Gli Scritti di Maria Valtorta

600. La dernière Cène.

600. L’ultima Cena pasquale.

600.1

C’est le commencement de la souffrance du jeudi saint.

Les apôtres — ils sont dix — s’affairent activement à la préparation du Cénacle.

Judas, grimpé sur la table, vérifie s’il y a de l’huile dans toutes les lanternes du grand lampadaire, qui ressemble à une corolle

de fuchsia double, car la tige de suspension est entourée de cinq “ ampoules ” qui ressemblent à des pétales ; un second tour, plus bas, est une vraie couronne de petites flammes ; enfin trois petits lampions suspendus à des chaînettes semblent être les pistils de cette fleur lumineuse.

Ne riez pas de mon dessin !

Puis il saute par terre et aide André à disposer avec art la vaisselle sur la table, sur laquelle on a étendu une nappe très fine.

J’entends André admirer :

« Quel lin splendide !»

Et Judas :

« L’un des meilleurs de Lazare. Marthe a absolument tenu à l’apporter.

– Et ces coupes ! Et ces amphores ! » s’exclame Thomas.

Il a versé le vin dans les amphores précieuses et les regarde avec admiration en se regardant dans leurs fines panses, et il en caresse les poignées ciselées d’un œil de connaisseur.

« Qui sait quelle valeur elles ont, hein ? demande Judas.

– C’est travaillé au marteau. Mon père en serait fou. L’argent et l’or en feuilles se plient facilement à la chaleur. Mais traité ainsi… On peut tout abîmer en un instant, il suffit d’un coup mal porté. Cela demande à la fois de la force et de la légèreté. Tu vois les poignées ? Elles sont tirées de la masse et ne sont pas soudées. Ce sont là des objets de riches… Pense que toute la limaille et le dégrossissement sont perdus… Je ne sais pas si tu me comprends.

– Bien sûr, je comprends ! C’est comme fait un sculpteur.

– Tout à fait cela. »

Tous admirent, puis retournent à leur travail. Les uns disposent les sièges, d’autres préparent les crédences…

600.2

Pierre et Simon entrent ensemble.

« Vous voilà enfin ! Où êtes-vous encore allés? Après être arrivés avec le Maître et nous, vous vous êtes enfuis de nouveau, leur reproche Judas.

– Encore une tâche à faire avant l’heure, répond brièvement Simon.

– Tu es mélancolique ?

– Je crois que, avec ce qu’on a écouté ces derniers jours, provenant de cette bouche que nous n’avons jamais entendu mentir, il y a de bonnes raisons de l’être.

– Et avec cette puanteur de… Bon ! tais-toi, Pierre, grommelle Pierre entre ses dents.

– Toi aussi !… Tu me sembles fou depuis quelque temps. Tu as la tête d’un lapin sauvage qui sent derrière lui le chacal, répond Judas.

– Et toi, tu as le museau de la fouine. Toi aussi, tu n’es pas très beau depuis quelques jours. Tu regardes d’une façon… Tu as même l’œil de travers… Qui attends-tu ou qu’espères-tu voir ? Tu sembles plein d’assurance, tu veux le faire paraître, mais tu as l’air d’avoir peur, réplique Pierre.

– Pour ce qui est de la peur… tu n’es certainement pas un héros, toi non plus ! »

Jean répond :

« Aucun de nous ne l’est, Judas. Tu portes le nom d’un Maccabée, mais tu ne l’es pas. Mon nom à moi signifie : “ Dieu fait grâce[1] ”, mais je te jure que j’ai en moi le tremblement d’un homme qui sait porter malheur, et ne pas être dans la grâce de Dieu. Simon, fils de Jonas, rebaptisé “ la pierre ”, est maintenant mou comme de la cire près du feu. Il ne se cramponne plus par sa volonté. Lui, que je n’ai jamais vu trembler dans les plus violentes tempêtes ! Matthieu, Barthélemy et Philippe ressemblent à des somnambules. Mon frère et André ne font que soupirer. Et observe les deux cousins, qui ont la douleur de la parenté en plus de celle de l’amour pour le Maître : on croirait des vieillards… Thomas a perdu de son entrain, et Simon semble redevenu le lépreux épuisé qu’il était il y a trois ans, tant il est creusé par la douleur, je dirais corrodé, livide, flétri.

600.3

– Oui. Il nous a tous influencés par sa mélancolie » constate Judas.

Jacques, fils d’Alphée, lance :

« Mon cousin Jésus, mon Maître et Seigneur et le vôtre, est et n’est pas mélancolique. Si tu veux dire par là qu’il est triste à cause de la souffrance excessive que tout Israël est en train de lui infliger, et que nous voyons, sans compter l’autre douleur cachée que lui seul voit, je te dis : “ Tu as raison. ” Mais si tu utilises ce mot pour dire qu’il est fou, je te l’interdis.

– N’est-ce pas de la folie qu’une idée fixe de mélancolie ? J’ai fait aussi des études profanes, et je sais. Il a trop donné de lui-même. Maintenant, il a l’esprit épuisé.

– Ce qui signifie de la démence. N’est-ce pas ? demande Jude, apparemment calme.

– Exactement ! Ton père[2], qui était un juste de sainte mémoire et à qui tu ressembles pour la justice et la sagesse, l’avait bien vu ! C’est le triste destin d’une illustre maison trop vieille et frappée de sénilité psychique : Jésus a toujours eu une tendance à cette maladie, d’abord douce, puis toujours plus agressive. Tu as pu constater comment il a attaqué pharisiens et scribes, sadducéens et hérodiens. Il s’est rendu la vie impossible comme un chemin couvert d’éclats de quartz. Et c’est lui qui les a semés. Nous… nous l’aimions tant que l’amour nous l’a caché. Mais ceux qui l’ont aimé sans l’idolâtrer : ton père, ton frère Joseph, et Simon au début, ont vu juste… nous aurions dû ouvrir les yeux en les écoutant. Au contraire, nous avons tous été séduits par sa douce fascination de malade. Et maintenant… Hélas ! »

Jude, qui est aussi grand que Judas et se tient exactement en face de lui, paraît l’écouter paisiblement ; mais il a un déclic violent et, d’un puissant revers de main, il étale Judas sur un des sièges puis, avec une colère contenue, sans éclat de voix, il se penche, et siffle sur son visage de lâche :

« Voilà pour la démence, reptile ! Et c’est seulement parce qu’il est à côté et que c’est le soir de la Pâque que je ne t’étrangle pas. Mais réfléchis, réfléchis bien ! S’il lui arrive du mal et qu’il n’est plus là pour arrêter ma force, nul ne te sauvera. C’est comme si tu avais déjà la corde au cou, et ce seront ces mains honnêtes et fortes d’artisan galiléen et de descendant du frondeur de Goliath qui feront ton affaire. Lève-toi, mollasson libertin ! Et surveille ta conduite ! »

Judas, craignant peut-être que Jude ne soit au courant de son crime, ne réagit pas. Livide, il se relève, sans la moindre réaction. Et, ce qui me surprend, personne ne réagit au nouveau geste de Jude. Au contraire !… Il est clair que tous approuvent.

600.4

L’ambiance s’est à peine apaisée que Jésus entre. Il se présente au seuil de la petite porte par laquelle sa grande taille passe difficilement, met le pied sur le petit palier et, avec un sourire doux et triste, dit en ouvrant les bras :

« Que la paix soit avec vous. »

Sa voix est lasse comme celle de quelqu’un qui souffre physiquement et moralement.

Il descend, caresse la tête blonde de Jean qui est accouru près de lui. Comme s’il ignorait tout, il sourit à son cousin Jude et dit à son autre cousin :

« Ta mère te prie d’être doux avec Joseph. Tout à l’heure, il a demandé aux femmes de mes nouvelles et des tiennes. Je regrette de ne l’avoir pas salué.

– Tu le feras demain.

– Demain ?… Mais j’aurai toujours le temps de le voir… Oh ! Pierre ! Nous allons rester enfin un peu ensemble ! Depuis hier, tu m’a paru être un feu follet. Je te vois, puis je ne te vois plus… Aujourd’hui, je peux presque dire que je t’ai perdu. Toi aussi, Simon.

– Nos cheveux plus blancs que noirs peuvent t’assurer que nous ne nous sommes pas absentés par désir de la chair, assure Simon avec sérieux.

– Bien que… à tout âge on peut avoir cette faim… Les vieux sont pires que les jeunes… » lance Judas sur un ton offensif.

Simon le regarde et s’apprête à répliquer. Mais Jésus le regarde aussi et dit :

« Tu as mal aux dents ? Tu as la joue droite enflée et rouge.

– Oui, j’ai mal. Mais cela ne mérite pas qu’on s’en occupe. »

Les autres gardent le silence, et l’affaire se termine ainsi.

600.5

« Avez-vous fait tout ce qu’il fallait ? Toi, Matthieu ? Et toi, André ? Et toi, Judas, as-tu pensé à l’offrande au Temple ? »

Les deux premiers, aussi bien que Judas, répondent :

« Nous avons fait tout ce que tu nous a demandé pour aujourd’hui. Sois tranquille.

– Moi, j’ai apporté les primeurs de Lazare à Jeanne, femme de Kouza, pour les enfants. Ils m’ont confié : “ Ces pommes étaient meilleures ! ” C’est qu’elles avaient la saveur de la faim ! Et c’était tes pommes » dit Jean souriant et rêvant.

Jésus sourit lui aussi à un souvenir…

« Moi, j’ai vu Nicodème et Joseph, déclare Thomas.

– Tu les as vus ? Tu as parlé avec eux ? demande Judas avec un intérêt exagéré.

– Oui. Qu’y a-t-il d’étrange ? Joseph est un bon client de mon père.

– Tu ne nous l’avais pas dit plus tôt… C’est pour cela que j’ai été étonné ! »

Judas essaie d’édulcorer l’impression qu’il vient de donner par son inquiétude à l’annonce d’une rencontre de Thomas avec Joseph et Nicodème.

« Il me semble étrange qu’ils ne soient pas venus ici pour te vénérer. Ni eux, ni Kouza, ni Manahen… Aucun des… »

Mais Judas, avec un rire faux, interrompt Barthélemy :

« Le crocodile se terre quand il le faut.

– Que veux-tu dire ? Qu’insinues-tu ? demande Simon, agressif comme il ne l’a jamais été.

– Paix, paix ! Qu’avez-vous donc ? C’est la soirée pascale ! Jamais nous n’avons eu un si digne apparat pour consommer l’agneau. Consommons donc la cène dans un esprit de paix. Je vois que je vous ai beaucoup troublés par mes instructions de ces derniers soirs. Mais vous voyez ? J’ai fini ! Désormais, je ne vous troublerai plus. Tout n’est pas dit de ce qui se rapporte à moi. Seulement l’essentiel. Le reste… vous le comprendrez par la suite. Cela vous sera révélé… Oui. Celui qui vous le dira viendra !

600.6

Jean, va avec Judas et un autre prendre les coupes pour la purification. Puis asseyons-nous à table. »

Jésus est d’une douceur déchirante.

Jean, André, Jude et Jacques, apportent la vaste coupe, y versent l’eau et présentent l’essuie-main à Jésus et à leurs compagnons, qui en font de même avec eux. La coupe (qui est un bassin de métal) est mise dans un coin.

« Et maintenant, à vos places. Moi ici, et là (à droite) Jean, et de l’autre côté mon fidèle Jacques. Ce sont les deux premiers disciples. Après Jean viendra ma Pierre forte ; à côté de Jacques, celui qui est comme l’air : on ne le remarque pas, mais il est toujours présent et il réconforte : André. Près de lui, mon cousin Jacques. Tu ne te plains pas, mon doux frère, si je donne la première place à mes premiers apôtres ? Tu es le neveu du Juste dont l’esprit palpite et plane plus que jamais au-dessus de moi en cette soirée. Sois en paix, père de ma faiblesse enfantine, chêne à l’ombre duquel se restaurèrent la Mère et le Fils ! Sois en paix !… Après Pierre, ce sera Simon… Simon, viens ici un moment. Je veux scruter ton visage loyal. Plus tard, je ne te verrai plus très bien, car les autres me couvriront ta figure honnête. Merci, Simon. De tout. »

Et il l’embrasse.

Quand Jésus le laisse, Simon va prendre sa place en portant ses mains à son visage en un geste d’affliction.

« La place en face de Simon est pour mon Barthélemy. Ce sont deux honnêtetés et deux sagesses qui se reflètent. Ils vont bien ensemble. Et tout près, toi, Jude mon frère. Ainsi je te vois… et j’ai l’impression d’être à Nazareth… quand quelque fête nous réunissait tous à table… Ou encore à Cana… Tu te souviens ? Nous y étions ensemble. Une fête… des noces… le premier miracle… l’eau changée en vin… Aujourd’hui aussi, c’est une fête… et aujourd’hui aussi, il y aura un miracle… le vin changera de nature… et il sera… »

Jésus se plonge dans ses pensées, tête penchée, comme isolé dans son monde secret. Les autres le regardent sans mot dire.

Il relève la tête et fixe Judas, auquel il dit :

« Tu seras en face de moi.

– Tu m’aimes à ce point ? Plus que Simon, que tu veux toujours avoir en face de toi ?

– Effectivement. Tu l’as dit.

– Pourquoi, Maître ?

– Parce que tu es celui qui a le plus contribué à cette heure. »

Judas jette sur le Maître et sur ses compagnons un regard entièrement différent. Il dévisage le premier avec compassion, et toise les autres avec un air de triomphe.

« Et à côté de toi prendront place, d’une part Matthieu, de l’autre Thomas.

– Alors Matthieu à ma gauche et Thomas à ma droite.

– Comme tu veux, comme tu veux » dit Matthieu. « Il me suffît d’avoir bien en face de moi mon Sauveur.

– Le dernier, c’est Philippe. Vous voyez ? Qui n’est pas à côté de moi du côté d’honneur, a l’honneur d’être en face de moi. »

600.7

Jésus, debout à sa place, verse le vin dans la grande coupe placée devant lui (chacun en a une grande, mais la sienne l’est encore davantage. Ce doit être la coupe rituelle). Il l’élève, l’offre, la repose.

Puis tous ensemble psalmodient :

« Pourquoi cette cérémonie ? »

Question de pure forme, on le comprend, rituelle.

Jésus, en chef de famille, y répond :

« Ce jour rappelle notre libération de l’Egypte. Que soit béni Yahvé, qui a créé le fruit de la vigne. »

Il boit une gorgée du vin qu’il a offert et passe la coupe aux autres. Il offre ensuite le pain, en fait des morceaux, le distribue, puis les légumes trempés dans une sauce rougeâtre présentée dans quatre saucières.

Une fois terminée cette partie du repas, ils chantent des psaumes tous en chœur.

On apporte de la crédence le grand plateau de l’agneau rôti, que l’on place sur la table en face de Jésus.

Pierre, qui a le rôle de… première partie du chœur, si vous voulez, demande :

« Pourquoi cet agneau, ainsi présenté ?

– En souvenir du moment où Israël fut sauvé par l’agneau immolé. Là où le sang brillait sur les montants de la porte et sur le linteau, aucun premier-né n’est mort. Ensuite, alors que l’Egypte pleurait ses premier-nés qui étaient morts, depuis le palais royal jusqu’aux taudis, les Hébreux, dirigés par Moïse, se mirent en marche vers la terre de la libération et de la promesse. La ceinture à la taille, les sandales aux pieds, le bourdon en main, le peuple d’Abraham s’empressa de se mettre en marche en chantant les hymnes de la joie. »

Tous se lèvent et entonnent :

« Quand Israël sortit d’Egypte et la maison de Jacob de chez un peuple étranger, Juda lui devint un sanctuaire », etc. (si ma recherche est correcte, il s’agit du Ps 113[3]).

Alors Jésus découpe l’agneau, verse une nouvelle coupe, et la passe après en avoir bu. Puis ils chantent encore:

« Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur ! Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles ! Du levant au couchant du soleil, loué soit le nom du Seigneur ! », etc.

Jésus donne les parts et veille à ce que chacun soit bien servi, exactement comme le fait un père de famille pour ses enfants, qui lui sont tous chers. Puis il dit d’un ton solennel, un peu triste :

« J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous. Cela a été mon désir suprême depuis qu’éternellement j’ai été le “ Sauveur ”. Je savais que cette heure en précéderait cette autre, et la joie de me donner m’était à l’avance un réconfort dans mon martyre…

J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous, car jamais plus je ne goûterai du fruit de la vigne jusqu’à la venue du Royaume de Dieu. Alors je m’assiérai de nouveau avec les élus au banquet de l’Agneau, pour les noces des vivants avec le Vivant. Mais seuls y prendront part ceux qui auront été humbles et purs de cœur comme je le suis.

600.8

– Maître, tu as dit tout à l’heure que celui qui n’a pas la place d’honneur, a l’honneur d’être en face de toi. Comment alors pouvons-nous savoir quel est le premier d’entre nous ? demande Barthélemy.

– Tous et personne. Un jour[4]… nous revenions, fatigués… écœurés de la haine des pharisiens. Mais vous n’étiez pas las de discuter entre vous pour savoir qui était le plus grand… C’est alors qu’un enfant accourut vers moi… un de mes petits amis… Et son innocence adoucit mon dégoût de tant de fange ! Votre humanité opiniâtre était loin de disparaître. Où es-tu maintenant, petit Benjamin à la réponse sage, venue à toi du Ciel, puisque c’est l’Esprit qui parlait à l’ange comme tu étais ? Je vous ai dit alors : “ Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous. ” Et je vous ai donné en exemple cet enfant sage. Maintenant, je vous dis : “ Les rois des nations les dominent. Et les peuples opprimés, tout en les haïssant, les acclament et les appellent ‘Bienfaiteurs’, ‘Pères de la Patrie’, mais la haine couve sous le respect fallacieux. ” Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. Que le plus grand se comporte comme le plus petit, celui qui gouverne comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand ? Celui qui est à table ou celui qui sert ? C’est celui qui est à table. Et pourtant, moi je vous sers, et d’ici peu, je vous servirai davantage. Vous êtes, vous, ceux qui sont restés avec moi constamment dans les épreuves ; et moi je dispose pour vous d’une place dans mon Royaume, de même que j’y serai Roi selon la volonté du Père.

Vous mangerez et boirez à ma table éternelle et vous siègerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Vous êtes restés avec moi dans les épreuves… Il n’y a que cela qui vous donne de la grandeur aux yeux du Père.

– Et ceux qui viendront ? Ils n’auront pas de place dans le Royaume ? Il nous est réservé, à nous seuls ?

– Ah ! que de princes dans ma Maison ! Tous ceux qui se seront montrés fidèles au Christ dans les épreuves de la vie seront des princes dans mon Royaume, car ceux qui auront persévéré jusqu’à la fin dans le martyre de l’existence seront pareils à vous, qui êtes restés avec moi dans mes épreuves. Je m’identifie à ceux qui croient en moi. La souffrance que j’embrasse pour vous et pour tous les hommes, je la donne comme enseigne à ceux qui sont particulièrement élus. Celui qui me sera fidèle dans la souffrance fera partie de mes bienheureux, à l’égal de vous, mes bien-aimés.

600.9

– Nous avons persévéré jusqu’à la fin.

– Tu crois cela, Pierre ? Et moi, je te dis que l’heure de l’épreuve n’est pas encore venue. Simon, Simon, fils de Jonas, Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais moi, j’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas. Et toi, quand tu te seras ravisé, affermis tes frères.

– Je sais que je suis pécheur. Mais je te serai fidèle jusqu’à la mort. Je n’ai pas ce péché. Je ne l’aurai jamais.

– Ne sois pas présomptueux, mon Pierre. Cette heure changera une infinité de choses, qui seront différentes d’avant. Elles apportent et imposent des nécessités nouvelles. Vous le savez. Je vous l’ai toujours dit, même quand nous marchions sur des chemins écartés, parcourus par des bandits : “ N’ayez pas peur, il ne vous arrivera aucun mal, car les anges du Seigneur sont avec nous. Ne vous préoccupez de rien. ” Vous rappelez-vous quand je vous recommandais : “ Ne vous souciez pas de votre nourriture ou de vos vêtements. Le Père sait ce dont nous avons besoin ” ? Et j’ajoutais : “ L’homme a beaucoup plus de valeur qu’un passereau et que la fleur, qui aujourd’hui est de l’herbe et demain sera du foin. Le Père prend pourtant soin aussi de la fleur et du petit oiseau. Alors pouvez-vous douter qu’il n’en fasse pas autant pour vous ? ” Je vous disais encore : “ Donnez à qui vous demande, présentez l’autre joue à celui qui vous offense. ” Je vous disais : “ N’emportez ni bourse ni bâton. ” Car je vous ai enseigné l’amour et la confiance. Mais aujourd’hui… Aujourd’hui, ce temps n’est plus. Maintenant, je vous dis : “ Avez-vous manqué de quelque chose jusqu’à ce jour ? Avez-vous jamais été offensés ? ”

– De rien, Maître. Toi seul as été offensé.

