jusqu’au menton et observent, pétrifiées dans l’attente du trépas.

Jésus étend ses bras, s’écrie : “ Je veux ! ” et fait demi-tour pour partir.

Le mari, les femmes, les curieux qui se sont rassemblés, restent déçus parce que, peut-être, ils espéraient que Jésus ferait quelque chose de plus extraordinaire, la naissance immédiate de l’enfant. Mais Jésus, en se frayant un passage, les regarde en face et leur dit :

« Ne doutez pas. Ayez encore un peu de foi, juste un moment. La femme doit payer l’amer tribut de l’enfantement, mais elle va bien. »

Puis il descend l’escalier, les laissant interdits.

Au moment de sortir dans la rue, il dit aux dix enfant apeurés :

« Ne craignez pas ! Votre mère est saine et sauve. »

Ce faisant, il caresse de la main les petits visages craintifs. A ce moment, un hurlement retentit dans la maison et parvient même dans la rue, où arrive Marie, femme de Jacob, qui crie : “ Miséricorde ! ” en croyant que c’est l’annonce de la mort.

« N’aie pas peur, Marie, et dépêche-toi ! Tu vas voir le bébé naître. Les forces sont revenues avec les douleurs, mais bientôt ce sera la joie. »

567.10

Il s’éloigne avec Jean. Personne ne le suit, car tout le monde veut voir si le miracle s’accomplit ; d’autres accourent même vers la maison, car la nouvelle s’est répandue que le Rabbi est allé sauver Ada. Cela permet à Jésus, de se faufiler par une ruelle et d’arriver sans encombre à une maison où il entre en appelant :

« Judas ! Judas ! »

Personne ne répond.

« Il est monté là-haut, Maître. Nous pouvons nous aussi aller à la maison. Je dépose ici les vêtements de Judas, de Simon et de ton frère Jacques, puis je mettrai ceux de Simon-Pierre, d’André, de Thomas et de Philippe chez Anne. »

C’est ce qu’ils font, et je comprends que pour laisser la place aux femmes disciples, les apôtres — du moins une partie d’entre eux — ont déménagé dans d’autres maisons.

Désormais débarrassés des vêtements, ils marchent en devisant vers la maison de Marie, femme de Jacob, et y entrent par la petite porte du jardin, qui est seulement poussée. La maison est silencieuse et vide. Jean voit, posée à terre, une amphore pleine d’eau et, pensant peut-être que la femme l’a déposée là avant qu’on ne l’appelle pour assister la mourante, il la prend et se dirige vers une pièce fermée. Jésus s’attarde dans le couloir pour enlever son manteau et le plier avec son soin habituel avant de le déposer sur le coffre de l’entrée.

567.11

Jean ouvre la porte et pousse un “ ah ! ” presque terrifié. Il laisse tomber le broc et couvre ses yeux de ses mains, en se courbant comme pour se faire petit, pour disparaître, pour ne pas voir. De la pièce arrive un bruit de pièces de monnaie qui se répandent sur le sol en résonnant.

Jésus est déjà à la porte. Il m’a fallu plus de temps pour décrire qu’à lui pour arriver. Il écarte vivement Jean, qui gémit : « Va-t’en ! Va-t’en ! », pousse la porte entrouverte et entre.

C’est la pièce où, depuis que les femmes sont là, ils prennent leurs repas. Il y a là deux coffres anciens en fer et, devant l’un d’eux, juste en face de la porte, se trouve Judas, livide, les yeux étincelants de colère et en même temps d’effroi, avec une bourse dans les mains… Le coffre-fort est ouvert… des pièces sont répandues sur le sol et d’autres tombent par terre en glissant d’une bourse posée sur le bord du coffre, ouverte, et à moitié vide. Rien ne laisse le moindre doute sur ce qui se passe : Judas est entré dans la maison, il a forcé le coffre et il a volé. Il était en train de voler.

Personne ne dit mot. Personne ne bouge. Mais c’est pire que si tous criaient et se lançaient les uns contre les autres. Ce sont trois statues : Judas le démon, Jésus le Juge, Jean, terrorisé par la révélation de la bassesse de son compagnon.

La main de Judas qui tient sa bourse est agitée par un tremblement, et les pièces qui s’y trouvent s’entrechoquent avec un tintement étouffé.

Jean est tout tremblant et, bien qu’il soit resté les mains serrées sur sa bouche, il est visible qu’il claque des dents. Ses yeux effrayés regardent Jésus plus que Judas.

Jésus ne frémit pas. Il est debout, glacial, rigide.

Finalement, il fait un pas, un geste et prononce un mot. Un pas vers Judas, un geste pour faire signe à Jean de se retirer, et un mot :

« Va-t’en ! »

Mais Jean a peur et gémit :

« Non ! Non ! Ne me renvoie pas. Laisse-moi ici. Je ne dirai rien… mais laisse-moi ici, avec toi.

– Va-t’en ! Ne crains rien ! Ferme toutes les portes… et s’il vient quelqu’un… n’importe qui… même ma Mère… ne les laisse pas entrer ici. Va, obéis !

– Seigneur !… »

On dirait que c’est Jean le coupable, tant il est suppliant et abattu.

« Va, te dis-je. Il n’arrivera rien. Va ! »

Jésus adoucit son injonction en posant la main sur la tête de son Préféré en un geste caressant, et je vois que cette main tremble. Jean la sent trembler, il la prend et la baise avec un sanglot qui exprime mille sentiments. Puis il sort.

567.12

Jésus ferme la porte avec le verrou. Il se retourne pour regarder Judas, qui doit être bien anéanti puisque, lui qui est toujours si audacieux, n’ose pas le moindre mot, pas le moindre geste.

Jésus va droit devant lui, en contournant la table qui occupe le milieu de la pièce. Je ne sais dire s’il marche rapidement ou lentement. Je suis trop épouvantée par l’expression de son visage pour mesurer le temps. Je vois ses yeux, et j’ai peur comme Jean. Judas lui aussi a peur, il s’arrête entre le coffre et une fenêtre grand ouverte par laquelle la lumière rouge du couchant se déverse toute sur Jésus.

Quels yeux a Jésus ! Il ne dit pas un mot. Mais quand il voit que de la ceinture du vêtement de Judas dépasse une sorte de crochet, il a une réaction effrayante. Il lève le bras, poing fermé, comme pour frapper le voleur, et sa bouche esquisse le mot : “ Maudit ! ” Mais il se domine. Il arrête le bras qui allait s’abattre et coupe le mot après la première syllabe. Faisant pour se maîtriser un effort qui le fait frémir tout entier, il se borne à desserrer son poing fermé, à abaisser son bras levé à la hauteur de la bourse que Judas tient, et à l’arracher pour la jeter par terre, foule aux pieds la bourse et les pièces, et les disperse avec une fureur contenue mais terrible. Il dit en suffoquant :

« Va-t’en ! Ordure de Satan ! Or maudit ! Crachat d’enfer ! Venin de serpent ! Sors d’ici ! »

Judas, qui a poussé un cri étouffé quand il a vu Jésus près de le maudire, reste sans réaction. Mais de l’autre côté de la porte fermée, un autre cri résonne quand Jésus lance la bourse contre le sol, ce qui exaspère le voleur et lui rend son audace démoniaque. Il en devient furieux et se jette presque contre Jésus en hurlant :

« Tu m’as fait espionner pour me déshonorer, espionner par un garçon imbécile qui ne sait même pas se taire, qui me fera honte en face de tous ! C’est ça que tu voulais ! D’ailleurs… Oui ! Moi aussi, je le veux. Je le veux ! Te pousser à me chasser ! T’amener à me maudire ! A me maudire ! A me maudire ! J’ai tout essayé pour me faire mettre à la porte. »

Enroué par la colère, brutal comme un démon, il halète comme si quelque chose l’étranglait.

Jésus lui répète à voix basse, mais sur un ton terrible :

« Voleur ! Voleur ! Voleur ! » et il achève : « Aujourd’hui voleur, demain assassin. Comme Barabbas. Pire que lui. »

Il lui souffle ces mots au visage, car ils sont maintenant très proches.

567.13

Une fois qu’il a repris son souffle, Judas rétorque :

« Oui, voleur, et par ta faute. Tout le mal que je fais, c’est par ta faute, et tu ne te lasses jamais de me détruire. Tu sauves tout le monde. Tu donnes de l’amour et des honneurs à tous. Tu accueilles les pécheurs ; les prostituées ne te rebutent pas, tu traites en amis les voleurs, les usuriers et les flagorneurs comme Zachée, tu reçois comme si c’était le Messie l’espion du Temple, ô sot que tu es ! Et tu nous donnes pour chef un ignare, pour trésorier un gabeleur, et pour confident tu prends un imbécile. Et à moi, tu mesures le moindre sou, tu ne me laisses pas d’argent, tu me gardes auprès de toi comme un galérien cloué sur son banc de rameur. Tu ne veux même pas que nous… je dis nous, mais c’est moi, moi seul, qui ne dois pas accepter d’obole des pèlerins. C’est pour éviter que je touche de l’argent, que tu as ordonné de n’accepter l’argent de personne. La raison, c’est que tu me hais. Eh bien : moi aussi je te hais ! Tu n’as pas su me frapper et me maudire, tout à l’heure. Ta malédiction m’aurait réduit en cendres. Pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Je l’aurais préféré plutôt que de te voir si incapable, si faible, un homme fini, un homme vaincu…

– Tais-toi !

– Non ! As-tu peur que Jean entende ? As-tu peur qu’il com­prenne enfin qui tu es, et qu’il t’abandonne ? Ah oui ! c’est ce que tu redoutes, toi qui fais le héros ! Oui, tu as peur ! Et tu as peur de moi. Tu as peur ! C’est pour cela que tu n’as pas su me maudire. C’est pour cela que tu feins l’amour, alors que tu me hais ! Pour me flatter ! Pour me tenir tranquille ! Tu sais que je suis une force ! La force qui te hait et qui te vaincra ! Je t’ai promis que je te suivrais jusqu’à la mort, en t’offrant tout, et je t’ai tout offert ; et je resterai près de toi, jusqu’à ton heure et mon heure. Roi magnifique qui ne sait pas maudire et chasser ! Roi des nuages ! Roi idole ! Roi imbécile ! Menteur ! Tu es traître à ton propre destin. Tu m’as toujours méprisé, dès notre première rencontre. Tu n’as pas su me comprendre. Tu te croyais sage, mais tu es un idiot. Je t’enseignais le bon chemin. Mais toi… Oh ! tu es le pur ! Tu es la créature qui est homme mais qui est Dieu, et tu méprises les conseils de l’Intelligent. Tu t’es trompé dès le premier moment, et tu te trompes. Tu… Tu es… Ah ! »

567.14

Le flot de paroles cesse brusquement, suivi d’un silence lugubre après tant de cris, et une immobilité aussi lugubre après tant de gesticulation. Pendant que j’écrivais sans pouvoir dire ce qui se passait, Judas, courbé, semblable, oui, semblable à un chien féroce qui guette sa proie et s’en approche, prêt à s’élancer dessus, s’est approché de plus en plus de Jésus, avec un visage dont la vue est insoutenable, les mains crispées, les coudes serrés contre le corps, comme s’il allait réellement l’attaquer. Mais Jésus ne montre pas la moindre peur et tourne même le dos à Judas — qui aurait pu l’assaillir et lui sauter au cou s’il l’avait voulu — pour ouvrir la porte et vérifier dans le couloir que Jean est vraiment parti. Le couloir est vide et presque obscur, car Jean a fermé la porte qui donne sur le jardin après être sorti par là. Alors Jésus referme la porte, la verrouille et s’adosse contre elle, en attendant, sans un geste ni un mot, que la furie de Judas retombe.

Je ne suis pas compétente, mais je crois ne pas me tromper en disant que, par la bouche de Judas, c’est Satan lui-même qui parlait, que c’était un moment de possession évidente de Satan dans l’apôtre perverti, déjà au seuil du Crime, déjà damné par sa propre volonté. La manière même dont s’arrête le flot de paroles, laissant l’apôtre comme abasourdi, me rappelle d’autres scènes de possessions, vues pendant les trois années de la vie publique de Jésus.

Jésus, adossé à la porte, tout blanc contre le bois sombre, ne fait pas le moindre geste. Mais ses yeux lancent sur l’apôtre un regard puissant de douleur et de ferveur. Si on pouvait dire que des yeux prient, je dirais que ceux de Jésus le font pendant qu’il regarde le malheureux ; en effet, ce n’est pas seulement la maîtrise que transmet ce regard si affligé, c’est aussi la ferveur d’une prière. Puis, vers la fin de l’altercation de Judas, Jésus ouvre les bras, qui étaient serrés contre son corps, mais pas pour toucher Judas, faire un geste vers lui ou pour les lever vers le ciel. Il les ouvre horizontalement, en prenant la pose du Crucifié, là, contre le bois sombre et le mur rougeâtre. C’est alors que, dans la bouche de Judas, le rythme des mots ralentit et que sort le “ Ah ” qui interrompt son discours.

Jésus reste comme il est, les bras ouverts, et regarde toujours l’apôtre avec cet air douloureux et priant. Judas, comme quelqu’un qui sort du délire, se passe la main sur le front, sur son visage en sueur… réfléchit et, se souvenant de tout, s’écroule par terre. Je ne sais s’il pleure ou non. Ce qui est certain, c’est qu’il s’affale comme si les forces lui manquaient.

