Gli Scritti di Maria Valtorta

602. Vers Gethsémani avec onze apôtres.

602. Verso il Getsemani con undici apostoli.

602.1

Pas un bruit sur la route. Seule l’eau d’une fontaine qui jaillit dans un bassin de pierre rompt le profond silence. L’obscurité s’étend encore le long des murs des maisons, du côté de l’orient, alors que, en face, la lune commence à blanchir les toits ; là où le chemin s’élargit pour former une petite place, la clarté laiteuse et argentée de la lune vient en embellir les cailloux et la terre. Mais sous les nombreuses arcades qui, telles des pont-levis ou des étais, relient ces vieilles maisons aux ouvertures peu nombreuses sur les rues, l’obscurité est d’autant plus totale que, à cette heure-ci, toutes ces maisons sont fermées et sombres comme si elles étaient à l’abandon. Il s’ensuit que la torche rougeâtre portée par Simon acquiert une singulière vivacité et une utilité encore plus grande. Les visages, dans cette lumière rouge et mobile, prennent un relief net et tous révèlent autant d’états d’âme différents.

Le plus solennel et le plus calme, c’est celui de Jésus. Pourtant, la fatigue le vieillit en y faisant paraître des lignes inhabituelles. On devine déjà l’effigie de son visage recomposé dans la mort.

A côté de lui, Jean porte un regard étonné et douloureux sur tout ce qu’il voit. On dirait un enfant terrorisé par quelque récit ou par quelque promesse effrayante, et qui demande de l’aide à plus grand que lui. Mais qui pourrait l’aider ?

Simon le Zélote, de l’autre côté de Jésus, a le visage fermé, sombre. Il rumine visiblement des pensées atroces, mais c’est encore le seul avec Jésus à montrer un aspect plein de dignité.

602.2

Les autres marchent en deux groupes qui ne cessent de se décomposer et de se recomposer. Ils sont tous en ébullition. De temps à autre, la voix rauque de Pierre ou celle de baryton de Thomas s’élèvent avec une résonance étrange. Puis ils baissent la voix, comme effrayés de ce qu’ils disent. Ils échangent sur ce qu’il convient de faire, et les uns et les autres proposent telle ou telle idée. Mais aucune ne s’impose, car “ l’heure des ténèbres ” arrive et les jugements humains restent obscurs et confus.

« Il fallait me le dire plus tôt, lance Pierre, fâché.

– Mais personne n’a parlé. Même pas le Maître… répond André.

– Oui ! C’est justement lui qui te le disait. Mon frère, c’est à croire que tu ne le connais pas !

– Moi, je ressentais quelque trouble et j’ai suggéré : “ Allons mourir avec lui ! ” Vous vous en souvenez ? Mais, par notre très saint Dieu, si j’avais su que c’était Judas… tonne Thomas d’une voix menaçante.

– Et que voulais-tu faire ? demande Barthélemy.

– Moi ? Je le ferais encore maintenant si vous m’aidiez !

– Quoi ? Tu irais le tuer ? Et où ?

– Non. J’éloignerais le Maître. C’est plus simple.

– Il ne viendrait pas !

– Ce ne serait pas une mauvaise idée ! » approuve Pierre.

Impulsif comme il est, il revient en arrière et s’insère dans le groupe des deux fils d’Alphée qui, avec Matthieu et Jacques, parlent tout bas comme des conjurés.

« Ecoutez : Thomas propose d’éloigner Jésus. Tous ensemble. On pourrait… du Get-Samni par Bethphagé à Béthanie, et de là… en route pour quelque endroit. Nous faisons cela ? Une fois qu’il sera mis en lieu sûr, on revient et on extermine Judas.

– C’est inutile. Israël n’est qu’une souricière, répond Jacques, fils d’Alphée.

– Et maintenant, elle est tout près de se refermer. On le comprenait bien. Il y a trop de haine !

– Matthieu, tu me fais enrager ! Tu avais plus de courage quand tu étais pécheur ! Philippe, parle. »

Philippe, qui arrive tout seul et paraît être en plein monologue, lève la tête et s’arrête. Pierre le rejoint. Après avoir discuté, ils rejoignent le groupe de tout à l’heure.

« A mon avis, le meilleur endroit, c’est dans le Temple, affirme Philippe.

– Tu es fou ? » s’écrient les cousins, Matthieu et Jacques. « Mais on veut sa mort, là-bas !

– Chut ! Quel vacarme ! Je sais ce que je dis. Ils le chercheront partout, sauf là. Jean et toi avez de bons amis parmi les serviteurs d’Hanne. Il suffira d’une bonne poignée d’or. Croyez-moi ! Le meilleur endroit pour cacher quelqu’un que l’on recherche, c’est la maison du geôlier.

– Je ne suis pas d’accord » rétorque Jacques, fils de Zébédée. « Mais consulte aussi les autres, Jean pour commencer. Et s’il était arrêté ? Je ne veux pas qu’on dise que c’est moi le traître…

– Je n’y avais pas pensé. Alors ? »

Pierre est anéanti.

« Nous ne pouvons rien faire d’autre que ceci : éloigner sa Mère. La pitié le demande, propose Jude.

– Bon !… Mais… qui s’en charge ? Qu’est-ce qu’on lui dit ? Vas-y, toi, son parent.

– Moi, je reste avec Jésus. C’est mon droit. Fais-le toi-même.

– Moi ? Je me suis armé d’une épée pour mourir comme Eléazar, fils de Saura[1]. Je traverserai des légions pour défendre mon Jésus et je frapperai sans retenue. Peu importe si la force d’un plus grand nombre me tue : je l’aurai défendu, proclame Pierre.

– Mais es-tu vraiment sûr que c’est Judas ? demande Philippe à Jude.

– J’en suis certain. Aucun de nous n’a un cœur de serpent. Il n’y a que lui… Va, Matthieu, trouver Marie et dis-lui…

– Moi ? La tromper ? La voir, ignorante de tout, à côté de moi, et puis ?… Ah ! non. Je suis prêt à mourir, mais pas à trahir cette colombe… »

Les voix se confondent en un murmure.

602.3

« Tu entends ? Maître, nous t’aimons, dit Simon.

– Je le sais. Je n’ai pas besoin de ces paroles pour le savoir. Mais si elles donnent la paix au cœur du Christ, elles blessent son âme.

– Pourquoi, mon Seigneur ? Ce sont des paroles d’amour.

– D’un amour tout humain. En vérité, je n’ai rien fait en ces trois ans, car vous êtes encore plus humains qu’à la première heure. Les ferments les plus fangeux vous agitent, ce soir. Mais ce n’est pas votre faute…

– Sauve-toi, Jésus ! gémit Jean.

– Je me sauve.

– Oui ? Oh ! mon Dieu, merci ! » Jean ressemble à une fleur desséchée qui redevient fraîche sur sa tige. « Je vais l’annoncer aux autres. Où allons-nous ?

– Moi à la mort. Vous à la foi.

– Mais est-ce que tu ne viens pas de dire que tu te sauves ? »

Le disciple bien-aimé est de nouveau accablé.

« Je me sauve, en effet, je me sauve. Si je n’obéissais pas au Père, je me perdrais. J’obéis, donc je me sauve. Ne pleure donc pas ainsi ! Tu es moins brave que les disciples de ce philosophe grec dont je t’ai parlé un jour. Eux restèrent près de leur maître que faisait mourir la ciguë, pour le réconforter par leur virile douleur. Toi… tu ressembles à un enfant qui a perdu son père.

– N’est-ce pas le cas ? C’est plus grave que si je perdais mon père ! Je te perds, toi…

– Tu ne me perds pas puisque tu continues à m’aimer. Est perdu quelqu’un qui est séparé de nous par l’oubli sur la terre et par le jugement de Dieu dans l’au-delà. Mais nous ne serons pas séparés, jamais. Ni par l’un, ni par l’autre. »

Mais Jean n’entend pas raison.

602.4

Simon s’approche encore plus près de Jésus et lui confie à voix basse :

« Maître… moi… Pierre et moi, nous espérions faire quelque chose de bon… Mais… Toi qui sais tout, dis-moi : dans combien de temps penses-tu être capturé ?

– Avant que la lune ne soit au milieu de sa course. »

Simon fait un geste de douleur et d’impatience, pour ne pas dire de dépit.

« Alors, tout a été inutile… Maître, je vais t’expliquer : tu nous as presque reproché, à Pierre et à moi, de t’avoir laissé seul ces derniers jours… Mais si nous nous éloignions pour toi, c’est par amour pour toi. Dans la nuit de lundi, Pierre, impressionné par tes paroles, est venu me trouver pendant mon sommeil pour me dire : “ Toi et moi — j’ai confiance en toi —, nous devons faire quelque chose pour Jésus. Même Judas a assuré vouloir s’en occuper. ” Ah ! Pourquoi n’avons-nous pas compris alors ? Pourquoi ne nous as-tu rien révélé, toi ? Mais, dis-moi : tu n’en as parlé à personne ? Vraiment à personne ? Peut-être l’as-tu compris il y a quelques heures seulement ?

– Je l’ai toujours su. Avant même qu’il ne soit au nombre des disciples. Et pour que son crime ne soit pas parfait, du côté divin et du côté humain, j’ai cherché de toutes les manières à l’éloigner de moi. Ceux qui veulent que je meure sont les bourreaux de Dieu. Lui, mon disciple et ami, est aussi le Traître, le bourreau de l’homme. Mon premier bourreau, car il m’a déjà fait mourir sous l’effort de l’avoir à côté de moi, à ma table, et de devoir le protéger contre vous.

– Et personne ne le sait ?

– Jean. Je le lui ai dit à la fin de la Cène. Mais qu’avez-vous fait ?

– Même Lazare ? Lazare ne sait vraiment rien ? Aujourd’hui, nous sommes allés le voir : il est en effet venu de grand matin, a sacrifié et est reparti, sans même s’arrêter à son palais et sans se rendre au Prétoire, alors qu’il y va toujours ; c’est une habitude qu’il a prise de son père. Or Pilate, tu le sais, est dans la ville ces jours-ci…

– Oui. Ils y sont tous. Il y a Rome, la nouvelle Sion, avec Pilate. Il y a Israël avec Caïphe et Hérode. Il y a tout Israël, car la Pâque a rassemblé les enfants de ce peuple au pied de l’autel de Dieu…

602.5

As-tu vu Gamaliel ?

– Oui. Pourquoi me demandes-tu cela ? Je dois le revoir demain…

– Gamaliel est ce soir à Bethphagé. Je le sais. Quand nous serons arrivés à Gethsémani, tu iras trouver Gamaliel et tu lui diras : “ Tu obtiendras bientôt le signe que tu attends depuis vingt-et-un ans. ” Rien d’autre. Puis tu reviendras avec tes compagnons.

– Mais comment le sais-tu ? Oh ! Maître, mon pauvre Maître qui n’as même pas le réconfort d’ignorer les actes d’autrui !

– Tu dis bien : le réconfort d’ignorer ! Pauvre Maître ! Car il y a plus d’œuvres mauvaises que de bonnes. Mais je vois aussi celles qui sont bonnes, et je m’en réjouis.

– Alors tu sais que…

– Simon, c’est l’heure de ma passion. Pour la rendre plus complète, le Père me retire la lumière à mesure qu’elle s’approche. D’ici peu, je n’aurai que ténèbres et la contemplation de ce que sont les ténèbres, autrement dit tous les péchés des hommes. Tu ne peux, vous ne pouvez pas comprendre. Personne, à moins d’y être appelé par Dieu pour une mission spéciale, ne comprendra cette passion dans la grande Passion. Puisque l’homme est matériel, même dans l’amour et dans la méditation, il y en aura qui pleureront et souffriront à cause des coups que j’ai reçus et de mes tortures de Rédempteur, mais on ne mesurera pas cette torture spirituelle qui, soyez-en sûrs, vous qui m’écoutez, sera la plus atroce… Parle-moi donc, Simon. Guide-moi sur les sentiers où ton amitié est allée pour moi, car je suis un pauvre qui perd la vue et qui voit des fantômes, et non des choses réelles… »

Jean le serre contre lui et demande :

« Quoi ? Tu ne vois plus ton Jean ?