– Vous voyez donc que ma parole était vraie. Mais à présent les anges ont tous été rappelés par leur Seigneur. C’est l’heure des démons… Les anges du Seigneur se couvrent les yeux de leurs ailes d’or, ils s’en enveloppent et souffrent de ce qu’elles n’aient pas la couleur du chagrin, car c’est une heure de deuil, de deuil cruel, sacrilège… Il n’y a pas d’anges sur la terre, ce soir. Ils se tiennent près du trône de Dieu pour couvrir de leur chant les blasphèmes du monde déicide et les pleurs de l’Innocent. Vous et moi, nous sommes seuls… Les démons sont les maîtres de l’heure. C’est pourquoi nous allons prendre les apparences et les mesures des pauvres hommes qui se méfient et n’aiment pas. Maintenant, que celui qui a une bourse prenne aussi une besace, que celui qui n’a pas d’épée vende son manteau et en achète une. Car il faut que s’accomplisse en moi ce qui est écrit[5] : “ Il a été compté parmi les malfaiteurs. ” En vérité, tout ce qui me concerne touche à sa fin. »

600.10

Simon le Zélote s’est levé pour aller au coffre où il a déposé son riche manteau — ce soir tous ont mis leurs plus beaux atours, et ont par conséquent leurs poignards, damasquinés, mais très courts, plutôt couteaux que poignards, à leurs riches ceintures — prend deux épées, deux vraies épées, longues, légèrement courbes, et les apporte à Jésus :

« Pierre et moi, nous sommes armés, ce soir. Nous avons celles-ci, mais les autres n’ont que leur court poignard. »

Jésus prend les épées, les examine, en dégaine une et essaie le tranchant sur l’ongle. C’est très étonnant, et cela fait une impression encore plus étrange de voir cette arme féroce dans les mains de Jésus.

Tandis que Jésus poursuit son examen silencieux, Judas demande :

« Qui vous les a données ? »

Il paraît sur les charbons ardents…

« Qui ? Je te rappelle que mon père était noble et puissant, répond Simon.

– Mais Pierre…

– Eh bien ? Depuis quand dois-je rendre compte des cadeaux que je veux faire à mes amis ? »

Jésus lève la tête après avoir rengainé l’arme et la rend à Simon.

« C’est bien assez. Tu as eu raison de les prendre.

600.11

Mais maintenant, avant que l’on boive le troisième calice, attendez un moment. Je vous ai dit que le plus grand est égal au plus petit, que je suis le serviteur à cette table, et que je vous servirai davantage. Jusqu’à présent, je vous ai donné de la nourriture, qui sert au corps. Cette fois, je veux vous donner une nourriture pour l’esprit. Ce n’est pas un plat du rituel ancien. Il appartient au nouveau rite. J’ai voulu me faire baptiser avant d’être le “ Maître ”. Pour répandre la Parole, ce baptême suffisait. Maintenant, c’est le Sang qui va être répandu. Il faut un nouveau baptême, pour vous aussi qui avez pourtant été purifiés par Jean-Baptiste en son temps, et encore aujourd’hui au Temple. Mais cela ne suffit pas. Venez, que je vous purifie. Suspendez le repas. Il y a quelque chose de plus élevé et de plus nécessaire que la nourriture destinée à remplir le ventre, même si c’est une nourriture sainte comme celle du rite pascal. Et c’est un esprit pur, disposé à recevoir le don du Ciel qui déjà descend pour se faire un trône en vous et vous donner la vie. Donner la vie à qui est pur. »

Jésus se lève, fait lever Jean pour sortir plus facilement de sa place, se dirige vers un coffre et ôte son vêtement rouge pour le plier et le déposer sur son manteau déjà plié. Puis il se ceint la taille d’un grand linge, et va prendre un autre bassin, encore vide et propre. Il y verse de l’eau, le porte au milieu de la pièce près de la table, et le pose sur un tabouret. Les apôtres le regardent avec étonnement.

« Vous ne me demandez pas ce que je fais ?

– Nous l’ignorons. Je te dis que nous sommes déjà purifiés, répond Pierre.

– Et moi, je te répète que cela n’a pas importance. Ma purification servira à celui qui est déjà pur à l’être davantage. »

Il s’agenouille, délace les sandales de Judas et lui lave les pieds l’un après l’autre. Il lui est facile de le faire, car les lits-sièges sont disposés de façon que les pieds sont tournés vers l’extérieur. Stupéfait, Judas garde le silence. Mais lorsque Jésus, avant de chausser le pied gauche et de se lever, fait le geste de lui baiser le pied droit déjà chaussé, Judas retire vivement son pied et frappe involontairement de sa semelle la bouche divine. Ce n’est pas un coup fort, mais il me cause une vive douleur. Jésus sourit et, à l’apôtre qui lui demande : “ T’ai-je fait mal ? Je ne voulais pas… Pardon ”, il répond :

« Non, mon ami. Tu l’as fait sans malice, donc cela ne me fait pas mal. »

Judas pose sur lui un regard troublé, fuyant…

Jésus passe à Thomas, puis à Philippe… Il suit le côté étroit de la table et arrive à son cousin Jacques. Il le lave et, en se levant, lui baise le front. Il en vient à André, qui rougit de honte et prend sur lui-même pour ne pas pleurer, il le lave, le caresse comme un enfant. Puis c’est au tour de Jacques, fils de Zébédée, qui ne cesse de murmurer :

« Oh ! Maître ! Maître ! Maître ! Tu t’anéantis, mon sublime Maître ! »

Jean a déjà délacé ses sandales, et lorsque Jésus se penche pour lui essuyer les pieds, il s’incline pour baiser ses cheveux.

Mais Pierre !… Il n’est pas facile de le convaincre de se prêter à ce rite !

« Toi, me laver les pieds ? Tu n’y penses pas ? Tant que je vivrai, je ne le permettrai pas. Je suis un ver, tu es Dieu. Chacun à sa place !

– Ce que je fais, tu ne peux le comprendre à présent ; par la suite, tu comprendras. Laisse-moi faire.

– Tout ce que tu veux, Maître, mais pas cela. Veux-tu me couper le cou ? Fais-le. Mais me laver les pieds, non, tu ne le feras pas.

– Oh ! mon Simon ! Ne sais tu pas que si je ne te lave pas, tu n’auras pas part à mon Royaume ? Simon, Simon ! Tu as besoin de cette eau pour ton âme et pour le long de chemin que tu dois parcourir. Tu ne veux pas venir avec moi ? Si je ne te lave pas, tu ne viens pas dans mon Royaume.

– Oh ! mon Seigneur béni ! Alors lave-moi tout entier ! Pieds, mains et tête !

– Qui s’est baigné, comme vous, n’a pas besoin de se laver autre chose que les pieds, puisqu’il est entièrement pur. Les pieds… L’homme foule aux pieds les ordures. Et ce serait encore peu car, je vous l’ai dit[6], ce n’est pas ce qui entre et sort avec la nourriture qui souille l’homme, ni ce sur quoi il marche qui le contamine. C’est plutôt ce qui couve et mûrit dans son cœur et sort de là pour entacher ses actions et ses membres. Les pieds de l’homme à l’âme impure lui servent à aller aux orgies, à la débauche, aux commerces illicites, aux crimes… Ce sont donc parmi les membres du corps, ceux qui ont un grand besoin de purification… avec les yeux, avec la bouche… Oh ! homme ! homme ! Toi qui fus une créature parfaite un jour, le premier, avant que le Séducteur ne te corrompe à ce point ! Il n’y avait pas de malice en toi, ô homme, et pas de péché !… Et maintenant ? Tu es tout entier malice et péché, il n’y a pas de partie de toi qui ne pèche pas ! »

Jésus lave les pieds à Pierre, les baise ; en larmes, Pierre prend dans ses grosses mains celles de Jésus, il les passe sur ses yeux puis les baise.

Simon aussi a ôté ses sandales et se laisse laver. Mais ensuite, quand Jésus s’apprête à passer à Barthélemy, Simon s’agenouille et lui baise les pieds en disant :

« Purifie-moi de la lèpre du péché comme tu m’as purifié de la lèpre du corps, afin que je ne sois pas confondu à l’heure du jugement, mon Sauveur !

– Ne crains rien, Simon. Tu arriveras dans la Cité céleste blanc comme la neige.

– Et moi, Seigneur ? Que dis-tu à ton vieux Barthélemy ? Tu m’as vu sous l’ombre du figuier et tu as lu dans mon cœur. Que vois-tu maintenant, et où me vois-tu ? Rassure un pauvre vieillard qui craint de ne pas avoir la force et le temps pour devenir ce que tu veux qu’il soit. »

Barthélemy est très ému.

« Toi aussi, ne crains rien. J’ai dit, à ce moment-là : “ Voici un vrai israélite en qui il n’y a pas d’artifice. ” Aujourd’hui, je dis : “ Voilà un vrai chrétien, digne du Christ.’’ Où je te vois ? Sur un trône éternel, vêtu de pourpre. Je serai toujours avec toi. »

Vient le tour de Jude. Quand il voit Jésus à ses pieds, il ne sait pas se contenir, il penche la tête sur son bras appuyé à la table, et il pleure.

« Ne pleure pas, mon doux frère. Tu es maintenant comme quelqu’un qui doit supporter qu’on lui enlève un nerf, et tu penses que c’est au-delà de tes forces. Mais cette souffrance sera brève. Puis… tu seras heureux parce que tu m’aimes. Tu t’appelles Jude, et tu es comme notre grand Judas[7] : un géant. Tu es celui qui protège. Tu agis comme le lion, et le lionceau qui rugit. Tu débusqueras les impies, qui reculeront devant toi, et les gens iniques seront terrifiés. Moi, je sais. Sois courageux. Une éternelle union resserrera et rendra parfaite notre famille au Ciel. »

Il le baise lui aussi sur le front, comme il l’a fait à son frère.

« Je suis pécheur, Maître. Pas à moi…

– Tu étais pécheur, Matthieu. Maintenant tu es l’Apôtre. Tu es une de mes “ voix. ” Je te bénis. Que de chemin ces pieds ont fait pour avancer sans cesse vers Dieu… L’âme les encourageait, et ils ont quitté tout chemin qui ne soit pas le mien. Avance. Sais-tu où se termine le sentier ? Sur le sein du Père, qui est le mien et le tien. »

Jésus a fini. Il enlève le linge, se lave les mains dans de l’eau propre, remet son vêtement, retourne à sa place, et dit en s’asseyant :

« Maintenant vous êtes purs, mais pas tous : seulement ceux qui ont eu la volonté de l’être. »

Il regarde fixement Judas, qui fait mine de ne pas entendre, et feint d’être occupé à expliquer à son compagnon Matthieu comment son père s’est décidé à l’envoyer à Jérusalem… conversation inutile dont le seul but est de donner une contenance à Judas qui, malgré son audace, doit se sentir mal à l’aise.

600.12

Pour la troisième fois, Jésus verse du vin dans la coupe commune. Il boit, fait boire. Puis il entonne un psaume, que les autres reprennent en chœur :

« J’aime parce que le Seigneur entend le cri de ma prière, parce qu’il tend l’oreille vers moi. Je l’invoquerai toute ma vie. Les lacets de la mort m’enserraient », etc. (Il me semble que c’est le Psaume 114[8]).

Après un temps de pause, il poursuit :

« Je crois, c’est pourquoi j’ai parlé. Mais j’ai été fortement humilié. Et je disais dans mon trouble : “ Tout homme n’est que mensonge. ” »

Il regarde fixement Judas.

La voix de mon Jésus, fatiguée ce soir, retrouve de la force quand il s’écrie :

« Elle coûte aux yeux du Seigneur, la mort de ses amis » et « Tu as brisé mes chaînes. Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâces en invoquant le nom du Seigneur », etc. (Psaume 115).

Un autre bref arrêt dans le chant, puis il reprend :

« Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays. Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du Seigneur ! »

Après encore une pause, un long hymne s’élève :

« Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, car éternel est son amour. »

Judas chante tellement faux que, par deux fois, de sa voix puissante de baryton, Thomas lui redonne la note et le regarde avec insistance. Les autres aussi l’observent, car généralement il est bien dans le ton ; j’ai d’ailleurs compris qu’il en est fier, comme du reste. Mais ce soir ! Certaines phrases, surtout quand elles sont soulignées par des regards de Jésus, le troublent au point qu’il chante faux. L’une d’elles dit : “ Mieux vaut mettre sa confiance en Dieu que se fier en l’homme. ” Une autre : “ On m’a poussé pour m’abattre et j’allais tomber, mais le Seigneur m’est venu en aide. ” Ou encore : “ Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je publierai les œuvres du Seigneur. ” Et enfin ces deux, que je dis maintenant, étranglent la voix du traître dans sa gorge : “ La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ” et “ Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ”

Le psaume fini, pendant que Jésus découpe des tranches dans l’agneau et les présente, Matthieu demande à Judas :

« Tu te sens mal ?

– Non. Laisse-moi tranquille. Ne t’occupe pas de moi. »

Matthieu hausse les épaules.

Jean, qui a entendu, intervient :

« Le Maître n’est pas bien, lui non plus. Qu’as-tu, mon Jésus ? Ta voix est faible comme celle d’un malade ou d’un homme qui a beaucoup pleuré. »

Et il l’étreint en gardant la tête appuyée sur la poitrine de Jésus.

« Simplement, il a beaucoup parlé, et moi j’ai beaucoup marché et j’ai pris froid » lance Judas nerveusement.

Sans lui répondre, Jésus s’adresse à Jean :

« Tu me connais désormais… et tu sais ce qui me fatigue… »

600.13

L’agneau est presque consommé. Jésus, qui a très peu mangé et n’a bu qu’une gorgée de vin à chaque coupe, mais beaucoup d’eau, comme s’il était fiévreux, reprend la parole :

« Je veux que vous compreniez mon geste de tout à l’heure. Je vous ai dit que le premier est comme le dernier, et que je vous donnerai une nourriture qui n’est pas corporelle. C’est une nourriture d’humilité que je vous ai donnée, pour votre âme. Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, vous devez le faire l’un pour l’autre. Je vous ai donné l’exemple afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait.

En vérité je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son Maître, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a appelé. Cherchez à comprendre ces images ; bienheureux serez-vous si vous les mettez en pratique. Mais vous ne serez pas tous bienheureux. Je vous connais. Je sais qui j’ai choisi. Je ne parle pas de tous de la même manière, mais je dis ce qui est vrai. D’autre part, il faut que s’accomplisse ce qui est écrit[9] à mon sujet : “ Celui qui a mangé le pain avec moi, a levé contre moi son talon. ” Je vous dis tout avant que cela n’arrive, afin que vous n’ayez pas de doutes sur moi. Quand tout sera accompli, vous croirez encore davantage que Je suis. Celui qui m’accueille, accueille Celui qui m’a envoyé : le Père Saint qui est dans les Cieux, et celui qui accueillera ceux que je lui aurai envoyés, m’accueillera moi-même. Car je suis avec le Père, et vous êtes avec moi… A présent, accomplissons le rite. »

Il verse de nouveau du vin dans la coupe commune et, avant d’en boire et d’en faire boire, il se lève. Tous se lèvent avec lui, et il chante de nouveau l’un des psaumes d’auparavant : “ Je crois, c’est pourquoi j’ai parlé… ”, puis un autre qui n’en finit pas. Il est beau… mais vraiment interminable ! Je pense le retrouver, si je revois le commencement et la longueur, dans le psaume 118. Ils le chantent comme ceci : une partie ensemble, puis à tour de rôle chacun dit un verset et les autres un morceau ensemble, et ainsi de suite jusqu’au bout. Je suppose qu’à la fin, ils doivent avoir soif !

600.14

Jésus s’assied, il ne s’allonge pas. Il reste assis, comme nous, et il dit :

« Maintenant que l’ancien rite est accompli, je vais célébrer le nouveau. Je vous ai promis un miracle d’amour. Le moment est venu. C’est pour cela que j’ai désiré cette Pâque. Dorénavant, voilà l’Hostie qui sera consommée en un perpétuel rite d’amour. Je vous ai aimés pour toute la vie de la terre, mes chers amis. Je vous ai aimés pour toute l’éternité, mes fils. Et je veux vous aimer indéfiniment. Il n’y a rien de plus grand. Souvenez-vous-en. Je m’en vais, mais nous resterons unis pour toujours grâce au miracle que je m’apprête à faire. »

Jésus prend un pain encore entier, le pose sur la coupe pleine. Il bénit et offre l’un et l’autre, puis il partage le pain, en fait treize morceaux et en donne un à chacun des apôtres, en disant :

« Prenez et mangez. Ceci est mon corps. Faites ceci en mémoire de moi, car je m’en vais. »

Puis il tend la coupe et dit :

« Prenez et buvez. Ceci est mon sang. Ceci est le calice de la nouvelle alliance dans le sang et par mon sang qui sera répandu pour vous en rémission de vos péchés et pour vous donner la vie. Faites ceci en mémoire de moi. »

Jésus est extrêmement triste. Tout sourire, toute trace de lumière, de couleur l’ont quitté. Il a déjà un visage d’agonie. Les apôtres le regardent anxieusement.

600.15

Puis il se lève en disant :

« Ne bougez pas, je reviens tout de suite. »

Il prend le treizième morceau de pain et la coupe, et sort du Cénacle.

« Il va trouver sa Mère » murmure Jean.

Et Jude soupire :

« Pauvre femme ! »

Pierre demande tout bas :

« Tu crois qu’elle sait ?

– Elle sait tout. Elle a toujours tout su. »

Ils chuchotent tous comme devant un mort.

« Croyez-vous donc que, vraiment… demande Thomas, qui ne veut pas encore y croire.

– Tu en doutes ? C’est son heure, répond Jacques, fils de Zébédée.

– Que Dieu nous donne la force de rester fidèles, soupire Simon le Zélote.

– Oh ! moi… » commence Pierre.

Mais Jean, qui est aux aguets, murmure :

« Chut ! Le voici. »

Jésus rentre. Il a dans les mains la coupe vide. C’est à peine s’il reste, au fond, une trace de vin et, sous la lumière du lampadaire, elle ressemble vraiment à du sang.

Judas, qui a la coupe devant lui, la regarde, comme fasciné, puis il détourne les yeux. Jésus l’observe, et il a un frisson que ressent Jean, appuyé comme il l’est sur sa poitrine.

« Dis-moi, mais tu trembles ! s’écrie-t-il.

– Non. Je ne tremble pas de fièvre…

600.16

Je vous ai tout dit et je vous ai tout donné. Je ne pouvais vous donner davantage. C’est moi-même que je vous ai donné. »

Il a son doux geste des mains qui, jointes au-début, se séparent et s’écartent tandis qu’il baisse la tête comme pour dire : “ Excusez-moi si je ne puis davantage. C’est ainsi. ”

« Je vous ai tout dit, et je vous ai tout donné. Je le répète, le nouveau rite est accompli. Faites ceci en mémoire de moi. Je vous ai lavé les pieds pour vous apprendre à être humbles et purs comme votre Maître. Car je vous dis qu’en vérité les disciples doivent être comme leur Maître. Souvenez-vous-en bien. Même quand vous serez haut placés, souvenez-vous-en. Le disciple n’est pas plus grand que son Maître. De même que je vous ai lavé les pieds, faites-le entre vous. En d’autres termes, aimez-vous comme des frères, en vous aidant et en vous vénérant mutuellement, et en étant un exemple les uns pour les autres.

Et soyez purs, pour être dignes de manger le Pain vivant descendu du Ciel et pour avoir en vous et par lui la force d’être mes disciples, dans un monde ennemi qui vous haïra à cause de mon nom. Mais l’un de vous n’est pas pur. L’un de vous me trahira. Mon esprit en est fortement troublé… La main de celui qui me trahit est avec moi sur cette table, et ni mon amour, ni mon corps, ni mon sang, ni ma parole ne le font se raviser et se repentir. Je lui aurais pardonné, en allant à la rencontre de la mort pour lui aussi. »

Terrifiés, les disciples se regardent. Ils se scrutent, se suspectant l’un l’autre. Pierre fixe Judas, tous ses doutes sont réveillés. Jude se lève brusquement pour dévisager Judas au-dessus de Matthieu.

