Os Escritos de Maria Valtorta

564. L’homme de Jabnia et la fin d’Hermastée.

564. O homem de Jabnia e o fim de Hermasteu.

564.1

Il s’est passé plusieurs jours. Je dis cela, car je vois que les blés, qui dans les dernières visions mesuraient à peine un empan[1], ont beaucoup grandi après les dernières pluies et le beau soleil qui leur a succédé, et se préparent à former des grains. Une légère brise fait onduler les tiges encore tendres des épis. Le vent joue avec les nouvelles frondaisons des arbres fruitiers les plus précoces : à peine leurs fleurs tombées, alors que des pétales voltigent et tombent encore, leurs petites feuilles d’émeraude s’ouvrent, claires, tendres, brillantes, belles comme tout ce qui est vierge et nouveau. Plus tardives, les vignes sont encore nues et noueuses, mais sur les sarments enchevêtrés, d’un cep à l’autre, les bourgeons ont déjà rompu la sombre enveloppe qui les enserrait et, encore clos, ils laissent déjà apparaître le duvet gris argent, nid des pampres et des vrilles à venir. Les festons ligneux et serpentins des vignobles semblent s’assouplir et prendre une grâce nouvelle.

Le soleil, déjà chaud, commence son travail de coloriste et de distillateur des arômes végétaux ; et pendant qu’il peint de teintes plus vives ce qui, hier encore, était pâle, sa chaleur permet de libérer les mille nuances des senteurs des sillons, des prés en fleurs, des champs de céréales, des jardins et des vergers, des bosquets, des murs, du linge étendu à sécher, pour en faire une unique symphonie olfactive qui durera tout l’été, avant de s’éteindre en une violente odeur de moût dans les cuves où les raisins pressés se changent en vin.

On entend tout un concert de chants d’oiseaux dans les feuillages, des agneaux et des brebis qui bêlent doucement dans les troupeaux, mais aussi des chansons d’hommes sur les pentes, les rires des enfants et la verve des femmes. C’est le printemps. La nature aime, et l’homme se réjouit de l’amour de la nature qui, demain, le rendra plus riche, tout comme de ses propres amours qui s’enflamment avec une vivacité nouvelle dans ce réveil serein. Son épouse lui paraît plus aimable, l’homme paraît plus protecteur à sa compagne et les enfants sont plus chers à tous les deux qui, aujourd’hui sourire et travail, seront demain dans leur vieillesse, sourire encore et déclin.

564.2

Jésus passe à travers les champs, qui montent et descendent en suivant les dénivellations de la montagne. Il est seul. Il s’est habillé de lin, puisqu’il a donné à Samuel son dernier vêtement de laine, mais il porte un léger manteau d’un bleu plutôt vif, jeté sur une seule épaule, puis mollement enroulé autour du corps et qu’il retient avec son bras sur la poitrine. Le pan jeté sur le bras se balance légèrement sous la brise très légère qui parcourt la terre, et sur sa tête ondule sa chevelure, qui brille au soleil. Là où il rencontre des enfants, il se penche pour caresser leurs petites têtes innocentes, écouter leurs confidences et admirer ce qu’ils viennent lui montrer comme si c’était un trésor.

Une fillette qui trébuche encore en courant, tant elle est petite, et s’empêtre dans une robe trop longue pour elle, qu’elle a peut-être héritée d’un petit frère un peu plus âgé, arrive. Un sourire illumine ses yeux et découvre ses petites incisives entre ses lèvres rosées. Elle a dans les mains un bouquet de marguerites, autant qu’elle peut en tenir, et elle lève son trophée en disant :

« Tiens ! C’est pour toi. Pour maman, ce sera après. Un baiser, ici ! »

Et de ses menottes, désormais libérées du bouquet que Jésus a pris avec des exclamations d’admiration et de remerciements, elle se frappe la bouche. Elle se tient, la tête renversée, se tendant sur ses pieds déchaussés jusqu’à en perdre presque l’équilibre, dans la vaine tentative d’allonger sa minuscule personne jusqu’au visage de Jésus. Il la prend dans ses bras en riant et s’avance avec elle, qui est accroupie là-haut comme un oiseau sur un grand arbre, vers un groupe de femmes en train de laver des toiles neuves dans les eaux limpides d’un ruisseau avant de les étendre pour qu’elles blanchissent au soleil.

Les femmes penchées sur l’eau se redressent pour saluer, et l’une d’elles dit en souriant :

« Tamar t’a dérangé… Mais elle est là depuis l’aurore à cueillir des fleurs avec l’espoir secret de te voir passer. Elle ne m’en a pas donné une seule, car elle voulait d’abord te les offrir.

– Elles me sont plus chères que les trésors des rois, car elles sont innocentes comme les petits et données par une enfant innocente comme les fleurs. »

Il donne un baiser à la fillette en la déposant par terre et lui sourit :

« Que vienne à toi la grâce du Seigneur. »

Il salue les femmes et continue son chemin en saluant les agriculteurs ou les bergers, qui y répondent à partir des champs ou des prés.

564.3

Il semble descendre du côté qui mène vers Jéricho, mais il revient en arrière pour prendre un autre sentier qui s’élève de nouveau vers les montagnes au nord d’Ephraïm. Ici le sol, bien exposé et à l’abri des vents du nord, porte des moissons plus belles. Le sentier entre les deux champs longe d’un côté des arbres fruitiers à des distances presque régulières, et les bourgeons des prochains fruits sont déjà comme autant de perles le long des branches.

Une route qui descend du nord vers le midi coupe le chemin. Il doit s’agir d’une route assez importante car, au croisement, on voit l’une de ces bornes milliaires dont les Romains se servent, avec une inscription sur la face septentrionale : “ Neapolis ” — gravée en grand avec les caractères lapidaires des Latins, forts comme eux-mêmes — et sous ce nom, en caractères beaucoup plus petits à peine marqués dans le granit : “ Sichem ”; sur la face occidentale : “ Silo-Jérusalem ”; et sur le côté tourné vers le midi : “ Jéricho ”. Du côté du levant, il n’y a aucune indication.

Mais on pourrait dire que, s’il n’y a pas de nom de ville, il y a l’indication d’un malheur humain. En effet, par terre, entre la borne milliaire et le fossé qui longe la route — comme sur toutes les voies entretenues par les Romains, un fossé est creusé pour l’écoulement des eaux en temps de pluies —, git un homme recroquevillé, un paquet de haillons et d’os, peut-être mort.

564.4

Quand il le découvre au milieu des herbes du bord de la route que les ondées de printemps ont rendues luxuriantes, Jésus s’incline sur lui, le touche et l’appelle :

« Homme, qu’as-tu ? »

Un gémissement lui répond. Mais le tas de haillons remue, se retourne, et un visage squelettique, qui pourrait être celui d’un mort, apparaît. Deux yeux au regard fatigué et souffrant observent avec étonnement celui qui se penche sur sa misère. Il tente de s’asseoir en prenant appui sur le sol de ses mains décharnées, mais il est dans un état si lamentable que, sans l’aide de Jésus, il n’y parviendrait pas.

