Gli Scritti di Maria Valtorta

611. La fermeture du tombeau et le retour au Cénacle.

611. La chiusura del Sepolcro

611.1

Joseph d’Arimathie éteint l’une des torches, jette un dernier coup d’œil et se dirige vers l’entrée du tombeau en tenant bien haut la torche allumée restante.

Marie s’incline encore une fois pour donner un baiser à son Fils à travers les linges. Elle voudrait dominer sa peine et la contenir en une forme de respect envers le Cadavre qui, déjà embaumé, ne lui appartient plus. Mais quand elle est toute proche du visage voilé, elle ne se maîtrise plus et tombe dans une nouvelle crise de désolation.

On la soulève de là non sans peine, et on l’éloigne plus difficilement encore de la couche funèbre. On remet en place les toiles dérangées, et c’est plutôt portée que soutenue qu’on emmène la pauvre Mère. Elle s’éloigne en tournant encore la tête, pour voir, pour voir son Jésus qui reste seul dans l’obscurité du tombeau.

611.2

Ils sortent dans le jardin silencieux dans la lumière du crépuscule. La relative clarté revenue après la tragédie du Golgotha commence déjà à s’affaiblir à cause de la nuit qui tombe. Et là, dans le verger de Joseph, sous les branchages épais bien qu’encore sans feuilles et à peine garnis des boutons blancs rosés des pommiers — étrangement en retard alors qu’ailleurs ils sont couverts de fleurs épanouies et même déjà fécondés en fruits minuscules —, la pénombre est encore plus avancée qu’ailleurs.

Ils roulent la lourde pierre du tombeau dans son logement. Les longues branches d’un rosier ébouriffé descendent du haut de la grotte vers le sol et semblent frapper à cette porte de pierre et dire : “ Pourquoi te fermes-tu devant une mère en pleurs ? ” Ils paraissent verser eux aussi des larmes de sang de leurs pétales rouges qui s’effeuillent, avec les corolles qui s’étendent le long de la pierre sombre et les boutons serrés qui frappent contre l’inexorable fermeture.

611.3

Mais bientôt cette porte du tombeau sera mouillée d’un autre sang et d’autres larmes. Marie, jusqu’alors soutenue par Jean et relativement tranquille malgré ses sanglots, se dégage de l’apôtre et avec un cri qui, je crois, a fait trembler jusqu’aux fibres des plantes, elle se jette contre la porte, s’attaque à sa saillie pour la repousser. Elle s’écorche les doigts et se brise les ongles sans y parvenir, et elle fait pression jusque avec sa tête contre la saillie rêche. Son gémissement a quelque chose du rugissement d’une lionne qui s’évanouit sur le seuil de la trappe où sont enfermés ses lionceaux, pleine de tendresse et féroce dans son amour de mère.

Elle n’a plus rien de la douce Vierge de Nazareth, de la femme patiente que l’on connaissait jusque là. Elle est une mère, seulement et simplement la mère liée à son enfant par toutes les fibres de sa chair et de son amour. C’est la plus vraie “ maîtresse ” de cette chair qu’elle a engendrée, l’unique maîtresse après Dieu, et elle refuse que cette “ propriété ” lui soit dérobée. C’est la “ reine ” qui défend son diadème : son fils.

Toute la révolte et toutes les rébellions qu’en trente-trois ans toute autre femme aurait eues contre l’injustice du monde envers son enfant, toutes les férocités saintes et licites que toute autre mère aurait eues durant ces dernières heures pour frapper et tuer de ses mains et de ses dents les assassins de son enfant, tout ce que, par amour du genre humain, elle a toujours dompté, s’agitent maintenant dans son cœur, bouillonnent dans son sang. Mais malgré la douleur qui la fait délirer, elle reste douce, elle ne fait pas d’imprécations, elle ne s’acharne pas. Elle demande seulement à la pierre de s’ouvrir, de la laisser passer, car sa place est à l’intérieur, là où se trouve Jésus. Mais elle demande seulement aux hommes, impitoyables dans leur pitié, de lui obéir et d’ouvrir.

Après avoir frappé et ensanglanté de ses mains la pierre qui résiste, elle se tourne et s’appuie, les bras ouverts, en embrassant encore les deux bords de la pierre puis, avec sa grande majesté de Mère douloureuse, elle ordonne :

« Ouvrez ! Vous refusez ? Eh bien, moi je reste ici. Ce n’est pas possible à l’intérieur ? Alors ici, à l’extérieur. C’est ici que sont mon pain et mon lit. C’est ici qu’est ma demeure. Je n’ai pas d’autres maisons ni d’autre but. Quant à vous, partez. Retournez dans ce monde affreux. Moi, je reste là où il n’y a ni cupidité, ni odeur de sang.

– Tu ne peux pas, Femme !

– Tu ne peux pas, Mère !

– Tu ne peux pas, ma chère Marie ! »

Ils cherchent à lui détacher les mains de la pierre, effrayés par ces yeux dont ils ne connaissent pas la lueur qui les rend durs et impérieux, vitreux, phosphorescents.

611.4

Mais la violence n’est pas le fait des doux, et les humbles ne savent pas persister dans l’orgueil… Et Marie perd soudain la véhémence de sa volonté et le caractère impérieux de son commandement. Elle reprend son doux regard de colombe torturée, perd la majesté de son attitude. Elle fait un geste suppliant et elle joint les mains en suppliant :

« Laissez-moi ! Au nom de vos morts, au nom des vivants que vous aimez, ayez pitié d’une pauvre mère !… Ecoutez… Ecoutez mon cœur. Il a besoin de paix pour perdre ce battement cruel. Il s’est mis à battre ainsi là-haut, sur le Calvaire. Chaque coup de marteau blessait mon Enfant… et retentissait dans mon cerveau et dans mon cœur… ma tête est pleine du bruit des chocs, et mon cœur palpite au rythme des coups, sur les mains, sur les pieds de mon Jésus, de mon petit Jésus… Mon Enfant ! Mon Enfant !… »

Sa torture, qui paraissait calmée après sa prière au Père, près de la table de l’onction, reprend soudain. Tous pleurent.

« J’ai besoin de n’entendre ni cris ni coups. Or le monde est rempli de voix et de rumeurs. Toute voix me rappelle le “ grand cri ” qui a pétrifié le sang dans mes veines, et toute rumeur me semble être le son du marteau sur les clous. J’ai besoin de ne pas voir de visages d’hommes. Or le monde est plein de visages… Cela fait presque douze heures que je vois des visages d’assassins… Judas… les bourreaux… les prêtres… les Juifs… Tous, tous des assassins !… Au loin ! Au loin !… Je ne veux plus voir personne… En tout homme, il y a un loup et un serpent. J’éprouve à l’égard de l’homme dégoût et peur… Laissez-moi ici, sous ces arbres paisibles, sur cette herbe fleurie… D’ici peu, il y aura les étoiles… Elles ont toujours été ses amies et les miennes… Hier soir, elles ont tenu compagnie à notre solitaire agonie… Elles savent tant de choses… Elles viennent de Dieu… Oh ! Mon Dieu ! Mon Dieu !… »

Elle pleure et s’agenouille.

« Paix, mon Dieu ! Il ne me reste que toi !

