Gli Scritti di Maria Valtorta

73. A Bethléem, dans la maison d’un paysan et dans la grotte de la Nativité.

73. A Betlem, nella casa di un contadino

73.1

Une route de plaine, caillouteuse, poussiéreuse, desséchée par le soleil d’été. On passe au milieu d’oliviers plantureux tout couverts de petites olives à peine formées. Le sol, là où l’on n’a pas marché, a encore une couche des minuscules fleurs d’oliviers tombées après la fécondation.

Jésus avance avec ses trois disciples, en file indienne, le long du bord de la route où l’ombre des oliviers a gardé l’herbe encore verte et où il y a moins de poussière.

La route tourne à angle droit et, au-delà, monte légèrement vers une cuvette qui a la forme d’un grand fer à cheval et sur laquelle sont éparpillées des maisons et des maisonnettes assez nombreuses pour former une bourgade. Au point précis où le chemin fait un coude, il y a une construction cubique surmontée d’un petit dôme tout simple. Elle est complètement fermée et semble abandonnée.

« C’est là le tombeau de Rachel, dit Simon.

– Alors, nous sommes presque arrivés. Nous entrons tout de suite en ville ?

– Non, Judas. Je vais d’abord vous montrer un endroit… Puis nous entrerons dans la ville et, comme il fait encore jour et qu’il y aura un clair de lune, nous pourrons parler à la population, si elle veut écouter.

– Pourquoi voudrais-tu qu’elle ne t’écoute pas ? »

73.2

Ils sont arrivés au tombeau, ancien, mais bien conservé, blanchi à la chaux. Jésus s’arrête pour boire à un vieux puits tout proche.

Une femme lui offre l’eau qu’elle est venue puiser. Jésus l’interroge :

« Es-tu de Bethléem ?

– Oui, mais en ce moment, à l’époque des récoltes, je suis ici avec mon mari dans cette campagne pour m’occuper des jardins et des vergers. Et toi, tu es galiléen ?

– Je suis né à Bethléem, mais j’habite à Nazareth de Galilée.

– Persécuté, toi aussi ?

– La famille. Mais pourquoi dis-tu : “ Toi aussi ” ? Parmi les habitants de Bethléem, y a-t-il beaucoup de persécutés ?

– Tu ne le sais pas ? Quel âge as-tu ?

– Trente ans.

– Alors tu es né au moment même où … Ah, quel malheur ! Mais pourquoi est-il né ici, celui-là ?

– Qui ?

– Mais celui qui se prétendait le Sauveur. Malédiction aux imbéciles qui dans l’ivresse de la boisson ont vu des anges dans les nuages, ont entendu des voix du Ciel au milieu des bêlements des brebis et des braiments des ânes et qui, dans les nuées de l’ivresse prirent trois misérables pour les gens les plus saints de la terre. Malédiction sur eux et sur ceux qui auront cru en eux !

– Mais, avec toutes tes malédictions, tu ne m’expliques pas ce qui est arrivé. Pourquoi ces malédictions ?

– Parce que… Mais, dis-moi : où veux-tu aller ?

– A Bethléem, avec mes amis. J’y ai des intérêts. Je dois saluer de vieux amis et leur porter le salut de ma mère. Mais je voudrais d’abord apprendre bien des choses, parce que notre famille est absente depuis de nombreuses années. Nous avons quitté la ville quand j’avais quelques mois.

– Avant ce malheur, alors.

73.3

Ecoute, si tu ne dédaignes pas la maison d’un paysan, venez partager avec nous le pain et le sel, toi et tes compagnons. Nous parlerons pendant le souper et je vous logerai jusqu’au matin. La maison est petite, mais sur le sol de l’étable, il y a une bonne couche de foin. La nuit est chaude et sereine. Si tu veux, tu peux y dormir.

– Que le Seigneur d’Israël te récompense de ton hospitalité ! Je viendrai avec joie dans ta maison.

– Le pèlerin porte avec lui sa bénédiction. Allons. Je dois verser encore six amphores d’eau sur les légumes qui viennent de sortir.

– Je vais t’aider.

– Non, tu es un seigneur. Ta manière de faire me le prouve.

– Je suis un artisan, femme. Et celui-ci est un pêcheur. Ceux-ci sont judéens, fortunés et ont une situation. Pas moi. »

Il prend une amphore appuyée contre le petit muret du puits. Il l’attache et la descend.

Jean l’aide. Les autres aussi ne veulent pas être en reste. Ils demandent à la femme :

« Où est le jardin ? Montre-le-nous. Nous porterons les jarres.

– Que Dieu vous bénisse ! J’ai les reins rompus de fatigue. Venez… »

Alors, pendant que Jésus sort son broc, les trois compagnons descendent par un sentier… puis reviennent avec les deux brocs vides, les remplissent et repartent. Ils le font, non pas trois fois, mais bien une dizaine de fois. Et Judas dit en riant :

« Elle est en train de s’égosiller, à force de bénédictions. Nous donnons tant d’eau à la salade que la terre sera humide pendant au moins deux jours, et la femme ne se fatiguera pas les reins. »

Quand il revient pour la dernière fois, il dit :

« Maître, je crois cependant que nous sommes mal tombés.

– Pourquoi, Judas ?

– Parce qu’elle en veut au Messie. Je lui ai dit : “ Ne blasphème pas. Ne sais-tu pas que la plus grande grâce pour le peuple de Dieu, c’est le Messie ? Yahvé l’a promis à Jacob et après lui à tous les prophètes et justes d’Israël, et tu le hais ? ” Elle m’a répondu : “ Pas lui, mais ceux qui l’ont qualifié de Messie : des bergers ivres et de maudits devins d’Orient. ” Et puisque c’est toi…

– Peu importe. Je sais que je suis fait pour être pour beaucoup un signe d’épreuve et de contradiction. Lui as-tu dit qui je suis ?

– Non. Je ne suis pas sot. J’ai voulu préserver tes épaules et les nôtres.

– Tu as bien fait. Pas à cause des épaules, mais parce que je désire me manifester quand je le juge convenable. Allons. »

Judas le conduit au jardin.

73.4

La femme verse les trois derniers brocs et les conduit à une bâtisse ancienne au milieu du verger.

« Entrez, dit-elle, mon ma­ri est déjà à la maison. »

Ils s’avancent vers une cuisine basse et enfumée.

« Que la paix soit sur cette maison, salue Jésus.

– Qui que tu sois, que la bénédiction soit sur toi et sur les tiens. Entre ! » répond l’homme.

Et il apporte d’abord un bassin rempli d’eau pour que les quatre hommes se rafraîchissent et se lavent. Puis ils entrent tous et s’asseyent à une table grossière.

« Je vous remercie pour ma femme. Elle m’a raconté. Je n’avais jamais approché des Galiléens. On m’avait dit qu’ils étaient grossiers et querelleurs. Mais, vous, vous vous êtes montrés gentils et bons. Déjà fatigués… et tant travailler ! Vous venez de loin ?

