Gli Scritti di Maria Valtorta

630. Les apôtres envoyés à Gethsémani.

630. Gli apostoli mandati al Getsemani.

630.1

Les apôtres mettent leurs manteaux et demandent :

« Où allons-nous, Seigneur ? »

Leur langage n’est plus aussi familier qu’il l’était avant la Passion. S’il m’est permis d’employer cette expression, je dirai qu’ils parlent avec l’âme agenouillée. Plus que l’attitude de leur corps, qui reste toujours un peu penché par respect devant le Ressuscité, plus que leur retenue quand ils le touchent, plus que leur joie tremblante quand c’est lui qui les touche, les caresse, les embrasse ou leur adresse la parole en particulier, il y a dans leur attitude un je-ne-sais-quoi qui ne peut se décrire, mais qui est bien visible. Plus manifeste encore que leur humanité, c’est leur esprit qui ne peut redevenir ce qu’il était dans ses rapports avec le Maître, et imprègne de son nouveau sentiment tous les actes de l’homme.

Avant, Jésus était “ le Maître ”, un Maître que leur foi croyait Dieu, mais qui était toujours pour leurs sens “ un homme ”. Maintenant, il est “ le Seigneur ”. Il est Dieu. Il n’est plus besoin de faire des actes de foi pour le croire. L’évidence a aboli cette nécessité. Il est Dieu. C’est le Seigneur auquel le Seigneur a dit : “ Siège à ma droite ”[1], ce qu’il a proclamé par sa parole et par le prodige de la Résurrection. Dieu comme le Père. Et c’est le Dieu qu’ils ont abandonné par peur, après avoir tant reçu de lui…

Ils portent toujours sur lui ce regard empreint de vénération respectueuse avec lequel un vrai croyant observe l’hostie rayonner au milieu d’un ostensoir, ou le corps du Christ élevé par le prêtre dans le sacrifice quotidien de la messe. Dans leur regard qui veut voir l’aspect aimé, encore plus beau que dans le passé, je reconnais aussi l’expression de celui qui n’ose pas voir, de celui qui n’ose pas s’arrêter un instant pour regarder… L’amour les pousse à fixer leur Aimé, la crainte les fait aussitôt baisser les paupières et la tête, comme si son éclat les avait éblouis.

630.2

En effet, Jésus, Jésus ressuscité, est toujours le même mais, à bien considérer, quelque chose a changé. Pareils sont les traits du visage, la couleur des yeux et des cheveux, la taille, les mains, les pieds, et pourtant il est différent. Pareils sont la voix et les gestes, et pourtant il est différent. C’est un vrai corps, si bien qu’il intercepte la lumière du soleil mourant dont le dernier rayon entre dans la pièce par la fenêtre ouverte, et il projette derrière lui l’ombre de sa haute personne ; et pourtant il est différent. Il n’est pas devenu fier, ni distant, et pourtant il est différent.

Une majesté nouvelle, permanente, se répand là où l’on voyait seulement l’aspect humble, modeste, parfois si modeste qu’il paraissait accablé, de l’infatigable Maître. La maigreur des derniers temps a disparu, l’empreinte de lassitude physique et morale qui le vieillissait est effacée, et il a perdu ce regard affligé, suppliant, qui demandait sans mot dire : “ Pourquoi me repoussez-vous ? Accueillez-moi… ” Le Christ ressuscité semble même plus grand et plus robuste, délivré de tout poids, sûr de lui, victorieux, majestueux, divin. Même quand il montrait toute sa puissance à l’occasion de certains de ses grands miracles, ou lorsqu’il était imposant aux moments saillants de son magistère, il n’était pas tel qu’il est maintenant que le voilà ressuscité et glorifié. Il n’exhale pas de lumière. Non. Il n’émet pas de lumière comme à la Transfiguration ou lors de ses premières apparitions après la Résurrection, et pourtant il semble lumineux. C’est vraiment le corps de Dieu, avec la beauté des corps glorifiés, et il attire et effraie à la fois.

630.3

Ce sont peut-être ses blessures, si visibles sur les mains et sur les pieds, qui inspirent ce respect profond. Je l’ignore. Je vois que les apôtres ont changé, bien que Jésus soit très doux avec eux et cherche à recréer l’atmosphère d’autrefois. Si insistants et bavards auparavant, ils parlent peu désormais, et si lui ne répond pas, ils n’insistent pas. S’il leur sourit, ou sourit à l’un d’eux, ils changent de couleur et n’osent pas répondre par un sourire à son sourire. Si, comme il le fait maintenant, il tend la main pour prendre son manteau blanc — depuis sa résurrection, il porte toujours un vêtement blanc plus éclatant que le satin le plus blanc — aucun d’eux n’accourt comme ils faisaient auparavant pour se disputer l’honneur et la joie de l’aider. On dirait qu’ils ont peur de toucher ses vêtements et ses membres, et il est obligé de dire, comme il le fait à l’instant :

« Viens, Jean, aide ton Maître. Ces blessures sont de vraies blessures… et mes mains blessées ne sont pas aussi agiles qu’avant… »

Jean obéit et met l’ample manteau de Jésus sur ses épaules. Il semble vêtir un grand-prêtre, tant il le fait avec des mouvements prudents et attentifs, en se gardant d’effleurer les mains sur lesquelles rougissent les stigmates. Mais, malgré toute son attention, il heurte la main gauche de Jésus ; il crie comme si c’était lui qui avait reçu le coup, et il garde les yeux rivés sur le dos de cette main, craignant d’en voir couler encore du sang. Elle est si vive, cette atroce blessure !

Jésus lui pose la main droite sur la tête en disant :

« Tu as montré plus de courage lorsqu’on m’a détaché de la croix et que tu m’as reçu dans les bras. A ce moment-là, il coulait encore du sang, tellement que tes cheveux en étaient rouges, nouvelle rosée de la nuit sur celui qui aimait. Tu m’avais cueilli comme une grappe du cep… Pourquoi pleures-tu ? Je t’ai donné ma rosée de Martyr. Tu as répandu sur ma tête ta rosée de pitié. Mais tu pouvais pleurer, alors… Plus maintenant.

630.4

Et toi, pourquoi pleures-tu, Simon-Pierre ? Tu n’as pas heurté ma main, tu ne m’as pas vu mort…

– Ah ! Mon Dieu ! C’est bien pour cela que je pleure ! Pour mon péché.

– Je t’ai pardonné, Simon, fils de Jonas.

– Mais moi, je ne me pardonne pas. Non, rien ne mettra fin à mes larmes, pas même ton pardon.

– Mais ma gloire, oui.

– Toi tu es glorieux, moi je suis pécheur.

– Tu es glorieux, après avoir été mon pêcheur. C’est une grande pêche, abondante, miraculeuse que tu feras, Pierre. Plus tard, je te dirai : “ Viens au banquet éternel. ” Et tu ne pleureras plus. Mais vous avez tous les larmes aux yeux ! Et toi, Jacques, mon frère, te voilà prostré dans ce coin là-bas, comme si tu avais perdu tout bien. Pourquoi ?

– Parce que j’espérais que… Tu sens donc encore tes blessures ? J’espérais que toute souffrance serait évanouie, que toutes les marques seraient effacées … Même pour nous, pécheurs. Ces plaies !… Quelle douleur de les voir !

– Oui, surenchérit Barthélemy, pourquoi ne les as-tu pas fait disparaître ? Lazare n’a gardé aucune marque… Ces plaies sont pour nous… un reproche ! Elles crient d’une voix redoutable ! Elles sont plus fulgurantes et plus effrayantes que les foudres du Sinaï.

– Elles crient notre lâcheté parce que nous fuyions pendant que tu les recevais… dit Philippe.

– Et plus nous les regardons, plus notre conscience nous reproche notre lâcheté, notre sottise, notre incrédulité, ajoute Thomas.

– Pour notre paix et celle de ce peuple pécheur, puisque tu es mort et ressuscité pour le pardon du monde, efface ces accusations portées contre le monde, Seigneur ! supplie André.

630.5

– Elles sont le salut du monde. C’est en elles que réside le salut. Le monde qui hait, les a ouvertes, mais l’amour en a fait un remède et une lumière. C’est par elles que la faute originelle a été clouée. C’est par elles qu’ont été suspendus et soutenus tous les péchés des hommes, afin que le feu de l’amour les consume sur le véritable Autel. Quand le Très-Haut prescrivit à Moïse l’arche et l’autel des parfums, ne les a-t-il pas voulus transpercés d’anneaux[2] pour qu’on puisse les élever et les porter là où le Seigneur le voulait ? Moi aussi, je suis transpercé. Je suis plus que l’arche et que l’autel. Je suis bien plus que l’arche et que l’autel. J’ai brûlé le parfum de ma charité pour Dieu et pour le prochain, et j’ai porté le poids de toutes les iniquités du monde. Et le monde doit se rappeler cela, pour se rappeler ce qu’il en a coûté à un Dieu. Pour se rappeler comment un Dieu l’a aimé. Pour se rappeler ce que produisent les fautes. Pour se rappeler que le salut est dans Un seul : en Celui qu’ils ont transpercé. Si le monde ne voyait pas rougir mes plaies, en vérité il oublierait vite que c’est à cause de ses fautes qu’un Dieu s’est immolé, il oublierait que je suis vraiment mort dans les plus atroces tourments, il oublierait quel est le baume capable de soulager ses blessures. C’est ici qu’est le baume. Venez et embrassez-les. Chaque baiser est un accroissement de purification et de grâce pour vous. En vérité, je vous dis que la purification et la grâce ne sont jamais suffisantes, car le monde consume ce que le Ciel lui donne, et il faut compenser, par le Ciel et ses trésors, les ruines du monde. Je suis le Ciel, tout le Ciel est en moi, et les trésors célestes coulent de mes plaies ouvertes. »

Il présente ses mains au baiser de ses apôtres. Mais il doit appuyer lui-même ces mains blessées sur les bouches avides et anxieuses, car la crainte d’augmenter sa douleur les retient de le faire.

« Ce n’est pas cela qui fait souffrir, même si cela donne de la rigidité. Ma vraie douleur est bien différente !

– Laquelle, Seigneur ? demande Jacques, fils d’Alphée.

– C’est d’être mort inutilement pour trop de gens…

630.6

Mais allons. Partez en avant. Nous allons à Gethsémani… Eh quoi ! Avez-vous peur ?

– Pas pour nous, Seigneur… C’est que les grands de Jérusalem te haïssent plus qu’avant.

– Vous n’avez rien à redouter, ni pour vous, car Dieu vous protège, ni pour moi, car j’en ai fini avec les contraintes de l’humanité. Je vais chez ma Mère, puis je vous rejoindrai. Nous avons à effacer beaucoup d’horreurs vécues dans un récent passé de faute et de haine. Et nous le ferons avec amour, le contraire de ce que fut la faute… Vous voyez ? Votre baiser efface et apaise la douleur et la conséquence des clous dans la chair vive. De même, ce que nous allons faire effacera toute trace horrible et sanctifiera les lieux que les fautes ont profanés, pour que leur vue ne nous peine plus…

– Irons-nous aussi au Temple ? »

La crainte, et même l’épouvante, se lit sur tous les visages.

« Non. Je le sanctifierais par ma présence, mais il ne le peut pas. Il pouvait l’être, mais ne l’a pas voulu. Il n’y a plus de rédemption possible pour lui. C’est un cadavre qui se décompose rapidement. Laissons-le à ses morts. Qu’ils l’ensevelissent ! En vérité, les lions et les vautours mettront en pièces tombeau et cadavre, et il ne restera même pas le squelette du grand Mort qui a refusé la vie. »

Jésus monte l’escalier et sort. Les autres l’imitent en silence. Mais quand ils mettent le pied dans le couloir qui sert d’atrium, Jésus n’est plus là. La maison est silencieuse et semble déserte. Toutes les portes sont fermées.

630.7

Jean montre la porte qui fait face au Cénacle et il dit :

« Marie est là. Elle y reste toujours, comme en une extase continuelle. Son visage resplendit d’une lumière ineffable. C’est la joie qui rayonne de son cœur. Hier, elle me disait : “ Pense, Jean, à tout ce bonheur qui s’est répandu dans les royaumes de Dieu. ” Je lui ai demandé : “ Quels royaumes ? ” Je pensais qu’elle connaissait quelque merveilleuse révélation sur le royaume de son Fils qui avait vaincu jusqu’à la mort. Elle m’a répondu : “ Au Paradis, au Purgatoire, dans les limbes. Le pardon pour les âmes du Purgatoire, la montée au Ciel de tous les justes et des pardonnés. Le Paradis peuplé de bienheureux. Dieu glorifié en eux. Nos ancêtres et nos parents jubilent là-haut. Le bonheur aussi pour ce royaume qu’est la terre, où maintenant resplendit le signe, et s’est ouverte la source qui vainc Satan et efface la Faute et les fautes. Les personnes de bonne volonté n’obtiennent plus seulement la paix, mais aussi la rédemption et la réélection au rang d’enfants de Dieu. Je vois les foules — et quelles foules ! descendre à cette Source et s’y plonger pour en sortir renouvelées, belles, en vêtement de noces, en habit royal. Les noces des âmes avec la grâce, la royauté d’être fils du Père et frères de Jésus… »

Les apôtres sont sortis dans la rue et s’éloignent en devisant pendant que tombe le soir.