567.15

Jésus baisse les yeux et les bras et, d’une voix sourde mais distincte, il lui dit :

« Eh bien ? Est-ce que je te hais ? Je pourrais te frapper du pied, t’écraser en te traitant de “ ver ”, je pourrais te maudire, comme je t’ai délivré de la force qui te fait délirer. Tu as pris pour de la faiblesse mon impossibilité à te maudire. Non, ce n’est pas de la faiblesse ! C’est que je suis le Sauveur. Et le Sauveur ne peut maudire. Il peut sauver. Il veut sauver… Tu as dit : “ Je suis la force. La force qui te hait et qui te vaincra. ” Moi aussi, je suis la Force et même : je suis l’unique Force. Mais ma force n’est pas de la haine, c’est de l’amour. Or l’amour ne hait pas et ne maudit pas, jamais. La Force pourrait triompher aussi dans les duels comme celui-ci entre toi et moi, entre Satan qui est en toi et moi, et t’enlever ton maître, pour toujours, comme je viens de le faire en devenant le signe qui sauve, le Tau que Lucifer ne peut voir. Il pourrait aussi remporter la victoire dans ces duels, comme il vaincra dans le combat prochain contre Israël incrédule et assassin, contre le monde et contre Satan, vaincu par la Rédemption. Il pourrait même avoir le dessus dans ces duels, comme ce sera le cas dans cette ultime bataille, lointaine si l’on compte en siècles, proche pour qui mesure le temps à l’aune de l’éternité.

Mais à quoi servirait-il de violer les règles parfaites de mon Père ? Serait-ce justice ? Y aurait-il mérite ? Non. Il n’y aurait ni justice ni mérite. Pas de justice à l’égard des autres hommes coupables, auxquels ne serait pas enlevée la liberté de l’être, et qui pourraient au dernier jour me demander la raison de leur condamnation et me reprocher ma partialité à l’égard de toi seul. Ils seront des centaines de mille, qui commettront les mêmes péchés que toi et se livreront au démon de leur propre volonté, qui offenseront Dieu, tortureront père et mère et seront assassins, voleurs, menteurs, adultères, luxurieux, sacrilèges, et enfin déicides, en tuant matériellement le Christ un jour prochain, ou spirituellement dans leur cœur dans les temps futurs.

Et tous pourraient me dire, quand je viendrai séparer les agneaux des boucs, pour bénir les premiers et pour maudire — alors oui, pour maudire les seconds, pour maudire car il n’y aura plus de rédemption, mais gloire ou condamnation —, pour les maudire de nouveau après les avoir déjà maudits en particulier à leur mort et à leur jugement particulier.

En effet l’homme, tu le sais pour me l’avoir entendu dire des milliers de fois, l’homme peut se sauver tant que dure sa vie, jusqu’à son dernier soupir. Il suffit d’un instant, d’un millième de minute, pour que tout soit dit entre l’âme et Dieu, pour qu’elle demande pardon et obtienne l’absolution… Tous ces damnés, disais-je, pourraient me dire : “ Pourquoi ne nous as-tu pas attachés au Bien, comme tu l’as fait pour Judas ? ” Et ils auraient raison.

567.16

Car tout homme naît avec les mêmes dons naturels et sur­naturels : un corps et une âme. Et alors que le corps, étant engendré par des hommes, peut être plus ou moins robuste, en plus ou moins bonne santé à sa naissance, l’âme, créée par Dieu, est pareille pour tous, douée des mêmes propriétés, des mêmes dons de Dieu. Entre l’âme de Jean-Baptiste et la tienne, il n’y avait pas de différence quand elles furent infusées dans la chair. Et pourtant, je t’affirme que, même si la grâce ne l’avait pas d’avance sanctifié, pour que le Héraut du Christ soit sans tache, comme il conviendrait que le soient tous ceux qui m’annoncent, du moins pour ce qui regarde les péchés actuels, son âme aurait été, serait devenue bien différente de la tienne, ou plutôt la tienne serait devenue différente de la sienne.

Il aurait en effet gardé son âme dans la fraîcheur de l’innocence, il l’aurait même parée de toujours plus de justice en secondant la volonté de Dieu, qui désire que vous soyez justes, en développant les dons gratuits reçus avec une perfection toujours plus héroïque. Toi, au contraire… Tu as dévasté ton âme et dispersé les dons que Dieu lui avait accordés. Qu’as-tu fait de ton libre arbitre ? De ton intelligence ? As-tu gardé à ton esprit la liberté qu’il possédait ? As-tu employé l’intelligence de ton esprit avec discernement ? Non. Tu ne veux pas m’obéir à moi, je ne dis pas à moi-Homme, mais même pas à moi-Dieu, tu as obéi à Satan. Tu t’es servi de l’intelligence de ta pensée et de la liberté de ton esprit pour prendre le parti des Ténèbres. Volontairement.

Tu as été placé devant le Bien et le Mal. Tu as choisi le Mal. Tu n’as d’ailleurs été placé que devant le Bien, moi. L’Eternel, ton Créateur, qui a suivi l’évolution de ton âme, qui connaissait même cette évolution, puisque l’éternelle Pensée n’ignore rien de ce qui se fait depuis que le temps existe, t’a placé devant le Bien, devant le Bien seul, car il te sait plus faible qu’une algue de fossé.

567.17

Tu m’as crié que je te hais.

Or je ne fais qu’un avec le Père et avec l’Amour, un ici comme au Ciel. Car en moi coexistent les deux natures : le Christ, par sa nature humaine, se trouve à Ephraïm et ne peut être autre part à cet instant, tant que sa victoire ne l’aura pas libéré des limites humaines ; comme Dieu, Verbe de Dieu, je suis à la fois au Ciel et sur terre, ma divinité étant toujours omniprésente et toute-puissante.

Par conséquent, puisque je suis un avec le Père et l’Esprit Saint, l’accusation que tu as portée contre moi, c’est contre le Dieu un et trine que tu l’as portée. Contre ce Dieu-Père qui t’a créé par amour, contre ce Dieu-Fils qui s’est incarné pour te sauver par amour, contre ce Dieu-Esprit qui t’a parlé tant de fois pour te donner de bons désirs, par amour. Contre ce Dieu un et trine, qui t’a tant aimé, qui t’a mené sur mon chemin, en te rendant aveugle au monde pour te donner le temps de me voir, sourd au monde pour te donner la possibilité de m’entendre.

Mais toi !… Toi !… Après m’avoir vu et entendu, après être venu librement au Bien, en te rendant compte par ton intelligence que c’était l’unique voie de la vraie gloire, tu as repoussé ce Bien et tu t’es donné librement au Mal. Mais si tu l’as voulu par ton libre-arbitre, si tu as toujours plus rudement repoussé ma main qui s’offrait à toi pour te tirer hors du gouffre, si tu t’es toujours plus éloigné du port pour t’enfoncer dans la mer furieuse des passions, du Mal, comment peux-tu me dire, à moi, à Celui de qui je procède, à Celui qui m’a formé comme homme pour essayer de te sauver, comment peux-tu dire que nous t’avons haï ?

Tu m’as reproché de vouloir ton mal… L’enfant malade lui aussi reproche au médecin et à sa mère les remèdes amers qu’ils lui font boire et les choses agréables qu’ils lui refusent pour son bien. Satan t’a-t-il aveuglé et rendu fou au point que tu ne comprennes plus la vraie nature des précautions que j’ai prises en ta faveur et que tu puisses arriver à appeler malveillance, désir de te détruire, ce qui était un soin prévoyant de ton Maître, de ton Sauveur, de ton Ami pour te guérir ? Je t’ai gardé près de moi… Je t’ai retiré l’argent des mains. Je t’ai empêché de toucher ce métal maudit qui te rend fou… Mais ne sais-tu pas qu’il en est comme de ces breuvages magiques qui éveillent une soif inextinguible et suscitent dans le sang une ardeur, une fureur qui mène à la mort ?

Mais je lis dans tes pensées, tu es en train de me reprocher : “ Dans ce cas, pourquoi m’avoir laissé si longtemps être le responsable de l’argent ? ” Pourquoi ? Parce que si je t’avais empêché plus tôt de toucher l’argent, tu te serais vendu plus tôt et tu aurais volé plus tôt. Tu t’es vendu quand même, parce que tu pouvais voler peu de choses… Mais moi, je devais essayer de l’empêcher sans faire violence à ta liberté.

567.18

L’or est la cause de ta perte. Il t’a rendu luxurieux et traître…

– Et voilà ! Tu as cru aux paroles de Samuel ! Je ne suis pas… »

Jésus, qui s’était animé au fur et à mesure de son discours, mais sans jamais prendre un ton violent ou annonciateur de châtiment, pousse un cri imprévu de domination, je dirais même de sainte colère. Il darde son regard sur le visage que Judas a levé pour parler et il lance un “ Tais-toi ! ” qui semble être l’éclat de la foudre.

Judas retombe sur ses talons et n’ouvre plus la bouche.

Un silence s’établit, pendant lequel Jésus fait un effort visible sur lui-même pour rendre à son humanité une attitude paisible, une maîtrise si puissante qu’elle témoigne à elle seule du divin qui est en lui. Il recommence à parler de sa voix habituelle, chaude, douce même quand elle est sévère, persuasive, conquérante… Il n’y a que les démons qui puissent résister à cette voix.

« Je n’ai pas besoin, pour connaître tes actions, que Samuel ou qui que ce soit d’autre vienne me faire des révélations. Mais, malheureux, sais-tu devant qui tu te trouves ? C’est vrai ! Tu dis que tu ne comprends plus mes paraboles. Tu ne comprends plus mes paroles. Pauvre malheureux ! Tu ne te comprends même plus toi-même. Tu ne comprends même plus le bien et le mal. Satan, à qui tu t’es donné de multiples façons, Satan que tu as suivi dans toutes les tentations qu’il te présentait, t’a rendu faible d’esprit. Pourtant, autrefois, tu me comprenais ! Tu croyais que je suis Celui qui est ! Et ce souvenir n’est pas éteint en toi. Comment peux-tu croire que le Fils de Dieu, que Dieu lui-même a besoin des paroles d’un homme pour connaître la pensée et les actes d’un autre ? Tu n’es pas encore perverti au point de ne pas croire que je suis Dieu, et c’est en cela que réside ta faute la plus grande. La peur que tu as de ma colère suffit à prouver que tu le crois. Tu sens que tu ne luttes pas contre un homme, mais contre Dieu-même, et tu trembles. Tu trembles parce que, Caïn, tu ne peux voir Dieu et te le représenter autrement que comme celui qui se venge lui-même et qui venge les innocents. Tu redoutes de subir le même sort que Coré, Datân et Abiram[1], et leurs partisans.

Mais bien que tu saches qui je suis, tu luttes contre moi. Je devrais te dire : “ Maudit ! ” Mais je ne serais plus le Sauveur…

567.19

Tu voudrais que je te chasse. Tu fais tout, dis-tu, pour y parvenir. Cette raison ne justifie pas tes actes, car tu n’as pas besoin de pécher pour te séparer de moi. Tu peux le faire, je t’assure. Je te le dis depuis Nobé, quand tu es revenu vers moi par une pure matinée, souillé par le mensonge et l’impureté, comme si tu étais sorti de l’enfer pour tomber dans la fange des porcs, ou sur la litière de guenons libidineuses. J’ai dû faire effort sur moi-même pour ne pas te repousser du bout du pied comme une loque dégoûtante et pour arrêter la nausée qui me bouleversait non seulement l’âme, mais aussi les entrailles. Je te l’ai toujours dit, même avant de te recevoir, même avant de venir ici. C’était vraiment pour toi, pour toi seul, que j’ai fait ce discours. Mais tu as toujours voulu rester. Pour ta perte. Toi ! Ma plus grande douleur !

Mais voilà que tu penses et que tu dis, ô hérétique et chef de file de beaucoup d’hommes à venir, que je suis au-delà de la douleur.

Non. Je suis seulement au-dessus du péché et de l’ignorance : au-dessus du péché en tant que Dieu, au-dessus de l’ignorance, car il ne peut y avoir d’ignorance dans une âme qui n’est pas blessée par le péché originel. Mais je te parle comme homme, comme l’Homme, comme l’Adam rédempteur venu réparer la faute d’Adam pécheur, et montrer ce qu’aurait été l’homme s’il était resté dans l’état où il fut créé : innocent. Parmi les dons de Dieu à cet Adam, n’y avait-il pas une intelligence intacte et une très grande science, puisque l’union avec Dieu déversait les lumières du Père tout-puissant dans son fils béni ? Moi, le nouvel Adam, je suis au-dessus du péché par ma propre volonté…

567.20

Un jour, il y a longtemps, tu t’es étonné que j’aie été tenté, et tu m’as demandé si je n’avais jamais cédé. Tu t’en souviens ? Et je t’ai répondu… Oui, comme je pouvais te répondre… Car dès cette époque, tu étais… un homme tellement déchu, qu’il était inutile de te mettre sous les yeux les perles très précieuses des vertus du Christ. Tu n’en aurais pas compris la valeur et… tu les aurais prises pour… des cailloux, tant leur taille était exceptionnelle. Dans le désert aussi, je t’ai répondu[2] en te répétant les paroles, le sens des paroles que je t’avais dites en allant à Gethsémani.

Si cela avait été Jean ou même Simon le Zélote qui avait réitéré cette question, j’aurais répondu d’une autre manière, car Jean est un pur et il ne l’aurait pas posée avec la malice dont tu faisais preuve, perfide comme tu étais… et parce que Simon est un vieux sage et, sans ignorer la vie comme Jean, il est arrivé à une sagesse qui sait contempler tout événement sans en être troublé intérieurement. Mais eux ne m’ont pas demandé si je n’avais jamais cédé aux tentations, à la tentation la plus commune, à cette tentation-là. Car dans la pureté intacte du premier, il n’y a pas de souvenirs de luxure, et dans l’esprit méditatif du second, il y a une grande lumière qui lui permet de voir resplendir la pureté en moi.