– De Jérusalem. Ceux-ci sont judéens. Lui et moi, nous sommes de Galilée. Mais, crois-moi, homme : des bons et des mauvais, il y en a partout.

– C’est vrai. Moi, pour la première fois que je rencontre des Galiléens, je suis bien tombé. Femme, apporte à manger. Je n’ai que du pain, des légumes, des olives et du fromage. Je suis un paysan.

– Je ne suis pas un seigneur, moi non plus. Je suis menuisier.

– Toi ? Avec ces manières ? »

La femme intervient :

« Notre hôte est de Bethléem, je t’ai dit, et les siens ont été persécutés. Qui sait s’ils n’étaient pas riches et instruits comme l’étaient Josué d’Ur, Mathias, fils d’Isaac, Lévi, fils d’Abraham… pauvres malheureux !

– On ne t’a pas interrogée. Pardonnez-lui. Les femmes ba­vardent toujours plus que les moineaux, le soir.

– C’étaient des familles de Bethléem ?

– Comment ? Tu ne sais pas qui c’était, si tu es de Bethléem ?

– Nous avons fui alors que j’avais quelques mois… »

La femme, qui doit réellement être bavarde, se remet à parler :

« Il est parti avant le massacre.

– Eh ! Je le vois bien : autrement, il ne serait plus de ce monde. Tu n’y es jamais revenu ?

– Non.

73.5

– Quel grand malheur ! Tu en trouveras peu de ceux que, d’après ce que Sarah m’a dit, tu veux connaître et saluer. Beaucoup de morts, beaucoup de fugitifs, beaucoup… hélas ! Dispersés, et on n’a jamais su s’ils sont morts dans le désert ou s’ils ont péri en prison pour les punir de leur révolte. Mais était-ce une révolte ? Qui serait resté impassible en voyant égorger tant d’innocents ? Non, il n’est pas juste que Lévi et Elie soient encore vivants pendant que tant d’innocents sont morts !

– Qui sont-ils, ces deux hommes, et qu’ont-ils fait ?

– Mais… tu as au moins entendu parler du massacre ! Le massacre d’Hérode… Plus de mille bébés[1] dans la ville, un autre millier dans les campagnes. Et tous des garçons – ou plutôt à peu près tous car, dans leur furie, dans la nuit, dans la mêlée, les tueurs prirent même des petites filles, les arrachèrent de leurs berceaux, des lits de leurs mères, des maisons assiégées, et ils les transpercèrent, comme des gazelles en train de boire visées par un archer. Eh bien ! Tout cela, pourquoi ? Parce qu’un groupe de bergers qui, pour lutter contre le froid de la nuit, avaient bu à grandes gorgées une boisson, furent pris de délire et racontèrent qu’ils avaient vu des anges, entendu des chants, reçu un message… et nous dirent, à nous de Bethléem : “ Venez, adorez. Le Messie est né. ” Imagine-toi, le Messie dans une grotte !

En vérité, je dois dire que nous fûmes tous ivres, même moi, qui étais encore jeune homme, même ma femme qui n’avait que quelques années… car tous nous avons cru, et dans une pauvre femme de Galilée, nous avons voulu voir la Vierge qui enfante, celle dont ont parlé les prophètes. Mais elle était avec un grossier Galiléen. Sûrement son mari. Si elle était mariée, comment pouvait-elle être la “ Vierge ” ? Bref, nous avons cru. Cadeaux, adorations, maisons ouvertes pour les accueillir… Oh, on a bien su faire les choses. Pauvre Anne ! Elle y a perdu ses biens et la vie, et les enfants de sa fille aussi, la première, la seule à avoir été sauvée parce qu’elle avait épousé un marchand de Jérusalem, perdirent leurs biens, parce que la maison fut brûlée et tout leur domaine rasé sur ordre d’Hérode. C’est maintenant un champ inculte où paissent les troupeaux.

– Tout cela par la faute des bergers ?

– Non, par celle aussi de trois sorciers venus du royaume de Satan. Peut-être étaient-ils complices des trois… Et nous, imbéciles qui leur avons fait tant d’honneurs ! Ce pauvre chef de la synagogue ! Nous l’avons tué parce qu’il avait juré que les prophéties marquaient du sceau de la vérité les paroles des bergers et des mages…

– Tout cela est donc la faute des bergers et des mages ?

– Non, Galiléen, par notre faute aussi. A cause de notre crédulité. Il y avait si longtemps qu’on attendait le Messie ! Des siècles d’attente. Beaucoup de déceptions, les derniers temps avec les faux Messies. L’un était galiléen, comme toi, un autre s’appelait Théodas. Des menteurs ! Le Messie, eux ? Ce n’étaient que des aventuriers avides à la recherche de la fortune ! Cela aurait dû être pour nous une leçon. Au contraire…

73.6

– Et alors, pourquoi maudissez-vous tous les bergers et les mages ? Si vous jugez que, vous aussi, vous avez été des sots, vous devriez vous maudire, vous également. Mais la malédiction n’est pas permise par le commandement de l’amour. La malédiction attire la malédiction. Etes-vous certains que votre jugement est juste ? Ne pourrait-il pas être vrai que les bergers et les mages aient dit la vérité, révélée à eux par Dieu ? Pourquoi vouloir croire qu’ils ont été des menteurs ?

– Parce que les années de la prophétie n’étaient pas accomplies. Depuis, nous avons réfléchi… après que le sang qui avait rougi les vasques et les ruisseaux eut ouvert les yeux de notre intelligence.

– Est-ce que le Très-Haut n’aurait pas pu, par excès d’amour pour son peuple, anticiper la venue du Sauveur ? Sur quoi les mages basaient-ils leur affirmation ? Tu m’as dit qu’ils venaient d’orient…

– Sur leurs calculs au sujet d’une nouvelle étoile.

– Or n’est-il pas dit[2] : “ Une étoile naîtra de Jacob et un sceptre s’élèvera d’Israël ” ? Et Jacob n’est-il pas le grand patriarche et ne s’est-il pas arrêté dans cette terre de Bethléem qui lui était chère comme la prunelle de l’œil, parce que c’est là que mourut sa Rachel bien aimée ?

Et encore, n’est-il pas sorti de la bouche d’un prophète : “ Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines ” ? Isaï, le père de David, est né ici. Le surgeon sur la souche, sciée à la racine par l’usurpation des tyrans, n’est-ce pas la “ Vierge ” qui enfantera le Fils conçu non pas d’un homme – car alors elle ne serait plus vierge –, mais de la volonté de Dieu, par quoi il sera “ l’Emmanuel ”, car Fils de Dieu, il sera Dieu et, par conséquent, apportera Dieu au milieu du peuple de Dieu, comme son nom l’indique ?