– Je te vois, mais les fantômes surgissent des brumes de Satan, visions de cauchemar et de douleur. Nous sommes tous enveloppés dans ce miasme infernal, ce soir. En moi, il cherche à créer la lâcheté, la désobéissance et l’affliction. En vous, il suscitera la déception et la peur. Chez d’autres, qui ne sont normalement ni peureux ni criminels, il amènera le crime et l’effroi. A ceux qui appartiennent déjà à Satan, il apportera la perversion surnaturelle. J’emploie ce terme, car leur perfection dans le mal sera telle qu’elle dépassera les possibilités humaines et atteindra la perfection qui est toujours dans le surhumain.

602.6

Parle, Simon.

– Oui. Depuis mardi, nous ne faisons que nous déplacer pour savoir, pour prévenir, pour chercher de l’aide.

– Et qu’avez-vous pu faire ?

– Rien, ou bien peu.

– Et ce peu ne sera plus rien quand la peur paralysera les cœurs.

– Je me suis heurté aussi à Lazare… C’est la première fois que cela m’arrive… C’est qu’il me paraît inerte… Lui, il pourrait agir. C’est un ami du Gouverneur. C’est toujours le fils de Théophile ! Mais Lazare a repoussé toutes mes propositions. Je l’ai quitté en criant : “ Je pense que l’ami dont parle le Maître, c’est toi ! Tu me fais horreur ! ” et je ne voulais plus retourner chez lui. Mais, ce matin, il m’a appelé et m’a dit : “ Peux-tu encore penser que je suis le traître ? ” J’avais déjà vu Gamaliel, Joseph d’Arimathie et Kouza, Nicodème et Manahen, et enfin ton frère Joseph… et je ne pouvais plus croire cela. Je lui ai répondu : “ Pardonne-moi, Lazare. Mais je sens ma pensée bouleversée plus que lorsque j’étais moi-même un condamné. ” Et il en est ainsi, Maître… Je ne suis plus moi-même… Pourquoi souris-tu ?

– Parce que cela confirme mes propos : les brumes de Satan t’enveloppent et te troublent. Qu’a répondu Lazare ?

– Il a dit : “ Je te comprends. Viens aujourd’hui avec Nicodème. J’ai besoin de te voir. ” Je me suis rendu chez lui pendant que Pierre allait chez les Galiléens, car ton frère, qui vient de si loin, a des nouvelles plus récentes que nous. Il assure qu’il a été informé par hasard en parlant avec un vieux Galiléen, ami d’Alphée et de Joseph, qui habite près des marchés.

– Oui… Un grand ami de la maison…

– Il est ici avec Simon et les femmes. Il y a aussi la famille de Cana.

– J’ai vu Simon.

– Eh bien, Joseph, par son ami, qui est ami aussi d’un homme du Temple devenu son parent par les femmes, a appris que ta capture a été décidée. Il a déclaré à Pierre : “ Je l’ai toujours combattu, mais par amour et tant qu’il était encore fort. Mais maintenant qu’il devient comme un enfant à la merci de ses ennemis, moi, son parent qui l’ai toujours aimé, je suis avec lui. C’est un devoir de sang et de cœur. »

Jésus sourit, et reprend un instant le visage serein des heures de joie.

« Et Joseph a dit à Pierre : “ Les pharisiens de Galilée sont des serpents comme tous les pharisiens. Mais toute la Galilée n’est pas pharisienne. Il y a ici beaucoup de Galiléens qui l’aiment. Allons leur conseiller de se rassembler pour le défendre. Nous n’avons que des couteaux, mais les bâtons aussi sont des armes quand on les manie bien. Si les milices romaines n’interviennent pas, nous aurons vite raison de cette lâche canaille que sont les sbires du Temple. ” Pierre est donc parti avec lui.

602.7

Moi, pendant ce temps, je suis allé chez Lazare, avec Nicodème. Nous avions décidé de le persuader de venir avec nous et d’ouvrir sa maison pour rester avec toi. Il nous a répondu : “ Je dois obéir à Jésus et rester ici. Pour souffrir deux fois plus… ” Est-ce vrai ?

– C’est vrai, je lui ai donné cet ordre.

– Pourtant il m’a donné les épées, elles sont à lui : une pour moi, une pour Pierre. Kouza voulait lui aussi me donner des épées. Mais… que sont deux lames de fer contre tout un monde ? Kouza ne peut croire que ce que tu dis soit vrai. Il jure qu’il ne sait rien et que, à la cour, on ne pense qu’à profiter de la fête… Une ripaille comme à l’ordinaire. Il a même recommandé à Jeanne de se retirer dans l’une de leurs maisons de Judée. Mais Jeanne tient à rester ici, recluse dans son palais comme si elle n’y était pas. Néanmoins, elle ne s’éloigne pas. Elle a près elle Plautina, Anne et Nikê, et deux dames romaines de la maison de Claudia. Elles pleurent, prient et font prier les innocents. Mais il n’est plus temps de prier. Voici venu le temps du sang. Je sens renaître en moi le “ zélote ” et je brûle de tuer pour faire vengeance !…

– Simon, si j’avais voulu te faire mourir maudit, je ne t’aurais pas enlevé à la désolation !… »

Jésus est très sévère.

« Oh ! pardon, Maître… pardon. Je suis comme ivre, je délire.

– Et que dit Manahen ?

– Pour lui, cela ne peut être vrai, et si c’était vrai, il assure qu’il te suivra jusqu’au supplice.

– Comme vous avez tous confiance en vous !… Que d’orgueil en l’homme ! Et Nicodème et Joseph ? Que savent-ils ?

– Rien de plus que moi. Il y a quelque temps, dans une assemblée, Joseph s’en est pris au Sanhédrin. Il les a traités d’assassins parce qu’ils voulaient tuer un innocent, et il a ajouté : “ Tout est illégal dans cette affaire. Jésus a bien raison : c’est l’abomination dans la maison du Seigneur. Cet autel sera détruit, car il est profané. ” S’ils ne l’ont pas lapidé, c’est parce que c’était lui. Mais dès lors, ils l’ont tenu dans l’ignorance totale. Seuls Gamaliel et Nicodème sont restés ses amis. Mais le premier ne parle pas et le second… Ni lui ni Joseph n’ont plus été convoqués au Sanhédrin pour les décisions les plus importantes. Il se réunit illégalement ici et là, à des heures différentes, car ils ont peur d’eux et de Rome. Ah ! j’oubliais !… Les bergers. Eux aussi sont avec les Galiléens. Mais nous sommes peu nombreux ! Si Lazare avait voulu nous écouter et aller trouver le Préteur ! Mais il ne nous a pas écoutés… Voilà ce que nous avons fait… Beaucoup… et rien… et je suis tellement accablé que je voudrais aller à travers la campagne en criant comme un chacal, en m’abrutissant dans une orgie, en tuant comme un brigand, pour m’enlever cette pensée que “ tout est inutile ” comme l’a dit Lazare, comme l’ont dit Joseph, Kouza, Manahen et Gamaliel… »

Simon le Zélote ne semble plus être lui-même.

« Qu’a dit le rabbi ?

– Il a déclaré : “ Je ne connais pas exactement les intentions de Caïphe, mais je vous certifie que c’est seulement pour le Christ qu’est prophétisé ce dont vous parlez. Et comme je ne reconnais pas le Christ en ce prophète, je ne trouve pas qu’il y ait lieu de s’agiter. Un homme sera tué, un homme bon, ami de Dieu. Mais de combien de ses semblables Sion n’a-t-elle pas bu le sang ? ! ” Et comme nous insistions sur ta nature divine, il a répété avec entêtement : “ Quand je verrai le signe, je croirai. ” Il a promis de s’abstenir de voter ta mort et même, si possible, de convaincre les autres de ne pas te condamner. Rien de plus. Il ne croit pas ! Il ne croit pas ! Si on pouvait arriver à demain… Mais tu dis que non.

602.8

Ah ! Qu’allons-nous faire, nous ?

– Tu iras chez Lazare et tu chercheras à y conduire le plus grand nombre de personnes possible, non seulement des apôtres, mais aussi des disciples que tu trouveras en train d’errer sur les routes de campagne. Tu essaieras de voir les bergers et de leur transmettre cet ordre. La maison de Béthanie est plus que jamais la maison du bon accueil. Que ceux qui n’ont pas le courage d’affronter la haine de tout un peuple se réfugient là, pour attendre…

– Mais nous, nous ne te quitterons pas.

– Ne vous séparez pas… Divisés, vous ne seriez rien. Unis, vous serez encore une force. Simon, promets-moi cela. Tu es paisible, fidèle, tu sais parler et commander, même à Pierre. Et tu as une grande obligation envers moi. Je te le rappelle pour la première fois pour t’imposer l’obéissance. Regarde : nous sommes au Cédron. C’est de là que tu es monté vers moi, lépreux, et que tu es parti purifié. Pour ce don que je t’ai fait, accorde m’en un. Donne à l’Homme ce que, moi, j’ai donné à l’homme. Maintenant, c’est moi le lépreux…

– Non ! Ne dis pas cela ! gémissent ensemble les deux disciples.

– C’est pourtant le cas ! Pierre et mes frères seront les plus accablés. Mon honnête Pierre se sentira comme un criminel et n’aura pas de paix. Quant à mes frères, ils n’auront pas le courage de regarder leur mère et la mienne… Je te les recommande…

– Et moi, Seigneur, de qui serai-je ? Tu ne penses pas à moi ?

– Mon petit enfant ! Tu es confié à ton amour. Il est si fort qu’il te guidera comme une mère. Je ne te donne pas d’ordre ni de direction. Je te laisse sur les eaux de l’amour. Elles sont en toi un fleuve si calme et si profond que je ne me fais aucun souci pour ton lendemain. Simon, tu as entendu ? Promets, promets-moi ! »

Il est pénible de voir Jésus tellement angoissé… Il reprend :

« Avant que viennent les autres ! Oh ! merci ! Sois béni ! »

602.9

Tout le groupe se réunit.

« Maintenant, séparons-nous. Moi, je monte là-haut pour prier. Je veux avec moi Pierre, Jean et Jacques. Vous, restez ici. Si vous êtes accablés, appelez. Et ne craignez rien. On ne touchera pas à un seul cheveu de votre tête. Priez pour moi. Abandonnez toute haine et toute peur. Cela ne durera qu’un instant… Ensuite votre joie sera complète. Souriez. Que j’aie dans le cœur vos sourires. Et encore merci de tout, mes amis. Adieu. Que le Seigneur ne vous abandonne pas… »

Jésus se sépare des apôtres et s’éloigne, tandis que Pierre se fait remettre la torche par Simon. Celui-ci s’en est d’abord servi pour allumer des rameaux résineux qui brûlent en crépitant au bord de l’oliveraie et répandent une odeur de genièvre.

Je souffre de voir Jude poser sur Jésus un regard tellement intense et douloureux que ce dernier se retourne et cherche qui l’a regardé. Mais Jude se cache derrière Barthélemy et se mord les lèvres pour se calmer.

Jésus fait de la main un geste qui est à la fois bénédiction et signe d’adieu, puis il continue son chemin. La lune, maintenant très haute, entoure de sa lumière sa haute silhouette et la fait paraître plus grande, en la spiritualisant, en rendant plus clair son vêtement rouge et plus pâle l’or de ses cheveux. Pierre, tenant la torche, et les deux fils de Zébédée hâtent le pas derrière lui.