Mais toi, tu as voulu savoir… et je t’ai répondu, comme je le pouvais. Avec cette prudence qui ne doit jamais se départir de sincérité, l’une et l’autre saintes aux yeux de Dieu. Cette prudence est comme le triple voile tendu entre le Saint et le peuple, pour cacher le secret du Roi[3]. Cette prudence règle les paroles selon le sujet qui les entend, selon sa capacité intellectuelle à comprendre, sa pureté spirituelle et sa justice. Car certaines vérités, révélées à des gens souillés, deviennent pour eux objet de risée, non de vénération…

567.21

Je ne sais si tu te souviens de tout ce que je t’ai exposé alors. Moi, je m’en souviens, et je te les répète ici, en cette heure où toi et moi sommes tous les deux sur le bord de l’Abîme. Parce que… Mais il n’est pas besoin de dire cela. Je l’ai dit dans le désert, en réponse au “ pourquoi ” que ma première explication n’avait pas apaisé : “ Le Maître ne s’est jamais senti supérieur à l’homme pour être le ‘ Messie ’. Au contraire, sachant qu’il était l’Homme, il a voulu l’être en tout, excepté pour le péché. Pour être maître, il faut avoir été élève. Moi, je savais tout, en tant que Dieu. Mon intelligence divine pouvait me faire comprendre même les combats de l’homme, intellectuellement. Mais un jour, l’un de mes pauvres amis aurait pu me reprocher : ‘ Tu ne sais pas ce que cela veut dire, d’être homme et de devoir faire face à la volupté et aux passions. ’ Cette critique aurait été justifiée. Je suis venu ici me préparer, non seulement à ma mission, mais aussi à la tentation, à la tentation satanique. Car l’homme n’aurait pas pu avoir de pouvoir sur moi. Satan est venu à la fin de mon union solitaire avec Dieu, et j’ai senti que j’étais l’Homme avec une vraie chair sujette aux faiblesses de la chair : la faim, la lassitude, la soif, le froid. J’ai senti la matière avec ses exigences, le moral avec ses passions. Et si, par ma volonté, j’ai dompté dès leur apparition toutes les passions mauvaises, j’ai laissé croître les saintes passions. ” Te souviens-tu de ces mots ?

Et j’ai dit encore, la première fois, à toi, à toi seul : “ La vie est un don saint, donc il faut l’aimer saintement. La vie est un moyen qui sert à une fin : l’éternité. ” J’ai ajouté : “ Alors donnons à la vie ce dont elle a besoin pour durer et pour servir l’esprit dans sa conquête : la continence de la chair malgré ses appétits, la continence de l’esprit dans ses désirs, la continence du cœur dans toutes les passions qui appartiennent à l’humain, et un élan sans limites vers les passions du Ciel : amour pour Dieu et le prochain, volonté de servir Dieu et le prochain, obéissance à la voix de Dieu, héroïsme dans le bien et dans la vertu. ”

567.22

Tu m’as alors fait remarquer que cela m’était possible parce que j’étais saint, mais que toi, tu ne le pouvais pas, parce que tu étais un homme jeune, plein de vigueur. Comme si la jeunesse et la vigueur étaient une excuse pour le vice, comme si seuls étaient soustraits aux tentations des sens les vieux ou les malades, devenus à cause de leur âge ou de leur faiblesse impuissants pour ce à quoi tu pensais — brûlé comme tu l’es par la luxure – ! J’aurais pu te répliquer bien des arguments, à cette époque. Mais tu n’étais pas en état de les comprendre. Tu ne l’es pas davantage aujourd’hui, mais au moins, maintenant, tu ne peux plus sourire d’un air incrédule si je t’affirme que l’homme en bonne santé peut être chaste, s’il n’accueille pas de lui-même les séductions du démon et des sens.

La chasteté est une affection spirituelle, un comportement qui se répercute sur la chair et l’envahit tout entière, l’élève, la parfume, la préserve. L’homme imprégné de chasteté n’a pas de place en lui pour les autres motions qui ne sont pas bonnes. La corruption n’entre pas en lui. Il n’y a pas de place pour elle. Du reste, la corruption n’entre pas du dehors. Ce n’est pas un mouvement de pénétration de l’extérieur vers l’intérieur. C’est un mouvement qui, de l’intérieur, du cœur, de la pensée, sort pour pénétrer et envahir l’enveloppe : la chair. C’est la raison pour laquelle j’ai précisé[4] que c’est du cœur que sort la corruption, sous toutes ses formes. Aucun adultère, aucune débauche, aucun péché sensuel ne tire son origine de l’extérieur. Tous proviennent de l’activité d’une pensée corrompue qui revêt d’un aspect excitant tout ce qu’elle voit. Tous les hommes ont des yeux pour voir. Alors comment se fait-il qu’une femme laisse indifférents dix hommes qui la regardent comme une créature semblable à eux, et la considèrent même comme une belle œuvre de la Création, sans pour autant sentir se soulever en eux des attraits et des imaginations obscènes, mais trouble le onzième homme et l’amène à des désirs indignes ? C’est que ce onzième a corrompu son cœur et sa pensée, et là où dix voient une sœur, lui voit une femelle.

567.23

Sans entrer dans ces explications autrefois, je t’ai expliqué que je suis venu, non pour les anges, mais pour les hommes. Je suis venu rendre aux hommes leur royauté d’enfants de Dieu, en leur enseignant à vivre en dieux. Dieu est exempt de luxure, Judas. Mais j’ai voulu vous montrer que l’homme aussi peut en être exempt. J’ai voulu vous montrer qu’on peut vivre comme je l’enseigne. Pour ce faire, j’ai dû prendre une vraie chair pour pouvoir subir les tentations de l’homme et dire à l’homme, après l’avoir instruit : “ Faites comme moi. ”

Et tu m’as demandé si j’avais péché, puisque je suis tenté. T’en souviens-tu ? Tu ne pouvais comprendre que j’aie été tenté sans chuter[5], car il te semblait que la tentation ne convenait pas pour le Verbe et qu’il était impossible que l’Homme ne pèche pas. Je t’ai répondu que tous peuvent être tentés, mais que ne sont pécheurs que ceux qui veulent l’être. Ton étonnement fut grand, tu n’y croyais pas, au point que tu as insisté : “ Tu n’as vraiment jamais péché ? ” A cette époque-là, tu pouvais être incrédule. Nous nous connaissions depuis peu. La Palestine est pleine de rabbis dont la doctrine qu’ils enseignent est à l’antithèse de la vie qu’ils mènent. Mais aujourd’hui, tu sais que je n’ai pas péché, que je ne pèche pas. Tu sais que la tentation, même la plus violente, qui s’en prend à l’homme que je suis, en bonne santé, viril, vivant parmi les hommes, entouré par eux et par Satan, ne me trouble pas jusqu’au péché. Mieux, toute tentation repoussée en augmentait la virulence, car le démon la rendait toujours plus violente pour me vaincre, et la victoire n’en était que plus éclatante. Et je ne parle pas seulement de la volupté, ce tourbillon qui a tourné autour de moi sans pouvoir ébranler ni même érafler ma volonté.

Il n’y a pas de péché là où l’on ne consent pas à la tentation, Judas. En revanche, faire bon accueil à la tentation et s’y arrêter, même sans consommer l’acte, est déjà un péché. Ce sera un péché véniel, mais c’est déjà se diriger vers le péché mortel qu’il prépare en vous, car accueillir la tentation et vous y arrêter par la pensée, suivre mentalement les phases d’un péché, c’est vous affaiblir vous-mêmes. Satan le sait, et c’est pour cela qu’il réitère ses tentatives, dans l’espoir constant que l’une d’elles réussisse à pénétrer en vous et vous travaille intérieurement… Après… il sera facile de changer l’homme tenté en coupable.

Mais autrefois, tu n’as pas compris. Tu ne pouvais pas comprendre. Maintenant, tu le peux. Maintenant, tu mérites moins qu’alors de comprendre, et pourtant je te répète ces paroles que je t’ai dites à toi, pour toi, parce que toi — à l’inverse de moi — tu es un homme en qui la tentation repoussée ne s’apaise pas… Elle ne s’apaise pas parce que tu ne la repousses pas totalement. Tu ne commets pas l’acte, mais tu en couves la pensée. Aujourd’hui il en est ainsi, demain il en sera autrement… Demain, tu tomberas dans le vrai péché. C’est pour cela que je t’ai enseigné, à cette époque, de demander l’aide du Père contre la tentation, je t’ai enseigné à demander au Père de ne pas t’induire en tentation. Moi, le Fils de Dieu, moi qui suis déjà victorieux de Satan, j’ai demandé de l’aide au Père parce que je suis humble. Pas toi. Tu n’as pas demandé au Père le salut, la préservation. Tu es orgueilleux, et c’est pour cela que tu t’enfonces…

567.24

Te souviens-tu de tout cela ? Et peux-tu maintenant comprendre ce que signifie pour moi, vrai Homme, avec toutes les réactions d’un homme, et vrai Dieu, avec toutes les réactions de Dieu, ce que signifie pour moi de te voir débauché, menteur, voleur, traître, homicide ?

Sais-tu quel effort je m’impose pour te supporter près de moi ? Sais-tu à quel point il m’est difficile de me maîtriser, comme maintenant, pour accomplir jusqu’au bout ma mission sur toi ? Tout autre homme t’aurait saisi à la gorge, en te voyant voler, occupé à crocheter un coffre et à prendre l’argent, en te sachant traître, et plus que traître… Moi, je t’ai parlé. Avec pitié, même. Regarde : nous ne sommes pas en été et par la fenêtre entre la brise fraîche du soir. Je transpire pourtant comme si le plus rude travail m’avait épuisé. Ne te rends-tu donc pas compte de ce que tu me coûtes ? De ce que tu es ? Tu veux que je te chasse ? Non, jamais. Quand quelqu’un se noie, celui qui le laisse aller est un assassin. Tu es pris entre deux forces qui t’attirent : Satan et moi. Mais si je te laisse tomber, tu n’auras plus que lui. Et comment te sauveras-tu ? Tu me quitteras pourtant… Tu m’as déjà quitté en esprit… Eh bien ! je garde néanmoins la chrysalide de Judas auprès de moi, ton corps dénué de toute volonté de m’aimer, ton corps insensible au Bien. Je la garde tant que tu n’exiges pas aussi ce rien qu’est ta dépouille afin de la réunir à ton âme pour pécher de tout ton être…

567.25

Judas !… Tu ne me dis rien ? Tu n’as pas un mot pour ton Maître ? Tu n’a pas une prière à me faire ? Je n’exige pas que tu me demandes pardon. Je t’ai pardonné trop de fois sans résultat. Je sais que cette parole n’est qu’un son sur tes lèvres. Ce n’est pas le mouvement d’une âme contrite. Je voudrais un élan de ton cœur. Es-tu mort au point de n’avoir plus le moindre désir ? Parle ! As-tu peur de moi ? Oh ! si tu me craignais ! Au moins cela ! Mais tu ne me crains pas. Si tu me craignais, je te répéterais ce que je t’ai dit ce jour lointain où nous parlions de tentations et de péchés : “ Je t’assure que, même après le Crime des crimes, si le coupable courait se jeter aux pieds de Dieu, avec un vrai repentir, et s’il le suppliait en pleurant de lui pardonner en s’offrant pour expier avec confiance, sans désespoir, Dieu lui pardonnerait, et par l’expiation le coupable sauverait encore son âme. ” Judas ! Si tu ne me crains pas, moi, je t’aime encore. A mon amour infini, n’as-tu rien à demander, en cette heure ?

– Non. Ou du moins une seule chose : que tu imposes à Jean de ne pas parler. Comment veux-tu que je puisse réparer si je suis l’opprobre parmi vous ? »

Et c’est avec hauteur qu’il s’exprime. Jésus lui répond :

« C’est tout ce que tu me dis ? Jean ne parlera pas. Mais toi, au moins, — c’est moi qui te le demande — agis en sorte que rien ne transparaisse de ta ruine.

567.26

Ramasse ces pièces et remets-les dans la bourse de Jeanne… Je m’arrangerai pour fermer le coffre… avec le fer dont tu t’es servi pour l’ouvrir… »

Et tandis que, de mauvaise grâce, Judas recueille les pièces de monnaie qui ont roulé de tous côtés, Jésus s’appuie comme s’il était las sur le coffre ouvert. La lumière baisse dans la pièce, mais pas assez pour qu’on ne puisse voir qu’il pleure sans bruit, en regardant l’apôtre penché sur les pièces dispersées.

Judas a fini. Il va au coffre, prend la grosse et lourde bourse de Jeanne, y met les pièces, la ferme, et dit :

« Voilà ! »

Puis il s’écarte.

Jésus étend le bras pour saisir le crochet rudimentaire fabriqué par Judas et, d’une main qui tremble, il fait agir le déclic et ferme le coffre fort. Puis, appuyant le fer contre son genou, il le plie en V, finit de le déformer en se servant de son pied pour le rendre inutilisable et le ramasse pour le cacher sur lui. Pendant ce temps, des larmes tombent sur son vêtement de lin.

Judas a finalement un mouvement de regret. Il se couvre le visage des mains et il éclate en sanglots :

« Maudit que je suis ! C’est moi, l’opprobre de la terre !

– Tu es le malheureux éternel ! Et dire que, si tu le voulais, tu pourrais encore être heureux !

– Jure-moi, jure-moi que personne n’en saura rien… et moi, je te jure que je me rachèterai, crie Judas.

– Ne prétends pas : “ et moi, je me rachèterai. ” Cela t’est impos­sible. Moi seul puis te racheter. Celui qui parlait par ta bouche tout à l’heure ne peut être vaincu que par moi. Dis-moi la parole de l’humilité : “ Seigneur, sauve-moi ! ” et je te délivrerai de celui qui te domine. Ne comprends-tu pas que j’attends ces mots plus que le baiser de ma Mère ? »

Judas pleure sans fin, mais il ne prononce pas cette parole.