630.8

La rue n’est guère fréquentée, surtout à cette heure où les gens se rassemblent autour des tables pour le dîner. Jérusalem, après la cohue qui l’a inondée pour la Pâque et l’a abandonnée une fois passées les fêtes, si tragiques cette année, semble encore plus vide qu’elle ne l’est habituellement. Thomas s’en aperçoit et le fait remarquer.

« C’est comme ça » dit Simon le Zélote. « Les étrangers, terrorisés, l’ont abandonnée précipitamment après le vendredi, et ceux qui avaient encore résisté à la grande peur de ce jour se sont enfuis au second tremblement de terre, à celui qui est sûrement arrivé quand le Seigneur est sorti du tombeau. Ceux qui n’étaient pas païens ont fui pareillement. Beaucoup, je le sais de bonne source, n’ont même pas mangé l’agneau et devront revenir pour la Pâque supplémentaire. Même des habitants de Jérusalem ont fui ou se sont éloignés, certains pour emporter leurs morts qui ont péri dans le tremblement de terre de la Parascève, d’autres par peur de la colère de Dieu. L’exemple a été fort…

– Tant mieux ! Que la foudre et les pierres tombent sur tous les pécheurs ! maugrée Barthélemy.

– Ne dis pas cela ! Ne dis pas cela ! Nous méritons plus que tout autre les châtiments célestes. Nous aussi sommes pécheurs… Vous rappelez-vous ce qui s’est passé ici ?… Il y a combien de temps ? Dix soirs… dix ans… ou dix heures ? Mon péché, ces heures, ce soir-là… tout me semble à la fois si loin et si proche que je ne sais jamais… Quel nigaud j’ai fait ! Nous étions si sûrs, si belliqueux, si héroïques ! Et puis ? Ah!… » Pierre se frappe le front de la main et indique, car ils sont déjà à la petite place : « Voici. Et là, j’avais déjà peur !

– En voilà assez, Simon ! Jésus t’a pardonné, et Marie avant lui. Cela suffit ! Tu te tortures, lance Jean.

– Ah ! Je le voudrais bien ! Toi, Jean, soutiens-moi toujours ! Toujours ! C’est parce que tu sais guider que Jésus t’a confié sa Mère. C’est juste. Mais moi qui suis un ver lâche et menteur, j’ai davantage besoin que Marie d’être guidé, car j’ai des écailles sur les yeux et je n’y vois guère…

– Vraiment, elles vont venir si tu continues, tu te brûleras vraiment les pupilles, et le Seigneur ne sera plus là pour te les guérir… rétorque Jean, en l’embrassant pour le consoler.

– Il me suffirait de bien voir avec l’âme. D’ailleurs… les yeux ne comptent pas.

– Voyons ! Ils sont évidemment très importants !

630.9

Comment feront les malades, maintenant ? Tu as vu le désespoir de cette femme, hier ! dit André.

– Bien… »

Ils se regardent les uns les autres, puis, tous ensemble, ils reconnaissent :

« Aucun de nous ne s’est senti digne de lui imposer les mains… »

L’humilité, causée par le souvenir de leur comportement, les écrase.

Mais Thomas suggère à Jean :

« Toi, tu aurais pu le faire. Tu ne t’es pas enfui, tu n’as pas renié, tu n’as pas été incrédule…

– J’ai moi aussi mon péché, et il est contre l’amour tout comme le vôtre. Près du coin de la maison de Josué, j’ai saisi Elchias au collet et je l’aurais presque étranglé, parce qu’il insultait Marie. Et j’ai haï et maudit Judas, avoue Jean.

– Tais-toi ! Ne prononce pas ce nom. C’est celui d’un démon, et j’ai l’impression qu’il n’est pas encore en enfer et qu’il rôde ici autour de nous, pour nous faire pécher encore, s’exclame Pierre avec une vraie terreur.

– Oh ! il est bien en enfer ! Mais même s’il était ici, il n’aurait plus désormais aucun pouvoir. Il avait tout pour être un ange, et il a été un démon, or Jésus a vaincu le démon, dit André.

– D’accord… mais il vaut mieux ne pas le nommer. J’ai peur, moi… Je connais maintenant ma faiblesse. En ce qui te concerne, Jean, ne te sens pas coupable. Tous maudiront l’homme qui a trahi le Maître !

– Et il est juste de le faire, approuve Jude, fidèle à l’opinion qu’il s’est toujours faite de Judas.

– Non. Marie m’a dit que le jugement de Dieu suffit pour lui, et que nous ne devons avoir qu’un seul sentiment : la reconnaissance, pour ne pas avoir été les traîtres. Et si elle ne le maudit pas, elle, la Mère qui a vu les tortures de son Fils, devrions-nous le faire ? Oublions donc…

– C’est de la sottise ! s’écrie son frère Jacques.

– C’est pourtant ce que dit le Maître des péchés de Judas… »

Jean se tait et soupire.

« Quoi ? Il y en a d’autres ? Tu sais quelque chose ?… Parle !

– J’ai promis de chercher à oublier, et je m’efforce de le faire. Pour Elchias… j’ai dépassé les bornes… Mais ce jour-là, chacun de nous avait son ange gardien et son démon à côté de lui, et nous n’avons pas toujours écouté l’ange de lumière… »

Simon le Zélote dit :

« Tu sais que Nahum est estropié et que son fils a été écrasé sous un mur ou un pan de montagne ? Oui, le jour de la mort. On l’a trouvé plus tard, beaucoup plus tard, quand déjà il sentait. Il a été découvert par un homme qui allait aux marchés. Nahum était avec ses pareils, et j’ignore ce qu’il a pris sur la tête, si c’est une pierre ou un coup. Je sais qu’il est comme brisé et ne comprend plus rien. Il ressemble à une bête, il bave et geint, et hier, de son unique main saine, il a saisi à la gorge son… maître qui était allé chez lui, et il criait tant et plus : “ C’est à cause de toi ! A cause de toi ! ” Si les serviteurs n’étaient pas accourus…

– Comment sais-tu cela, Simon ? demandent-ils tous.

– J’ai vu Joseph hier.

630.10

– Je vois que le Maître tarde à venir. Je m’inquiète, intervient Jacques, fils d’Alphée.

– Retournons sur nos pas, propose Matthieu.

– Ou bien faisons halte ici, au petit pont » dit Barthélemy.

Ils s’arrêtent. Mais Jacques, fils de Zébédée et l’autre Jacques, André et Thomas reviennent sur leurs pas, l’air pensif ; ils regardent par terre, observent les maisons… André, en pâlissant, indique le mur d’une maison où se détache, sur la blancheur de la chaux, une tache rouge-brun, en s’exclamant :

« C’est du sang ! Du sang du Maître, peut-être ? Perdait-il déjà du sang ici ? Oh ! dites-le-moi !

– Que veux-tu que nous te disions, puisque aucun de nous ne le suivait ? lance, découragé, Jacques, fils d’Alphée.

– Mais mon frère, et Jean surtout, l’ont suivi…

– Pas tout de suite. Jean m’a raconté qu’ils l’ont suivi à partir de la maison de Malachie. Ici, il n’y avait personne. Aucun de nous… » dit Jacques, fils de Zébédée.

Hypnotisés, ils regardent la large tache sombre sur le mur blanc, à peu de distance du sol, et Thomas remarque :

« La pluie ne l’a pas lavée, et même la grêle qui est tombée si fort ces jours-ci ne l’a pas écaillée… Si j’étais sûr que c’est son sang, je gratterais ce mur pour l’enlever…

– Interrogeons les habitants de la maison. Ils sauront peut-être, conseille Matthieu qui les a rejoints.

– Non. Ils pourraient reconnaître en nous ses apôtres ; ils pourraient s’agir d’ennemis du Christ, et… répond Thomas.

– Et nous sommes encore des lâches… » achève Jacques, fils d’Alphée, avec un profond soupir.

Tout doucement, tous se sont approchés de ce mur, et ils regardent…

630.11

Passe une femme, une retardataire qui revient de la fontaine avec des brocs d’où déborde de l’eau fraîche. Elle les observe, pose ses brocs par terre et les interpelle.

« Vous regardez cette tache sur le mur ? Vous êtes des disciples du Maître ? Vous me paraissez l’être, même si votre visage est amaigri et… même si je ne vous ai pas vus suivre le Seigneur quand il est passé par ici, pris pour être conduit à la mort. Cela me rend incertaine, car voici mon avis : un disciple qui suit le Maître dans les heures favorables et tient à être son disciple, et qui porte un regard sévère sur ceux qui ne sont pas comme lui prêts à tout quitter pour se mettre sur les pas du Maître, doit aussi le suivre aux heures mauvaises. Du moins, il le devrait. Or moi, je ne vous ai pas vus. Et si je ne vous ai pas vus, c’est signe que moi, une femme de Sidon, j’ai suivi Celui que ses disciples juifs n’ont pas suivi. Mais j’avais reçu un bienfait de lui. Vous… vous n’en aviez peut-être jamais reçu ? Cela me surprend, car il répandait ses bienfaits sur les païens et les Samaritains, sur les pécheurs et même sur les criminels, en leur accordant la vie éternelle s’il ne pouvait plus leur donner celle de la chair. Il ne vous aimait pas, peut-être ? Alors c’est signe que vous étiez pires que des vipères ou des hyènes immondes ! Encore que… en vérité, je crois qu’il aimait même les vipères et les chacals, non pas pour ce qu’ils sont, mais parce qu’ils ont été créés par son Père.

Ceci, c’est du sang. Oui, c’est du sang. Du sang d’une femme du rivage de la Grande Mer. Autrefois, c’étaient les terres des Philistins, et ses habitants sont encore un peu méprisés par les Hébreux. Et pourtant elle sut défendre le Maître jusqu’à ce que son mari la tue. Il la battit si violemment qu’il lui ouvrit la tête, et sa cervelle avec son sang giclèrent sur le mur de sa maison où maintenant pleurent des orphelins. Mais elle avait reçu un bienfait. Le Maître avait guéri son mari atteint d’une maladie honteuse. Et elle aimait le Maître pour cette raison. Elle l’a aimé jusqu’à mourir pour lui. Elle l’a précédé dans le sein d’Abraham, comme vous dites. Annalia aussi l’a précédé, et elle aurait su mourir ainsi, elle aussi, si la mort ne l’avait cueillie avant. Il y a aussi une mère, plus haut, qui a lavé de son sang le chemin, du sang de son ventre ouvert par son fils brutal, pour défendre le Maître. Une vieille femme est morte de douleur en voyant blessé et frappé Celui qui avait rendu les yeux à son fils. Un vieillard, un mendiant, est mort parce qu’il s’est redressé pour le défendre, et il a reçu sur la tête une pierre destinée à la tête de votre Seigneur. Parce que vous croyiez qu’il l’était bien, n’est-ce pas ? Mais les preux d’un roi meurent autour de lui. Or aucun de vous n’est mort. Vous étiez loin de ceux qui le frappaient. Ah, non ! L’un de vous est mort. Il s’est tué. Mais pas par douleur, pas pour défendre le Maître. Il l’a d’abord vendu, puis il l’a désigné par un baiser, après quoi il s’est tué. Il n’avait rien d’autre à faire. Il ne pouvait plus croître en sa perversité. Il était parfait, comme Belzébuth. Le monde l’aurait lapidé pour le faire disparaître de la terre. Ah ! je crois que cette femme pleine de pitié, morte pour empêcher qu’on frappe le Martyr, je crois que la vieille Anne qui est morte de douleur de le voir dans cet état, comme aussi le vieux mendiant, la mère de Samuel, la jeune fille qui est morte, et moi qui ne puis monter au Temple parce que je souffre de voir immoler les agneaux et les tourterelles, je crois que nous aurions trouvé le courage de le lapider, et que nous n’aurions pas frémi de le voir mourir sous nos pierres… Lui le savait bien, et il a épargné au monde le soin de le tuer, il nous a évité de devenir bourreaux pour venger l’Innocent… »

Elle les regarde avec mépris. Son mépris est devenu de plus en plus manifeste à mesure qu’elle parlait. Ses yeux, grands et noirs, observent avec la dureté de l’œil d’un rapace le groupe qui ne sait pas, qui ne peut pas réagir… Elle siffle entre ses dents le dernier mot :

« Bâtards ! »

Sur ce, elle reprend ses brocs et s’en va, satisfaite d’avoir craché son dédain sur les disciples qui ont abandonné le Maître…

Ceux-ci sont anéantis. Ils restent tête basse, les bras ballants, épuisés… La vérité les écrase. Ils méditent sur les conséquences de leur lâcheté… Ils se taisent… Ils n’osent pas se regarder.

Même Jean et Simon le Zélote, les deux qui sont innocents de cette faute, ont la même attitude que les autres, peut-être à cause de la douleur de les voir ainsi mortifiés et de l’impossibilité de panser la blessure produite par les francs propos de la femme…

630.12

La route est désormais dans la pénombre. La lune, à ses derniers jours, se lève tard, par conséquent le crépuscule s’obscurcit rapidement. Le silence est absolu. Pas de bruit ni de voix humaine qui s’entende, et dans le silence règne seul le gargouillis du Cédron. Quand soudain la voix de Jésus résonne, elle les fait sursauter comme si c’était un son effrayant, alors qu’il parle avec douceur.