602.10

Ils continuent jusqu’à ce qu’ils atteignent le bord du premier escarpement de l’amphithéâtre naturel de l’oliveraie. Il a pour entrée la petite place irrégulière et pour gradins les différents à-pics qui montent par échelons d’oliviers sur la colline. Puis Jésus leur dit :

« Arrêtez-vous et attendez-moi ici pendant que je prie. Mais ne dormez pas. Je pourrais avoir besoin de vous. Je vous le demande instamment : priez ! Votre Maître est vraiment très accablé. »

Il l’est visiblement. Il paraît chargé d’un lourd fardeau. Où est désormais le beau Jésus viril et fort, qui s’adressait aux foules de sa chaude voix sonore, le regard dominateur, avec un sourire paisible ? On le sent déjà saisi d’angoisse. C’est à croire qu’il a couru ou pleuré. Sa voix est lasse, infiniment triste…

Pierre répond au nom de tous :

« Sois tranquille, Maître. Nous veillerons et nous prierons. Tu n’as qu’à nous appeler et nous viendrons. »

Jésus les quitte, tandis que les trois hommes se penchent pour ramasser des feuilles et des branches afin de faire un feu qui serve à les tenir éveillés et à combattre la rosée, qui commence à descendre abondamment.

602.11

Il marche, en leur tournant le dos, de l’occident vers l’orient, donc face à la lumière de la lune. Je vois qu’une grande douleur dilate encore davantage son œil ; c’est peut-être un bistre de lassitude qui l’élargit, ou l’ombre de l’arcade sourcilière. Je ne sais pas. Je sais qu’il a les yeux plus ouverts et plus enfoncés. Il monte, tête penchée ; de temps en temps, il la relève en soupirant comme s’il se fatiguait et haletait, et il jette un bref regard en direction de l’oliveraie paisible. Après quelques mètres de montée, il tourne autour d’une éminence qui se trouve ainsi entre lui et les trois hommes qu’il a laissés plus bas[2].

L’escarpement qui, au début, ne monte que de quelques décimètres, ne cesse de s’élever, et il a bientôt atteint plus de deux mètres, de sorte qu’il met Jésus complètement à l’abri de tout regard indiscret ou ami. Jésus continue jusqu’à un gros rocher qui, à un certain endroit, barre le petit sentier. Il a peut-être été mis là pour soutenir la côte. Celle-ci, en effet, descend plus rapidement jusqu’à un espace désolé qui précède les murs au-delà desquels est située Jérusalem, tandis que, vers le haut, elle continue à monter par d’autres escarpements couverts d’oliviers. Juste au-dessus du gros rocher se penche un olivier tout noueux et tordu. On dirait un étrange point d’interrogation mis par la nature pour poser quelque question. Sous un vent léger qui passe par vagues successives à travers le feuillage, ses branches, touffues au sommet, apportent une réponse à la question du tronc, en disant tantôt oui quand elles se penchent vers la terre, tantôt non en se déplaçant de droite à gauche. Cette brise exhale parfois l’odeur de la terre, parfois l’odeur légèrement amère de l’olivier, parfois encore un parfum mêlé de roses et de muguets dont on se demande d’où il peut bien venir. Au-delà du petit sentier, vers le bas, il y a d’autres oliviers. Juste au-dessous du rocher, l’un d’eux, frappé par la foudre mais ayant survécu, est découpé je ne sais comment : l’arbre primitif se divise en deux troncs qui se dressent comme les deux branches d’un grand V moulé ; et leurs deux frondaisons se présentent d’un côté et de l’autre du rocher comme si elles voulaient en même temps voir et cacher, ou lui faire une base d’un gris argenté tout paisible.

602.12

C’est là que Jésus s’arrête. Il ne regarde pas la ville étendue en contrebas, toute blanche dans le clair de lune. Au contraire, il lui tourne le dos et prie, les bras ouverts en croix, le visage levé vers le ciel. Je ne vois pas son visage, car il est dans l’ombre ; la lune est pour ainsi dire perpendiculaire au-dessus de sa tête, c’est vrai, mais le feuillage épais de l’olivier s’interpose entre lui et la lune dont les rayons filtrent à peine entre les feuilles en produisant des taches lumineuses en perpétuel mouvement.

Il prie longuement, avec ardeur. De temps en temps, il pousse un soupir et fait entendre quelque parole plus nette. Ce n’est pas un psaume, ni le Notre Père. C’est une prière qui monte du jaillissement de son amour et de son besoin. Un vrai discours fait à son Père. Je le comprends par les quelques mots que je saisis :

« Tu le sais… Je suis ton Fils… Tout, mais aide-moi… L’heure est venue… Je ne suis plus de la terre. Tout besoin d’aide à ton Verbe cesse… Fais que l’Homme te satisfasse comme Rédempteur, comme la Parole t’a été obéissante… Ce que tu veux… C’est pour eux que j’implore pitié… Les sauverai-je ? C’est cela que je te demande. Je veux qu’ils soient sauvés du monde, de l’emprise de la chair, du démon… Puis-je te supplier encore ? C’est une juste demande, mon Père. Pas pour moi. Pour l’homme qui est ta création, et qui a voulu transformer en fange jusqu’à son âme. Je jette dans ma douleur et dans mon sang cette boue pour qu’elle redevienne l’incorruptible essence de l’esprit qui t’est agréable… Il est partout. C’est lui le roi, ce soir : au palais royal et dans les maisons, parmi les troupes et au Temple… La ville en est pleine, et demain ce sera un enfer… »

Jésus se retourne, s’appuie au rocher et croise les bras. Il contemple Jérusalem. Son visage devient de plus en plus triste. Il murmure :

« Elle paraît de neige… et elle n’est que péché ! Là aussi, combien j’en ai guéris ! Que de fois j’ai parlé !… Où sont ceux qui me paraissaient fidèles ? »

Jésus penche la tête et regarde fixement le terrain couvert d’une herbe courte que la rosée rend brillante. Mais bien qu’il ait la tête inclinée, je comprends qu’il pleure car des gouttes brillent en tombant sur le sol. Puis il lève la tête, desserre ses bras, les joint en les tenant au-dessus de sa tête et en les agitant ainsi unis.

602.13

Puis il se met en route. Il revient vers les trois apôtres assis autour de leur feu de branchages. Il les trouve à moitié endormis. Les bras croisés sur la poitrine, la tête tombante, Pierre est adossé à un tronc, dans le premier brouillard d’un sommeil profond. Jacques est assis, avec son frère, sur une grosse racine qui affleure et sur laquelle ils ont étendu leurs manteaux pour moins en sentir les aspérités, mais bien qu’ils soient moins à l’aise que Pierre, eux aussi somnolent. Jacques a abandonné sa tête sur l’épaule de Jean, qui a penché la sienne sur celle de son frère comme si un demi-sommeil les avait immobilisés dans cette pose.

« Vous dormez ? Vous n’avez pas su veiller une seule heure ? J’ai tant besoin de votre réconfort et de vos prières ! »

Les trois hommes sursautent, confus. Ils se frottent les yeux, ils murmurent une excuse, accusant la digestion pénible d’être la première cause de leur sommeil :

« C’est le vin… la nourriture… Mais maintenant cela passe. Cela n’a été qu’un moment. Nous ne désirions pas parler et cela nous a endormis. Mais désormais nous allons prier à haute voix et cela ne nous arrivera plus.

– Oui. Priez et veillez. Pour vous aussi, car vous en avez besoin.

– Oui, Maître. Nous allons t’obéir. »

602.14

Jésus repart. La lune lui frappe le visage si fort que sa clarté d’argent fait pâlir son vêtement rouge comme si elle le couvrait d’une poussière blanche et lumineuse. Je vois dans cette clarté son visage découragé, affligé, vieilli. Le regard est toujours dilaté, mais paraît embué de larmes. La bouche a un pli de lassitude.

Il revient à son rocher plus lentement et tout penché. Il s’y agenouille en appuyant les bras au rocher, qui n’est pas lisse : à mi-hauteur, il a une sorte de sein, comme si on l’avait travaillé exprès. Sur ce sein de dimension réduite, il a poussé une petite plante qui ressemble à ces fleurs en forme de petits lys que j’ai déjà vues en Italie à des endroits rocheux. Les feuilles sont rondes mais dentelées sur les bords et charnues, et les fleurs ont des tiges très grêles. On dirait de petits flocons de neige qui saupoudrent la grisaille du rocher et les feuilles vert foncé. Jésus appuie les mains près d’elles, et pose la tête sur ses mains jointes pour prier, de sorte que les fleurs lui frôlent la joue. Après un moment, il sent la fraîcheur des petites corolles et il lève la tête. Il les regarde, les caresse, leur parle :

« Vous êtes pures !… Vous me réconfortez ! Dans la petite grotte de Maman, il y avait aussi de ces fleurs… et elle les aimait, car elle racontait : “ Quand j’étais petite, mon père me disait : ‘ Tu es un tout petit lys plein de rosée céleste ”… Maman ! Oh ! Maman ! »

Il éclate en sanglots. Retombé un peu sur ses talons, la tête posée sur ses mains jointes, je le vois et je l’entends pleurer, tandis que ses mains serrent ses doigts et se tourmentent l’une l’autre. Je l’entends dire :

« A Bethléem aussi… et je t’en ai apporté, Maman. Mais celles-ci, qui te les apportera désormais ?… »

602.15

Puis il recommence à prier et à méditer. Cette méditation doit être bien triste, ou plutôt angoissée, car, pour y échapper, il se lève, marche en avant et en arrière en murmurant des paroles que je ne saisis pas, lève puis baisse la tête, fait de grands gestes, se passe les mains sur les yeux, sur les joues, dans les cheveux, avec des mouvements machinaux et agités qui révèlent une grande angoisse. Ce n’est rien de le dire. Le décrire est impossible. Le voir, c’est partager son angoisse. Il fait des gestes en direction de Jérusalem. Puis il recommence à lever les bras vers le ciel comme pour demander de l’aide.

Il enlève son manteau comme s’il avait chaud. Il le regarde… Mais que voit-il ? Ses yeux ne regardent pas autre chose que sa torture et tout sert à cette torture pour l’augmenter, même le manteau tissé par sa Mère. Il l’embrasse et dit :

« Pardon, Maman ! Pardon ! »

Il semble demander cela à l’étoffe filée et tissée avec amour par la Vierge… Il le remet. Il est pris par un tourment. Il veut prier pour le surmonter, mais avec la prière reviennent les souvenirs, les appréhensions, les doutes, les regrets… C’est toute une avalanche de noms… de villes… de personnes… de faits… Je ne puis le suivre car il est rapide et irrégulier. C’est toute sa vie évangélique qui défile devant lui… et le ramène à Judas, le traître.

602.16

Son angoisse est si oppressante que, pour la vaincre, il crie le nom de Pierre et de Jean. Il dit : “ Ils vont venir. Ils sont bien fidèles, eux ! ” Mais “ eux ” ne viennent pas. Il appelle de nouveau. L’air terrorisé comme s’il voyait je ne sais quoi, il s’enfuit à grands pas vers l’endroit où se trouvent Pierre et les deux frères. Et il les trouve plus commodément et plus pesamment endormis autour de quelques braises prêtes à s’éteindre, qui ne produisent plus qu’une petite lueur rouge dans la cendre grise.

« Pierre ! Je vous ai appelés à trois reprises ! Que faites-vous donc ? Vous dormez encore ? Vous ne sentez pas à quel point je souffre ? Priez ! Qu’aucun de vous ne se laisse dominer par la chair. Si l’esprit est prompt, la chair est faible. Aidez-moi… »

Les trois hommes s’éveillent lentement. Quand enfin ils y arrivent, ils s’excusent, les yeux ébahis. Ils commencent par s’asseoir, puis ils se mettent debout.

« Mais enfin ! murmure Pierre, ça ne nous est jamais arrivé ! Ce doit vraiment être ce vin. Il était fort. Et aussi ce froid. Nous nous sommes habillés pour ne pas le sentir (en effet ils s’étaient couverts de leurs manteaux, tête comprise), donc nous n’avons plus vu le feu, nous n’avons plus eu froid, et le sommeil est venu. Tu dis nous avoir appelés ? Je n’avais pourtant pas l’impression de dormir si profondément… Allons, Jean, cherchons des branches, remuons-nous. Cela va passer. Sois tranquille, Maître, dorénavant nous resterons debout… »

Il jette une poignée de feuilles sèches sur la braise et souffle pour ranimer la flamme. Il l’alimente avec les rameaux fournis par Jean, pendant que Jacques apporte une grosse branche de genévrier ou d’une plante du même genre qu’il a coupée dans un buisson peu éloigné. Il la pose par dessus le reste.