Jésus l’appuie contre la borne milliaire et lui demande :

« Qu’as-tu donc ? Es-tu malade ?

– Oui. »

C’est un oui très faible.

« Mais comment as-tu pu te mettre en voyage, tout seul, dans cet état ? N’as-tu personne ? »

L’homme fait signe que si, mais il est trop affaibli pour répondre.

Jésus regarde autour de lui. Il n’y a personne dans les champs, c’est un endroit vraiment désert. Au nord, presque au sommet d’une colline, se trouvent une poignée de maisons ; à l’ouest, dans la verdure de la pente qui, en gravissant d’autres mamelons, se change de champs en prairies et bosquets, quelques bergers font paître un troupeau de chèvres agitées. Jésus baisse de nouveau les yeux sur l’homme. Il lui demande :

« Si je t’aidais, te sentirais-tu capable de marcher jusqu’à ce village ? »

L’homme secoue la tête et deux larmes coulent sur ses joues si flétries qu’elles en paraissent rugueuses comme s’il était âgé, alors que sa barbe noire montre qu’il est jeune encore. Il rassemble ses forces pour dire :

« Ils m’ont chassé… Peur de la lèpre… Je ne suis pas… Et je meurs… de faim. »

Il meurt de faiblesse. Il se met un doigt dans la bouche et en sort une bouillie verdâtre :

« Regarde… J’ai mastiqué du grain… mais il est encore en herbe.

– Je vais trouver ce berger. Je vais t’apporter du lait tiède. J’aurai vite fait. »

Et au pas de course, il se dirige là où se trouve le troupeau, à environ deux cents mètres au-dessus de la route.

Il rejoint le berger, lui parle, lui indique où se trouve l’homme. Le berger se tourne pour regarder, l’air indécis, se demandant s’il doit écouter la demande de Jésus. Puis il se décide. Il détache le gobelet de bois qu’il porte à sa ceinture comme tous les bergers, et trait une chèvre pour remettre une tasse pleine à Jésus, qui descend avec précaution la pente. Un enfant qui était avec le berger le suit.

564.5

Le voici de retour auprès de l’affamé. Il se met à genoux à ses côtés, lui passe un bras derrière les épaules pour le soutenir et approche le bol, où le lait écume encore, de ses lèvres. Il lui fait boire de petites gorgées, puis il pose le récipient sur le sol en disant :

« Pour l’instant, c’est assez. Tout avaler en une seule fois te ferait du mal. Laisse ton estomac se ranimer en absorbant le lait que je t’ai donné. »

L’homme ne proteste pas. Il ferme les yeux et se tait, observé par pastoureau, tout ému.

Après un moment, Jésus lui présente de nouveau le gobelet pour qu’il boive plus longuement, et il fait ainsi avec des pauses de plus en plus courtes, jusqu’à ce que le lait soit fini. Il rend le bol à l’enfant et le remercie.

L’homme se ranime lentement. Il cherche avec des mouvements encore incertains à se rendre présentable. Il a un sourire de reconnaissance en regardant Jésus, qui s’est assis sur l’herbe près de lui, mais il s’excuse :

« Je te fais perdre du temps.

– Ne te désole pas ! Le temps employé à aimer ses frères n’est jamais perdu. Quand tu iras mieux, nous parlerons.

– Je vais déjà mieux. La chaleur revient dans mes membres, ainsi que la vue… J’ai bien cru que j’allais mourir ici… Mes pauvres enfants ! J’avais perdu tout espoir… Et jusqu’à présent, j’en avais eu tant !… Si tu n’étais pas venu, je serais mort… comme ça… au bord d’une route …

– Cela aurait été très triste, c’est vrai. Mais le Très-Haut a regardé son fils et l’a secouru. Repose-toi un peu. »

L’homme obéit un moment, puis il rouvre les yeux et dit :

« Je me sens revivre. Ah ! si je pouvais me rendre à Ephraïm !

– Pourquoi ? Quelqu’un t’y attend ? Es-tu de là-bas ?

– Non.

564.6

Je suis des campagnes de Jabnia, près de la Grande Mer, mais j’ai pris le chemin de la Galilée, en longeant le rivage jusqu’à Césarée. Je suis allé ensuite à Nazareth, car je souffre ici (il se frappe l’estomac) d’une maladie que personne n’a su guérir et qui m’empêche de travailler la terre. En outre, je suis veuf avec cinq enfants… Quelqu’un de nos régions — car je suis originaire de Gaza, né d’un père philistin et d’une mère syro-phénicienne —, l’un des nôtres donc, qui suivait le Rabbi de Galilée, est venu avec un autre parmi nous, pour nous parler de ce Rabbi. Je l’ai entendu moi aussi et, quand je me suis senti si mal en point, j’ai pensé :

“ Je suis syrien et philistin, une ordure pour Israël. Mais Hermastée disait que le Rabbi de Galilée est aussi bon que pui­ssant ; je le crois et je vais le trouver. ”

Ainsi, à peine venu un meilleur temps, j’ai laissé les enfants à ma belle-mère, j’ai rassemblé le peu de ressources que je pos­sédais — car la maladie en avait englouti beaucoup — et je suis parti chercher le Rabbi. Mais l’argent s’épuise vite en voyage, surtout quand on ne peut pas manger de tout… et il me fallait séjourner dans les auberges quand les douleurs m’empêchaient de marcher. A Séphoris, j’ai vendu mon âne, car je n’avais plus d’argent pour moi et pour donner au Rabbi ce qui lui est dû. Je pensais qu’une fois guéri, j’allais pouvoir manger de tout en route, revenir bientôt à la maison et là, en travaillant dans mes champs et dans ceux d’autres personnes, rétablir ma situation… Mais le Rabbi ne se trouve ni à Nazareth, ni à Capharnaüm. C’est sa Mère qui me l’a appris. Elle m’a dit :

“ Il est en Judée. Cherche-le chez Joseph de Séphoris à Bézéta, ou à Gethsémani. Ils sauront t’indiquer où il est. ”

Je suis revenu sur mes pas. Le mal grandissait et l’argent diminuait. A Jérusalem, où l’on m’avait envoyé, j’ai trouvé des hommes mais pas le Rabbi. Ils m’ont répondu :

“ Oh ! il a été chassé depuis longtemps. Il est maudit par le Sanhédrin. Il s’est enfui, nous ne savons où. ” Je me suis senti mourir… comme aujourd’hui, et même davantage. J’ai questionné des centaines de gens à travers la ville et dans les campagnes. Personne ne savait. Certains pleuraient avec moi. Plusieurs m’ont frappé. Puis, un jour où je m’étais mis à mendier en dehors des murs du Temple, j’ai entendu deux pharisiens dire :

“ Maintenant que l’on sait que Jésus de Nazareth se trouve à Ephraïm… ”

Je n’ai pas perdu de temps et, en dépit de ma faiblesse, je suis arrivé jusqu’ici en mendiant mon pain, de plus en plus déchiré et de plus en plus malade. Dans mon ignorance, je me suis trompé de route… Aujourd’hui, je viens d’ici, de ce village. Il y avait deux jours que je ne mangeais que du fenouil sauvage et que je mâchonnais de la chicorée ainsi que du blé en herbe. On m’a cru lépreux à cause de ma pâleur et on m’a chassé à coups de pierres. Moi, je ne demandais que du pain et je désirais que l’on m’indique la route d’Ephraïm… Je suis tombé ici… Mais je voudrais me rendre à Ephraïm. Je suis si près du but ! Peut-il se faire que je ne l’atteigne pas ? Je crois au Rabbi. Je ne suis pas israélite, mais Hermastée ne l’était pas non plus, et Jésus l’aimait pareillement. Est-il possible que le Dieu d’Israël appesantisse sa main sur moi pour se venger des fautes de ceux qui m’ont engendré ?

