Gli Scritti di Maria Valtorta

582. Le vendredi avant l’entrée à Jérusalem :

582. Vigilia del sabato avanti l’entrata in Gerusalemme.

582.1

« Vous pouvez aller où bon vous semble. Aujourd’hui, je reste ici avec Judas et Jacques. Les femmes disciples doivent arriver » dit Jésus à ses apôtres rassemblés autour de lui sous le portique de la maison. Et il ajoute : « Toutefois, faites en sorte d’être tous revenus avant le coucher du soleil. Et soyez prudents. Cherchez à passer inaperçus pour éviter des représailles contre vous.

– Moi, je reste ici. Que ferais-je à Jérusalem ? déclare Pierre.

– En revanche, moi j’y vais » dit Thomas. « Mon père m’attend certainement. Il veut offrir le vin. C’est une vieille promesse[1], mais tenue comme toujours, car mon père est un homme honnête. Vous verrez quel vin nous aurons au banquet pascal ! Les vignes de mon père, à Rama, sont célèbres dans toute la région.

– Les vins de Lazare sont excellents aussi. Je n’ai pas oublié le banquet des Encénies… rétorque Matthieu, involontairement gourmand.

– Alors, demain, tu te rafraîchiras la mémoire plus que jamais, car je crois savoir que Lazare commande un grand banquet. J’ai vu certains préparatifs… signale Jacques, fils de Zébédée.

– Ah oui ? Est-ce que d’autres viendront ? demande André.

– Non. J’ai posé cette question à Maximin, qui m’a répondu que non.

– Ah ! sinon, j’aurais porté le vêtement neuf que mon épouse m’a envoyé, dit Philippe.

– Moi, je le ferai. Je voulais le mettre pour la Pâque. Mais je le mettrai demain. Nous serons sûrement plus tranquilles ici, demain, que dans quelques jours… » déclare Barthélemy, avant de s’interrompre, l’air pensif.

– Moi, je m’habille à neuf pour l’entrée dans la ville. Et toi, Maître ? demande Jean.

582.2

– Moi aussi. Je porterai le vêtement teint de pourpre[2].

– Tu auras l’air d’un roi ! lance avec admiration le disciple préféré qui l’imagine déjà…

– Ah ! si je n’avais pas été là pour y penser ! Cette pourpre, c’est moi qui l’ai procurée, il y a des années… se vante Judas.

– Vraiment ? Oh ! on l’avait bien oublié… Le Maître est toujours si humble…

– Trop humble : il est temps, désormais, qu’il soit Roi. Assez attendu ! S’il n’est pas un roi sur un trône, qu’au moins, en raison de sa dignité, il porte des vêtements conformes à son rang. Moi, je pense à tout !

– Tu as raison, Judas. Toi, tu es du monde. Nous… nous sommes de pauvres pêcheurs… » disent humblement les apôtres originaires de la région du lac…

Et comme il arrive toujours dans la lumière du monde, dans la lumière fausse, crépusculaire du monde, le bas alliage de métal de Judas paraît être un métal plus noble que l’or grossier, mais pur, sincère, honnête, des cœurs galiléens…

Jésus qui parlait avec Simon le Zélote et les fils d’Alphée, se retourne et regarde Judas, puis ces hommes simples, si humbles et si mortifiés de… ne pas être à la hauteur de Judas… et il hoche la tête en silence.

582.3

Mais, voyant que Judas noue les lacets de ses sandales et ajuste son manteau, comme s’il allait se mettre en route, il lui demande :

« Où vas-tu ?

– En ville.

– J’ai dit que je te retenais avec Jacques…

– Ah ! je croyais que tu parlais de Jude[3], ton frère… Alors… moi… je suis prisonnier… Ah ! Ah ! »

Il a un mauvais rire.

« Béthanie n’a ni chaînes ni barreaux, je crois. Il y a seulement le désir de ton Maître, et je serais heureux d’être son prisonnier, fait remarquer Simon le Zélote.

– Je plaisantais, naturellement… C’est que… je voudrais avoir quelques nouvelles de ma mère. Les pèlerins de Kérioth sont sûrement arrivés et…

– Non. Dans deux jours, nous serons tous à Jérusalem. Maintenant, tu restes ici, ordonne Jésus d’un ton ferme.

Judas n’insiste pas. Il enlève son manteau en disant :

« Et alors qui va en ville ? Il serait bon de connaître l’humeur des gens… ce que font les disciples… Je voulais aussi aller m’en rendre compte auprès des amis… Je l’avais promis à Pierre…

– Peu importe, reste ici. Rien de ce que tu mentionnes n’est vraiment nécessaire.

– Mais si Thomas y va…

582.4

– Maître, moi aussi je voudrais y aller, car je l’ai promis, moi aussi. J’ai des amis chez Hanne et… commence Jean.

– Tu te rendrais là-bas, mon fils ? Et s’ils te prennent ? demande Salomé, qui s’est approchée.

– S’ils me prennent ? Qu’ai-je fait de mal ? Rien. Je ne dois donc pas craindre le Seigneur. Par conséquent, même s’ils me prennent, je n’aurai pas peur.

– Voyez ce lionceau fanfaron ! Tu ne trembleras pas ? Ignores-tu donc à quel point ils nous haïssent ? C’est la mort, sais-tu, s’ils nous prennent ! s’écrie Judas pour l’effrayer.

– Et toi, alors, pourquoi veux-tu y aller ? Aurais-tu l’impunité ? Qu’as-tu fait pour l’obtenir ? Dis-le moi, et je t’imiterai. »

Judas esquisse un geste de peur ou de colère, mais le visage de Jean est si limpide que le traître se rassure. Il comprend qu’il n’y a ni piège ni soupçon dans ces paroles, et il répond :

« Je n’ai rien fait. Mais j’ai quelques bons amis auprès du Proconsul, et donc…

582.5

– Bien ! Celui qui veut venir, qu’il vienne, puisqu’il ne pleut plus. On perd du temps ici, et à sexte peut-être qu’il pleuvra de nouveau. Que celui qui veut venir se dépêche, exhorte Thomas.

– J’y vais, Maître ? demande Jean.

– Oui.

– Et voilà ! C’est toujours la même chose ! Lui, oui ; les autres, oui ; moi, non. Toujours non !

– Je tenterai d’obtenir des nouvelles de ta mère, propose Jean pour le calmer.

– Et moi aussi. Je vous accompagne, Thomas et toi » dit Simon le Zélote avant d’ajouter : « Mon âge servira de frein aux jeunes, Maître. Et je connais bien les pèlerins de Kérioth. Si j’en vois un, j’irai le trouver. Je t’apporterai des nouvelles de ta mère, Judas. Sois bon ! Sois tranquille ! C’est la Pâque, Judas. Tous, nous sentons la paix de cette fête, la joie de cette solennité. Pourquoi veux-tu être, toi seul, toujours si inquiet, si sombre, mécontent, sans paix ? La Pâque, c’est le passage de Dieu… Pour nous autres, Hébreux, la Pâque fête la libération d’un joug pénible. Le Très-Haut nous en a délivrés. Maintenant, comme on ne peut pas réitérer l’événement d’autrefois, elle reste son symbole individuel… La Pâque représente la libération des cœurs, la purification, le baptême, si tu veux, dans le sang de l’agneau pour que les forces ennemies ne fassent plus de mal à celui qui en porte la marque. C’est si beau de commencer l’année nouvelle par cette fête de purification, de libération, d’adoration de Dieu, notre Sauveur… Oh ! excuse-moi, Maître ! J’ai parlé alors que j’aurais dû me taire, car tu es ici pour corriger nos cœurs…

– C’est aussi ce que je pensais, Simon. J’ai maintenant deux maîtres au lieu d’un, et cela me paraît trop ! » lance Judas, irascible.