Mais Judas montre une telle assurance ! A son tour, il observe attentivement Matthieu comme s’il le suspectait, puis il regarde Jésus et sourit en demandant:

« Serait-ce moi ? »

Il paraît être le plus sûr de son honnêteté. Il me semble qu’il dit cela pour ne pas laisser tomber la conversation.

Jésus réitère son geste en disant :

« Tu le dis, Judas, fils de Simon. Ce n’est pas moi, c’est toi qui le dis. Je ne t’ai pas nommé. Pourquoi t’accuses-tu ? Interroge ton conseiller intérieur, ta conscience d’homme, la conscience que Dieu le Père t’a donnée pour te conduire en homme, et vois si elle t’accuse. Tu le sauras avant tous les autres. Mais si elle te rassure, pourquoi parler, et pourquoi y penser ? En parler ou y penser est anathème, même pour plaisanter. »

Jésus s’exprime tranquillement. Il semble soutenir la thèse proposée comme peut le faire un savant à ses élèves. L’émoi est grand, mais le calme de Jésus l’apaise.

600.17

Cependant, Pierre, qui soupçonne le plus Judas — peut-être Jude aussi, mais il paraît moins suspicieux, désarmé comme il l’est par la désinvolture de Judas —, tire Jean par la manche. Quand Jean, qui s’est tout serré contre Jésus en entendant parler de trahison, se retourne, il lui murmure:

« Demande-lui qui c’est. »

Jean reprend sa position et lève seulement la tête comme pour embrasser Jésus, et en même temps il lui murmure à l’oreille :

« Maître, qui est-ce ? »

Et Jésus, très doucement, en lui rendant le baiser dans les cheveux :

« Celui à qui je vais donner un morceau de pain trempé. »

Il prend alors un pain encore entier, pas le reste de celui qui a servi pour l’Eucharistie, en détache une grosse bouchée, la trempe dans la sauce de l’agneau dans le plateau, étend le bras par dessus la table, et dit:

« Prends, Judas. Tu aimes cela.

– Merci, Maître. Oui, j’aime cela. »

Ne sachant pas ce qu’est cette bouchée, il mange à pleines dents le pain accusateur, tandis que Jean, horrifié, va jusqu’à fermer les yeux pour ne pas voir l’horrible rire de Judas.

« Bon ! Va, maintenant que je t’ai fait plaisir » dit Jésus à Judas. « Tout est accompli, ici (il souligne fortement ce mot). Ce qu’il te reste à faire ailleurs, fais-le vite, Judas, fils de Simon.

– Je t’obéis aussitôt, Maître. Je te rejoindrai plus tard, à Gethsémani. C’est bien là que tu vas, comme toujours, n’est-ce pas ?

– J’y vais… comme toujours… oui.

– Qu’est-ce qu’il doit faire ? » demande Pierre. « Il part seul ?

– Je ne suis pas un enfant, plaisante Judas tout en mettant son manteau.

– Laisse-le aller. Lui et moi savons ce qu’il doit faire, répond Jésus.

– Bien, Maître. »

Pierre se tait. Peut-être pense-t-il avoir péché en soupçonnant son compagnon. La main sur le front, il réfléchit.

Jésus serre Jean sur son cœur et se tourne pour lui murmurer dans les cheveux :

« Ne dis rien à Pierre pour le moment. Ce serait un scandale inutile.

– Adieu, Maître. Adieu, mes amis. »

Judas salue.

« Adieu » dit Jésus.

Et Pierre :

« Je te salue, mon garçon. »

Jean, la tête posée presque sur le cœur de Jésus, murmure :

« Satan ! »

Jésus seul l’entend, et il soupire.

A ce moment, tout s’arrête, mais Jésus explique :

« Je suspends cette vision par pitié pour toi. Je te montrerai la fin de la Cène à un autre moment. »

600.18

(La vision de la Cène reprend)

Il y a quelques minutes de silence absolu. Jésus, la tête penchée, caresse machinalement les cheveux blonds de Jean.

Puis il se secoue, lève la tête, tourne les yeux, a un sourire qui réconforte les disciples. Il déclare :

« Levons-nous de table et asseyons-nous tous les uns près des autres, comme des fils autour de leur père. »

Ils prennent les lits-sièges qui étaient derrière la table (ceux de Jésus, Jean, Jacques, Pierre, Simon, André et de Jacques, le cousin de Jésus) et ils les portent de l’autre côté.

Jésus prend place sur le sien, toujours entre Jacques et Jean. Mais quand il voit qu’André s’apprête à s’asseoir à la place laissée par Judas, il s’écrie :

« Non, pas là ! »

C’est un cri impulsif que son extrême prudence ne parvient pas à retenir. Puis il se reprend :

« Nous n’avons pas besoin de tant de place. En restant assis, on peut tenir sur ces seuls sièges. Ils suffisent. Je vous veux très proches de moi. »

Par rapport à la table, ils sont maintenant placés comme suit[10] :

Autrement dit, ils sont assis en U. Jésus est au centre et a devant lui la table — débarassée de nourriture désormais —, et la place de Judas

Jacques, fils de Zébédée, appelle Pierre :

« Mets-toi ici. Moi, je m’assieds sur ce petit tabouret, aux pieds de Jésus.

– Que Dieu te bénisse, Jacques ! J’en avais tellement envie ! » dit Pierre,

Et il se presse contre son Maître, qui est ainsi serré de près par Jean et Pierre, avec Jacques à ses pieds.

Jésus sourit :

« Je vois que mes paroles de tout à l’heure commencent à opérer : les bons frères s’aiment. Moi aussi, je te dis, Jacques : “ Que Dieu te bénisse. ” Même ce geste, l’Eternel ne l’oubliera pas, et tu le trouveras là-haut.

600.19

Moi, je puis tout ce que je demande. Vous l’avez vu. Il m’a suffi d’un désir pour que le Père accorde au Fils de se donner en nourriture à l’homme. Avec ce qui vient d’arriver, le Fils de l’homme a été glorifié, car pouvoir opérer un tel miracle — qui n’est possible qu’aux amis de Dieu — est un témoignage. Plus grand est le miracle, plus sûre et plus profonde est cette amitié divine. C’est un miracle qui, par sa forme, sa durée et sa nature, par son étendue et les limites qu’il atteint, est le plus fort qui puisse exister. Je vous le dis : il est si puissant, surnaturel, inconcevable pour l’homme orgueilleux, que bien peu le comprendront comme il doit être compris, et que beaucoup le négligeront. Que dirai-je alors ? Qu’ils doivent être condamnés ? Non. Bien plutôt : pitié pour eux !

Mais plus grand est le miracle, plus grande est la gloire qui en revient à son auteur. C’est Dieu lui-même qui dit : “ Mon bien-aimé l’a voulu, il l’a obtenu, et c’est moi qui le lui ai accordé, parce qu’il possède une grande grâce à mes yeux. ” Il dit encore ici : “ Il a une grâce infinie, comme est infini le miracle qu’il a accompli. ” La gloire que Dieu rend à l’auteur du miracle est égale à la gloire que son auteur rend au Père. Car toute gloire spirituelle, venant de Dieu, remonte à sa source. Et la gloire de Dieu, bien qu’elle soit infinie, s’accroît toujours plus et brille par la gloire de ses saints. C’est pourquoi je vous dis : de même que le Fils de l’homme a été glorifié par Dieu, Dieu a été glorifié par le Fils de l’homme. J’ai glorifié Dieu en moi-même. A son tour, Dieu glorifiera son Fils en lui… et dans bien peu de temps !

600.20

Exulte, toi qui reviens à ton Siège, ô essence spirituelle de la seconde Personne ! Exulte, ô chair qui vas remonter après un si long exil dans la fange ! Et ce n’est pas le paradis d’Adam, mais le Paradis sublime du Père qui va t’être donné pour demeure. S’il a été dit[11] que, sous l’effet de la stupéfaction devant un commandement de Dieu transmis par la bouche d’un homme, le soleil s’est arrêté, que n’arrivera-t-il pas aux astres quand ils verront le prodige de la chair de l’Homme monter prendre place à la droite du Père dans sa perfection de matière glorifiée ?

Mes petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je reste avec vous. Vous me chercherez comme des orphelins leur père mort. En larmes, vous marcherez en parlant de lui ; vous frapperez en vain à son tombeau muet, vous frapperez aux portes azur du Ciel, de toute votre âme lancée dans une suppliante recherche d’amour. Et vous direz : “ Où est notre Jésus ? Nous voulons le retrouver. Sans lui, il n’est plus de lumière dans le monde, ni de joie, ni d’amour. Rendez-le-nous, ou bien laissez-nous entrer. Nous voulons être là où il se trouve. ” Mais, pour le moment, vous ne pouvez venir où je vais. Ce que j’ai dit aux juifs[12] : “ Vous me chercherez, mais là où je vais, vous ne pouvez venir ”, à vous aussi je le dis maintenant.

600.21

Pensez à ma Mère… Elle non plus ne pourra venir là où je vais. Pourtant, j’ai quitté le Père pour venir à elle et devenir Jésus dans son sein sans tache. Pourtant, c’est de l’Inviolée que je suis venu dans l’extase lumineuse de ma nativité ; et c’est de son amour, devenu lait, que je me suis nourri ; je suis fait de pureté et d’amour, car Marie m’a nourri de sa virginité, fécondée par l’Amour parfait qui vit au Ciel. Pourtant, c’est grâce à elle que j’ai grandi, en lui coûtant fatigues et larmes… Quoi qu’il en soit, je lui demande un héroïsme tel que jamais il n’en fut, et auprès duquel celui de Judith et de Yaël apparaît comme le courage de bonnes femmes se disputant avec leur rivale près de la fontaine de leur village. Pourtant, nul ne saurait l’égaler quand il s’agit de m’aimer. Et, malgré cela, je la quitte et je pars là où elle ne viendra que beaucoup plus tard. Je n’adresse pas à ma Mère le commandement que je vous laisse : “ Sanctifiez-vous année après année, mois après mois, jour après jour, heure après heure, pour pouvoir venir à moi quand votre heure viendra ” : d’ores et déjà, elle est toute grâce et toute sainteté. Elle est la créature qui a tout eu et qui a tout donné. Il n’y a rien à ajouter ni à enlever. Elle est le très saint témoignage de ce que peut Dieu.

600.22

Mais, pour être certain que vous avez en vous la capacité de me rejoindre, et d’oublier la douleur du deuil de la séparation de votre Jésus, je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. C’est ainsi que l’on saura que vous êtes mes disciples. Quand un père a de nombreux enfants, à quoi reconnaît-on qu’ils le sont ? C’est moins l’aspect physique qui le montre — car il y a des hommes qui ressemblent à un autre homme avec lequel ils n’ont aucun lien commun de sang ou de nation —, que leur amour commun pour leur famille, pour leur père, et entre eux. Après la mort du père, une bonne famille ne se désagrège pas : c’est le même sang — provenant de la semence du père — qui coule dans les veines de tous, et cela tisse des liens que la mort elle-même ne dénoue pas, parce que l’amour est plus fort que la mort. Or, si vous vous aimez même après mon départ, tous reconnaîtront que vous êtes mes fils et par conséquent mes disciples, et que vous êtes frères, ayant eu un seul père.

600.23

– Seigneur Jésus, où vas-tu ? demande Pierre.

– Là où je vais, tu ne peux me suivre pour le moment. Plus tard, tu me suivras.

– Pourquoi pas dès maintenant ? Je t’ai toujours suivi depuis que tu m’as dit : “ Suis-moi. ” J’ai tout abandonné sans regret… Or, si tu t’en allais sans ton pauvre Simon, en me laissant sans toi, mon Tout, alors que pour toi j’ai quitté le peu de bien que je possédais, ce ne serait ni juste ni beau de ta part. Tu vas à la mort ? C’est bien. Je viens moi aussi. Partons ensemble dans l’autre monde. Mais auparavant, je t’aurai défendu. Je suis prêt à donner ma vie pour toi.

– Tu donnerais ta vie pour moi ? Maintenant ? Non, pas maintenant. En vérité, je te l’affirme : le coq ne chantera pas que tu ne m’aies renié trois fois. Nous en sommes encore à la première veille. Puis viendra la seconde… et puis la troisième. Avant que résonne le chant du coq, tu auras par trois fois renié ton Seigneur.

– Impossible, Maître ! Je crois à tout ce que tu dis, mais pas à cela. Je suis sûr de moi.

– Tu en es sûr pour l’instant, parce que tu m’as encore. Tu as Dieu avec toi. D’ici peu, le Dieu incarné sera pris, et vous ne l’aurez plus. Et Satan, après vous avoir déjà appesantis — ton assurance elle-même est une ruse de Satan, un poids pour t’appesantir —, vous effraiera. Il vous insinuera : “ Dieu n’existe pas. Moi, j’existe. ” Et malgré l’aveuglement de votre esprit causé par l’épouvante, vous raisonnerez encore, et vous comprendrez que, lorsque Satan est le maître du moment, le Bien est mort et le Mal est à l’œuvre, l’esprit est abattu et l’humain triomphe. Alors vous resterez comme des guerriers sans chef, poursuivis par l’ennemi ; dans votre frayeur de vaincus, vous courberez l’échine devant le vainqueur et, pour n’être pas tués, vous renierez le héros tombé.

600.24

Mais, je vous en prie, que votre cœur ne se trouble pas. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi, en dépit des apparences. Que tous croient en ma miséricorde et en celle du Père, celui qui reste comme celui qui prend la fuite, celui qui se tait comme celui qui dira : “ Je ne le connais pas. ” Croyez également en mon pardon. Et sachez que, quels que soient vos actes futurs, dans le bien et dans ma doctrine, dans mon Eglise par conséquent, ils vous vaudront une même place au Ciel.

Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures. S’il n’en était pas ainsi, je vous l’aurais dit. Je pars en avant pour vous préparer une place. Les bons pères n’agissent-ils pas ainsi quand ils doivent emmener leur petite famille ailleurs ? Ils partent à l’avance préparer la maison, le mobilier, les provisions, puis ils viennent chercher leurs enfants les plus chers. C’est par amour qu’ils font cela, pour que rien ne manque aux petits et qu’ils ne souffrent pas dans le nouveau village. J’agis de même, et pour le même motif. Maintenant, je m’en vais. Et quand j’aurai préparé une place pour chacun dans la Jérusalem céleste, je reviendrai vous prendre pour que vous soyez avec moi là où je suis, là où il n’y aura ni mort, ni deuil, ni larmes, ni cris, ni faim, ni douleur, ni ténèbres, ni feu, mais seulement lumière, paix, béatitude et chant.

Oh! chant des Cieux très hauts quand les douze élus siègeront sur les trônes aux côtés des douze patriarches des douze tribus d’Israël… Dressés sur la mer des béatitudes, ils chanteront, dans l’ardeur du feu de l’amour spirituel, le cantique éternel qui aura pour arpège l’éternel alléluia de l’armée angélique…

600.25

Je veux que, là où je serai, vous soyez vous aussi. Et vous savez où je vais, vous en connaissez le chemin.

– Seigneur, nous ne savons rien ! Tu ne nous dis pas où tu vas. Comment donc pouvons-nous connaître le chemin à prendre pour venir vers toi et pour abréger l’attente ? demande Thomas.

– Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Vous me l’avez entendu dire et expliquer plusieurs fois et, en vérité, certains qui ignoraient jusqu’à l’existence d’un Dieu, ont progressé sur ce chemin — sur mon chemin — et ont déjà de l’avance sur vous. Oh ! où es-tu, brebis perdue de Dieu que j’ai ramenée au bercail ? Où es-tu, toi dont l’âme est ressuscitée ?

– De qui parles-tu ? De Marie, sœur de Lazare ? Elle est à côté, avec ta Mère. Tu veux la voir ? Ou bien Jeanne ? Elle est sûrement dans son palais, mais si tu veux, nous allons l’appeler…

– Non. Non, je ne parle pas d’elles… Je pense à celle qui ne sera dévoilée qu’au Ciel… et à Photinaï[13]… Elles m’ont trouvé et n’ont plus quitté mon chemin. A l’une, j’ai indiqué le Père comme vrai Dieu et l’Esprit comme lévite dans cette adoration individuelle. A l’autre, qui ignorait même qu’elle avait une âme, j’ai dit : “ Mon nom est Sauveur. Je sauve celui qui a la volonté d’être sauvé. Je suis celui qui vais à la recherche des égarés pour leur donner la vie, la vérité et la pureté. Qui me cherche me trouve. ” Et toutes deux ont trouvé Dieu… Je vous bénis, Eves faibles devenues plus fortes que Judith… Je viens, je viens là où vous êtes … Vous me consolez… Soyez bénies !

600.26

– Seigneur, montre-nous le Père, et nous serons semblables à elles, demande Philippe.

– Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui me voit, voit le Père. Comment peux-tu dire : “ Montre-nous le Père ” ? Tu n’arrives pas à croire que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c’est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit toutes mes œuvres. Vous ne croyez pas que je suis dans le Père et lui en moi ? Que dois-je dire pour vous faire croire ? Si vous ne croyez pas à mes paroles, croyez au moins à cause des œuvres.

Oui, vraiment, je vous l’affirme : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. Tout ce que vous demanderez en invoquant mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en invoquant mon nom, je le ferai. Mon nom est connu, pour ce qu’il est réellement, de moi seul, du Père qui m’a engendré et de l’Esprit qui procède de notre amour. Et par ce nom tout est possible. Qui pense à mon nom avec amour m’aime, et obtient.

Mais il ne suffit pas de m’aimer. Il faut observer mes commandements pour avoir le véritable amour. Ce sont les œuvres qui témoignent des sentiments et, au nom de cet amour, je prierai le Père, et lui vous donnera un autre Consolateur pour rester à jamais avec vous. C’est l’Esprit de vérité que Satan et le monde ne peuvent atteindre, que le monde ne peut recevoir et ne peut frapper, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas. Il s’en moquera. Mais lui est si élevé que le mépris ne pourra l’atteindre. Infiniment compatissant, il demeurera toujours avec celui qui l’aime, même s’il est pauvre et faible. Vous le connaîtrez, car il demeure déjà avec vous et sera bientôt en vous.

600.27

Je ne vous laisserai pas orphelins. Je vous l’ai déjà dit : “ Je reviendrai à vous. ” Mais je viendrai avant l’heure de venir vous prendre pour aller dans mon Royaume. Je viendrai à vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me voyez et vous me verrez, parce que je vis et que vous vivez, parce que je vivrai et que, vous aussi, vous vivrez. Ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous. Car celui qui fait bon accueil à mes commandements et les observe, celui-là m’aime ; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père et il possédera Dieu, car Dieu est charité et celui qui aime a Dieu en lui. Et moi aussi je l’aimerai, car en lui je verrai Dieu, et je me manifesterai à lui en lui faisant connaître les secrets de mon amour, de ma sagesse, de ma Divinité incarnée. Tels seront mes retours parmi les fils des hommes, car je les aime, bien qu’ils soient faibles, sinon même ennemis. Mais ceux-ci seront seulement faibles. Je les fortifierai et je leur dirai : “ Lève-toi ! ”, “ Viens dehors ! ”, “ Suis-moi ”, “ Ecoute ”, “ Ecris ”… et vous êtes de ceux-ci.

– Pourquoi, Seigneur, te manifestes-tu à nous et pas au monde ? demande Jude.

– Parce que vous m’aimez et observez mes paroles. Celui qui agira ainsi sera aimé de mon Père, nous viendrons à lui et nous établirons notre demeure chez lui, en lui. En revanche, celui qui ne m’aime pas n’observe pas mes paroles et agit selon la chair et le monde. Maintenant, sachez que ce que je vous ai dit n’est pas parole de Jésus de Nazareth, mais parole du Père, car je suis le Verbe du Père qui m’a envoyé. Je vous ai dit cela en parlant ainsi, avec vous, parce que je veux vous préparer moi-même à la possession complète de la vérité et de la sagesse. Mais vous ne pouvez encore comprendre et vous souvenir. Quand le Consolateur viendra sur vous, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, alors vous pourrez comprendre. Il vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit.

600.28

Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. Je vous la donne, non comme la donne le monde, ni même comme je vous l’ai donnée jusqu’à présent : la salutation bénie du Béni à ceux qui sont bénis. Plus profonde est la paix que je vous donne maintenant. Au moment de ces adieux, je me communique moi-même à vous, avec mon Esprit de paix, comme je vous ai communiqué mon corps et mon sang, pour qu’il reste en vous une force dans la bataille imminente. Satan et le monde vont déchaîner la guerre contre votre Jésus. C’est leur heure. Ayez en vous la paix, mon Esprit qui est un esprit de paix, car je suis le Roi de la paix. Gardez-la pour ne pas vous sentir trop abandonnés. Souffrir avec la paix de Dieu en soi permet d’éviter tout blasphème et tout désespoir.