Une flamme vive s’élève joyeusement, éclairant le pauvre visage de Jésus, un visage d’une tristesse telle qu’on ne peut le regarder sans pleurer. Toute lumière a disparu de ce visage d’une lassitude extrême. Il dit :

« J’éprouve une angoisse mortelle ! Oui, mon âme est triste à en mourir. Mes amis !… Mes amis ! Mes amis !… »

Il n’a pas besoin de le dire, il suffit de le regarder : il a l’air d’un agonisant, dans l’abandon le plus angoissé et le plus désolé. Chacune de ses paroles paraît être un sanglot…

Mais les trois hommes sont trop appesantis par le sommeil. Ils semblent presque ivres tant ils marchent en titubant, les yeux mi-clos… Jésus les regarde… Il ne leur fait aucun reproche qui puisse les humilier. Il secoue la tête, soupire et retourne là où il était.

602.17

Il reprend sa prière, debout, les bras en croix, puis à genoux comme avant, le visage penché sur les petites fleurs. Il réfléchit. Il se tait… Puis il se met à gémir et à sangloter fortement, presque prosterné tant il s’est appuyé sur ses talons. Il appelle le Père avec toujours plus d’angoisse…

« Ah ! cette coupe est trop amère ! Je ne peux pas ! Je ne peux pas. C’est au-dessus de mes forces. J’ai pu tout faire, mais pas cela… Père, éloigne-la de ton Fils ! Pitié pour moi !… Qu’ai-je fait pour la mériter ? »

Puis il se reprend et dit :

« Cependant, Père, n’écoute pas ma voix si ce qu’elle te demande est contraire à ta volonté. Ne te souviens pas que je suis ton Fils, mais seulement ton serviteur. Que ta volonté soit faite et non la mienne. »

Après être resté ainsi quelque temps, il pousse un cri étouffé et lève un visage bouleversé, un instant à peine, avant de tomber sur le sol, le visage réellement contre terre, et il reste ainsi. Il n’est plus qu’une loque d’homme sur qui pèse tout le péché du monde, sur qui s’abat toute la justice du Père, sur qui descendent les ténèbres, la cendre, le fiel, cette redoutable, redoutable, absolument redoutable misère qu’est l’abandon de Dieu, pendant que Satan nous torture… Quand il devient impossible de sentir qu’un lien nous relie à Dieu, c’est l’asphyxie de l’âme, c’est être enseveli vivant dans cette prison qu’est le monde, c’est être enchaîné, bâillonné, lapidé par nos propres prières qui retombent sur nous, hérissées de pointes et brûlantes de feu, c’est se heurter contre un Ciel fermé où ne pénètrent pas la voix et les regards de notre angoisse, c’est être “ orphelin de Dieu ”, c’est la folie, l’agonie, le doute de s’être jusqu’alors trompé, c’est la conviction d’être chassé par Dieu, d’être damné. C’est l’enfer !…

Ah ! je le sais ! et je ne puis, je ne puis voir la douleur de mon Christ, et savoir qu’elle est un million de fois plus atroce que celle qui m’a consumée l’an passé et qui, quand elle me revient à l’esprit, me bouleverse encore…

Jésus gémit, au milieu des râles et des soupirs d’une véritable agonie :

« Rien !… Rien !… Va-t’en !… La volonté du Père et elle seule ! Ta volonté, Père. La tienne, non pas la mienne… C’est inutile. Je n’ai qu’un Seigneur : le Dieu très saint. Une loi : l’obéissance. Un amour : la rédemption… Non. Je n’ai plus de Mère. Je n’ai plus de vie. Je n’ai plus de divinité. Je n’ai plus de mission. C’est en vain que tu me tentes, démon, en invoquant ma Mère, ma vie, ma divinité, ma mission. J’ai pour mère l’humanité, que j’aime jusqu’à mourir pour elle. La vie, je la rends à celui qui me l’a donnée et me la reprend, au Maître suprême de tout vivant. La divinité, je l’affirme en montrant qu’elle est capable de cette expiation. La mission, je l’accomplis par ma mort. Je n’ai plus rien, xecepté faire la volonté du Seigneur mon Dieu. Va-t’en, Satan ! Je l’ai dit deux fois, et je le répète : “ Père, si cela est possible, que cette coupe s’éloigne de moi. Pourtant, que ta volonté soit faite, et non la mienne. ” Va-t’en, Satan. C’est à Dieu que j’appartiens. »

Puis il ne parle plus que pour dire entre ses halètements :

« Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! »

Il l’appelle à chaque battement de son cœur, dont on pourrait croire que le sang déborde. L’étoffe tendue sur les épaules s’en imbibe et s’assombrit malgré le grand clair de lune qui l’enveloppe tout entier.

602.18

Voilà soudain qu’une vive clarté se forme au-dessus de sa tête, à environ un mètre de lui, si vive que même le Prostré la voit filtrer à travers les ondulations de ses cheveux, déjà alourdis par le sang, et malgré le voile dont il se couvre les yeux. Il lève la tête… La lune éclaire son pauvre visage, et une lumière angélique resplendit, semblable au diamant blanc-azur de l’étoile Vénus. La vue du sang qui transsude des pores laisse deviner l’horreur de l’agonie de Jésus. Ses cils, ses cheveux, sa moustache, sa barbe en sont couverts. Le sang coule des tempes, le sang sort des veines du cou, les mains dégouttent du sang. Il tend les mains vers la lumière angélique, et quand ses larges manches glissent vers les coudes, je vois que les avant-bras du Christ suent du sang. Sur sa face, seules les larmes tracent deux lignes nettes sur le masque rouge.

Il enlève de nouveau son manteau et s’essuie les mains, le visage, le cou, les avant-bras. Mais la sueur continue. Il presse plusieurs fois l’étoffe sur son visage en la serrant entre ses mains ; chaque fois qu’elle change de place, apparaissent nettement sur l’étoffe rouge foncé les empreintes qui, humides comme elles le sont, semblent être noires. Sur le sol, l’herbe est rougie par le sang.

Jésus paraît sur le point de défaillir. Il délace son vêtement au cou comme s’il se sentait étouffer. Il porte la main à son cœur, puis à sa tête et l’agite devant son visage comme pour s’éventer, la bouche entrouverte. Il se traîne vers le rocher, ou plutôt vers le sommet du talus, et il s’y adosse. Il reste les bras pendants le long du corps comme s’il était déjà mort, la tête retombant sur la poitrine. Il ne bouge plus.

La lumière angélique décroît tout doucement. Puis elle se trouve comme absorbée dans le clair de lune.

Jésus rouvre les yeux. Levant péniblement la tête, il regarde. Il est seul, mais il est moins angoissé. Il tend la main, saisit le manteau qu’il avait abandonné sur l’herbe et se met à s’essuyer le visage, les mains, le cou, la barbe, les cheveux. Il attrape une large feuille juste au bord du talus, toute couverte de rosée, et s’en frotte le visage et les mains pour achever de se nettoyer, puis il s’essuie de nouveau. Il fait cela plusieurs fois avec d’autres feuilles, jusqu’à ce qu’il ait effacé toute trace de sa terrible sueur. Seul son vêtement est taché, en particulier sur les épaules et aux plis des coudes, au cou et à la ceinture, aux genoux. Il le regarde et hoche la tête. Il regarde aussi le manteau mais, le voyant trop taché, il le plie et le pose sur le rocher, là où il forme un berceau, près des fleurs.

Difficilement, à cause de sa faiblesse, il se tourne pour se mettre à genoux. Il prie, tête et mains contre le manteau.

602.19

Ensuite, prenant appui sur le rocher, il se lève et, encore un peu titubant, va trouver les disciples. Son visage est très pâle, mais il n’est plus troublé. C’est un visage d’une beauté divine, bien qu’il soit exsangue et plus triste qu’à l’ordinaire.

Les trois hommes dorment profondément, bien enveloppés dans leurs manteaux, allongés près du feu éteint. On les entend respirer fortement, comme au début d’un ronflement sonore.

Jésus les appelle, mais c’est en vain. Il doit se pencher et secouer Pierre.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Qui m’arrête ? demande-t-il en s’extrayant, abasourdi et effrayé, de son manteau vert foncé.

– Personne. C’est moi qui t’appelle.

– C’est le matin ?

– Non. La seconde veille en est à sa fin. »

Pierre est tout engourdi.

Jésus secoue Jean, qui pousse un cri de terreur en voyant penché sur lui un visage de fantôme, tant il semble de marbre.

« Oh !… tu me paraissais mort ! »

Il secoue enfin Jacques. Celui-ci, s’imaginant que c’est son frère qui l’appelle, demande :

« Ils ont pris le Maître ?

– Pas encore, Jacques » répond Jésus. « Mais levez-vous maintenant et partons. Celui qui me trahit est tout proche. »

Les trois hommes, encore étourdis, se mettent debout. Ils regardent autour d’eux… Oliviers, lune, rossignols, brise, la paix… Rien d’autre. Cependant ils suivent Jésus sans parler. Les huit autres apôtres sont eux aussi plus ou moins endormis auprès du feu éteint.

« Levez-vous ! » tonne Jésus. « Pendant que Satan arrive, montrez à celui qui ne dort jamais et à ses fils que les enfants de Dieu ne dorment pas !

– Oui, Maître.

– Où est-il, Maître ?

– Jésus, moi…

– Mais qu’est-il arrivé ? »

Et au milieu des questions et des réponses confuses, ils enfilent leurs manteaux…

602.20

Ils ont à peine le temps de remettre un peu d’ordre qu’une troupe de sbires, commandée par Judas, fait irruption sur leur petite “ place ” paisible en l’éclairant violemment avec une foule de torches allumées. C’est une horde de bandits déguisés en soldats, des faces de galériens que déforme un sourire démoniaque. Il y a aussi quelques zélateurs du Temple.

Les apôtres bondissent tous dans un coin, Pierre devant, les autres groupés derrière lui. Jésus reste à sa place.

Judas s’avance et soutient le regard de Jésus, redevenu le regard étincelant de ses jours les meilleurs. Loin de baisser la tête, il s’approche avec un sourire de hyène et lui donne un baiser sur la joue droite.

« Mon ami, qu’es-tu venu faire ? C’est par un baiser que tu me trahis ? »

Judas baisse un instant la tête, puis la relève… insensible au reproche comme à toute invitation au repentir.

Jésus a commencé par parler avec la majesté du Maître, mais désormais il prend le ton affligé d’un homme résigné à un malheur.

602.21

Les sbires s’avancent en criant, avec des cordes et des bâtons. Le Christ ne leur suffit pas, ils tentent aussi de s’emparer des apôtres, excepté Judas, bien entendu.

« Qui cherchez-vous ? demande Jésus d’un ton calme et solennel.

– Jésus, le Nazaréen.

– C’est moi. »

Sa voix est un tonnerre. Devant le monde assassin et au monde innocent, devant la nature et les étoiles, Jésus se rend ce témoignage ouvert, loyal, plein d’assurance. Je dirais qu’il est heureux de pouvoir se le donner.

Il n’aurait pas fait mieux s’il avait lancé la foudre. Tous tombent par terre comme une gerbe d’épis fauchés. Ne restent debout que Judas, Jésus et les apôtres qui reprennent courage au spectacle des soldats abattus, si bien qu’ils s’approchent de Jésus en menaçant si explicitement Judas que celui-ci fait un bond juste à temps pour éviter un coup de maître de l’épée de Simon. Poursuivi en vain à coups de pierres et de bâtons lancés par les apôtres qui ne sont pas armés d’épées, il s’enfuit au-delà du Cédron et disparaît dans l’obscurité d’une ruelle.

« Levez-vous. Qui cherchez-vous ? Je vous le redemande.

– Jésus, le Nazaréen.