582.6

Pierre, cette fois, ne peut se contenir, et il décoche :

« Et si tu n’arrêtes pas, tu vas bientôt en avoir un troisième, et ce sera moi. Et je te jure que j’aurai des arguments plus persuasifs que des paroles.

– Tu lèverais la main sur un de tes compagnons ? Après tant d’efforts pour maîtriser le vieux Galiléen, ta vraie nature revient donc à la surface ?

– Elle ne revient pas à la surface : elle a toujours été claire en surface. Je n’essaie pas de feindre, moi. Mais c’est que, pour les ânes sauvages comme toi, il n’y a qu’un argument pour les dompter : les coups. Tu devrais avoir honte d’abuser de sa bonté et de notre patience ! Viens, Simon ! Viens, Jean ! Viens, Thomas ! Adieu, Maître. Je pars moi aussi, car si je reste… non, vive Dieu, c’est que je ne peux plus me retenir. »

Pierre saisit son manteau, qui était posé sur un siège, et l’enfile en toute hâte. Il est si énervé qu’il ne voit pas qu’il met le haut en bas, et Jean doit l’avertir de l’erreur et l’aider à s’habiller comme il faut. Alors Pierre s’éloigne brusquement, en frappant du pied sur le sol pour se défouler de sa colère. On dirait un petit taureau emballé.

Quant aux autres… les autres sont comme des livres ouverts sur lesquels on peut tout lire. Barthélemy lève son visage émacié de vieillard vers le ciel encore orageux, et paraît étudier les vents pour ne pas avoir à étudier les visages : celui, trop attristé, du Christ, et celui, trop perfide, de Judas. Matthieu et Philippe observent Jude, dont les yeux, semblables à ceux de Jésus, brillent de colère, et une même pensée s’empare d’eux : ils le prennent entre eux deux et le poussent dehors, vers l’allée intérieure qui mène à la maison de Simon en lui disant :

« Ta mère avait besoin de nous pour ce travail. Viens toi aussi, Jacques, fils de Zébédée. »

Et ils entraînent aussi le fils de Salomé. André regarde Jacques, fils d’Alphée, et Jacques le regarde : leurs deux visages reflètent la même douleur contenue. Ne sachant que dire, ils se prennent par la main comme deux enfants, et s’éloignent tristement.

Des femmes disciples, il n’y a que Salomé, qui n’ose ni bouger ni parler, mais qui ne sait pas davantage se décider à s’éloigner, comme si elle désirait par sa présence réfréner d’autres paroles de l’apôtre indigne. Heureusement, aucun membre de la famille de Lazare n’est présent. La Vierge Marie est, elle aussi, absente.

582.7

Judas se voit seul avec Jésus et Salomé. Il ne veut pas être avec eux, et il leur tourne le dos pour s’éloigner vers le pavillon des jasmins.

Jésus le regarde partir, il le surveille. Il voit qu’après avoir feint de s’asseoir dans le pavillon, Judas se glisse en douce par une issue arrière et s’enfonce dans les haies de roses, de lauriers et de buis qui séparent le vrai jardin du terrain des aromates, là où se trouvent les ruches. De là, on peut sortir par l’une des portes secondaires, ouvertes dans les murs du vaste jardin. C’est en fait un vrai parc qui, de deux côtés, se termine en hautes haies, doubles comme une avenue, qui aboutissent çà et là à des grilles. Celles-ci permettent d’accéder aux prés, aux champs, aux vergers et aux oliveraies, et aussi à la maison de Simon, qui continuent le jardin dans les domaines, en les tenant à la fois unis et séparés. Sur les deux autres côtés, le parc est entouré de murailles puissantes longeant deux voies : une route principale, sur laquelle débouche la route secondaire qui, coupant Béthanie, continue vers Bethléem.

Jésus se dresse autant qu’il le peut et se déplace quand il le faut, et ses yeux flamboient à la vue de la fuite de Judas.

582.8

Marie Salomé s’en aperçoit et, bien que sa petite taille l’empêche de voir, elle devine ce qui est en train de se passer au bout du parc, et elle murmure :

« Aie pitié de nous, Seigneur ! »

Jésus entend ce soupir et se retourne un instant pour regarder cette bonne et simple disciple. Certes, elle a pu avoir une pensée d’orgueil maternel, quand elle a demandé des places d’honneur pour ses fils, mais au moins, elle pouvait le faire, car ce sont de bons apôtres ; elle a accueilli avec humilité la réprimande du Maître, sans en être offensée. Au lieu de s’éloigner de lui, elle s’est rendue plus humble, plus empressée auprès du Maître qu’elle suit comme son ombre quand c’est possible, et dont elle étudie les moindres expressions afin de pouvoir prévenir ses désirs et lui faire plaisir. Cette fois encore, la bonne et humble Salomé cherche à consoler le Maître, à apaiser le soupçon qui le fait souffrir :

« Tu vois ? Il ne va pas loin. Il a jeté là son manteau et ne l’a pas repris. Il va marcher dans les prés, donner libre cours à sa mauvaise humeur… Jamais Judas ne se rendrait en ville sans être en grande tenue…

– Il irait même nu s’il voulait y aller. Et en effet… Regarde ! Viens ici !

– Oh ! il essaie d’ouvrir la grille ! Mais elle est fermée ! Il appelle un serviteur du rucher ! »

Jésus crie à haute voix :

« Judas ! Attends-moi ! Je dois te parler. »

Il est sur le point de s’éloigner, quand Salomé reprend.

« Je t’en prie, Seigneur, je vais appeler Lazare… ta Mère… N’y va pas tout seul ! »

Jésus, tout en marchant rapidement, se retourne un peu et dit :

« Je t’ordonne de ne pas le faire. Tais-toi, au contraire. Avec tout le monde. Si on me demande, je suis sorti marcher un peu avec Judas. Si les femmes disciples viennent, qu’elles attendent, je ne tarderai pas. »

Salomé ne bouge pas, tout comme Judas. L’une près de la maison, l’autre près de l’enceinte, ils restent là où la volonté de Jésus les a arrêtés et le regardent : l’une le voit s’éloigner, l’autre venir.

582.9

« Ouvre la porte, Jonas. Je sors un moment avec mon disciple, et si tu restes ici, il n’est pas nécessaire que tu la refermes derrière nous. Je serai bientôt de retour » dit-il avec bonté au serviteur paysan, qui était resté avec la grosse clé dans les mains, interdit.

La petite porte, une lourde porte de fer, grince autant que la clé pour faire jouer la serrure.