– Le Dieu vrai est le Père des hommes, il est juste, mais bon. Il récompense celui qui a la foi et ne fait pas payer aux innocents des fautes qui ne sont pas les leurs.

564.7

Mais pourquoi as-tu dit que, lorsque tu as appris que la demeure du Rabbi était inconnue, tu t’es davantage senti mourir qu’aujourd’hui ?

– Voilà ce que j’ai pensé : “ Je l’ai perdu avant même de l’avoir trouvé. ”

– Ah ! à cause de ta santé ! ”

– Non, pas pour cette seule raison. Mais parce que, d’après les dires d’Hermastée, il me semblait que si je l’avais connu, je n’aurais plus été une ordure.

– Tu crois donc qu’il est le Messie ?

– Oui. Je ne sais pas bien ce qu’est le Messie, mais je crois que le Rabbi de Nazareth est le Fils de Dieu. »

Avec un sourire lumineux, Jésus demande :

« Et es-tu certain que, s’il l’est, il va t’exaucer, toi un incir­concis ?

– J’en suis certain, car Hermastée le disait. Il affirmait : “ Il est le Sauveur de tous. Pour lui, il n’est pas question de juifs ou d’idolâtres, mais seulement de créatures à sauver, car le Seigneur Dieu l’a envoyé pour cela. ” Plusieurs ricanaient. Moi, j’y ai cru. Si je peux lui dire : “ Jésus, aie pitié de moi ”, il m’exaucera. Ah ! si tu es d’Ephraïm, conduis-moi à lui. Peut-être es-tu l’un de ses disciples… »

564.8

Jésus sourit toujours plus et lui conseille :

« Essaie de me demander, à moi, de te guérir…

– Tu es bon, homme. Près de toi, il y a tant de paix ! Oui, tu es bon comme… comme le Rabbi lui-même. Il t’aura sûrement accordé le pouvoir de faire des miracles, car, pour être bon comme tu l’es, tu ne peux qu’être l’un de ses disciples. Ceux qui ont dit l’être m’ont tous paru bons. Mais ne le prends pas mal, si je te dis que tu pourrais bien guérir les corps, mais pas les âmes. Or je souhaiterais que la mienne soit guérie, comme c’est arrivé à Hermastée. Devenir un juste… Et cela, seul le Rabbi peut le faire. Je suis non seulement malade, mais aussi pécheur. Je ne veux pas voir mon corps guéri pour le voir mourir un jour, et l’âme avec lui. Je veux vivre. Hermastée affirmait que le Rabbi est la vie de l’âme, et que l’âme qui croit en lui vivra pour toujours dans le Royaume de Dieu. Conduis-moi au Rabbi. Sois bon ! Pourquoi souris-tu ? Peut-être penses-tu que je suis audacieux de vouloir la guérison sans avoir les moyens d’offrir une obole ? Mais, une fois guéri, je pourrai encore cultiver la terre. J’ai de très beaux fruits. Que le Rabbi vienne à la saison des fruits et je le paierai en lui accordant l’hospitalité aussi longtemps qu’il le voudra.

– Qui t’a dit que le Rabbi demande de l’argent ? Hermastée ?

– Non. Au contraire, lui disait que le Rabbi a pitié des pauvres et qu’il les secourt les premiers. Mais c’est ainsi que l’on agit d’habitude avec tous les médecins et… et avec tous, en somme.

– Mais pas avec lui, je t’assure. Et je t’affirme que, si tu sais élever ta foi jusqu’à demander ici ce miracle, et à le croire possible, tu l’obtiendras.

– Tu dis la vérité ?… En es-tu certain ? Bien sûr, si tu es un de ses disciples, tu ne peux mentir ni te tromper. Et, bien que je regrette de ne pas voir le Rabbi… je veux t’obéir… Probablement, persécuté comme il l’est… il ne veut pas qu’on le voie… il ne se fie plus à personne. Il a raison, néanmoins sa ruine ne viendra pas de nous, mais de vrais Hébreux… Pourtant, voilà. Je dis ici (il se met à genoux avec beaucoup de peine) : “ Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi ! ”

– Eh bien ! qu’il te soit fait comme ta foi le mérite » réponds Jésus en faisant son geste de commandement sur les maladies.

564.9

L’homme a une sorte d’éblouissement, c’est-à-dire une lumière imprévue. Il comprend — je ne sais si c’est par ouverture de son intelligence ou par une sensation physique, ou par les deux — il comprend qui est celui qui se tient devant lui, et il pousse un cri si aigu que le petit berger, descendu vers la route — peut-être pour voir — hâte le pas.

L’homme est par terre, le visage dans l’herbe, et le pastoureau demande, en le montrant de sa houlette :

« Il est mort ? Il faut autre chose que du lait quand quelqu’un approche de sa fin ! »

Et il hoche la tête.

L’homme entend et il se met sur ses pieds, fort, en bonne santé. Il s’écrie :

« Mort ? Mais je suis guéri ! Je suis ressuscité ! C’est lui qui l’a fait. Je ne souffre plus de la faim, ni des douleurs de la maladie. Je suis comme au jour de mes noces ! Oh ! Jésus béni ! Comment ne t’ai-je pas reconnu plus tôt ? Ta pitié aurait dû me dire ton nom, tout comme la paix que je sentais près de toi ! J’ai été aveugle. Pardonne à ton pauvre serviteur ! »

Et il se jette de nouveau par terre en adoration.

Le berger abandonne ses chèvres pour partir en courant et en sautant vers le hameau.

564.10

Jésus s’assied à côté de l’homme guéri et lui dit :

« Tu m’as parlé d’Hermastée comme d’un mort. Tu connais donc sa fin. Je ne veux qu’une chose de toi : que tu m’accompagnes à Ephraïm et que tu racontes son décès à un homme qui est avec moi. Puis je t’enverrai à Jéricho, chez une femme disciple, afin qu’elle te vienne en aide pour ton voyage de retour.