Et, selon la prophétie, ne sera-t-il pas annoncé aux peuples des ténèbres, c’est-à-dire aux païens “ par une grande lu­mière ” ? Or l’étoile vue par les mages ne pourrait-elle pas être l’étoile de Jacob, la grande lumière des deux prophéties de Balaam et d’Isaïe ?

Et le massacre lui-même accompli par Hérode ne rentre-t-il pas dans les prophéties ? “ Un cri s’est élevé… C’est Rachel qui pleure ses fils. ” Il était écrit que les os de Rachel, dans son tombeau d’Ephrata, gémiraient et pleureraient à l’époque où, par le Sauveur, la récompense allait venir au peuple saint. Larmes qui se changeraient ensuite en un sourire céleste, comme l’arc-en-ciel que forment les dernières gouttes d’eau de l’orage, mais qui annonce : “ Voilà : le beau temps vous est accordé. ” »

– Tu es très instruit. Es-tu rabbi ?

– Je le suis.

– Je m’en rends bien compte. Il y a dans tes paroles lu­mière et vérité. Pourtant… Trop de blessures saignent encore sur cette terre de Bethléem pour le Messie, vrai ou faux… Je ne lui conseillerais même pas de venir ici. Cette terre le repousserait comme on repousse un bâtard à cause de qui les vrais enfants sont morts. D’ailleurs… si c’était lui… il est mort avec les autres qu’on a égorgés.

73.7

– Où habitent maintenant Lévi et Elie ?

– Tu les connais ? »

L’homme a des soupçons.

« Je ne les connais pas. Leur visage m’est inconnu, mais ce sont des malheureux et j’ai toujours pitié des malheureux. Je veux aller les trouver.

– Hum ! Tu seras le premier depuis presque six lustres. Ils sont encore bergers, au service d’un riche hérodien de Jérusalem qui s’est approprié les biens de beaucoup d’habitants qui ont été tués… Il y a toujours des profiteurs ! Tu les trouveras avec leurs troupeaux sur les hauteurs en direction d’Hébron. Mais, un conseil : ne te fais pas voir des habitants de Bethléem en train de leur parler. Tu aurais à t’en repentir. Nous les supportons parce que… parce qu’il y a l’hérodien. Sinon…

– Ah ! La haine ! Pourquoi haïr ?

– Parce que c’est juste ; ils nous ont fait du mal.

– Ils ont cru bien faire.

– Mais ils ont mal agi, alors qu’ils souffrent ! Nous devions les tuer, comme ils ont fait tuer par leur folie. Mais nous étions hébétés… et après, il y a eu l’hérodien.

– Alors sans lui, vous les auriez tués, même après le premier mouvement de vengeance, encore compréhensible ?

– Maintenant encore nous les tuerions si nous ne redoutions pas leur maître.

– Homme, je te le dis : ne hais pas. Ne désire pas le mal. Ne désire pas faire le mal. Il n’y a là aucune faute mais, même s’il y en avait, pardonne. Au nom de Dieu pardonne. Dis-le aux autres habitants de Bethléem. Quand la haine tombera de vos cœurs, le Messie viendra ; alors vous le connaîtrez, car il est vivant. Il l’était déjà quand le massacre eut lieu, je vous le dis. Ce ne fut pas par la faute des bergers et des mages, mais par la faute de Satan que ce carnage a eu lieu. Le Messie vous est né, ici. Il est venu apporter la lumière à la terre de ses pères. Fils d’une mère vierge de la race de David, c’est dans les ruines de la maison de David qu’il a ouvert au monde le fleuve des grâces éternelles, qu’il a ouvert à l’homme le chemin de la vie…

– Va-t’en, va-t’en, hors d’ici ! Tu es un partisan de ce faux Messie qui ne pouvait être que faux, puisqu’il nous a apporté le malheur, à nous de Bethléem. Tu le défends, par conséquent…

– Silence, homme, je suis judéen et j’ai des amis haut placés. Tu pourrais te repentir de cette insulte. »

Judas bondit, saisit le paysan par son vêtement, le secoue avec violence. Il bout de colère.

« Non, non, allez-vous-en ! Je ne veux pas d’ennuis ni avec les habitants de Bethléem, ni avec Rome et Hérode. Partez, maudits, si vous ne voulez pas que je vous fasse quelque chose dont vous vous souviendrez ! Dehors !…

– Partons, Judas. Ne réagis pas. Laissons-le sur sa rancœur. Dieu ne pénètre pas là où il y a de la haine. Partons.

– Oui, partons, mais vous me le paierez !

– Non, Judas, non. Il ne faut pas parler ainsi. Ce sont des a­veugles… Il y en aura tant sur ma route !… »

73.8

Ils sortent en suivant Simon et Jean qui sont déjà dehors et parlent avec la femme dans un coin de l’étable.

« Pardonne à mon mari, Seigneur. Je ne croyais pas faire tant de mal… Tiens. » Elle donne des œufs. « Tu les mangeras demain matin. Ils sont frais, d’aujourd’hui. Je n’ai rien d’autre… Pardon. Où vas-tu dormir ? »

– Ne t’inquiète pas. Je sais où aller. Va en paix en raison de ta bonté. Adieu. »

Ils font quelques pas en silence, puis Judas explose :

« Pourquoi ne te fais-tu pas adorer ? Pourquoi ne pas faire toucher terre à ce dégoûtant blasphémateur ? Par terre ! Terrassé, pour avoir mal agi envers toi, le Messie… Ah ! Moi, je l’aurais fait ! Les Samaritains, on les réduit en cendres par le miracle. Il n’y a que cela qui les convainc.

– Ah ! Combien de fois je l’entendrai dire ! Mais devrais-je réduire en cendres chaque personne qui pèche contre moi !… Non, Judas. Je suis venu pour créer, pas pour détruire.

– D’accord, mais en attendant, ce sont les autres qui te dé­truisent. »

Jésus ne réplique pas.

Simon demande :

« Où allons-nous maintenant, Maître ?

– Venez avec moi. Je connais un endroit.

– Mais si tu n’es jamais venu ici depuis que tu as fui, comment le connais-tu ? demande Judas, encore sous le coup de la colère.

– Je le connais. Il n’est pas beau. Mais j’y suis venu une autre fois. Ce n’est pas à Bethléem. Un peu en dehors… Allons dans cette direction. »

Jésus marche à l’avant, suivi de Simon, puis de Judas, enfin de Jean…

73.9

Dans le silence que rompt seulement le crissement des san­dales sur les graviers du sentier, on entend un sanglot.

« Qui pleure ? » demande Jésus en se retournant.

Alors Judas :

« C’est Jean. Il a eu peur.

– Non, je n’ai pas peur. J’avais déjà la main sur le coutelas que j’ai à la ceinture… mais je me suis souvenu de ton : “ Ne tue pas, pardonne. ” Tu le dis toujours…

– Dans ce cas, pourquoi pleures-tu ? demande Judas.