Ne pleurez pas. Vous m’avez entendu dire : “ Je vais au Père, puis je reviendrai. ” Si vous m’aimiez au-delà de la chair, vous vous réjouiriez, car je vais au Père après un si long exil… Je vais vers celui qui est plus grand que moi et qui m’aime. Je vous le dis maintenant, avant l’événement, comme je vous ai annoncé toutes les souffrances du Rédempteur avant d’aller vers elles afin que, lorsque tout sera accompli, vous croyiez toujours plus en moi. Ne vous troublez pas ainsi ! Ne vous effrayez pas. Votre cœur a besoin d’équilibre…

600.29

Je n’ai plus beaucoup à m’entretenir avec vous… et j’ai encore tant à dire ! Arrivé au terme de mon évangélisation, il me semble n’avoir encore rien dit, et il reste tant à faire ! Votre état augmente cette sensation. Que dirai-je, alors ? Que j’ai manqué à mon devoir ? Ou que vous êtes si durs de cœur que cela n’a servi à rien ? Vais-je douter ? Non. Je me fie à Dieu et je vous confie à lui, vous, mes bien-aimés. C’est lui qui accomplira l’œuvre de son Verbe. Je ne suis pas un père qui meurt et n’a d’autre lumière que l’humaine. Moi, j’espère en Dieu. Je m’avance donc vers mon sort sereinement, malgré mon envie pressante de vous donner les conseils dont je me rends compte que vous avez besoin… mais je vois fuir le temps. Je sais que sur les semences tombées en vous, une rosée va descendre qui les fera toutes germer ; puis viendra le soleil du Paraclet, et elles deviendront un arbre puissant. Le prince de ce monde vient, et je n’ai rien à faire avec lui. D’ailleurs, si ce n’avait été dans un but de rédemption, il n’aurait rien pu sur moi. Mais cela arrive afin que le monde sache que j’aime le Père, que je l’aime jusqu’à l’obéissance qui me soumet à la mort, et que j’agis comme il me l’a ordonné.

600.30

C’est l’heure de partir. Levez-vous, et écoutez mes ultimes paroles.

Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui ne porte pas de fruit, il le retranche ; tout sarment qui donne du fruit, il l’émonde, pour qu’il en donne davantage. Vous êtes déjà purifiés, grâce à ma parole. Demeurez en moi, et moi en vous pour le rester. De même que le sarment coupé de la vigne ne peut donner du fruit, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis la vigne, et vous les sarments. Celui qui reste uni à moi porte beaucoup de fruit. Mais si l’un se détache, il devient un rameau sec que l’on jette au feu et que l’on brûle : car si vous ne m’êtes pas uni, vous ne pouvez rien faire. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l’obtiendrez. Ce qui glorifie mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit, et qu’ainsi vous deveniez mes disciples.

600.31

Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour, qui sauve. Si vous m’aimez, vous serez obéissants, et l’obéissance fait croître l’amour réciproque. Ne dites pas que je me répète. Je connais votre faiblesse, et je veux que vous soyez sauvés. Je vous ai dit cela afin que la joie que j’ai voulu vous donner soit en vous et soit parfaite. Aimez-vous, aimez-vous ! C’est mon commandement nouveau. Aimez-vous les uns les autres plus que chacun de vous ne s’aime lui-même. Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis et moi, je donne ma vie pour vous. Faites ce que je vous enseigne et commande.

Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, alors que vous, vous savez ce que je fais. Vous savez tout de moi. Je vous ai manifesté non seulement moi-même, mais aussi le Père et le Paraclet, et tout ce que j’ai entendu de Dieu.

Ce n’est pas vous qui vous êtes choisis. C’est moi qui vous ai choisis, et je vous ai élus afin que vous alliez parmi les peuples, que vous portiez du fruit en vous et dans le cœur des personnes qui seront évangélisées, et que votre fruit demeure. Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.

600.32

Ne dites pas : “ Si tu nous as choisis, pourquoi avoir aussi choisi un traître ? Si tu connais tout, pourquoi avoir fait cela ? ” Ne vous demandez pas non plus qui est cet homme. Ce n’est pas un homme, c’est Satan. Je l’ai dit à mon ami fidèle, et je l’ai laissé dire par mon enfant bien-aimé. C’est Satan. Si Satan, l’éternel singe de Dieu, ne s’était pas incarné en une chair mortelle, ce possédé n’aurait pu se soustraire à mon pouvoir de Jésus. J’ai dit : “ possédé ”, mais non, il est bien davantage. Il est anéanti en Satan.

– Pourquoi, toi qui as chassé les démons, ne l’as-tu pas délivré ? demande Jacques, fils d’Alphée.

– Demandes-tu cela par amour pour toi, par peur de l’être ? Ne crains rien.

– Moi alors ?

– Moi ?

– Moi ?

– Taisez-vous. Je ne révèlerai pas ce nom. Je fais preuve de miséricorde. Faites-en autant.

– Mais pourquoi ne l’as-tu pas vaincu ? Tu ne le pouvais pas ?

– Si, je le pouvais. Mais pour empêcher Satan de s’incarner pour me tuer, j’aurais dû exterminer l’espèce humaine avant la Rédemption. Qu’aurais-je racheté, dans ce cas ?

– Dis-le-moi, Seigneur, dis-le-moi ! »

Pierre s’est laissé glisser à genoux, et il secoue frénétiquement Jésus, comme s’il était en proie au délire.

« Est-ce moi ? Est-ce moi ? Je m’examine… Il ne me semble pas. Mais… tu as dit que je te renierai… Et j’en tremble… Quelle horreur si c’était moi !…

– Non, Simon, fils de Jonas, pas toi.

– Pourquoi m’as-tu enlevé mon nom de “ Pierre ” ? Je suis donc redevenu Simon ? Tu vois ? Tu le dis toi-même ! C’est moi ! Mais comment ai-je pu ? Dites-le… dites-le, vous… Quand ai-je pu devenir traître ?… Simon ?… Jean ?… Mais parlez !

– Pierre, Pierre, Pierre ! Je t’appelle Simon parce que je pense à notre première rencontre, lorsque tu étais Simon. Et je pense combien tu as toujours été loyal dès le premier moment. Ce n’est pas toi. C’est moi qui te l’affirme, or je suis la Vérité.

– Qui, alors ?

– Mais c’est Judas ! Tu ne l’as pas encore compris ? crie Jude, qui n’arrive plus à se contenir.

– Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? Pourquoi ? crie aussi Pierre.

– Silence ! C’est Satan. Il n’a pas d’autre nom. Où vas-tu, Pierre ?

– Le chercher.

– Dépose immédiatement ce manteau et cette arme. Ou bien devrais-je te chasser et te maudire ?

– Non, non ! Oh ! mon Seigneur ! Mais moi… mais moi… Je suis peut-être malade de délire, moi ? Oh ! »

Pierre se jette à terre aux pieds de Jésus et pleure.

600.33

– Ce que je vous commande, c’est de vous aimer et de pardonner. Avez-vous compris ? Si le monde connaît la haine, n’ayez en vous que de l’amour. Pour tous. Combien de traîtres trouverez-vous sur votre route ! Mais vous ne devez pas haïr et rendre le mal pour le mal. Autrement, le Père ne vous pardonnera pas. J’ai été haï et trahi avant vous. Et pourtant, vous le voyez, je ne hais personne. Le monde ne peut aimer ce qui n’est pas comme lui. Il ne vous aimera donc pas. Si vous lui apparteniez, il vous aimerait ; mais vous n’êtes pas du monde, car je vous ai pris du milieu du monde, et c’est pour cela que vous êtes détestés.

Je vous ai dit : le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. S’ils m’ont écouté, ils vous écouteront vous aussi. Mais ils feront tout à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas, ne veulent pas connaître Celui qui m’a envoyé. Si je n’étais pas venu et ne leur avais pas parlé, ils ne seraient pas coupables, mais maintenant leur péché est sans excuse. Ils ont vu mes œuvres, entendu mes paroles, et pourtant ils m’ont haï, et avec moi le Père, parce que le Père et moi, nous sommes une seule Unité avec l’Amour. Mais il était écrit[14] :

“ Tu m’as haï sans raison. ” Cependant, quand viendra le Consolateur, l’Esprit de vérité qui procède du Père, ce sera lui qui rendra témoignage en ma faveur, et vous aussi, vous me rendrez témoignage parce que vous êtes avec moi depuis le commencement.

Je vous dis tout cela pour que, l’heure venue, vous ne succombiez pas et ne vous scandalisiez pas. Le temps va venir où on vous chassera des synagogues et où quiconque vous mettra à mort s’imaginera rendre un culte à Dieu. Ceux-là n’ont connu ni le Père ni moi. C’est là leur excuse. Je ne vous ai pas autant explicité ces vérités auparavant, parce que vous étiez comme des enfants nouveaux-nés. Mais maintenant, votre mère vous quitte. Je m’en vais. Vous devez vous accoutumer à une autre nourriture. Je veux que vous la connaissiez.

600.34

Personne ne me demande plus : “ Où vas-tu ? ” La tristesse vous rend muets. Pourtant, c’est votre intérêt que je m’en aille, sinon le Consolateur ne viendra pas. C’est moi qui vous l’enverrai. A sa venue, par la sagesse et la parole, les œuvres et l’héroïsme qu’il déversera en vous, il convaincra le monde de son péché déicide et de la justice de ma sainteté. Et le monde sera nettement divisé en réprouvés, ennemis de Dieu, et en croyants. Ces derniers seront plus ou moins saints, selon leur volonté. Mais le prince du monde et ses serviteurs seront déjà condamnés. Je ne puis vous en dire davantage, car vous ne pouvez encore comprendre. Mais lui, le divin Paraclet, vous apprendra la vérité tout entière. Il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira tout ce qu’il aura entendu de l’Esprit de Dieu, et il vous annoncera l’avenir. Il reprendra ce qui vient de moi, c’est-à-dire ce qui encore appartient au Père, pour vous le faire connaître.

Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus. Puis encore un peu, et vous me reverrez.

600.35

Vous murmurez entre vous et dans votre cœur. Ecoutez une parabole, la dernière de votre Maître.

Quand une femme a conçu et arrive à l’heure de l’enfantement, elle est dans une grande affliction, car elle souffre et gémit. Mais une fois que son bébé est né et qu’elle le serre sur son cœur, toute peine cesse, et sa douleur se change en joie parce qu’un homme est venu au monde.

Vous de même, vous pleurerez et le monde se gaussera de vous. Mais ensuite votre tristesse se changera en joie, une joie que le monde ne connaîtra jamais. Vous êtes maintenant dans la tristesse, mais quand vous me reverrez, votre cœur se réjouira et personne ne pourra vous ravir votre joie. Elle sera si grande qu’elle estompera tout besoin de demander, que ce soit pour l’esprit, pour le cœur ou pour la chair. Vous vous repaîtrez seulement de ma vue, oubliant toute autre chose. Dès lors, quoi que vous demandiez au Père en mon nom, il vous l’accordera, afin que votre joie soit parfaite. Demandez, et vous recevrez.

L’heure vient où je pourrai vous entretenir ouvertement du Père. Ce sera parce que vous aurez été fidèles dans l’épreuve et que tout sera surmonté. Votre amour sera parfait, car il vous aura donné la force dans l’épreuve. Et ce qui vous manquera, je vous l’ajouterai en puisant dans mon immense trésor. Je dirai au Père : “ Tu le vois : ils m’ont aimé et ils ont cru que je suis venu de toi. ” Je suis descendu dans le monde ; maintenant, je le quitte, je vais vers le Père, et je prierai pour vous.

600.36

–Ah ! maintenant, tu t’expliques. Maintenant, nous savons ce que tu veux dire et que tu connais tout, et que tu n’as pas besoin qu’on t’interroge pour répondre. Vraiment, tu viens de Dieu !

–Vous croyez à présent ? A la dernière heure? Cela fait trois ans que je vous parle ! Mais déjà opèrent en vous le Pain, qui est Dieu, et le Vin, qui est Sang, qui n’est pas venu de l’homme et vous donne le premier frisson de la déification. Vous deviendrez des dieux si vous persévérez dans mon amour et dans ma possession. Non pas comme Satan l’a dit à Adam et Eve, mais comme je vous le dis, moi. C’est le véritable fruit de l’arbre du bien et de la vie. Le mal est vaincu par qui s’en nourrit, et la mort est morte. Qui en mange vivra éternellement et deviendra “ dieu ” dans le Royaume de Dieu. Vous serez des dieux si vous demeurez en moi. Et pourtant … vous avez beau avoir en vous ce Pain et ce Sang, l’heure vient où vous serez dispersés : vous vous en irez chacun de votre côté et vous me laisserez seul… Mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi. Père, Père ! Ne m’abandonne pas ! Je vous ai tout dit… pour vous donner la paix, ma paix. Vous serez encore opprimés. Mais ayez foi, j’ai vaincu le monde. »

600.37

Jésus se lève, ouvre les bras en croix et dit avec un visage lumineux la sublime prière au Père. Jean la rapporte intégralement[15].

Les apôtres pleurent plus ou moins ouvertement et bruyamment. Pour finir, ils chantent un hymne.

600.38

Jésus les bénit, puis il ordonne :

« Mettons nos manteaux et partons. André, demande au maître de maison de tout laisser en l’état, c’est ma volonté. Demain… cela vous fera plaisir de revoir ce lieu. »

Jésus le regarde. Il paraît bénir les murs, le mobilier, tout. Puis il prend son manteau et s’éloigne, suivi des disciples. Près de lui se trouve Jean, auquel il s’appuie.

« Tu ne salues pas ta Mère ? lui demande le fils de Zébédée.

– Non, tout est déjà fait. Au contraire, ne faites pas de bruit. »

Simon, qui a allumé une torche à la lampe, éclaire le vaste corridor qui mène à la porte. Pierre ouvre avec précaution le portail, et ils sortent tous sur le chemin, puis, faisant jouer une clé, ils ferment du dehors et se mettent en route.

[Le 17 février 1944]

600.39

Jésus dit :

« De l’épisode de la Cène, en plus de la considération de la charité d’un Dieu qui se fait nourriture pour les hommes, quatre enseignements principaux ressortent.

Premièrement : la nécessité pour tous les enfants de Dieu d’obéir à la Loi.

La Loi prescrivait que l’on devait, pour la Pâque, consommer l’agneau selon le rituel indiqué par le Très-Haut à Moïse. En vrai Fils du vrai Dieu, je ne me suis pas considéré, en raison de ma qualité divine, comme exempt de la Loi. J’étais sur la terre, homme parmi les hommes et Maître des hommes. Je devais donc accomplir mon devoir d’homme envers Dieu comme les autres et mieux qu’eux. Les faveurs divines ne dispensent pas de l’obéissance et de l’effort vers une sainteté toujours plus grande. Si vous comparez la sainteté la plus élevée à la perfection divine, vous la trouvez toujours pleine de défauts, donc vous êtes tenus de tout faire pour les éliminer et atteindre un degré de perfection autant que possible semblable à celui de Dieu.

600.40

Deuxièmement : la puissance de la prière de Marie.

J’étais Dieu fait chair, une chair qui, pour être sans tache, possédait la force spirituelle de maîtriser la chair. Néanmoins je ne refuse pas, j’appelle au contraire l’aide de la Pleine de Grâce qui, même à cette heure d’expiation aurait trouvé, c’est vrai, le Ciel fermé au dessus de sa tête, mais pas au point de ne pas réussir à en détacher un ange — elle-même, la Reine des anges — pour réconforter son Fils. Non pas pour elle, pauvre Maman ! Elle aussi a goûté l’amertume de l’abandon du Père. Mais par sa douleur offerte pour la Rédemption, elle m’a obtenu de pouvoir surmonter l’angoisse du Jardin des Oliviers et de porter à terme la Passion, dans toute sa multiforme âpreté, dont chacune visait à laver une forme et un moyen de péché.

600.41

Troisièmement : seuls peuvent être maîtres d’eux-mêmes et supporter les offenses — cette charité sublime par dessus tout — ceux qui mettent au centre de leur vie la loi de charité, que j’ai proclamée, et non seulement proclamée, mais pratiquée réellement.

Vous ne pouvez imaginer ce qu’a pu être pour moi la présence à ma table de celui qui me trahissait… devoir me donner à lui, m’humilier devant lui, partager avec lui la coupe rituelle, poser mes lèvres là où lui les avait posées et demander à ma Mère d’en faire autant… Vos médecins ont discuté et discutent encore sur la rapidité de ma fin. Ils en voient l’origine dans une lésion cardiaque due aux coups de la flagellation. Oui, à cause de ces coups aussi mon cœur était devenu malade. Mais il l’était déjà depuis la Cène, il était brisé, brisé sous l’effort de devoir subir à côté de moi le traître. C’est à partir de cet instant que j’ai commencé à mourir physiquement. Le reste n’a été qu’une aggravation de l’agonie qui existait déjà.

Tout ce que j’ai pu faire, je l’ai fait, car je n’étais qu’un avec la Charité. Même à l’heure où le Dieu-Charité s’éloignait de moi, j’ai su être charité car, pendant trente-trois ans, j’avais vécu de charité. On ne peut parvenir à une perfection telle que celle qui demande de pardonner et de supporter celui qui nous offense si on n’a pas l’habitude de la charité. Moi, je l’avais, de sorte que j’ai pu pardonner et supporter ce chef-d’œuvre d’offenseur que fut Judas.

600.42

Quatrièmement : le sacrement de l’Eucharistie opère d’autant mieux qu’on est digne de le recevoir : si on s’en est rendu digne par une constante volonté qui brise la chair et rend l’esprit souverain, en vainquant les concupiscences, en pliant l’être aux vertus, en le tendant comme un arc vers la perfection des vertus et surtout de la charité.

Quand quelqu’un aime, il désire le bonheur de l’être aimé. Jean, qui m’aimait comme personne et qui était pur, obtint de ce sacrement le maximum de transformation. Il commença à partir de ce moment à être l’aigle auquel il est familier et facile de s’élever jusqu’aux hauteurs du Ciel de Dieu et de fixer le Soleil éternel. Mais malheur à celui qui reçoit ce sacrement sans en être tout à fait digne, mais qui au contraire a fait croître sa constante indignité humaine par des péchés mortels. Il devient alors un germe, non pas de préservation et de vie, mais de corruption et de mort. Mort spirituelle et putréfaction de la chair, qui en “ crève ”, comme dit Pierre[16] de celle de Judas. Elle ne répand pas le sang, ce liquide toujours vital et à la belle couleur pourpre, mais son intérieur noircit sous l’effet de toutes les passions, telle la pourriture qui se déverse de la chair décomposée comme de la charogne d’un animal immonde, et objet de dégoût pour les passants.

La mort de celui qui profane ce sacrement est toujours la mort d’un désespéré et ne connaît donc pas le tranquille décès propre à la personne en grâce, ni l’héroïque trépas de la victime qui souffre horriblement, mais garde le regard tourné vers le Ciel et l’âme assurée de la paix. La mort du désespéré est marquée de contorsions et de terreurs atroces, c’est une convulsion horrible de l’âme déjà saisie par la main de Satan, qui l’étrangle pour l’arracher à la chair et la suffoque par son souffle nauséabond.

Voilà la différence entre la personne qui passe dans l’autre vie après s’être nourrie de charité, de foi, d’espérance comme de toute autre vertu et doctrine céleste, ainsi que du Pain angélique qui l’accompagne avec ses fruits dans son dernier voyage — c’est encore mieux avec la présence réelle —, et la personne qui décède après une vie de brute avec une mort de brute que la grâce et l’Eucharistie ne réconfortent pas.

La première, c’est la fin sereine du saint à qui la mort ouvre le Royaume éternel. La seconde, c’est la chute effrayante du damné qui se voit précipité dans la mort éternelle, et connaît en un instant ce qu’il a voulu perdre sans plus aucune possibilité d’y remédier. Pour l’un, c’est l’enrichissement, pour l’autre le dépouillement. Pour l’un la béatitude, pour l’autre la terreur.

Voilà ce que vous vous obtenez selon votre foi et votre amour, ou votre incroyance et le mépris de mon don. C’est l’enseignement de cette contemplation. »

600.1

Comincia la sofferenza del Giovedì Santo.

Gli apostoli, e sono dieci, si dànno un gran da fare a preparare il Cenacolo.