– Je t’accompagnerai si tu le désires, mais maintenant que je suis en bonne santé, je n’ai plus peur de mourir en route. Même l’herbe suffit à me nourrir et je n’ai pas honte de tendre la main, car ce n’est pas d’une manière crapuleuse, mais avec une intention juste que j’ai dépensé mes biens.

– Je le désire. Tu lui rapporteras que tu m’as vu et que je l’attends ici, que désormais elle peut venir et que personne ne l’importunera. Sauras-tu dire cela ?

– Je le saurai. Ah ! pourquoi te haïssent-ils, toi qui es si bon ?

– Parce que beaucoup d’entre eux ont en eux un esprit qui les y pousse. Allons. »

Jésus se met en route pour Ephraïm, et l’homme le suit avec assurance. Seule sa grande maigreur rappelle sa maladie et ses privations passées.

Pendant ce temps, du petit village descendent beaucoup de personnes qui crient et gesticulent. Elles appellent Jésus, lui demandent de s’arrêter. Mais au lieu de les écouter, Jésus hâte le pas, et elles le suivent…

Le voilà de nouveau dans le voisinage d’Ephraïm. Les cultivateurs qui se préparent à rentrer chez eux, car le soleil va se coucher, le saluent en observant l’homme l’accompagne.

564.11

D’un sentier débouche Judas. Surpris, il sursaute à la vue du Maître. Mais Jésus ne manifeste aucun étonnement. Il se contente de s’adresser à l’homme de Jabnia.

« Voici l’un de mes disciples. Parle-lui d’Hermastée[2].

– Eh ! c’est vite dit. Il était infatigable pour annoncer le Christ, même après qu’il voulut se séparer de son compagnon pour rester chez nous. Il déclarait que nous avions plus que tous besoin de te connaître, Rabbi ; il voulait t’annoncer dans sa patrie, et serait retourné à toi quand il aurait proclamé ton nom dans les moindres hameaux. Il vivait comme un pénitent. Si par pitié une personne lui donnait un pain, il la bénissait en ton nom. Si on lui jetait des pierres, il se retirait en bénissant tout autant. Il se nourrissait de fruits sauvages et de mollusques marins qu’il arrachait aux rochers ou tirait du sable. Plusieurs le traitaient de “ fou ” mais, au fond, personne ne lui voulait du mal. Tout au plus le chassait-on comme s’il était un oiseau de mauvais augure. Un beau jour, on l’a trouvé mort sur le chemin, tout près de mon village, sur la route qui entre en Judée, presque à la frontière. On n’a jamais su de quoi il est mort, mais on raconte tout bas qu’il a été tué par quelqu’un qui ne voulait pas que l’on annonce le Messie. Il avait une profonde blessure à la tête. On a supposé qu’il a été renversé par un cheval, mais je n’y crois pas. Il souriait, étendu dans la poussière. Oui, il paraissait sourire aux dernières étoiles de la plus sereine nuit d’Elul et aux premiers rayons de soleil du matin. Il fut trouvé au point du jour par des jardiniers qui allaient en ville avec leurs légumes, et ils me l’ont appris quand ils sont passés pour prendre mes concombres. J’ai couru voir : il était dans une grande paix.

– Tu as entendu ? demande Jésus à Judas.

– J’ai entendu. Mais ne lui avais-tu pas annoncé qu’il allait te servir et aurait une longue vie ?

– Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit. Le temps qui s’est passé assombrit tes souvenirs. Mais ne m’a-t-il pas servi en évangélisant en pays de mission, et n’a-t-il pas eu une longue vie ? Quelle vie pourrait être plus longue que lorsqu’elle est conquise par un homme qui meurt au service de Dieu ? Elle est non seulement longue, mais glorieuse aussi. »

Judas émet ce petit rire étrange qui me choque tellement, et il ne réplique rien.

564.12

Pendant ce temps, le groupe qui vient du hameau a rejoint des habitants d’Ephraïm et tous discutent en montrant Jésus.

Jésus ordonne à Judas :

« Accompagne cet homme à la maison et finis de le restaurer. Il partira après le sabbat, qui commence déjà. »

Judas obéit. Resté seul, Jésus marche lentement en se penchant pour observer les tiges des blés qui commencent à former des épis.

Des habitants d’Ephraïm lui disent :

« Il est beau, ce blé, n’est-ce pas ?

– Oui, mais pas différent de celui des autres régions.

– Certainement, Maître : c’est toujours du blé ! Et il doit forcément être pareil.

– C’est ce que vous pensez ? Alors le blé est meilleur que les hommes. En effet, pourvu qu’il soit semé comme il faut, il produit le même fruit ici qu’en Judée ou en Galilée, ou, disons, dans les plaines au bord de la Grande Mer. Les hommes, au contraire, ne donnent pas le même fruit. La terre aussi est meilleure que les hommes : quand on lui confie une semence, elle la fait germer, sans faire de différence selon que la graine vient de Samarie ou de Galilée.

– C’est vrai. Mais pourquoi dis-tu que la terre et le blé sont meilleurs que les hommes ?

– Pourquoi ?…

564.13

Tout à l’heure, un homme a quémandé un pain, par pitié, aux portes d’un village. Il en a été chassé, car les gens l’ont cru Judéen. Il a été chassé à coups de pierres et au cri de “ lépreux ”, qu’on lui attribuait à cause de sa maigreur, mais qui était due à sa maladie. Le malheureux a failli mourir de faim sur la route. Donc les gens de ce village, ces gens-là qui vous ont envoyés pour m’interroger et qui voudraient venir à la maison où je réside pour voir le miraculé, sont plus mauvais que le blé et la terre, parce qu’ils n’ont pas su — bien que je les travaille depuis longtemps — produire le même fruit que cet homme. Or celui ci n’est ni juif, ni samaritain, il ne m’avait jamais vu ni entendu, mais il a accueilli les paroles d’un de mes disciples et a cru en moi sans me connaître. Mais ces gens sont plus mauvais que ces terres, puisqu’ils ont repoussé l’homme comme étant d’une autre semence. Et maintenant, ils voudraient venir pour satisfaire leur curiosité dévorante, eux qui n’ont pas su satisfaire la faim d’un homme à la dernière extrémité ! Dites-leur que le Maître ne satisfera pas cette vaine curiosité. Et apprenez tous la grande loi de l’amour, sans laquelle vous ne pourriez jamais me suivre. Ce n’est pas l’amour pour moi, ce n’est pas cela seulement qui sauvera vos âmes, mais l’amour de ma doctrine. Or ma doctrine enseigne l’amour fraternel sans distinction de race ni de fortune. Qu’ils s’en aillent donc, ces gens au cœur dur qui ont affligé mon cœur, et qu’ils se repentent s’ils veulent que je les aime. Car, souvenez-vous en tous, si je suis bon, je suis juste aussi ; si je ne fais pas de distinctions et si je vous aime autant que les autres hommes de Galilée et de Judée, cela ne doit pas vous rendre sottement orgueilleux d’être des préférés, ni vous permettre de mal agir, sous prétexte que vous n’auriez pas à craindre de reproches de ma part. Je fais des éloges ou des reproches, selon que la justice le veut, à mes parents et à mes apôtres comme à toute autre personne, et sous mes reproches il y a de l’amour. J’agis ainsi parce que je veux que la justice habite les cœurs, pour pouvoir récompenser un jour celui qui l’a pratiquée. Allez-le-leur rapporter, et que cette leçon produise du fruit en tous. »

Jésus s’enveloppe dans son manteau et se dirige rapidement vers Ephraïm en laissant ses interlocuteurs qui, l’air penaud, vont répéter les paroles du Maître aux habitants du petit village qui n’ont pas eu pitié.