– Je vous l’ai dit : c’est moi » dit Jésus avec douceur. Oui : avec douceur. « Laissez donc libres ces hommes. Moi, je viens. Déposez épées et bâtons. Je ne suis pas un brigand. J’étais toujours au milieu de vous. Pourquoi ne m’avez-vous pas capturé alors ? Mais c’est votre heure et celle de Satan… »

602.22

Mais pendant qu’il parle, Pierre s’approche de l’homme qui déjà tend les cordes pour attacher Jésus, et il donne un coup d’épée maladroit. S’il s’était servi de la pointe, il l’aurait égorgé comme un mouton. Mais il ne fait que lui décoller l’oreille, qui reste pendante et laisse couler beaucoup de sang. L’homme crie qu’il est mort. Le désordre s’installe entre ceux qui veulent avancer et ceux qui ont peur à la vue des épées et des poignards qui brillent.

« Déposez ces armes. Je vous l’ordonne. Si je voulais, j’aurais les anges du Père pour me défendre. Quant à toi, sois guéri. Dans ton âme, si tu peux, pour commencer. »

Et avant de tendre les mains aux cordes, il touche l’oreille et la guérit.

Les apôtres poussent toutes sortes de cris… Oui. Je regrette de le dire, mais c’est ainsi. L’un crie une chose, l’autre tout l’inverse. L’un hurle : “ Tu nous as trahis ! ”, le deuxième : “ Mais il est fou ! ”, et un troisième : “ Mais qui peut encore te croire ? ” Et ceux qui ne crient pas s’enfuient.

En fin de compte, Jésus reste seul… Seul avec les sbires… Et le chemin commence…

602.1

La via è tutta silenziosa. Solo una fontanella che ricade in un bacino di pietra mette un suono in tanto silenzio. Lungo i muri delle case, dal lato d’oriente, vi è ancora oscurità, mentre dall’altro lato la luna comincia a fare bianco il sommo delle case e, dove la via allarga in una piazzetta, ecco che il latteo argenteo della luna scende a far belli anche i ciottoli e la terra della via. Ma sotto i frequenti archivolti che vanno da casa a casa, simili a ponti levatoi od a puntelli a queste vecchie case dalle scarsissime aperture sulle vie, e che in quest’ora sono tutte chiuse e buie come fossero case abbandonate, vi è l’oscurità perfetta, e il rossastro della torcia portata da Simone acquista una singolare vivezza e un’ancora più grande utilità. I visi, in quella luce rossa e mobile, si mostrano con un rilievo netto e, tanti quanti sono, rivelano altrettanti e diversi stati d’animo.

Il più solenne e calmo è quello di Gesù. Per quanto una stanchezza lo invecchi marcandolo di linee che solitamente non ha e che fanno già apparire la futura effigie del suo volto ricomposto nella morte.

Giovanni, che gli è al fianco, gira uno sguardo stupefatto, dolente, su tutto quanto vede. Sembra un fanciullo terrorizzato da qualche racconto udito o da qualche promessa paurosa e che invochi aiuto da chi sa di più di lui. Ma chi gli può dare aiuto?

Simone, che è all’altro fianco di Gesù, ha il viso chiuso, cupo, di chi rimugina in sé pensieri atroci. Ed è ancora l’unico che, dopo Gesù, mostri un aspetto dignitoso.

602.2

Gli altri, in due gruppi che continuamente si alternano nella loro formazione, sono tutto un fermento. E ogni tanto la voce rauca di Pietro o quella baritonale di Tommaso si elevano con risonanza strana. Poi si riabbassano, come paurosi di quello che dicono. Discutono sul da farsi, e chi propone l’una e chi l’altra cosa. Ma cadono tutte le proposte, perché realmente sta per iniziarsi “l’ora delle tenebre” e i giudizi umani restano oscurati e confusi.

«Bisognava dirmelo prima», arrangola Pietro.

«Ma non uno ha parlato. Non il Maestro…», dice Andrea[1].

«Sì! Proprio Lui te lo diceva. Ma fratello! Sembra che tu non lo conosca!…», gli risponde Pietro.

«Io sentivo qualche cosa di turbato. E l’ho detto: “Andiamo a morire con Lui”. Ve lo ricordate? Ma, per il nostro santissimo Iddio, se avessi saputo che era Giuda di Simone!…», tuona Tommaso minaccioso.

«E che volevi fare?», chiede Bartolomeo.

«Io? Io farei anche ora se mi aiutaste!».

«Cosa? Partiresti per ucciderlo? E dove?».

«No. Porterei via il Maestro. È più semplice».

«Non verrebbe!».

«Non gli chiederei se verrebbe. Lo rapirei come si rapisce una donna».

«Non sarebbe una malvagia idea!», dice Pietro. E impulsivo torna indietro, si mette nel gruppo dei due figli di Alfeo che con Matteo e Giacomo bisbigliano piano come congiurati. «Sentite, dice Tommaso di portare via Gesù. Tutti insieme. Si potrebbe… dal Get-Samnì per Betfage a Betania e di là… vela per qualche posto. Lo facciamo? Messo in salvo Lui, si torna e si stermina Giuda».

«È inutile. Israele è tutta una trappola», dice Giacomo d’Al­feo.

«Ed ora è prossima a chiudersi. Lo si capiva. Troppo o­dio!».

«Ma, Matteo! Mi fai rabbia! Avevi più coraggio quando eri peccatore! Di’ tu, Filippo».

Filippo, che viene solo solo e pare monologare fra sé, alza il viso e si ferma. Pietro lo raggiunge e bisbigliano fra loro. Poi raggiungono il gruppo di prima: «Io direi che il posto migliore è nel Tempio», dice Filippo.

«Sei matto?», urlano i cugini, Matteo e Giacomo. «Ma se là lo vogliono morto!».

«Sss! Quanto baccano! So quello che mi dico. Lo cercheranno da per tutto. Ma non lì. Tu e Giovanni avete buone amicizie fra i servi di Anna. Si dà un bel boccone d’oro… e tutto è fatto. Credete! Il posto migliore per nascondere uno ricercato è in casa dei carcerieri».

«Io non lo faccio», dice Giacomo di Zebedeo. «Però, senti anche gli altri. Giovanni per primo. E se poi lo arrestano? Non voglio che si dica che sono io il traditore…».

«Non ci avevo pensato. E allora?». Pietro è annichilito.

«E allora io direi che è pietoso fare una cosa. L’unica che possiamo. Portare via la Madre…», dice Giuda d’Alfeo.

«Già!… Ma… Chi ci va? Che le si dice? Va’ tu, parente».

«Io resto con Gesù. È mio diritto. Va’ tu».

«Io?! Mi sono armato di spada per morire come Eleazaro di Saura[2]. Traverserò legioni per difendere il mio Gesù e colpirò senza ritegno. Se la forza dei più mi ucciderà, non importa. Lo avrò difeso», proclama Pietro.

«Ma sei proprio sicuro che è l’Iscariota?», chiede Filippo al Taddeo.

«Ne sono sicuro. Nessuno di noi ha cuore di serpe. Solo lui… Va’ tu, Matteo, da Maria e dille…».

«Io? Ingannarla? Vederla al mio fianco ignara, e poi?… Ah! no. Sono pronto alla morte, ma non a tradire quella colomba…».

Le voci si mischiano in un sussurro.

602.3

«Odi? Maestro, noi ti amiamo», dice Simone.

«Lo so. Non ho bisogno di quelle parole per saperlo. E se danno pace al cuore del Cristo esse feriscono la sua anima».

«Perché, Signor mio? Sono parole d’amore».

«Di tutto umano amore. In verità, in questi tre anni non ho fatto nulla, perché voi siete ancora più umani della prima ora. Lievitano in voi tutti i fermenti più fangosi, questa sera. Ma non è colpa vostra…».

«Salvati, Gesù!», geme Giovanni.

«Mi salvo».

«Sì? Oh! Mio Dio, grazie!». Giovanni pare un fiore piegato da arsione e che torni fresco sullo stelo. «Lo dico agli altri. Dove andiamo?».

«Io alla morte. Voi alla Fede».

«Ma non avevi detto ora che ti salvavi?». Il prediletto si accascia di nuovo.

«Mi salvo, infatti, mi salvo. Se non ubbidissi al Padre mi perderei. Ubbidisco. Perciò mi salvo. Ma non piangere così! Sei meno bravo dei discepoli di quel filosofo greco di cui ti parlai un giorno. Essi rimasero presso il maestro morente per cicuta, confortandolo col loro virile dolore. Tu… tu sembri un pargolo che abbia perduto suo padre».

«E non è forse così? Più che se perdessi il padre, io perdo! Perdo Te…».

«Non mi perdi poiché continui a volermi bene. È perduto uno che è da noi separato dalla dimenticanza sulla Terra e dal giudizio di Dio nell’al di là. Ma noi non saremo separati. Mai. Né da questo, né da quello».

Ma Giovanni non intende ragioni.

602.4

Simone si fa ancora più vicino a Gesù e gli confida sottovoce: «Maestro… io… io e Simon Pietro speravamo di fare qualche cosa di buono… Ma… Tu che sai tutto, dimmi: fra quante ore pensi essere catturato?».

«Non appena la luna è al colmo del suo arco».

Simone ha un atto di dolore e di impazienza, per non dire di stizza. «Allora tutto fu inutile… Maestro, ora ti spiego. Tu hai quasi rimproverato me e Simon Pietro per averti lasciato tanto solo in questi ultimi giorni… Ma eravamo lontani per Te… per amore di Te. Pietro, nella notte del lunedì, impressionato dalle tue parole, è venuto da me mentre dormivo e mi ha detto: “Io e te, di te mi fido, dobbiamo fare qualche cosa per Gesù. Anche Giuda ha detto di volersene occupare”. Oh! perché non abbiamo capito allora? Perché non ci hai detto nulla Tu? Ma, dimmi, a nessuno lo hai detto? Proprio a nessuno? Forse lo hai compreso solo poche ore fa?».

«L’ho sempre saputo. Prima ancora che egli fosse nei discepoli. E perché il suo delitto non fosse perfetto, e nel divino e nell’umano, ho cercato in tutti i modi di allontanarlo da Me. Coloro che vogliono che Io muoia sono i carnefici di Dio. Questo, mio discepolo e amico, è anche il traditore, il carnefice dell’Uomo. Il mio primo carnefice, perché mi ha già fatto morto con lo sforzo di averlo al fianco, alla mensa, e di doverlo proteggere con Me stesso contro voi».

«E nessuno lo sa?».

«Giovanni. Gliel’ho detto alla fine della Cena. Ma che avete fatto?».

«E Lazzaro? Non sa proprio nulla Lazzaro? Oggi fummo da lui, perché egli è venuto di prima mattina, ha sacrificato ed è ripartito senza neppure fermarsi al suo palazzo né andare al Pretorio. Perché lui ci va sempre, per consuetudine presa dal padre. E Pilato, lo sai, c’è in città, in questi giorni…».

«Sì. Tutti ci sono. C’è Roma, la nuova Sionne, con Pilato. C’è Israele con Caifa ed Erode. C’è tutto Israele, perché la Pasqua ha raccolto i figli di questo popolo ai piedi dell’altare di Dio…

602.5

Hai visto Gamaliele?».

«Sì. Perché questa domanda? Lo devo rivedere anche domani…».

«Gamaliele questa sera è a Betfage. Lo so. Quando saremo giunti al Getsemani tu andrai da Gamaliele e gli dirai: “Fra poco avrai il segno che attendi da ventun’anni”. Null’altro. Poi tornerai coi compagni».

«Ma come lo sai? Oh! Maestro mio, povero Maestro che non hai neppure il conforto di ignorare le opere altrui!».

«Dici bene! Il conforto di ignorare! Povero Maestro! Perché sono più le opere malvagie delle buone. Ma vedo anche quelle buone e ne giubilo».

«Allora Tu sai che…».