« Va-t’en ! Sors d’ici, monte sur la terrasse. Va où tu veux, mais ne fais pas d’esclandre. Va ! Va ! Personne ne te découvrira, j’y veillerai. A partir de demain, tu garderas l’argent. Tout est inutile désormais. »

Judas sort sans répliquer. Jésus, resté seul, s’abandonne sur un siège près de la table et, la tête appuyée sur ses bras croisés sur la table, il verse des pleurs angoissés.

567.27

Quelques minutes plus tard, Jean entre doucement et reste un moment sur le seuil. Il est pâle comme un mort. Puis il court vers Jésus et se serre contre Lui en suppliant :

« Ne pleure pas, Maître ! Ne pleure pas ! Je t’aime aussi pour ce malheureux… »

Il le relève, l’embrasse, boit les pleurs de son Dieu et pleure à son tour.

Jésus lui rend son baiser, et les deux têtes blondes, l’une près de l’autre, échangent larmes et caresses. Mais Jésus se domine bientôt, et il dit :

« Jean, par amour pour moi, oublie tout cela. Je le veux.

– Oui, mon Seigneur. J’essaierai de le faire. Mais toi, ne souffre plus… Ah ! Quelle douleur ! Et il m’a fait pécher, mon Seigneur. J’ai menti. J’ai dû mentir, car les femmes disciples sont revenues. Non, d’abord la famille de la femme. Ils voulaient te voir pour te bénir. Un garçon est né sans inconvénients. J’ai prétendu que tu étais retourné sur la montagne… Puis les femmes sont arrivées, et j’ai recommencé à mentir en disant que tu étais sorti et que tu étais peut-être à la maison où est né le garçon… Je n’ai rien trouvé d’autre à dire. J’étais tellement abasourdi ! Ta Mère a vu que j’avais pleuré, et elle m’a demandé : “ Qu’as-tu, Jean ? ” Elle était agitée… Elle paraissait savoir. Et j’ai menti pour la troisième fois en disant : “ Je suis ému par cette femme… ” Vois à quoi peut conduire le voisinage d’un pécheur ! Au mensonge… Absous-moi, mon Jésus.

– Sois en paix. Efface tout souvenir de cette heure. Rien n’est arrivé… C’était un rêve…

– Mais ta douleur ! Oh ! comme tu es changé, Maître ! Dis-moi seulement ceci : Judas s’est-il au moins repenti ?

– Qui peut comprendre Judas, mon fils ?

– Aucun de nous. Mais toi, si. »

Jésus ne répond que par de nouvelles larmes silencieuses sur son visage fatigué.

« Ah ! il ne s’est pas repenti !… »

Jean est horrifié.

« Où est-il maintenant ? L’as-tu vu ?

– Oui. Il s’est montré à la terrasse, il a regardé s’il y avait quelqu’un, et n’ayant vu que moi, qui étais assis sous le figuier tout abattu, il est descendu en courant et il est sorti par le portillon du jardin. Je suis alors venu…

– Tu as bien fait. Remettons en place les sièges dérangés et prends l’amphore, afin qu’il ne reste pas de traces…

– Il a lutté avec toi ?

– Non, Jean. Non.

567.28

– Tu es trop troublé, Maître, pour rester ici. Ta Mère comprendrait… et elle en éprouverait du chagrin.

– C’est vrai. Sortons… Tu donneras la clé à la voisine. Je te précède sur les rives du torrent, vers le mont… »

Jésus sort et Jean reste pour tout remettre en ordre. Puis il sort à son tour. Il remêt la clé à une femme qui habite à côté, et il s’enfuit en courant parmi les buissons de la rive pour qu’on ne le voie pas.

A une centaine de mètres de la maison, Jésus est assis sur un rocher. Il se tourne au bruit des pas de l’apôtre. Son visage blanchit dans la lumière du soir. Jean s’est assis par terre, tout contre lui, et il pose la tête sur les genoux de Jésus, en levant le visage pour le regarder. Il voit qu’il y a encore des larmes sur les joues de Jésus.

« Oh ! ne souffre plus ! Ne souffre plus, Maître ! Je ne peux pas te voir souffrir !

– Pourrais-je donc ne pas souffrir ? C’est ma plus grande douleur ! Souviens-toi de cela, Jean : ce sera éternellement ma plus grande douleur !Tu ne peux encore tout comprendre… Ma plus grande douleur… »

Jésus est accablé, mais Jean le tient serré, en l’embrassant à la taille, angoissé de ne pouvoir le consoler.

Jésus lève la tête, ouvre ses yeux qu’il gardait clos pour retenir ses larmes, et dit :

« Rappelle-toi que nous sommes trois à savoir : le coupable, toi et moi. Et personne d’autre ne doit savoir.

– Personne ne l’apprendra de ma bouche. Mais comment a-t-il pu ? Tant qu’il prenait de l’argent à la bourse commune… Mais à cela !… J’ai cru être fou quand je l’ai vu… Quelle horreur !

– Je t’ai dit d’oublier…

– Je m’y efforce, Maître. Mais c’est trop horrible…

– C’est horrible, oui. Oh ! Jean, Jean ! »

Et Jésus, embrassant son Préféré, penche la tête sur son épaule et pleure toute sa douleur. Les ombres, qui descendent rapidement dans ce bosquet, font disparaître dans leurs ténèbres les deux hommes enlacés.

567.1

Gesù è con le discepole e i due apostoli su una delle prime ondulazioni del monte alle spalle di Efraim. Giovanna non ha con sé né i bambini né Ester. Penso che essi siano stati già mandati a Gerusalemme insieme a Gionata. Vi sono perciò solamente, oltre la Madre di Gesù, Maria Cleofa, Maria Salome, Giovanna, Elisa, Niche e Susanna. Non sono ancora presenti le due sorelle di Lazzaro.

Elisa e Niche stanno piegando delle vesti, che sono certo state lavate ad un rio che scintilla là in basso, o portate qui dal torrente e stese poi su questo pianoro solatio. E Niche, dopo averne osservata una, la porta a Maria Cleofa dicendo: «Anche a questa tuo figlio ha scucito l’orlo». Maria d’Alfeo prende la veste e la mette vicino alle altre che ha presso sé sull’erba.

Tutte le discepole sono intente a cucire, a riparare i danni che si sono prodotti nei molti mesi che gli apostoli furono soli.

Elisa, che si avvicina con altre vesti asciutte, dice: «Si vede che da tre mesi non avete avuto una donna esperta con voi! Non c’è una veste in ordine, eccettuate quelle del Maestro, che in compenso ne ha due sole. Quella che indossa e l’altra lavata oggi».

«Le ha date via tutte. Pareva preso dalla frenesia di non avere più nulla. È vestito di lino già da molti giorni», dice Giuda.

«Meno male che tua Madre ci ha pensato a portartene di nuove. Quella tinta di porpora è proprio bellissima. Ti ci voleva, Gesù, per quanto Tu stia tanto bene vestito così di lino. Sembri proprio un giglio!», dice Maria d’Alfeo.

«Un giglio molto alto, Maria!», satireggia Giuda.

«Ma puro come certo tu non sei e neppure come lo è Giovanni. Sei vestito anche tu di lino, ma, credilo, tu l’aspetto del giglio non l’hai!», ribatte franca Maria d’Alfeo.

«Io sono bruno di capelli e di carnagione. Per questo sono diverso».

«No. Non dipende da questo. È che tu il candore lo hai addosso, ed Egli lo ha dentro e traspira dal suo sguardo, dal suo sorriso, dalla sua parola. Questo è! Ah! come si sta bene qui col mio Gesù!». E la buona Maria posa una delle sue mani sciupate di donna anziana e lavoratrice sul ginocchio di Gesù, che le accarezza questa mano onesta.

567.2

Maria Salome, che sta esaminando una veste, esclama: «Questo è peggio di uno strappo! Oh! figlio mio! Ma chi ti ha chiuso il buco in questo modo?», e mostra scandalizzata alle compagne una specie di… ombelico molto increspato, di modo che fa un anello rilevato sulla stoffa, tenuto insieme con certi puntacci da far inorridire una donna. La strana riparazione è epicentro ad una serie di crespe, che a raggiera si allargano sulla spalla della veste.

Ridono tutti. Per primo Giovanni, l’autore del rammendo, che spiega: «Con lo strappo non ci potevo stare, e allora… l’ho chiuso!».

«Lo vedo, misera me! Lo vedo! Ma non potevi fartelo aggiustare da Maria di Giacobbe?».

«È quasi cieca, povera donna! E poi… il brutto era che non era uno strappo! Era un vero buco. La veste è rimasta attaccata alla fascina che portavo sulla spalla, e levando la fascina dalla spalla è venuto via anche il pezzo di veste. Allora ho riparato così!».

«Hai guastato così, figlio mio. Mi ci vorrebbe…». Esamina la veste, ma scuote il capo. Dice: «Speravo di poter levare l’orlo. Ma non c’è già più…».

«L’ho levato io a Nobe, perché reciso sulla piega. Ma avevo dato la parte levata a tuo figlio…», spiega Elisa.

«Sì. Ma io l’ho usata per fare le corde alla mia sacca…».

«Poveri figli! Come è necessario che noi vi si stia vicine!», dice Maria Ss. che rammenda una veste non so di chi.

«Eppure qui ci vuole della stoffa. Guardate. I punti hanno finito di lacerare tutto all’intorno, e da un male già grande ne è venuto uno irreparabile; a meno che… si possa trovare alcunché che sostituisca la stoffa mancante. Allora… si vedrà ancora… ma sarà passabile».

«Tu mi hai dato lo spunto ad una parabola…», dice Gesù, e contemporaneamente Giuda dice: «Io credo di avere in fondo alla borsa un pezzo di stoffa di quel colore, avanzo di una veste che, troppo stinta per essere portata, ho dato ad un ometto, tanto più basso di me che dovemmo tagliarne quasi due palmi. Se attendi, te la vado a cercare. Ma prima vorrei sentire la parabola».

«Dio ti benedica. Ascolta pure. Io intanto rimetto i cordoni a questa di Giacomo. Sono tutti consunti questi».

«Parla, Maestro. E poi farò felice Maria Salome».

«Parlo.

567.3

Paragono l’anima ad una stoffa. Quando viene infusa è nuova, senza strappi. Ha solo la macchia originale, ma non ha ferite nella sua compagine, né altre macchie, né consunzioni. Poi, col tempo e per l’accoglimento dei vizi, si logora talora sino a recidersi, per le imprudenze si macchia, per i disordini si lacera. Ora, quando è lacerata, non bisogna fare un rammendo maldestro, origine a più numerosi strappi, ma un paziente e lungo rammendo perfetto, per annullare il più che si può la rovina fatta. E se troppo è lacerata la stoffa, anzi se è talmente lacerata da averne asportato un pezzo, non si deve superbamente pretendere di annullare la rovina da sé, ma andare da chi si sa che può rendere novellamente integra l’anima, perché tutto gli è concesso di fare e tutto Egli può fare. Parlo di Dio, mio Padre, e del Salvatore che Io sono. Ma l’orgoglio dell’uomo è tale che, più grande è la rovina della sua anima, e più cerca di rabberciarla con rimedi incompleti che creano un malanno sempre più grande.

Mi potrete obbiettare che uno strappo sempre si vedrà. Lo ha detto anche Salome. Sì, si vedranno sempre le ferite che un’anima ha subito. Ma l’anima lotta la sua battaglia, e perciò è conseguente che venga colpita. Tanti sono i nemici che ha d’attorno. Ma nessuno, vedendo un uomo coperto di cicatrici, segni di altrettante gloriose ferite ricevute in battaglia per conseguire vittoria, può dire: “Quest’uomo è immondo”. Dirà anzi: “Costui è un eroe. Ecco là i segni porpurei del suo valore”. Né mai si vedrà che un soldato eviti di farsi curare vergognandosi di una gloriosa ferita, ma anzi va dal medico e gli dice con santo orgoglio: “Ecco, ho combattuto e ho vinto. Non mi sono risparmiato. Tu lo vedi. Ora risarciscimi perché io sia pronto per altre battaglie e vittorie”. Invece colui che è piagato da malattie immonde, causate in lui da vizi indegni, colui si vergogna delle sue piaghe e davanti ai familiari e gli amici, e anche davanti ai medici, e talora è così assolutamente stolto che le tiene nascoste sinché il loro fetore non le disvela. Ma allora è troppo tardi per riparare.

Gli umili sono sempre sinceri, e anche sono dei valorosi che non hanno da vergognarsi delle ferite riportate nella lotta. I superbi sono sempre menzogneri e vili, e per il loro orgoglio giungono alla morte, non volendo andare da chi può guarirli e dirgli: “Padre, io ho peccato. Ma, se Tu vuoi, mi puoi guarire”. Molte sono le anime che, per l’orgoglio di non avere a confessare una colpa iniziale, giungono alla morte. E allora anche per esse è troppo tardi. Non riflettono che la misericordia divina è più potente e vasta di ogni cancrena, per potente e vasta che sia, e che tutto può risanare. Ma esse, le anime degli orgogliosi, quando si accorgono di aver sprezzato ogni salvezza, cadono in disperazione, poiché sono senza Dio e, dicendo: “È troppo tardi”, si danno l’ultima morte, quella della dannazione.

567.4

E ora va’ pure, Giuda, a prendere la tua stof­fa…».

«Vado. Ma non mi è piaciuta questa parabola. Non l’ho capita».

«Ma se è così limpida! L’ho capita io, povera donna!», dice Maria Salome.

«E io no. Una volta le dicevi più belle. Ora… le api… la stoffa… le città che cambiano nome… le anime barche… Cose così povere e così confuse che non mi piacciono più e non le capisco… Ma ora vado a prendere la stoffa, perché praticamente dico che ci vuole quella, ma che sempre sarà una veste sciupata», e Giuda si alza e va via.