« C’est une porte qu’on ouvre rarement » dit le serviteur en souriant. « Hé ! tu t’es rouillée ! Quand on reste oisif, on se gâte… La rouille, la poussière… les gamins… C’est comme pour nous, quand nous ne nous occupons pas de notre âme !

– Bravo, Jonas ! Tu as eu une sage pensée. Beaucoup de rabbis te l’envieraient.

– Ce sont mes abeilles qui me les suggèrent… et tes paroles. Vraiment, ce sont tes paroles. Mais ensuite, les abeilles m’aident à mieux les interpréter. Car rien n’est sans voix, quand on sait comprendre. Et je me dis : si les abeilles obéissent à l’ordre de leur Créateur — or ce sont des insectes dont je ne puis savoir où elles ont le cerveau et le cœur —, moi, qui ai cœur, cerveau et âme, et qui entends le Maître, ne dois-je pas savoir faire ce qu’elles font, et travailler sans cesse pour agir conformément à ce que le Maître nous enseigne ? Car c’est ainsi que je pourrai rendre mon esprit beau, clair, sans la rouille, la boue, ou la paille placées dans le mécanisme par les esprits infernaux, sans aussi les pierres et autres pièges ?

– Tu parles vraiment bien. Imite tes abeilles : ton âme deviendra un riche rucher, rempli de vertus précieuses, et Dieu viendra s’y complaire. Adieu, Jonas. Que la paix soit avec toi. »

Il pose la main sur la tête grisonnante du serviteur, qui se tient penché devant lui, et sort sur la route pour marcher en direction des prés de trèfle rouge, beaux comme d’épais tapis verts et cramoisis. Les abeilles y volent de fleur en fleur comme autant d’étincelles bourdonnantes.

582.10

Quand ils sont assez loin de l’enceinte pour que personne ne puisse rien entendre du jardin de Lazare, Jésus dit :

« Tu as entendu ce serviteur ? C’est un paysan. C’est déjà beaucoup s’il peut lire quelques mots… Et pourtant… Ses paroles auraient pu être sur mes lèvres sans que mon enseignement de Maître paraisse mince. Il sent qu’il faut veiller pour que les ennemis de l’esprit ne nuisent pas à l’âme… Or… c’est précisément pour cette raison que je te garde auprès de moi, et tu me hais à cause de cela ! Je veux te défendre d’eux et de toi-même, et tu me hais. Je te fournis le moyen de te sauver — cela t’est encore possible —, et tu me hais. Je te le dis encore une fois : éloigne-toi, Judas, va au loin. N’entre pas à Jérusalem. Tu es malade. Ce n’est pas un mensonge de dire que tu es si malade que tu ne peux participer à la Pâque. Or il est permis par la Loi de fêter la Pâque supplémentaire quand la maladie ou quelque autre raison grave empêche de célébrer la Pâque solennelle. Profite de cette possibilité. Je prierai Lazare — c’est un ami prudent, et il ne te posera aucune question — de te conduire aujourd’hui même au-delà du Jourdain.

– Non. Je t’ai demandé de nombreuses fois de me chasser. Tu n’as pas voulu. Maintenant, c’est moi qui ne veux pas.

– Tu ne veux pas ? Tu ne veux pas te sauver ? Tu n’as pas pitié de toi-même ? Pas pitié de ta mère ?

– Tu devrais me dire: “ Tu n’as pas pitié de moi ? ” Tu serais plus sincère.

– Judas, mon malheureux ami, ce n’est pas pour moi que je t’en prie ! C’est pour toi, pour toi !

582.11

Regarde : nous sommes seuls, toi et moi. Tu sais qui je suis, je sais qui tu es. C’est le dernier moment de grâce qui nous est encore accordé pour empêcher ta perte… Oh ! ne ricane pas ainsi sataniquement, mon ami. Ne te moque pas de moi comme si j’étais fou parce que je parle de “ ta perte ” et non de la mienne. La mienne n’est pas une perte. La tienne, si… Nous sommes seuls : toi et moi, et au-dessus de nous, il y a Dieu… Dieu ne te maudit pas encore, Dieu assiste à cette lutte suprême entre le Bien et le Mal qui se disputent ton âme. Au-dessus de nous, il y a le Ciel qui nous observe, ce Ciel qui bientôt se remplira de saints. Déjà ils tressaillent, là où ils attendent, parce qu’ils sentent venir la joie… Judas, parmi eux, il y a ton père…

– C’était un pécheur. Il n’y est pas.

– C’était un pécheur, mais pas un damné. La joie s’approche donc pour lui aussi. Pourquoi veux-tu mêler sa joie de douleur ?

– Il ne connaît plus la douleur. Il est mort.

– Non. Il souffre de te voir coupable, toi… oh ! ne m’arrache pas ce mot !…

– Mais si ! Mais si ! Prononce-le donc ! Je me le répète depuis des mois ! Je suis damné, je le sais. On ne peut plus rien y changer.

– Tout est possible, au contraire ! Judas, je pleure. Veux-tu être la cause des dernières larmes de l’Homme ?… Judas, je t’en prie ! Réfléchis, mon ami : le Ciel acquiesce à ma prière, et toi, et toi… Me laisseras-tu prier en vain ? Pense à celui qui est devant toi, en prière : c’est le Messie d’Israël, le Fils du Père… Judas, écoute-moi !… Arrête-toi, tant que tu le peux ! …

– Non ! »

582.12

Jésus se couvre le visage de ses mains et se laisse tomber au bord du pré. Il pleure sans bruit, mais il pleure longuement. Je vois que ses épaules ont des soubresauts.

Judas le regarde, là, à ses pieds, brisé, en larmes, tout cela provoqué par désir de le sauver… et il a un moment de pitié. Il dit, en abandonnant le ton dur, de vrai démon, qu’il prenait :

« Je ne peux pas partir… J’ai donné ma parole… »

Jésus lève un visage bouleversé pour l’interrompre :

« A qui ? A qui ? A de pauvres hommes ! Et tu te soucies d’eux, tu crains de leur paraître déshonoré ? Mais ne t’étais-tu pas donné toi-même à moi depuis trois ans ? Et tu penses aux commentaires d’une poignée de malfaiteurs et non au jugement de Dieu ? Oh ! mais que dois-je faire, Père, pour ressusciter en lui la volonté de ne pas pécher ? »

Il baisse de nouveau la tête, découragé, déchiré… Il ressemble déjà au Jésus souffrant de l’agonie de Gethsémani.

Par pitié, Judas lui dit :

« Je reste. Ne souffre pas ainsi ! Je reste… Aide-moi à rester ! Défends-moi !

