Os Escritos de Maria Valtorta

592. Le lundi saint. Réconfort de la mère d’Annalia, et rencontre du soldat Vitalis.

592. Segunda-feira santa. Conforto à mãe de Anália

592.1

Sur le plateau de l’Oliveraie où de nombreux Galiléens se rassemblent à l’occasion de la solennité, Jésus sort de bonne heure de la tente d’un pèlerin. Le camp dort encore, sous la clarté de la lune qui se couche lentement, enveloppant d’une blancheur argentée les tentes, les arbres, les pentes et la ville qui sommeille tout en bas…

Jésus glisse avec assurance et sans bruit entre les tentes et, une fois sorti du camp, il descend rapidement par des sentiers à pic vers Gethsémani, le traverse, passe le petit pont sur le Cédron — un ruban d’argent qui arpège à la lune — et arrive à la porte, gardée par des légionnaires. Cette garde de nuit devant les portes closes est peut-être une mesure de précaution du Proconsul. Au nombre de quatre, les soldats discutent, assis sur de grosses pierres qui leur servent de sièges contre le rempart. Ils se chauffent à un feu de brindilles qui jette une lueur rougeâtre sur leurs cuirasses rutilantes et leurs casques sévères, d’où émergent des visages aux physionomies italiques bien différentes de ceux des Hébreux.

« Qui va là ? » lance le premier qui voit apparaître la haute silhouette de Jésus de derrière le coin d’une masure voisine de la porte.

Il saisit la hampe de la lance pointue qu’il tenait appuyée au mur voisin et, imité par les autres, il se met en position réglementaire. Sans donner à Jésus le temps de répondre, il poursuit :

« On n’entre pas ! Ne sais-tu pas que la seconde veille touche déjà à sa fin ?

– Je suis Jésus de Nazareth. Ma Mère est dans la ville. Je vais la voir.

– Oh ! l’Homme qui a ressuscité le mort de Béthanie ! Par Jupiter ! Je vais enfin le connaître ! »

A ces mots, il s’approche de lui pour l’observer avec curiosité, tournant tout autour de lui comme pour s’assurer que ce n’est pas quelqu’un d’irréel, d’étrange, mais vraiment un homme comme tout le monde. Et il s’exclame :

« Oh ! dieux ! Il est beau comme Apollon, mais tout à fait comme nous ! Et il n’a ni bâton, ni barrette, ni aucun insigne de son pouvoir ! »

Il est perplexe. Jésus le regarde patiemment en lui souriant avec douceur.

Moins curieux — mais peut-être ont-ils déjà vu Jésus d’autres fois —, ses compagnons disent :

« Dommage qu’il n’ait pas été présent au milieu de la première veille, quand on a porté au tombeau la jolie jeune fille morte ce matin. Nous l’aurions vue ressusciter… »

Jésus répète doucement :

« Puis-je aller trouver ma Mère ? »

Les quatre soldats se secouent. Le plus âgé parle :

« En fait, l’ordre serait de ne laisser passer personne, mais tu passerais quand même. Celui qui force les portes de l’Hadès peut bien forcer les portes d’une ville close. Du reste, tu n’es pas homme à susciter des soulèvements. L’interdiction ne vaut pas pour toi. Fais en sorte de n’être pas vu par les rondes à l’intérieur. Ouvre, Marcus Gratus. Et toi, passe sans bruit. Nous sommes soldats, et nous devons obéir…

– Ne craignez rien. Votre bonté ne se changera pas pour vous en punition. »

Un légionnaire ouvre avec précaution un portillon découpé dans le portail colossal et dit :

« Passe vite. La veille se termine d’ici peu, et nous sommes remplacés par d’autres soldats, qui vont arriver.

– Paix à vous.

– Nous sommes des hommes de guerre…

– Même dans la guerre, la paix que je donne demeure, car c’est la paix de l’âme. »

Et Jésus s’engouffre dans l’obscurité du porche ouvert dans l’épaisseur des murs. Il passe en silence devant le corps de garde, qui laisse passer par l’ouverture la lumière tremblante d’une lampe à huile, une lanterne ordinaire, suspendue à un crochet du plafond bas, qui permet de distinguer des corps de soldats endormis sur des nattes étendues à même le sol, enveloppés dans leurs manteaux, les armes à leur côté.

592.2

Jésus est désormais à l’intérieur de Jérusalem… et je le perds de vue pendant que je regarde entrer deux des soldats de tout à l’heure, qui examinent s’il s’est éloigné avant d’entrer réveiller les dormeurs pour la relève.