611.5

Viens, ma fille ! Dieu te donnera la paix. Mais viens. Demain, c’est le sabbat pascal. Nous ne pourrions pas venir t’apporter de quoi manger…

– Je ne veux pas de nourriture ! Je veux mon Enfant ! Je me rassasie de ma douleur et me désaltère de mes larmes… Ici… Entendez-vous comme pleure ce petit duc ? Il pleure avec moi, et d’ici peu les rossignols en feront autant. Et demain, dans le soleil, ce sera au tour des calandres, des fauvettes et de tous les oiseaux qu’il aimait, et les tourterelles viendront avec moi pour frapper cette pierre et dire[1] : “ Lève-toi, mon amour, et viens ! Amour qui te tiens dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! ” Ah ! que dis-je ! Les assassins sournois ont eux aussi interpellé Jésus avec les mots du Cantique ! Oui, venez, filles de Jérusalem, voir votre Roi portant le diadème dont l’a couronné sa patrie le jour de son mariage avec la mort, le jour de son triomphe de Rédempteur !

– Regarde, Marie ! Les gardes du Temple arrivent. Partons, pour qu’ils ne crachent pas sur toi leur mépris.

– Les gardes ? Leur mépris ? Non : ce sont des lâches, des lâches. Et si je marchais sur eux, terrible dans ma douleur, ils fuiraient comme Satan devant Dieu. Mais je me souviens que je suis Marie… et je ne les frapperai pas comme j’en aurais le droit. Je resterai bonne… ils ne me verront même pas. Et s’ils me voient et me demandent : “ Que veux-tu ? ”, je leur rétorquerai : “ L’aumône de respirer l’air embaumé qui sort de cette fente. ” J’ajouterai : “ Au nom de votre mère. ” Tous ont une mère… le bon larron l’a dit aussi…

– Mais ces gens sont pires que des larrons. Ils vont t’insulter.

– Y aurait-il encore une insulte que je ne connaisse pas après celles d’aujourd’hui ? »

611.6

C’est Marie-Madeleine qui trouve la raison qui peut plier la Douloureuse à l’obéissance.

« Tu es bonne, tu es sainte, tu as la foi, et tu es courageuse. Mais nous, que sommes-nous ?… Tu le vois, la plupart ont fui, ceux qui restent tremblent. Le doute, qui est déjà en nous, nous dominerait. Toi, tu es la Mère. Tu n’as pas seulement des droits et des devoirs sur ton Fils, mais des devoirs et des droits sur ce qui appartient à ton Fils. Tu dois revenir avec nous, parmi nous, pour nous rassembler, pour nous rassurer, pour nous infuser ta foi. Tu l’as dit, après ton juste reproche à notre poltronnerie et à notre mécréance : “ Il lui sera plus facile de ressusciter s’il est débarrassé de ces bandes inutiles. ” Moi, je te le déclare : “ Si nous arrivons à nous unir dans la foi en sa Résurrection, il ressuscitera plus vite. Nous l’appellerons par notre amour… ” Mère, Mère de mon Sauveur, reviens avec nous, toi qui es l’amour de Dieu, pour nous donner cet amour que tu possèdes ! Veux-tu donc que la pauvre Marie de Magdala que Jésus a sauvée avec tant de pitié se perde de nouveau ?

– Non, on me le reprocherait. Tu as raison. Je dois revenir… aller à la recherche des apôtres… des disciples… de la famille… de tous… pour leur dire : “ croyez ” et “ il vous pardonne ”… A qui ai-je déjà dit ces mots ? … Ah ! A Judas. Il faudra… oui, il faudra le rechercher, même lui… car c’est le plus grand pécheur… »

Marie reste la tête inclinée sur la poitrine, elle tremble presque de dégoût, puis elle reprend :

« Jean, tu iras à sa recherche et tu me l’amèneras. Tu dois le faire, et je dois le faire. Père, que cela aussi soit pour la Rédemption de l’humanité. Allons. »

Elle se lève. Ils sortent du jardin à moitié obscur. Les gardes les regardent sortir sans intervenir.

611.7

La route, poussiéreuse et bouleversée par la marée humaine qui l’a parcourue et frappée de ses pieds, de ses pierres et de ses matraques, fait une courbe autour du Calvaire pour rejoindre la route principale, parallèle aux murs. Les traces de l’événement y sont encore plus visibles. Par deux fois, Marie pousse un cri et se penche pour étudier le sol avec une mauvaise lumière, car il lui semble voir du sang et elle pense que c’est celui de son Jésus. Mais, à ce qu’il me semble, ce ne sont que des morceaux d’étoffe déchirés dans la mêlée de la fuite. Le petit torrent, qui court le long de la route, gazouille doucement dans l’épais silence qui envahit tout. La ville paraît abandonnée, tant il n’en provient que du silence.

Voici le petit pont qui conduit au rude chemin du Calvaire et, en face, la Porte Judiciaire. Avant de passer dessous et de disparaître, Marie se retourne pour porter un dernier regard vers le sommet du Calvaire… et elle verse des larmes désolées. Puis elle dit :

« Allons-y. Mais conduisez-moi. Je ne veux pas voir Jérusalem, ses rues, ses habitants.

– Oui, oui, mais pressons-nous. Ils vont fermer les portes et, comme tu vois, leur garde est renforcée. Rome craint des soulèvements.

– Elle a raison. Jérusalem est un repaire de tigres ! C’est une tribu d’assassins, une horde de brigands. Et ce n’est pas seulement vers les biens matériels, mais vers les vies humaines que ces usurpateurs tendent leurs griffes rapaces.

611.8

Cela fait trente-deux ans qu’ils dressent des pièges contre la vie de mon Enfant… C’était un agneau de lait et de rose, c’était un petit agneau aux cheveux d’or frisés… Il savait à peine dire “ Maman ”, faire ses premiers pas et rire de ses petites dents entre ses lèvres de clair corail, quand ils sont venus pour l’égorger… Ils prétendent maintenant qu’il avait blasphémé, violé le sabbat, poussé à la révolte, visé au trône, péché avec les femmes… Mais qu’avait-il fait, alors ? Quel blasphème pouvait-il avoir proféré s’il savait à peine appeler sa maman ? Que pouvait-il violer de la Loi, si lui, l’éternel Innocent, était alors aussi le petit innocent de l’homme ? Quelle révolte pouvait-il soulever s’il ne savait pas même faire un caprice ? A quel trône aurait-il visé ? Il avait son trône sur la terre et au Ciel, et il n’en demandait pas d’autre. Au Ciel, il avait le sein du Père, et sur terre il avait mon sein. Jamais il n’a eu un regard sensuel, et vous, qui êtes jeunes et belles, vous pouvez le certifier. Mais à cette époque… L’exercice de ses sens se bornait au besoin de tiédeur et de nourriture, et il était plein d’amour, oui, mais pour mon sein tiède, pour y poser son petit visage et dormir ainsi, et pour mon sein duquel mon amour s’écoulait en lait… Oh ! mon enfant !… Et ils voulaient ta mort ! C’est la vie, ton unique trésor, qu’ils voulaient t’enlever. Ils voulaient enlever sa mère au fils, son fils à la mère, pour nous rendre les plus misérables et les plus désolés de l’univers. Pourquoi ôter la vie au Vivant ? Pourquoi vous arroger le droit de retirer ce miracle qu’est la vie, le bien de la fleur et de l’animal, le bien de l’homme ? Mon Jésus ne vous demandait rien, ni argent, ni bijoux, ni maison. Il en avait une, petite et sainte, et il l’avait quittée par amour pour les hommes, ces hyènes. La demeure qu’a le petit de l’animal, il y avait renoncé pour vous, et c’est pauvre et seul qu’il a parcouru le monde, sans même le lit que lui avait construit le Juste, sans même le pain que lui cuisait sa Maman, et il a dormi là où c’était possible, il a mangé comme il l’a pu : chez des gens honnêtes comme tout fils d’homme, ou sur la couchette formée par l’herbe des prés, veillé par les étoiles. Assis à une table, ou partageant avec les oiseaux de Dieu les grains de blé et les fruits des ronces sauvages. Il ne vous demandait rien, mais, au contraire, il vous donnait. Il voulait seulement la vie pour vous donner la Vie par sa parole. Et vous, et toi, Jérusalem, vous l’avez dépouillé de la vie. Es-tu rassasiée et repue de son sang et de sa chair ? Ou cela ne te suffit-il pas encore ? Et toi, hyène après avoir été vampire et vautour, veux-tu te repaître de son cadavre, et, loin d’être rassasiée d’opprobres et de tourments, veux-tu encore t’acharner et jouir de déshonorer ses dépouilles et de revoir ses spasmes de douleur, ses tremblements, ses hoquets, ses convulsions en moi, la Mère de celui que vous avez tué ?