« Que faites-vous ici ? Je vous ai attendus au milieu des oliviers… Pourquoi restez-vous à contempler des choses mortes quand la Vie vous attend ? Venez avec moi. »

Jésus semble venir de Gethsémani. Il s’arrête près d’eux.

Il regarde la tache sur laquelle sont encore fixés les regards terrifiés des apôtres, et reprend :

« Cette femme est déjà dans la paix, et elle a oublié toute douleur. Est-elle inutile pour ses enfants ? Non, elle est doublement active au contraire, et elle les sanctifiera, car elle ne demande que cela à Dieu. »

Il se met en route. Ils le suivent en silence.

Mais Jésus se retourne :

« Pourquoi vous demandez-vous dans votre cœur : “ Pourquoi ne demande-t-elle pas la conversion de son mari ? Elle n’est pas sainte si elle le hait… ” Elle ne le hait pas. Elle a pardonné dès le moment où il l’a tuée, mais dorénavant, âme entrée dans le Royaume de la Lumière, elle voit avec sagesse et justice. Elle se rend compte qu’il n’est pas de conversion et de pardon possibles pour son mari. Elle tourne alors sa prière vers ceux qui peuvent en recevoir du bien.

630.13

Ce n’est pas mon sang, non. Pourtant, j’en ai tant perdu dans cette rue aussi !… Mais les pas des ennemis l’ont éparpillé, mêlé à la poussière et aux ordures, puis la pluie l’a délavé et entraîné parmi les couches de poussière. Mais il en reste encore beaucoup de visible… Car il en a tant coulé que les pas et l’eau ne pourront l’effacer facilement. Nous nous y rendrons ensemble et vous verrez mon sang répandu pour vous…

– Où ? Où veut-il aller ? A l’endroit où il a pleuré ? Au Prétoire ? » s’interrogent-ils.

Jean intervient :

« Mais Claudia est repartie deux jours après le sabbat et, dit-on, indignée, effrayée même à l’idée de rester auprès de son mari… C’est le lancier qui me l’a rapporté. Claudia sépare sa responsabilité de celle de Pilate. Elle lui avait conseillé de ne pas poursuivre le Juste, car il valait mieux être persécuté par les hommes que par le Très-Haut, dont le Maître était le Messie. Et il n’y a pas non plus Plautina, ni Lydia. Elles ont suivi Claudia à Césarée, et Valeria est partie avec Jeanne à Béther. Si elles avaient été présentes, nous aurions pu entrer. Mais maintenant… je ne sais pas… Longinus aussi est absent, car Claudia a voulu qu’il l’accompagne.

– Ce sera à l’endroit où tu as vu l’herbe trempée de sang… »

Jésus, qui est en avant, se tourne et dit :

« Au Golgotha. Il y a tant de mon sang là-haut que la poussière est semblable à du minéral ferreux. Quelqu’un vous y a même précédés…

630.14

– Mais l’endroit est impur ! » s’écrie Barthélemy.

Jésus répond avec un sourire de compassion :

« Toute la ville de Jérusalem est impure après ce péché atroce. Cela ne vous gêne pourtant pas d’y rester, si ce n’est que vous avez peur de la foule…

– Les larrons y sont toujours morts…

– Moi, j’y suis mort. Et je l’ai sanctifiée pour toujours. En vérité, je vous dis que jusqu’à la fin des siècles, il n’y aura pas de lieu plus saint que celui-là, et il attirera les foules de toute la terre et de toutes les époques pour baiser cette poussière. Quelqu’un vous y a précédés, sans redouter les moqueries et les vengeances, sans craindre de se contaminer. Cette personne avait pourtant une double raison d’en éprouver quelque appréhension.

– Qui est-ce, Seigneur ? demande Jean, à qui Pierre pique le côté avec son coude pour qu’il interroge Jésus.

– Marie-Madeleine ! De même qu’elle a ramassé les fleurs foulées par mes pas pendant que j’entrais, avant la Pâque, dans sa maison — souvenir de joie qu’elle a distribué à ses compagnes —, ainsi elle a su monter au Calvaire, et de ses mains creuser la terre, durcie par mon sang, redescendre avec cette charge et la déposer sur les genoux de ma Mère. Elle n’a pas eu peur. Or elle était connue en tant que “ pécheresse ” et que “ disciple ”. Et celle qui a accueilli sur ses genoux ce terreau du lieu du Crâne, n’a pas cru se contaminer. Mon sang a tout effacé, et sainte est la terre où il est tombé. Demain, avant sexte, vous monterez au Golgotha. Je vous y rejoindrai… Mais celui qui veut voir mon sang, le voici. »

Il montre la rampe du petit pont.

« Ici on m’a frappé la bouche, et il en a coulé du sang… Ma bouche n’avait prononcé que des paroles saintes, des paroles d’amour. Pourquoi donc l’a-t-on frappée, sans personne pour la panser par un baiser ?… »

630.15

Ils entrent à Gethsémani. Mais Jésus doit d’abord ouvrir une serrure qui ferme dorénavant l’accès du jardin des Oliviers. C’est une serrure neuve posée sur une haute palissade bien robuste, avec des pointes aiguës. Jésus a la clé, si neuve qu’elle brille comme de l’acier, et il l’ouvre à la clarté d’une branche enflammée que Philippe a allumée pour y voir, car il fait maintenant nuit noire.

« Elle n’y était pas… Pourquoi ?… chuchotent les apôtres, à la vue de l’enceinte qui isole désormais Gethsémani.

– Lazare aura sûrement voulu que plus personne n’entre ici. Regarde : il y a là un tas de pierres, avec des briques et de la chaux. Un mur va remplacer le bois… »

Jésus déclare :

« Venez. Ne vous occupez pas de choses mortes, vous dis-je… Voilà : vous étiez ici… C’est ici que j’ai été entouré et capturé, et c’est de ce côté que vous vous êtes sauvés… Si cette enceinte avait existé… elle aurait empêché votre fuite rapide. Mais comment Lazare aurait-il pu imaginer, lui qui brûlait de me suivre alors que vous brûliez de déguerpir, que vous alliez vous enfuir ? Je vous fais souffrir ? Moi, j’ai souffert avant vous. Et je veux effacer cette douleur. Embrasse-moi, Pierre…

– Non, Seigneur ! Non ! Je refuse d’imiter Judas, ici, à la même heure, non, non et non !

– Embrasse-moi. J’ai besoin que vous fassiez avec un amour sincère le geste sans sincérité de Judas. Après, vous serez heureux. Nous serons plus heureux, vous et moi. Viens, Pierre, embrasse-moi. »

Alors Pierre ne se contente pas de l’embrasser : il inonde de larmes la joue du Seigneur et se retire en se couvrant le visage avant de s’asseoir par terre pour pleurer. L’un après l’autre, les autres embrassent Jésus au même endroit. Ils ont tous des larmes sur le visage, les uns plus que d’autres…

630.16

« Et maintenant, allons-y tous ensemble. Je vous ai quittés ce soir-là après vous avoir fortifiés de mon corps, et pour quelques heures. Mais vous êtes aussitôt tombés. Rappelez-vous toujours combien vous avez été faibles, souvenez-vous que, sans l’aide de Dieu, vous ne pourriez demeurer justes une seule heure. A cet endroit, j’ai demandé de veiller à ceux qui se croyaient les plus forts, forts au point de demander à boire à ma coupe et de proclamer que, même s’il leur fallait mourir, ils ne me renieraient pas. Je les ai quittés en les avertissant de la nécessité de prier… Je les ai quittés, et ils ont dormi. Souvenez-vous-en, et enseignez que si une personne que Jésus a quittée ne se maintient pas en contact avec lui par l’oraison, elle s’assoupit et peut être prise. Si je ne vous avais pas réveillés, en vérité, vous pouviez même être tués pendant votre sommeil et comparaître au jugement de Dieu avec toute la pesanteur de votre l’humanité. Avancez… Voilà ! Baisse la branche, Philippe !

Voici ! Que celui qui veut voir de mon sang, regarde. Ici, dans la plus grande angoisse, semblable à un agonisant, j’ai sué du sang. Regardez… Il y en a eu tellement que la terre en est durcie et que l’herbe en est encore rougie, car la pluie n’a pas été capable de faire fondre les grumeaux séchés au milieu des tiges et des corolles. Voilà ! A cet endroit, je me suis adossé, et c’est ici qu’a plané au-dessus de moi l’ange du Seigneur pour renforcer ma volonté de faire la volonté de Dieu. Car, souvenez-vous-en, si vous voulez toujours faire la volonté de Dieu, là où la créature ne peut tenir, Dieu vient avec son ange soutenir le héros épuisé. Quand vous serez angoissés, ne craignez pas de tomber dans la lâcheté ou dans l’abjuration si vous persistez à vouloir ce que Dieu veut. Dieu fera de vous des géants d’héroïsme si vous restez fidèles à sa volonté. Souvenez-vous-en ! Souvenez-vous-en ! Je vous ai dit autrefois qu’après la tentation dans le désert, j’ai été soutenu par les anges. Sachez maintenant qu’ici aussi, après cette suprême tentation, j’ai été soutenu par un ange. Il en sera de même pour vous et tous mes fidèles. Car, en vérité je vous le dis, vous aurez vous aussi l’aide que j’ai reçue. Moi-même je vous l’obtiendrais s’il n’y avait déjà le Père, dans son amoureuse justice, pour vous l’accorder. Seulement, votre douleur sera toujours moindre que la mienne…

Asseyez-vous. La lune se lève à l’orient. Il va faire clair. Je ne crois pas que cette nuit vous dormirez, bien que vous soyez encore seulement des hommes… et à quel point ! Non, vous ne dormirez pas, car il est entré en vous un principe actif que vous n’aviez pas auparavant : le remords. C’est une torture, c’est vrai, mais il sert à progresser, que ce soit dans le bien ou dans le mal. Chez Judas, parce qu’il s’était éloigné de Dieu, il a produit désespoir et damnation. Chez vous, qui n’êtes jamais sortis de la proximité de Dieu — je vous l’assure, car vous n’aviez ni la volonté ni la pleine connaissance de ce que vous faisiez —, il suscitera un repentir confiant qui vous amènera à la sagesse et à la justice.

630.17

Restez là où vous êtes. Je me retire là-bas, à un jet de pierre, en attendant l’aube.

– Ne nous quitte pas, Seigneur ! Tu as bien dit que nous sommes loin de toi ! supplie André, à genoux, les mains tendues comme s’il demandait une obole de pitié.

– Vous avez le remords. C’est un bon ami pour les bons.

– Ne t’éloigne pas, Seigneur ! Tu nous avais dit que nous allions prier ensemble… » implore Jude.

Il n’ose plus se comporter avec le Ressuscité aussi familièrement que sa condition de parent le lui permettait auparavant et, du haut de sa grande taille, il se tient un peu penché en avant pour le vénérer.

« La méditation n’est-elle pas l’oraison la plus active ? Et ne vous ai-je pas donné un thème de méditation et de contemplation depuis que je vous ai rejoints sur la route, en faisant réagir votre cœur par des actes vrais de saints sentiments ? C’est cela, l’oraison, ô hommes : se mettre en contact avec l’Eternel et avec ce qui sert à élever l’esprit bien au-delà de la terre ; et, par la méditation des perfections de Dieu et de la misère de l’homme, du moi, susciter des actes de volonté amoureuse ou réparatrice, adoratrice toujours, même si c’est une volonté qui jaillit de la méditation d’une faute et d’un châtiment. Le bien comme le mal servent à la fin dernière, si on sait s’en servir. Je l’ai dit maintes fois. Le péché est une ruine inguérissable seulement s’il n’est pas suivi de repentir et de réparation. Dans le cas contraire, la contrition du cœur peut former un mortier solide pour tenir compacts les fondements de la sainteté, dont les pierres sont les bonnes résolutions. Pourriez-vous tenir les pierres unies sans mortier, ce mélange brut et vil en apparence, mais sans lequel les pierres polies ou les marbres brillants ne resteraient pas unis pour former l’édifice ? »

630.18

Jésus est sur le point de partir.

Jean, auquel son frère et l’autre Jacques ainsi que Pierre et Barthélemy ont parlé à voix basse, se lève et le suit en disant :

« Jésus, mon Dieu, nous espérions dire avec toi la prière à ton Père. Ta prière. Nous nous sentons peu pardonnés si tu ne nous accordes pas de la réciter avec toi. Nous sentons en avoir tant besoin…

– Là où deux sont unis dans la prière, moi, je suis au milieu d’eux. Dites alors cette prière entre vous, et je serai parmi vous.

– Ah ! Tu ne nous juges plus dignes de prier avec toi ! » s’écrie Pierre, le visage caché dans les herbes qui ne sont pas toutes pures du sang divin, et en pleurant fortement.

Jacques, fils d’Alphée, s’exclame :

« Nous sommes malheureux, mon frè… Seigneur. »

Il se reprend aussitôt en disant “ Seigneur ” au lieu de “ frère ”.

Jésus le regarde :

« Pourquoi ne m’appelles-tu pas “ mon frère ”, toi qui es de mon sang ? Frère de tout homme, pour toi je le suis doublement, triplement, en tant que fils d’Adam, fils de David, et fils de Dieu. Termine ton mot.