– Je le ferai toujours, pourvu que tu le veuilles. Viens. Il n’est pas de faute à laquelle je ne compatisse et que je ne pardonne. Dis : “ Je le veux ! ” Et je t’aurai racheté… »

Se relevant, il le prend dans les bras. Mais si les larmes de Jésus-Dieu tombent dans les cheveux de Judas, la bouche de Judas reste fermée. Il ne pronconce pas la parole demandée. Il ne demande même pas “ pardon ” quand Jésus murmure dans ses cheveux :

« Vois comme je t’aime ! J’aurais dû te faire des reproches, or je t’embrasse ! J’aurais le droit de te dire : “ Demande pardon à ton Dieu ”, or j’attends seulement de toi le désir de pardon. Tu es si malade ! On ne peut exiger beaucoup d’un grand malade. A tous les pécheurs qui sont venus me trouver, j’ai demandé le repentir absolu pour pouvoir leur pardonner. Mais toi, mon ami, il me suffit que tu aies le simple désir de te repentir, et puis… c’est moi qui agirai. »

Judas garde le silence…

Jésus le laisse aller. Il propose :

« Reste au moins ici jusqu’au lendemain du sabbat.

– Je vais rester… Rentrons à la maison. On va remarquer notre absence. Peut-être les femmes t’attendent-elles. Elles sont meilleures que moi, et tu ne dois pas les négliger à cause de moi.

– Tu ne te rappelles pas la parabole[4] de la brebis perdue ? C’est toi qu’elle concerne. Les femmes disciples sont les bonnes brebis enfermées au bercail. Elles ne sont pas en danger, même si je pars à la recherche de ton âme toute la journée pour la ramener à la bergerie…

– Mais oui ! Mais oui ! Voilà ! Je reviens au bercail ! Et je vais m’enfermer dans la bibliothèque de Lazare, pour lire. Je ne veux pas qu’on me dérange. Je ne veux rien voir, rien savoir. Ainsi… tu ne me soupçonneras pas toujours. Et si le Sanhédrin venait à apprendre la moindre information, tu devras chercher les vipères parmi tes préférés. Adieu ! Je rentre par la grille principale. Ne crains rien. Je ne m’enfuis pas. Tu peux venir le vérifier quand tu veux. »

Et, tournant le dos, il s’en va à grands pas.

582.13

Jésus, dont la grande stature blanche en vêtement de lin contraste sur le pré vert et rouge, hausse les bras, tourne un visage attristé vers le ciel serein, et élève son âme vers son Père, en gémissant :

« Oh ! mon Père ! Pourras-tu m’accuser de ne pas avoir tout fait pour le sauver ? Tu sais que c’est pour son âme, et non pour ma vie, que je lutte pour empêcher son crime… Père ! mon Père ! Je t’en supplie ! Hâte l’heure des ténèbres, l’heure du sacrifice, car il m’est trop atroce de vivre auprès de cet ami qui ne veut pas être racheté… C’est ma plus grande douleur ! »

A ces mots, il s’assied dans le trèfle dru, déjà haut, très beau. Il incline la tête sur ses genoux relevés et enserrés de ses bras, et il pleure…

Ah ! je ne supporte pas la vue de ces larmes ! Elles rappellent déjà trop celles de Gethsémani par ce qu’elles manifestent de désolation, de solitude, de conviction que le Ciel ne fera rien pour le consoler, et qu’il lui faudra subir cette douleur. Et cela me fait trop mal…

Jésus pleure longuement. L’endroit est tellement solitaire, silencieux, que les seuls témoins sont les abeilles d’or, le trèfle odorant qui ondule lentement sous le souffle du vent d’orage, et les nuages qui, au début de la matinée, formaient comme un léger filet sur le ciel bleu et qui maintenant se sont épaissis, obscurcis, amoncelés, annonçant qu’il va pleuvoir de nouveau.

582.14

Jésus arrête de pleurer. Il lève la tête pour écouter… Un bruit de roues et de grelots arrive de la route principale, puis le bruit des roues cesse, mais pas celui des grelots. Jésus dit :

« Allons ! Les femmes disciples… Elles sont fidèles… Mon Père, qu’il soit fait selon ta volonté ! Je t’offre le sacrifice de ce désir de Sauveur et d’Ami. C’est écrit ! Judas l’aura voulu. C’est vrai. Laisse-moi pourtant continuer mon travail pour lui jusqu’à ce que tout soit fini. Et je te dis dès maintenant : Père, quand je prierai pour les pécheurs, en victime désormais impuissante d’accomplir toute action directe, prends ma souffrance et ma force pour l’âme de Judas. Je sais que je te fais une demande que la justice ne peut accorder. Mais c’est de toi que sont venus la miséricorde et l’amour, et tu les aimes, eux qui viennent de toi et qui ne font qu’un avec toi, Dieu un et trine, saint et béni. Je me donnerai moi-même à mes bien-aimés en nourriture et en boisson. Père, mon sang et ma chair devraient-ils être condamnation pour l’un d’eux ? Père, aide-moi ! Qu’un germe de repentir naisse dans ce cœur ! Père, pourquoi t’éloignes-tu ? Tu t’éloignes déjà de ton Verbe qui prie ? L’heure est venue, je le sais. Que soit faite ta volonté bénie ! Mais laisse à ton Fils, à ton Christ, en qui par un impénétrable décret la vision assurée de l’avenir diminue dès maintenant — et je ne te dis pas que de ta part c’est cruauté, mais pitié pour moi — laisse-moi l’espoir de le sauver encore. Oh ! mon Père. Je le sais, je l’ai su depuis que j’existe. Je l’ai su depuis que je suis venu ici sur la terre, non seulement Verbe, mais homme aussi. Je l’ai su depuis que j’ai rencontré Judas au Temple… Je l’ai toujours su… Mais maintenant… Ô Père très saint, montre ta grande pitié ! J’ai l’impression d’assister à un horrible rêve suscité par son comportement, mais qui n’est pas inéluctable… Je pense pouvoir encore espérer, toujours espérer, car infinie est ma souffrance, et infini sera le sacrifice, je pense pouvoir agir de quelque manière en sa faveur… Ah ! je délire ! C’est l’homme qui veut avoir cet espoir ! Le Dieu qui est en l’homme, le Dieu fait homme, ne peut se faire d’illusions ! Voilà que se dissipent les nuées légères qui m’ont caché un instant l’abîme, l’abîme déjà ouvert pour s’emparer de celui qui a préféré les ténèbres à la lumière… Pitié quand tu me le caches ! Pitié quand tu me le montres, maintenant que tu m’as réconforté. Oui, Père, même cela ! Tout ! Et je serai miséricorde jusqu’à la fin, car telle est mon essence. »

Il prie encore en silence, les bras en croix, et son visage tourmenté s’apaise de plus en plus en prenant un aspect de paix auguste. Il devient presque lumineux, d’une lumière de joie intérieure, bien qu’aucun sourire ne se forme sur ses lèvres serrées. C’est la joie de son esprit, en communion avec le Père, qui transparaît en dépit des voiles de la chair et efface les marques creusées par la douleur sur le visage amaigri et spiritualisé, qui est venu de plus en plus au Maître à mesure que celui-ci a été pris par la souffrance et qu’il s’est approché du sacrifice. Les traits du Christ dans les derniers temps de sa vie mortelle ne sont plus ceux d’un visage de la terre, et aucun artiste ne serait capable de reproduire, même si le Rédempteur se montrait à lui, ce visage d’Homme-Dieu sculpté avec une beauté surnaturelle par le ciseau de la souffrance et de l’amour parfaits.