611.9

Sommes-nous arrivés ? Pourquoi vous arrêtez-vous ? Cet homme, que veut-il de Joseph ? Que dit-il ? »

En fait Joseph a été accosté par un des rares passants et, dans le silence absolu de la ville déserte, on entend très bien leurs paroles.

« On sait que tu es entré dans la maison de Pilate : tu as profané la Loi, et tu en rendras compte ! La Pâque t’est interdite ! Tu es devenu impur.

– Toi aussi, Elchias. Tu m’as touché, or je suis tout couvert du sang du Christ et de sa sueur de mort !

– Ah ! Horreur ! Ecarte-toi ! Eloigne de moi ce sang !

– N’aie pas peur. Il t’a déjà abandonné et maudit.

– Mais toi aussi, tu es maudit. Et maintenant que tu t’es acoquiné avec Pilate, n’espère pas pouvoir soustraire le cadavre. Nous avons pris des mesures pour que ce petit jeu cesse. »

Nicodème s’est approché lentement, tandis que les femmes se sont arrêtées avec Jean, en s’adossant à un portail fermé.

« Nous l’avons vu » répond Joseph. « Lâches ! Vous avez peur même d’un mort ! Mais de mon jardin et de mon tombeau, je fais ce que bon me semble.

– Nous verrons cela…

– Nous verrons. J’en appellerai à Pilate.

– Oui, tu forniques avec Rome, maintenant. »

Nicodème s’avance :

« Mieux vaut avec Rome qu’avec le démon, comme vous, déicides! Et du reste, dis-moi : comment donc reprends-tu courage ? Il y a un instant tu fuyais, en proie à la terreur. C’est déjà passé pour toi ? Ce qui est arrivé ne te suffit-il pas ? Une de tes maisons n’est-elle pas brûlée ? Tremble donc ! Le châtiment n’est pas fini. Il vient, au contraire. Il te menace comme la Némésis des païens. Ni gardiens ni sceaux n’empêcheront le Vengeur de se lever et de frapper.

– Maudit sois-tu ! »

Elchias s’enfuit et va buter contre les femmes. Il le comprend, et lance une injure grossière à Marie.

611.10

Jean, sans un mot, fait un saut de panthère et le jette à terre, il le maintient avec ses genoux, lui serre les mains autour du cou et lui intime :

« Demande-lui pardon ou je t’étrangle, démon ! »

Il ne le lâche que lorsque l’homme, pressé et à moitié asphyxié par les mains de Jean, geint :

« Pardon. »

Mais son cri a attiré la ronde.

« Halte-là ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Encore des séditions ? Arrêtez-vous tous, ou vous serez frappés. Qui êtes-vous ?

– Joseph d’Arimathie et Nicodème, autorisés par le Proconsul à ensevelir le Nazaréen mis à mort, qui reviennent du tombeau avec sa Mère, son disciple, ainsi que ses parents et amis. Cet homme a offensé la Mère de Jésus et on l’a obligé à demander pardon.

– C’est tout ? Il fallait l’étrangler. Allez ! Soldats, arrêtez cet homme. Que veulent-ils d’autre, ces vampires ? Même le cœur des mères ? Salut, Juifs !

– Quelle horreur ! Mais ce ne sont plus des hommes… Jean, sois bon avec eux. Prends en compte le souvenir de mon Jésus — qui est aussi ton Jésus : il prêchait le pardon.

– Mère, tu as raison. Mais ce sont des criminels et ils me font perdre la tête. Ce sont des sacrilèges : ils t’offensent et je ne puis le permettre.

– Ce sont des criminels, oui, et ils savent qu’ils le sont.

611.11

Regarde comme il y en a peu dans les rues et comme ils s’esquivent furtivement ! Leur forfait accompli, les criminels sont pris d’inquiétude. De les voir fuir ainsi, entrer dans les maisons, se barricader par peur, me fait horreur. Je les vois tous coupables du déicide. Regarde là, Marie, ce vieil homme. Il est déjà au bord de la fosse et pourtant, maintenant que la lumière de cette porte qui s’ouvre l’éclaire, il me semble l’avoir vu défiler pour accuser mon Jésus, là-haut, sur le Calvaire… Il l’appelait larron… Larron, mon Jésus !… Et ce jeune, à peine plus qu’un enfant, lui adressait des blasphèmes obscènes en invoquant son sang sur lui… Le malheureux !… Et cet homme ? Il est si musclé et si fort, se sera-t-il abstenu de le frapper ? Oh ! je ne veux pas voir ! Regardez : sur leurs visages se superpose le visage de leur âme et… et ils n’ont plus figure d’hommes, mais de démons… Ils se montraient bravaches contre l’homme lié, le Crucifié… Et maintenant ils fuient, ils se cachent, ils s’enferment. Ils ont peur. De qui ? D’un mort. Pour eux, ce n’est qu’un mort puisqu’ils nient qu’il soit Dieu. De quoi donc ont-ils peur ? A qui ferment-ils leurs portes ? Au remords, à la punition. C’est inutile : le remords est en vous et il vous poursuivra éternellement. La punition n’est pas humaine. Et contre elle les verrous et les bâtons, les portes et les barreaux ne servent à rien. Elle descend du Ciel, de Dieu, vengeur de son Immolé, elle pénètre au-delà des murs et des portes, et vous marque de sa flamme céleste, pour le châtiment surnaturel qui vous attend. Le monde viendra au Christ, à Celui qui est le Fils de Dieu et le mien, il viendra à Celui que vous avez transpercé, mais vous, les Caïn d’un Dieu, vous serez marqués pour toujours comme l’opprobre de l’espèce humaine. Moi, qui suis née de vous, moi qui suis la Mère de tous, je dois dire que pour moi, votre fille, vous n’avez été que des parâtres. Dans la foule infinie de mes enfants, vous êtes ceux qui m’imposez le plus d’effort pour vous accueillir, car vous êtes souillés du crime envers mon enfant. Et vous ne vous en repentez pas en disant : “ Tu étais le Messie. Nous te reconnaissons et nous t’adorons. ”

Voici une autre ronde romaine. L’Amour n’est plus sur la terre. La Paix n’est plus dans le monde des hommes. Haine et guerre s’agitent comme ces torches fumeuses. Ceux qui dominent ont peur du déchaînement de la foule. Ils savent par expérience que, lorsque cette bête qui s’appelle homme a senti le goût du sang, elle devient avide de carnage… Mais ne les craignez pas. Ce ne sont pas de vrais lions ni de vraies panthères, ce sont des hyènes très lâches. Ils s’acharnent sur l’agneau sans défense, mais ils redoutent le lion armé de lances et son autorité. Ne craignez pas ces chacals rampants. Votre pas ferré les met en fuite et l’éclat de vos lances les rend plus doux que des lapins.