Maria ha sempre più chinato la testa sul suo lavoro mentre Giuda parlava, Giovanna invece l’ha alzata fissando con impero sdegnato l’imprudente. Anche Elisa l’ha alzata, ma poi ha imitato Maria, e così Niche. Susanna ha spalancato i suoi grandi occhi sbalordita e ha guardato Gesù invece dell’apostolo, come chiedendosi perché non reagisce. Nessuna però ha parlato o ha fatto gesti. Ma Maria Salome e Maria d’Alfeo, più popolane, si sono guardate crollando la testa e, appena partito Giuda, Salome dice: «È lui che ha la testa sciupata!».

«Sì. E per questo non capisce niente, né so se neppur Tu potrai riaggiustargliela. Fosse mio figlio così, gliela romperei del tutto. Sì, così come gliel’ho fatta perché fosse testa di giusto, così gliela romperei. Meglio avere sfregiato il volto che il cuore!», dice Maria d’Alfeo.

«Sii indulgente, Maria. Tu non puoi paragonare i tuoi figli, cresciuti in una famiglia onesta, in una città come Nazaret, con questo uomo», dice Gesù.

«Sua madre è buona. Suo padre non era un malvagio, ho sentito dire», ribatte Maria d’Alfeo.

«Sì. Ma l’orgoglio non gli mancava in cuore. Per questo ha allontanato il figlio dalla madre troppo presto e ha contribuito lui pure a sviluppare l’eredità morale, che egli aveva dato a suo figlio, col mandarlo a Gerusalemme. È doloroso dirlo, ma non è certo il Tempio il luogo dove l’orgoglio ereditario possa diminuire…», dice Gesù.

«Nessun posto di Gerusalemme, che sia posto d’onore, è atto a diminuire l’orgoglio e ogni altro difetto», sospira Giovanna. E aggiunge: «E neppur ogni altro posto d’onore, sia che sia a Gerico o a Cesarea di Filippo, a Tiberiade come all’altra Cesarea…», e cuce svelta, curvando il viso sul suo lavoro più che non occorra.

«Maria di Lazzaro è imperiosa ma non ha orgoglio», osserva Niche.

«Ora. Ma prima era molto superba, all’opposto dei suoi parenti che non furono mai tali», risponde Giovanna.

«Quando verranno?», chiede Salome.

«Presto, se noi fra tre giorni dobbiamo partire».

«Lavoriamo rapide, allora. Facciamo appena in tempo a finire tutto», incita Maria d’Alfeo.

567.5

«Si è tardato a venire per causa di Lazzaro. Ma fu bene, perché molta fatica fu risparmiata a Maria», dice Susanna.

«Ma tu ti senti di far tanto cammino? Sei così pallida e stanca, o Maria!», domanda Maria d’Alfeo posando la mano nel grembo di Maria e guardandola con affanno.

«Non sono ammalata, Maria, e certo posso camminare».

«Ammalata no, ma afflitta tanto, Madre. Io darei dieci e dieci anni della mia vita, abbraccerei tutti i dolori pur di rivederti come ti vidi la prima volta», dice Giovanni che la guarda con pietà.

«Ma il tuo amore è già medicina, Giovanni. Io sento calmarsi il cuore a vedere come voi amate la mia Creatura. Perché non è altra la causa del mio soffrire. Altra, fuori dal vederlo non amato. Qui, vicina a Lui e fra voi, così fedeli, io rifiorisco già. Ma certo… questi mesi… sola a Nazaret… dopo averlo visto partire già angustiato tanto, già perseguitato tanto… e udendo tutte quelle voci… oh! Quanto! Quanto dolore! Vicino così, io vedo, io dico: “Almeno il mio Gesù ha sua Mamma che lo consola, che gli dice parole che coprono altre parole”, e vedo anche che non tutto è morto l’amore in Israele. E ho pace. Un poco di pace. Non molta… perché…». Maria non dice di più. China il viso che aveva alzato per parlare a Giovanni, e di esso non se ne vede più che il sommo della fronte che arrossa per una emozione muta… e poi due lacrime brillano sulla veste scura che Ella rammenda.

Gesù sospira e si alza dal suo posto andando a sedersele ai piedi, davanti, e là abbandona il capo sui ginocchi di Lei, baciandole la mano che tiene la stoffa e restando poi così come un bambino che riposi. Maria leva dalla stoffa l’ago, per non ferire il Figlio, e poscia mette la destra sulla testa curva sui suoi ginocchi e alza il viso guardando il cielo, pregando certo, benché non muova le labbra; tutto il suo aspetto dice che Ella prega. Poi si china a baciare suo Figlio sui capelli, là, presso la tempia scoperta.

567.6

Le altre non parlano sinché Salome dice: «Ma quanto sta Giuda? Cala il sole così! E non vedrò bene!».

«Forse qualcuno lo ha fermato», risponde Giovanni e chiede alla madre sua: «Vuoi che vada io a sollecitarlo?».

«Faresti bene. Ché, se non ha trovato la stoffa uguale, io ti raccorcerò le maniche, tanto viene l’estate e per l’autunno ti preparerò altra veste, ché questa non può più andare, e con la raccorciatura ti aggiusterò qui. Per andare alla pesca sarà ancor buona. Perché certo, dopo la Pentecoste, tornerete in Galilea…».

«Allora vado», dice Giovanni e sempre gentile chiede alle altre donne: «Avete vesti già aggiustate che io possa portare alle nostre case? Se sì, datemele. Sarete meno cariche al ritorno».

Le donne raccolgono quanto hanno già rassettato e lo danno a Giovanni, che si volge per andarsene,

567.7

ma si ferma subito vedendo accorrere verso di loro Maria di Giacobbe.

La buona vecchietta arranca svelta quanto lo consentono i suoi molti anni e grida a Giovanni: «È lì il Maestro?».

«Sì, madre. Che vuoi?».

La donna risponde continuando a correre: «Ada sta male, male… E il marito vorrebbe consolarla chiamando Gesù… Ma dopo che quei samaritani sono stati… così cattivi, non osa… Io ho detto: “Non lo conosci ancora. Io vado e non… mi dirà di no”». La vecchietta ansa per la corsa e la salita.

«Non correre più oltre. Vengo con te. Anzi ti precedo. Tu seguici con passo pacato. Sei vecchia, madre, per queste corse», le dice Gesù. E poi, alla Madre e alle discepole: «Io resto in paese. La pace a voi». Prende Giovanni per un braccio e scende con lui rapidamente.

La vecchietta, ripreso fiato, lo seguirebbe dopo aver risposto alle donne che l’interrogano: «Uhm! Solo il Rabbi la può salvare. Altrimenti morirà come Rachele. Raffredda e perde le forze e si stravolge già nelle convulsioni del dolore».

Ma le donne la trattengono dicendole: «Ma non avete provato con mattoni caldi sotto le reni?», «No! Meglio avvolgerla in lane imbevute di vino con aromi, il più caldo che si possa», «A me per Giacomo fecero bene le unzioni d’olio e poi i mattoni caldi», «Fatela bere molto», «Se potesse stare ritta e far qualche passo e intanto una che le sfregasse molto le reni».

Le donne-madri, ossia tutte meno Niche e Susanna, e Maria che non soffrì delle pene di ogni donna nel dare alla luce il Figlio, consigliano questo o quello.

«Tutto! Tutto si è provato. Ma troppo ha stanche le reni. È l’undecimo figlio! Ma ora vado. Ho ripreso fiato. Pregate per quella madre! Che l’Altissimo la tenga viva sinché non giunge da lei il Rabbi». E trotterella via, povera vecchia sola e buona.

567.8

Gesù, intanto, scende svelto verso la città tutta calda di sole. Entra in città dal luogo opposto a quello dove è la loro casa, ossia dal nord-ovest di Efraim, mentre la casa di Maria di Giacobbe è al sud-est. Va lesto, senza fermarsi a parlare con chi lo vorrebbe fermare. Li saluta e va.

Un uomo osserva: «È inquieto con noi. Quelli degli altri luoghi fecero male. Ha ragione».

«No. Va da Janoè. Gli muore la moglie al suo undecimo parto».

«Miseri figli! E il Rabbi va là? Tre volte buono. Offeso, benefica».

«Non l’ha offeso Janoè! Nessun di noi l’offese!».

«Ma sempre uomini di Samaria».

«Il Rabbi è giusto e sa distinguere. Andiamo a vedere il miracolo».

«Non potremo entrare. È una donna e sul parto».

«Ma sentiremo piangere la creatura novella e sarà voce di miracolo».

Vanno di corsa per raggiungere Gesù. Anche altri si uniscono per vedere.

567.9

Gesù giunge alla casa desolata per l’imminente sventura. I dieci figli — la più grande è una giovinetta in lacrime, stretta dai fratellini più piccoli e piangenti — stanno in un angolo dell’andito presso la porta spalancata. Comari che vanno e vengono, sussurri di voci, scalpiccio di piedi scalzi correnti sull’ammattonato.

Una donna vede Gesù e ha un grido: «Janoè! Spera! Egli è venuto!», e corre via con una brocca fumante.

Un uomo accorre, si prostra. Non ha che un gesto e queste parole: «Io credo. Pietà. Per questi», e accenna i figli.

«Alzati e fa’ cuore. L’Altissimo aiuta chi ha fede e ha pietà dei suoi figli afflitti».

«Oh! vieni, Maestro! Vieni! È già nera. Strozzata dalle convulsioni. Quasi non respira. Vieni!». L’uomo, che ha perduto la testa — e finisce di perderla del tutto al grido di una comare che chiama: «Janoè, corri! Ada muore!», — spinge, tira Gesù per farlo andare presto, presto, presto, verso la stanza della morente, sordo alle parole di Gesù che dice: «Va’ e abbi fede!».

Fede ne ha il pover’uomo; ma ciò che gli manca è la capacità di capire il senso di quelle parole, il senso riposto che è già sicurezza di miracolo. E Gesù, spinto e tirato, sale la scala per entrare nella stanza alta dove è la donna. Ma Gesù si ferma sul ripiano della scala, a un tre metri dalla porta aperta, che permette di vedere un viso esangue, anzi livido, già stirato nella maschera dell’agonia. Le comari non osano più nulla. Hanno ricoperto la donna sino al mento e guardano. Sono impietrite in attesa del trapasso.

Gesù stende le braccia e grida: «Voglio!», e si rivolge per andare.

Il marito, le comari, i curiosi, che si sono affollati, restano delusi perché forse speravano che Gesù facesse cose più strabilianti, che il bambino nascesse istantaneamente. Ma Gesù, facendosi largo e fissandoli in volto mentre passa loro davanti, dice: «Non dubitate. Un poco ancora di fede. Un momento. La donna deve pagare l’amaro tributo del partorire. Ma è salva». E scende la scala lasciandoli interdetti.

Ma quando sta per uscire nella via, dicendo nel passare ai dieci figli spauriti: «Non temete! La mamma è salva», — e nel dirlo sfiora con la mano i visetti spaventati — un urlo forte echeggia per la casa e si sparge sin sulla via, dove arriva in quel momento Maria di Giacobbe che grida: «Misericordia!», credendo quel grido segno di morte.

«Non temere, Maria! E va’ svelta! Vedrai nascere il piccino. Sono tornate le forze e le doglie. Ma fra poco sarà gioia».

567.10

Se ne va con Giovanni. Nessuno lo segue, perché tutti vogliono vedere se si compie il miracolo, anzi altri accorrono verso la casa, perché si è sparsa la notizia che il Rabbi è andato a salvare Ada. E così Gesù, infilandosi per una vietta secondaria, può andare senza inciampi ad una casa dove entra chiamando: «Giuda! Giuda!». Nessuno risponde.

«È andato lassù, Maestro. Possiamo noi pure andare a casa. Metto qui le vesti di Giuda, Simone e tuo fratello Giacomo, e poi metterò le altre di Simon Pietro, Andrea, Toma e Filippo in casa di Anna».

Fanno infatti così e capisco che, per far posto alle discepole, gli apostoli si sono sparsi in altre case, se non tutti, almeno una parte di essi.

Ormai liberi da ogni indumento, vanno parlando fra loro verso la casa di Maria di Giacobbe ed entrano in essa dal­l’uscio­lo dell’orto, che è semplicemente accostato. La casa è silenziosa e vuota. Giovanni vede posata a terra un’anfora colma d’acqua e, forse pensando che là l’abbia deposta la vecchietta prima di esser chiamata ad assistere la donna, la prende e si dirige verso una stanza chiusa. Gesù si attarda nel corridoio per levarsi il manto e a piegarlo con la solita cura prima di deporlo sulla cassapanca dell’andito.

567.11

Giovanni apre la porta e ha un «ah!» quasi di terrore. Lascia cadere la brocca e si tappa gli occhi con le mani, curvandosi come per farsi piccino, per annullarsi, per non vedere. Dalla stanza viene un rumore di monete che si spargono al suolo tintinnando.

Gesù è già alla porta. Ho tenuto più tempo io a descrivere che Lui ad arrivare. Scansa con impeto Giovanni, che geme: «Via! Va’ via!». Spalanca la porta socchiusa. Entra.

È la stanza dove, ora che ci sono le donne, prendono i pasti. In essa sono due vecchi cofani ferrati, e davanti ad uno di essi, proprio di fronte alla porta, è Giuda, livido, con gli occhi pieni d’ira e di sgomento insieme, con una borsa nelle mani… Il forziere è aperto… e in terra sono monete e altre ne cadono a terra scivolando fuor da una borsa che è sul limite del cofano, a bocca aperta, mezza coricata. Tutto testimonia, in maniera che non si può avere dubbi, ciò che stava accadendo. Giuda è entrato in casa, ha aperto il cofano e ha rubato. Stava rubando.

Nessuno parla. Nessuno si muove. Ma è peggio che se tutti urlassero o si avventassero l’un contro l’altro. Tre statue. Giuda il demonio, Gesù il Giudice, Giovanni il terrorizzato dalla rivelazione della bassezza del compagno.