582.15

Jésus se trouve de nouveau à la grille du mur d’enceinte ; il entre, la ferme avec le verrou et se dirige vers la maison. Le serviteur de tout à l’heure le voit et court reprendre la grosse clé que Jésus a dans les mains.

Peu après, il rencontre Lazare :

« Maître, les femmes sont arrivées. Je les ai fait entrer dans la salle blanche, car la bibliothèque est occupée par Judas, qui lit et qui est souffrant.

– Je sais. Merci pour les femmes. Sont-elles nombreuses ?

– Jeanne, Nikê, Elise et Valéria, ainsi que Plautina et une autre amie ou affranchie, je ne sais, nommée Marcelle. Il y a une vieille femme qui dit te connaître : Anne de Mérom, et encore Annalia, avec une autre jeune fille prénommée Sarah. Ta Mère et mes sœurs sont avec les femmes disciples.

– Et ces voix d’enfants ?

– Anne a amené ses petits-enfants, Jeanne ses enfants, Valéria sa fille. Je les ai conduits dans la cour intérieure… »

582.1

«Potete andare, se credete, dove desiderate. Io oggi resto qui con Giuda e Giacomo. Devono venire le discepole», dice Gesù ai suoi apostoli, radunati intorno a Lui sotto il portico della casa. E aggiunge: «Fate però di essere qui tutti avanti il tramonto. E siate prudenti. Cercate di passare inosservati per evitare rappresaglie su voi».

«Oh! io resto proprio. Che devo fare a Gerusalemme?», dice Pietro.

«Io invece andrò. Mio padre certo mi attende. Vuole offrire il vino. Vecchia promessa[1], ma mantenuta come sempre, perché un onesto è mio padre. Sentirete che vino al banchetto pasquale! I vigneti di mio padre a Rama! Celebri nella zona», dice Tom­maso[2].

«Anche questi di Lazzaro sono ottimi vini. Mi è rimasto impresso il banchetto delle Encenie…», dice, involontariamente goloso, Matteo.

«E allora domani più che mai ti si rinfrescherà il ricordo, perché credo che domani Lazzaro ordini una gran cena. Ho visto certi preparativi…», dice Giacomo di Zebedeo.

«Sì? Verranno anche altri?», chiede Andrea.

«No. Ne ho chiesto a Massimino. Mi ha risposto che no».

«Ah! Altrimenti mi mettevo la veste nuova che mia moglie mi ha mandato», dice Filippo.

«Io lo farò. Volevo metterla per la Pasqua. Ma la metterò domani. Certo saremo più tranquilli qui, domani, che non fra qualche giorno…», dice Bartolomeo e si interrompe pensando.

582.2

«Io mi orno a nuovo per l’entrata in città. E Tu, Maestro?», chiede Giovanni.

«Io pure. Metterò la veste tinta di porpora[3]».

«Sembrerai un re!», dice ammirato il Prediletto che lo vede già, col pensiero, nella veste splendida…

«Ma se non fossi stato io a pensarci! Quella porpora io l’ho procurata, da anni…», si vanta l’Iscariota.

«Davvero? Oh! non si era pensato… Sempre così umile il Maestro…».

«Troppo. Ora è il momento che sia re. Bastano le attese! Se non sarà re di troni, almeno che per la sua dignità abbia vesti conformi al suo grado. Io penso a tutto».

«Hai ragione, Giuda. Tu sai del mondo. Noi… poveri pescatori siamo…», dicono umilmente quei del lago… E, come sempre avviene nella luce del mondo — nella falsa, crepuscolare luce del mondo — la lega bassa del metallo di Giuda sembra metallo più nobile del grezzo ma puro, sincero, onesto oro dei cuori galilei…

Gesù, che parlava con lo Zelote e coi figli di Alfeo, si volta e guarda l’Iscariota e guarda quegli onesti, così umili e mortificati di essere così… deficienti rispetto a Giuda… e crolla il capo senza parlare.

582.3

Ma vedendo che l’Iscariota si stringe i lacci dei sandali e si aggiusta il mantello come se fosse per mettersi in cammino, gli dice: «Dove vai?».

«In città».

«Io ho detto che ti trattengo con Giacomo…».

«Ah! io credevo che dicessi di Giuda tuo fratello… Allora… io… sono come un prigioniero… Ah! Ah!», ride male.

«Betania non ha catene né sbarre, io credo. Solo ha il desiderio del tuo Maestro. E io sarei lieto di esser prigioniero di quello», osserva lo Zelote.

«Oh! certo! Scherzavo… È che… vorrei avere notizie di mia madre. Certo a Gerusalemme sono giunti pellegrini da Keriot e…».

«No. Fra due giorni saremo tutti a Gerusalemme. Ora tu resti qui», dice autoritario Gesù.

Giuda non insiste. Si leva il mantello dicendo: «E allora? Chi va in città? Sarebbe bene anche sapere gli umori… Ciò che fanno i discepoli… Volevo anche andare a sentire presso amici… Lo avevo promesso a Pietro…».

«Non importa. Tu resti. Non è necessario nulla di quanto dici. Non è strettamente necessario…».

«Ma se ci va Toma…».

582.4

«Maestro, io pure vorrei andare. Perché l’ho promesso io pure. Ho amici in casa di Anna e…», dice Giovanni.

«E andresti là, figlio mio? E se ti prendono?», chiede Salome che si è avvicinata.

«Se mi prendono? Che ho fatto di male? Nulla. Non devo dunque temere il Signore. Perciò, anche se mi prendono, non tremerò».

«Oh! il leoncello spavaldo! Non tremerai? Ma non sai come ci odiano? È la morte, sai, se ci prendono», spaventa l’Iscariota.

«E tu, allora, perché ci vuoi andare? Hai forse l’impunità tu? Che hai fatto per averla? Dimmelo, e io lo farò».

Giuda ha un moto di spavento e di ira, ma è così limpido il volto di Giovanni che il traditore si rassicura. Capisce che non è un’insidia né un sospetto in quelle parole, e dice: «Nulla ho fatto. Ma ho alcuni amici buoni presso il Proconsole e per­ciò…».

582.5

«Bene! Chi vuol venire venga, giacché non piove più. Qui si perde del tempo e forse a sesta tornerà la pioggia. Chi vuol venire si spicci», esorta Tommaso.

«Vado, Maestro?», chiede Giovanni.

«Va’».

«Ecco! Sempre così! Lui sì, gli altri sì. Io no. Sempre no!».

«Cercherò io di sapere di tua madre», dice Giovanni per calmarlo.

«E anche io. Vengo con te e Toma», dice lo Zelote e aggiunge: «La mia età frenerà i giovani, Maestro. E conosco bene quei di Keriot. Se ne vedo alcuno, vado a lui. Ti porterò notizie di tua madre, Giuda. Sii buono! Sii quieto! È Pasqua, Giuda. Tutti sentiamo la pace di questa festa, la gioia di questa solennità. Perché vuoi essere tu solo sempre così inquieto, così cupo, malcontento, senza pace? Pasqua è passaggio di Dio… Pasqua è festa di liberazione, per noi ebrei, da un duro giogo. Ce ne ha tratti Dio altissimo. Ora, non potendo ripetere l’avvenimento antico, resta il simbolo di esso, individuale… Pasqua: liberazione dei cuori, purificazione, battesimo, se vuoi, col sangue dell’agnello, perché le forze nemiche non facciano più male a chi è segnato di esso. Così bello iniziare l’anno novello con questa festa di purificazione, di liberazione, di adorazione a Dio Salvator nostro… Oh! scusa, Maestro! Ho parlato quando avrei dovuto tacere, perché ci sei Tu per correggere i nostri cuori…».