611.12

Ces lances ! L’une d’elles a ouvert le cœur de mon Fils ! Laquelle ? Leur vue est une flèche dans mon cœur… Et pourtant je voudrais les avoir toutes dans ces mains qui tremblent pour voir quelle est celle qui porte encore des traces de sang et dire : “ C’est celle-là ! Donne-la-moi, soldat ! Donne-la à une mère en souvenir de ta mère lointaine, et je prierai pour elle et pour toi. ” Aucun soldat ne me la refuserait, car ces hommes de guerre ont été les meilleurs devant l’agonie du Fils et de la Mère. Pourquoi n’y ai-je pas pensé, là-haut ? C’était comme si on m’avait frappé à la tête. Déjà, elle était abrutie par ces coups… Oh ! quels coups ! Qui me permet de ne plus les entendre ici, dans ma pauvre tête ? La lance… Comme je la voudrais !…

– Nous pouvons la chercher, Mère. Le centurion me paraît très bon avec nous. Je crois qu’il ne la refusera pas. J’irai demain.

– Oui, oui, Jean. Je suis pauvre, je n’ai que peu d’argent, mais je me dépouille jusqu’à mon dernier sou pour obtenir cette arme… Ah ! comment ai-je pu ne pas la demander ?

– Marie, ma chérie, aucun d’entre nous ne connaissait cette blessure… Quand tu l’as vue, les soldats étaient séjà loin.

– C’est vrai… Je suis abrutie par la douleur. Et les vêtements ? Je n’ai rien de lui ! Je donnerais mon sang pour les avoir… »

Marie verse de nouveau des larmes désolées.

611.13

Elle arrive ainsi dans la rue où se trouve le Cénacle. Il est temps, car elle est épuisée et se traîne vraiment comme une vieille femme. Et elle le dit.

« Courage ! Nous voilà arrivées

– Arrivées ? Le chemin qui, ce matin, m’a paru si long est donc si court ? Ce matin… était-ce ce matin ? Cela ne fait pas plus longtemps ? Que d’heures, que de siècles sont passés depuis que je suis entrée hier soir ici et depuis que j’en suis sortie ce matin ? Est-ce vraiment moi, une Mère de cinquante ans, ou bien une centenaire, une femme d’il y a longtemps, croulant sous les siècles qui pèsent sur mes épaules courbées et sur ma tête chenue ? Il me semble avoir vécu toute la douleur du monde. Cette croix est immatérielle, mais combien lourde ! Elle est de pierre. Peut-être encore plus lourde que celle de mon Jésus. Car je porte la mienne et la sienne avec le souvenir de sa torture et la réalité de la mienne. Entrons, puisqu’il le faut. Mais ce n’est pas un réconfort, c’est un accroissement de douleur. C’est par cette porte qu’est entré mon Fils pour son dernier repas. C’est par elle qu’il est sorti pour aller à la rencontre de la mort. Et il a dû mettre son pied là où le traître avait posé le sien, en sortant pour appeler ceux qui devaient s’emparer de l’Innocent. C’est contre cette porte que j’ai vu Judas… Oui, j’ai vu Judas ! Et je ne l’ai pas maudit. Je lui ai parlé au contraire comme une mère déchirée, déchirée pour son Fils bon et pour ce fils mauvais … J’ai vu Judas ! C’est le Démon que j’ai vu en lui ! Moi, qui ai toujours tenu Lucifer sous mon talon et, ne considérant que Dieu, n’ai jamais posé les yeux sur Satan, j’ai connu son visage en regardant le traître. J’ai parlé avec le Démon… Et il s’est enfui, car il ne supporte pas ma voix. L’aura-t-il quitté maintenant ? Je pourrais ainsi parler à ce mort et moi, qui suis mère, le concevoir à nouveau avec le sang d’un Dieu, pour l’enfanter à la grâce ? Jean, jure-moi que tu le rechercheras et que tu ne te montreras pas cruel envers lui. Je ne le suis pas, moi qui pourtant en aurais le droit… Oh ! Laissez-moi entrer dans cette pièce où mon Jésus a pris son dernier repas, là où la voix de mon enfant a prononcé en paix ses dernières paroles !

– Oui, nous le trouverons. Mais maintenant, regarde, viens ici, là où nous étions hier. Repose-toi.

611.14

Salue Joseph et Nicodème qui se retirent.

– Je les salue, oui. Oh ! je les salue, je les remercie, je les bénis !

– Mais viens, viens. Tu vas le faire à loisir.

– Non. Ici. Joseph… Ah ! je n’ai connu personne de ce nom qui ne m’aime pas… »

Marie, femme d’Alphée, éclate en sanglots.

« Ne pleure pas… Même ton Joseph… C’était par amour que ton fils se trompait. Il voulait me donner la paix humainement… Mais aujourd’hui… tu l’as vu… tous les Joseph sont bons avec Marie… Joseph, je te remercie, et toi aussi, Nicodème… Mon cœur se prosterne sous vos pieds fatigués à cause de tant de chemin fait pour lui… pour les derniers honneurs qui lui ont été rendus… Je n’ai que mon cœur à vous donner… et je vous le donne, amis loyaux de mon Fils… et… et pardonnez les paroles qu’une mère transpercée vous a dites au tombeau…

– Toi qui es sainte, c’est à toi de pardonner ! dit Nicodème.

– Sois bonne maintenant. Repose dans ta foi. Nous viendrons demain, ajoute Joseph.

– Oui, nous viendrons. Nous sommes à tes ordres.

– C’est le sabbat demain, objecte la gardienne de la maison.

– Le sabbat est mort. Nous viendrons. Adieu. Que le Seigneur soit avec nous. »

Et ils s’en vont.

611.15

« Viens, Marie.

– Oui, Mère, viens.

– Non. Ouvrez. Vous m’avez promis de le faire après les salutations. Ouvrez cette porte ! Vous ne pouvez la fermer à une mère, à une mère qui cherche à respirer dans l’air l’odeur du souffle, du corps de son enfant. Ne savez-vous pas que ce souffle et ce corps, c’est moi qui les lui ai donnés ? Moi, moi qui l’ai porté neuf mois, qui l’ai enfanté, allaité, élevé, soigné ? Ce souffle est mien ! Cette odeur de chair est mienne ! C’est la mienne, rendue plus belle chez mon Jésus. Laissez-moi la sentir une fois encore.

– Mais oui, ma chérie, demain. Aujourd’hui, tu es exténuée. Tu es brûlante de fièvre. Tu ne peux pas. Tu es malade.

– Oui, malade. Mais c’est parce que j’ai dans les yeux la vue de son sang et dans le nez l’odeur de son corps couvert de plaies. Que je voie la table où il s’est appuyé vivant et en bonne santé, que je sente le parfum de son corps juvénile. Ouvrez ! Ne me l’ensevelissez pas une troisième fois ! Déjà, vous me l’avez caché sous les aromates et les bandes, puis vous me l’avez enfermé sous la pierre. Maintenant pourquoi, pourquoi refuser à une Mère de retrouver son dernier vestige dans le souffle qu’il a laissé derrière cette porte ? Laissez-moi entrer. Je chercherai par terre, sur la table, sur son siège, les traces de ses pieds, de ses mains. Et je les baiserai, je les baiserai jusqu’à me consumer les lèvres. Je chercherai… je chercherai… Peut-être trouverai-je un cheveu de sa tête blonde, un cheveu qui ne soit pas couvert de sang. Savez-vous donc ce qu’est le cheveu d’un fils pour sa maman ? Toi, Marie, femme de Cléophas, et toi, Salomé, vous êtes mères. Et vous ne comprenez pas ? Jean ? Jean ? Ecoute-moi. Je suis ta Mère : c’est Jésus qui m’a rendue telle. Lui ! Tu me dois obéissance. Ouvre ! Je t’aime, Jean. Je t’ai toujours aimé parce que tu l’aimais. Je t’aimerai plus encore. Mais, ouvre. Ouvre, te dis-je ! Tu ne veux pas ? Tu ne veux pas ? Ah ! je n’ai donc plus de fils ? Jésus ne me refusait jamais rien, parce qu’il était mon fils. Tu refuses. Tu ne l’es pas. Tu ne comprends pas ma douleur… Oh ! Jean, pardon… pardon… Ouvre… Ne pleure pas… Ouvre… Oh ! Jésus!… Jésus!… Ecoute-moi… Que ton esprit opère un miracle ! Ouvre à ta pauvre Maman cette porte que personne ne veut ouvrir ! Jésus ! Jésus ! »