«Simone, è la mia ora di passione. Per renderla più completa il Padre mi ritira la luce man mano che si approssima. Fra poco non avrò che tenebre e la contemplazione di ciò che è tenebre: ossia tutti i peccati degli uomini. Non puoi, non potete capire. Nessuno, meno chi sarà a ciò chiamato da Dio per speciale missione, comprenderà questa passione nella grande Passione e, poi che l’uomo è materiale anche nell’amare e nel meditare, ci sarà chi piangerà e soffrirà per le mie battiture, per le torture del Redentore, ma non si misurerà questa spirituale tortura che, credetelo voi che mi udite, sarà la più atroce… Parla, perciò, Simone. Guidami sui sentieri dove la tua amicizia andò per Me, perché Io sono un povero che accieca e che vede fantasmi, non cose reali…».

Giovanni lo stringe e chiede: «Che? Non vedi più il tuo Giovanni?».

«Ti vedo. Ma i fantasmi sorgono dalle nebbie di Satana. Visioni d’incubo e dolore. Tutti siamo avvolti in questo miasma d’inferno, questa sera. In Me cerca di creare viltà, disubbidienza e dolore. In voi creerà delusione e paura. In altri, che pure non sono né paurosi né delinquenti, darà delinquenza e pavidità. In altri, che già sono di Satana, darà il pervertimento soprannaturale. Dico così perché la loro perfezione nel male sarà tale da superare le umane possibilità e raggiungere il perfetto che è sempre nel sopraumano.

602.6

Parla, Simone».

«Sì. Da martedì non facciamo che andare per sapere, per prevenire, per cercare aiuti».

«E che avete potuto fare?».

«Nulla. O ben poco».

«E il poco sarà “nulla” quando la paura paralizzerà i cuo­ri».

«Mi sono anche urtato con Lazzaro… La prima volta che mi avviene… Urtato, perché mi parve inerte… Lui potrebbe fare. È amico del Governatore. È sempre il figlio di Teofilo! Ma Lazzaro ha respinto ogni mia proposta. L’ho lasciato urlando: “Io penso che l’amico di cui parla il Maestro sia tu. Mi fai orrore!”, e non volevo più tornare da lui… Ma questa mattina egli mi ha chiamato e detto: “Puoi ancora pensare che sia io il suo traditore?”. Io avevo già visto Gamaliele e Giuseppe e Cusa, e Nicodemo e Mannaen, ed infine tuo fratello Giuseppe… e non potevo più credere questo. Gli ho detto: “Perdona, Lazzaro. Ma mi sento la mente sconvolta più di quando ero io stesso un condannato”. Ed è così, Maestro… Io non sono più io… Ma perché sorridi?».

«Perché ciò conferma quanto Io ti ho detto prima. La nebbia di Satana ti avvolge e turba. Che ha risposto Lazzaro?».

«Ha detto: “Ti capisco. Vieni oggi, con Nicodemo. Ho bisogno di vederti”. E sono andato, mentre Simon Pietro è andato dai galilei. Perché tuo fratello, lui, da tanto lontano, ne sa più di noi. Dice che lo ha saputo per caso parlando con un vecchio galileo, amico di Alfeo e Giuseppe, che abita vicino ai mer­ca­ti».

«Ah!… sì… Un grande amico della casa…».

«Egli è là con Simone e le donne. Vi è anche la famiglia di Cana».

«Ho visto Simone».

«Ebbene, Giuseppe da questo suo amico e amico di uno del Tempio, che è divenuto suo parente per donne, ha saputo che è decisa la tua cattura e ha detto a Pietro: “Io l’ho sempre combattuto. Ma per amore. E finché Egli era ancora forte. Ma, ora che diventa come un bambino in preda dei suoi nemici, io, parente che sempre l’ho amato, sono con Lui. È dovere di sangue e di cuore”».

Gesù sorride, riavendo per un attimo il viso sereno delle ore di gioia.

«E Giuseppe ha detto a Pietro: “I farisei di Galilea sono aspidi come tutti i farisei. Ma la Galilea non è tutta farisei. E qui sono molti galilei che lo amano. Andiamo a dire loro di radunarsi per difenderlo. Non abbiamo che i coltelli. Ma anche i bastoni sono armi, se ben maneggiati. E, se non vengono le milizie romane, avremo presto ragione di quella canaglia vile che sono gli sgherri del Tempio”. E Pietro è andato con lui.

602.7

Io intanto andavo da Lazzaro. Con Nicodemo. Avevamo deciso di persuadere Lazzaro a venire con noi e ad aprire la sua casa per stare con Te. Ci ha detto: “Devo ubbidire a Gesù e stare qui. A soffrire il doppio…”. È vero?».

«È vero. Io gli ho dato questo ordine».

«Però mi ha dato le spade. Sono sue. Una per me, una per Pietro. Anche Cusa voleva darmi le spade. Ma… Che sono due pezzi di ferro contro tutto un mondo? Cusa non può credere che sia vero quanto Tu dici. Giura che egli non sa nulla e che nella corte non c’è che il pensiero di godere della festa… Un bagordo come al solito. Tanto che egli ha detto a Giovanna di ritirarsi in una loro casa in Giudea. Ma Giovanna vuole rimanere qui. Chiusa nel suo palazzo, come se non ci fosse. Ma non si allontana. È con lei Plautina, Anna, Niche e due dame romane della casa di Claudia. Piangono, pregano e fanno pregare gli innocenti. Ma non è tempo di preghiere. Di sangue è tempo. Io sento tornare vivo lo “zelote” e ardo di uccidere per fare vendetta!…».

«Simone! Se volevo farti morire maledetto, non ti levavo alla desolazione!…». Gesù è severissimo.

«Oh! perdono, Maestro… Perdono! Sono come un ebbro, un delirante».

«E Mannaen che dice?».

«Mannaen dice che non può essere vero e che, se lo fosse, egli ti seguirà anche nel supplizio».

«Come tutti fidate di voi!… Quanta superbia è nell’uomo! E Nicodemo e Giuseppe? Che sanno?».

«Nulla più di me. Tempo fa in una assemblea Giuseppe si prese col Sinedrio, perché li chiamò assassini volendo uccidere un innocente, e disse: “Tutto è illegale qui dentro. Lui dice bene. L’abbominio è nella casa del Signore. Questo altare va distrutto perché profanato”. Non lo lapidarono perché è lui. Ma da allora lo hanno tenuto all’oscuro di tutto. Solo Gamaliele e Nicodemo gli si sono conservati amici. Ma il primo non parla. E il secondo… Né lui né Giuseppe furono più chiamati al Sinedrio per le decisioni più vere. Esso si aduna illegalmente qua e là, ad ore diverse, per paura di loro e di Roma. Ah! dimenticavo!… I pastori. Anche loro sono coi galilei. Ma pochi siamo! Se Lazzaro avesse voluto ascoltarci e venire dal Pretore! Ma non ci ascoltò… Questo abbiamo fatto… Molto… e nulla… e io sono tanto accasciato che vorrei andare per la campagna urlando come uno sciacallo, abbrutendomi in un’orgia, uccidendo come un brigante, pur di levarmi questo pensiero che è “tutto inutile”, come ha detto Lazzaro, come ha detto Giuseppe e Cusa e Mannaen e Gamaliele…». Lo Zelote non sembra più lui…

«Che ha detto il rabbi?».

«Ha detto: “Io non so esattamente i propositi di Caifa. Ma vi dico che solo per il Cristo è profetizzato quanto dite. E siccome io non ammetto in questo profeta il Cristo, non trovo ci sia da agitarsi. Verrà ucciso un uomo, buono, amico di Dio. Ma di quanti suoi simili ha bevuto il sangue Sionne?!”. E poiché noi insistevamo sulla tua divina Natura, ha ripetuto cocciuto: “Quando vedrò il segno, crederò”. Ed ha promesso di astenersi dal votare la tua morte, e anzi, se sarà possibile, di persuadere gli altri a non condannarti. Questo, non più. Non crede! Non crede! Se si potesse giungere a domani… Ma Tu dici di no.

602.8

Oh! che faremo noi?!».

«Tu andrai da Lazzaro e cercherai di portare con te quanti più puoi. Non solo degli apostoli. Ma anche dei discepoli che troverai vaganti per le vie della campagna. Cerca di vedere i pastori e da’ loro questo ordine. La casa di Betania è più che mai la casa di Betania, la casa della buona ospitalità. Quelli che non hanno coraggio di affrontare l’odio di tutto un popolo si rifugino là. Ad attendere…».

«Ma noi non ti lasceremo».

«Non vi separate… Divisi, sareste un nulla. Uniti, sarete ancora una forza. Simone, promettimi questo. Tu sei pacato, fedele, hai parola e impero anche su Pietro. E hai un grande obbligo con Me. Te lo ricordo per la prima volta, per importi l’ubbidienza. Guarda, siamo al Cedron. Di lì sei salito a Me lebbroso e di lì sei partito mondato. Per quello che ti ho dato, dammi. Dàllo all’Uomo ciò che Io ho dato all’uomo. Ora il lebbroso sono Io…».

«Nooo! Non lo dire!», gemono insieme i due discepoli.

«Così è! Pietro, i fratelli miei saranno i più accasciati. Come un delinquente si sentirà l’onesto mio Pietro e non avrà pace. E i fratelli… Non avranno cuore di guardare la loro e la mia Madre… Te li raccomando…».

«Ed io, Signore, di chi sarò? A me non pensi?».

«O mio fanciullo! Tu sei affidato al tuo amore. È tanto forte che ti guiderà come una madre. Non ti do ordine né guida. Ti lascio sulle acque dell’amore. Sono in te un fiume tanto calmo e profondo che non mi mettono dubbio sul tuo domani. Simone, hai inteso? Promettimi, promettimi!». È penoso vedere Gesù tanto angosciato… Riprende: «Prima che vengano gli altri! Oh! grazie! Sii benedetto!».

602.9

Tutto il gruppo si riunisce.

«Ora dividiamoci. Io salgo in alto, a pregare. Con Me voglio Pietro, Giovanni e Giacomo. Voi rimanete qui. E, se foste sopraffatti, chiamate. E non temete. Non vi sarà torto un capello. Pregate per Me. Deponete odio e paura. Non sarà che un attimo… e poi la gioia sarà piena. Sorridete. Che Io abbia nel cuore i vostri sorrisi. E ancora grazie di tutto, amici. Addio. Il Signore non vi abbandoni…».

Gesù si separa dagli apostoli e va avanti, mentre Pietro si fa dare da Simone la torcia dopo che questo ha acceso con essa degli sterpi resinosi, che bruciano scoppiettando sul limite dell’uliveto e spandendo un odore di ginepro. Mi fa pena vedere il Taddeo che guarda con uno sguardo talmente intenso e doloroso Gesù che questo si volge e cerca chi lo ha guardato. Ma il Taddeo si nasconde dietro a Bartolomeo e si morde le labbra per ­frenarsi.

Gesù fa un gesto con la mano, fra la benedizione e l’addio, e poi prosegue il suo cammino. La luna, ormai ben alta, circonda della sua luce la sua alta figura e pare renderla anche più alta, spiritualizzandola, facendone più chiara la veste rossa e più pallido l’oro dei capelli. Dietro a Lui affrettano il passo Pietro con la torcia e i due figli di Zebedeo.

602.10

Proseguono sino a raggiungere il limite della prima balza del rustico anfiteatro dell’uliveto, a cui fa da entrata la piazzuola irregolare e da gradinate le diverse balze che ascendono a scaglioni di ulivi sul monte, poi Gesù dice: «Fermatevi, attendetemi qui, mentre Io prego. Ma non dormite. Potrei avere bisogno di voi. E, ve lo chiedo per carità, pregate! Il vostro Maestro è molto accasciato».

È infatti di un accasciamento già profondo. Pare già aggravato da un peso. Dove è più il virile Gesù che parlava alle folle, bello, forte, dall’occhio dominatore, il pacato sorriso, la voce sonora e bellissima? Pare già preso da un affanno. È come uno che ha corso o che ha pianto. Ha una voce stanca e affannata. Triste, triste, triste…

Pietro risponde per tutti: «Sta’ tranquillo, Maestro. Vigileremo e pregheremo. Non hai che chiamarci, che verremo».

E Gesù li lascia, mentre i tre si curvano a radunare foglie e sterpi per fare un fuocherello che serva a tenerli desti e anche a combattere la guazza che comincia a scendere abbondante.