«Quello che pensavo anche io, Simone. Proprio la stessa cosa: che ora ho due maestri in luogo di uno, e mi parevano troppi», dice iroso l’Iscariota.

582.6

Pietro… oh! Pietro questa volta non si può frenare e scatta: «E che se non smetti presto ne hai un terzo, e sarò io. E ti giuro che avrò argomenti più persuasivi delle parole».

«Alzeresti la mano su un compagno? Dopo tanto sforzo, per tenere nel fondo il vecchio galileo, la tua vera natura riaffiora, dunque?».

«Non riaffiora. È sempre stata, chiara, alla superficie. Non uso finzioni io. Ma è che, per gli asini selvatici, quale tu sei, non c’è che un argomento per domarli: le nerbate. Vergognati di abusare della sua bontà e della nostra pazienza! Vieni, Simone! Vieni, Giovanni! Vieni, Toma. Addio, Maestro. Vado via anche io, perché se resto… no, viva Dio, che non mi freno più», e Pietro afferra il suo mantello, che era lì su un sedile, e se lo mette in fretta e furia, così inquieto che non vede di metterlo con l’alto in basso, e deve Giovanni avvertirlo dell’errore e aiutarlo a vestirsi a dovere, e va via, a precipizio, battendo forte il piede sul suolo per scaricare un poco della sua ira così. Pare un torello imbizzarrito.

Gli altri… oh! gli altri sono come libri aperti sui quali si può leggere ciò che è scritto. Bartolomeo alza il volto affilato di vecchio verso il cielo burrascoso ancora e sembra studiare i venti per non avere a studiare i volti: troppo addolorato quello di Cristo, troppo perfido quello dell’Iscariota. Matteo e Filippo guardano il Taddeo, il quale ha fosforescenze d’ira negli occhi così simili a quelli di Gesù, e uno stesso pensiero li prende: se lo mettono in mezzo e lo spingono via, verso il viale interno che conduce alla casa di Simone, dicendo: «Tua madre ci voleva, per quel lavoro. Vieni anche tu, Giacomo di Zebedeo», e trascinano via anche il figlio di Salome. Andrea guarda Giacomo d’Alfeo e Giacomo guarda lui — due visi che riflettono la stessa contenuta sofferenza — e che, non sapendo che dire, si prendono per mano come due bambini allontanandosi tristemente.

Delle discepole non c’è che Salome, che non osa muoversi né parlare, ma che anche non sa decidersi ad allontanarsi, quasi voglia con la sua presenza frenare altre parole dell’apostolo indegno. Fortunatamente non è presente nessuno della famiglia di Lazzaro. E assente è anche Maria Ss.

582.7

Giuda si vede solo con Gesù e con Salome. Non vuole essere con loro e volta loro le spalle, allontanandosi verso il chiosco di gelsomini.

Gesù lo guarda andare. Lo sorveglia. Vede che, dopo aver finto di sedersi in quello, Giuda scivola via quatto dalla parte posteriore e si inselva fra le siepi di rose, lauri e bossi, che separano il vero giardino dalle aiuole degli aromi, là dove sono gli alveari. Di là si può uscire da una delle porte secondarie, aperte nei muri del vasto giardino, un vero parco che da due lati termina in siepi altissime, doppie come un viale — aperte su cancelli qua e là per dare adito ai prati, campi, frutteti e uliveti, nonché alla casa di Simone, che continuano il giardino nei poderi, tenendoli uniti e separati insieme — e da altri due ha muraglioni potenti, aperti su due vie, una secondaria e una maestra, nella quale via maestra sbocca la secondaria, che tagliando Betania prosegue verso Betlemme. Gli occhi di Gesù, che si erige quanto può e si sposta quanto necessita per vedere ciò che fa l’Iscariota, fiammeggiano.

582.8

Maria Salome li vede e intuisce, benché per la sua statura poco alta non possa vedere, intuisce ciò che accade verso il limite del parco, e mormora: «Misericordia di noi, Signore!».

Gesù sente quel sospiro e si volta per un attimo a guardarla questa buona, semplice discepola, che può avere avuto un pensiero di superbia materna chiedendo il posto d’onore per i suoi figli, ma che almeno lo poteva fare perché essi sono buoni apostoli, e che si è presa umilmente la correzione del Maestro e non se ne è offesa, non si è allontanata da Lui, ma anzi si è fatta più umile, più servizievole presso il Maestro che segue come un’ombra, sol che lo possa fare, che studia nelle più piccole espressioni per potere, se può, prevenire i suoi desideri e dargli gioia. E anche ora cerca, la buona e umile Salome, di consolare il Maestro, di placare il sospetto che lo fa soffrire, dicendo: «Vedi? Non va lontano. Ha gettato là il suo mantello e non lo ha ripreso. Andrà per i prati a sfogare il suo umore… Mai andrebbe Giuda in città senza essere in ordine perfetto…».

«Vi andrebbe anche nudo se volesse andarvi. E infatti… Guarda! Vieni qui!».

«Oh!! Cerca di aprire il cancello! Ma è chiuso! Chiama un servo degli alveari!».

Gesù grida forte: «Giuda! Attendimi! Ti devo parlare», e fa per avviarsi.

«Per carità, Signore!! Io vado a chiamare Lazzaro,… tua Madre… Non andar solo!».

Gesù, pur camminando velocemente, si volge un poco e dice: «Ti ordino di non farlo. Taci, anzi. Con tutti. Se chiedono di Me, sono uscito con Giuda per un breve cammino. Se vengono le discepole, che attendano. Verrò presto».

Salome non reagisce, come non reagisce l’Iscariota. L’una presso la casa, l’altro presso la cinta, restano là dove il volere di Gesù li ha fermati e lo guardano: l’una andare, l’altro venire.

582.9

«Apri la porta, Giona. Esco un poco col mio discepolo. E se resti in questo luogo, non occorre che tu la rinchiuda dietro di noi. Sarò presto di ritorno», dice con bontà al servo agricoltore, che era rimasto interdetto con la grossa chiave in mano.

La portella, di ferro pesante, cigola nell’aprirsi, così come stride la chiave per far giuocare il congegno.

«Porta che si apre di rado», dice il servo sorridendo. «Eh! ti sei arruginita! Quando si sta in ozio ci si guasta… La ruggine, la polvere,… i monelli… È come per noi… Se non si lavora sempre intorno alla nostra anima!».

«Bravo Giona! Tu hai avuto un pensiero sapiente. Molti rab­bi te lo invidierebbero».

