427.1
Les aubes d’été sont si précoces que bien court est le temps qui s’écoule entre le coucher de la lune et l’apparition des premières clartés de l’aube. Aussi ont-ils eu beau forcer la marche, le moment le plus sombre de la nuit les surprend encore aux environs de la ville de Césarée. Une branche embrasée d’arbuste épineux ne suffit pas à donner assez de lumière. Il faut s’arrêter un moment, aussi parce que la petite, peu habituée à marcher de nuit, bute souvent sur les pierres à moitié ensevelies dans la poussière.
« Il vaut mieux faire halte un instant. La pauvrette ne voit rien, et elle est fatiguée, dit Jésus.
– Non, non, je peux… Allons loin, loin… Il pourrait venir. C’est par ici que nous sommes passés pour aller à cette maison, dit, en claquant des dents, la fillette, mêlant l’hébreu au latin en un nouvel idiome pour essayer de se faire comprendre.
– Allons derrière ces arbres : personne ne nous verra. N’aie pas peur, lui répond Jésus.
– Oui, n’aie pas peur. A cette heure, ce… romain est ivre mort sous la table…, dit Barthélemy pour la rassurer.
– Et puis tu es avec nous, et nous t’aimons bien, nous ! Nous ne laisserons personne te faire du mal. Nous sommes douze hommes robustes ! » dit Pierre.
Il est à peine plus grand qu’elle, mais trapu autant qu’elle est grêle, brûlé par le soleil autant qu’elle est couleur de neige, cette pauvre fleur poussée à l’ombre pour être plus attirante et plus précieuse.
« Tu es une petite sœur, et les frères défendent leurs sœurs… » ajoute Jean.
L’adolescente, à la dernière lueur de la torche improvisée, lève vers ses consolateurs de clairs iris gris fer, à peine teinté de bleu, deux iris limpides encore humides des pleurs qu’elle a versés peu avant… Elle est méfiante. Mais elle décide de leur faire confiance et passe le ruisseau à sec au-delà de la route pour entrer dans une propriété qui se termine là en un verger touffu.