– Parce que je souffre de voir que le monde ne veut pas de Jésus. Il ne le reconnaît pas et ne veut pas le connaître. Quelle douleur ! Comme si on me faisait pénétrer dans le cœur des é­pines enflammées. Comme si j’avais vu piétiner ma mère et cracher au visage de mon père… Plus encore… Comme si j’avais vu les chevaux des Romains manger dans l’Arche sainte et coucher dans le Saint des Saints.

– Ne pleure pas, mon Jean. Tu le diras, cette fois et d’innombrables autres fois : “ Il était la lumière venue briller au milieu des ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas comprise. Il est venu dans le monde fait par lui, et le monde ne l’a pas connu. Il est venu dans sa ville, dans sa maison, et les siens ne l’ont pas reçu. ” Ah, ne pleure pas comme ça !

– Cela n’arrive pas en Galilée ! Soupire Jean.

– Alors, pas davantage en Judée, réplique Judas. Jérusalem en est la capitale et il y a trois jours qu’on t’y saluait comme Messie par des “ Hosannas ”. Ici… c’est un village de bergers grossiers, de paysans, de jardiniers… il ne faut pas se baser sur eux. Même les Galiléens, allons, ne seront pas tous bons. Du reste, Judas le faux Messie, d’où était-il ? On disait…

– Assez, Judas. Il ne faut pas se troubler. Moi, je suis calme. Soyez-le, vous aussi. Judas, viens ici. Je dois te parler. »

Judas le rejoint.

« Prends la bourse. Tu feras les courses pour demain.

– Et, pour l’instant, où logerons-nous ? »

Jésus sourit et se tait.

73.10

La nuit est descendue. La lune revêt tout de blancheur. Les rossignols chantent dans les oliviers. Un ruisseau ressemble un ruban d’argent sonore. Des prés fauchés arrive une odeur de foin : chaude, presque charnelle, pourrais-je dire. Quelques mugissements. Quelques bêlements. Et des étoiles, des étoiles, des étoiles… un semis d’étoiles sur le voile du ciel, un baldaquin de joyaux vivants sur les collines de Bethléem.

« Mais ici !… Ce sont des ruines. Où nous conduis-tu ? Ce n’est plus la ville.

– Je le sais. Viens, suis le ruisseau, derrière moi. Encore quelques pas, et puis… et puis je t’offrirai le logement du Roi d’Israël. »

Judas hausse les épaules et garde le silence.

Encore quelques pas, puis voilà un tas de maisons en ruines, des restes d’habitations… Un antre, entre deux fentes de hautes murailles.

Jésus dit :

« Avez-vous de l’amadou ? Allumez. »

Simon allume une lanterne qu’il tire de sa besace et la donne à Jésus.

« Entrez, dit le Maître, en levant la lumière, entrez. C’est la chambre de la nativité du Roi d’Israël.

– Tu te trompes, Maître ! C’est une caverne nauséabonde. Ah ! Pour moi, je n’y reste sûrement pas ! Elle me dégoûte : humide, froide, fétide, pleine de scorpions, de serpents peut-être…

– Et pourtant, mes amis : ici, la nuit du 25 du mois d’Encénie, naquit de la Vierge, Jésus le Christ, l’Emmanuel, le Verbe de Dieu fait chair pour l’amour de l’homme : moi, qui vous parle. A cette époque comme aujourd’hui, le monde fut sourd aux voix du Ciel qui s’adressaient au cœur… et il a repoussé la Mère… et ici… Non, Judas, ne détourne pas les yeux d’un air dégoûté de ces chauves-souris qui volent, de ces lézards verts, de ces toiles d’araignées. Ne relève pas avec dégoût ton beau vêtement brodé pour qu’il ne se souille pas sur le sol, couvert d’excréments d’animaux. Ces chauves-souris sont les petites-filles de celles qui furent les premiers jouets qui s’agitèrent sous les yeux du Bébé, pour lequel les anges chantaient le “ Gloria ” que les bergers entendirent, ivres de rien d’autre que d’une joie extatique, de la vraie joie. Ces lézards couleur émeraude furent les premières couleurs qui frappèrent ma pupille, les premières après la blancheur du vêtement et du visage de ma Mère. Ces toiles d’araignées for­mèrent le baldaquin de mon berceau royal. Quant à ce sol, tu peux le fouler sans dédain… il est couvert d’excréments, mais il est sanctifié par son pied à elle, la Sainte, la Grande Sainte, la Pure, l’Inviolée, la Mère de Dieu, celle qui enfanta parce qu’elle devait enfanter, qui enfanta parce que Dieu, et non pas l’homme, le lui dit et la rendit enceinte de lui-même. Elle, la Femme immaculée, l’a foulé aux pieds. Tu peux y mettre tes pas. Et que Dieu veuille que par la plante de tes pieds te monte au cœur la pureté qui émana d’elle… »

73.11

Simon s’est agenouillé. Jean va droit à la crèche et pleure, la tête appuyée sur elle. Judas est abasourdi… puis, vaincu par l’émotion et sans plus penser à son bel habit, il se jette sur le sol, saisit un pan du vêtement de Jésus, l’embrasse et se frappe la poitrine en disant :

« Ah ! Aie pitié, bon Maître, de l’aveuglement de ton serviteur ! Mon orgueil tombe… Je te vois comme tu es. Non pas le roi que je pensais, mais le Prince éternel, le Père du siècle à venir, le Roi de la paix. Pitié, mon Seigneur et mon Dieu ! Pitié !

– Oui, tu as toute ma pitié. Nous allons maintenant dormir à l’endroit où dormirent l’Enfant et la Vierge, là où Jean a pris la place de la Mère en adoration, là où Simon ressemble à mon père putatif. Ou bien, si vous préférez, je vous parlerai de cette nuit…

– Oh oui, Maître, fais-nous connaître ton épanouissement en ce monde !

– Pour qu’il soit une perle lumineuse dans nos cœurs et pour que nous puissions le redire au monde.

– Et pour vénérer ta Mère, non seulement pour avoir été ta mère, mais pour être… ah, pour être la Vierge !

C’est d’abord Judas qui a parlé, puis Simon, puis Jean là tout près de la crèche ; sur son visage, les larmes se mêlent aux sourires.

« Venez sur le foin. Ecoutez… »

Jésus leur raconte alors la nuit de sa naissance :

“ … la Mère qui était déjà sur le point d’enfanter, vint, sur l’ordre de César Auguste et sur l’avis du délégué impérial, Publius Sulpicius Quirinus, alors que Sentius Saturninus était gouverneur de la Palestine. L’avis ordonnait le recensement de tous les habitants de l’Empire. Excepté les esclaves, ils de­vaient se rendre sur leur lieu d’origine pour s’inscrire sur les registres de l’Empire. Joseph, époux de la Mère, était de la race de David, tout comme elle. Obéissant donc à cet avis, ils quittèrent Nazareth pour venir à Bethléem, berceau de la race royale. Le temps était froid… ”

Jésus continue le récit et tout cesse ainsi.