«Oh! sono le mie api che me li suggeriscono… e le tue parole. Veramente sono le tue parole. Ma poi anche le api me le fanno capire. Perché niente è senza voce, se si sa intendere. E io dico: se esse, api, ubbidiscono all’ordine di chi le ha create e sono bestioline che non so dove possano avere cervello e cuore, io, che ho cuore, cervello e spirito, e che sento il Maestro, non devo saper fare ciò che fanno esse, e lavorare sempre, sempre per fare ciò che il Maestro dice di fare, e fare così bello il mio spirito, lucido, senza ruggine, polvere, fango e senza paglie, messi nei congegni dai nemici infernali, e sassi e altre insi­die?».

«Dici proprio bene. Imita le tue api, e la tua anima diverrà un ricco alveare pieno di preziose virtù, e Dio verrà a godersi in esso. Addio, Giona. La pace sia con te».

Posa la mano sulla testa brizzolata del servo, che gli sta curvo davanti, ed esce sulla via andando verso dei prati di trifoglio rosso, belli come tappeti folti e alti, verde e cremisi. Su essi le api mettono scintille e ronzii, volando da fiore a fiore.

582.10

Quando sono lontani dalla cinta tanto che nessuno, che fosse nel giardino di Lazzaro, possa sentire parola, Gesù dice: «Hai sentito quel servo? È un contadino. Molto è se sa leggere qualche parola… Eppure… Le sue parole avrebbero potuto stare sulle mie labbra senza che il mio dire di Maestro paresse stolto. Egli sente che bisogna vegliare perché i nemici dello spirito non guastino lo spirito… Io… Per questi ti trattengo presso di Me, e tu mi odi per questo! Io ti voglio difendere da essi e da te stesso, e tu mi odi. Io ti porgo il mezzo di salvarti, lo puoi ancora fare, e tu mi odi. Te lo dico ancora una volta: va’ via, Giuda. Va’ lontano. Non entrare in Gerusalemme. Sei malato. Non è bugia dire che tu sei tanto malato che non puoi partecipare alla Pasqua. Farai quella supplementare. È concesso dalla Legge fare la Pasqua supplementare quando malattia o altra grave ragione impediscono di fare la Pasqua solenne. Pregherò Lazzaro — è un amico prudente e nulla chiederà — di condurti oggi stesso oltre il Giordano».

«No. Ti ho detto molte volte di cacciarmi. Non hai voluto. Adesso sono io che non voglio».

«Non vuoi? Non vuoi salvarti? Non hai pietà di te stesso? Non di tua madre?».

«Dovresti dirmi: “Non hai pietà di Me”. Saresti più sincero».

«Giuda, infelice amico mio, per Me Io non ti prego. Per te, per te ti prego.

582.11

Guarda! Siamo soli. Io e te soli. Tu sai chi Io sono, Io so chi tu sei. È l’ultimo momento di grazia che ancora ci è concesso per impedire la tua rovina… Oh! non ghignare così satanicamente, amico mio. Non deridermi come fossi pazzo perché Io dico: “la tua rovina” e non la mia. La mia non è rovina. La tua sì… Siamo soli, Io e te, e sopra noi è Dio… Dio che non ti odia ancora, Dio che assiste a questa lotta suprema fra il Bene e il Male che si contendono la tua anima. Sopra noi è l’Empireo che ci osserva. Quell’Empireo che presto si empirà di santi. Già essi trasalgono là, nel loro luogo d’attesa, perché sentono venire la gioia… Giuda, fra essi è tuo padre…».

«Era un peccatore. Non vi è».

«Era un peccatore, ma non un dannato. Perciò la gioia si approssima anche per lui. Perché vuoi dargli un dolore nella sua gioia?».

«È fuori dal dolore. È morto».

«No. Non è fuori dal dolore di vedere te colpevole, te… oh! non mi strappare quella parola!…».

«Ma sì! Ma sì! Dilla! Io me la dico da mesi! Io dannato. Lo so. Nulla più si può mutare».

«Tutto! Giuda, Io piango. Le estreme lacrime dell’Uomo le vuoi dunque fare gemere tu?… Giuda, Io te ne prego. Pensa, amico: al mio pregare annuisce il Cielo, e tu, e tu… Mi lascerai pregare invano? Pensa chi ti è davanti, pregante: il Messia d’Israele, il Figlio del Padre… Giuda, ascoltami!… Fermati, sinché lo puoi!…».

«No!».

582.12

Gesù si copre il volto con le mani e si lascia cadere ai limiti del prato. Piange senza clamore. Ma piange molto. Le sue spalle sussultano nei singhiozzi profondi…

Giuda lo guarda, là, ai suoi piedi, spezzato, piangente, e per il desiderio di salvarlo… e ha un momento di pietà. Dice, deponendo il tono duro, da vero demonio, che aveva prima: «Non posso andare… Ho dato la mia parola…».

Gesù alza il viso straziato, interrompendolo: «A chi? A chi? A dei poveri uomini! E di essi, di apparire senza onore ad essi, ti preoccupi? E a Me non avevi dato te stesso da tre anni? E pensi ai commenti di un pugno di malfattori e non al giudizio di Dio? Oh! Ma che devo fare, o Padre, per risuscitare in lui la volontà di non peccare?». Riabbassa il capo sconfortato, straziato… Sembra già il penante Gesù dell’agonia del Getsemani.

Giuda ne ha pietà e dice: «Resto. Non soffrire così! Resto… Aiutami a rimanere! Difendimi!».

«Sempre! Sempre, sol che tu voglia. Vieni. Non c’è colpa che Io non compatisca e non perdoni. Di’: “Voglio”. E Io ti avrò redento…». Lo ha preso fra le braccia, sorgendo in piedi.

Ma se il pianto di Gesù-Dio cade fra i capelli di Giuda, la bocca di Giuda resta chiusa. Non dice la parola richiesta. Non dice neppure «perdono» quando Gesù gli sussurra fra i capelli: «Senti se ti amo! Avrei dovuto rimproverarti! Ti bacio. Avrei diritto di dirti: “Chiedi perdono al tuo Dio”, e ti chiedo soltanto che tu abbia la volontà di perdono. Sei così malato! Non si può chiedere molto ad uno malato molto. A tutti i peccatori che sono venuti a Me ho chiesto l’assoluto pentimento per poterli perdonare. A te, amico mio, chiedo solo la volontà di pentirti e poi… farò Io».

Giuda tace…

Gesù lo lascia andare, dice: «Resta almeno qui sino al dì dopo il sabato».

«Resterò… Torniamo in casa. Noteranno la nostra assenza. Forse ti attendono le donne. Esse sono migliori di me e non devi trascurarle per me».

«Non ricordi la parabola[4] della pecorella smarrita? Tu sei quella… Esse, le discepole, sono le pecore buone chiuse nel­l’ovile. Non pericolano, anche se Io cerco l’anima tua per tutto il giorno per riportarla all’ovile…».

«Ma sì! Ma sì! Ecco! Torno all’ovile! E mi chiuderò nella biblioteca di Lazzaro, a leggere. Non voglio essere disturbato. Non voglio vedere, sapere nulla. Così… non sospetterai sempre di me. E se qualche cosa di ciò che avviene andrà riferito al Sinedrio, dovrai ricercare le serpi fra i tuoi prediletti. Addio! Entro dal cancello principale. Non temere. Non fuggo. Puoi venire a verificare quando vuoi», e voltate le spalle se ne va a grandi passi.