602.11

Cammina, volgendo loro le spalle, da occidente a oriente, avendo perciò in faccia la luce lunare. Vedo che un grande dolore fa ancor più dilatato l’occhio, forse è un bistro di stanchezza che lo allarga, forse è l’ombra dell’arco sopraccigliare. Non so. So che ha l’occhio più aperto e incavato. Sale a testa china, solo ogni tanto la alza con un sospiro, come facesse fatica e anelasse, e allora gira il suo occhio tanto triste sul placido uliveto. Fa qualche metro in salita, poi gira intorno ad uno scaglione, che rimane così fra Lui e i tre lasciati più in basso.

Lo scaglione, alto pochi decimetri all’inizio, sale sempre più e dopo poco è alto più di due metri, di modo che ripara completamente Gesù da ogni sguardo più o meno discreto e amico. Gesù prosegue sino ad un grosso masso che ad un certo punto sbarra il sentieruolo, forse messo a sostegno alla costa che in giù scoscende più ripida e nuda sino ad una desolata macia, che precede le mura oltre le quali è Gerusalemme, e in su continua a salire con altri balzi e altri ulivi. Proprio sopra al grosso sasso si spenzola un ulivo tutto nodoso e contorto. Pare un bizzarro punto interrogativo messo dalla natura a chiedere qualche perché. I rami folti sulla cima danno risposta alla domanda del tronco, dicendo ora di sì col piegarsi verso terra, ora di no dimenandosi da destra a manca, sotto un vento lieve che passa a ondate fra le fronde e che a volte sa soltanto di terra, a volte di quell’odore amarognolo dell’ulivo, alle volte di un misto profumo di rose e mughetti che non si sa da dove possa venire. Oltre il sentieruolo, in basso, sono altri ulivi, ed uno, proprio sotto al masso, fenduto da qualche fulmine eppure sopravvissuto, o scosciato per non so che causa, ha del tronco iniziale fatto due tronchi che salgono come le due aste di un grande V in stampatello, e le due chiome si affacciano al di qua e al di là del masso, come volessero vedere e velare nello stesso tempo, o fare ad esso masso una base di un grigio argento tutto pace.

602.12

Gesù si ferma lì. Non guarda la città che appare là in basso, tutta bianca nella luce lunare. Anzi le volge le spalle e prega a braccia aperte a croce, col volto alzato verso il cielo. E non vedo il volto suo perché è nell’ombra, avendo la luna quasi a perpendicolo sul capo, è vero, ma anche la folta ramaglia dell’ulivo fra Lui e la luna, che appena filtra fra foglia e foglia con occhiellini ed aghi di luce in perpetuo movimento.

Una lunga, ardente preghiera. Ogni tanto ha un sospiro e qualche parola più netta. Non è un salmo, non è il Pater. È una preghiera fatta dallo sgorgare del suo amore e del suo bisogno. Un vero discorso fatto al Padre suo. Lo comprendo per le poche parole che afferro: «Tu lo sai… Sono il tuo Figlio… Tutto, ma aiutami… L’ora è venuta… Io non sono più della Terra. Cessa ogni bisogno di aiuto al tuo Verbo… Fa’ che l’Uomo ti soddisfi come Redentore come ti fu ubbidiente la Parola… Ciò che Tu vuoi… Per loro ti chiedo pietà… Li farò salvi? Questo ti chiedo. Voglio così: dal mondo salvi, dalla carne, dal demonio… Posso chiedere ancora? È giusta domanda, Padre mio. Non per Me. Per l’uomo, che è tua creazione e che volle rendere fango anche la sua anima. Io getto nel mio dolore e nel mio Sangue questo fango, perché torni l’incorruttibile essenza dello spirito a Te gradito… Ed è dovunque. Egli è il re questa sera. Nella reggia e nelle case. Fra le milizie e nel Tempio… La città ne è colma, e domani sarà un inferno…».

Gesù si volge, si appoggia con la schiena al masso e incrocia le braccia. Guarda Gerusalemme. Il viso di Gesù si fa sempre più mesto. Mormora: «Pare di neve… ed è tutta un peccato. Anche in essa quanti ho guarito! Quanto ho parlato!… Dove sono quelli che mi parevano fedeli?»…

Gesù curva il capo e guarda fisso il terreno coperto di una erbetta corta e lucida di guazza. Ma, per quanto abbia il capo chino, comprendo che piange, perché delle gocce lucono nel cadere dal volto al suolo. Poi alza il capo, disserra le braccia, le congiunge tenendole al disopra del capo e agitandole così unite.

602.13

Poi si incammina. Torna verso i tre apostoli seduti intorno al loro fuocherello di sterpi. E li trova mezzo addormentati. Pietro si è addossato ad un tronco con le spalle e, con le braccia conserte sul petto, ciondola con la testa nelle prime caligini di un robusto sonno. Giacomo è seduto, con il fratello, su un radicone che affiora e sul quale hanno messo i mantelli per sentirne meno le gobbe, ma, nonostante siano scomodi più di Pietro, sono anche loro sonnecchianti. Giacomo ha abbandonato la testa sulla spalla di Giovanni e questo ha piegato la sua su quella del fratello, come se il dormiveglia li avesse immobilizzati in quella posa.

«Dormite? Non avete saputo vegliare un’ora sola? Ed Io ho tanto bisogno del vostro conforto e delle vostre preghiere!».

I tre sobbalzano confusi. Si sfregano gli occhi. Mormorano una scusa, accusando lo sforzo del digerire come causa prima di questo loro sonnecchiare: «È il vino… il cibo… Ma ora passa. Un momento è stato. Non avevamo voglia di parlare e questo ci ha portati al sonno. Ma ora pregheremo a voce alta e non succederà più».

«Sì. Pregate e vigilate. Anche per voi ne avete bisogno».

«Sì, Maestro. Ti ubbidiremo».

602.14

Gesù torna via. La luna che gli batte in volto, così forte nel suo chiarore d’argento che rende sempre più pallida la veste rossa come la velasse di una polvere bianco lucente, mi fa vedere il suo volto sconfortato, addolorato, invecchiato. Lo sguardo è sempre dilatato, ma pare appannato. La bocca ha una piega di stanchezza.

Torna al suo masso ancor più lento e curvo. Si inginocchia appoggiando le braccia al masso, che non è liscio ma a mezza altezza ha come un seno, quasi fosse stato lavorato apposta così, e su questo breve seno è nata una pianticina, che mi pare di quei fioretti simili a piccoli gigli che ho visto anche in Italia[3], dalle fogliette piccole, tonde ma dentellate agli orli e polpute e i fiorellini minuti sugli esilissimi steli. Sembrano piccoli fiocchi nevosi spruzzanti il grigio del masso e le fogliette verde scuro. Gesù appoggia le mani lì presso e i fiorellini gli vellicano la guancia, perché Egli appoggia il capo sulle mani giunte e prega. Dopo un poco sente il fresco delle piccole corolle, alza il capo. Le guarda. Le carezza. Parla loro: «Voi siete pure!… Voi mi date ristoro! C’erano anche nella grotticella della Mamma questi fiorellini… e Lei li amava perché diceva: “Quando ero piccina, diceva mio padre: ‘Tu sei un giglio così piccino e tutto pieno di rugiada celeste’”… La Mamma! Oh! Mamma mia!». Ha uno scoppio di pianto. Col capo sulle mani congiunte, ricaduto un poco sui calcagni, lo vedo e l’odo piangere, mentre le mani stringono le dita e le tormentano l’una all’altra. Sento che dice: «Anche a Betlemme… e te li ho portati, Mamma. Ma questi, chi te li porterà più?…».

602.15

Poi riprende a pregare e a meditare. Deve essere ben triste la sua meditazione, angosciosa più che triste, perché per sfuggirla Egli si alza, va avanti e indietro mormorando parole che non afferro, alzando il volto, abbassandolo, gestendo, passandosi sugli occhi, sulle gote, sui capelli, le mani con mosse macchinali e agitate, proprie di chi è in grande angoscia. Dirlo non è niente. Descriverlo è impossibile. Vederlo è andare nella sua angoscia. Gestisce verso Gerusalemme. Poi torna ad alzare le braccia verso il cielo come per invocare aiuto.

Si leva il mantello come avesse caldo. Lo guarda… Ma che vede? I suoi occhi non guardano altro che la sua tortura, e tutto serve a questa tortura, ad aumentarla. Anche il mantello tessuto dalla Madre. Lo bacia e dice: «Perdono, Mamma! Perdo­no!». Pare lo chieda alla stoffa filata e tessuta dall’amore di mamma… Se lo rimette. È in uno strazio. Vuole pregare per superarlo. Ma con la preghiera tornano i ricordi, le apprensioni, i dubbi, i rimpianti… È una valanga di nomi… città… persone… fatti… Non posso seguirlo perché è veloce e saltuario. È la sua vita evangelica che gli sfila davanti… e gli riporta Giuda traditore.

602.16

È tanto l’affanno che urla, per vincerlo, il nome di Pietro e Giovanni. E dice: «Ora verranno. Sono ben fedeli loro!». Ma “loro” non vengono. Chiama di nuovo. Pare terrorizzato come vedesse chissà che.

Fugge veloce verso il luogo dove è Pietro e i due fratelli. E li trova più comodamente e pesantemente addormentati intorno a poche bragie che, ormai morenti, hanno solo dei zig e zag di rosso fra il grigio della cenere.

«Pietro! Vi ho chiamati tre volte! Ma che fate? Dormite ancora? Ma non sentite quanto soffro? Pregate. Che la carne non vinca, non vi vinca. In nessuno. Se lo spirito è pronto, la carne è debole. Aiutatemi…».

I tre sono più lenti a svegliarsi. Ma infine lo fanno e, con occhi imbambolati, si scusano. Si alzano, prima mettendosi seduti, poi mettendosi proprio ritti.

«Ma guarda!», mormora Pietro. «Non ci è mai accaduto! Deve essere proprio stato quel vino. Era forte. E anche questo fresco. Ci si è coperti per non sentirlo (infatti si erano coperti coi mantelli anche sul capo) e non si è più visto il fuoco, non si è avuto più freddo, ed ecco che il sonno è venuto. Dici che hai chiamato? Eppure non mi pareva di dormire tanto forte… Su, Giovanni, cerchiamo dei rametti, muoviamoci. Ci passerà. Sta’ sicuro, Maestro, che ora poi!… Resteremo in piedi…», e getta una manata di fogliette secche sulle bragie, e soffia finché la fiamma risuscita, e la alimenta con i rami di rovo portati da Giovanni, mentre Giacomo porta un grosso ramo di ginepro, o simile pianta, che ha tagliato da un macchione poco discosto, e lo unisce al resto.

La fiamma si alza alta e gioconda illuminando il povero viso di Gesù. Un viso veramente di una tristezza che non si può guardare senza piangere. Ogni fulgore di quel volto è annullato in una stanchezza mortale. Dice: «Sono in un’angoscia che mi uccide! Oh! sì! L’anima mia è triste sino a morirne. Amici!… Amici! Amici!». Ma, se anche così non dicesse, il suo aspetto direbbe che Egli è proprio come uno che muore, e nel più angoscioso e desolato abbandono. Pare che ogni parola sia un singhiozzo…

Ma i tre sono troppo carichi di sonno. Sembrano quasi ebbri tanto vanno traballando ad occhi semichiusi… Gesù li guarda… Non li mortifica con rimproveri. Scuote il capo, sospira e torna via. Al posto di prima.

602.17

Prega di nuovo in piedi, con le braccia in croce. Poi in ginocchio come prima, col volto curvo sui piccoli fiori. Pensa. Tace… Poi si dà a gemere e singhiozzare forte, quasi prostrato tanto è rilassato sui calcagni. Chiama il Padre. Sempre più affannosamente…

«Oh!», dice. «È troppo amaro questo calice! Non posso! Non posso! È al di sopra di quanto Io posso. Tutto ho potuto! Ma non questo… Allontanalo, Padre, dal tuo Figlio! Pietà di Me!… Che ho fatto per meritarlo?». Poi si riprende e dice: «Però, Padre mio, non ascoltare la mia voce se essa chiede ciò che è contrario alla tua volontà. Non ricordarti che ti sono Figlio, ma solo servo tuo. Non la mia, ma la tua volontà sia fatta».