– Frère, mon Seigneur, nous sommes malheureux et sots, tu le sais, et l’humiliation où nous sommes l’accentue encore. Comment pouvons-nous dire ta prière du plus profond de notre âme si nous n’en connaissons pas la signification ?

– Que de fois, comme à des enfants mineurs, je vous l’ai expliquée ! Mais vous avez la tête plus dure que le plus distrait des élèves d’un pédagogue, et vous n’avez pas retenu ce que j’ai dit ! »

Jean prend alors la parole :

« C’est vrai ! Mais en ce moment, notre esprit est uniquement centré sur notre torture de ne pas t’avoir compris… Ah ! Nous n’avons rien compris, je le reconnais au nom de tous ! Et aujourd’hui encore, nous ne te comprenons pas bien, Seigneur. Mais, je t’en prie, trouve quelque indulgence pour notre mal en voyant comment celui-ci nous rend obtus. Tu avais expiré quand le grand rabbin a crié la vérité de l’aveuglement d’Israël, là, au pied de ta croix. Dieu omniprésent, Esprit de Dieu libéré de la prison de la chair, tu as entendu ces paroles : “ Des siècles et des siècles de cécité spirituelle obscurcissent la vue intérieure ”, et il t’a fait cette prière : “ Dans cette manière de penser prisonnière des formules, pénètre, toi qui es le Libérateur. ” O mon adoré et adorable Jésus, qui nous as sauvés de la faute originelle en prenant sur toi nos péchés et en les consumant dans l’ardeur de ton amour parfait, prends, consume aussi notre intelligence de juifs obstinés. Donne-nous un esprit nouveau, vierge comme celui d’un nouveau-né, fais-nous oublier pour nous remplir de ta seule sagesse. Tant de choses du passé sont mortes pendant cette journée horrible ! Mortes avec toi. Mais maintenant que tu es ressuscité, fais que naisse en nous une nouvelle manière de penser. Crée en nous un cœur et un esprit nouveaux, mon Seigneur, et nous te comprendrons.

630.19

Ce n’est pas à moi que revient cette tâche, mais à Celui dont je vous ai parlé à la dernière Cène. Chacune de mes paroles se perd dans l’abîme de votre pensée, en tout ou en partie, ou son esprit vous reste hermétique. Seul le Paraclet, quand il viendra, sortira mes paroles de votre abîme et vous les ouvrira pour vous faire comprendre leur esprit.

– Mais c’est toi qui nous l’as infusé, objecte Simon le Zélote.

– Tu nous as annoncé que, quand tu serais remonté vers le Père, l’Esprit de vérité viendrait, insiste Mattieu au même moment.

– Dites-moi : quand un enfant naît, a-t-il l’âme infusée ?

– Evidemment ! répondent-ils tous.

– Mais cette âme a-t-elle la grâce de Dieu ?

– Non. La faute originelle pèse sur elle et la prive de la grâce.

– Et d’où viennent l’âme et la grâce ?

– De Dieu !

– Pourquoi Dieu ne donne-t-il pas tout bonnement une âme en état de grâce à la créature ?

– Parce que Adam a été puni, et nous en lui. Mais maintenant que tu es devenu le Rédempteur, il en sera ainsi.

– Non. Il n’en sera pas ainsi. Les hommes naîtront toujours impurs dans leur âme que Dieu a créée et que l’hérédité d’Adam a tachée. Mais par un rite que je vous expliquerai une autre fois, l’âme infusée dans l’homme sera vivifiée par la grâce, et l’Esprit du Seigneur en prendra possession. Vous, cependant, baptisés avec de l’eau par Jean, vous serez baptisés par le feu de la puissance de Dieu. Alors l’Esprit de Dieu sera vraiment en vous. Et ce sera le Maître, que les hommes ne peuvent persécuter ni chasser, qui vous expliquera intérieurement l’esprit de mes paroles et vous instruira. Je vous l’ai infusé, car c’est seulement par mes mérites que toute chose peut s’obtenir et être valide : obtenir Dieu, et rendre valide la parole d’un délégué de Dieu. Mais l’Esprit de vérité n’est pas encore Maître en vous.

– Alors, vivement que cela se produise ! Il viendra en son temps. Mais, en attendant, fais nous sentir ton pardon. Sois pour nous un Maître, mon Seigneur. Sois-le encore et encore, puisque tu as dit qu’il nous faut pardonner soixante-dix fois sept fois » insiste Jean.

Et comme Jean est toujours le plus confiant et le plus affectueux des apôtres, il ose prendre dans ses mains la main gauche de Jésus, qui pend et dont la déchirure du clou paraît encore plus grande sous l’éclat de la lune. Et il achève :

« Toi qui es la Lumière éternelle, ne permets pas que tes serviteurs restent dans les ténèbres. »

Puis il baise légèrement le bout des doigts de Jésus, ces doigts restés un peu repliés, exactement comme le sont ceux d’un blessé, guéri, mais qui garde les nerfs légèrement contractés.

630.20

« Venez. Montons un peu plus haut et nous dirons ensemble cette prière » accorde Jésus, qui laisse sa main dans celle de Jean tout en montant à la limite la plus élevée de la colline de Gethsémani, vers la route qui traverse le champ des Galiléens et mène à Béthanie.

Les travaux de délimitation, voulus par Lazare, sont visiblement en cours ici. Plus précisément, on a déjà élevé, après la maison du gardien de l’Oliveraie, un haut mur lisse qui suit la haie et le sentier en lacets qui marquaient la limite de Gethsémani.

En bas, Jérusalem sort lentement des ténèbres, même les quartiers exposés au couchant, car la lune est maintenant à son zénith, et elle blanchit toutes choses de sa fine faucille, qui brille comme une flamme de diamant posée sur le firmament sombre sur lequel palpitent les corolles lumineuses d’un nombre invraisemblable d’étoiles, comme on en voit dans les cieux de l’Orient.

630.21

Jésus prend son attitude habituelle de prière, lève les bras, et entonne : “ Notre Père qui es aux Cieux. ”

Il s’interrompt aussitôt et commente :

« Il vous a donné la preuve qu’il est Père en vous pardonnant. Vous qui êtes tenus plus que tout autre à la perfection, vous qui avez reçu tant de bienfaits, mais êtes, comme vous dites, si inaptes à la mission, quel Seigneur qui ne serait pas Père ne vous aurait pas punis ? Moi, je ne vous ai pas punis. Le Père ne vous a pas punis. Car ce que fait le Père, le Fils le fait, et ce que fait le Fils, le Père le fait, puisque nous sommes une seule Divinité unie dans l’Amour. Je suis dans le Père, et le Père est avec moi. Le Verbe est toujours auprès de Dieu, qui est sans commencement. Et le Verbe est avant toute chose, depuis toujours, depuis une éternité qui a nom toujours, depuis un éternel présent près de Dieu. Il est Dieu comme Dieu, car il est le Verbe de la Pensée divine.

630.22

Quand, après mon départ, vous prierez notre Père — le mien et le vôtre, celui par qui nous sommes frères, moi en tant que premier-né, vous en tant que cadets —, veuillez toujours me voir, moi aussi, dans mon Père et le vôtre. Veuillez voir le Verbe qui fut pour vous le “ Maître ” et vous a aimés jusqu’à la mort… et même par delà la mort, en se laissant lui-même en guise de nourriture et de boisson, afin que vous soyez en moi et moi en vous tant que dure l’exil, et puis vous et moi dans le Royaume pour lequel je vous ai enseigné à prier : “ Que ton Règne vienne ”, après l’avoir invoqué pour que vos œuvres sanctifient le nom du Seigneur et lui rendent gloire sur la terre comme au Ciel. Oui, il n’y aurait pas de Royaume pour vous au Ciel ni pour ceux qui croiront comme vous, si d’abord vous n’aviez pas voulu établir le Royaume de Dieu en vous par la pratique réelle de la loi de Dieu et de ma parole. Car là se trouve la perfection de la loi qui a donné, au temps de la grâce, la loi des élus, c’est-à-dire celle des personnes qui ont dépassé les constitutions civiles, morales, religieuses du temps mosaïque, pour adopter la loi spirituelle du temps du Christ.

Vous voyez donc la différence entre être proche de Dieu, et avoir Dieu en vous ; entre connaître la parole de Dieu, mais la mettre réellement en pratique. Tous les crimes ont été accomplis pour obtenir cette proximité de Dieu, mais non pas Dieu dans le cœur ; pour avoir la connaissance de la parole, mais non pas l’obéissance à cette parole. C’était la raison de tout. L’aveuglement et la criminalité, le déicide, la trahison, les tortures, la mort de l’Innocent et de son Caïn, tout est venu de là. Et pourtant, qui ai-je aimé autant que Judas ? Mais il ne m’a pas reçu — moi comme Dieu dans son cœur. C’est pourquoi il est le damné déicide, l’infiniment coupable comme juif et comme disciple, comme suicidé et comme déicide, sans oublier ses sept vices capitaux et toutes ses autres fautes.

630.23

Vous pouvez désormais obtenir le Royaume de Dieu avec plus de facilité parce que je vous l’ai obtenu par ma mort. Je vous ai rachetés par ma souffrance. Souvenez-vous-en. Que personne ne fasse fi de la grâce, parce qu’elle a coûté la vie et le sang d’un Dieu. Que le Royaume de Dieu soit donc en vous par la grâce, que ce soit sur la terre par l’Eglise, ou au Ciel pour le peuple des bienheureux : si ces derniers ont vécu en gardant Dieu dans leur cœur, unis au Corps dont le Christ est la tête, unis à la Vigne dont tout chrétien est un sarment, ils méritent de reposer dans le Royaume de celui pour lequel toutes choses ont été créées : moi qui vous parle, et qui me suis donné moi-même à la volonté de mon Père pour que tout puisse être accompli. C’est pourquoi je peux vous enseigner, sans hypocrisie, qu’il faut dire : “ Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel. ” Tout peut certifier que j’ai fait la volonté de mon Père, depuis les mottes de terre jusqu’aux plantes, aux fleurs, aux pierres de Palestine, jusqu’à mes chairs blessées, jusqu’à tout un peuple.

Suivez mon exemple jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur la croix si Dieu le veut. Car, souvenez-vous-en, je l’ai fait et il n’est pas de disciple qui mérite la miséricorde plus que moi. J’ai néanmoins connu la plus grande des souffrances, et j’ai obéi par de continuels renoncements. Vous le savez. Vous le comprendrez encore davantage à l’avenir quand vous me ressemblerez en buvant une gorgée à ma coupe…

Ayez constamment cette pensée à l’esprit : “ C’est par son obéissance au Père que Jésus nous a sauvés. ” Et si vous voulez être sauveurs, faites ce que j’ai fait. Certains connaîtront la croix, d’autres le supplice des tyrans, ou la torture de l’amour, de l’exil des Cieux en y tendant jusqu’à l’âge le plus avancé avant d’y monter : que la volonté de Dieu soit faite en toute chose. Sachez que supplice de mort ou supplice de vie — si vous désireriez mourir pour venir là où je suis — sont pareils aux yeux de Dieu s’ils sont acceptés avec une joyeuse obéissance. Ils sont la volonté de Dieu, donc ils sont saints.

630.24

“ Donne-nous notre pain quotidien ”, au jour le jour, heure par heure. C’est de la foi. C’est de l’amour. C’est de l’obéissance. C’est de l’humilité. C’est de l’espérance de demander le pain d’un seul jour, et de l’accepter comme il est : aujourd’hui doux, demain amer, en grande ou en petite quantité, agrémenté d’épices ou avec de la cendre. Quel qu’il soit, c’est toujours juste. C’est Dieu, qui est Père, qui le donne. Il est donc bon.

Je vous parlerai une autre fois de l’autre Pain qu’il serait salutaire de vouloir manger chaque jour et de prier le Père de le maintenir. Car malheur aux jours et aux lieux où on viendrait à en manquer par la volonté des hommes ! Or vous voyez combien les hommes sont puissants quand il s’agit d’accomplir des œuvres de ténèbres. Priez le Père afin qu’il défende son Pain et vous le donne. Qu’il vous le donne d’autant plus que les ténèbres voudront étouffer la lumière et la vie comme ils ont fait à la Parascève. La seconde Parascève serait sans résurrection. Souvenez-vous-en, tous. Si le Verbe ne pourra plus être tué, sa doctrine pourrait encore l’être, et éteintes la liberté et la volonté de l’aimer chez un trop grand nombre de personnes. Dans un tel cas, ce sont aussi la vie et la lumière qui seraient finies pour les hommes. Malheur à ce jour-là ! Que le Temple soit pour vous un exemple. Rappelez-vous : je l’ai qualifié de “ grand Cadavre ”.