La mano di Giuda, che tiene la sua borsa, ha un tremito, e le monete messe in essa tintinnano soffocatamente.

Giovanni è tutto un tremito e, per quanto sia rimasto con le mani strette sulla bocca, i suoi denti battono, mentre gli occhi spauriti guardano Gesù più di Giuda.

Gesù non ha un fremito. È dritto e glaciale, addirittura glaciale tanto è rigido. Finalmente fa un passo, un gesto, e ha una parola. Un passo verso Giuda; un gesto, quello di far segno a Giovanni di ritirarsi; una parola: «Va’!».

Ma Giovanni ha paura e geme: «No! No! Non mi mandare via. Lasciami qui. Non dirò nulla… ma lasciami qui, con Te».

«Va’ via! Non temere! Chiudi tutte le porte… e se viene qualcuno… chiunque sia,… anche mia Madre… non lasciare che vengano qui. Va’. Ubbidisci!».

«Signore!…». Sembra che il colpevole sia Giovanni, tanto è supplice e schiantato.

«Va’, ti dico. Non accadrà nulla. Va’», e Gesù tempera il comando posando la mano sulla testa del Prediletto con gesto di carezza. E vedo che quella mano ora trema. E Giovanni la sente tremare e la prende e la bacia con un singhiozzo che dice tante cose. Esce.

567.12

Gesù chiude la porta a chiavistello. Torna a girarsi per guardare Giuda, che deve essere ben annichilito se non osa, lui, così audace, una parola o un gesto. Gesù gli va direttamente davanti, girando intorno alla tavola che è al centro della stanza. Non so dire se va svelto o lento. Sono troppo spaventata dal suo volto per poter misurare il tempo. Vedo i suoi occhi e ho paura come Giovanni. Lo stesso Giuda ha paura, si arretra fra il cofano e una finestra spalancata la cui luce, rossa per il tramonto, si riversa tutta sopra Gesù.

Che occhi ha Gesù! Non dice parola. Ma quando vede che dalla cintura della veste di Giuda sporge una specie di grimaldello, ha uno scatto pauroso. Alza il braccio col pugno chiuso come per colpire il ladro, e la sua bocca inizia la parola «maledetto!», o «maledizione». Ma si domina. Arresta il braccio che già stava calando e tronca la parola alle tre prime lettere. E si limita, con uno sforzo di dominio che lo fa tremare tutto, a disserrare il pugno chiuso, a calare il braccio levato sino all’altezza della borsa che Giuda ha in mano e a strapparla lanciandola al suolo, dicendo con voce soffocata, mentre calpesta borsa e monete e le sparge con un furore contenuto ma terribile: «Via! Lordura di Satana! Oro maledetto! Sputo d’inferno! Veleno del serpente! Via!».

Giuda, che ha avuto un grido soffocato quando ha visto Gesù prossimo a maledirlo, non reagisce più. Ma da oltre la porta chiusa un altro grido risuona quando Gesù lancia al suolo la borsa. E questo grido di Giovanni esaspera il ladro. Gli rende la sua demoniaca audacia. Lo fa furente. Quasi si getta contro Gesù urlando: «Mi hai fatto spiare per disonorarmi. Spiare da un ragazzo stolto che non sa neppure tacere. Che mi svergognerà in faccia a tutti! Ma questo Tu volevi. E del resto… Sì! Questo voglio anche io. Io voglio questo! Portarti a cacciarmi! Portarti a maledirmi! A maledirmi! A maledirmi! Tutto ho tentato per farmi cacciare». È rauco d’ira e brutto come un demonio. Ansa come avesse qualcosa che lo strozza.

Gesù gli ripete, sommesso ma terribile: «Ladro! Ladro! Ladro!», e termina dicendo: «Oggi ladro. Domani assassino. Come Barabba. Peggio di lui». Gli soffia quella parola sul volto, perché ora sono vicinissimi, ad ogni frase dell’altro.

567.13

Giuda, ripreso fiato, risponde: «Sì. Ladro. E per colpa tua. Tutto il male che io faccio è per colpa tua, e Tu non ti stanchi mai di rovinarmi. Tu salvi tutti. Dài amore e onori a tutti. Accogli i peccatori, non ti fanno schifo le prostitute, tratti da amico i ladri e gli strozzini e i lenoni di Zaccheo, accogli come fosse il Messia la spia del Tempio, o stolto che sei! E fai capo nostro un ignorante, tesoriere un gabelliere, confidente tuo uno stolto. E a me misuri il picciolo, non mi lasci una moneta, mi tieni vicino come un galeotto è tenuto vicino al banco del remo, non vuoi neppur che noi, dico noi ma sono io, io solo che non devo accettare oboli di pellegrini. È perché io non tocchi il denaro, che Tu hai ordinato che non si prendesse denaro da nessuno. Perché Tu mi odi. Ebbene: anche io ti odio! Tu non hai saputo percuotermi e maledirmi poco fa. La tua maledizione mi avrebbe incenerito. Perché non l’hai data? L’avrei preferita a vederti inetto così, svigorito così, un uomo finito, un uomo vinto…».

«Taci!».

«No! Hai paura che Giovanni senta? Hai paura che egli finalmente capisca chi Tu sei e ti lasci? Ah! L’hai questa paura, Tu che fai l’eroe! Sì, che ce l’hai! E hai paura di me. Hai paura! Per questo non mi hai saputo maledire. Per questo mi fingi amore mentre mi odi! Per blandirmi! Per tenermi quieto. Lo sai che io sono una forza! Lo sai che io sono la forza. La forza che ti odia e che ti vincerà! Te l’ho promesso che ti seguirò sino alla morte offrendoti tutto, e tutto ti ho offerto, e ti starò vicino sino alla tua ora e alla mia ora. Magnifico re che non sa maledire e cacciare! Re-nuvola! Re idolo! Re stolto! Mentitore! Traditore del tuo stesso destino. Mi hai sempre sprezzato, dal nostro primo incontro. Non mi hai corrisposto. Ti credevi sapiente. Sei un ebete. Te la insegnavo la via buona. Ma Tu… Oh! Tu sei il puro! Sei la creatura che è uomo ma che è Dio, e sprezzi i consigli dell’Intelligente. Tu hai sbagliato dal primo momento e sbagli. Tu… Tu sei… Ah!».

567.14

Il fiume di parole cessa di botto e succede un silenzio lugubre dopo tanto clamore e una lugubre immobilità dopo tanti gesti. Perché, mentre io scrivevo senza poter dire ciò che accadeva, Giuda, curvo, simile, sì, proprio simile ad un cane feroce che guati la preda e gli si accosti pronto al balzo, si è sempre fatto più accosto a Gesù, con un viso da non potersi guardare, con le mani adunche, i gomiti stretti al corpo, proprio come fosse per assalire Gesù, il quale non dà segno della minima paura e si muove voltando anche le spalle all’altro, che potrebbe assalirlo e prenderlo per il collo, ma non lo fa, per aprire la porta e guardare nel corridoio se Giovanni se ne è proprio andato. Il corridoio è vuoto e semibuio, avendo Giovanni chiuso la porta che va nell’orto dopo essere uscito di là. Gesù allora rinchiude la porta a chiavistello e si addossa alla stessa, attendendo senza un gesto o una parola che la furia cada.

Io non sono competente. Ma credo di non sbagliare dicendo che per bocca di Giuda ha parlato Satana stesso, che questo è un momento di possessione palese di Satana nell’apostolo pervertito, già alla soglia del Delitto, già dannato per propria volontà. Lo stesso modo come cessa il fiume di parole, lasciando come sbalordito l’apostolo, mi ricorda altre scene di possessione viste nei tre anni di vita pubblica di Gesù.

Gesù, addossato contro la porta, tutto bianco contro il legno scuro, non fa il minimo gesto. Soltanto i suoi occhi potenti di dolore e di fervore guardano l’apostolo. Se si potesse dire che gli occhi pregano, io direi che gli occhi di Gesù pregano mentre Egli guarda il disgraziato. Perché non è solo dominio che esce da quegli occhi così afflitti, ma è anche fervore di preghiera. Poi, verso la fine del parlare di Giuda, Gesù apre le braccia che aveva strette lungo il corpo, ma non le apre né per toccare Giuda, né per fare un gesto verso lo stesso o alzarle al cielo. Le apre orizzontalmente, assumendo la posa del Crocifisso, là, contro il legno scuro e la parete rossastra. È allora che dalla bocca di Giuda rallentano le ultime parole ed esce quel­l’«Ah!» che spezza il discorso.

Gesù resta come è, con le braccia aperte, e guarda l’apostolo sempre con quello sguardo di dolore e preghiera. E Giuda, come uno che esce da un delirio, si passa la mano sulla fronte, sul volto sudato… pensa, ricorda e, sovvenendosi di tutto, crolla a terra non so se piangendo o meno. Certo va a terra, come gli fossero mancate le forze.

567.15

Gesù abbassa lo sguardo e le braccia, e con voce bassa ma chiara dice:

«Ebbene? Ti odio? Potrei colpirti col piede, schiacciarti chiamandoti “verme”, potrei maledirti, così come ti ho liberato dalla forza che ti fa delirare. Tu l’hai creduta debolezza la mia impossibilità di maledirti. Oh! non è debolezza! È che Io sono il Salvatore. E il Salvatore non può maledire. Può salvare. Vuol salvare… Tu hai detto: “Io sono la forza. La forza che ti odia e che ti vincerà”. Io pure sono la Forza, anzi, sono l’unica Forza. Ma la mia forza non è odio. È amore. E l’amore non odia e non maledice, mai. La Forza potrebbe anche vincere le singole battaglie come questa fra Me e te, fra Me e Satana che è in te, e levarti il tuo padrone, per sempre, come ho fatto ora tramutandomi nel segno che salva, nel Tau che Lucifero non può vedere. Potrebbe anche vincere queste singole battaglie, come vincerà quella prossima contro Israele incredulo e uccisore, contro il mondo e contro Satana sconfitto dalla Redenzione. Potrebbe anche vincere queste singole battaglie come vincerà quella ultima, lontana per chi conta a secoli, vicina per chi misura il tempo colla misura dell’eternità.

Ma che gioverebbe violare le regole perfette del Padre mio? Sarebbe giustizia? Sarebbe merito? No. Non sarebbe né giustizia né merito. Non giustizia verso gli altri uomini colpevoli, ai quali non è tolta la libertà di esserlo, i quali potrebbero nel dì finale chiedermi e rimproverarmi il perché della condanna e la parzialità fatta a te solo. Saranno dieci e centomila quelli, settanta volte dieci e centomila quelli che faranno i tuoi stessi peccati e si indemonieranno per volontà propria, e saranno offensori di Dio, torturatori della madre e del padre, assassini, ladri, mentitori, adulteri, lussuriosi, sacrileghi, e infine deicidi, uccidendo materialmente il Cristo un giorno vicino, uccidendolo spiritualmente nei loro cuori nei tempi futuri. E tutti potrebbero dirmi, quando Io verrò a separare gli agnelli dai becchi, a benedire i primi e a maledire, allora sì, a maledire i secondi, a maledire perché allora non ci sarà più redenzione, ma gloria o condanna, a rimaledirli dopo averli già maledetti singolarmente alla morte prima e al singolo giudizio — perché l’uomo, tu lo sai perché me lo hai sentito dire cento e mille volte, perché l’uomo può salvarsi finché la vita dura, finché già è agli estremi aneliti. Basta un attimo, un millesimo di minuto perché tutto sia detto fra l’anima e Dio, sia chiesto perdono e ottenuta assoluzione… — Tutti, dicevo, potrebbero dirmi, tutti questi dannati: “Perché noi non ci hai legati al Bene come facesti con Giuda?”. E avrebbero ragione.

567.16

Perché ogni uomo nasce con le stesse cose naturali e soprannaturali: un corpo, un’anima. E mentre il corpo, essendo generato da uomini, può essere più o meno robusto e sano dal nascere, l’anima, creata da Dio, è per tutti uguale, dotata delle stesse proprietà, degli stessi doni da Dio. Fra l’anima di Giovanni, dico il Battista, e la tua, non c’era differenza, quando furono infuse alla carne. Eppure Io ti dico che, anche se la Grazia non lo avesse presantificato, perché l’Araldo del Cristo fosse senza macchia, come si converrebbe che tutti coloro che mi annunciano lo fossero, almeno per quanto riguarda i peccati attuali, la sua anima sarebbe stata, divenuta, ben diversa dalla tua. Anzi la tua sarebbe divenuta diversa dalla sua. Perché egli avrebbe conservato la sua anima nella freschezza degli incolpevoli, l’avrebbe anzi sempre più ornata di giustizia, secondando il volere di Dio che vi desidera giusti, sviluppando i doni gratuiti ricevuti con sempre più eroica perfezione. Tu invece… Tu hai devastato e disperso la tua anima e i doni ad essa dati da Dio. Che ne hai fatto della tua libertà d’arbitrio? Che del tuo intelletto? Hai conservato al tuo spirito la libertà che era sua? Hai usato l’intelligenza della tua mente con intelligenza? No. Tu, tu che non vuoi ubbidire a Me, non dico a Me-Uomo, ma neppure a Me-Dio, tu hai ubbidito a Satana. Tu hai usato l’intelligenza della tua mente e la libertà del tuo spirito per comprendere le Tenebre. Volontariamente. Ti è stato posto davanti il Bene ed il Male. Hai scelto il Male. Anzi, ti è stato posto davanti soltanto il Bene: Io. L’Eterno tuo Creatore, che ha seguito l’evolversi della tua anima, che anzi conosceva questo evolversi perché nulla ignora l’eterno Pensiero di ciò che si agita da quando il Tempo è, ti ha posto davanti il Bene, solo il Bene, perché sa che tu sei debole più di un’alga di fossato.