564.1

Já devem ter passado alguns dias. Eu falo assim porque estou vendo os trigais, que nas últimas visões tinham apenas a altura de um palmo, depois das últimas chuvas e do belo sol que veio em seguida a elas, já estão altos e dando sinais de que as espigas vêm chegando. Um vento suave está fazendo ondulações com os cereais, que ainda estão flexíveis em seus cálamos. E a brisa fica brincando com a folhagem nova das mais precoces entre as árvores frutíferas que, mal tenha caído a flor ou enquanto ela vai-se despetalando e caindo, já abriram suas folhinhas de esmeralda clara, tenras, luzidias, belas como tudo aquilo que é virgem e novo. Mais renitentes são as videiras, ainda nuas e nodosas, mas que, sobre os cordões contorcidos dos sarmentos, entrançam-se uns nos outros e passam de um caule nativo para outro; os brotos já romperam a casca escura que as ocultava e, ainda ocultas, mostram já a penugem cinzenta, que é o ninho dos futuros pampanos e das gavinhas novas, e os lenhosos e serpentiformes festões dos vinhedos parecem revestirem-se de uma graça nova.

O sol, que já está quente, começa sua obra de colorista e de destilador de aromas vegetais e, enquanto pincela com tintas mais vivas o que ainda ontem era bem pálido, esquenta os terrões e assim extrai deles, dos prados em flor, dos campos de cereais, dos jardins e dos mares, dos bosques, das paredes, dos tecidos estendidos para se enxugarem, as diversas notas dos odores, para fazer com tudo isso uma sinfonia olfativa, até se exalar em alguma violenta fermentação de mostos nas tinas, nas quais as uvas espremidas se transformam em vinho.

Ouve-se um belo canto de pássaros por entre os ramos e um insistente balido de carneiros por entre os rebanhos. E também o canto de homens que estão trabalhando pelas encostas e as vozes de meninos sorridentes. E o sorriso das mulheres. É a primavera. A natureza ama. E o homem se deleita com o amor da natureza, que amanhã o tornará mais rico; e se alegra em seus amores, que se tornam mais vivos em seu despertar sereno; e mais amável lhe parece sua esposa, mais protetor parece também o homem à sua consorte e aos dois mais queridos, os filhos, que agora sorriem e trabalham, e amanhã, na velhice dos pais já adiantada, serão o sorriso e proteção para eles.

564.2

Jesus caminha pelos campos, subindo e descendo, conforme os desníveis do monte. Está sozinho. Está com sua veste de linho, porque sua última veste de lã Ele a deu a Samuel, mas leva também um pequeno manto, de um azul um tanto vivo, posto sobre um dos ombros e enrolado no corpo, mas pouco apertado, e seguro por um braço sobre o peito. A parte colocada sobre o braço flutua levemente ao vento agradável, que está passando sobre a terra, e seus cabelos ondulados, sobre a cabeça descoberta, cintilam ao sol. Ele vai indo, e nos lugares em que há meninos pequeninos Ele se inclina sobre eles, para acariciar as cabecinhas inocentes, ouvir as suas pequenas confidências e admirar o que eles correm para lhe mostrar, como se fosse um tesouro.

Uma meninazinha, que ainda tropeça ao correr de tão pequenina que é, fica embaraçada quando quer correr, pois a pequena saia ainda é comprida demais para ela e talvez a tenha herdado do irmãozinho que nasceu antes dela. Mas, afinal, ela chega toda sorridente, com uns olhos vivos, e lhe mostrando seus incisivos por entre os labiozinhos rosados, e segurando um maço de margaridinhas, um maço grosso seguro nas duas mãos, com tantas margaridinhas quantas possam segurar aquelas mãozinhas tão delicadas e pequenas, e ela levanta o seu troféu, dizendo:

– Para ti! É teu. Para a mamãe, depois. Um beijo aqui!

E bate as mãos, que agora estão livres do macinho que Jesus recebeu com palavras de admiração e agradecimento, sobre a boquinha, e está com a cabeça virada para trás, de pé sobre os pezinhos descalços, quase perdendo o equilíbrio, com a inútil tentativa de espichar sua pequenina pessoa até o rosto de Jesus, que se ri, tomando-a nos braços e indo com ela, acocorada lá em cima, como se fosse um passarinho sobre uma árvore alta, enquanto Ele vai indo em direção a um grupo de mulheres que está lavando uns tecidos novos nas águas límpidas de um rio, para estendê-los depois e alvejá-los ao sol.

As mulheres, inclinadas sobre a água, levantam-se para saudá-lo, e uma delas diz, sorrindo:

– Tamar te foi perturbar… Mas ela está desde o raiar do dia aqui, colhendo flores, com a secreta esperança de ver-te passar. Nem me deu nenhuma delas, porque antes queria dá-las a Ti.

– Eu as considero mais caras do que os tesouros do rei. Porque são inocentes como os pequeninos, e dadas por uma inocente, tão inocente como as flores.

Jesus beija a menina e a põe no chão, saudando-a:

– Venha a ti a graça do Senhor.

Saúda as mulheres e prossegue por seu caminho, saudando os agricultores ou os pastores, que o saúdam dos campos e dos prados.

564.3

Parece que Ele se dirige para baixo, para o lado de Jericó. Mas depois Ele volta atrás e toma um outro caminho, que sobe de novo para os montes, ao norte de Efraim. Aqui o solo, bem exposto, mas ao abrigo dos ventos do norte, tem também messes muito bonitas. A trilhazinha entre os dois campos tem, de um lado, árvores frutíferas, a distâncias quase regulares, e os botões dos próximos frutos já estão parecendo pérolas ao longo dos ramos.

Uma estrada, que desce do norte para o sul, atravessa a trilhazinha. Deve ser uma estrada muito importante, porque no ponto da encruzilhada está um dos marcos miliários usados pelos romanos, com um letreiro escrito na face setentrional: “Neápolis.” E por baixo desse nome, esculpidas com letras bem grandes, em moldes lapidares latinos, fortes como eles mesmos, mas em letras menores, está apenas escrito no granito: “Siquém.” E na face ocidental: “Silo-Jerusalém”! E na face do sul: “Jericó.” Na face leste não há nome algum.

Mas poder-se-ia dizer que, se não há nome de cidade, lá está o nome de uma desventura humana. Porque no chão, entre a lápide miliária e a vala que margeia a estrada, como em todas as estradas sob os cuidados dos romanos, escavada para o escoamento das águas pluviais, há um homem encolhido, como um monte de trapos e de ossos, parecendo morto.