Marie serre les poings et frappe la porte bien close. Son déchirement est au paroxysme. Elle finit par pâlir en murmurant :

« Oh ! mon Jésus ! Je viens ! Je viens ! »

Elle se renverse sans force dans les bras des femmes qui pleurent. Elles la soutiennent pour l’empêcher de tomber au pied de cette porte, et la transportent ainsi dans la pièce en face.

611.1

Giuseppe d’Arimatea spegne una delle torce, dà un’ultima occhiata e si avvia all’apertura del sepolcro tenendo accesa e alta la superstite torcia.

Maria si china ancora una volta per baciare il Figlio attraverso le sue coperture. E vorrebbe farlo dominando la sua pena, per contenerla in una forma di rispetto al Cadavere che, già imbalsamato, non le appartiene più. Ma, quando è prossima al Volto velato, non si domina più e si abbatte in una nuova crisi di desolazione.

La sollevano di là a fatica, la allontanano, con ancora maggiore fatica, dal letto funebre. Ricompongono le tele scomposte e, più portandola di peso che sorreggendola, portano via la povera Madre, che si allontana col volto girato all’indietro, per vedere, per vedere il suo Gesù che resta solo nel buio del sepolcro.

611.2

Escono nell’ortaglia silenziosa nella luce vespertina. Già la relativa luce, che si è rifatta dopo la tragedia del Golgota, si torna ad incupire per la notte che scende. E là, sotto le ramaglie fitte, per quanto ancora nude di fronde e appena ornate delle bocche bianco-rosa dei meli in boccio, stranamente in ritardo in questo frutteto di Giuseppe, mentre altrove sono già tutti coperti di fiori aperti e anche già fecondati in minuscoli pomi, vi è ancora più penombra che altrove.

Viene fatta scorrere la pesante pietra del sepolcro nella sua cunella. Dei lunghi rami di un rosaio scapigliato, che si rovesciano dall’alto della grotta verso il suolo, paiono bussare a quella porta di pietra e dire: «Perché ti chiudi davanti ad una madre che piange?». E paiono piangere anche loro gocce di sangue coi petali rossi che si sfogliano, colle corolle che si adagiano lungo la pietra scura, coi boccioli serrati che battono contro la inesorabile chiusura.

611.3

Ma presto altro sangue bagna quella porta sepolcrale e altro pianto. Maria, fino allora sorretta da Giovanni e abbastanza quieta nel suo singhiozzare, si svincola dall’apostolo e con un grido, che io credo abbia fatto tremare anche le fibre delle piante, si getta contro la porta, si attacca alla sporgenza di essa per respingerla, si scortica le dita e si spezza le unghie senza riuscirvi, e fa leva fin col capo premuto contro questa sporgenza ruvida. E il suo gemito ha del ruggito di una leonessa che si sveni sulla soglia della trappola dove sono chiusi i suoi nati, pietosa e feroce per amore di madre.

Non ha più nulla della mite vergine di Nazaret, della paziente donna fin qui conosciuta. È la madre. Solo e semplicemente la madre, attaccata con tutte le fibre ed i nervi della carne e dell’amore alla sua creatura. È la più vera «padrona» di quella carne che ha generato, l’unica padrona dopo Dio, e non vuole le sia rubata questa sua proprietà. È la «regina» che difende il suo serto: il figlio, il figlio, il figlio.

Tutta la ribellione e le ribellioni che in trentatré anni ogni altra donna avrebbe avuto contro l’ingiustizia del mondo verso la sua creatura, tutte le ferocie sante e lecite che ogni altra madre avrebbe avuto durante quelle ultime ore per ferire e uccidere con le mani e coi denti gli assassini del suo nato, tutte queste cose che Ella per amore del genere umano ha sempre domate, ora si agitano nel suo cuore, bollono nel suo sangue e, mite anche nel suo dolore che la fa pazza, Ella non impreca, Ella non si avventa. Ma solo chiede alla pietra che si apra, che le ceda il passo, perché il suo posto è là dentro, dove Egli è. Ma solo chiede agli uomini, impietosi nella loro pietà, di ubbidirle e di aprire.

Dopo avere percosso e sanguinato con le labbra e con le mani sulla pietra tenace, si volge, si appoggia a braccia aperte, abbrancando ancora i due orli della pietra, e terribile nella sua maestà di Madre dolorosa ordina: «Aprite! Non volete? Ebbene, io qui resto. Dentro no? Qui fuori, allora. Qui è il mio pane e il mio letto. Qui è la mia dimora. Non ho altre case né altro scopo. Voi andate pure. Tornate nel mondo che è uno schifo. Io resto dove non è bramosia e odor di sangue».

«Non puoi, Donna!».

«Non puoi, Madre!».

«Non puoi, Maria, cara!».

E cercano di staccarle le mani dalla pietra, impauriti di quegli occhi, che essi non conoscono ancora con quel bagliore che li fa duri e imperiosi, vitrei, fosforici.

611.4

La prepotenza non è dei miti, e gli umili non sanno durare nella superbia… E a Maria subito cade la veemenza del volere e l’impero del comandare. Torna ad avere il suo sguardo mite di colomba torturata, perde l’imponenza dell’atto e si curva da capo con atto di supplica, e congiunge le mani pregando: «Oh! mi lasciate! Per i vostri morti, per quelli che amate fra i vivi, pietà di una povera madre!… Sentite… Sentite il mio cuore. Ha bisogno di pace per perdere questo battito crudele. Esso si è messo a battere così lassù, sul Calvario. Il martello faceva ton, ton, ton… e ogni colpo feriva il mio Bambino… e mi picchiava nel cervello e nel cuore… e la testa mi è piena di quei colpi, e il cuore batte veloce così come era quel ton, ton, ton, sulle mani, sui piedi del mio Gesù, del mio piccolo Gesù… Il mio Bambino! Il mio Bambino!…».

Le torna tutto il tormento, che pareva calmato dopo la sua preghiera al Padre presso la tavola dell’unzione. Piangono tutti.

«Ho bisogno di non sentire urli né urti. E il mondo è pieno di voci e di rumori. Ogni voce mi sembra il “grande grido” che mi ha impietrito il sangue nelle vene, e ogni rumore mi sembra quello del martello sui chiodi. Ho bisogno di non vedere volti d’uomo. E il mondo è pieno di volti… Io sono quasi dodici ore che vedo volti di assassini… Giuda… i carnefici… i sacerdoti… i giudei… Tutti, tutti assassini!… Via! Via… Non voglio più vedere alcuno… In ogni uomo è un lupo e un serpente. Io sento ribrezzo e paura dell’uomo… Lasciatemi qui, sotto questi alberi quieti, su quest’erba fiorita… Fra poco ci saranno le stelle… Esse sono state le sue amiche e le mie amiche sempre… Ieri sera esse hanno fatto compagnia alla nostra solitaria agonia… Esse sanno tante cose… Esse vengono da Dio… Oh! Dio! Dio!…», piange e si inginocchia. «Pace, mio Dio! Non mi resti che Te!».

