438.1
Tibériade est déjà en vue lorsque les deux pèlerines, fatiguées, terminent leur équipée dans le crépuscule qui descend.
« Il va bientôt faire nuit… Et nous sommes encore dans la campagne… Deux femmes seules… Et près d’une grande ville pleine de… ah ! quels gens ! Belzébuth ! Belzébuth pour la plus grande partie… gémit Marie, femme d’Alphée, en regardant autour d’elle d’un air épouvanté.
– Ne crains rien, Marie. Belzébuth ne nous fera aucun mal. Il n’en fait qu’à ceux qui l’accueillent dans leur cœur…
– Mais c’est le cas de ces païens !
– A Tibériade, il n’y a pas seulement des païens. Et même parmi eux, il y a des justes.
– Comment donc ! Ils n’ont pas notre Dieu !… »
Marie ne répond pas, car elle comprend que c’est inutile. Sa brave belle-sœur n’est que l’une des si nombreuses israélites qui croient être les seules à posséder la vertu… sous prétexte qu’elles sont juives.
Un silence s’instaure, et l’on n’entend que le bruit des sandales qui chaussent des pieds fatigués et poussiéreux.
« Il aurait mieux valu prendre la route habituelle… Nous la connaissions… Elle est très fréquentée… Mais celle-ci… au milieu des jardins, solitaire… inconnue… J’ai peur, voilà !
– Mais non, Marie : regarde, la ville est là, à deux pas. Ici, ce sont les jardins tranquilles des cultivateurs de Tibériade, et la rive est toute proche. Veux-tu que nous allions sur la rive ? Nous trouverons des pêcheurs… Il suffit de traverser ces jardins.
– Non, non ! Nous nous éloignons de nouveau de la ville ! Et puis… Les bateliers sont presque tous grecs, crétois, arabes, égyptiens, romains… »
On dirait qu’elle énumère autant de classes de l’enfer. La Vierge ne peut s’empêcher de sourire à l’ombre de son voile.
Elles avancent. La route se change en avenue. Il y a plus d’ombre que jamais… et plus de peur que jamais pour Marie, femme d’Alphée, qui invoque Yahvé à chacun des pas de plus en plus traînants qu’elle fait.
« Allons, courage ! Dépêche-toi, si tu as peur ! dit, pour l’encourager, la Vierge qui, à chaque invocation, a répondu : “ Maran Atha ! ” »