564.4

Jesus se inclina sobre ele, quando o descobre entre as ervas da beira da estrada e que as águas da primavera tornaram viçosas, e toca nele, chamando-o:

– Homem, que é que tens?

Um gemido é a resposta. Mas o vulto se move e se descobre, e um rosto emagrecido da cor de um morto, aparece; e dois olhos cansados, cheios de sofrimento e languidez, olham estupefato para Aquele que está inclinado sobre suas misérias. Ele procura sentar-se, apoiando-se no chão com suas mãos esqueléticas, mas está tão fraco que, sem a ajuda de Jesus, não poderia.

Jesus o ajuda, fazendo que ele se apoie com as costas no marco miliário. E lhe pergunta:

– Que é que tens? Estás doente?

– Sim.

Mas é um sim dito com voz muito fraca.

– Mas como pôr-se em viagem sozinho, e nesse estado? Não tens ninguém?

O homem faz sinal que sim. Mas está muito fraco para responder.

Jesus olha ao seu redor. Não há ninguém nos campos. E o lugar é deserto mesmo. Ao norte, quase no alto de um morro, há um grupinho de casas. A oeste, por entre o verde da encosta, que vai mudando à medida que se vai subindo para outros cumes, onde há prados e bosques, há pastores que vão pelo meio de um rebanho de cabras irrequietas. Jesus torna a baixar os olhos sobre o homem. E lhe pergunta:

– Se Eu te ajudasse, achas que poderias ir até aquele lugar?

O homem sacode a cabeça e duas lágrimas escorrem por suas faces, que estão tão murchas como se fossem rugas de velhice, enquanto que sua barba, com reflexos meio azulados, mostra que ele é ainda jovem. Mas ele ajunta todas as suas forças para dizer:

– Expulsaram-me… com medo da lepra… eu não sou leproso… E estou morrendo… de fome.

Está ofegante por causa de sua fraqueza. Ele enfia o dedo na boca e tira dela uma papinha verdoenga:

– Olha… Eu mastiguei trigo… mas ele é ainda apenas uma erva.

– Eu vou falar com aquele pastor. E te trarei leite morno. Volto já.

E sai correndo para lá onde está o rebanho, a uns duzentos metros acima da estrada.

Chega até o pastor e lhe fala, mostrando onde é que está o homem. O pastor torna a olhar, parece titubeante se atender ou não ao pedido de Jesus. Depois ele se decide. Tira da cintura a tigela de madeira, que ele leva pendurada como todos os pastores, e tira leite de uma cabra, dando a tigela cheia a Jesus, que desce com cuidado pela encosta, acompanhado por um menino que estava com o pastor.

564.5

Ei-lo de volta ao esfaimado. Pôs-se de joelhos perto dele, passa-lhe um braço por detrás das costas, para sustentá-lo, e aproxima de seus lábios a tigela onde o leite ainda está coberto de espuma. E faz que ele beba em pequenos goles. Depois, descansa a tigela no chão, dizendo:

– Por enquanto, é isso. Tudo de uma vez te faria mal. Deixa primeiro que o teu estômago se reanime, absorvendo o leite que te dei.

O homem não protesta. Ele fecha os olhos e fica calado, sendo observado pelo menino com grande espanto. Depois de algum tempo, oferece de novo a tigela, para ele beber por mais tempo, e assim vai fazendo, com pausas, cada vez mais breves, até o leite acabar. Depois entrega a tigela ao menino e o despacha.

O homem vai se reanimando lentamente. Procura, com uns movimentos ainda incertos, compor-se um pouco. Mostra um sorriso de reconhecimento, ao olhar para Jesus, que está sentado sobre a grama, perto dele. E se desculpa:

– Eu te estou fazendo perder tempo.

– Não te aflijas! Nunca é perdido o tempo usado para amar os irmãos. Quando estiveres melhor, falaremos.

– Já estou melhor. Já me está voltando o calor aos membros, e a vista… Eu pensei que ia morrer aqui… Pobres de meus filhos! Eu havia perdido toda esperança… Mas até aquela hora eu tinha tido tanta!… Se Tu não viesses, eu estaria morto… assim… numa estrada…

– Teria sido uma coisa muito triste. É verdade. Mas o Altíssimo olhou para o seu filho e o socorreu. Descansa um pouco.

O homem obedece por algum tempo. Depois torna a abrir os olhos, e diz:

– Eu me sinto reviver. Oh! Se eu pudesse ir a Efraim.

– Por quê? Tens lá alguém te esperando? Ou és de lá?

– Não.

564.6

Eu sou do campos de Jabnia, perto do Mar Grande. Mas eu fui à Galileia, ao longo das beiras, tendo chegado até Cesaréia. Depois, fui a Nazaré. Porque estou doente aqui (e bate sobre o estômago). E de um mal que ninguém sabe curar, e que não me deixa trabalhar a terra. E sou viúvo. E com cinco crianças… Um dos nossos lugares é Gaza, onde eu nasci, filho de um pai filisteu e de mão siro-fenícia. Um dos nossos, que era seguidor do Rabi da Galileia, veio com um outro para o meio de nós para falar-nos desse Rabi. E eu também o ouvi. E, quando eu me vi assim doente, eu disse: “Eu sou sírio e filisteu: para Israel é uma sujeira. Mas Hermasteu dizia que o Rabi da Galileia é tão bom quanto poderoso. E eu creio nisso. E estou indo para Ele.” Logo que chegou o tempo bom, deixei os filhos com a mãe de minha mulher, ajuntei as minhas poucas economias, visto que muitas já haviam sido gastas com a doença, e vim procurar o Rabi. Mas o dinheiro acabou na viagem. E justamente quando não se pode comer qualquer coisa… e tem-se que ficar nos albergues, quando as dores nos impedem de andar. Em Séforis eu vendi o burrinho, porque eu não tinha mais dinheiro para mim e para dar ao Rabi. Eu pensava que, quando eu estivesse são, teria podido comer de tudo pelo caminho e voltar logo para casa. E lá, com o trabalho nos meus campos e nos dos outros, eu me restauraria… Mas o Rabi não está em Nazaré nem em Cafarnaum. A Mãe dele foi quem me disse. Ela me falou assim: “Ele está na Judéia. Vai procurá-lo com José de Séforis, em Bezeta ou no Getsêmani. Eles te saberão dizer onde Ele está.” Então, eu voltei para trás a pé. E o mal ia crescendo… e o dinheiro diminuindo. Em Jerusalém, para onde eu havia sido mandado, encontrei os homens, mas não o rabi. E lá me disseram: “Oh! Já o expulsaram há muito tempo. Está amaldiçoado pelo Sinédrio. Ele fugiu e não sabemos para onde.” E eu… pensei que ia morrer… como hoje. E até mais do que hoje. Andei procurando, perguntando para cem e mais cem, pelas cidades e pelos campos. Mas ninguém sabia. Alguns choravam comigo. Muitos me bateram. Depois, certo dia, eu me tinha posto a pedir esmola fora das muralhas do Templo, quando ouvi dois fariseus que diziam: “Agora se sabe que Jesus de Nazaré está em Efraim…” Não perdi tempo e, fraco como eu estava, vim até aqui, esmolando um pão, cada vez mais esfarrapado e com sinais de doente. E sem experiência, errei o caminho. Hoje estou vindo de lá. Daquele lugar. Já havia dois dias que eu só chupava uns funchos selvagens, mastigava folhas de chicória ou de trigo. Acharam que eu estava leproso, por causa da minha palidez, e me expulsaram a pedradas. Eu não queria nada mais do que um pão e saber qual o caminho para Efraim… Quando eu cheguei aqui, caí… Mas eu queria ir a Efraim. Já estou tão perto da meta! Será possível que eu não a alcance? Eu creio no rabi. E não sou israelita. Mas também Hermasteu não era, e ele o amava assim mesmo. Será possível que o Deus de Israel faça pesar sua mão sobre mim para vingar-se das culpas dos que me geraram?