73.1

Una strada di pianura sassosa, polverosa, asciugata dal sole estivo. Procede fra ulivi potenti, tutti carichi di ulivette appena formate. Il suolo, nei posti non calpestati, ha ancora uno strato dei minuti fiorellini dell’ulivo, caduti dopo la fecondazione.

Gesù, coi tre, procede in fila indiana lungo la sponda della via, dove l’ombra degli ulivi ha mantenuto l’erba ancora verde, e perciò vi è meno polvere.

La strada fa una svolta ad angolo retto, oltre la quale sale lievemente verso una conca ad ampio ferro di cavallo, sulla quale sono sparse numerose case e casette sino a formare una cittadina. Proprio là dove la strada fa gomito, vi è una costruzione cubica sormontata da una cupoletta bassa. È tutta chiusa, come abbandonata.

«Ecco là il sepolcro di Rachele», dice Simone.

«Allora siamo quasi giunti. Entriamo subito in città?».

«No, Giuda. Prima vi mostrerò un luogo… Poi entreremo in città e, posto che è ancor giorno chiaro e sera di luna, potremo parlare alla popolazione. Se vorrà ascoltare».

«Vuoi che non ti ascolti?».

73.2

Sono giunti al sepolcro, antico ma ben conservato, bene imbiancato. Gesù si ferma a bere ad un rustico pozzo lì vicino.

Gli offre l’acqua una donna venuta ad attingere. Gesù l’interroga: «Sei di Betlemme?».

«Lo sono. Ma ora in tempo di raccolti sto col marito in questa campagna, a curare gli orti ed i frutteti. E Tu sei galileo?».

«Sono nato a Betlemme, ma sto a Nazaret di Galilea».

«Perseguitato anche Tu?».

«La famiglia. Ma perché dici “anche Tu”? Fra i betlemmiti vi sono molti perseguitati?».

«E non lo sai? Quanti anni hai?».

«Trenta».

«Allora sei nato proprio quando… oh! che sventura! Ma perché nacque qui Colui?».

«Chi?».

«Ma quello che si diceva il Salvatore. Maledizione agli stolti che ubbriachi di sicera videro nelle nubi degli angeli, udirono nei belati e nei ragli delle voci di Cielo, e nelle nebbie del­l’ebbrezza scambiarono tre miserabili per i più santi della Terra. Maledizione a loro! E a chi in loro credette».

«Ma non mi spieghi, con tutto il tuo maledire, che avvenne. Perché maledici?».

«Perché… Ma senti, dove vuoi andare?».

«A Betlemme coi miei amici. Ho interessi là. Devo salutare vecchi amici e portare loro il saluto della Madre mia. Ma prima vorrei sapere tante cose, perché manchiamo, noi della famiglia, da molti anni. Lasciammo la città che ero di pochi mesi».

«Prima della sventura, allora.

73.3

Senti, se non ti schifa la casa di un contadino, vieni a dividere con noi il pane e il sale. Tu e i tuoi compagni. Parleremo durante la cena e vi darò alloggio sino al mattino. Ho piccola casa. Ma sopra la stalla vi è molto fieno ammucchiato. La notte è calda e serena. Se credi, puoi dormire».

«Il Signore d’Israele compensi la tua ospitalità. Verrò con gioia nella tua casa».

«Il pellegrino porta seco benedizione. Andiamo. Devo però versare ancora sei anfore sulle verdure da poco nate».

«E Io ti aiuterò».

«No. Tu sei un signore. Lo dice il tuo modo di fare».

«Sono un operaio, donna. E costui è pescatore. Questi, giudei, sono di censo e d’impiego. Non Io». E prende un’anfora adagiata sul suo pancione presso il bassissimo muretto del pozzo, la lega e la cala.

Giovanni lo aiuta. Anche gli altri non vogliono esser da meno. Dicono alla donna: «Dove è l’ortaglia? Mostrala a noi. Vi porteremo le giare».

«Dio vi benedica! Ho le reni spezzate dalla fatica. Venite…».

E mentre Gesù estrae la sua brocca, i tre scompaiono giù per un viottolo… poi tornano con le due brocche vuote, le empiono, tornano via. E così fanno non per tre, ma per ben dieci volte. E Giuda ride dicendo: «Si sta sgolando a benedirci. Le diamo tant’acqua all’insalata che per almeno due giorni la terra sarà umida e la donna non si spezzerà le reni». Quando torna per l’ultima volta, dice: «Maestro, però credo che siamo caduti male».

«Perché, Giuda?».

«Perché ce l’ha col Messia. Le ho detto: “Non bestemmiare. Non sai che è la più grande grazia per il popolo di Dio il Messia? Geovà[1] lo ha promesso a Giacobbe e da lui a tutti i profeti e giusti d’Israele. E tu lo odii?”. Mi ha risposto: “Non Lui. Ma quello che dissero ‘Messia’ dei pastori ubbriachi e dei maledetti indovini d’Oriente”. E siccome quello sei Tu…».

«Non importa. So d’essere posto a prova e contraddizione di molti. Le hai detto che sono Io?».

«No. Non sono stolto. Ho voluto salvare le tue e le nostre spalle».

«Facesti bene. Non per le spalle. Ma perché desidero manifestarmi quando lo giudico giusto. Andiamo».

Giuda lo guida sino all’ortaglia.

73.4

La donna versa le ultime tre brocche e poi li conduce verso una rustica costruzione in mezzo al frutteto. «Entrate», dice. «Mio marito è già in casa».

Si affacciano ad una bassa e affumicata cucina. «La pace sia a questa casa», saluta Gesù.

«Chiunque Tu sia, la benedizione a Te e ai tuoi. Entra», risponde l’uomo. E prima porta un catino con dell’acqua perché i quattro si rinfreschino e si mondino. Poi entrano tutti e si siedono ad una rozza tavola.

«Io vi ringrazio per la mia donna. Mi ha detto. Non avevo mai avvicinato galilei e mi era stato detto che erano rozzi e rissosi. Ma voi siete stati gentili e buoni. Già stanchi… e lavorare tanto. Venite da lontano?».

«Da Gerusalemme. Questi sono giudei. Io e quest’altro siamo di Galilea. Ma credi, uomo, il buono e il cattivo è ovunque».

«È vero. Io, per primo incontro con i galilei, trovo il buono. Donna, porta il cibo. Non ho che pane, verdure, ulive e formaggio. Sono contadino».

«Non sono un signore neppure Io. Legnaiuolo sono».

«Tu? Con questi modi?».

La donna interviene: «L’ospite è di Betlem, ti ho detto, e se sono, i suoi, perseguitati, saranno stati forse ricchi e istruiti come lo erano Giosoè di Ur, Mattia di Isacco, Levi di Abramo… poveri infelici!…».