630.25

“ Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. ”

Puisque vous êtes tous pécheurs, soyez doux à l’égard des pécheurs. Gardez en mémoire ma parole : “ A quoi sert-il de regarder la paille de ton frère si tu n’enlèves pas la poutre de ton œil ? ” Cet Esprit que je vous ai infusé, cet ordre que je vous ai donné vous donnent le pouvoir de remettre, au nom de Dieu, les péchés de votre prochain. Mais comment cela vous serait-il possible si Dieu ne vous les remet pas, à vous ? Je parlerai de cela une autre fois. Pour le moment je me borne à vous dire : pardonnez à ceux qui vous offensent, pour être pardonnés et pour avoir le droit d’absoudre ou de condamner. Celui qui est sans péché peut le faire en toute justice. Celui qui ne pardonne pas, qui est en faute et feint d’être scandalisé est hypocrite. C’est l’Enfer qui l’attend. Car si la miséricorde est encore de mise à l’égard des jeunes pupilles, sévère sera le verdict adressé à leurs tuteurs s’ils sont coupables de fautes semblables ou plus grandes commises malgré l’aide de la plénitude de l’Esprit dont ils disposent.

630.26

“ Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal. ” Il s’agit ici de l’humilité, la pierre de base de la perfection. En vérité, je vous dis de bénir ceux qui vous humilient, car ils vous donnent ce qui est nécessaire pour votre trône céleste.

Non, la tentation n’est pas la ruine, si l’homme se tient humblement près du Père et lui demande de ne pas permettre que Satan, le monde et la chair triomphent de lui. Les couronnes des bienheureux sont ornées des joyaux des tentations vaincues. Ne les recherchez pas, mais ne soyez pas lâches quand elles viennent. Humbles, et forts par conséquent, criez à mon Père et au vôtre : “ Délivre-nous du mal ”, et vous vaincrez le mal. De cette manière, vous sanctifierez vraiment le nom de Dieu par vos actes, comme je l’ai dit au début, car tout homme dira en vous voyant : “ Dieu existe, car ceux-ci vivent comme des dieux, tant leur conduite est parfaite ”, et ils viendront à Dieu, multipliant ainsi le nombre des habitants du Royaume de Dieu.

630.27

Agenouillez-vous pour que je vous bénisse et que ma bénédiction vous ouvre l’esprit pour méditer. »

Ils se prosternent sur le sol et Jésus les bénit, puis disparaît comme s’il était absorbé par un rayon de lune.

Après un moment, les apôtres lèvent la tête, étonnés de ne pas entendre d’autres paroles. Ils s’aperçoivent que Jésus a disparu… et se prosternent de nouveau, le visage au sol, dans la crainte séculaire de tout israélite qui se rend compte d’avoir été au contact de Dieu tel qu’il est au Ciel.

630.1

Gli apostoli si mettono i loro mantelli e chiedono: «Dove andiamo, Signore?».

Il loro parlare non è più così famigliare come lo era avanti la Passione. Se fosse lecito dirlo, direi che essi parlano con l’anima inginocchiata. Più che la positura del loro corpo, che sta sempre un poco inchinato in ossequio davanti al Risorto, più del loro ritegno nel toccarlo, più della loro gioia tremebonda quando Egli li tocca, carezza, o bacia, o rivolge in particolare la parola, è tutto il loro aspetto, un “che” che non si può descrivere ma che è così palese, quello che dice come, ancor più della loro umanità, è il loro spirito quello che non può tornare quale era nei suoi rapporti col Maestro, e informa del suo nuovo sentire ogni atto dell’uomo.

Prima era “il Maestro”. Maestro che la loro fede credeva Dio. Ma che era sempre, ai loro sensi, uomo. Ora è “il Signore”. È Dio. Non c’è più bisogno di fare atti di fede per crederlo. L’evidenza ha abolito questo bisogno. Egli è Dio. È il Signore al quale il Signore ha detto[1]: «Siedi alla mia destra», e lo ha proclamato con la parola e col prodigio della Risurrezione. Dio come il Padre. Ed è il Dio che essi hanno abbandonato per paura, dopo aver da Lui tanto avuto…

Lo guardano sempre con quello sguardo di venerazione reverenziale col quale un vero credente guarda l’Ostia raggiante in mezzo ad un ostensorio, o guarda il Corpo di Cristo elevato dal sacerdote nel Sacrificio quotidiano. Nel loro sguardo, che vuole vedere l’amato aspetto, ancor più bello che in passato, è anche l’espressione di chi non osa vedere, di chi non osa soffermarsi a guardare… L’amore li spinge ad affissarsi su quel loro Amato, il timore fa abbassare subito le palpebre e il capo come se un fulgore li avesse abbacinati.

630.2

Infatti, per quanto Gesù, il risorto Gesù, sia proprio Lui, non è più Lui nello stesso tempo. A guardarlo bene, è diverso. Uguali i tratti del volto, il colore degli occhi e capelli, la statura, le mani, i piedi, eppure è diverso. Uguale la voce e gli atti, eppure è diverso. È vero corpo, tanto che intercetta anche ora la luce del sole morente, che entra con estremo raggio nella stanza dalla finestra aperta. Getta dietro a Sé l’ombra della sua alta persona. Eppure è diverso. Non si è fatto superbo né distante, eppure è diverso.

Una maestà nuova, perenne, si è diffusa là dove tanto regnava l’umile, dimesso aspetto, talora tanto dimesso da parere affranto, dell’instancabile Maestro. Scomparsa l’emaciazione degli ultimi tempi, annullata quell’impronta di stanchezza fisica e morale che lo invecchiava, perduto quello sguardo afflitto, supplice, che chiedeva senza parlare: «Perché mi respingete? Accoglietemi…», il Cristo Risorto sembra persino più alto o robusto, libero da ogni gravame, sicuro, vittorioso, maestoso, divino. Neppure quando si faceva potente nei potenti miracoli, o imponente nei momenti salienti del suo magistero, era quale è ora che è risorto e glorificato. Non emana luce. No. Non emana luce come nella trasfigurazione e come nelle prime delle apparizioni dopo la Risurrezione. Eppure sembra luminoso. È veramente il Corpo di Dio con la bellezza dei corpi glorificati. E attrae e intimorisce insieme.

630.3

Forse sono anche quelle ferite, così visibili, sulle mani e sui piedi, quelle che incutono questo rispetto profondo. Non so. So che gli apostoli, nonostante che Gesù sia con essi dolce tanto e cerchi di creare nuovamente l’atmosfera di un tempo, sono diversi. Così insistenti e ciarlieri prima, ora poco parlano e, se Egli non risponde, non insistono. Se Egli sorride loro, o a un di loro, essi mutano colore e non osano rispondere con un sorriso al suo sorriso. Se Egli, come fa ora, tende la mano a prendere il suo manto bianco — è sempre vestito di una veste di un bianco splendente più di candidissimo raso da quando è il Risorto — nessuno di loro accorre, come facevano prima, contendendosi la gioia e l’onore di aiutarlo. Sembra che abbiano paura a toccare le sue vesti e le sue membra. E deve Lui dire, come fa ora: «Vieni, Giovanni. Aiuta il tuo Maestro. Queste ferite sono vere ferite… e le mani ferite non sono agili come prima…».

Giovanni ubbidisce, aiutando Gesù nell’accomodarsi l’ampio mantello, e pare che vesta un Pontefice tanto lo fa con mosse accorte e assorte, badando di non sfiorargli le Mani su cui rosseggiano le stigmate. Ma, per quanto faccia attenzione, urta la sinistra di Gesù e grida come fosse lui l’urtato, e appunta gli occhi sul dorso di quella Mano, temendo di vederne gocciare ancor sangue. È così viva quella atroce ferita!

Gesù gli posa la destra sul capo dicendo: «Avesti più coraggio quando mi ricevesti staccato dalla Croce. E allora gocciava ancora del sangue, tanto che ne fosti rosso anche sui capelli. Nuova rugiada della notte sul nuovo amatore. Mi avevi colto come grappolo dal ceppo… Perché piangi? Io ti ho dato la mia rugiada di Martire. Tu sul mio Capo spargesti la tua rugiada di pietà. Ma allora potevi piangere… Non ora.

630.4

E tu perché piangi, Simon Pietro? Tu non mi hai urtato nella Mano. Tu non mi hai visto morto…».

«Ah! mio Dio! È per questo che io piango! Per il mio pecca­to».

«Ti ho perdonato, Simone di Giona».

«Ma io non mi perdono. No. Nulla farà terminare il pianto mio. Neppure il tuo perdono».

«Ma la mia gloria, sì».

«Tu glorioso, io peccatore».

«Tu glorioso, dopo esser stato il mio pescatore. Pesca grande, abbondante, miracolosa farai, Pietro. E poi Io ti dirò: “Vieni al banchetto eterno”. E non piangerai più. Ma tutti avete le lacrime nelle pupille. E tu, Giacomo, mio fratello, stai là gettato in quell’angolo come avessi perduto ogni bene. Perché?».

«Perché io speravo che… Tu le senti, dunque, le Ferite? Le senti ancora? Io speravo che tutto il dolore per Te fosse annullato, che cancellato fosse ogni segno. Anche per noi. Per noi peccatori. Quelle Piaghe!… Che dolore vederle!».

«Sì. Perché non le hai cancellate? A Lazzaro non rimasero segni… Sono una… un rimprovero quelle Piaghe! Gridano con voce tremenda! Sono più folgoranti e paurose dei fulmini del Sinai», dice Bartolomeo.

«Gridano la nostra viltà. Perché noi fuggimmo mentre le ricevevi…», dice Filippo.

«E più si guardano e più la coscienza rimprovera e rinfaccia viltà, stoltezza, incredulità», dice Tommaso.

«Per la nostra pace e quella di questo popolo peccatore, poiché sei morto e risorto per il perdono del mondo, cancella quelle accuse al mondo, o Signore!», prega Andrea.

630.5

«Esse sono la Salute del mondo. In esse è la Salute. Le ha aperte il mondo che odia, ma l’Amore ne ha fatto Medicina e Luce. Per esse fu inchiodata la Colpa. Per esse furono sospesi e sorretti tutti i peccati degli uomini perché il fuoco dell’Amore li consumasse sul vero Altare. Quando l’Altissimo prescrisse a Mosè l’arca e l’altare del profumo, non li volle forati da anelli[2] per essere elevati e portati dove voleva il Signore? Io pure forato. Sono più di arca e altare. Sono ben più di arca e d’altare. Ho bruciato il profumo della mia carità per Dio e per il prossimo, e ho portato il peso di tutte le iniquità del mondo. E il mondo deve ricordare questo. Per ricordare cosa esso è costato a un Dio. Per ricordare come lo ha amato un Dio. Per ricordare cosa producono le colpe. Per ricordare che non vi è che in Uno la salvezza: in Colui che hanno trafitto. Se il mondo non vedesse rosseggiare le mie Piaghe, in verità presto dimenticherebbe che per le sue colpe un Dio si è immolato, dimenticherebbe che sono veramente morto nel più atroce dei tormenti, dimenticherebbe quale è il balsamo per le sue ferite. Qui è il balsamo. Venite e baciate. Ogni bacio è un aumento di purificazione e di grazia per voi. In verità vi dico che purificazione e grazia non sono sufficienti mai, perché il mondo consuma ciò che il Cielo infonde, e occorre compensare col Cielo e i suoi tesori le rovine del mondo. Io sono il Cielo. Tutto il Cielo è in Me, e i celesti tesori fluiscono dalle aperte Piaghe».

Porge le Mani al bacio dei suoi apostoli. E le deve premere Lui, quelle Mani ferite, sulle bocche avide e timorose, perché il timore di accrescere il suo dolore trattiene quelle labbra dal premersi su quelle Ferite.

«Non è questo ciò che dà dolore, anche se dà rigidezza. Il dolore è un altro!…».

«Quale, Signore?», chiede Giacomo d’Alfeo.

«Di esser morto per troppi inutilmente…

630.6

Ma andiamo. Andate avanti, anzi. Al Getsemani andiamo… E che? Avete paura?».

«Non per noi, Signore… È che i grandi di Gerusalemme ti odiano più di prima».

«Non temete. Né per voi. Dio vi protegge. Né per Me. Sono finite per Me le costrizioni dell’Umanità. Io vado da mia Madre e poi vi raggiungerò. Abbiamo da cancellare molte cose orrende del recente passato di colpa e di odio. E lo faremo coll’amore, con il contrario di ciò che fu colpa… Vedete? Il vostro bacio cancella e tempera dolore e conseguenza dei chiodi nelle carni vive. Così, ciò che faremo cancellerà i segni orrendi e santificherà i luoghi che le colpe hanno profanato. Perché non vi siano di troppo dolore al vederli…».

«Anche al Tempio andiamo?». Il timore più spaventato è sul volto di tutti.

«No. Lo santificherei con la mia Presenza. E non può. Poteva esserlo. Non lo ha voluto. Non c’è più redenzione per esso. È un cadavere che rapidamente si decompone. Lasciamolo ai suoi morti. Che compiano il suo seppellimento. In verità i leoni e gli avvoltoi sbraneranno sepolcro e cadavere, e non resterà neppur lo scheletro del Gran Morto che non volle la Vita».

Gesù sale la scaletta ed esce. Gli altri, in silenzio, lo imitano. Ma, quando pongono piede nel corridoio che fa da atrio, Gesù non c’è più. La casa è silenziosa e sembra deserta. Tutte le porte chiuse.