611.5

«Vieni, figlia. Dio ti darà pace. Ma vieni. Domani è il sabato pasquale. Non potremmo venire a portarti cibo…».

«Niente! Niente! Non voglio cibo! Voglio la mia Creatura! Mi sfamo col mio dolore, mi disseto col mio pianto… Qui… Sentite come piange quell’assiolo? Piange con me, e fra poco piangeranno gli usignoli. E domani, nel sole, piangeranno le calandre e i capineri e tutti gli uccelli che Egli amava, e le tortore verranno con me a battere a questa pietra e a dire[1], e a dire: “Levati, amor mio, e vieni! Amore che stai nel crepaccio della rupe, nel nascondiglio del dirupo, lasciami vedere il tuo viso, lasciami ascoltare la tua voce”. Aaaah! che dico! Anche loro, anche loro, i biechi assassini, me lo hanno interpellato con la parola del Cantico! Sì, venite, o figlie di Gerusalemme, a vedere il vostro Re col diadema onde lo incoronò la sua Patria nel giorno del suo sposalizio con la Morte, nel giorno del suo trionfo di Redentore!».

«Guarda, Maria! Sopraggiungono le guardie del Tempio. Vieni via, ché non ti facciano spregio».

«Le guardie? Spregio? No. Sono vili. Vili sono. E se io marciassi su loro, terribile nel mio dolore, esse fuggirebbero come Satana davanti a Dio. Ma io mi ricordo di essere Maria… e non le colpirò come ne avrei diritto. Starò buona… non mi vedranno neppure. E, se mi vedranno e mi chiederanno: “Che vuoi?”, dirò loro: “L’elemosina di respirare l’aria imbalsamata che esce da questa fessura”. Dirò: “In nome di vostra madre”. Tutti hanno una madre… l’ha detto anche il ladrone pietoso…».

«Ma queste sono peggio dei ladroni. Ti insulteranno».

«Oh!… E c’è ancora un insulto che io non conosca, dopo quelli di oggi?».

611.6

È la Maddalena che trova la ragione capace di piegare la Dolorosa all’ubbidienza. «Tu sei buona, tu santa sei, e credi, e sei forte. Ma noi che siamo?… Tu lo vedi! I più, fuggiti. I superstiti, pavidi. Il dubbio, che è già in noi, ci piegherebbe. Tu sei la Madre. Non hai solo il dovere e il diritto sul Figlio. Ma il dovere e il diritto su ciò che è del Figlio. Tu devi tornare con noi, fra noi, per raccoglierci, per rassicurarci, per infonderci la tua fede. Tu lo hai detto, dopo il tuo giusto rimprovero alla nostra pavidità e miscredenza: “Più facile sarà a Lui il risorgere se libero da queste inutili bende”. Io ti dico: “Se noi riusciremo a riunirci nella fede nella sua Risurrezione, più presto Egli risorgerà. Lo evocheremo col nostro amore…”. Madre, Madre del mio Salvatore, torna con noi, tu, amore di Dio, per darci questo tuo amore! Vuoi dunque che si perda di nuovo la povera Maria di Magdala, che Egli ha salvato con tanta pietà?».

«No. Ne avrei rimprovero. Hai ragione. Devo tornare… cercare gli apostoli… i discepoli… i parenti… tutti… Dire… dire: credete. Dire: Egli vi perdona… A chi l’ho già detto?… Ah! All’Iscariota… Bisognerà… sì, bisognerà cercare anche lui… perché è il più grande peccatore…». Maria resta col capo curvo sul petto, trema come per ribrezzo, e poi dice: «Giovanni, lo cercherai. E me lo porterai. Lo devi fare. E io lo devo fare. Padre, anche questo sia fatto per la redenzione dell’Umanità. Andiamo».

Si alza. Escono dall’ortaglia semioscura. Le guardie li guardano uscire senza far motto.

611.7

La strada, polverosa e sconvolta dalla fiumana di popolo che l’ha percorsa e percossa con piedi e pietre e randelli, fa una curva intorno al Calvario per giungere sulla via maestra, che è parallela alle mura. E qui ancora più intense sono le tracce dell’avvenuto. Due volte Maria ha un grido e si curva studiando nella mal luce il suolo, perché le pare vedere del sangue e pensa sia del suo Gesù. Ma non sono che brandelli di stoffe lacerate nella mischia della fuga, io credo. Il torrentello, che corre lungo la via, mormora piano nel grande silenzio che è da per tutto. Sembra che la città sia abbandonata, tanto da essa non viene che silenzio.

Ecco il ponticello che conduce alla erta via del Calvario. E, di fronte a questo, ecco la porta Giudiziaria. Prima di scomparire dentro di quella, Maria si volge a guardare la vetta del Calvario… e piange desolatamente. Poi dice: «Andiamo. Ma conducetemi voi. Io non voglio vedere Gerusalemme, le sue vie, i suoi abitanti».

«Sì, sì, ma facciamo presto. Stanno per chiudere le porte e, lo vedi?, è rinforzata la guardia ad esse. Roma teme subbugli».

«Ne ha ragione. Gerusalemme è un covo di tigri! È una tribù di assassini! È una turba di predoni. E non solo alle sostanze, ma alle vite tendono le zanne rapaci questi usurpatori.

611.8

Sono trentadue anni che me la insidiano la vita del mio Bambino… Era un agnellino di latte e rosa, un agnellino d’oro riccio… Appena sapeva dire “Mamma”, e fare i primi passetti, e ridere coi suoi pochi dentini fra le labbra di pallido corallo, quando sono venuti per sgozzarlo… Ora dicono che aveva bestemmiato, e violato il sabato, ed eccitato alla rivolta, e mirato al trono, e peccato con donne… Ma allora che aveva fatto? Quali bestemmie poteva avere detto se appena sapeva chiamare la Mamma? Che poteva violare della Legge, se Egli, l’eterno Innocente, era allora anche il piccolo innocente dell’uomo? Che rivolta poteva eccitare se neppure sapeva fare un capriccio? A che trono mirare? Il suo trono sulla Terra e nel Cielo Egli lo aveva, e non ne chiedeva altri. In Cielo aveva il seno del Padre, in Terra il mio seno. Mai ha avuto occhi per il senso, e voi, giovani e belle, lo potete dire. Ma allora, ma allora… Il suo senso era limitato al bisogno del tepore e del nutrimento, e amoreggiava, sì, ma colla mia tepida mammella, per posargli sopra la faccina e dormire così, e col tondo capezzolo, dal quale il mio amore fluiva in latte… Oh! mia Creatura!… E ti volevano morto! Questo ti volevano levare: la vita! Il tuo unico tesoro. La Madre al Figlio, il Figlio alla Madre, per renderci i più miseri e desolati dell’Universo. Perché levare al Vivo la vita? Perché arrogarvi il diritto di levare questa cosa che è la vita: bene del fiore e dell’animale, bene dell’uomo? Non vi chiedeva nulla il mio Gesù. Non denaro, non gioielli, non case. Una ne aveva, piccola e santa, e l’aveva lasciata per amore di voi, uomini-iene. Quello che ha il piccolo dell’animale, Egli lo aveva rinunciato per voi, ed era andato povero e solo per il mondo, senza più neppure il letto che gli aveva fatto il Giusto, senza neppure più il pane che gli faceva la Mamma, ed aveva dormito là dove aveva potuto ed aveva mangiato come aveva potuto. Nelle case dei buoni, come ogni figlio d’uomo, o sul giaciglio erboso dei prati, vegliato dalle stelle. Seduto ad una mensa, o dividendo con gli uccelli di Dio i chicchi del grano e il frutto del rovo selvatico. E non vi chiedeva nulla. Ma, anzi, vi dava. Voleva solo la vita per darvi con la sua parola la Vita. E voi, e tu, Gerusalemme, della vita lo avete spogliato. Sei sazia e pasciuta del suo Sangue e della sua Carne? O non ti empie ancora? E vuoi, iena dopo vampiro e avvoltoio, pascerti del suo Cadavere e, non ancora satolla di obbrobri e tormenti, ancora vuoi infierire e godere nello sfregiarne le spoglie e rivedere i suoi spasimi, i suoi tremiti, i suoi singulti, le sue convulsioni, in me, nella Madre dell’Ucciso?