Rimane così qualche tempo. Poi ha un grido soffocato e alza un viso sconvolto. Un attimo solo, poi piomba al suolo, proprio volto a terra, e resta così. Uno straccio d’uomo su cui preme tutto il peccato del mondo, su cui si abbatte tutta la Giustizia del Padre, su cui scende la tenebra, la cenere, il fiele, quella tremenda, tremenda, tremendissima cosa che è l’abbandono di Dio mentre Satana ci tortura… È l’asfissia dell’anima, è l’essere sepolti vivi in questa carcere che è il mondo, quando non si può più sentire che fra noi e Dio vi è un legame, è l’essere incatenati, imbavagliati, lapidati dalle nostre preghiere stesse che ci ricadono addosso irte di punte e sparse di fuoco, è il dare di cozzo contro un Cielo chiuso in cui non penetrano né voce né sguardi della nostra angoscia, è l’essere “orfani di Dio”, è la pazzia, l’agonia, il dubbio d’essersi sino allora ingannati, è la persuasione di essere scacciati da Dio, di esser dannati. È l’inferno!…

Oh! lo so! e non posso, non posso vedere lo spasimo del mio Cristo, e sapere che esso è un milione di volte più atroce di quello che mi ha consumata lo scorso anno e che, quando mi torna alla mente, mi sconvolge ancora…

Gesù geme, fra rantoli e sospiri proprio d’agonia: «Niente!… Niente!… Via!… La volontà del Padre! Quella! Quella sola!… La tua volontà, Padre. La tua, non la mia… Inutile. Non ho che un Signore: Iddio santissimo. Una legge: l’ubbidienza. Un amore: la redenzione… No. Non ho più Madre. Non ho più vita. Non ho più divinità. Non ho più missione. Inutilmente mi tenti, demonio, con la Madre, la vita, la mia divinità, la mia missione. Ho per madre l’Umanità e l’amo sino a morire per lei. La vita la rendo a Chi me l’ha data e me la chiede, supremo Padrone di ogni vivente. La divinità l’affermo essendo capace di questa espiazione. La missione la compio con la mia morte. Nulla ho più. Fuorché fare la volontà del Signore, mio Dio. Va’ indietro, Satana! L’ho detto la prima e la seconda volta. Lo ridico per la terza: “Padre, se è possibile passi da Me questo calice. Ma però non la mia, la tua volontà sia fatta”. Va’ indietro, Satana. Io sono di Dio».

Poi non parla più altro che per dire fra gli ansiti: «Dio! Dio! Dio!». Lo chiama ad ogni battito di cuore, e pare che ad ogni battito il sangue trabocchi. La stoffa tesa sulle spalle se ne imbibisce e torna scura, nonostante il grande chiarore lunare che lo fascia tutto.

602.18

Pure un chiarore più vivo si forma sul suo capo, sospeso a circa un metro da Lui, un chiarore così vivo che anche il Prostrato lo vede filtrare fra le onde dei capelli, già pesanti di sangue, e il velo che il sangue fa agli occhi. Alza il capo… Splende la luna sul povero volto, e ancora più splende la luce angelica simile a quella del diamante bianco azzurro della stella Venere. E appare tutta la tremenda agonia nel sangue che trasuda dai pori. Le ciglia, i capelli, i baffi, la barba sono aspersi e cospersi di sangue. Sangue cola dalle tempie, sangue sgorga dalle vene del collo, sangue gocciano le mani, e quando Egli tende le mani verso la luce angelica e le ampie maniche scorrono in su, verso i gomiti, appaiono tutti sudanti sangue gli avambracci di Cristo. Nel viso, solo le lacrime fanno due righe nette fra la maschera rossa.

Si torna a levare il mantello e si asciuga le mani, il volto, il collo, gli avambracci. Ma il sudore continua. Egli si preme più e più volte la stoffa sul volto tenendola premuta con le mani, ed ogni volta che cambia posto, sulla stoffa rosso scura appaiono nette le impronte che, umide come sono, sembrano essere nere. L’erba del suolo è rossa di sangue.

Gesù pare prossimo a mancare. Si slaccia la veste al collo come si sentisse soffocare. Si porta la mano al cuore e poi al capo e se l’agita davanti al volto come per farsi vento, tenendo la bocca dischiusa. Si trascina contro il masso, ma più verso lo scrimolo del balzo, e si appoggia con la schiena ad esso, stando con le braccia pendenti lungo il corpo come fosse già morto, la testa penzoloni sul petto. Non si muove più.

La luce angelica decresce piano piano. Poi viene come assorbita nel chiarore lunare.

Gesù riapre gli occhi. Alza a fatica il capo. Guarda. È solo. Ma è meno angosciato. Allunga una mano. Tira a Sé il mantello, lasciato abbandonato sull’erba, e torna ad asciugarsi il volto, le mani, il collo, la barba, i capelli. Prende una larga foglia, nata proprio in riva al ciglio, tutta bagnata di guazza, e con quella finisce di pulirsi, bagnandosi volto e mani e poi asciugandosi da capo. E ripete, ripete con altre foglie, finché ha cancellato le tracce del suo tremendo sudore. Solo la veste, e specie sulle spalle e alle pieghe dei gomiti, al collo e alla cintura, ai ginocchi, è macchiata. Se la guarda e scuote il capo. Guarda anche il mantello. Ma lo vede troppo macchiato. Lo piega e lo pone sul masso, là dove esso fa cuna, presso i fioretti.

Con fatica, come per debolezza, si rigira mettendosi in ginocchio. Prega appoggiando il capo sul mantello, su cui sono già le mani.

602.19

Poi si puntella al masso, si alza e, ancora lievemente barcollando, va dai discepoli. Il suo viso è pallidissimo. Ma non è più turbato. È un viso pieno di divina bellezza, pure essendo esangue e mesto oltre il solito.

I tre dormono saporitamente. Tutti avvolti nei mantelli, sdraiati affatto, presso il fuoco spento, si sentono respirare pro­fondamente in un principio di sonoro russare.

Gesù li chiama. Inutile. Deve chinarsi e scuotere generosamente Pietro.

«Cosa è? Chi mi arresta?», dice questo emergendo, sbalordito e spaventato, dal suo mantello verde scuro.

«Nessuno. Sono Io che ti chiamo».

«È mattina?».

«No. È quasi terminata la seconda vigilia».

Pietro è tutto ingranchito.

Gesù scuote Giovanni, che ha un grido di terrore vedendo su di lui curvo un volto di fantasma tanto è marmoreo. «Oh!… Mi parevi morto!».

Scuote Giacomo, e questo, che crede che sia il fratello che lo chiama, dice: «Hanno preso il Maestro?».

«Non ancora, Giacomo», risponde Gesù. «Ma alzatevi ormai e andiamo. Chi mi tradisce è vicino».

I tre, ancora imbambolati, si alzano. Si guardano intorno… Ulivi, luna, usignoli, venticello, pace… Null’altro. Seguono però Gesù senza parlare. Anche gli altri otto sono più o meno addormentati intorno al fuoco spento.

«Sorgete!», tuona Gesù. «Mentre Satana viene, mostrate al­l’insonne e ai suoi figli che i figli di Dio non dormono!».

«Sì, Maestro».

«Dove è, Maestro?».

«Gesù, io…».

«Ma che è stato?».

E fra arruffate domande e risposte si rimettono i mantelli…

602.20

Appena in tempo per apparire in ordine alla sbirraglia capitanata da Giuda, che irrompe nella quieta piazzuola illuminandola violentemente con molte torce accese. Sono un’orda di banditi camuffati da soldati, facce da galera torte in ghigni da demoni. Vi è anche qualche campione del Tempio.

Gli apostoli balzano tutti in un angolo. Pietro davanti, e dietro in gruppo gli altri. Gesù resta dove è.

Giuda si accosta sostenendo lo sguardo di Gesù, che è tornato il lampeggiante sguardo dei suoi giorni migliori. E non abbassa il volto. Anzi si fa vicino con un sorriso da iena e lo bacia sulla guancia destra.

«Amico, e che sei venuto a fare? Con un bacio mi tradisci?».

Giuda curva per un attimo la testa, poi la rialza… Morto al rimprovero come ad ogni invito al pentimento. Gesù, dopo le prime parole ancora dette con imponenza di Maestro, prende il tono accorato di chi si rassegna ad una sventura.

602.21

La sbirraglia, con un clamore di urla, viene avanti con funi e bastoni e cerca di impadronirsi degli apostoli, oltre che di Cristo. Meno Giuda Iscariota, si intende.

«Chi cercate?», chiede Gesù calmo e solenne.

«Gesù Nazareno».

«Sono Io». La voce è un tuono. Davanti al mondo assassino e a quello innocente, davanti alla natura e alle stelle, Gesù si rende questa testimonianza, aperta, leale, sicura, direi che è lieto di potersela dare.

Ma, se avesse sprigionato un fulmine, non avrebbe potuto fare di più. Come un fascio di spighe falciate, tutti cadono al suolo. Restano in piedi solo Giuda, Gesù e gli apostoli, che davanti allo spettacolo dei soldati abbattuti riprendono fiato, tanto che si avvicinano a Gesù con delle minacce così esplicite per Giuda che questo fa un balzo, appena in tempo per sfuggire al colpo maestro della spada di Simone, e invano inseguito da pietre e bastoni, lanciatigli dietro dagli apostoli non armati di spada, fugge oltre il Cedron e si infosca nel nero di un viottolo.

«Alzatevi. Chi cercate? Torno a chiedervi».

«Gesù Nazareno».

«Ve l’ho detto che sono Io», dice con dolcezza Gesù. Sì, con dolcezza. «Lasciate dunque liberi questi altri. Io vengo. Riponete le spade e i bastoni. Non sono un ladrone. Stavo sempre fra voi. Perché non mi avete preso allora? Ma questa è la vostra ora e quella di Satana…».

602.22

Ma, mentre parla, Pietro si accosta all’uomo che già tende le funi per legare Gesù e mena un maldestro colpo di spada. Se l’avesse usata di punta, lo sgozzava come un montone. Così non fa che staccargli quasi l’orecchio, che resta penzoloni fra un gran gemere di sangue. L’uomo grida dicendosi morto. Vi è tumulto fra chi vuol venire avanti e chi ha paura vedendo luccicare spade e pugnali.

«Riponete quelle armi. Ve lo comando. Se volessi, avrei gli angeli del Padre a difendermi. E tu, guarisci. Nell’anima per prima cosa, se puoi». E, prima di tendere le mani alle corde, tocca l’orecchio e lo rende sano.

Gli apostoli hanno urli scomposti… Sì. Mi spiace dirlo ma è così. Chi dice una cosa, chi l’altra. Chi urla: «Ci hai traditi!», e chi: «Ma è folle!», e chi dice: «E chi ti può credere?». Chi non urla, fugge…

E Gesù resta solo… Lui e gli sgherri… E incomincia il cammino…


Notes

  1. comme Eléazar, fils de Saura en 1 M 6, 43.
  2. plus bas. Maria Valorta fait suivre ces mots de l’esquisse que nous reproduisons. On y voit le Cédron (à gauche, verticalement) et les numéros 1, 2 et 3 (au centre, presque horizontalement), qui signalent les explications mises en bas du dessin : n° 1 : lieu de la capture ; n° 2 endroit où s’arrêtent les apôtres Pierre, Jacques et Jean ; n° 3 : le rocher de l’agonie.

Note

  1. dice Andrea e il successivo gli risponde Pietro sono due aggiunte di MV su una copia dattiloscritta.
  2. come Eleazaro di Saura, in: 1 Maccabei 6, 43-46.
  3. in Italia: nei posti rocciosi, aggiunge MV su una copia dattiloscritta, dove aggiunge anche: Il loro nome è cimballarie.