567.17

Tu mi hai gridato che Io ti odio. Ora, essendo Io Uno col Padre e con l’Amore, Uno qui come Uno in Cielo — ché se in Me sono le due Nature, e il Cristo, per la natura umana e sinché la vittoria non lo libererà dalle limitazioni umane, è a Efraim e non può essere altrove in quest’istante, come Dio, Verbo di Dio, sono in Cielo come in Terra, essendo sempre onnipresente e onnipotente la mia Divinità — ora essendo Io Uno col Padre e lo Spirito Santo, l’accusa a Me fatta, tu a Dio Uno e Trino l’hai fatta. A quel Dio Padre che ti ha creato per amore, a quel Dio Figlio che s’è incarnato per salvarti per amore, a quel Dio Spirito che ti ha parlato tante volte per darti desideri buoni per amore. A questo Dio Uno e Trino, che ti ha tanto amato, che ti ha portato sulla mia via, facendoti cieco al mondo per darti tempo di vedere Me, sordo al mondo per darti modo di sentire Me. E tu!… E tu!… Dopo avermi visto e udito, dopo esser liberamente venuto al Bene, sentendo col tuo intelletto che quella era l’unica via della vera gloria, hai respinto il Bene e ti sei liberamente dato al Male. Ma se tu, col tuo libero arbitrio, hai voluto questo, se hai sempre più rudemente respinto la mia mano che ti si offriva per trarti fuor dal gorgo, se tu sempre più ti sei allontanato dal porto per sprofondarti nell’infuriato mare delle passioni, del Male, puoi dire a Me, a Colui dal quale procedo, a Colui che mi ha formato Uomo per tentare la tua salute, puoi dire che ti abbiamo odiato?

Mi hai rimproverato di volere il tuo male… Anche il fanciullo malato rimprovera il medico e la madre per le amare medicine che gli fanno bere e per le desiderate cose che gli negano per suo bene. Tanto ti ha fatto cieco e pazzo Satana, che tu non capisca più la vera natura dei provvedimenti che ho preso per te, e che tu possa giungere a dire malanimo, desiderio di rovinarti, ciò che è previdente cura del tuo Maestro, del tuo Salvatore, del tuo Amico per guarirti? Ti ho tenuto vicino… Ti ho levato dalle mani il denaro. Ti ho impedito di toccare quel maledetto metallo che ti fa folle… Ma non sai, ma non senti che esso è come uno di quei beveraggi magici che destano una sete inestinguibile, che mettono dentro al sangue un ardore, un furore che porta alla morte? Tu, leggo il tuo pensiero, mi rimproveri: “E allora perché per tanto tempo mi hai lasciato essere colui che amministrava il denaro?”. Perché? Perché, se te lo avessi impedito prima, di toccare moneta, tu ti saresti venduto prima e avresti rubato prima. Ti sei venduto lo stesso perché poco potevi rubare… Ma Io dovevo cercare di impedirlo senza violentare la tua libertà.

567.18

L’oro è la tua rovina. Per l’oro sei diventato lussurioso e traditore…».

«Ecco! Tu hai creduto alle parole di Samuele! Io non so­no…».

Gesù, che si era andato sempre più animando nel parlare, ma senza mai assumere toni violenti o di castigo, ha un urlo di improvviso impero, direi di furore. Dardeggia i suoi sguardi sul volto che Giuda ha alzato per dire quella parola e gli impone un «Taci!» che sembra lo schianto di una folgore. Giuda si riabbatte sui calcagni e non apre più bocca.

Un silenzio nel quale Gesù, con visibile sforzo, ricompone la sua umanità in una compostezza, in un dominio così potente da testimoniare da solo il divino che è in Lui. Riprende a parlare con la sua voce usuale, calda, dolce anche quando è severa, persuasiva, conquistatrice… Solo i demoni possono resistere a quella voce.

«Non ho bisogno che parli Samuele né chicchessia per sapere le tue azioni. Ma, o disgraziato! Sai tu a Chi sei davanti? È vero! Tu dici che non capisci più le mie parabole. Non capisci più le mie parole. Povero infelice! Non capisci più neppure te stesso. Non capisci più neppure il bene e il male. Satana al quale ti sei dato in molti modi, Satana che hai seguito in tutte le tentazioni che ti presentava, ti ha fatto stolto. Ma pure un tempo mi capivi! Lo credevi che Io son Chi sono! E questo ricordo non è spento in te. E puoi credere che il Figlio di Dio, che Dio abbia bisogno delle parole di un uomo per sapere il pensiero e le azioni di un altro uomo? Non sei pervertito ancora tanto da non credere che Io sia Dio, e in questo è la tua colpa più grande. Perché, che tu mi creda tale, lo dimostra la paura che hai della mia ira. Tu senti che non lotti contro un uomo, ma contro Dio stesso, e tremi. Tremi perché, Caino, tu non puoi vedere e pensare Dio altro che come Vendicatore di Se stesso e degli innocenti.

Tu hai paura che ti avvenga come a Core, Datan e Abiron[1] e ai loro seguaci. Eppure tu, sapendo Chi Io sono, lotti contro di Me. Dovrei dirti: “Maledetto!”. Ma non sarei più il Salvatore…

567.19

Tu vorresti che Io ti scacciassi. Fai di tutto, dici, per giungere a questo. Questa ragione non giustifica le tue azioni. Perché non c’è bisogno di peccare per separarsi da Me. Lo puoi fare, ti dico. Te lo dico da Nobe, quando mi sei tornato, in una pura mattina, sozzo di menzogna e lascivie, come fossi uscito dall’inferno per cadere nel brago dei porci o sulla lettiera delle scimmie libidinose, ed Io ho dovuto fare sforzo su Me stesso per non respingerti colla punta del sandalo come un cencio schifoso e per frenare la nausea che mi sconvolgeva, non solo lo spirito, ma anche le viscere. Te l’ho sempre detto. Anche prima di accettarti. Anche prima di venire qui. Allora, proprio per te, per te solo, ho fatto quel discorso. Ma tu sei sempre voluto rimanere. Per tua rovina. Tu! Il mio più grande dolore!

Ma già tu pensi e dici, o eretico capostipite di molti che verranno, che Io sono superiore al dolore. No. Solo al peccato Io sono superiore. Solo all’ignoranza Io sono superiore. A quello, perché sono Dio. A questa, perché non può essere ignoranza nell’anima che non lede la Colpa d’origine. Ma ti parlo come Uomo, come l’Uomo, come l’Adamo Redentore venuto a riparare la Colpa dell’Adamo peccatore e a mostrare cosa sarebbe stato l’uomo se fosse rimasto quale fu creato: innocente. Fra i doni di Dio a quell’Adamo non era forse una intelligenza senza menomazioni e una scienza grandissima, perché l’unione con Dio infondeva le luci del Padre onnipotente nel figlio benedetto? Io, novello Adamo, sono superiore al peccato per volontà mia propria…

567.20

Un giorno, in un tempo lontano, tu ti sei stupito che Io fossi stato tentato e mi hai chiesto se non avevo mai ceduto. Ricordi? E ti ho risposto. Sì. Come potevo risponderti… Perché tu, sino da allora, eri così… uomo decaduto, che era inutile aprire sotto i tuoi occhi le perle preziosissime delle virtù del Cristo. Non ne avresti capito il valore e… le avresti scambiate per… sassi, tanto erano di grandezza eccezionale. Anche nel deserto ti ho risposto[2] ripetendo le parole, il senso delle parole che ti avevo detto quella sera andando verso il Getsemani.

Se fosse stato Giovanni, o anche Simone lo Zelote a ripetermi quella domanda, avrei risposto in un’altra maniera, perché Giovanni è un puro e non l’avrebbe fatta con la malizia con la quale tu la facevi, essendo tu pieno di malizia…, e perché Simone è un vecchio saggio e, pur non ignorando la vita come la ignora Giovanni, è giunto a quella saggezza che sa contemplare ogni episodio senza averne turbamento nell’io. Ma essi non mi hanno chiesto se avevo mai ceduto alle tentazioni, alla tentazione più comune, a quella tentazione. Perché nella purezza intemerata del primo non sono ricordi di lussuria e nella mente meditativa del secondo è tanta luce per vedere la purezza splendere in Me.

Tu hai chiesto… e Io ti ho risposto. Come potevo. Con quella prudenza che non deve mai disgiungersi dalla sincerità, l’una e l’altra sante agli occhi di Dio. Quella prudenza che è come il triplice velo teso fra il Santo e il popolo, steso a celare il segreto del Re[3]. Quella prudenza che regola le parole a seconda del soggetto che le ascolta, della sua capacità intellettiva di intendere, della sua purezza spirituale e della sua giustizia. Perché certe verità dette ai sozzi divengono per essi oggetto di riso, non di venerazione…

567.21

Non so se ricordi tutte quelle parole. Io le ricordo. E te le ripeto qui, in quest’ora in cui Io e te siamo ambedue sulla sponda dell’Abisso. Perché… Ma non occorre dire questo. Io ho detto nel deserto, in risposta al “perché” che la mia prima spiegazione non ti aveva placato: “Il Maestro non si è mai sentito superiore all’uomo per essere ‘il Messia’, anzi, sapendo di essere l’Uomo, ha voluto esserlo in tutto fuorché nel peccato. Per essere maestri bisogna essere stati scolari. Io tutto sapevo come Dio. La mia intelligenza divina poteva farmi capire anche le lotte dell’uomo per potere intellettivo e intellettualmente. Ma un giorno qualche mio povero amico avrebbe potuto dire: ‘Tu non sai cosa vuol dire essere uomo e avere i sensi e le passioni’. Sarebbe stato un rimprovero giusto. Sono venuto qui per prepararmi non solo alla missione, ma anche alla tentazione. Tentazione satanica. Perché l’uomo non avrebbe potuto aver potere su Me. Satana è venuto quando è cessata la mia unione solitaria con Dio e ho sentito di essere l’Uomo con una vera carne soggetta alle debolezze della carne: fame, stanchezza, sete, freddo. Ho sentito la materia con le sue esigenze, il morale con le sue passioni. E se per mia volontà ho piegato sul nascere tutte le passioni non buone, ho lasciato che crescessero le sante passioni”.

Ricordi queste parole? E ho detto ancora, la prima volta, a te, a te solo: “La vita è un dono santo, e allora va amata santamente. La vita è mezzo che serve al fine, che è l’eternità”. Ho detto: “Diamo allora alla vita quello che le serve per durare e per servire lo spirito nella sua conquista: continenza della carne nei suoi appetiti, continenza della mente nei suoi desideri, continenza del cuore in tutte le passioni che sanno di umano, slancio illimitato verso le passioni che sono del Cielo: amore a Dio e prossimo, volontà di servire Dio e prossimo, ubbidienza alla voce di Dio, eroismo nel bene e nella virtù”.

567.22

E tu mi hai detto, allora, che Io potevo questo perché ero santo, ma non lo potevi tu perché eri uomo giovane, pieno di vitalità. Come se l’esser giovane e vigoroso fosse scusante al vizio, come se soltanto i vecchi o i malati, per età o debolezza, impotenti a ciò che tu pensavi, arso come sei di lussuria, fossero liberi dalle tentazioni del senso! Avrei potuto ribatterti tante cose, allora. Ma non eri in grado di capirle. Neanche ora lo sei, ma almeno ora non puoi sorridere del tuo sorriso incredulo se Io ti dico che l’uomo sano può esser casto, se da sé non accoglie le seduzioni del demonio e del senso.

Castità è affetto spirituale. È movimento che si ripercuote sulla carne e tutta la pervade, eleva, profuma, preserva. Colui che è saturo di castità non ha posto per altri moti men buoni. Non entra in lui la corruzione. Non c’è posto per essa. E poi! La corruzione non entra dal di fuori. Non è un moto di penetrazione dall’esterno all’interno. Ma è moto che dall’interno, dal cuore, dal pensiero, esce a penetrare e pervadere l’involucro: la carne. Per questo Io ho detto[4] che è dal cuore che escono le corruzioni. Ogni adulterio, ogni lussuria, ogni peccato sensuale, non è che abbia origine all’esterno. Ma viene dal lavorìo del pensiero che, corrotto, veste di solleticante aspetto tutto ciò che vede. Tutti gli uomini hanno occhi a vedere. E come avviene allora che una donna che lascia indifferenti dieci, che la guardano come una creatura simile a loro, che anche la vedono come una bell’opera del Creato ma senza per questo sentirsi sollevare dentro stimoli e fantasmi osceni, turba l’undecimo uomo e lo porta a concupiscenze indegne? Perché quell’undecimo ha corrotto il suo cuore e il suo pensiero, e dove dieci vedono la sorella egli vede la femmina.

567.23

Pure non dicendoti questo, allora, ti ho detto che Io ero venuto proprio per gli uomini, non per gli angeli. Sono venuto per rendere agli uomini la loro regalità di figli di Dio, insegnando loro a vivere da dèi. Dio è senza lussuria, o Giuda. Ma Io vi ho voluto mostrare che anche l’uomo può essere senza lussuria. Ma Io vi ho voluto mostrare che si può vivere come Io insegno. Per mostrarvi questo ho dovuto prendere una carne vera, per poter patire le tentazioni dell’uomo e dire all’uomo, dopo averlo istruito: “Fate come Me”.

E tu mi hai chiesto se ho peccato essendo tentato. Lo ricordi? Ti ho risposto, poiché vedevo che tu non potevi capire che

Io fossi stato tentato senza essere caduto[5], parendoti sconveniente la tentazione per il Verbo e impossibile il non peccare per l’Uomo, ti ho risposto che tutti possono essere tentati, ma peccatori sono solo quelli che vogliono esserlo. Il tuo stupore fu grande, incredulo, tanto che insistesti: “Hai mai peccato?”. Allora potevi essere incredulo. Ci conoscevamo da poco. La Palestina è piena di rabbi nei quali la dottrina che insegnano è l’antitesi della vita che conducono. Ma ora tu lo sai che Io non ho peccato, che non pecco. Tu lo sai che la tentazione, anche più fiera, volta all’uomo sano, virile, vivente fra gli uomini, circuito dagli stessi e da Satana, non mi turba sino al peccato. Ma anzi ogni tentazione, nonostante che il respingerla ne aumentasse la virulenza, perché il demonio la rendeva sempre più fiera per vincermi, era più grande vittoria. E non per la lussuria sola, turbine che mi ha roteato intorno senza poter scuotere né scalfire la mia volontà.

