413.1
La ville est noire de monde. Le Temple est bondé. Jésus y monte dès son entrée à Jérusalem. Il pénètre par la porte à côté de la Probatique, donc presque immédiatement, avant que les gens puissent s’apercevoir qu’il est en ville et que la nouvelle se propage de la maison où ils déposent leurs sacs et nettoient la poussière et leur transpiration pour entrer propres dans le Temple.
Ils retrouvent l’habituelle cohue inconvenante des vendeurs et des changeurs, le kaléidoscope traditionnel des couleurs et des visages.
Jésus, accompagné des apôtres qui ont acheté ce qu’il fallait pour l’offrande, se rend directement au lieu de la prière et s’y attarde longuement. Naturellement, plusieurs — des bons comme des mauvais — remarquent sa présence, et, tel le vent, un murmure circule et souffle à travers la vaste cour extérieure où les gens s’arrêtent pour se recueillir.
Lorsque, après la prière, il se retourne et revient sur ses pas, une petite troupe de gens qui ne cesse de grossir le suit à travers les atriums, les portiques et les cours, jusqu’à ce que, devenue une foule, elle l’entoure et lui demande de parler.
« A un autre moment, mes enfants, et ailleurs ! » dit Jésus
Et il lève la main pour bénir en cherchant à s’éloigner.
Mais les scribes, les pharisiens, les docteurs et leurs élèves, mêlés à la foule, ironisent en se disant l’un à l’autre des bouts de phrases qui sont autant de moqueries, comme : “ La prudence fait réfléchir ” ou bien : “ Eh ! il a un peu peur… ” ou : “ Il a atteint l’âge de raison ” ou encore : “ Moins sot qu’on ne croyait… ” Mais le plus grand nombre, soit qu’ils le connaissent et l’aiment, soit qu’ils désirent sincèrement le connaître, sont sans haine et insistent :
« Tu nous enlèveras donc cette fête dans la Fête ? Bon Maître, c’est impossible ! Nous sommes nombreux à avoir fait des sacrifices pour rester ici à t’attendre… »
Certains font taire les railleurs ou répondent sur le même ton aux persifleurs.
Il est clair que la plupart seraient tout disposés à faire un mauvais parti à la minorité de malveillants. Ces derniers, rusés et sournois, le comprennent et non seulement se taisent, mais cherchent à s’éloigner. Bien qu’ils soient dans l’enceinte du Temple, plusieurs n’hésitent pas à brocarder ceux qui partent et à leur lancer des épithètes peu flatteuses. Quelques hommes plus âgés, et donc plus réfléchis, interpellent Jésus :
« Mais, toi qui sais tout, que va-t-il advenir de ce lieu, de cette ville, de tout Israël qui ne se rend pas à la voix du Seigneur ? »