Giuda, arrampicato sul tavolo, osserva se l’olio è in tutti i palloncini del grande lampadario, che pare una corolla di fucsia doppia, perché ha uno stelo circondato da cinque lumi in ampolle simili a petali, poi un secondo giro, più in basso, che è tutta una coroncina di fiammelle, poi ha, per ultimo, tre esili lampadine sospese a catenelle che sembrano i pistilli del luminoso fiore. Poi scende con un salto e aiuta Andrea a disporre con arte le stoviglie sulla tavola, su cui viene stesa una finissima tovaglia.

Sento Andrea che dice: «Che splendido lino!».

E l’Iscariota: «Uno dei migliori di Lazzaro. Marta l’ha voluta portare per forza».

«E questi calici? e queste anfore, allora?», osserva Tommaso che ha messo il vino nelle anfore preziose e le rimira, specchiandosi nelle loro pance snelle, e ne carezza i manici a cesello con occhio d’intenditore.

«Chissà che valore, eh?», chiede Giuda Iscariota.

«È lavorato a martello. Mio padre ne andrebbe pazzo. L’argento e l’oro in foglia si piega, quando è caldo, con facilità. Ma trattato così… È un momento rovinare tutto. Basta un colpo mal dato. Ci vuole forza e leggerezza insieme. Vedi i manici? Tratti dal blocco. Non saldati. Cose da ricchi… Pensa che tutta la limatura e lo sbozzato si perdono. Non so se mi capisci».

«Eh! se capisco! Insomma è come uno che fa scoltura».

«Proprio così».

Tutti ammirano. Poi tornano al loro lavoro. Chi dispone i sedili e chi fa pronte le credenze.

600.2

Entrano insieme Pietro e Simone.

«Oh! siete venuti finalmente! Dove siete andati di nuovo? Dopo essere giunti col Maestro e noi, siete da capo fuggiti», dice l’Iscariota.

«Ancora un’incombenza prima dell’ora», risponde breve Simone.

«Hai delle malinconie?».

«Credo che, con quello che si è udito in questi giorni, e da quelle labbra che mai trovammo menzognere, ce ne sia ben ragione».

«E con quel puzzo di… Bene, sta’ zitto, Pietro», borbotta Pietro fra i denti.

«Anche tu!… Mi sembri folle da qualche giorno. Hai la faccia di un coniglio selvatico che si sente dietro lo sciacallo», risponde Giuda Iscariota.

«E tu hai il muso della faina. Anche tu non sei molto bello da qualche giorno. Guardi in un modo… Hai persino l’occhio storto… Chi aspetti, o che speri vedere? Sembri sicuro, vuoi farlo parere, ma assomigli a chi ha paura», rimbecca Pietro.

«Oh! Quanto a paura!… Non sei certo un eroe neppure tu!».

«Nessuno lo siamo, Giuda. Tu porti il nome del Maccabeo, ma non lo sei. Io dico, col mio, “Dio fa grazie”, ma ti giuro che ho in me il tremito di chi sa di portare disgrazia e di essere soprattutto in disgrazia di Dio. Simone di Giona, ribattezzato “la pietra”, è ora molle come cera al fuoco. Non si agguanta più col suo volere. E sì che mai lo vidi pauroso nelle più fiere tempeste! Matteo, Bartolmai e Filippo sembrano sonnambuli. Mio fratello e Andrea non fanno che sospirare. I due cugini, in cui è il dolore del sangue con quello dell’amore al Maestro, guardali. Sembrano uomini già vecchi. Tommaso ha perduto la sua giocondità. E Simone sembra tornato il lebbroso sfinito di or sono tre anni, tanto è scavato da un dolore, direi corroso, livido, avvilito», gli risponde Giovanni[1].

600.3

«Sì. Ci ha suggestionati tutti con la sua melanconia», osserva l’Iscariota.

«Mio cugino Gesù, il mio e vostro Maestro e Signore, è e non è melanconico. Se vuoi dire, con questo nome, che è triste per il troppo dolore che tutto Israele gli sta dando, e che noi vediamo, e per l’altro occulto dolore che Egli solo vede, ti dico: “Hai ragione”. Ma se usi quel termine per dirlo folle, te lo proibisco», dice Giacomo di Alfeo.

«E non è follia un’idea fissa di malinconia? Io ho studiato anche il profano. E so. Egli troppo ha dato di Sé. Ora è uno stanco di mente».

«Il che significa demente. Non è vero?», chiede l’altro cugino Giuda, in apparenza calmo.

«Proprio così! Aveva visto bene tuo padre[2], giusto di santa memoria, al quale tanto tu somigli in giustizia e sapienza! Gesù, triste destino di una illustre casa troppo vecchia e colpita da senilità psichica, ha sempre avuto una tendenza a questa malattia. Dolce dapprima, poi sempre più aggressiva. Tu hai visto come ha attaccato farisei e scribi, sadducei ed erodiani. Si è resa impossibile la vita come un cammino sparso di schegge di quarzo. E da Sé se le è sparse. Noi… lo amammo tanto che l’amore ci fu velo. Ma quelli che l’amarono non idolatramente — tuo padre, tuo fratello Giuseppe, e Simone dapprima — videro giusto… Dovevamo aprire gli occhi alle loro parole. Invece siamo stati tutti sedotti dal suo dolce fascino di malato. Ed ora… Mah!».

Giuda Taddeo, che, alto come l’Iscariota, gli è proprio di fronte e pare udirlo con pace, ha uno scatto violento e, con un manrovescio potente, getta Giuda supino su uno dei sedili, e con una collera contenuta nella voce gli fischia, curvandosi sul volto del vigliacco, che non reagisce forse temendo che il Taddeo sia a conoscenza del suo crimine: «Questo per la demenza, rettile! E solo perché Egli è di là, ed è sera di Pasqua, non ti strozzo. Ma pensa, pensalo bene! Se gli avviene del male, e non c’è più Lui a fermare la mia forza, nessuno ti salva. È come tu già avessi il capestro al collo, e saranno queste mie mani oneste e forti, di artiere galileo e di discendente del frombolatore di Golia, che te lo faranno. Alzati, smidollato libertino! E regolati!».

Giuda si alza, livido, senza la minima reazione. E, ciò che mi stupisce, nessuno ha una reazione al gesto nuovo del Taddeo. Anzi!… È chiaro che tutti approvano.

600.4

È appena ricomposto l’ambiente che entra Gesù. Si affaccia sulla soglia della porticina, dalla quale la sua alta persona appena passa, mette piede sul ballatoio di così poco spazio e col suo mite, mesto sorriso dice, aprendo le braccia: «La pace sia con voi». La sua voce è stanca, come quella di uno che languisce nel fisico o nel morale.

Scende. Carezza sul capo biondo Giovanni che gli è corso vicino. Sorride, come ignaro, al cugino Giuda e dice all’altro cugino: «Tua madre ti prega di essere dolce con Giuseppe. Ha chiesto di Me e di te poco fa alle donne. Mi spiace non averlo salutato».

«Lo farai domani».

«Domani?… Ma avrò sempre tempo di vederlo… Oh! Pietro! Staremo un poco insieme, finalmente! Da ieri mi sembri un fuoco fatuo. Ti vedo, poi non ti vedo più. Oggi quasi posso dire che ti ho perso. Anche tu, Simone».

«I nostri capelli più bianchi che neri ti possono fare sicuro che non fummo assenti per fame di carne», dice serio Simone.

«Per quanto… a tutte le età si possa avere quella fame… I vecchi! Peggio dei giovani…», dice l’Iscariota offensivo.

Simone lo guarda e sta per ribattere. Ma lo guarda anche Gesù e dice: «Ti duole un dente? Hai la guancia destra gonfia e rossa».

«Sì. Ho male. Ma non merita occuparsene».

Gli altri non dicono nulla e la cosa muore così.

600.5

«Avete fatto tutto quanto era da fare? Tu, Matteo? E tu, Andrea? E tu, Giuda, hai pensato all’offerta al Tempio?».

Tanto i due primi come l’Iscariota dicono: «Tutto fatto di quello che avevi detto da farsi per oggi. Sta’ quieto».

«Io ho portato le primizie di Lazzaro a Giovanna di Cusa. Per i bambini. Mi hanno detto: “Erano più buone quelle mele!”. Avevano il sapore della fame, quelle! Ed erano le tue mele», dice sorridente e sognante Giovanni.

Anche Gesù sorride ad un ricordo…

«Io ho visto Nicodemo e Giuseppe», dice Tommaso.

«Li hai visti? Hai parlato con loro?», chiede l’Iscariota con interesse esagerato.

«Sì. Che c’è di strano? Giuseppe è un buon cliente del padre mio».

«Non lo avevi detto prima… Mi sono stupito per questo!…». Giuda cerca rimediare all’impressione, data prima, di affanno per l’incontro di Giuseppe e Nicodemo con Tommaso.

«Mi fa strano che non siano venuti qui a venerarti. Non loro, non Cusa, non Mannanen… Nessuno dei…».

Ma l’Iscariota ride con una falsa risata, interrompendo Bartolomeo, e dice: «Il coccodrillo si rintana nell’ora buona».

«Che vuoi dire? Che insinui?», interroga Simone, aggressivo quanto non fu mai.

«Pace, pace! Ma che avete? È sera pasquale! Mai avemmo sì degno apparato alla consumazione dell’agnello. Consumiamo dunque la cena con spirito di pace. Vedo che vi ho molto turbato con le mie istruzioni di queste ultime sere. Ma, vedete? Ho finito! Ora non vi turberò più. Non tutto è detto di quanto a Me si riferisce. Solo l’essenziale. Il resto… lo capirete poi. Vi sarà detto… Sì. Verrà Chi ve lo dirà.

600.6

Giovanni, vai con Giuda e qualche altro a prendere le coppe per la purificazione. E poi sediamo alla mensa». Gesù è di una dolcezza straziante.

Giovanni con Andrea, Giuda Taddeo con Giacomo, portano l’ampia coppa, vi mescono acqua e offrono l’asciugamani a Gesù e ai compagni, i quali poi fanno lo stesso con loro. La coppa (che è un bacile di metallo) viene messa in un angolo.

«Ed ora ai propri posti. Io qui, e qui (alla destra) Giovanni, e dall’altro lato il mio fedele Giacomo. I due primi discepoli. Dopo Giovanni la mia Pietra forte, e dopo Giacomo colui che è come l’aria. Non si avverte. Ma è sempre presente e dà conforto: Andrea. Vicino a lui, mio cugino Giacomo. Tu non ti rammarichi, dolce fratello, se do il primo posto ai primi? Sei il nipote del Giusto, il cui spirito palpita e aleggia su Me, in questa sera, più che mai. Abbi pace, padre della mia debolezza di fanciullino, quercia alla cui ombra ebbero ristoro la Madre e il Figlio! Abbi pace!… Dopo Pietro, Simone… Simone, vieni un momento qui. Voglio fissare il tuo volto leale. Dopo non ti vedrò che male, perché altri mi copriranno la tua onesta faccia. Grazie, Simone. Di tutto», e lo bacia.

Simone, quando è lasciato, va al suo posto portandosi per un attimo le mani al volto con atto di afflizione.

«Di fronte a Simone, il mio Bartolmai. Due onestà e due sapienze che si rispecchiano. Stanno bene insieme. E vicino, tu, Giuda, fratello mio. Così ti vedo,… e mi sembra di essere a Nazaret… quando qualche festa ci riuniva tutti ad una mensa… Anche a Cana… Ricordi? Eravamo insieme. Una festa… una festa di nozze… il primo miracolo… l’acqua mutata in vino… Anche oggi una festa… e anche oggi vi sarà un miracolo… il vino cambierà natura… e sarà…». Gesù si immerge nel suo pensiero. A capo chino, è come isolato nel suo mondo segreto. Gli altri lo guardano e non parlano.

Rialza il capo e fissa Giuda Iscariota, al quale dice: «Tu mi starai di fronte».

«Tanto mi ami? Più di Simone, che mi vuoi avere sempre di fronte?».

«Tanto. Lo hai detto».

«Perché, Maestro?».

«Perché tu sei quello che hai fatto più di tutti per quest’ora».

Giuda guarda con un mutevolissimo sguardo il Maestro e i compagni. Il primo con un che di ironica compassione, gli altri con aria di trionfo.

«E vicino a te, da una parte Matteo, dall’altra Tommaso».

«Allora Matteo alla mia sinistra e Toma a destra».

«Come vuoi, come vuoi», dice Matteo. «Mi basta aver bene di fronte il mio Salvatore».

«Ultimo, Filippo. Ecco, vedete? Chi non è al mio fianco nel lato d’onore, ha l’onore di essermi di fronte».

600.7

Gesù, ritto al suo posto, mesce nell’ampio calice collocato a Lui davanti (tutti hanno alti calici, ma Lui ne ha uno molto più ampio, oltre quello che hanno tutti. Deve essere il calice di rito). Mesce in esso il vino. Lo alza, lo offre. Lo posa.

Poi tutti insieme chiedono con tono di salmo: «Perché questa cerimonia?». Domanda formale, si capisce. Di rito.

Alla quale Gesù, come capo famiglia, risponde: «Questo giorno ricorda la nostra liberazione dall’Egitto. Sia benedetto Geové che ha creato il frutto della vigna».

Beve un sorso di questo vino offerto e passa il calice agli altri. Poi offre il pane, lo spezza, lo distribuisce, indi le erbe intinte nella salsa rossastra che è in quattro salsiere.

Finita questa parte di pasto, cantano dei salmi, tutti in coro.

Viene portato dalla credenza sulla mensa, e posto di fronte a Gesù, il capace vassoio dell’agnello arrostito.

Pietro, che ha il ruolo di… prima parte, di coro, se più le piace, chiede: «Perché quest’agnello, così?».

«A ricordo di quando Israele fu salvo per l’agnello immolato. Non morì primogenito dove il sangue splendeva sugli stipiti e l’architrave. E dopo, mentre tutto l’Egitto piangeva sui primogeniti maschi morti, dalla reggia ai tuguri, gli ebrei, capitanati da Mosè, si mossero verso la terra della liberazione e della promessa. Coi fianchi già cinti, i calzari al piede, in mano il bordone, fu sollecito il popolo di Abramo a porsi in marcia cantando gli inni della gioia».

Tutti si alzano in piedi e intonano: «Quando Israele uscì dall’Egitto e la casa di Giacobbe di mezzo ad un popolo barbaro, la Giudea divenne il suo santuario», ecc. ecc. (se trovo giusto, è il salmo 113[3]).

Ora Gesù taglia l’agnello, mesce un nuovo calice, lo passa dopo averne bevuto. Poi cantano ancora: «Fanciulli, lodate il Signore, sia benedetto il nome dell’Eterno ora e sempre nei secoli. Dall’oriente all’occidente deve essere lodato», ecc. (ma non riesco a trovarlo).

Gesù dà le parti, badando che ognuno sia ben servito, proprio come un padre di famiglia fra figli a lui tutti cari. È solenne, un po’ triste, mentre dice: «Ho ardentemente desiderato di mangiare con voi questa Pasqua. È stato il mio desiderio dei desideri da quando, in eterno, Io fui “il Salvatore”. Sapevo che quest’ora precede quella. E la gioia di darmi metteva in anticipo questo sollievo al mio patire… Ho ardentemente desiderato di mangiare con voi questa Pasqua, perché mai più gusterò del frutto della vite finché sia venuto il Regno di Dio. Allora mi assiderò nuovamente cogli eletti al Banchetto dell’Agnello, per le nozze dei viventi col Vivente. Ma ad esso verranno soltanto coloro che sono stati umili e mondi di cuore come Io sono».

600.8

«Maestro, poco fa Tu hai detto che chi non ha l’onore del posto ha quello d’esserti di fronte. Come allora possiamo sapere chi è il primo fra noi?», chiede Bartolomeo.

«Tutti e nessuno. Una volta[4]… tornavamo stanchi… nauseati per l’astio farisaico. Ma stanchi non eravate per disputare fra di voi chi fosse il più grande… Un bambino mi corse vicino… un mio piccolo amico… E la sua innocenza temperò il mio disgusto di tante cose. Non ultima la vostra umanità pervicace. Dove sei ora, piccolo Beniamino dalla sapiente risposta, a te venuta dal Cielo perché, angelo come eri, lo Spirito ti parlava? Io vi ho detto allora: “Se uno vuole essere il primo sia l’ultimo e servo di tutti”. E vi ho dato ad esempio il fanciullo saggio. Ora vi dico: “I re delle nazioni le signoreggiano. E i popoli oppressi, pur odiandoli, li acclamano e i re vengono detti ‘Benefattori’, ‘Padri della Patria’. Ma l’odio cova sotto il bugiardo ossequio”. Ma fra voi così non sia. Il maggiore sia come il minore, il capo come colui che serve. Chi infatti è più grande? Chi sta a mensa, o chi serve? È colui che sta a mensa. Eppure Io vi servo. E fra poco più vi servirò. Voi siete quelli che siete stati con Me nelle prove. Ed Io dispongo per voi un posto nel mio Regno, così come Io sarò in esso Re secondo il volere del Padre, acciocché mangiate e beviate alla mia mensa eterna e siate assisi sui troni giudicando le dodici tribù di Israele. Siete rimasti con Me nelle mie prove… Solo questo è quello che vi dà grandezza agli occhi del Padre».

«E quelli che verranno? Non avranno posto nel Regno? Noi soli?».

«Oh! quanti principi nella mia Casa! Tutti coloro che saranno stati fedeli al Cristo nelle prove della vita saranno principi nel Regno mio. Perché coloro che avranno perseverato sino alla fine nel martirio dell’esistenza saranno pari a voi, che con Me siete rimasti nelle mie prove. Io mi identifico nei miei credenti. Il Dolore che Io abbraccio per voi e per tutti gli uomini Io lo do come insegna ai più eletti. Chi nel Dolore mi sarà fedele sarà un mio beato pari a voi, o miei diletti».

600.9

«Noi abbiamo perseverato fino alla fine».

«Lo credi, Pietro? Ed Io ti dico che l’ora della prova ha ancora da venire. Simone, Simone di Giona, ecco che Satana ha chiesto di vagliarvi come il grano. Io ho pregato per te, perché la tua fede non vacilli. Tu, quando sarai ravveduto, conferma i tuoi fratelli».

«Lo so di essere un peccatore. Ma fedele a Te lo sarò fino alla morte. Non ho questo peccato. Mai l’avrò».

«Non essere superbo, Pietro mio. Quest’ora muterà infinite cose, che prima erano così ed ora saranno diverse. Quante!… Esse portano e importano necessità nuove. Voi lo sapete. Io vi ho sempre detto, anche quando andavamo per luoghi remoti percorsi dai banditi: “Non temete. Nulla ci accadrà di male perché gli angeli del Signore sono con noi. Non preoccupatevi di nulla”. Vi ricordate quando vi dicevo: “Non abbiate sollecitudini per ciò che dovete mangiare e per le vesti. Il Padre sa di che abbiamo bisogno”? Vi dicevo anche: “L’uomo è molto più di un passero e del fiore che oggi è erba e domani è fieno. Eppure il Padre ha cura anche del fiore e dell’uccellino. Potete allora dubitare che non abbia cura di voi?”. Vi dicevo ancora: “Date a chiunque vi chiede, a chi vi offende presentate l’altra guancia”. Vi dicevo: “Non abbiate borsa né bastone”. Perché Io ho insegnato amore e fiducia. Ma ora… Ora non è più quel tempo. Ora Io vi dico: “Vi è mai mancato nulla fino ad ora? Foste mai offesi?”».

«Nulla, Maestro. E solo Tu fosti offeso».

«Vedete dunque che la mia parola era verità. Ma ora gli angeli sono tutti richiamati dal loro Signore. È ora di demoni… Con le ali d’oro essi, gli angeli del Signore, si coprono gli occhi, si fasciano e si dolgono che non siano ali di colore cruccioso, perché è ora di lutto, e lutto crudele, sacrilego… Non ci sono angeli sulla Terra questa sera. Sono presso il trono di Dio per coprire col loro canto le bestemmie del mondo deicida e il pianto dell’Innocente. E noi siamo soli… Io e voi: soli. E i demoni sono i padroni dell’ora. Perciò ora prenderemo le apparenze e le misure dei poveri uomini che diffidano e non amano. Ora, chi ha una borsa prenda anche una bisaccia, chi non ha spada venda il suo mantello e ne comperi una. Perché anche questo è detto[5] di Me nella Scrittura e si deve compiere: “Egli è stato annoverato fra i malfattori”. In verità tutto ciò che mi riguarda ha il suo fine».