Non è peccato là dove non è consenso alla tentazione, Giuda. È già peccato là dove, anche senza consumare l’atto, si accoglie la tentazione e la si contempla. Sarà peccato veniale, ma è già via al peccato mortale che prepara in voi. Perché accogliere la tentazione e soffermarvi sopra il pensiero, seguire mentalmente le fasi di un peccato, è indebolire se stessi. Satana lo sa, e per questo avventa ripetute vampe, sempre sperando che una penetri e dentro lavori… Dopo… sarebbe facile fare che il tentato si muti in colpevole.

Tu allora non hai capito. Non potevi capire. Ora puoi. Ora sei più immeritevole di allora di capire, eppure ti ripeto quelle parole dette a te, per te, perché tu, non Io, sei quello nel quale la tentazione respinta non si placa… Non si placa perché tu non la respingi totalmente. Non compi l’atto, ma covi il pensiero dello stesso. Oggi così, e domani… Domani cadi nel vero peccato. Per questo ti ho insegnato, allora, di chiedere l’aiuto del Padre contro la tentazione, ti ho insegnato a chiedere al Padre di non indurti in tentazione. Io, il Figlio di Dio, Io, il già vincitore di Satana, ho chiesto aiuto al Padre perché sono umile. Tu no. Tu non hai chiesto a Dio salvezza, preservazione. Tu sei superbo. E per questo sprofondi…

567.24

Ti ricordi tutto questo? E puoi ora capire cosa è per Me, vero Uomo, con tutte le reazioni dell’uomo, e vero Dio, con tutte le reazioni di Dio, cosa è vederti così: lussurioso, mentitore, ladro, traditore, omicida? Sai quale sforzo mi imponi a subirti vicino? Sai quale fatica a dominarmi, come ora, per compiere sino in estremo la mia missione su te? Qualunque altro uomo ti avrebbe preso per la gola, vedendoti ladro intento a scassinare e prendere monete, sapendoti traditore, e più che traditore… Io ti ho parlato. Con pietà ancora. Guarda. Non è estate e dalla finestra entra la brezza fresca della sera. Eppure Io sudo come avessi faticato nel più rude lavoro. Ma non ti rendi conto di ciò che mi costi? Di ciò che sei? Vuoi che ti cacci? No. Mai. Quando uno affoga, è assassino colui che lo lascia andare. Tu sei fra due forze che ti attirano. Io e Satana. Ma se Io ti lascio, avrai lui solo. E come ti salverai? Eppure tu mi lascerai… Tu mi hai già lasciato col tuo spirito… Ebbene, Io trattengo lo stesso presso di Me la crisalide di Giuda. Il tuo corpo privo di volontà di amarmi, il tuo corpo inerte al Bene. Lo trattengo sinché tu non esiga anche questo niente, che è la tua spoglia, per riunirla allo spirito per peccare con tutto te stesso…

567.25

Giuda!… Non mi parli, o Giuda!? Non hai una parola per il tuo Maestro? Non una preghiera da farmi? Non esigo che tu mi dica: “Perdono!”. Ti ho perdonato troppe volte senza risultato. So che quella parola è un suono sulle tue labbra. Non è un moto dello spirito contrito. Io vorrei un moto del tuo cuore. Così morto sei da non avere più un desiderio? Parla! Temi di Me? Oh! se tu temessi! Questo almeno! Ma non mi temi. Se tu mi temessi, Io ti direi le parole che ti ho dette in quel giorno lontano in cui parlavamo di tentazioni e di peccati: “Io ti dico che anche dopo il Delitto dei delitti, se il colpevole di esso corresse ai piedi di Dio con vero pentimento e piangendo lo supplicasse di perdonarlo offrendosi all’espiazione con fiducia, senza disperare, Dio lo perdonerebbe, e attraverso l’espiazione il colpevole salverebbe ancora il suo spirito”. Giuda! Ma se tu non mi temi, Io ti amo ancora. Al mio amore infinito non hai nulla da chiedere in quest’ora?».

«No. O, per lo meno, una cosa sola. Di imporre a Giovanni di non parlare. Come vuoi che io possa riparare se sarò l’obbrobrio fra voi?». Lo dice con alterigia.

E Gesù gli risponde: «E così lo dici? Giovanni non parlerà. Ma tu almeno, questo sono Io che te lo chiedo, agisci in modo che nulla trapeli della tua rovina.

567.26

Raccogli quelle monete e rimettile nella borsa di Giovanna… Vedrò di chiudere il cofano… con il ferro che tu hai usato ad aprirlo…».

E mentre Giuda con mal garbo raccoglie le monete rotolate da ogni parte, Gesù si appoggia come stanco al cofano aperto. La luce scema nella stanza, ma non tanto da non lasciare vedere che Gesù piange senza rumore guardando l’apostolo curvo a raccattare i denari sparsi.

Giuda ha finito. Va al cofano. Prende la grossa, pesante borsa di Giovanna e ci mette le monete, la chiude, dice: «Ecco!». Si scansa.

Gesù allunga la mano a prendere il rudimentale grimaldello fabbricato da Giuda e con mano che trema fa agire lo scatto e chiude il forziere. Poi appoggia il ferro al ginocchio e lo piega a V, finisce col piede di calcarlo rendendolo inservibile e lo raccoglie nascondendoselo in petto. Nel farlo, delle lacrime cadono sul lino della veste.

Giuda ha finalmente un movimento di resipiscenza. Si copre il volto con le mani e ha uno scoppio di pianto dicendo: «Me maledetto! Sono l’obbrobrio della Terra!».

«Sei il disgraziato eterno! E pensare che, se volessi, potresti essere ancor felice!».

«Giurami! Giurami che nessuno saprà nulla… e io ti giuro che mi redimerò», urla Giuda.

«Non dire: “e io mi redimerò”. Tu non puoi. Io solo posso redimerti. Colui che prima parlava dalle tue labbra, da Me solo può essere vinto. Dimmi la parola dell’umiltà: “Signore, salvami!”, ed Io ti libererò dal tuo dominatore. Non capisci che Io l’attendo questa tua parola più del bacio di mia Madre?».

Giuda piange, piange, ma non dice questa parola.

«Va’. Esci di qui. Sali sulla terrazza. Va’ dove vuoi, ma non fare scene clamorose. Va’. Va’. Nessuno ti scoprirà, perché Io veglierò. Da domani terrai i denari. Tutto è inutile ormai».

Giuda esce senza ribattere. Gesù, rimasto solo, si abbandona su un sedile presso la tavola e, con il capo appoggiato sulle braccia conserte sulla tavola, piange angosciosamente.

567.27

Dopo qualche minuto entra piano Giovanni e resta un momento sulla soglia. È pallido come un morto. Poi corre da Gesù e lo abbraccia supplicando: «Non piangere, Maestro! Non piangere! Io ti amo anche per quell’infelice…». Lo rialza, lo bacia, beve il pianto del suo Dio e piange a sua volta.

Gesù lo abbraccia e le due teste bionde, vicine, si scambiano le lacrime e baci. Ma Gesù si domina presto e dice: «Giovanni, per amor mio dimentica tutto questo. Lo voglio».

«Sì, mio Signore. Cercherò di farlo. Ma Tu non soffrire più… Ah! che dolore! E mi ha fatto peccare, mio Signore. Ho mentito. Ho dovuto mentire perché sono tornate le discepole. No. Prima quelli della donna. Ti volevano per benedirti. È nato un maschio felicemente. Ho detto che eri tornato sul monte…

Poi sono venute le donne e ho mentito di nuovo[6] dicendo che Tu eri via e che forse eri dove era nato il figlio… Non ho trovato altro. Ero così sbalordito! Tua Madre ha visto che avevo pianto e mi ha chiesto: “Che hai, Giovanni?”. Era agitata… Pareva sapesse. Ho mentito la terza volta dicendo: “Mi sono commosso per quella donna…”. A tanto può condurre la vicinanza col peccatore! Alla menzogna… Assolvimi, o mio Gesù».

«Sta’ in pace. Cancella ogni ricordo di quest’ora. Nulla. Nulla è stato… Un sogno…».

«Ma è il tuo dolore! Oh! come sei mutato, Maestro! Dimmi questo, questo solo: Giuda si è almeno pentito?».

«E chi può capire Giuda, figlio mio?».

«Nessuno di noi. Ma Tu sì».

Gesù non risponde che con nuove lacrime silenziose sul volto stanco.

«Ah! Non si è pentito!…». Giovanni è esterrefatto.

«Dove è ora? Lo hai visto?».

«Sì. Si è affacciato al terrazzo, ha guardato se c’era qualcuno e, visto me solo, che ero seduto in angoscia sotto al fico, è sceso di corsa ed è uscito dall’usciolo dell’orto. E allora sono venuto io…».

«Hai fatto bene. Rimettiamo a posto, qui, i sedili smossi, e raccogli l’anfora, che non ci siano tracce…».

«Ha colluttato con Te?».

«No, Giovanni. No».

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«Sei troppo turbato, Maestro, per rimanere qui. Tua Madre capirebbe… e ne avrebbe dolore».

«È vero. Usciamo… Darai la chiave alla vicina. Io ti precedo sulle rive del torrente, verso il monte…».

Gesù esce e Giovanni resta a mettere tutto in ordine. Poi esce a sua volta. Dà la chiave ad una donna che ha la casa lì vicino e di corsa si inselva fra i cespugli della riva per non esser visto.

A un cento metri dalla casa è Gesù seduto su un masso. Si volge al suono dei passi dell’apostolo. Il suo viso biancheggia nella luce della sera. Giovanni si siede per terra vicino a Lui e gli posa la testa sul grembo, alzando il volto a guardarlo. Vede che il pianto è ancora sulle guance di Gesù.

«Oh! non soffrire più! Non soffrire più, Maestro! Non posso vederti soffrire!».

«E posso non soffrire di ciò? Il mio più grande dolore! Ricordalo, Giovanni: questo sarà in eterno il mio più grande dolore! Tu ancora non puoi capire tutto… Il mio più grande dolore…». Gesù è accasciato.

Giovanni lo tiene stretto, abbracciandolo alla vita, angosciato di non poterlo consolare.

Gesù alza il capo, apre gli occhi che teneva chiusi per trattenere il pianto, e dice: «Ricorda che siamo in tre a sapere: il colpevole, Io e te. E che nessun altro deve sapere».

«Nessuno lo saprà dalla mia bocca. Ma come ha potuto? Finché prendeva dei denari alla borsa comune… Ma a questo!… Ho creduto di esser folle quando ho visto… Orrore!».

«Ti ho detto di dimenticare…».

«Mi sforzo, Maestro. Ma è troppo orribile…».

«È orribile. Sì. Oh! Giovanni! Giovanni!». E Gesù, abbracciando il Prediletto, gli curva la testa sulla spalla e piange tutto il suo dolore.

Le ombre, che scendono rapide in quel folto, annullano nelle loro tenebre i due abbracciati.


Notes

  1. Coré, Datân et Abiram, dont la rebellion et ses conséquences sont relatées en Nb 16 et rappelées en Lv 10, 1-3 ; Ps 106, 16-18 ; Si 45, 18-20.
  2. je t’ai répondu (au chapitre 80) en te répétant les mots (du chapitre 69). Maria Valorta note sur une copie dactylographiée : voir la première année.
  3. le secret du Roi, comme en Tb 12, 7.
  4. j’ai précisé, en 301.5.
  5. tenté sans chuter, expression que Maria Valorta explique par cette note sur une copie dactylographiée : De même qu’Adam, alors innocent et plein de grâce, a été tenté, Jésus lui aussi, le second Adam, innocent et, comme Homme, plein de grâce, fut tenté, et par le même Tentateur. Mais le second Adam ne succomba pas à la tentation. Que l’on ne dise pas que c’est parce qu’il “ était Dieu ”. Bien que Dieu, donc éternel et impassible, il est mort en croix, et cela parce qu’il était vraiment homme. En tant que vrai homme, il fut donc tenté, mais comme il refusa le péché, il ne pécha pas.

Note

  1. Core, Datan e Abiron, la cui ribellione e le sue conseguenze sono narrate in Numeri 16 e ricordate in: Levitico 10, 1-3; Salmo 106, 16-18; Siracide 45, 18-20.
  2. ti ho risposto (nel capitolo 80) ripetendo le parole (del capitolo 69). La stessa MV annota su una copia dattiloscritta: Vedere nel primo anno.
  3. il segreto del Re, come in: Tobia 12, 7.
  4. ho detto, in 301.6.
  5. tentato senza essere caduto, espressione che MV spiega con la seguente nota su una copia dattiloscritta: Come Adamo innocente e pieno di Grazia fu tentato, anche Gesù, secondo Adamo, Innocente e, come Uomo, pieno di Grazia, fu ugualmente tentato, e dallo stesso Tentatore. Ma il secondo Adamo non cedette alla tentazione. Né si dica che così fu perché “era dio”. Pur essendo dio, quindi eterno ed impassibile, morì in croce! E vi morì perché era vero Uomo. Come vero Uomo fu quindi anche tentato, ma, perché non volle peccare, non peccò.
  6. ho mentito di nuovo, invece di ho tornato a mentire, è correzione nostra, così come, in 604.7, l’espressione e sono tornato a dire invece di ed ho tornato a dire. Tuttavia, per la regola grammaticale dei verbi servili, potrebbero essere giuste anche le due forme originali.