«Non sei stata interrogata. Perdonala. Le donne sono più ciarliere di passere a sera».

«Erano famiglie betlemmite?».

«Come? Non lo sai chi erano, se sei di Betlemme?».

«Siamo fuggiti che Io avevo pochi mesi…».

La donna, che proprio deve esser ciarliera, torna a parlare: «È andato via prima del massacro».

«Eh! lo vedo. Altrimenti non ci sarebbe più al mondo. Non vi sei più tornato?».

«No».

73.5

«Che gran sventura! Pochi troverai di quelli che, mi ha detto Sara, Tu vuoi conoscere e salutare. Molti uccisi, molti fuggiti, molti… mah! dispersi, né si è mai saputo se morirono nel deserto o se furono spenti in carcere per punirli della loro ribellione. Ma fu ribellione? E chi sarebbe stato inerte lasciando sgozzare tanti innocenti? No, che giusto non è che sia ancor vivo Levi e Elia mentre tanti innocenti sono morti!».

«Chi sono i due, e che fecero?».

«Ma… almeno dell’eccidio saprai. L’eccidio d’Erode… Più di mille pargoli[2] in città, un altro migliaio quasi nelle campagne. E tutti, anzi, quasi tutti maschi, perché nella furia, nel buio, nella mischia, i feroci presero, strapparono dalle cune, dai letti materni, dalle case assalite, anche delle bambinelle e le trafissero come gazzelline poppanti prese di mira da un arciere. Ebbene, tutto questo perché? Perché un gruppo di pastori, che per vincere il gelo notturno certo avevano bevuto sicera a gran sorsi, furono presi da delirio e dissero di aver visto angeli, udito canzoni, avuto indicazioni… e dissero a noi di Betlemme: “Venite. Adorate. Il Messia è nato”. Pensa: il Messia in una spelonca! In verità devo dire che ebbri fummo tutti, anche io, allora adolescente, anche la moglie, di allora pochi anni… perché credemmo tutti, e in una povera donna galilea volemmo vedere la Vergine partoriente di cui parlarono i Profeti. Ma se era con un rozzo galileo! Il marito certo. Se era moglie, come poteva esser la “Vergine”? Insomma, credemmo. Doni, adorazioni… case aperte per ospitarli… Oh! l’avevano saputa far bene la parte! Povera Anna! Ci ha rimesso i beni e la vita, e anche i figli di sua figlia, la prima, l’unica che si è salvata perché sposata con un mercante di Gerusalemme, persero i beni, perché la casa fu arsa e tutto il podere segato per ordine d’Erode. Ora è un campo incolto su cui pascolano gli armenti».

«Tutta colpa dei pastori?».

«No, anche di tre stregoni venuti dai regni di Satana. Forse erano compari dei tre… E noi, stolti, ce ne tenevamo per tanto onore! Quel povero archisinagogo! Lo uccidemmo per aver giurato che le profezie mettevano suggello di verità alle parole dei pastori e dei maghi…».

«Tutta colpa dei pastori e dei maghi, dunque?».

«No, galileo. Anche nostra. Della nostra credulità. Lo si aspettava da tanto il Messia! Secoli di attesa. Molte delusioni negli ultimi tempi per i falsi Messia. Uno era galileo, come Te, un altro aveva nome Teoda. Bugiardi! Messia loro! Non erano che avidi avventurieri in caccia di fortuna! Doveva farci sveglia la lezione. Invece…».

73.6

«E allora perché maledite, tutti, i pastori e i maghi? Se vi giudicate stolti voi pure, allora dovreste maledire voi pure. Ma la maledizione non è permessa dal precetto d’amore. Maledizione attira maledizione. Avete voi la sicurezza che siete nel giusto? Non potrebbe esser vero che i pastori e i maghi avessero detto il vero, loro rivelato da Dio? Perché voler credere che fossero mentitori?».

«Perché gli anni della profezia non erano compiuti. Dopo ci pensammo… dopo che il sangue, che fece rosse le vasche e i rii, ci aperse gli occhi del pensiero».

«E non avrebbe potuto l’Altissimo, per eccesso d’amore verso il suo popolo, anticipare la venuta del Salvatore? Su che basarono i maghi la loro asserzione? Mi hai detto che venivano da Oriente…».

«Dai loro calcoli su una nuova stella».

«E non è detto[3]: “Una stella nascerà da Giacobbe e una verga si alzerà da Israele”? E Giacobbe non è il grande patriarca e non ebbe sosta in questa terra di Betlem a lui cara come pupilla del suo occhio, perché ivi morì la sua diletta Rachele? E ancor non è detto da bocca profetica: “Un germoglio spunterà dalla radice di Jesse e un fiore verrà da questa radice”? Isai, padre di Davide, qui nacque. Il germoglio sulla stirpe, segata alla radice da usurpazione di tiranni, non è la “Vergine” che partorirà il Figliolo, non avuto da uomo, ché allora non più vergine sarebbe, ma da volere divino, onde Egli sarà “l’Emmanuele” perché Figlio di Dio, sarà Dio e porterà perciò Dio fra il popolo di Dio come il suo nome dice? E non sarà annunciato, dice la profezia, ai popoli delle tenebre, ossia ai pagani “da una gran luce”? E la stella vista dai maghi non potrebbe esser la stella di Giacobbe, la grande luce delle due profezie di Balaam e di Isaia? E lo stesso eccidio compiuto da Erode non rientra nelle profezie? “Un grido s’è sentito nell’alto… È Rachele che piange i suoi figli”. Era segnato che lacrime gemessero le ossa di Rachele nel suo sepolcro di Efrata quando, per il Salvatore, sarebbe venuta la ricompensa al popolo santo. Lacrime per poi mutarsi in celeste riso, come l’arcobaleno che è fatto delle ultime gocce del temporale, ma dice: “Ecco, il sereno è concesso”».

«Sei molto dotto. Sei rabbi?».

«Lo sono».

«E io lo sento. Vi è luce e vero nelle tue parole. Ma però… oh! troppe ferite sanguinano ancora in questa terra di Betlem per il vero o falso Messia… Non consiglierei lo Stesso a venire mai qui. La terra lo respingerebbe come si respinge un figliastro per causa del quale morirono i figli veri. Ma già… se era Lui… è morto con gli altri sgozzati».

73.7

«Dove abita ora Levi, e dove Elia?».

«Li conosci?». L’uomo è in sospetto.

«Non li conosco. Il loro viso m’è ignoto. Ma sono infelici, ed Io ho sempre pietà degli infelici. Voglio andare a trovarli».