611.9

Siamo giunti? Perché vi fermate? Che vuole quell’uomo da Giuseppe? Che dice?».

Infatti Giuseppe è stato fermato da uno dei rari passanti e, nel silenzio assoluto della città deserta, si sentono molto bene le loro parole.

«È noto che sei entrato nella casa di Pilato. Profanatore della Legge. Ne renderai conto. La Pasqua t’è interdetta! Sei contaminato».

«Anche tu, Elchia. Mi hai toccato e sono tutto coperto del sangue di Cristo e del suo sudore mortale!».

«Ah! orrore! Via! Via! Quel sangue, via!».

«Non avere paura. Ti ha già abbandonato. E maledetto».

«Ma anche tu, maledetto. E non ti pensare, ora che amoreggi con Pilato, di potere sottrarre il Cadavere. Abbiamo provveduto perché il giuoco cessi».

Nicodemo si è avvicinato lentamente, mentre le donne si sono fermate con Giovanni, addossandosi ad un fondo portale serrato.

«Abbiamo visto», riprende Giuseppe. «Vigliacchi! Avete paura anche di un morto! Ma del mio orto e del mio sepolcro faccio ciò che mi pare».

«Lo vedremo».

«Lo vedremo. Mi appellerò a Pilato».

«Sì. Fornica con Roma, ora».

Nicodemo si fa avanti: «Meglio con Roma che col Demonio come voi, deicidi! E del resto, mi dici: come mai rimetti penne? Or ora fuggivi in preda al terrore. Già ti sta passando? Non basta ancora quanto avesti? Non è arsa una tua casa? Trema! Non è finito il castigo, ma anzi viene. Come la Nemesi dei pagani, ti incombe. Né guardie né suggelli vieteranno al Vendicatore di sorgere e colpire».

«Maledetto!». Elchia fugge e va a urtare contro le donne. Comprende e dice un atroce insulto a Maria.

611.10

Giovanni non fa parola. Con un balzo di pantera gli si avvinghia e l’atterra e, tenendolo premuto coi ginocchi, le mani intorno al collo, gli dice: «Chiedile perdono o ti strozzo, demo­nio». E non lo lascia altro che quando l’altro, premuto e mezzo strangolato dalle mani di Giovanni, non arrangola: «Perdo­no».

Ma il suo grido ha attirato la ronda. «Alto là! Che avviene? Altre sedizioni? Fermi tutti o sarete colpiti. Chi siete?».

«Giuseppe d’Arimatea e Nicodemo, autorizzati dal Proconsole al seppellimento dell’ucciso Nazzareno, di ritorno dal sepolcro con la Madre, il figlio e le parenti e amiche. Costui ha offeso la Madre e fu obbligato a chiedere perdono».

«Quello solo? Dovevate sgozzarlo. Andate. Soldati, arrestate costui. Che altro vogliono questi vampiri? Anche il cuor delle madri? Salve, giudei!».

«Che orrore! Ma non sono più uomini… Giovanni, sii buono con loro. Guarda al ricordo del mio e tuo Gesù. Egli predicava per­dono».

«Madre, hai ragione. Ma sono delinquenti e mi levano di ragione. Sono sacrileghi, offendono te. E non lo posso permet­te­re».

«Sono delinquenti, sì. E sanno di esserlo.

611.11

Guarda quanto pochi per le vie. E quei pochi come scantonano furtivi. Dopo il delitto, i delinquenti hanno paura. Vederli fuggire così, entrare nelle case, asserragliarvisi per paura, mi suscita orrore. Li sento tutti colpevoli del Deicidio. Guarda là, Maria, quel vecchio. È già curvo sulla fossa e pure, or che la luce di quella porta che si apre lo illumina, mi pare di averlo visto sfilare accusando il mio Gesù, là, sul Calvario… Lo diceva ladro… Ladro il mio Gesù!… Quel giovane, poco più che un fanciullo, pronunciava sconce bestemmie invocando il Sangue su lui… Oh! infelice!… E quell’uomo? Così nerboruto e forte, si sarà astenuto dal colpirlo? Oh! non voglio vedere! Guardate: sui volti che hanno si sovrappone il volto dell’anima e… e non hanno più effigie di uomini, ma di demoni… Tanto erano coraggiosi contro il Legato, il Crocifisso… E ora fuggono, si nascondono, si rinserrano. Hanno paura. Di chi? Di un morto. Per loro non è che un morto, poiché negano che sia Dio. Di che dunque hanno paura? A chi chiudono le porte? Al rimorso. Alla punizione. Non giova. Il rimorso è in voi. E vi seguirà in eterno. E la punizione non è umana. E non servono serrami e bastoni, porte e sbarre contro di essa. Essa scende dal Cielo, da Dio, vendicatore del suo Immolato, e penetra oltre mura e porte, e con la sua fiamma celeste vi marca per il castigo soprannaturale che vi attende. Il mondo verrà al Cristo, al Figliuolo di Dio e mio, verrà a Colui che voi avete trafitto, ma voi sarete in eterno i segnati, i Caini di un Dio, marcati come l’obbrobrio della razza umana. Io che sono nata da voi, io che sono Madre di tutti, devo dire che a me, vostra figlia, voi siete stati più che patrigni e che, nello sterminato numero dei miei figli, voi siete quelli che più mi imponete fatica ad accogliervi, perché siete sozzi del delitto verso la mia Creatura. Né ve ne pentite dicendo: “Eri il Messia. Ti riconosciamo e ti adoriamo”. Ecco un’altra ronda romana. L’Amore non è più sulla Terra. La Pace non è più fra gli uomini. E l’Odio e la Guerra si agitano come quelle torce fumose. I dominatori hanno paura della folla scatenata. Sanno per esperienza che, quando quella belva che si chiama uomo ha sentito il sapore del sangue, diviene avida di strage… Ma non temete di questi. Questi non sono leoni né pantere reali. Sono vilissime iene. Si avventano sull’agnello inerme. Ma temono il leone armato di lance e di autorità. Non temete di questi striscianti sciacalli. Il vostro passo ferrato li pone in fuga e il brillare delle vostre lance li fa più miti di conigli.

611.12

Quelle lance! Una ha aperto il cuore del Figlio mio! Quale fra esse? Vederle mi è freccia al cuore… Eppure vorrei averle tutte fra queste mani che tremano, per vedere quale è quella che ancora ha tracce di sangue, e dire: “È questa! Dammela, o soldato! Dàlla ad una madre in ricordo della tua madre lontana, ed io pregherò per lei e per te”. E nessun soldato me la negherebbe. Perché essi, gli uomini di guerra, furono i più buoni davanti all’agonia del Figlio e della Madre. Oh! perché lassù non pensai a questo? Ero come una che ha avuto colpito il capo. Già l’avevo intontito da quei colpi… Oh! quei colpi! Chi mi dà di non sentirli più, qui, nella mia povera testa? La lancia… Come la vorrei!…».