630.7

Giovanni accenna l’uscio che è di fronte al Cenacolo e dice: «Maria è là. Sta sempre là. Come in un’estasi continua. Il suo volto splende di luce ineffabile. È la gioia che irradia dal suo Cuore. Ieri mi diceva: “Pensa, Giovanni, quanta felicità si è sparsa per tutti i regni di Dio”. Le ho chiesto: “Quali regni?”. Pensavo che Ella sapesse qualche meravigliosa rivelazione sul regno del Figlio suo, vincitore anche della morte. Mi ha risposto: “Nel Paradiso, nel Purgatorio, nel Limbo. Perdono ai purganti. Salita al Cielo di tutti i giusti e i perdonati. Il Paradiso popolato di beati. Dio glorificato in essi. I nostri avi e parenti lassù, nel giubilo. E ancora felicità al regno che è la Terra, dove ora splende il segno e si è aperta la fonte che vince Satana e cancella la Colpa e le colpe. Non più solo pace agli uomini di buona volontà. Ma anche redenzione e rielezione al grado di figli di Dio. Io vedo le turbe, oh! quante!, scendere a questa Fonte e tuffarvisi ed uscire rinnovate, belle, in veste di nozze, in veste regale. Le nozze delle anime con la Grazia, la regalità d’esser figli del Padre e fratelli di Gesù”».

Sono usciti, parlando, nella via e si allontanano mentre la sera cala.

630.8

La via non è molto frequentata, specie in quest’ora in cui la gente si raccoglie intorno alle tavole per la cena. Gerusalemme, dopo il fiume di gente che l’ha innondata per la Pasqua e che l’ha abbandonata passate le feste, così tragiche quest’anno, sembra ancor più vuota di quanto non sia solitamente. E Tommaso lo nota e lo fa notare.

«Così è. Gli stranieri, terrorizzati, l’hanno abbandonata precipitosamente dopo il Venerdì, e chi ancora aveva resistito alla gran paura di quel giorno è fuggito al secondo terremoto, a quello che certo avvenne quando il Signore uscì dal Sepolcro. E quelli che non erano gentili anche sono fuggiti. Molti, lo so di sicuro, non hanno neppure consumato l’agnello e dovranno tornare per la Pasqua supplementare. E anche cittadini di questo luogo sono fuggiti o si sono allontanati, chi per portare via i loro morti, periti nel terremoto del Parasceve, chi per paura dell’ira di Dio. L’esempio è stato forte», dice lo Zelote.

«E bene fu. I fulmini, le pietre su tutti i peccatori!», impreca Bartolomeo.

«Non dire! Non dire! Noi più di tutti li meritiamo i celesti castighi. Noi pure peccatori… Vi ricordate in questo luogo?… Quanto tempo fa? Dieci? Dieci sere… o dieci anni, o dieci ore? Così lontano e così vicino mi pare il mio peccato, quelle ore, quella sera… che non so mai… Balordo sono! Eravamo così sicuri, bellicosi, eroici! E poi? E poi? Ah!…», e Pietro si batte la mano sulla fronte e indica, poiché sono già alla piazzetta: «Ecco. E lì io avevo già paura!».

«Ma basta! Basta, Simone! Egli ti ha perdonato. E, prima di Lui, Maria. Basta! Tu ti torturi», dice Giovanni.

«Oh! fosse! Tu, tu Giovanni sorreggimi sempre, sai? Sempre! È perché tu sai guidare che Egli ti ha dato sua Madre. È giusto. Ma io, verme vile e bugiardo, ho più bisogno di Maria di esser guidato. Perché io ho le scaglie alle pupille e non vedo…».

«Veramente ti verranno se così fai. Ti brucerai proprio le pupille, e non ci sarà il Signore a guarirtele…», gli dice ancora Giovanni abbracciandolo alle spalle per consolarlo.

«Mi basterebbe veder bene con l’anima. E poi… gli occhi non contano».

«Ma contano a molti!!

630.9

Come faranno i malati, ora? Hai visto quella donna, ieri, come era disperata!», dice Andrea.

«Già…». Si guardano in volto a vicenda, e poi tutti insieme confessano: «E nessuno di noi si è sentito meritevole di imporle le mani…». L’umiltà, causata dal ricordo dei loro comportamenti, li schiaccia.

Ma Tommaso dice a Giovanni: «Tu però potevi farlo. Tu non sei fuggito, tu non hai rinnegato, tu non hai avuto increduli­tà…».

«Ho anche io il mio peccato. Ed è ancora contro l’amore come il vostro. Io, presso l’arco della casa di Giosuè, ho preso per il collo Elchia e strangolato lo avrei, perché insolentiva la Madre. E ho odiato e maledetto Giuda di Keriot!», dice Giovanni.

«Taci! Non dire quel nome. È di un demonio, e ho l’impressione che non sia ancor nell’inferno e qui si aggiri, intorno a noi, per farci peccare ancora», dice con vero terrore Pietro.

«Oh! egli è ben nell’inferno! Ma anche fosse qui il suo potere, ora, è finito. Tutto aveva per essere angelo, e fu il demonio, e Gesù ha vinto il demonio», dice Andrea.

«Bene… Ma è meglio non nominarlo. Ho paura, io. Ora so quanto sono debole. Riguardo a te, Giovanni, non ti sentir colpevole. Tutti malediranno l’uomo che tradì il Maestro!».

«Giusto è il farlo», dice il Taddeo, il quale fu sempre di un pensiero per l’Iscariota.

«No. Maria mi ha detto che basta su lui il giudizio di Dio e che in noi deve essere un solo sentimento: di riconoscenza per non essere stati noi i traditori. E se Lei non maledice, Lei, la Madre che vide le torture del Figlio, noi dobbiamo farlo? Dimentichiamo…».

«È da stolti!», esclama suo fratello Giacomo.

«Eppure è la parola del Maestro per i peccati di Giuda…». Giovanni tace e sospira.

«Che? Ve ne sono altri? Tu sai… Parla!».

«Io ho promesso di cercare di dimenticare e mi sforzo di farlo. Riguardo ad Elchia… ho trascorso… Ma in quella giornata ognun di noi aveva il suo angelo e il suo demonio a lato, e non sempre ascoltammo l’angelo di luce…».

Dice lo Zelote: «Lo sai che Nahum è storpiato e suo figlio è rimasto schiacciato da un muro, o da un pezzo di monte? Sì. Il giorno della morte. Fu trovato più tardi. Oh! molto più tardi, quando già puzzava. Lo scoprì uno che veniva ai mercati. E Nahum era con altri suoi pari e non so che gli prese, se un masso o se un colpo. So che è come spezzato e non capisce neppure. Pare una bestia, sbava e mugola, e ieri con l’unica mano sana prese per la gola il suo… padrone che era andato da lui, e gridava, gridava: “Per te! Per te!”. Se non correvano i servi…».

«Come lo sai, Simone?», chiedono allo Zelote.

«Ho visto Giuseppe ieri», risponde questi laconicamente.

630.10

«Io penso che il Maestro tarda a venire. E sono in pensie­ro», dice Giacomo d’Alfeo.

«Torniamo indietro…», propone Matteo.

«O fermiamoci qui al ponticello», dice Bartolomeo.

Si fermano. Ma Giacomo di Zebedeo e l’altro Giacomo, Andrea e Tommaso, tornano indietro e, pensierosi, guardano a terra, guardano le case.

Andrea appunta, impallidendo, il dito verso il muro di una casa dove spicca, sul bianco della calcina, una macchia rosso-bruna, e dice: «È sangue! Sangue del Maestro, forse? Perdeva già sangue qui? Oh! ditemi!».

«E che vuoi che ti diciamo noi, se nessuno di noi lo seguì?», dice con sconforto Giacomo di Alfeo.

«Ma mio fratello, e soprattutto Giovanni, lo seguirono…».

«Non subito. Non subito. Mi ha detto Giovanni che lo seguirono dalla casa di Malachia in poi. Qui non c’era nessuno. Nessuno di noi…», dice Giacomo di Zebedeo.

Guardano ipnotizzati la larga macchia scura sul muro bianco, a poca distanza dal suolo, e Tommaso osserva: «Neppure la pioggia l’ha lavata. Neppure la grandine, che è caduta così forte in questi giorni, l’ha scrostata… Se sapessi che è sangue suo lo scrosterei io quel muro…».

«Chiediamolo a quelli della casa. Forse sapranno…», consiglia Matteo che li ha raggiunti.

«No, sai? Potrebbero riconoscerci per suoi apostoli, potrebbero essere nemici del Cristo e…», risponde Tommaso.

«E noi siamo ancora dei vili…», termina Giacomo d’Alfeo con un gran sospiro.

Piano piano tutti si sono accostati a quel muro e guardano…

630.11

Passa una donna, una ritardataria che torna dalla fonte con le brocche goccianti d’acqua fresca. Li osserva. Posa le brocche a terra e li interpella.

«Guardate quella macchia sul muro? Siete discepoli del Maestro? Mi parete tali, anche se siete sparuti nel volto e… anche se non vi ho visti dietro al Signore quando passò di qui, preso per essere condotto a morte. Questo mi fa incerta, perché un discepolo che segue il Maestro nelle ore buone, e se ne tiene di essergli discepolo, e ha sguardi severi per quelli che non sono come lui pronti a lasciare tutto per seguire il Maestro, deve anche essere dietro al Maestro nelle ore cattive. Dovrebbe almeno farlo. E io non vi ho visti. No. Non vi ho visti. E se non vi ho visti segno è che io, donna di Sidone, sono stata dietro a Colui che i suoi discepoli israeliti non seguirono. Ma io ho avuto un beneficio da Lui. Voi… Forse voi non vi aveva mai beneficati? Mi fa strano, perché beneficava gentili e samaritani, peccatori e anche ladroni, dando loro la vita eterna, se più non poteva dare quella della carne. Non vi amava, forse? Allora segno è che eravate peggio di aspidi e di iene immonde, benché, in verità, credo che Egli amasse anche le vipere e gli sciacalli, non perché siano tali, ma perché creati dal Padre suo. Quello è sangue. Sì. È sangue. Sangue di una donna della riva del grande mare. Una volta erano terre filistee, e spregiati ancora un

poco ne sono dagli ebrei quegli abitanti. Eppure lei seppe difendere il Maestro sino a che il marito l’uccise battendola là con tanta forza, dopo averla picchiata, che le si aprì la testa, e il cervello e il sangue schizzarono sul muro della sua casa dove ora piangono gli orfani. Ma ella aveva avuto un beneficio. Il Maestro le aveva sanato il marito, immondo di orrenda malattia. Ed ella amava il Maestro, perciò. Ha amato sino a morire per Lui. Lo ha preceduto nel seno di Abramo, dite voi. Anche Annalia lo ha preceduto, e avrebbe saputo morire così anche lei se la morte non l’avesse colta prima. E anche una madre, più su, ha lavato col sangue la via, col sangue del ventre aperto dal figlio brutale, per difendere il Maestro. E una vecchia morì di dolore, vedendo passare ferito e percosso Colui che aveva reso occhi al figlio suo. E un vecchio, un mendicante, morì perché drizzò la sua persona a difesa ed ebbe nella testa la pietra destinata alla testa del vostro Signore. Perché voi lo credevate tale, non è vero? I prodi di un re muoiono intorno allo stesso. Nessuno di voi è morto, però. Eravate lontani da quelli che lo percuotevano. Ah! no! Uno è morto. Si è fatto morto. Ma non per dolore. Non per difendere il Maestro. Prima lo ha venduto, poi lo ha indicato con un bacio, poi si è ucciso. Non aveva più altro da fare. Non poteva più crescere in nequizia. Era perfetto. Come Belzebù. Il mondo lo avrebbe lapidato per levarlo dalla Terra. Oh! io credo che questa pietosa, che morì per impedire percosse al Martire, io credo che la vecchia Anna, che morì per il dolore di vederlo in quel modo, e il vecchio mendicante e la madre di Samuele e la vergine che è morta e io, che non so salire al Tempio perché ho pena degli agnelli e delle tortore che sono immolati, io credo che avremmo avuto coraggio di lapidarlo e non avremmo fremuto vedendolo lacerato dalle nostre pietre… Lui lo sapeva, e ha risparmiato al mondo la fatica di ucciderlo, a noi ha risparmiato di farci carnefici per vendicare l’Innocente…».

Li guarda con sprezzo. Il suo sprezzo si è fatto sempre più palese man mano che ha parlato. I suoi occhi, grandi e neri, hanno la durezza dell’occhio di un rapace, mentre guardano il gruppo che non sa, che non può reagire… Fischia fra i denti l’ultima parola: «Bastardi!», e raccoglie le sue brocche e se ne va, contenta di aver sputato il suo sdegno sui discepoli che hanno abbandonato il Maestro…

Questi sono annichiliti. Stanno a capo chino, le braccia pendenti, sfibrati… La verità li schiaccia. Meditano sulle conseguenze della loro viltà… Tacciono… Non osano guardarsi a vicenda. Persino Giovanni e lo Zelote, i due che sono innocenti di questa colpa, stanno come gli altri, forse per il dolore di vedere così mortificati i compagni e per l’impossibilità di medicare la ferita provocata dalle sincere parole della donna…

630.12

La strada è ormai in penombra. La luna, agli ultimi suoi giorni, si leva tardi e perciò il crepuscolo si incupisce sveltamente. Il silenzio è assoluto. Non un rumore né una voce umana. E nel silenzio il gorgoglio del Cedron regna solo. Cosicché, quando la voce di Gesù risuona, li fa sobbalzare come fosse un suono di spavento, mentre è così dolce mentre dice: «Che fate in questo luogo? Io vi attendevo fra gli ulivi… A che state a contemplare delle cose morte quando vi attende la Vita? Venite con Me».