«Umh! sarai il primo dopo quasi sei lustri. Sono ancora pastori e servono un ricco erodiano di Gerusalemme che si è appropriato di molti beni degli uccisi… C’è sempre chi guadagna! Li troverai coi greggi verso le alture che vanno a Ebron. Ma, un consiglio. Non ti far vedere a parlare con essi dai betlemmiti. Ne avresti danno. Li sopportiamo perché… perché c’è l’erodiano. Se no…».

«Oh! l’odio! Perché odiare?».

«Perché è giusto. Ci hanno fatto del male».

«Hanno creduto fare bene».

«Ma fecero male. E male si abbiano. Dovevamo ucciderli come fecero uccidere con la loro stoltezza. Ma eravamo inebetiti e dopo… c’era l’erodiano».

«Se non c’era lui, allora, anche dopo il primo, ancor compatibile sussulto di vendetta, avreste ucciso?».

«Anche ora uccideremmo se non avessimo paura del padrone loro».

«Uomo, Io ti dico: non odiare. Non desiderare il male. Non desiderare di fare il male. Qui non vi è colpa. Ma anche vi fosse, perdona. In nome di Dio perdona. Dillo agli altri betlemmiti. Quando cadrà l’odio dai vostri cuori verrà il Messia; lo conoscerete, allora, perché Egli è vivente, Egli era già quando la strage avvenne. Io ve lo dico. Non per colpa dei pastori e dei maghi, ma per colpa di Satana avvenne la strage. Il Messia vi è nato qui, è venuto a portare la Luce alla terra dei suoi padri. Figlio di Madre vergine della stirpe di Davide, nelle rovine della casa di Davide aperse al mondo il fiume delle grazie eterne, aperse la Vita all’uomo…».

«Via, via! esci di qui! Tu, seguace di questo falso Messia, che non poteva che esser falso, perché ci ha portato sventura, a noi di Betlemme. Tu lo difendi, perciò…».

«Silenzio, uomo. Io sono giudeo e ho amici in alto. Potrei farti pentire dell’insulto», scatta Giuda prendendo per la veste il contadino e scuotendolo, violento e acceso d’ira.

«No, no, via di qua! Non voglio noie né coi betlemiti, né con Roma ed Erode. Andatevene, maledetti, se non volete che vi lasci un segno. Via!…».

«Andiamo, Giuda. Non reagire. Lasciamolo nel suo livore. Dio non penetra dove è astio. Andiamo».

«Sì, andiamo. Ma me la pagherete».

«No, Giuda. No. Non dire così. Sono ciechi… Ce ne saranno tanti sul mio percorso…».

73.8

Escono, seguendo Simone e Giovanni che sono già fuori e che parlottano con la donna, dietro l’angolo della stalla.

«Perdona al marito mio, Signore. Non credevo di far tanto male… Ecco, tieni. Le prenderai domattina. Sono fresche, di oggi. Non ho altro… Perdono. Dove dormirai?» (Dà delle uova).

«Non ci pensare. So dove andare. Va’ in pace per la tua bon­tà. Addio».

Camminano per qualche metro in silenzio, poi Giuda esplode: «Però Tu, a non farti adorare! Perché non far curvare nella mota quel lurido bestemmiatore? A terra! Atterrato per aver mancato a Te, Messia… Oh! io lo avrei fatto! I samaritani vanno inceneriti col miracolo. Non li scuote che quello».

«Oh! quante volte lo sentirò dire! Ma dovessi incenerire per ogni peccato verso Me!… No, Giuda. Io sono venuto per creare. Non per distruggere».

«Già. Ma intanto gli altri distruggono Te».

Gesù non ribatte.

Simone chiede: «Dove andiamo ora, Maestro?».

«Venite con Me. So un luogo».

«Ma se non ci sei mai stato, da quando fuggisti, come lo sai?», chiede ancora irritato Giuda.

«Lo so. Non è bello. Ma ci fui un’altra volta. Non è in Betlemme… un poco fuori… Pieghiamo da questa parte».

Gesù avanti, poi Simone, poi Giuda, ultimo Giovanni…

73.9

Nel silenzio, rotto solo dal fruscio dei sandali sulle ghiaiuzze del sentiero, si sente un singhiozzo.

«Chi piange?», chiede Gesù voltandosi.

E Giuda: «È Giovanni. Ha avuto paura».

«No. Non paura. Avevo già la mano sul coltello che ho alla cintura… Ma mi sono ricordato del tuo: “Non uccidere, perdona”. Lo dici sempre…».

«E allora perché piangi?», chiede Giuda.

«Perché soffro a vedere che il mondo non vuole Gesù. Non lo riconosce e non lo vuole conoscere. Oh! è un tal dolore! Come mi frugassero in cuore con degli spini fatti di fuoco. Come avessi visto calpestare mia madre e sputare sul volto di mio padre… Più ancora… Come avessi visto i cavalli romani mangiare nell’Arca Santa e far riposo nel Santo dei Santi».

«Non piangere, Giovanni mio. Lo dirai, per questa e per infinite altre volte: “Egli era la Luce venuta a splendere fra le tenebre, ma le tenebre non lo compresero. Venne nel mondo che per Lui era stato fatto, ma il mondo non lo conobbe. Venne alla sua città, alla sua casa, e i suoi non lo ricevettero”. Oh! non piangere così!».

«Questo non succede in Galilea!», sospira Giovanni.

«Allora neppure in Giudea», ribatte Giuda. «Gerusalemme ne è la capitale e, or sono tre giorni, osannava a Te, Messia. Qui… posto di rozzi pastori, contadini e ortolani… non è da prender per base. Anche i galilei, va’ là, non saranno tutti buoni. Del resto, Giuda il falso Messia di dove era? Si diceva…».

«Basta, Giuda. Non conviene inquietarsi. Io sono calmo. Siatelo voi pure. Giuda, vieni qui. Ti devo parlare». Giuda lo raggiunge. «Prendi la borsa. Tu farai le spese. Per domani».

«E per ora, dove albergheremo?».

Gesù sorride e tace.

73.10

La notte è scesa. La luna veste tutto di candore. Gli usignoli cantano fra gli ulivi. Un rio è un nastro d’argento sonante. Dai prati falciati viene odor di fieni: caldo, direi carnale. Qualche muggito. Qualche belato. E stelle, stelle, stelle… una semina di stelle sul velario del cielo, un baldacchino di gemme vive steso sulle colline di Betlemme.

«Ma qui!… Son rovine. Dove ci conduci? La città è più là».

«Lo so. Vieni. Segui il rio, dietro a Me. Ancora pochi passi, e poi… poi ti offrirò l’alloggio del Re d’Israele».

Giuda si stringe nelle spalle e tace.

Ancora pochi passi. Poi ecco un ammasso di case franate. Resti di abitazioni… Un antro fra due spacchi del muraglione.

Gesù dice: «Avete l’esca? Accendete».

Simone accende un fanaletto tratto dalla sua bisaccia e lo dà a Gesù.

«Entrate», dice il Maestro alzando il lumino. «Entrate. Questa è la camera della natività del Re d’Israele».