600.10

Simone, che si è alzato andando alla cassapanca dove ha deposto il suo ricco mantello — perché questa sera sono tutti con gli abiti migliori e perciò hanno pugnali, damaschinati ma molto corti, più coltelli che pugnali, alle ricche cinture — prende due spade, due vere spade, lunghe, lievemente ricurve, e le porta a Gesù: «Io e Pietro ci siamo armati questa sera. Queste abbiamo. Ma gli altri non hanno che il corto pugnale».

Gesù prende le spade, le osserva, ne snuda una e ne prova il taglio sull’unghia. È una strana vista e fa una ancora più strana impressione vedere quell’arnese feroce nelle mani di Gesù.

«Chi ve le ha date?», chiede l’Iscariota mentre Gesù osserva e tace. E pare sulle spine Giuda…

«Chi? Ti ricordo che mio padre era nobile e potente».

«Ma Pietro…».

«Ebbene? Da quando devo rendere conto dei doni che voglio fare ai miei amici?».

Gesù alza il capo dopo avere ringuainato l’arma. Le rende allo Zelote.

«Va bene. Bastano. Hai fatto bene a prenderle.

600.11

Ma ora, avanti la bevuta al terzo calice, attendete un momento. Vi ho detto che il più grande è pari al più piccolo e che Io ho veste di servo a questa tavola, e più vi servirò. Finora vi ho dato cibo. Servizio per il corpo. Ora vi voglio dare un cibo per lo spirito. Non è un piatto del rito antico. È del nuovo rito. Io mi sono voluto battezzare prima di essere il “Maestro”. Per spargere la Parola bastava quel battesimo. Ora verrà sparso il Sangue. Ci vuole un altro lavacro anche su voi, che pure vi siete purificati dal Battista, a suo tempo, e anche oggi nel Tempio. Ma non basta ancora. Venite, che Io vi purifichi. Sospendete il pasto. Vi è qualcosa di più alto e necessario del cibo dato al ventre perché si empia, anche se è cibo santo come questo del rito pasquale. Ed è uno spirito puro, pronto a ricevere il dono del Cielo, che già scende per farsi trono in voi e darvi la Vita. Dare la Vita a chi è mondo».

Gesù si alza in piedi, fa alzare Giovanni per uscire meglio dal suo posto, va ad una cassapanca e si leva la veste rossa deponendola piegata sul già piegato mantello, si cinge alla vita un ampio asciugamani, poi va ad un altro bacile, ancora vuoto e mondo. Vi versa dell’acqua, lo porta in mezzo alla stanza, presso la tavola, e lo mette su uno sgabello. Gli apostoli lo guardano stupefatti.

«Non mi chiedete che faccio?».

«Non sappiamo. Ti dico che siamo già purificati», risponde Pietro.

«Ed Io ti ripeto che non importa. La mia purificazione servirà a chi è già puro ad essere più puro».

Si inginocchia. Slaccia i sandali all’Iscariota ed uno per volta gli lava i piedi. È facile farlo, perché i letti-sedili sono fatti in modo che i piedi sono verso l’esterno. Giuda è sbalordito e non dice niente. Solo quando Gesù, prima di calzare il piede sinistro e alzarsi, fa l’atto di baciargli il piede destro già calzato, Giuda ritrae violentemente il piede e colpisce con la suola la bocca divina. Lo fa senza volere. Non è un colpo forte. Ma mi dà tanto dolore. Gesù sorride, e all’apostolo che gli chiede: «Ti ho fatto male? Non volevo… Perdona», dice: «No, amico. L’hai fatto senza malizia e non fa male». Giuda lo guarda… Uno sguardo turbato, sfuggente…

Gesù passa a Tommaso, poi a Filippo… Gira il lato stretto della tavola e viene al cugino Giacomo. Lo lava e lo bacia, nell’alzarsi, in fronte. Passa ad Andrea, che è rosso di vergogna e fa sforzi per non piangere, lo lava, lo carezza come un bambino. Poi c’è Giacomo di Zebedeo, che non fa che mormorare: «Oh! Maestro! Maestro! Maestro! Annichilito, sublime Maestro mio!». Giovanni si è già slacciato i sandali e, mentre Gesù sta curvo ad asciugargli i piedi, si china e lo bacia sui capelli.

Ma Pietro!… Non è facile persuaderlo a quel rito! «Tu lavare i piedi a me? Non te lo pensare! Sinché sono vivo, non te lo permetterò. Io sono il verme, Tu sei Dio. Ognuno a suo posto».

«Ciò che Io faccio tu non lo puoi comprendere per ora. Ma poi lo comprenderai. Lasciami fare».

«Tutto quello che vuoi, Maestro. Vuoi tagliarmi il collo? Fàllo. Ma lavarmi i piedi non lo farai».

«Oh! mio Simone! Tu non sai che, se non ti lavo, non avrai parte nel mio Regno? Simone, Simone! Tu hai bisogno di quest’acqua per la tua anima e per il tanto cammino che devi fare. Non vuoi venire con Me? Se non ti lavo, non vieni nel mio Regno».

«Oh! Signor mio benedetto! Ma allora lavami tutto! Piedi, mani e capo!».

«Chi ha fatto come voi un bagno non ha bisogno che di lavarsi i piedi, giacché è interamente puro. I piedi… L’uomo coi piedi va nelle lordure. E poco ancora sarebbe perché, ve l’ho detto[6], non è ciò che entra ed esce col cibo quello che sporca, e non è quello che si posa sui piedi per via ciò che contamina l’uomo. Ma è quanto incuba e matura nel suo cuore e di lì esce a contaminare le sue azioni e le sue membra. E i piedi dell’uomo dall’animo impuro vanno alle crapule, alle lussurie, agli illeciti commerci, ai delitti… Perciò sono, fra le membra del corpo, quelle che hanno molta parte da purificare… con gli occhi, con la bocca… Oh! uomo! uomo! Perfetta creatura un giorno: il primo! E poi così corrotto dal Seduttore! E non c’era in te malizia, o uomo, e non peccato!… Ed ora? Sei tutto malizia e peccato, e non c’è parte di te che non pecchi!».

Gesù ha lavato i piedi a Pietro, li bacia, e Pietro piange e prende con le sue grosse mani le due mani di Gesù, se le passa sugli occhi e le bacia poi.

Anche Simone si è levato i sandali e senza parola si lascia lavare. Ma poi, quando Gesù sta per passare da Bartolomeo, Simone si inginocchia e gli bacia i piedi dicendo: «Mondami dalla lebbra del peccato come mi mondasti dalla lebbra del corpo, acciocché io non sia confuso nell’ora del giudizio, mio Salvatore!».

«Non temere, Simone. Verrai nella Città celeste bianco come neve alpina».

«Ed io, Signore? Al tuo vecchio Bartolmai che dici? Tu mi hai visto sotto l’ombra del fico e mi hai letto nel cuore. Ed ora che vedi, e dove mi vedi? Rassicura un povero vecchio, che teme non avere forza e tempo per giungere a come Tu vuoi che si sia». Bartolomeo è molto commosso.

«Anche tu non temere. Ho detto allora: “Ecco un vero israelita in cui non è frode”. Ora dico: “Ecco un vero cristiano degno del Cristo”. Dove ti vedo? Su un trono eterno, vestito di porpora. Io sarò sempre con te».

È la volta di Giuda Taddeo. Questo, quando si vede ai piedi Gesù, non sa trattenersi, curva il capo sul braccio appoggiato sulla tavola e piange.

«Non piangere, dolce fratello. Ora sei come uno che deve sopportare lo strappo di un nervo e ti pare di non poterlo sopportare. Ma sarà un breve dolore. Poi… oh! tu sarai felice, per-ché mi ami, tu. Ti chiami Giuda. E sei come il nostro grande Giuda[7]: come un gigante. Sei colui che protegge. Le tue azioni sono da leone e lioncello che rugge. Tu scoverai gli empi che davanti a te indietreggeranno, e saranno atterriti gli iniqui. Io so. Sii forte. Un’eterna unione stringerà e renderà perfetta la nostra parentela in Cielo». Bacia anche lui sulla fronte come l’altro cugino.

«Io sono peccatore, Maestro. Non a me…».

«Tu eri peccatore, Matteo. Ora sei l’Apostolo. Sei una mia “voce”. Ti benedico. Questi piedi quanta strada hanno fatto per venire sempre avanti, verso Dio… L’anima li spronava ed essi hanno lasciato ogni via che non fosse la mia via. Procedi. Sai dove finisce il sentiero? Sul seno del Padre mio e tuo».

Gesù ha finito. Si leva il telo, si lava in acqua pulita le mani, si riveste, torna al suo posto e dice, mentre si siede al suo posto: «Ora siete puri, ma non tutti. Solo coloro che ebbero volontà di esserlo».

Fissa Giuda di Keriot che mostra di non udire, intento a spiegare al compagno Matteo come suo padre si decise a mandarlo a Gerusalemme. Un discorso inutile, che ha l’unico scopo di dare un contegno a Giuda che, per quanto audace, si deve sentire a disagio.

600.12

Gesù mesce per la terza volta nel calice comune. Beve, fa bere. Poi intona, e gli altri fanno coro: «Amo perché il Signore ascolta la voce della mia preghiera, perché piega il suo orecchio verso di me. Io lo invocherò per tutta la vita. Mi avevano circondato dolori di morte», ecc. (Salmo 114, mi pare[8]).

Un attimo di sosta. Poi riprende a cantare: «Ebbi fede, per questo ho parlato. Ma ero fortemente umiliato. E dicevo nel mio smarrimento: “Ogni uomo è menzognero”». Guarda fisso Giuda.

La voce, stanca questa sera, del mio Gesù riprende lena quando esclama: «È preziosa al cospetto di Dio la morte dei santi», e «Tu hai spezzato le mie catene. A Te sacrificherò ostia di lode invocando il nome del Signore», ecc. ecc. (Salmo 115).

Un’altra breve sosta nel canto e poi riprende: «Lodate tutte il Signore, o nazioni, tutti i popoli lodatelo. Perché si è affermata su noi la sua misericordia e la verità del Signore dura in eterno».

Altra breve sosta e poi un lungo inno: «Celebrate il Signore, perché Egli è buono, perché la sua misericordia dura in eterno…».

Giuda di Keriot canta stonato tanto che per due volte Tommaso lo rimette in tono col suo potente vocione baritonale e lo guarda fisso. Anche altri lo guardano, perché generalmente è sempre ben intonato, e della sua voce ho capito che se ne tiene come del resto. Ma questa sera! Certe frasi lo turbano al punto che stecca, e così certi sguardi di Gesù che sottolineano le frasi. Una è: «Meglio confidare nel Signore che confidare nell’uomo». Un’altra è: «Urtato, vacillavo e stavo per cadere. Ma il Signore mi ha sorretto». Un’altra è: «Io non morrò ma vivrò e narrerò le opere del Signore». E infine queste due, che dico ora, fanno strozzare la voce in gola al Traditore: «La pietra scartata dai costruttori è divenuta la pietra angolare», e «Benedetto colui che viene nel nome del Signore!».

Finito il salmo, mentre Gesù taglia e porge di nuovo dell’agnello, Matteo chiede a Giuda di Keriot: «Ma ti senti male?».

«No. Lasciami stare. Non ti occupare di me».

Matteo si stringe nelle spalle.

Giovanni, che ha udito, dice: «Anche il Maestro non sta bene. Che hai, Gesù mio? La tua voce è fioca. Come di malato o di chi ha molto pianto», e lo abbraccia stando col capo sul petto di Gesù.

«Non ha che molto parlato, come io non ho che molto camminato e preso fresco», dice Giuda nervoso.

E Gesù, senza rispondere a lui, dice a Giovanni: «Tu mi conosci ormai… e sai cosa è che mi stanca…».

600.13

L’agnello è quasi consumato.

Gesù, che ha mangiato pochissimo, bevendo solo un sorso di vino ad ogni calice e bevendo in compenso molt’acqua come fosse febbrile, riprende a parlare: «Voglio che voi comprendiate il mio gesto di dianzi. Vi ho detto che il primo è come l’ultimo e che vi darò un cibo non corporale. Un cibo di umiltà vi ho dato. Per lo spirito vostro. Voi chiamate Me: Maestro e Signore. Dite bene, perché tale Io sono. Se dunque Io ho lavato i piedi a voi, anche voi dovete farvelo l’un l’altro. Io vi ho dato l’esempio affinché, come Io ho fatto, voi facciate. In verità vi dico: il servo non è da più del padrone, né l’apostolo è più di Colui che tale lo ha fatto. Cercate di comprendere queste cose. Se poi, comprendendole, le metterete in pratica, sarete beati. Ma non sarete tutti beati. Io vi conosco. So chi ho scelto. Non parlo di tutti ad un modo. Ma dico ciò che è vero. D’altra parte, deve compiersi ciò che è scritto[9] a mio riguardo: “Colui che mangia il pane con Me ha levato il suo calcagno su Me”. Tutto Io vi dico prima che avvenga, perché non abbiate dubbi su Me. Quando tutto sarà compiuto, voi crederete ancor più che Io sono Io. Chi accoglie Me accoglie Colui che mi ha mandato: il Padre santo che è nei Cieli; e chi accoglierà coloro che Io manderò, accoglierà Me stesso. Perché Io sono col Padre e voi siete con Me… Ma ora compiamo il rito».

Versa di nuovo vino nel calice comune e, prima di berne e di farne bere, si alza, e con Lui si alzano tutti, e canta di nuovo uno dei salmi di prima: «Ebbi fede e per questo parlai…», e poi uno che non finisce mai. Bello… ma eterno! Credo di ritrovarlo, per l’inizio e la lunghezza, nel salmo 118. Lo cantano così. Un pezzo tutti insieme. Poi, a turno, uno ne dice un distico e gli altri insieme un pezzo, e così via sino alla fine. Lo credo che alla fine abbiano sete!

600.14

Gesù si siede. Non si mette sdraiato. Resta seduto, come noi. E parla: «Ora che l’antico rito è compiuto, Io celebro il nuovo rito. Vi ho promesso un miracolo d’amore. È l’ora di farlo. Per questo ho desiderato questa Pasqua. Da ora in poi questo è l’ostia che sarà consumata in perpetuo rito d’amore. Vi ho amato per tutta la vita della Terra, amici diletti. Vi ho amato per tutta l’eternità, figli miei. E amare vi voglio sino alla fine. Non vi è cosa più grande di questa. Ricordatevelo. Io me ne vado. Ma resteremo per sempre uniti mediante il miracolo che ora Io compio».

Gesù prende un pane ancora intiero, lo pone sul calice colmo. Benedice e offre questo e quello, poi spezza il pane e ne prende tredici pezzi e ne dà uno per uno agli apostoli dicendo: «Prendete e mangiate. Questo è il mio Corpo. Fate questo in memoria di Me che me ne vado». Dà il calice e dice: «Prendete e bevete. Questo è il mio Sangue. Questo è il calice del nuovo patto nel Sangue e per il Sangue mio, che sarà sparso per voi per la remissione dei vostri peccati e per darvi la Vita. Fate questo in memoria di Me».

Gesù è tristissimo. Ogni sorriso, ogni traccia di luce, di colore lo hanno abbandonato. Ha già un volto d’agonia. Gli apostoli lo guardano angosciati.

600.15

Gesù si alza dicendo: «Non vi muovete. Torno subito».

Prende il tredicesimo pezzetto di pane, prende il calice ed esce dal Cenacolo.

«Va dalla Madre», sussurra Giovanni.

E Giuda Taddeo sospira: «Misera donna!».

Pietro chiede in un soffio: «Credi che sappia?».

«Tutto sa. Tutto ha sempre saputo».

Parlano tutti a voce bassissima, come davanti ad un morto.

«Ma credete che proprio…», chiede Tommaso che non vuole ancora credere.

«E ne hai dubbi? È la sua ora», risponde Giacomo di Zebedeo.

«Dio ci dia la forza di essere fedeli», dice lo Zelote.

«Oh! io…», sta per parlare Pietro.

Ma Giovanni, che è all’erta, dice: «Sss. È qui».

Gesù rientra. Ha in mano il calice vuoto. Appena sul fondo vi è un’ombra di vino, e sotto la luce del lampadario pare proprio sangue.

Giuda Iscariota, che ha davanti il calice, lo guarda come affascinato e poi ne torce lo sguardo.

Gesù l’osserva ed ha un brivido che Giovanni, appoggiato come è al suo petto, sente. «Ma dillo! Tu tremi…», esclama.

«No. Non tremo per febbre…

600.16

Io tutto vi ho detto e tutto vi ho dato. Di più non potevo darvi. Me stesso vi ho dato». Ha il suo dolce gesto delle mani che, prima congiunte, ora si disgiungono e si allargano, mentre la testa si china come per dire: «Scusate se non posso di più. Così è».

«Tutto vi ho detto e tutto vi ho dato. E ripeto. Il nuovo rito è compiuto. Fate questo in memoria di Me. Io vi ho lavato i piedi per insegnarvi ad essere umili e puri come il Maestro vostro. Perché in verità vi dico che, come è il Maestro, così devono essere i discepoli. Ricordatelo, ricordatelo. Anche quando sarete in alto, ricordatelo. Non vi è discepolo da più del Maestro. Come Io vi ho lavato, voi fatelo fra voi. Ossia amatevi come fratelli, aiutandovi l’un l’altro, venerandovi a vicenda, essendo l’un coll’altro d’esempio. E siate puri. Per essere degni di mangiare il Pane vivo disceso dal Cielo ed avere in voi e per Esso la forza d’essere i miei discepoli nel mondo nemico, che vi odierà per il mio Nome. Ma uno di voi non è puro. Uno di voi mi tradirà. Di questo sono fortemente conturbato nello spirito… La mano di colui che mi tradisce è meco su questa tavola, e non il mio amore, non il mio Corpo e il mio Sangue, non la mia parola lo ravvedono e lo fanno pentito. Io lo perdonerei, andando alla morte anche per lui».

I discepoli si guardano esterrefatti. Si scrutano, in sospetto l’un dell’altro. Pietro fissa l’Iscariota in un risveglio di tutti i suoi dubbi. Giuda Taddeo scatta in piedi per guardare a sua volta l’Iscariota al disopra del corpo di Matteo.

Ma l’Iscariota è così sicuro! A sua volta guarda fisso Matteo come sospettasse di lui. Poi fissa Gesù e sorride chiedendo: «Son forse io quello?». Pare il più sicuro della sua onestà e che dica così, tanto per non lasciare cadere la conversazione.

Gesù ripete il suo gesto dicendo: «Tu lo dici, Giuda di Simone. Non Io. Tu lo dici. Io non ti ho nominato. Perché ti accusi? Interroga il tuo interno ammonitore, la tua coscienza di uomo, la coscienza che Dio Padre ti ha data per condurti da uomo, e senti se ti accusa. Tu lo saprai prima di tutti. Ma se essa ti rassicura, perché dici una parola e pensi un fatto che è anatema anche a dirlo o a pensarlo per giuoco?».

Gesù parla con calma. Sembra sostenga la tesi proposta come lo può fare un dotto alla sua scolaresca. Il subbuglio è forte. Ma la calma di Gesù lo placa.

600.17

Però Pietro, che è il più sospettoso di Giuda — forse lo è anche il Taddeo, ma lo pare meno, disarmato come è dalla disinvoltura dell’Iscariota — tira Giovanni per la manica e quando Giovanni, che si è tutto stretto a Gesù udendo parlare di tradimento, si volge, gli sussurra: «Chiedigli chi è».

Giovanni riprende la sua posizione, solo alza lievemente il capo come per baciare Gesù, e intanto gli mormora all’orecchio: «Maestro, chi è?».

E Gesù pianissimo, rendendogli il bacio fra i capelli: «Colui a cui darò un pezzo di pane intinto».

E preso un pane ancora intero, non il resto di quello usato per l’Eucarestia, ne stacca un grosso boccone, lo intinge nel succo lasciato dall’agnello nel vassoio, allunga al disopra della tavola il braccio e dice: «Prendi, Giuda. Questo a te piace».

«Grazie, Maestro. Mi piace, sì», e ignaro di ciò che è quel boccone se lo mangia, mentre Giovanni, inorridito, chiude persino gli occhi per non vedere l’orrido riso dell’Iscariota mentre coi denti forti morde il pane accusatore.

«Bene. Ora che ti ho fatto felice, va’», dice Gesù a Giuda. «Tutto è compiuto qui (marca molto la parola). Quello che resta ancora da fare altrove fàllo presto, Giuda di Simone».

«Ti ubbidisco subito, Maestro. Poi ti raggiungerò al Getsemani. Vai là, vero? Come sempre?».