– O Deus verdadeiro é pai dos homens. É justo, mas é bom. Premia a quem tem fé e não faz que os inocentes paguem por culpas que não são deles.

564.7

Mas por que foi que disseste que, quando ouviste dizer que não se sabia onde o Rabi morava, te sentiste morrendo mais do que hoje?

– Eh! Porque eu disse: “Eu o perdi antes mesmo de tê-lo achado.”

– Ah! Para a tua saúde.

– Não. Não foi por causa disso somente. Mas porque Hermasteu falava dele certas coisas que me davam a entender que, se eu o tivesse conhecido, não seria mais imundície.

– Então, tu crês que Ele é o Messias?

– Creio. Eu não sei bem o que é o Messias, mas creio que o Rabi de Nazaré é o Filho de Deus.

Jesus sorri, com um sorriso luminoso, e pergunta:

– E estás certo que, sendo Ele assim, dará ouvido a ti, que és um incircunciso?

– Disso eu tenho certeza, porque Hermasteu o dizia. Ele falava assim: “Ele é o Salvador de todos. Para Ele não há hebreus ou idólatras. Mas só há criaturas para salvar, porque o Senhor Deus o mandou para isso.” Muitos se riam. Eu acreditei. Se eu puder dizer-lhe: “Jesus, tem piedade de mim”, Ele me ouvirá. Oh! Se tu és de Efraim, leva-me a Ele. Talvez tu sejas um dos seus discípulos…

564.8

Jesus sorri cada vez mais e o aconselha:

– Experimenta pedir a mim que te cure…

– Tu és bom, homem. Perto de Ti se tem tanta paz. Sim, tu és bom como… o próprio Rabi, e certamente Ele te terá dado poder de fazer milagre, porque para ser bom como tu és, só podes ser um dos discípulos dele. Eu achei todos bons aqueles que me diziam ser discípulos dele. Mas que não seja uma ofensa a ti, se eu disser que tu poderás até curar os corpos, mas não as almas. E eu quereria curada ela também, como aconteceu com Hermasteu. Tornar-me um justo… E isso só o Rabi pode fazer isso. Eu sou pecador, além de doente. Não quero ficar são no corpo, para morrer depois, um dia, com a alma também. Eu quero viver. Hermasteu dizia que o Rabi é vida da alma e que a alma que crê nele vive para sempre no Reino de Deus. Leva-me ao Rabi. Sê bom. Por que estás sorrindo? Talvez porque penses que eu sou muito ousado por querer a cura sem poder dar um óbolo? Mas se eu ficar curado, poderei ainda cultivar a terra. Eu tenho frutas muito bonitas. Que o Rabi venha no tempo das frutas maduras e eu lhe pagarei com uma hospitalidade tão longa como Ele quiser.

– Quem foi que te disse que o Rabi quer dinheiro? Foi Hermasteu?

– Não. Pelo contrário, ele dizia que o Rabi tem piedade dos pobres e os socorre em primeiro lugar. Mas é que assim que se costuma fazer com todos os médicos e… afinal com todos.

– Mas não com Ele. Eu te garanto. E te digo que, se tu souberes aumentar a tua fé a ponto de pedires aqui mesmo o milagre, e se creres que isso é possível, tu o terás.

– Estás dizendo a verdade?… Tens certeza disso? Se tu de fato és um discípulo, não podes mentir nem errar. E ainda que me desagrade não poder ver o Rabi… quero obedecer-te… Talvez Ele, perseguido como está sendo… não queira ser visto… e não confie mais em ninguém. Ele tem razão. Mas não haveremos de ser nós que o arruinaremos. Serão os verdadeiros hebreus. Mas, eis aqui! Eu digo aqui (e com dificuldade se põe de joelhos): “Jesus, Filho de Deus, tem piedade de mim!

– E que te seja feito conforme a tua fé merece –diz Jesus com aquele seu gesto de quem tem poder sobre as doenças.

564.9

O homem tem como que um deslumbramento, isto é, fica como quem vê uma luz repentina. E compreende — não sei se por uma abertura do intelecto, ou se por alguma sensação física, ou pelas duas coisas juntas — quem é Aquele que está diante dele. E com um grito tão agudo que o pastor, que desceu para a estrada, talvez para ir ver o que está acontecendo, até apressa o passo.

O homem está por terra com o rosto no meio da grama. E o pastor diz, mostrando-o com sua vara de pastor:

– Morreu? É preciso mais do que leite quando alguém está acabado! –e abaixa a cabeça.

O homem escutou e se põe de pé, forte e são. E grita:

– Morto? Curado é que eu estou! Foi Ele que me fez isto. Não tenho mais a fraqueza pela fome nem os espasmos pela doença. Estou como em meus dias de núpcias! Oh! Jesus bendito! E como foi que eu não te conheci antes?! Tua piedade devia dizer-me o teu Nome! A paz que eu sentia ao estar perto de Ti. Como eu fui tolo! Perdoa ao teu pobre servo!

E se joga de novo no chão para adorá-lo.

O pastor deixa suas cabras sozinhas e sai correndo, aos pulos, indo rumo ao povoado.

564.10

Jesus se assenta perto do que foi curado e diz:

– Tu me falaste do Hermasteu como de um morto. Portanto, sabes qual o fim dele. Eu só quero uma coisa de ti. Que venhas comigo até Efraim e que tu contes o fim dele aos que estão Comigo. Depois te mandarei a Jericó, à casa de uma discípula, para que ela te ajude na viagem de volta.

– Se Tu assim queres, eu irei. Mas agora que estou são, não tenho mais medo de morrer pela estrada. Até as ervas me podem nutrir, e não é vergonha estender a mão, porque não foi em orgias, mas por um justo fim que eu consumi os meus haveres.

– Eu quero. Tu lhe dirás que me viste e que Eu a espero aqui. E que ela já pode vir. Não será importunada por ninguém. Saberás dizer isso?