Gesù pare venga dal Getsemani verso di loro. Si ferma al loro fianco. Guarda quella macchia, su cui sono ancora fissati gli sguardi atterriti degli apostoli, e dice: «Quella donna è già nella pace. E ha dimenticato il dolore. Inattiva sui figli? No. Doppiamente attiva. E li santificherà perché non chiede che questo a Dio».

Si incammina. Lo seguono. In silenzio.

Ma Gesù si volge e dice: «Perché vi chiedete nel cuore: “E perché non chiede conversione per il marito? Non è santa, se lo odia…”. Non lo odia. Ha perdonato sin da quando egli la uccideva. Ma, anima entrata nel Regno della Luce, vede con sapienza e giustizia. Ed ella vede che non c’è conversione e perdono per il marito. Volge allora la sua preghiera su chi ne può avere del bene.

630.13

Non è mio sangue, no. Eppure ne ho perduto tanto anche su questa via!… Ma i passi dei nemici lo hanno sparso, mescolato alla polvere e alle lordure, e la pioggia lo ha portato disciolto giù fra gli strati della polvere. Ma ce ne è tanto, visibile ancora… Perché ne è fluito tanto che passi e acqua non potranno cancellarlo facilmente. Vi andremo insieme, e vedrete il mio Sangue sparso per voi…».

«Dove? Dove vuole andare? Al luogo del suo pianto? Al Pretorio?», si chiedono.

E Giovanni dice: «Ma Claudia è ripartita due giorni dopo il sabato e, si dice, sdegnata, paurosa persino di stare presso al con­sorte… Me lo ha detto l’astato. Claudia separa la sua responsabilità da quella del consorte. Perché ella lo aveva avvertito di non perseguitare il Giusto, essendo meglio essere perseguitati dagli uomini che dall’Altissimo, del quale il Maestro era Messia. E non c’è Plautina, e non Lidia. Hanno seguito Claudia a Cesarea. E Valeria è andata con Giovanna a Bétèr. Se ci fossero state loro, potevamo entrare. Ma ora… non so… Manca anche Longino, che Claudia volle a sua scorta…», dice Giovanni.

«Sarà al luogo dove tu vedesti l’erba bagnata di sangue…».

Gesù, che è avanti, si volta e dice: «Al Golgota. Là vi è tanto del mio Sangue che la polvere è simile a duro minerale ferroso. E c’è chi vi ha preceduti…».

630.14

«Ma è luogo immondo!», grida Bartolomeo.

Gesù ha un sorriso di compatimento e risponde: «Ogni luogo di Gerusalemme è immondo dopo l’atroce peccato, eppure voi non ne avete altro disagio a starvi fuor che quello della paura della folla…».

«Vi sono morti sempre i ladroni…».

«Io vi sono morto. E per sempre l’ho santificato. In verità vi dico che, sino alla fine dei secoli, non vi sarà luogo più santo di quello, e trarranno le folle di tutta la Terra e di tutte le epoche a baciare quella polvere. E già vi è chi vi ha preceduti. Senza temere gli scherni e le vendette, senza temere di contaminarsi. Eppure chi vi ha preceduti aveva doppia ragione di temere di questo».

«Chi è, Signore?», chiede Giovanni, al quale Pietro stuzzica col gomito il fianco perché chieda.

«Maria di Lazzaro! Come ha raccolto i fiori calpestati dai miei piedi mentre entravo, avanti la Pasqua, nella sua casa, ricordo di letizia che ha distribuito alle compagne, così ora ha saputo salire al Calvario e con le sue mani scavare la terra, dura del mio Sangue, e scendere col suo carico e deporlo in grembo a mia Madre. Non ha temuto. Ed era conosciuta come “la Peccatrice” e come “la discepola”. Né chi ha accolto in grembo quel terriccio del luogo del Teschio ha creduto di contaminarsi. Tutto ha annullato il mio Sangue, e santa è la zolla dove Esso è caduto. Domani, avanti sesta, voi salirete al Golgota. Io vi raggiungerò… Ma chi vuol vedere il mio Sangue, eccolo». Addita la spalletta del ponticello. «Qui la mia bocca percosse e sangue ne uscì… Non aveva detto che parole sante la mia bocca, e parole d’amore. Perché allora fu percossa, né ci fu chi la medicò con un bacio?…».

630.15

Entrano nel Getsemani. Ma Gesù deve prima aprire un serrame che ora preclude l’accesso all’orto degli Ulivi. Un serrame nuovo. Una staccionata robusta, a punte acute, alta, serrata da una robusta e nuovissima serratura. Gesù ha la chiave, tanto nuova da essere splendente come acciaio, e apre la serratura al lume del ramo ardente che Filippo ha acceso per vedere, essendo ormai notte affatto.

«Non c’era… Perché?…», bisbigliano fra loro osservando la cinta che isola il Getsemani. «Certo Lazzaro non ha voluto qui più nessuno. Guarda là. Pietre e mattoni e calcina. Ora è legno, poi sarà muro…».

Gesù dice: «Venite. Non vi occupate di cose morte, vi dico… Ecco. Qui eravate… E qui fui circondato e preso, e di là voi fuggiste… Se c’era questa cinta allora… Avrebbe impedito la vostra pronta fuga. Ma come poteva pensare Lazzaro, che ardeva di seguirmi mentre voi ardeste di fuggire, che voi sareste fuggiti? Vi faccio soffrire? Prima ho sofferto Io. E voglio cancellare quel dolore. Baciami, Pietro…».

«No, Signore! No! L’atto di Giuda, qui, alla stessa ora, no, no, no!».

«Baciami. Ho bisogno che voi facciate con amore sincero il gesto insincero di Giuda. Dopo sarete felici. Saremo più felici. Io e voi. Vieni, Pietro. Bacia».

Pietro non bacia soltanto. Lava di lacrime la guancia del Signore e si ritira coprendosi il viso e sedendosi al suolo per piangere. Uno dopo l’altro, gli altri lo baciano sullo stesso posto. Chi più, chi meno, hanno le lacrime sul volto…

630.16

«E ora andiamo. Tutti insieme. Vi ho separati da Me quella sera dopo avervi fortificati col mio Corpo, e per poche ore. Ma subito cadeste. Ricordate sempre quanto foste deboli, e che senza l’aiuto di Dio non potreste stare nella giustizia un’ora. Ecco. Qui dissi di vegliare a quelli che si credevano i più forti, forti tanto da chiedere di bere al mio calice e da proclamare che, anche a costo di morire, non mi avrebbero rinnegato. E li lasciai, avvertendoli di orare… Li lasciai ed essi dormirono. Ricordatevelo e insegnatelo che chi viene lasciato da Gesù, se non mantiene contatto d’orazione con Lui, cade in sopore e può esser preso. Se Io non vi avessi destato, in verità potevate esser anche uccisi nel sonno e comparire al giudizio di Dio pesanti di umanità. Venite ancora… Ecco! Abbassa il ramo, Filippo. Ecco! Chi vuole vedere del mio Sangue, guardi. Qui, nell’angoscia più grande, simile ad un che muore, sudai sangue. Guardate… Tanto che ne è dura la terra e ancor rosse le erbe, perché la pioggia non valse a sciogliere i grumi seccati fra steli e corolle. Ecco! E lì mi sono addossato e qui si librò l’angelo del Signore per confortarmi nella mia volontà di fare la Volontà di Dio. Perché, ricordatelo, se sempre voleste fare la Volontà di Dio, là dove la creatura non può persistere viene Dio col suo angelo a sorreggere l’eroe spossato. Quando sarete nelle angosce, non abbiate il timore di cadere in viltà o in abiura se persistete nel volere ciò che Dio vuole. Dio farà di voi dei giganti di eroismo se rimanete fedeli al suo volere. Ricordatelo! Ricordatelo! Ve lo dissi un tempo che dopo la tentazione nel deserto fui sovvenuto dagli angeli. Ora sappiate che anche qui, dopo l’estrema tentazione, fui da un angelo sovvenuto. E così sarà di voi e di tutti quelli che saranno i miei fedeli. Perché, in verità vi dico, ciò che Io ho avuto, di aiuti, voi pure avrete. Io stesso ve lo otterrei se il Padre già non fosse, nella sua amorosa giustizia, a concedervelo. Solo il dolore sarà sempre inferiore al mio… Sedete. Si alza ad oriente la luna. Ci farà luce. Non credo che questa notte dormirete, benché siate ancora così e solamente ancora uomini. No. Non dormirete, perché è entrato in voi un agente che prima non avevate. È il rimorso. Una tortura, è vero. Ma serve a passare a stadi più alti, sia nel bene che nel male. In Giuda di Keriot, essendosi egli allontanato da Dio, produsse la disperazione e la dannazione. In voi, che non siete mai usciti dalla vicinanza di Dio — Io ve lo assicuro, perché non era in voi la volontà e l’avvertenza piena di ciò che facevate — esso produrrà un pentimento fiducioso, che vi porterà a sapienza e giustizia.

630.17

State dove siete. Io mi traggo in là quanto un tirar di sasso, in attesa dell’alba».

«Oh! non ci lasciare, Signore! Tu lo hai detto ciò che noi siamo, lontani da Te!», supplica Andrea stando in ginocchio, a mani tese, come chiedesse un obolo di pietà.

«Avete il rimorso. È un buon amico nei buoni».

«Non ti allontanare, Signore! Ci avevi detto che avremmo pregato insieme…», supplica il Taddeo che non osa più i gesti di parente verso il Risorto e sta con l’alta persona un poco curva in avanti in venerazione.

«E non è il meditare l’orazione più attiva? E non vi ho fatto contemplare e meditare e dato tema a meditare da quando vi raggiunsi sulla via, muovendovi il cuore con veri atti di santi sentimenti? Questa è l’orazione, o uomini: il mettersi in contatto con l’Eterno e con le cose che servono a condurre lo spirito molt’oltre la Terra, e dalla meditazione delle perfezioni di Dio e della miseria dell’uomo, dell’io, suscitare atti di volontà amorosa o riparatrice, adoratrice sempre, anche se è volontà che sorge da una meditazione su una colpa e un castigo. Male e bene servono al fine ultimo, se si sanno usare. L’ho detto molte volte. Il peccato è insanabile rovina soltanto se non è seguito da pentimento e riparazione. In caso contrario, con la contrizione del cuore si fa salda calcina a tener compatte le fondamenta della santità, le cui pietre sono le buone risoluzioni. Potreste tener unite le pietre senza calcina? Senza la sostanza in apparenza brutta e vile, ma senza la quale le pietre polite, i lucidi marmi non starebbero uniti a formar l’edificio?».

630.18

Gesù fa per andarsene.

Giovanni, al quale il fratello e l’altro Giacomo insieme a Pietro e Bartolomeo hanno parlato sottovoce, si alza e lo segue dicendo: «Gesù, mio Dio. Noi speravamo di dire con Te l’orazione al Padre tuo. La tua orazione. Ci sentiamo poco perdonati se Tu non ci concedi di dirla con Te. Noi sentiamo di averne tanto bisogno…».

«Dove due sono uniti in preghiera, là sono Io in mezzo a loro. Dite allora fra voi l’orazione e Io sarò fra voi».

«Ah! Tu non ci giudichi più degni di orare con Te!», grida Pietro col volto nascosto fra le erbe, non tutte monde del Sangue divino, e un grande pianto.

Giacomo d’Alfeo esclama: «Noi siamo infelici, frat… Signo­re». Si riprende tosto, dicendo “Signore” in luogo di “fratello”.

E Gesù lo guarda e dice: «Perché non mi dici fratello, tu, del mio sangue? Fratello a tutti gli uomini, a te lo sono doppiamente, triplicemente, come figlio d’Adamo, come figlio di Davide, come figlio di Dio. Termina la tua parola».

«Fratello, mio Signore, noi siamo infelici e stolti, Tu lo sai, e più stolti ci fa l’avvilimento in cui siamo. Come possiamo dire con l’anima la tua orazione se non ne sappiamo il significato?».

«Quante volte, come a fanciulli minorenni, Io ve l’ho spiegato! Ma più duri di cervice che il più distratto degli scolari di un pedagogo, voi non avete ritenuto la mia parola!».

«È vero! Ma ora la nostra mente è confitta sulla nostra tortura di non averti capito… Oh! nulla abbiamo capito! Io lo confesso per tutti! E ancora non ti comprendiamo bene, o Signore. Ma, te ne prego, l’indulgenza per il nostro male traila dallo stesso male che ci fa ottusi. Tu eri spirato e il grande rabbi urlò la verità dell’ottusità di Israele, là, ai piedi della tua Croce. E Tu, Dio onnipresente, liberato Spirito di Dio dalla carcere della Carne, hai sentito quelle parole: “Secoli e secoli di cecità spirituale stanno sulla vista interiore”, e ti ha pregato: “In questo pensiero, prigioniero delle formule, penetra Tu, Liberatore”. O mio adorato e adorabile Gesù, che ci hai salvati dalla Colpa di origine prendendo su Te i nostri peccati e consumandoli nell’ardore del tuo amore perfetto, prendi, consuma anche l’intelletto nostro di ostinati israeliti, dacci una mente nuova, vergine come quella di un infante uscito ora da un seno, smemoraci per riempirci della tua sola sapienza. Tante cose del passato sono morte in quel giorno orrendo. Morte con Te. Ma, ora che sei risorto, fa’ che nasca in noi un nuovo pensiero. Creaci un cuore e una mente nuova, Signor mio, e noi ti capiremo», prega Giovanni.