«Vado là… come sempre… sì».

«Che ha da fare?», chiede Pietro. «Va solo?».

«Non sono un pargolo», motteggia Giuda che si sta mettendo il mantello.

«Lascialo andare. Io e lui sappiamo ciò che si deve fare», dice Gesù.

«Sì, Maestro». Pietro tace. Forse pensa di avere peccato di sospetto verso il compagno. Con la mano sulla fronte, pensa.

Gesù si stringe al cuore Giovanni e torna a sussurrargli fra i capelli: «Non dire nulla a Pietro, per ora. Sarebbe un inutile scandalo».

«Addio, Maestro. Addio, amici». Giuda saluta.

«Addio», dice Gesù.

E Pietro: «Ti saluto, ragazzo».

Giovanni, col capo quasi nel grembo di Gesù, mormora: «Satana!». Solo Gesù l’ode e sospira.

Qui mi cessa tutto, ma Gesù dice: «Sospendo per pietà di te. Ti darò la fine della Cena in altro momento».

600.18

(continua la Cena)

Vi è qualche minuto di assoluto silenzio. Gesù sta a capo chino, carezzando macchinalmente i capelli biondi di Giovanni.

Poi si scuote. Alza la testa, gira lo sguardo, ha un sorriso che conforta i discepoli. Dice: «Lasciamo la tavola. E sediamo tutti ben vicini, come tanti figli intorno al padre».

Prendono i letti-sedili che erano dietro la tavola (quelli di Gesù, Giovanni, Giacomo, Pietro, Simone, Andrea ed il cugino Giacomo) e li portano dall’altro lato.

Gesù prende posto sul suo, sempre fra Giacomo e Giovanni. Ma, quando vede che Andrea sta per sedersi al posto lasciato dall’Iscariota, grida: «No, là no». Un grido impulsivo, che la sua somma prudenza non riesce a impedire. Poi modifica dicendo così: «Non occorre tanto spa­zio. Stando seduti, si può stare su questi soli. Bastano. Vi voglio molto vicini».

Ora, rispetto alla tavola, sono messi così:

ossia sono in questa forma a “U” con Gesù al centro e avendo di fronte la tavola, spoglia di vivande ormai, e il posto di Giuda.

Giacomo di Zebedeo chiama Pietro: «Siediti qui. Io mi siedo su questo sgabelletto, ai piedi di Gesù».

«Che Dio ti benedica, Giacomo! Ne avevo tanta voglia!», dice Pietro e si serra al suo Maestro, che è così fra la stretta di Giovanni e Pietro, avendo ai piedi Giacomo.

Gesù sorride:

«Vedo che comincia ad operare la parola detta prima. I buoni fratelli si amano. Anche Io ti dico, Giacomo: “Che Dio ti benedica”. Anche questo tuo atto non sarà dimenticato dal­l’Eterno e lo troverai lassù.

600.19

Tutto Io posso di quanto Io chiedo. Voi lo avete visto. È bastato un mio desiderio perché il Padre concedesse al Figlio di darsi in Cibo all’uomo. Con quanto è accaduto adesso è stato glorificato il Figlio dell’uomo, perché è testimonianza di potere il miracolo che non è che possibile agli amici di Dio. Più è grande il miracolo e più è sicura e profonda questa divina amicizia. Questo è un miracolo che, per la sua forma, durata e natura, per gli estremi di esso ed i limiti che tocca, più forte non ce ne può essere. Io ve lo dico: tanto è potente, soprannaturale, inconcepibile all’uomo superbo, che ben pochi lo comprenderanno come va compreso, e molti lo negheranno. Che dirò allora? Condanna per loro? No. Dirò: pietà!

Ma più grande è il miracolo, più grande è la gloria che all’autore dello stesso viene. È Dio stesso che dice: “Ecco, questo mio diletto ciò che ha voluto ha avuto, ed Io l’ho concesso perché egli ha grande grazia agli occhi miei”. E qui dice: “Ha una grazia senza limiti così come è infinito il miracolo da Lui compiuto”. Parimenti alla gloria che si riversa sull’autore del miracolo da parte di Dio è la gloria che da esso autore si riversa sul Padre. Perché ogni gloria soprannaturale, essendo veniente da Dio, alla sua sorgente ritorna. E la gloria di Dio, per quanto già infinita, sempre più si aumenta e sfavilla per la gloria dei suoi santi. Onde Io dico: come è stato glorificato il Figlio dell’uomo da Dio, così Dio è stato glorificato dal Figlio dell’uomo. Io ho glorificato Dio in Me stesso. A sua volta, Dio glorificherà il suo Figlio in Lui. Ben presto lo glorificherà.

600.20

Esulta, Tu che torni alla tua Sede, o Essenza spirituale della Seconda Persona! Esulta, o Carne che torni ad ascendere dopo tanto esilio nel fango! E non già il Paradiso d’Adamo, ma l’eccelso Paradiso del Padre sta per esserti dato a dimora. Ché, se è stato detto[10] che per lo stupore di un comando di Dio, dato per bocca di un uomo, si arrestò il sole, che non avverrà negli astri quando vedranno il prodigio della Carne dell’Uomo ascendere e sedersi alla destra del Padre nella sua Perfezione di materia glorificata?

Figliolini miei, per poco ancora Io resto con voi. E voi, dopo, mi cercherete come gli orfani cercano il morto genitore. E piangendo andrete parlando di Lui e picchierete invano al muto sepolcro, e poi ancora picchierete alle porte azzurre dei Cieli, con l’anima vostra lanciata in supplice ricerca d’amore, dicendo: “Dove il nostro Gesù? Lo vogliamo. Senza Lui non è più luce nel mondo, non letizia, né amore. O ce lo rendete, oppure lasciateci entrare. Noi vogliamo essere dove Egli è”. Ma non potete per ora venire dove Io vado. L’ho detto anche ai giudei[11]: “Poi mi cercherete, ma dove Io vado voi non potete venire”. Lo dico anche a voi.

600.21

Pensate alla Madre… Neppure Lei potrà venire dove Io vado. Eppure Io ho lasciato il Padre per venire a Lei e farmi Gesù nel suo seno senza macchia. Eppure dall’Inviolata Io sono venuto, nell’estasi luminosa del mio Natale. E del suo amore, divenuto latte, mi sono nutrito. Io sono fatto di purità e di amore perché Maria mi ha nutrito della sua verginità fecondata dal­l’Amore perfetto che vive in Cielo. Eppure per Lei Io sono cresciuto, costandole fatiche e lacrime… Eppure Io le chiedo un eroismo quale mai fu compito, e rispetto al quale quello di Giuditta e Giaele sono eroismi di povere femmine contrastanti colla rivale presso la fonte del paese. Eppure nessuno pari a Lei è nell’amarmi. E, ciononostate, Io la lascio e vado dove Lei non verrà che fra molto tempo. Per Lei non è il comando che do a voi: “Santificatevi anno per anno, mese per mese, giorno per giorno, ora per ora, per potere venire a Me quando sarà la vostra ora”. In Lei è ogni grazia e santità. È la creatura che ha tutto avuto e che tutto ha dato. Nulla vi è da aggiungere o da levare. È la santissima testimonianza di ciò che può Iddio.

600.22

Ma per essere certo che in voi sia capacità di potermi raggiungere e di dimenticare il dolore del lutto della separazione dal vostro Gesù, Io vi do un comandamento nuovo. Ed è che vi amiate gli uni con gli altri. Così come Io ho amato voi, ugualmente voi amatevi l’uno con l’altro. Da questo si conoscerà che siete miei discepoli. Quando un padre ha molti figli, da che si conosce che tali sono? Non tanto per l’aspetto fisico — perché vi sono uomini che sono in tutto simili ad un altro uomo, col quale non vi è nessun rapporto di sangue e neppure di nazione — quanto per il comune amore alla famiglia, al padre loro, e fra loro. Ed anche morto il padre non si disgrega la buona famiglia, perché il sangue è uno ed è sempre quello avuto dal seme del padre, e annoda legami che neppure la morte scioglie, perché più forte della morte è l’amore. Ora, se voi vi amerete anche dopo che Io vi avrò lasciati, tutti riconosceranno che voi siete miei figli, e perciò miei discepoli, e fra voi fratelli avendo avuto un unico padre».

600.23

«Signore Gesù, ma dove vai?», chiede Pietro.

«Vado dove tu per ora non mi puoi seguire. Ma più tardi mi seguirai».

«E perché non adesso? Ti ho seguito sempre da quando Tu mi hai detto: “Seguimi”. Ho tutto lasciato senza rimpianto… Ora, andartene senza il tuo povero Simone, lasciandomi privo di Te, mio Tutto, dopo che per Te ho lasciato il mio poco bene di prima, non è giusto né bello da parte tua. Vai alla morte? Sta bene. Ma io pure vengo. Andremo insieme nell’altro mondo. Ma prima ti avrò difeso. Io sono pronto a dare la vita per Te».

«Tu darai la tua vita per Me? Ora? Ora no. In verità — oh! che in verità te lo dico — non avrà ancora cantato il gallo che tu mi avrai rinnegato tre volte. Ora è ancora la prima vigilia. Poi verrà la seconda… e poi la terza. Prima che scocchi il gallicinio, tu avrai per tre volte rinnegato il tuo Signore».

«Impossibile, Maestro! Credo a tutto ciò che dici. Ma non a questo. Sono sicuro di me».

«Ora, per ora sei sicuro. Ma perché ora hai ancora Me. Hai con te Iddio. Fra poco l’incarnato Iddio sarà preso e non l’avrete più. E Satana, dopo avervi già appesantiti — la tua stessa sicurezza è una astuzia di Satana, zavorra per appesantirti — vi spaurirà. Vi insinuerà: “Dio non è. Io sono”. E siccome, per quanto ottusi dallo spavento, ancora ragionerete, voi capirete che quando è Satana il padrone dell’ora è morto il Bene ed è operante il Male, abbattuto lo spirito e trionfante l’umano. Allora resterete come guerrieri senza duce, inseguiti dal nemico, e nello sbigottimento dei vinti curverete le schiene al vincitore, e per non essere uccisi rinnegherete il caduto eroe.

600.24

Ma, ve ne prego. Il vostro cuore non si turbi. Credete in Dio. E credete anche in Me. Contro tutte le apparenze, credete in Me. Creda nella mia misericordia e in quella del Padre tanto colui che resta come colui che fugge. Tanto colui che tace come colui che aprirà la bocca per dire: “Io non lo conosco”. Ugualmente credete nel mio perdono. E credete che, quali che siano in futuro le vostre azioni, nel Bene e nella mia Dottrina, nella mia Chiesa perciò, esse vi daranno un uguale posto in Cielo.

Nella casa del Padre mio vi sono molte dimore. Se così non fosse, Io ve lo avrei detto. Perché Io vado avanti. A preparare un posto per voi. Non fanno forse così i buoni padri quando devono portare altrove la loro piccola prole? Vanno avanti, preparano la casa, le suppellettili, le provviste. E poi tornano a prendere le loro creature più care. Così fanno per amore. Perché ai piccoli nulla manchi, e non provino disagio nel nuovo paese. Ugualmente così Io faccio. E per lo stesso motivo. Ora vado. E quando avrò preparato ad ognuno il posto nella Gerusalemme celeste, verrò di nuovo, vi prenderò con Me perché siate con Me dove Io sono, dove non ci sarà più né morte, né lutti, né lacrime, né grida, né fame, né dolore, né tenebre, né arsione, ma solo luce, pace, beatitudine e canto.

Oh! canto dei Cieli altissimi quando i dodici eletti saranno sui troni coi dodici patriarchi delle tribù d’Israele, e nell’ardenza del fuoco dell’amore spirituale canteranno, eretti sul mare della beatitudine, il cantico eterno che avrà ad arpeggio l’eterno alleluia dell’esercito angelico…

600.25

Io voglio che dove Io sarò voi siate. E voi sapete dove Io vado e ne conoscete la via».

«Ma Signore! Noi non sappiamo nulla. Tu non ci dici dove vai. Come possiamo noi sapere la via da prendere per venire verso Te e abbreviare l’attesa?», chiede Tommaso.

«Io sono la Via, la Verità, la Vita. Me lo avete sentito dire e spiegare più volte, ed in verità alcuni, che neppure sapevano esservi un Dio, si sono incamminati avanti, per la mia via, e sono già avanti di voi. Oh! dove sei tu, pecora spersa di Dio che Io ho ricondotta all’ovile? E dove tu, risorta d’anima?».

«Chi? Di chi parli? Di Maria di Lazzaro? È di là, con tua Madre. La vuoi? O vuoi Giovanna? Certo è nel suo palazzo. Ma, se vuoi, te l’andiamo a chiamare…».

«No. Non loro… Penso a quella che sarà disvelata solo in Cielo… e a Fotinai[12]… Esse mi hanno trovato. E non hanno più lasciato la mia via. Ad una ho indicato il Padre come Dio vero e lo spirito come levita in questa individuale adorazione. All’altra, che neppur sapeva di avere uno spirito, ho detto: “Il mio nome è Salvatore, salvo chi ha buona volontà di salvarsi. Io sono Colui che cerca i perduti, che dà la Vita, la Verità e la Purezza. Chi mi cerca mi trova”. E ambedue hanno trovato Iddio… Vi benedico, deboli Eve divenute più forti di Giuditta… Vengo, dove voi siete vengo… Voi mi consolate… Siate benedette!…».

600.26

«Mostraci il Padre, Signore, e saremo pari a queste», dice Filippo.

«Da tanto tempo Io sono con voi, e tu, Filippo, non mi hai ancora conosciuto? Chi vede Me vede il Padre mio. Come puoi dunque dire: “Mostraci il Padre”? Non riesci a credere che Io sono nel Padre e il Padre è in Me? Le parole che Io vi dico non le dico da Me. Ma il Padre che dimora in Me compie ogni mia opera. E voi non credete che Io sono nel Padre e Lui è in Me? Che devo dire per farvi credere? Ma se non credete alle parole, credete almeno alle opere.

Io vi dico, e ve lo dico con verità: chi crede in Me farà le opere che Io faccio, e ancor di maggiori ne farà, perché Io vado al Padre. E tutto quanto domanderete al Padre in mio nome Io lo farò, perché il Padre sia glorificato nel suo Figlio. E farò quanto mi domanderete in nome del mio Nome. Il mio Nome è noto, per quello che realmente è, a Me solo, al Padre che mi ha generato e allo Spirito che dal nostro amore procede. E per quel Nome tutto è possibile. Chi pensa al mio Nome con amore mi ama e ottiene.

Ma non basta amare Me, occorre osservare i miei comandamenti per avere il vero amore. Sono le opere quelle che testificano dei sentimenti. E per questo amore Io pregherò il Padre, ed Egli vi darà un altro Consolatore che resti per sempre con voi, Uno su cui Satana e il mondo non può infierire, lo Spirito di Verità che il mondo non può ricevere e non può colpire, perché non lo vede e non lo conosce. Lo deriderà. Ma Egli è tanto eccelso che lo scherno non lo potrà ferire, mentre, pietosissimo sopra ogni misura, sarà sempre con chi lo ama, anche se povero e debole. Voi lo conoscerete, perché già dimora con voi e presto sarà in voi.

600.27

Io non vi lascerò orfani. Già ve l’ho detto: “Ritornerò a voi”. Ma, prima che sia l’ora di venirvi a prendere per andare nel mio Regno, Io verrò. A voi verrò. Fra poco il mondo non mi vedrà più. Ma voi mi vedete e mi vedrete. Perché Io vivo e voi vivete. Perché Io vivrò e voi pure vivrete. In quel giorno voi conoscerete che Io sono nel Padre mio, e voi in Me ed Io in voi. Perché chi accoglie i miei precetti e li osserva, quello è colui che mi ama, e colui che mi ama sarà amato dal Padre mio e possederà Iddio, perché Dio è carità e chi ama ha in sé Dio. Ed Io lo amerò, perché in lui vedrò Iddio, e mi manifesterò a lui facendomi conoscere nei segreti del mio amore, della mia sapienza, della mia Divinità incarnata. Saranno i miei ritorni fra i figli dell’uomo, che Io amo nonostante siano deboli e anche nemici. Ma costoro saranno solo deboli. Ed Io li fortificherò; dirò loro: “Sorgi!”, dirò: “Vieni fuori!”, dirò: “Seguimi”, dirò: “Odi”, dirò: “Scrivi”… e voi siete fra questi».

«Perché, Signore, Tu ti manifesti a noi e non al mondo?», chiede Giuda Taddeo.

«Perché mi amate e osservate le mie parole. Chi così farà, sarà amato dal Padre e Noi verremo a lui e faremo dimora presso di lui, in lui. Mentre chi non mi ama non osserva le mie parole e fa secondo la carne e il mondo. Ora sappiate che ciò che Io vi ho detto non è parola di Gesù Nazareno ma parola del Padre, perché Io sono il Verbo del Padre che mi ha mandato. Io vi ho detto queste cose parlando così, con voi, perché voglio Io stesso prepararvi al possesso completo della Verità e Sapienza. Ma ancora non potete capire né ricordare. Però, quando verrà a voi il Consolatore, lo Spirito Santo che il Padre manderà in mio Nome, allora voi potrete capire, ed Egli tutto vi insegnerà, e vi ricorderà quanto Io vi ho detto.

600.28

Io vi lascio la mia pace. Io vi do la mia pace. Ve la do non come la dà il mondo. E neppure come fino ad ora ve l’ho data: saluto benedetto del Benedetto ai benedetti. Più profonda è la pace che ora vi do. In questo addio. Io vi comunico Me stesso, il mio Spirito di pace, così come vi ho comunicato il mio Corpo e il mio Sangue, perché in voi resti una forza nella imminente battaglia. Satana e il mondo sferrano guerra al vostro Gesù. È la loro ora. Abbiate in voi la Pace, il mio Spirito che è spirito di pace, perché Io sono il Re della pace. Abbiatela per non essere troppo derelitti. Chi soffre con la pace di Dio in sé soffre, ma non bestemmia e dispera.

Non piangete. Avete pure sentito che ho detto: “Vado al Padre e poi tornerò”. Se mi amaste sopra la carne, vi rallegrereste, perché Io vado dal Padre dopo tanto esilio… Vado da Colui che è maggiore di Me e che mi ama. Io ve l’ho detto ora, prima che ciò si compia, così come vi ho detto tutte le sofferenze del Redentore prima di andare ad esse, affinché, quando tutto si compia, voi crediate sempre più in Me. Non turbatevi così! Non sgomentatevi. Il vostro cuore ha bisogno di equilibrio…

600.29

Poco più ho da parlarvi… e ancora tanto ho da dire! Giunto al termine di questa mia evangelizzazione, mi pare di non avere ancora nulla detto e che tanto, tanto, tanto ancora resti da fare. Il vostro stato aumenta questa mia sensazione. E che dirò allora? Che Io ho mancato al mio ufficio? O che voi siete così duri di cuore che a nulla esso è valso? Dubiterò? No. Mi affido a Dio, e a Lui affido voi, miei diletti. Egli compirà l’opera del suo Verbo. Non sono come un padre che muore e non ha altra luce che l’umana. Io spero in Dio. E pure sentendo in Me urgere tutti i consigli di cui vi vedo bisognosi e sentendo fuggire il tempo, vado tranquillo alla mia sorte. So che sui semi caduti in voi sta per scendere una rugiada che li farà tutti germogliare, e poi verrà il sole del Paraclito, ed essi diverranno albero potente. Sta per venire il principe di questo mondo, colui col quale Io non ho nulla a che fare. E, se non fosse per fine di redenzione, non avrebbe potuto nulla su Me. Ma ciò avviene affinché il mondo conosca che Io amo il Padre e lo amo fino alla ubbidienza di morte, e perciò faccio ciò che mi ha ordinato.

600.30

È l’ora di andare. Alzatevi. E udite le ultime parole.

Io sono la vera Vite. Il Padre ne è il Coltivatore. Ogni tralcio che non porta frutto Egli lo recide e quello che porta frutto lo pota perché ne porti più ancora. Voi siete già purificati per la mia parola. Rimanete in Me ed Io in voi per continuare ad essere tali. Il tralcio staccato dalla vite non può fare frutto. Così voi se non rimanete in Me. Io sono la Vite e voi i tralci. Colui che resta unito a Me porta abbondanti frutti. Ma se uno si stacca diviene ramo secco e viene buttato nel fuoco e là brucia. Perché, senza l’unione con Me, voi nulla potete fare. Rimanete dunque in Me e le mie parole restino in voi, poi domandate quanto volete e vi sarà fatto. Il Padre mio sarà sempre più glorificato quanto più voi porterete frutto e sarete miei discepoli.