«La possiamo cercare, Maria. Il centurione mi parve molto buono con noi. Credo non me la negherà. Andrò domani».

«Sì, sì, Giovanni. Sono povera. Non ho che poco denaro. Ma me ne spoglio fino all’ultimo picciolo per avere quel ferro… Oh! come ho potuto non chiederlo allora?».

«Maria, cara, nessuno di noi sapeva di quella ferita… Quan­do la vedesti, i soldati erano lontani».

«È vero… Sono ebete dal dolore. E le vesti? Non ho nulla di suo! Darei il mio sangue per averle…». Maria piange di nuovo de­solatamente.

611.13

E giunge così nella via dove è il Cenacolo. È tempo, perché è esausta e si trascina proprio come una vecchia cadente. E lo dice.

«Fa’ cuore. Siamo giunte, ormai».

«Giunte? Tanto breve la via che stamane mi parve tanto lunga? Stamane? È stato stamane? Non di più? Quante ore o quanti secoli sono passati da quando vi sono entrata ieri sera e da quando ne sono uscita questa mattina? Sono proprio io, la Madre cinquantenne, o una vegliarda secolare, una donna di più tempi, ricca di secoli sulle spalle curvate e sulla testa canuta? Mi pare di avere vissuto tutto il dolore del mondo e che esso sia tutto sulle mie spalle che piegano sotto il suo peso. Croce incorporea, ma così pesante! Di pietra. Pesante forse più ancora di quella del mio Gesù. Perché io porto la mia e la sua col ricordo del suo strazio e con la realtà del mio strazio. Entriamo. Poiché si deve entrare. Ma non è un conforto. È un aumento di dolore. Da questa porta è entrato il Figlio mio per l’ultimo suo pasto. Da questa ne è uscito per andare incontro alla morte. E ha dovuto mettere il suo piede là dove il suo traditore l’aveva messo uscendo per chiamare i catturatori dell’Innocente. Contro quell’uscio ho visto Giuda… Giuda ho visto! E non l’ho maledetto. Ma gli ho parlato da madre straziata. Straziata per il Figlio buono e per il figlio malvagio… Ho visto Giuda! Il Demonio ho visto in lui! Io, che ho sempre tenuto Lucifero sotto il mio calcagno e guardando solo Iddio non ho mai abbassato l’occhio su Satana, ho conosciuto il suo volto guardando il Traditore. Ho parlato col Demonio… Ed esso è fuggito, perché non sopporta la mia voce. L’avrà lasciato ora? In modo che io possa parlare a quel morto e io, la Genitrice, tornare a concepirlo con il Sangue di un Dio per partorirlo alla Grazia? Giovanni, giurami che lo cercherai e che non sarai crudele con lui. Non lo sono io, che pur ne avrei diritto… Oh! Lasciatemi entrare in quella stanza dove il mio Gesù ha preso l’ultimo suo pasto. Dove la voce del mio Bambino ha detto le sue ultime parole in pace!».

«Sì. Anderemo. Ma ora, guarda, vieni qui, dove eravamo ieri. Riposa.

611.14

Saluta Giuseppe e Nicodemo che si ritirano».

«Li saluto, sì. Oh! li saluto. Li ringrazio. Li benedico!».

«Ma vieni, vieni. Lo farai con più agio».

«No. Qui. Giuseppe… Oh! non ho conosciuto alcuno con questo nome che non mi amasse…».

Maria d’Alfeo dà in uno scoppio di pianto.

«Non piangere… Anche Giuseppe… Era per amore che tuo figlio sbagliava. Voleva darmi umanamente pace… Ma oggi!… Lo hai visto… Oh! tutti i Giuseppe sono buoni con Maria… Giuseppe, io ti dico grazie. E a te, Nicodemo… Il mio cuore si prostra sotto i vostri piedi stanchi per il tanto cammino fatto per Lui… per gli ultimi onori a Lui… Io non ho che il cuore da darvi… e ve lo do, amici leali del Figlio mio… e… e scusate ad una madre trafitta le parole che vi dissi nel sepolcro…».

«Oh! Santa! Tu perdona!», dice Nicodemo.

«Sta’ buona, ora. Riposa nella tua Fede. Domani verremo», aggiunge Giuseppe.

«Sì, verremo. Ai tuoi ordini siamo».

«È sabato domani», obietta la padrona di casa.

«Il sabato è morto. Verremo. Addio. Il Signore sia con voi», e se ne vanno.

611.15

«Vieni, Maria».

«Sì, Madre, vieni».

«No. Aprite. Me lo avete promesso di farlo dopo i saluti. Aprite questa porta! Non potete chiuderla ad una madre. Ad una madre che cerca di respirare nell’aria l’odore del fiato, del corpo del suo Bambino. Ma non sapete che quel fiato e quel corpo gliel’ho dati io? Io, io che l’ho portato nove mesi, che l’ho partorito, allattato, allevato, curato? Quel fiato è mio! Quell’o­do­re di carne è mio! È il mio, fatto più bello nel mio Gesù. Lasciatemelo sentire ancora una volta».

«Ma sì, cara. Domani. Ora sei stanca. Sei ardente di febbre. Non puoi. Stai male».

«Sì. Male. Ma è perché ho negli occhi la vista del suo Sangue e nel naso l’odore del suo Corpo piagato. Che io veda la tavola dove si appoggiò vivo e sano, che io senta il profumo del suo corpo giovanile. Aprite! Non me lo seppellite una terza volta! Già me lo avete celato sotto gli aromi e le bende, poi me lo avete serrato sotto la pietra. Ora perché, perché negare ad una Madre di ritrovare l’ultimo vestigio di Lui nell’alito che Egli ha lasciato oltre questa porta? Lasciatemi entrare. Cercherò per terra, sulla tavola, sul sedile, le tracce dei suoi piedi, delle sue mani. E le bacerò, le bacerò sino a consumarmi le labbra. Cercherò… cercherò… Forse troverò un capello del suo capo biondo. Un capello che non sia ingrommato di sangue. Ma lo sapete cosa è un capello del figlio per la sua mamma? Tu, Maria di Cleofa, tu Salome, siete madri. E non capite? Giovanni? Giovanni? Ascoltami. Io ti sono Madre. Egli mi ha fatto tale. Egli! Tu mi devi ubbidienza. Apri! Io ti amo, Giovanni. Ti ho sempre amato perché lo amavi. Ti amerò più ancora. Ma apri. Apri, dico! Non vuoi? Non vuoi? Ah! non ho dunque più figlio!? Gesù non mi ricusava mai nulla. Perché mi era figlio. Tu ricusi. Non sei tale. Non capisci il mio dolore… Oh! Giovanni, perdona… perdona… Apri… Non piangere… Apri… Oh! Gesù! Gesù!… Ascoltami… Il tuo spirito operi un miracolo! Apri alla tua povera Mamma quest’uscio che nessuno vuole aprire! Gesù! Gesù!».

Maria bussa con le mani serrate a pugno la porticina ben chiusa. È in un parossismo di strazio. Finché impallidisce e, mormorando: «Oh! mio Gesù! Vengo! Vengo!», si rovescia senza forza fra le braccia delle donne piangenti, che la sorreggono per impedirle di cadere ai piedi di quella porta e la trasportano così nella stanza di fronte.


Notes

  1. dire, comme en Ct 2, 13-14 ; 3-11.

Note

  1. a dire, come in: Cantico dei cantici 2, 13-14; 3, 11.