582.13

Gesù, altezza bianca nella veste di lino al limitare del prato verde-rosso, alza le braccia al cielo sereno e alza il volto afflittissimo, e alza l’anima al Padre suo gemendo: «Oh! Padre mio! E mi potrai forse accusare di aver lasciato cosa atta a salvarlo? Tu sai che per la sua anima, non per la mia vita, Io lotto per impedire il suo delitto… Padre! Padre mio! Io te ne supplico! Affretta l’ora delle tenebre, l’ora del Sacrificio, perché troppo mi è atroce vivere presso l’amico che non vuole esser redento… Il più grande dolore!», e Gesù si siede nel trifoglio folto, alto, bellissimo, china il capo sui ginocchi sollevati e stretti dalle braccia e piange…

Oh! non posso vedere quel pianto! È già troppo simile — in desolazione, in solitudine, in… persuasione che nulla il Cielo farà per consolarlo, e che Egli deve patire quel dolore — a quello del Getsemani. E mi fa troppo male…

Gesù piange a lungo, nel luogo solitario, silenzioso. Testimoni del suo pianto, le api d’oro, il trifoglio che odora e si muove lentamente sotto soffi di vento temporalesco, e le nubi che all’inizio del mattino erano come leggera rete sul cielo azzurro e che ora si sono affittite, scurite, accavallate, promettendo nuova pioggia.

582.14

Gesù cessa di piangere. Alza il capo in ascolto… Un rumore di ruote e di sonagli viene dalla via maestra, e poi cessa il rumore delle ruote ma non quello dei sonagli.

Gesù dice: «Andiamo! Le discepole… Esse sono fedeli… Padre mio, sia fatto come Tu vuoi! Ti offro il sacrificio di questo mio desiderio di Salvatore e di Amico. È scritto! Egli lo ha voluto. È vero. Lascia però, o Padre mio, che Io continui la mia opera per lui sino a che tutto sarà finito. E sin da ora ti dico: Padre, quando pregherò per i peccatori, vittima impotente ormai ad ogni diretta azione, Padre, prendi Tu il mio soffrire e forza con quello sull’anima di Giuda. So che ti chiedo ciò che la Giustizia non può concedere. Ma da Te la Misericordia e l’Amore sono venuti, e Tu li ami Questi che da Te vengono e che sono una sola cosa con Te, Dio uno e trino, santo e benedetto. Io darò Me stesso ai miei diletti in cibo e bevanda. Padre, il mio Sangue e la mia Carne dovranno dunque essere condanna per un di loro? Padre, aiutami! Un germe di pentimento in quel cuore!… Padre, perché ti allontani? Già ti allontani dal tuo Verbo che prega? Padre, è l’ora. Lo so. Sia fatta la tua volontà benedetta! Ma lascia al Figlio tuo, al tuo Cristo, nel quale per tuo imperscrutabile decreto diminuisce in quest’ora la veggenza sicura del futuro — né ti dico che questa è crudeltà, ma pietà tua per Me — lascia in Me la speranza di salvarlo ancora. Oh! Padre mio. Lo so. L’ho saputo da quando Io sono. L’ho saputo da quando non solo Verbo, ma Uomo, qui in Terra sono venuto. L’ho saputo da quando ho incontrato l’uomo nel Tempio… Sempre l’ho saputo… Ma ora… Oh! che mi pare — grande pietà tua, santissimo Padre! — mi pare che non sia che un orrido sogno, suscitato dal suo comportamento, ma che non sia l’ineluttabile… e che Io possa sperare ancora, ancora, sempre, perché infinito è il mio soffrire e infinito sarà il Sacrificio e possa, anche per lui, qualche cosa… Ah! Io deliro! È l’Uomo che vuole sperare questo! Il Dio che è nell’Uomo, il Dio fatto Uomo non può lusingarsi! Si fugano le leggere nebbie che mi nascondevano per un momento l’abisso, l’abisso già aperto a prendere colui che preferì le Tenebre alla Luce… Pietà il tuo nascondermelo! Pietà il tuo mostrarmelo, ora che Tu mi hai riconfortato. Sì, Padre. Anche questo! Tutto! E sarò Misericordia sino alla fine, perché tale è la mia Essenza».

Prega ancora, mutamente, a braccia aperte a croce, e il viso straziato si placa sempre più in un aspetto di pace augusta. Si fa quasi luminoso di una luce di gioia interiore, benché non ci sia sorriso sulle labbra serrate. È la gioia del suo spirito, in comunione col Padre, che trapela fuor dai veli della carne e cancella i segni che il dolore ha scavato e dipinto sul volto smagrito e spiritualizzato, che sempre più è venuto al Maestro più Egli si è inoltrato nel dolore e verso il Sacrificio. Non è già più un volto della Terra il volto di Cristo in questi suoi ultimi tempi mortali, e nessun artista sarà mai capace di darci, anche se il Redentore all’artista si mostrasse, quel volto di Uomo Dio scalpellato in bellezza soprannaturale dall’amore e dal dolore perfetti e completi.

582.15

Gesù è di nuovo alla porta di cinta, entra, la chiude col chiavistello e si inoltra verso la casa. Il servo di prima lo vede e corre a prendergli la grossa chiave che Gesù ha fra le mani.

Procede. Incontra Lazzaro: «Maestro, sono venute le donne. Le ho fatte entrare nella sala bianca, perché in biblioteca c’è Giuda che legge e che è sofferente».

«Lo so. Grazie per le donne. Sono molte?».

«Giovanna, Niche, Elisa e Valeria con Plautina e un’altra loro amica o liberta, non so, di nome Marcella, e una vecchia che dice di conoscerti: Anna di Meron, e poi Annalia e con lei un’altra giovinetta di nome Sara. Sono con le discepole tua Madre e le sorelle».

«E queste voci di bambini?».

«Anna ha portato i figli del figlio, Giovanna i suoi, Valeria la sua. Li ho condotti nel cortile interno…».


Notes

  1. promesse faite en 363.4.
  2. le vêtement teint de pourpre : c’est Judas qui l’a voulu pour Jésus. Jésus en a confié la confection à sa Mère en 303.4 et le lui a redemandé en 477.9, comme Marie le rappellera en 612.3. Il en sera encore fait mention en 644.4.
  3. je croyais que tu parlais de Jude : Même si les traductions françaises de l’Evangile les distinguent, Jude et Judas sont le même prénom. Cela explique cette confusion.
  4. parabole racontée en 233.1/4.

Note

  1. promessa, fatta in 363.4.
  2. dice Tommaso qui e dice Giovanni di 582.4, sono due aggiunte di MV su una copia dattiloscritta.
  3. la veste tinta di porpora, voluta per Gesù da Giuda Iscariota in 252.5, commissionata da Gesù alla Madre in 303.4 e richiestale in 477.9, come ricorderà Maria Ss. in 612.3. Sarà menzionata ancora in 644.4.
  4. parabola, narrata in 233.1/4.