– Saberei. Ah! Por que é que te odeiam, a Ti tão bom?

– Porque muitos homens têm em si um espírito que os possui. Vamos.

Jesus se põe a caminho para Efraim e o homem o acompanha confiante. Somente a grande magreza lhe fica como lembrança da doença e dos padecimentos passados.

Do lugarejo, gesticulando e gritando, estão chegando muitas pessoas. Estão chamando Jesus. Estão lhe dizendo que pare. Jesus não lhes dá ouvidos, mas apressa o passo. E eles, atrás dele…

E ei-lo de novo nas vizinhanças de Efraim. Os lavradores que estão se preparando para voltarem para casa, pois que o pôr do sol está começando, o saúdam, e ficam olhando o homem que está com Jesus.

564.11

De um atalho, desemboca Judas de Keriot. Ele tem um sobressalto de surpresa ao ver o Mestre. Mas Jesus não mostra nenhuma surpresa. Somente se vira para o homem e diz:

– Este é o meu discípulo. Fala-lhe de Hermasteu[1].

– Ah! Isso é logo. Ele era incansável em pregar sobre Cristo, mesmo depois que ele quis separar-se do companheiro para ficar conosco. Dizia que temos necessidade, mais do que todos, de conhecer-te, ó Rabi, mais do que todos os outros, e que ele queria transmitir o conhecimento de Ti à sua Pátria, e que voltaria a Ti quando tivesse sido pregado o teu Nome em todos os lugarejos menores. Vivia como um penitente. Se alguma pessoa lhe dava um pão, ele o abençoava em teu Nome. Se lhe davam pedradas, ele se retirava, abençoando-os do mesmo modo, e se nutria de plantas selvagens ou de moluscos marinhos, que ele apanhava nos recifes ou tirava da areia. Muitos o chamavam de “doido.” Mas, na verdade, ninguém o odiava. Quando muito, o expulsavam como se ele fosse um mau agouro. Um dia, encontraram-no morto na estrada, bem perto da minha terra, na estrada que vai para a Judéia, quase nos limites. Nunca se soube de que foi que ele morreu. Mas se sussurra que ele foi morto por alguém que não queria que o Messias fosse pregado. Tinha uma grande ferida na cabeça, e dizem que foi atropelado por um cavalo. Mas eu não creio nisso. Ele estava sorrindo, estendido na poeira do chão. Sim. Parecia mesmo estar sorrindo, ao piscar das últimas estrelas da mais serena das noites do mês de Elul e aos primeiros raios do sol da manhã. Foi encontrado por uns hortelãos que, às primeiras luzes, iam indo para a cidade, levando suas verduras, e me disseram quando foram apanhar os meus pepinos. Eu corri para ir ver. Ele estava em grande paz.

– Ouviste? –pergunta Jesus a Judas.

– Eu ouvi. Mas Tu não lhe tinhas dito que, se ele te tivesse servido, teria tido uma longa vida?

– Não foi precisamente isso que Eu disse. O tempo que já passou está ofuscando o teu pensamento. Mas será que ele não me serviu, evangelizando nos lugares de missão, e não tem a vida longa? Que vida há mais longa do que aquela conquistada por quem morre no serviço de Deus? Vida longa e gloriosa.

Judas dá aquela risadinha estranha, que me intriga tanto, e não responde nada.

564.12

Enquanto isso, os do povoado se reuniram com muitos de Efraim, estão falando uns com os outros e acenando para Jesus.

Jesus dá esta ordem a Judas:

– Acompanha o homem até a casa dele e conclui o seu restabelecimento. Ele partirá depois do sábado que está para começar.

Judas obedece e Jesus fica caminhando lentamente, e inclinando-se para observar as hastes do trigal, que já começa a dar alguns sinais de espiga.

Uns homens de Efraim o interrogam:

– Está bonito este trigal, não é mesmo!

– Bonito. Mas não está diferente dos das outras regiões.

– Certamente, Mestre, É tudo trigo! É forçoso que saia igual.

– Vós dizeis isso? Então o trigo é melhor do que os homens. Porque, contanto que seja semeado com arte, produz o mesmo fruto aqui como na Judéia ou na Galileia, ou até, digamos, nas planícies do Mar Grande. Mas os homens não produzem o mesmo fruto. E até a terra é melhor do que os homens. Porque, quando se lhe confia uma semente, ela a acolhe bem, sem fazer diferenças se a semente é da Samaria ou da Judéia.

– Assim é. Mas, e por que é que dizes ser a terra e o trigo melhores do que os homens?

– Por quê?…

564.13

Há pouco um homem pedia um pão por piedade às portas de um lugarejo e ele foi expulso porque o povo daquele lugar pensava que ele fosse judeu. Foi expulso com pedradas e com gritos de “leproso”, que ele achava que era por causa de sua magreza, mas que para eles era por causa do lugar de onde ele vinha, da Judéia. E aquele homem saiu de lá para ir morrer de fome à beira de uma estrada. Por isso, o povo daquele lugarejo, aquele povo lá que vos mandou interrogar-me, e que quereria aproximar-se da casa onde estou para ver o miraculado, é pior do que o trigo e os torrões, tendo repelido o homem por ele ser de outra semente. Agora ele quereria vir satisfazer a fome de curiosidade do povo, um povo que não soube satisfazer a fome de um enfraquecido. Dizei a essa gente que o Mestre não lhe satisfará essa curiosidade inútil. E aprendei todos a grande lei do amor, sem a qual não podereis nunca ser meus seguidores. Não é o amor por Mim, não é ele somente que salvará as vossas almas. Mas também o amor à minha doutrina. E a minha doutrina ensina o amor aos irmãos, sem distinção de raça e de renda. Vão, pois, aqueles duros de coração, que encheram de dor o meu Coração, e se arrependam, se quiserem que Eu os ame. Porque, lembrai-vos todos, se Eu sou bom, sou também justo; e se Eu não faço distinções e vos amo como aos outros da Galileia e da Judéia, isso não deve dar-vos um orgulho estulto de serdes os preferidos e a licença de fazerdes o mal sem temerdes ter a minha reprovação. Eu louvo ou reprovo, como a justiça exige, os meus parentes e apóstolos, assim como todas as outras criaturas, e na minha reprovação existe amor. E Eu faço assim porque quero a justiça nos corações, para poder um dia dar o prêmio a quem a praticou. Ide e dizei tudo isso. E que esta lição dê frutos em todos.

Jesus se envolve no manto e sai caminhando para Efraim, deixando suspensos os seus interlocutores, que vão um tanto desgostosos, a repetirem as palavras do Mestre ao lugarejo que não teve piedade.


Notes

  1. un empan : ancienne mesure de longueur, formée de l’intervalle existant entre l’extrémité du pouce et celle du petit doigt, dans leur écart maximal.
  2. Hermastée, dont la disparition avait été interprétée par Judas (en 556.3) comme une défection.

Notas

  1. Ermasteu, cujo desaparecimento era interpretado por Judas Iscariotes (em 556.3) come deserção.