630.19

«Non sta a Me questo compito, ma a Colui di cui vi ho parlato nell’ultima Cena. Ogni mia parola si perde nell’abisso del vostro pensiero, in tutto o in parte, o resta serrata e chiusa nel suo spirito. Solo il Paraclito, quando sarà venuto, estrarrà dal vostro abisso le mie parole e ve le aprirà per farvi comprendere lo spirito di esse».

«Ma Tu ce lo hai infuso», obbietta lo Zelote.

«Ma Tu hai detto che, quando Tu fossi andato al Padre, Egli, lo Spirito di Verità, sarebbe venuto», obbietta, insieme allo Zelote, Matteo.

«Ditemi: quando un bambino nasce ha l’anima infusa?».

«Certo che l’ha!», rispondono tutti.

«Ma quest’anima ha la Grazia di Dio?».

«No. La Colpa d’origine è su essa e la priva della Grazia».

«E l’anima e la Grazia di dove vengono?».

«Da Dio!».

«Perché allora Dio non dà addirittura un’anima in grazia alla creatura?».

«Perché Adamo fu punito, e noi in lui. Ma, ora che Tu sei divenuto il Redentore, così sarà».

«No. Così non sarà. Gli uomini nasceranno sempre impuri nella loro anima, che Dio ha creata e che l’eredità d’Adamo ha maculata. Ma, per un rito che vi spiegherò un’altra volta, l’anima infusa nell’uomo sarà vivificata della Grazia e lo Spirito del Signore ne prenderà possesso. Voi però, battezzati con l’acqua da Giovanni, sarete battezzati col fuoco della Potenza di Dio. E allora veramente lo Spirito di Dio sarà in voi. E sarà il Maestro che gli uomini non possono perseguitare né scacciare, e che nell’intimo vi dirà lo spirito delle mie parole e molte altre istruzioni. Io ve l’ho infuso perché soltanto per i miei meriti ogni cosa può aversi ed esser valida. Aversi Dio, e aver validità la parola di un delegato di Dio. Ma ancor non è in voi, come Maestro, lo Spirito di Verità».

«Ebbene, così sia. A suo tempo verrà. Ma intanto facci sentire il tuo perdono. Siici Maestro, o mio Signore. Ancora, ancora, poiché Tu lo hai detto che bisogna perdonare settanta volte sette», insiste Giovanni e termina — è il più fidente e amoroso sempre — osando prendere fra le sue la Mano sinistra di Gesù, pendente lungo la persona, e sulla quale la luna pare rendere ancor più grande lo squarcio del chiodo: «Tu, che sei la Luce eterna, non permettere che i tuoi servi restino nelle tenebre», e bacia le dita lievemente, sulla punta, queste dita rimaste un poco piegate, proprio come sono quelle di chi fu ferito ed è guarito ma i nervi ne restano lievemente contratti.

630.20

«Venite. Saliamo più in alto e diremo insieme l’orazione», concede Gesù lasciando la sua mano in quelle di Giovanni, mentre già cammina verso il limite più alto del Getsemani, verso la via alta che, per il campo dei Galilei, va a Betania.

Anche qui si vede che le opere di delimitazione volute da Lazzaro sono in corso. Anzi qui, più lontano dalla casa del guardiano dell’uliveto, già è alzato un muro liscio e alto, che segue la siepe e il sentiero a curve che erano il limite del Getsemani.

Gerusalemme, in basso, esce lentamente dalle tenebre anche nelle parti a ponente, poiché la luna è ora allo zenit e imbianca tutte le cose col suo falcetto sottile, lucente come una fiamma diamantata posata sul cupo del firmamento, sul quale palpitano le corolle luminose di un numero incalcolabile di stelle, delle così inverosimili stelle dei cieli d’oriente.

630.21

Gesù apre le braccia nella sua consueta posizione di preghiera e intona: «Padre nostro che sei nei Cieli».

Si interrompe e commenta:

«Che Padre sia, ve ne ha dato prova l’avervi perdonato. Voi, più di tutti tenuti a perfezione, voi, così beneficati e così, come voi dite, inetti alla missione, quale Signore, che non vi fosse Padre, non vi avrebbe puniti? Io non vi ho punito. Il Padre non vi ha punito. Perché ciò che fa il Padre, il Figlio fa; perché ciò che fa il Figlio, il Padre fa, essendo Noi una sola Divinità unita nell’Amore. Io sono nel Padre, e il Padre è con Me. Il Verbo è sempre presso Dio, il quale è senza principio. E il Verbo è da prima di tutte le cose, da sempre, da un’eternità che ha nome sempre, da un presente eterno presso Dio, ed è Dio come Dio, essendo il Verbo del Pensiero divino.

630.22

Quando dunque me ne sarò andato, pregando così il Padre nostro, mio e vostro, onde fratelli siamo, Io primogenito, voi minori, vogliate vedere sempre anche Me nel Padre mio e vostro. Vogliate vedere il Verbo che vi fu “il Maestro” e vi amò sino alla morte e oltre la morte, lasciandovi Se stesso in cibo e bevanda perché voi foste in Me ed Io in voi sinché dura l’esilio, e poi Io e voi nel Regno per il quale vi ho insegnato a pregare: “Venga il Regno tuo” dopo che abbiate invocato che le vostre opere santifichino il Nome del Signore dandogli gloria in Terra e in Cielo. Sì. Non sarebbe il Regno per voi in Cielo, il Regno per quelli che crederanno come voi, se prima non aveste voluto il Regno di Dio in voi con la pratica reale della Legge di Dio e della mia parola, che è il perfezionamento della Legge, avendo dato, nel tempo della Grazia, la Legge degli eletti, ossia quella di coloro che sono oltre le costituzioni civili, morali, religiose del tempo mosaico, già nella Legge spirituale del tempo di Cristo.

Voi lo vedete cosa è aver la vicinanza di Dio, ma non Dio in voi; cosa è aver la parola di Dio, ma non la pratica reale di quella parola. Ogni misfatto si è compiuto per questo aver Dio vicino, ma non nel cuore; per questo avere la conoscenza della parola, ma non l’ubbidienza ad essa. Tutto! Tutto per questo. L’ottusità e la delinquenza, il deicidio, il tradimento, le torture, la morte dell’Innocente e del suo Caino, tutto è venuto per questo. Eppure, chi come Giuda fu amato da Me? Ma non ebbe Me-Dio nel suo cuore. Ed è il dannato deicida, l’infinitamente colpevole come israelita e come discepolo, come suicida e come deicida, oltre che per i suoi sette vizi capitali e ogni altra sua colpa.

630.23

Il Regno di Dio in voi ora si può con più facilità aversi, perché Io ve l’ho ottenuto con la mia morte. Io vi ho ricomprati col mio dolore. Ricordatevelo. E nessuno calpesti la Grazia, perché essa è costata la vita ed il Sangue di un Dio. Sia dunque il Regno di Dio in voi, uomini, per la Grazia; sia sulla Terra, per la Chiesa, sia nel Cielo, per il popolo dei beati che, avendo vissuto con Dio in cuore, uniti al Corpo di cui Cristo è il Capo, uniti alla Vite di cui ogni cristiano è tralcio, meritano di riposare nel Regno di Colui per il quale tutte le cose sono state fatte: Io che vi parlo e che ho dato Me stesso alla Volontà paterna perché tutto potesse essere compiuto.

Onde Io posso insegnarvi, senza ipocrisia, che va detto: “Sia fatta la tua volontà in Terra come in Cielo”. Come Io abbia fatto la volontà del Padre mio, persino le zolle, le erbe, i fiori, le pietre di Palestina, e le mie carni ferite, e tutto un popolo possono dirlo.

Fate come Io ho fatto. Sino all’estremo. Sino alla morte di croce se Dio lo vorrà. Perché, ricordatevelo, Io l’ho fatto, e non c’è discepolo che valga misericordia più di Me. Eppure Io ho consumato il più grande dolore. Eppure Io ho ubbidito con perpetue rinunce. Voi sapete. Più ancor comprenderete in futuro, quando assomiglierete a Me bevendo un sorso al mio calice… Datevi questo pensiero costante: “Per la sua ubbidienza al Padre, Egli ci ha salvati”. E, se volete essere salvatori, fate ciò che Io ho fatto. Vi sarà chi conoscerà anche la croce, chi la tortura dei tiranni e chi la tortura dell’amore, dell’esilio dai Cieli ai quali tenderà sino all’età più tarda prima di salirvi. Ebbene, in ogni cosa sia fatto ciò che Dio vuole. Pensate che supplizio di morte o supplizio di vita, mentre vorreste morire per venire ove Io sono, sono uguali, se fatti con ilare ubbidienza, agli occhi di Dio. Sono la sua Volontà. Perciò santi sono.

630.24

“Dacci il pane nostro quotidiano”. Giorno per giorno, ora per ora. È fede. È amore. È ubbidienza. È umiltà. È speranza questo chiedere il pane di un giorno e accettarlo come è. Oggi dolce, domani amaro, molto, poco, con spezie o con cenere. Sempre quale è giusto. Lo dà Dio che è Padre. È dunque buono.

Un’altra volta vi dirò dell’altro Pane, che salutare sarebbe di voler mangiare ogni giorno, e di pregare il Padre di mantenerlo. Perché guai a quel giorno e a quei luoghi dove venisse a mancare per volere d’uomini! Ora gli uomini voi vedete quanto sono potenti nelle opere loro di tenebre. Pregate il Padre che Egli difenda il suo Pane e ve lo dia. Tanto più lo dia, più le tenebre vorranno soffocare la Luce e la Vita, come in Parasceve fecero. La seconda Parasceve sarebbe senza risurrezione. Ricordatelo tutti. Se il Verbo non potrà più essere ucciso, ancor uccisa potrebbe essere la sua dottrina e spenta la libertà e la volontà, in troppi, di amarlo. Ma allora anche Vita e Luce sarebbero finite per gli uomini. E guai a quel giorno! Vi sia di esempio il Tempio. Ricordate: ho detto “è il grande Cadavere”.

630.25

“Rimetti a noi i nostri debiti come noi li rimettiamo ai nostri debitori”.

Peccatori tutti, siate dolci ai peccatori. Ricordate le mie parole: “A che guardi la pagliuzza del fratello se prima non levi la trave dal tuo occhio?”. Quello Spirito che vi ho infuso, quell’ordine che vi ho dato vi dànno facoltà di rimettere, in nome di Dio, i peccati del prossimo. Ma come potrete farlo se a voi non ve li rimette Dio? Parlerò altra volta di ciò. Per ora vi dico: perdonate a chi vi offende per esser perdonati e per avere diritto di assolvere o condannare. Chi è senza peccato può farlo con piena giustizia. Chi non perdona, ed è in colpa e finge scandalo, è un ipocrita e l’Inferno lo attende. Perché, se ancora sarà misericordia ai pupilli, severo sarà il verdetto per i tutori dei pupilli, colpevoli di colpe uguali o maggiori, pur avendo la pienezza dello Spirito a loro aiuto.

630.26

“Non ci indurre in tentazione ma liberaci dal male”. Ecco l’umiltà, pietra basilare della perfezione. In verità vi dico di benedire chi vi umilia, perché vi dà il necessario per il vostro celeste trono.

No. La tentazione non è rovina, se l’uomo umilmente sta presso il Padre e gli chiede di non permettere che Satana, il mondo e la carne trionfino su lui. Le corone dei beati sono ornate delle gemme delle tentazioni vinte. Non cercatele. Ma non siate vili quando esse vengono. Umili, e perciò forti, gridate al Padre mio e vostro: “Liberaci dal male”, e vincerete il male. E santificherete veramente il Nome di Dio con le vostre azioni, come ho detto in principio, perché ogni uomo vedendovi dirà: “Dio è, perché essi da dèi vivono, tanto perfetta è la loro condotta”, e a Dio verranno, moltiplicando i cittadini del Regno di Dio.

630.27

Inginocchiatevi, che Io vi benedica e la mia benedizione vi apra la mente a meditare».

Si prostrano al suolo ed Egli li benedice, e scompare come fosse assorbito dal raggio lunare.

Dopo un poco gli apostoli alzano la testa, stupiti di non sentire altre parole, e vedono che Gesù è sparito… Si riabbattono col volto al suolo nel tremore, vecchio di secoli, di ogni israelita che abbia la percezione di essere stato a contatto con Dio quale è in Cielo.


Notes

  1. “ Siège à ma droite ”, en Ps 110, 1.
  2. transpercés d’anneaux, comme cela est prescrit en Ex 25, 12-15 ; 30, 4 ; 37, 3-5.27.

Note

  1. ha detto, come in: Salmo 110, 1.
  2. forati da anelli… come è prescritto in: Esodo 25, 12-15; 30, 4; 37, 3-5.27.