«Tu scherzi, Maestro! Questa è una fetida spelonca. Ah! io non ci sto per davvero! Ne ho schifo: umida, fredda, puzzolente, piena di scorpioni, di serpi forse…».

«Eppure… Amici, qui la notte del 25, d’Encenie, dalla Vergine nacque Gesù Cristo, l’Emmanuele, il Verbo di Dio fatto Carne per amore dell’uomo: Io che vi parlo. Anche allora, come ora, il mondo fu sordo alle voci del Cielo che parlavano ai cuori… ed ha respinto la Madre… e qui… No, Giuda, non torcere con disgusto lo sguardo da quelle nottole svolazzanti, da quei ramarri, da quelle tele di ragno, non sollevare con schifo la tua bella veste ricamata perché non strusci sul suolo coperto degli escrementi animali. Quelle nottole sono le figlie delle figlie di quelle che furono i primi balocchi agitati sotto gli occhi del Bambino, per il quale gli angeli cantavano il “Gloria” udito dai pastori, non ebbri altro che di estatica gioia, di vera gioia. Quei ramarri, col loro smeraldo, furono i primi colori che colpirono la mia pupilla, i primi dopo il candore della veste e del materno volto. Quelle tele di ragno, i baldacchini della mia culla regale. Questo suolo… oh! lo puoi calpestare senza sdegno… È coperto di escrementi… ma è santificato dal piede di Lei, la Santa, la grande Santa, la Pura, l’Inviolata, la Puerpera deipara, Colei che partorì perché doveva partorire, partorì perché Dio, non l’uomo, glielo disse e l’incinse di Sé. Lei, la Senza Macchia, l’ha premuto. Tu lo puoi calpestare. E per le piante dei tuoi piedi Dio voglia ti salga al cuore la purezza da Lei effusa…».

73.11

Simone si è inginocchiato. Giovanni va dritto alla greppia e piange col capo appoggiato ad essa. Giuda è esterrefatto… poi lo vince l’emozione e, senza più pensare alla sua bella veste, si butta al suolo, prende il lembo della veste di Gesù, la bacia e si batte il petto dicendo: «Oh! misericordia, Maestro buono, della cecità del tuo servo! La mia superbia cade… ti vedo qual sei. Non il re che io pensavo. Ma il Principe eterno, il Padre del secolo futuro, il Re della pace. Pietà, Signore e Dio mio! Pietà!».

«Sì. Tutta la mia pietà! Ora dormiremo dove dormì l’Infante e la Vergine, là dove Giovanni ha preso il posto della Madre adorante, qui dove Simone pare il mio padre putativo. Oppure, se lo preferite, vi parlerò di quella notte…».

«Oh! sì, Maestro. Facci conoscere il tuo fiorire».

«Perché sia perla di luce nei nostri cuori. E perché lo possiamo ridire al mondo».

«E venerare la Madre tua, non solo per esserti madre, ma per essere… oh! per essere la Vergine!».

Prima ha parlato Giuda, poi Simone, poi Giovanni col volto che piange e ride, là presso la greppia…

«Venite sul fieno. Udite…», …e Gesù racconta la sua notte natale: «…essendo la Madre già prossima al tempo di partorire, venne, per ordine di Cesare Augusto, fatto bando dal delegato imperiale Publio Sulpizio Quirino, mentre era governatore della Palestina Senzio Saturnino. Il bando era: censire tutti gli abitanti dell’Impero. Coloro che schiavi non fossero dovevano recarsi nei luoghi di origine, per iscriversi negli albi dell’Impero. Giuseppe, sposo della Madre, era della stirpe di Davide, e di Davide era la Madre. Ubbidendo perciò al bando, lasciarono Nazareth per venire in Betlemme, culla della stirpe regale. Rigido il tempo…».

Gesù continua il racconto e tutto cessa così.


Notes

  1. Mille bébés… : Maria Valtorta écrivit sur un feuillet inséré dans le fascicule de la copie dactylographiée : “ En ce qui concerne les Innocents tués dans le massacre d’Hérode : leur nombre exact est de 32. Parmi ceux-ci, 18 furent tués dans la ville même de Bethléem et 14 dans les campagnes alentour. Parmi ces enfants, il y eut aussi 6 petites filles que les sicaires n’identifièrent pas comme telles étant donné que tous, aussi bien garçons que filles, étaient vêtus de la même façon. Ce à quoi il faut ajouter la hâte de tuer et l’obscurité de la nuit. Comme cela se produit souvent, le paysan exagère et défigure la réalité. Beaucoup de légendes fausses se sont ainsi créées en se substituant à la vérité. ” Exception faite de cette considération sur l’exagération du paysan, la note de Maria Valtorta est la retranscription, pas tout à fait textuelle et peut-être faite de mémoire, d’une note du 28 février 1947 (rapportée dans le volume des “ Cahiers de 1945 à 1950 ”) ; mais les chiffres diffèrent : 320 au lieu de 32, 188 au lieu de 18, 132 au lieu de 14, 64 au lieu de 6.
  2. n’est-il pas dit. Voir Gn 35, 15-20, Nb 24, 15-17 ; 1 S 17, 12 ; Is 7, 14 ; 9, 1 ; 11, 1 ; Jr 31, 15. Ces références bibliques, que nous avons citées selon l’ordre canonique des livres, comprennent aussi bien les expressions citées que les événements mentionnés.

Note

  1. Geovà è stato corretto in Javé, da MV su una copia dattiloscritta, a seguito della nota in 59.5.
  2. mille pargoli… Così scrive MV su un foglietto che ha inserito nel fascicolo della copia dattiloscritta: In merito agli Innocenti uccisi nella strage di Erode: Numero esatto è 32. Di essi, 18 furono uccisi nella vera città di Betlemme e 14 nelle campagne prossime a Betlemme. Fra gli uccisi vi furono anche 6 fanciulline, non identificate per femmine dai sicari, dato che erano, maschi e femmine, vestiti tutti a un modo, e anche per la fretta di uccidere e per il buio notturno. Come sempre avviene, il contadino esagera e svisa la verità delle cose. E così molte leggende false si sono create sostituendosi alla verità. Esclusa la considerazione sull’esagerazione del contadino, la nota di MV è la trascrizione, non del tutto testuale e forse fatta a mente, di una nota del 28 febbraio 1947 (riportata nel volume “I quaderni dal 1945 al 1950”), dalla quale discorda nelle cifre: 320 invece di 32, 188 invece di 18, 132 invece di 14, 64 invece di 6.
  3. è detto, in: Genesi 35, 15-20; Numeri 24, 15-17; 1 Samuele 17, 12; Isaia 7, 14; 9, 1; 11, 1; Geremia 31, 15. I rinvii biblici, che abbiamo elencato nell’ordine canonico dei libri, comprendono sia le espressioni citate che gli eventi accennati.