600.31

Come il Padre mi ha amato, così Io con voi. Rimanete nel mio amore che salva. Amandomi sarete ubbidienti, e l’ubbidienza aumenta il reciproco amore. Non dite che Io mi ripeto. So la vostra debolezza. E voglio che vi salviate. Io vi dico queste cose perché la gioia che vi ho voluto dare sia in voi e sia completa. Amatevi, amatevi! Questo è il mio comandamento nuovo. Amatevi scambievolmente più di quanto ognuno ami se stesso. Non vi è maggior amore di quello di colui che dà la sua vita per i suoi amici. Voi siete i miei amici ed Io do la vita per voi. Fate ciò che Io vi insegno e comando.

Non vi chiamo più servi. Perché il servo non sa ciò che fa il suo padrone, mentre voi sapete ciò che Io faccio. Tutto di Me sapete. Vi ho manifestato non solo Me stesso, ma anche il Padre ed il Paraclito e tutto quanto ho sentito da Dio.

Non siete stati voi che vi siete scelti. Ma Io vi ho scelti e vi ho eletti, perché andiate fra i popoli, e facciate frutto in voi e nei cuori degli evangelizzati, e il vostro frutto rimanga e il Padre vi dia tutto ciò che gli chiederete in mio Nome.

600.32

Non dite: “E allora, se Tu ci hai scelti, perché hai scelto un traditore? Se tutto Tu sai, perché hai fatto questo?”. Non chiedetevi neppure chi è costui. Non è un uomo. È Satana. L’ho detto all’amico fedele e l’ho lasciato dire dal figlio diletto. È Satana. Se Satana non si fosse incarnato, l’eterno scimmiottatore di Dio, in una carne mortale, questo posseduto non avrebbe potuto sfuggire al mio potere di Gesù. Ho detto: “posseduto”. No. È molto di più: è un annullato in Satana».

«Perché, Tu che hai cacciato i demoni, non lo hai liberato?», chiede Giacomo d’Alfeo.

«Lo chiedi per amore di te, temendo essere tu quello? Non lo temere».

«Io, allora?».

«Io?».

«Io?».

«Tacete. Non dico quel nome. Uso misericordia e voi fate ugualmente».

«Ma perché non lo hai vinto? Non potevi?».

«Potevo. Ma, per impedire a Satana di incarnarsi per uccidermi, avrei dovuto sterminare la razza dell’uomo avanti la Redenzione. Che avrei allora redento?».

«Dimmelo, Signore, dimmelo!». Pietro è scivolato in ginocchio e scuote freneticamente Gesù come fosse in preda a delirio. «Sono io? Sono io? Mi esamino? Non mi pare. Ma Tu… Tu hai detto che ti rinnegherò… Ed io tremo… Oh! che orrore essere io!…».

«No, Simone di Giona. Non tu».

«Perché mi hai levato il mio nome di “Pietra”? Sono dunque tornato Simone? Lo vedi? Tu lo dici!… Sono io! Ma come ho potuto? Ditelo… ditelo voi… Quando è che ho potuto divenire traditore?… Simone?… Giovanni?… Ma parlate!…».

«Pietro, Pietro, Pietro! Ti chiamo Simone perché penso al primo incontro, quando eri Simone. E penso come sei sempre stato leale dal primo momento. Non sei tu. Lo dico Io: Verità».

«Chi, allora?».

«Ma è Giuda di Keriot! Non lo hai ancora capito?», urla il Taddeo che non riesce più a contenersi.

«Perché non me lo hai detto prima? Perché?», urla anche Pietro.

«Silenzio. È Satana. Non ha altro nome. Dove vai, Pietro?».

«A cercarlo».

«Posa subito quel mantello e quell’arma. O ti devo scacciare e maledire?».

«No, no! Oh! Signor mio! Ma io… ma io… Sono forse malato di delirio, io? Oh! Oh!». Pietro piange, gettato per terra ai piedi di Gesù.

600.33

«Io vi do comando di amarvi. E di perdonare. Avete capito? Se anche nel mondo è l’odio, in voi sia solo l’amore. Per tutti. Quanti traditori troverete sulla vostra via! Ma non li dovete odiare e rendere loro male per male. Altrimenti il Padre odierà voi. Prima di voi fui odiato e tradito Io. Eppure, voi lo vedete, Io non odio. Il mondo non può amare ciò che non è come esso. Perciò non vi amerà. Se foste suoi, vi amerebbe; ma non siete del mondo, avendovi Io presi da mezzo al mondo. E per questo siete odiati.

Vi ho detto: il servo non è da più del padrone. Se hanno perseguitato Me, perseguiteranno voi pure. Se avranno ascoltato Me, ascolteranno pure voi. Ma tutto faranno per causa del mio Nome, perché non conoscono, non vogliono conoscere Colui che mi ha mandato. Se non fossi venuto e non avessi parlato, non sarebbero colpevoli. Ma ora il loro peccato è senza scusa. Hanno visto le mie opere, udito le mie parole, eppure mi hanno odiato, e con Me il Padre. Perché Io e il Padre siamo una sola Unità con l’Amore. Ma era scritto[13]: “Mi odiasti senza ragione”. Però, quando sarà venuto il Consolatore, lo Spirito di verità che dal Padre procede, sarà da Lui resa testimonianza di Me, e voi pure mi testimonierete, perché dal principio foste con Me.

Questo vi dico perché, quando sarà l’ora, non rimaniate accasciati e scandalizzati. Sta per venire il tempo in cui vi cacceranno dalle sinagoghe e in cui chi vi ucciderà penserà di fare culto a Dio con ciò. Non hanno conosciuto né il Padre né Me. In ciò è la loro scusante. Non ve le ho dette così ampie prima di ora, queste cose, perché eravate come bambini pur mo’ nati. Ma ora la madre vi lascia. Io vado. Dovete assuefarvi ad altro cibo. Voglio lo conosciate.

600.34

Nessuno più mi chiede: “Dove vai?”. La tristezza vi fa muti. Eppure è bene anche per voi che Io me ne vada. Altrimenti non verrà il Consolatore. Io ve lo manderò. E quando sarà venuto, attraverso la sapienza e la parola, le opere e l’eroismo che infonderà in voi, convincerà il mondo del suo peccato deicida e di giustizia sulla mia santità. E il mondo sarà nettamente diviso nei reprobi, nemici di Dio, e nei credenti. Questi saranno più o meno santi, a seconda del loro volere. Ma il giudizio del principe del mondo e dei suoi servi sarà fatto. Di più non posso dirvi, perché ancora non potete intendere. Ma Egli, il divino Paraclito, vi darà la Verità intera, perché non parlerà di Se stesso. Ma dirà tutto quello che avrà udito dalla Mente di Dio e vi annunzierà il futuro. Prenderà ciò che da Me viene, ossia ciò che ancora è del Padre, e ve lo dirà.

Ancora un poco da vedersi. Poi non mi vedrete più. E poi ancora un poco, e poi mi vedrete.

600.35

Voi mormorate fra voi ed in cuor vostro. Udite una parabola. L’ultima del vostro Maestro.

Quando una donna ha concepito e giunge all’ora del parto, è in grande afflizione perché soffre e geme. Ma quando il piccolo figlio è dato alla luce ed ella lo stringe sul cuore, ogni pena cessa e la tristezza si muta in gioia, perché un uomo è venuto al mondo.

Così voi. Voi piangerete e il mondo riderà di voi. Ma poi la vostra tristezza si muterà in gioia. Una gioia che il mondo mai conoscerà. Voi ora siete tristi. Ma, quando mi rivedrete, il vostro cuore diverrà pieno di un gaudio che nessuno avrà più potere di rapirvi. Una gioia così piena che vi offuscherà ogni bisogno di chiedere e per la mente e per il cuore e per la carne. Solo vi pascerete di rivedermi, dimenticando ogni altra cosa. Ma proprio da allora potrete tutto chiedere in mio Nome, e vi sarà dato dal Padre perché abbiate sempre più gioia. Domandate, domandate. E riceverete.

Viene l’ora in cui potrò parlarvi apertamente del Padre. Sarà perché sarete stati fedeli nella prova e tutto sarà superato. Perfetto quindi il vostro amore, perché vi avrà dato forza nella prova. E quanto a voi mancherà Io ve lo aggiungerò prendendolo dal mio immenso tesoro e dicendo: “Padre, lo vedi. Essi mi hanno amato credendo che Io venni da Te”. Sceso nel mondo, ora lo lascio e vado al Padre, e pregherò per voi».

600.36

«Oh! ora Tu ti spieghi. Ora sappiamo ciò che vuoi dire e che Tu sai tutto e rispondi senza che nessuno ti interroghi. Veramente Tu vieni da Dio!».

«Adesso credete? All’ultima ora? È tre anni che vi parlo! Ma già in voi opera il Pane che è Dio e il Vino che è Sangue non venuto da uomo, e vi dà il primo brivido di deificazione. Voi diverrete dèi se sarete perseveranti nel mio amore e nel mio possesso. Non come lo disse Satana ad Adamo ed Eva, ma come Io ve lo dico. È il vero frutto dell’albero del Bene e della Vita. Il Male è vinto in chi se ne pasce, ed è morta la Morte. Chi ne mangia vivrà in eterno e diverrà “dio” nel Regno di Dio. Voi sarete dèi se permarrete in Me. Eppure ecco… pur avendo in voi questo Pane e questo Sangue, poiché sta venendo l’ora in cui sarete dispersi, voi ve ne andrete per vostro conto e mi lascerete solo… Ma non sono solo. Ho il Padre con Me. Padre, Padre! Non mi abbandonare! Tutto vi ho detto… Per darvi pace. La mia pace. Ancora sarete oppressi. Ma abbiate fede. Io ho vinto il mondo».

600.37

Gesù si alza, apre le braccia in croce e dice con volto luminoso la sublime preghiera al Padre. Giovanni la riporta integralmente[14].

Gli apostoli lacrimano più o meno palesemente e rumorosamente. Per ultimo cantano un inno.

600.38

Gesù li benedice. Poi ordina: «Mettiamoci i mantelli, ora. E andiamo. Andrea, di’ al capo di casa di lasciare tutto così, per mio volere. Domani… vi farà piacere rivedere questo luogo». Gesù lo guarda. Pare benedire le pareti, i mobili, tutto. Poi si ammantella e si avvia, seguito dai discepoli.

Al suo fianco è Giovanni, al quale si appoggia. «Non saluti la Madre?», gli chiede il figlio di Zebedeo.

«No. È tutto già fatto. Fate, anzi, piano».

Simone, che ha acceso una torcia alla lumiera, illumina l’ampio corridoio che va alla porta. Pietro apre cauto il portone ed escono tutti nella via e poi, facendo giocare un ordigno, chiudono dal di fuori. E si pongono in cammino.

[17 febbraio 1944]

600.39

Dice Gesù:

«Dall’episodio della Cena, oltre la considerazione della carità di un Dio che si fa Cibo agli uomini, risaltano quattro ammaestramenti principali.

Primo: la necessità per tutti i figli di Dio di ubbidire alla Legge.

La Legge diceva che si doveva per Pasqua consumare l’agnello secondo il rituale dato dall’Altissimo a Mosè, ed Io, Figlio vero del Dio vero, non mi sono riputato, per la mia qualità divina, esente dalla Legge. Ero sulla Terra: Uomo fra gli uomini e Maestro degli uomini. Dovevo perciò fare il mio dovere di uomo verso Dio come e meglio degli altri. I favori divini non esimono dall’ubbidienza e dallo sforzo verso una sempre maggiore santità. Se paragonate la santità più eccelsa alla perfezione divina, la trovate sempre piena di mende, e perciò obbligata a sforzare se stessa per eliminarle e raggiungere un grado di perfezione per quanto più è possibile simile a quello di Dio.

600.40

Secondo: la potenza della preghiera di Maria.

Io ero Dio fatto Carne. Una Carne che, per essere senza macchia, possedeva la forza spirituale per signoreggiare la carne. Eppure non ricuso, anzi invoco l’aiuto della Piena di Grazia, la quale anche in quell’ora di espiazione avrebbe trovato, è vero, sul suo capo il Cielo chiuso, ma non tanto che non riuscisse a strapparne un angelo, Lei, Regina degli angeli, per il conforto del suo Figlio. Oh! non per Lei, povera Mamma! Anche Lei ha assaporato l’amaro dell’abbandono del Padre, ma per questo suo dolore offerto alla Redenzione m’ha ottenuto di potere superare l’angoscia dell’orto degli Ulivi e di portare a termine la Passione in tutta la sua multiforme asprezza, di cui ognuna era volta a lavare una forma e un mezzo di peccato.

600.41

Terzo: il dominio su se stessi e la sopportazione dell’offesa, carità sublime su tutte, la possono avere unicamente quelli che fanno vita della loro vita la legge di carità che Io avevo bandita. E non bandita solo, ma praticata realmente.

Cosa sia stato per Me aver meco alla mia tavola il mio Traditore, il dovere darmi ad esso, il dovere umiliarmi ad esso, il dovere dividere con esso il calice di rito e posare le labbra là dove egli le aveva posate, e farle posare a mia Madre, voi non potete pensare. I vostri medici hanno discusso e discutono sulla mia rapida fine e le dànno origine in una lesione cardiaca dovuta alle percosse della flagellazione. Sì, anche per queste il mio cuore divenne malato. Ma lo era già dalla Cena. Spezzato, spezzato nello sforzo di dover subire al mio fianco il mio Traditore. Ho cominciato a morire allora, fisicamente. Il resto non è stato che aumento della già esistente agonia.

Quanto ho potuto fare l’ho fatto perché ero uno con la Carità. Anche nell’ora in cui Dio-Carità si ritirava da Me, ho saputo esser carità, perché ero vissuto, nei miei trentatré anni, di carità. Non si può giungere ad una perfezione, quale si richiede per perdonare e sopportare il nostro offensore, se non si ha l’abito della carità. Io l’avevo, e ho potuto perdonare e sopportare questo capolavoro di Offensore che fu Giuda.

600.42

Quarto: il Sacramento opera quanto più uno è degno di riceverlo. Se ne è fatto degno con una costante volontà, che spezza la carne e fa signore lo spirito, vincendo le concupiscenze, piegando l’essere alle virtù, tendendolo come arco verso la perfezione delle virtù e soprattutto della carità.

Perché, quando uno ama, tende a far lieto chi ama. Giovanni, che mi amava come nessuno e che era puro, ebbe dal Sacramento il massimo della trasformazione. Cominciò da quel momento ad essere l’aquila, a cui è famigliare e facile l’altezza nel Cielo di Dio e l’affissare il Sole eterno. Ma guai a chi riceve il Sacramento senza esserne affatto degno, ma anzi avendo accresciuto la sua sempre umana indegnità con le colpe mortali. Allora esso diviene non germe di preservazione e di vita ma di corruzione e di morte. Morte dello spirito e putrefazione della carne, per cui essa “crepa”, come dice Pietro[15] di quella di Giuda. Non sparge il sangue, liquido sempre vitale e bello nella sua porpora, ma le sue interiora, nere di tutte le libidini, marciume che si riversa fuori dalla carne marcita come da carogna di animale immondo, oggetto di ribrezzo per i passanti.

La morte del profanatore del Sacramento è sempre la morte di un disperato, e perciò non conosce il placido trapasso proprio di chi è in grazia, né l’eroico trapasso della vittima che soffre acutamente ma con lo sguardo fisso al Cielo e l’anima sicura della pace. La morte del disperato è atroce di contorsioni e di terrori, è una convulsione orrenda dell’anima già ghermita dalla mano di Satana, che la strozza per svellerla dalla carne e che la soffoca col suo nauseabondo fiato.

Questa la differenza fra chi trapassa all’altra vita dopo essersi nutrito in essa di carità, fede, speranza e d’ogni altra virtù e dottrina celeste e del Pane angelico che l’accompagna coi suoi frutti — meglio se con la sua reale presenza — nel viaggio estremo, e chi trapassa dopo una vita di bruto con morte da bruto che la Grazia e il Sacramento non confortano. La prima è la serena fine del santo, a cui la morte apre il Regno eterno. La seconda è la spaventosa caduta del dannato, che si sente precipitare nella morte eterna e conosce in un attimo ciò che ha voluto perdere, né più può riparare. Per uno acquisto, per l’altro spogliamento. Per uno gioia, per l’altro terrore.

Questo è quanto vi date a seconda del vostro credere ed amare, o non credere e deridere il dono mio. E questo è l’insegnamento di questa contemplazione».


Notes

  1. Dieu fait grâce est la signification du prénom Jean en hébreu. On le trouve appliqué à Jean-Baptiste en 22.4 et 24.2, à Jean d’En-Dor en 188.7 et en 366.8, à tous ceux qui portent ce prénom en 275.3, à Jeanne, femme de Kouza, en 638.2, et au “ petit Jean ” qu’est l’écrivain en 638.2.
  2. Ton père… l’avait bien vu : il s’agit du vieil Alphée, dans une invective contre Jésus (100.4/5) que Judas avait accueillie avec perfidie (100.9).
  3. il s’agit d’un psaume 113, devenu dans la Néo-Vulgate le Ps 114. Celui qui suit est l’actuel psaume 113.
  4. Un jour…, en 352.5/14.
  5. ce qui est écrit, en Is 53, 12.
  6. je vous l’ai dit, en 300.9, 301.6, 567.22.
  7. notre grand Judas : Jude et Judas sont le même prénom. Le “ grand Judas ” est Judas Maccabée, célébré en Gn 49, 8-12 ; Dt 33, 7 ; 1 M 3, 1-9.
  8. Il me semble que c’est le Psaume 114. Selon la numérotation de la Néo-Vulgate, les psaumes récités sont, dans l’ordre : le Ps 116 (qui regroupe les 114 et 115 de la Vulgate), le Ps 117, le Ps 118 (un long hymne), le Ps 119 (celui qui n’en finit pas).
  9. ce qui est écrit, en Ps 41, 10.
  10. comme suit : les deux dessins représentent les deux manières successives dont les apôtres sont disposés.
  11. S’il a été dit, en Jos 10, 12-14.
  12. Ce que j’ai dit aux juifs, en 488.2.
  13. Photinaï, la Samaritaine, rencontrée aux chapitres 143-144 et 147.4, et mentionnée en 571.4 ainsi qu’en 572.2 ; l’autre est Aglaé, rencontrée la première fois au chapitre 77.
  14. il était écrit, en Ps 35, 19 ; 69, 5.
  15. Jean la rapporte intégralement en Jn 17.
  16. comme dit Pierre en Act 1, 18.

Note

  1. gli risponde Giovanni è un’aggiunta di MV su una copia dattiloscritta. Dio fa grazie, di alcune righe più sopra, è il significato del nome Giovanni in ebraico: come in 22.4 e 24.2 riferito a Giovanni Battista, in 188.7 e 366.8 riferito a Giovanni di Endor, in 275.3 riferito a costoro e ad altri dello stesso nome, in 400.4 riferito a Giovanna di Cusa, in 638.2 riferito al “piccolo Giovanni” che è la scrittrice.
  2. Aveva visto bene tuo padre, il vecchio Alfeo, in una sua invettiva contro Gesù (100.4/5) che l’Iscariota aveva accolto con perfidia (100.9).
  3. è il salmo 113, che nella neo-volgata è diventato Salmo 114. Quello che viene detto subito dopo è l’attuale Salmo 113.
  4. Una volta…, in 352.5/14.
  5. è detto, in: Isaia 53, 12.
  6. ve l’ho detto, in 300.9, 301.6, 567.22.
  7. il nostro grande Giuda, cioè Giuda Maccabeo, celebrato in 1 Maccabei 3, 1-9.
  8. mi pare. Secondo la numerazione della neo-volgata vengono recitati, nell’ordine: Salmo 116 (che raggruppa il 114 e il 115 della volgata), Salmo 117, Salmo 118 (lungo inno), Salmo 119 (quello che non finisce mai).
  9. è scritto, in: Salmo 41, 10.
  10. è stato detto, in: Giosuè 10, 12-14.
  11. L’ho detto anche ai giudei, in 488.2.
  12. Fotinai, la samaritana, incontrata nei capitoli 143-144 e in 147.4, e ricordata in 571.4 e in 572.2; l’altra è Aglae, incontrata la prima volta nel capitolo 77.
  13. era scritto, in: Salmi 35, 19; 69, 5.
  14. la riporta integralmente, nel suo Vangelo: Giovanni 17.
  15. come dice Pietro, in: Atti 1, 18.