« On ne le voit déjà plus… Qu’aura-t-il voulu dire ? J’aimerais bien le savoir, déclare le plus jeune.

– Il fallait le lui demander. Il ne nous méprise pas. C’est le seul juif qui ne nous méprise pas et ne nous étrangle pas, en aucune façon, lui répond l’autre, qui est dans toute la force de l’âge.

– Moi qui suis un paysan de Bénévent, je n’ai pas osé parler à un homme qu’on dit être Dieu.

– Un dieu sur un âne ? S’il était ivre comme Bacchus, ce serait possible. Mais il n’est pas ivre. Je crois qu’il ne boit même pas du mulsum. Tu ne vois pas comme il est pâle et maigre ?

– Pourtant, les Hébreux…

– Eux, oui, ils boivent, bien qu’ils affectent de ne pas le faire ! S’ils ont vu un dieu dans un homme, c’est qu’ils étaient ivres des vins forts de ces terroirs et de leur cicera. Crois-moi : les dieux, c’est une fable. L’Olympe est vide, et la terre n’en a pas.

– S’ils t’entendaient !…

– Serais-tu encore un enfant au point de n’être pas candidat et de ne pas savoir que César lui-même ne croit pas aux dieux, pas plus, d’ailleurs, que les pontifes, les augures, les aruspices, les arvales, les vestales, ou je ne sais qui ?

– Et alors pourquoi…

– Pourquoi les rites ? Parce qu’ils plaisent au peuple, sont utiles aux prêtres et servent à César pour se faire obéir comme s’il était un dieu terrestre tenu par la main par les dieux de l’Olympe. Mais les premiers à ne pas y croire sont ceux que nous vénérons comme ministres des dieux. Je suis pyrrhonien. J’ai fait le tour du monde. J’ai fait beaucoup d’expériences. Mes cheveux blanchissent aux tempes, et ma pensée a mûri. J’ai comme règle personnelle trois principes : aimer Rome, unique déesse et unique certitude, jusqu’au sacrifice de ma vie. Ne rien croire, puisque tout ce qui nous entoure est illusion, exceptée la patrie sacrée et immortelle. Nous devons aussi douter de nous-mêmes, car il n’est même pas certain que nous vivions. Les sens et la raison ne suffisent pas à nous donner la certitude d’arriver à connaître la vérité, et la vie comme la mort ont la même valeur, puisque nous ignorons ce qu’est la vie et ce qu’est la mort » déclare-t-il en affectant le scepticisme philosophique d’un être supérieur…

L’autre le regarde, hésitant :

« Moi, au contraire, je crois. Et j’aimerais savoir… En savoir plus sur cet homme qui est passé tout à l’heure. Lui connaît certainement la vérité. Il émane de lui quelque chose d’étrange… C’est comme une lumière qui vous pénètre !

– Qu’Esculape te sauve ! Tu es malade ! C’est depuis peu que tu es monté de la vallée à la ville, et les fièvres surgissent facilement chez ceux qui font ce voyage et ne sont pas encore acclimatés à cette région. Tu délires. Viens : il n’y a rien de tel que le vin chaud et les aromates pour faire sortir en sueur le venin de la fièvre jordanique… »

Et il le pousse vers le corps de garde. Mais l’autre se dégage :

« Je ne suis pas malade. Je ne veux pas de vin drogué. Je veux veiller là, en dehors des murs (il montre l’intérieur du bastion), et attendre l’homme qui s’est nommé Jésus.

– Si cette attente ne t’ennuie pas… Je vais réveiller ceux-ci pour la relève. Adieu… »

Il entre bruyamment dans le corps de garde pour éveiller ses compagnons, en criant :

« L’heure est déjà sonnée. Allons, fainéants paresseux ! Je suis fatigué !… »

Il bâille bruyamment et maugrée parce qu’ils ont laissé s’éteindre le feu et ont bu tout le vin chaud “ si nécessaire pour endurer la rosée palestinienne… ”

L’autre, le jeune légionnaire, adossé à la muraille que la lune effleure du couchant, attend que Jésus revienne sur ses pas. Les étoiles veillent son espoir…

592.3

Jésus, pendant ce temps, est arrivé à la maison de Lazare sur la colline de Sion, et il frappe. C’est Lévi qui lui ouvre.

« Toi, Maître ? ! Les maîtresses dorment. Pourquoi n’as-tu pas envoyé un serviteur, si tu avais besoin de quelque chose ?

– Ils ne l’auraient pas laissé passer.

– Ah ! c’est vrai ! Mais toi-même, comment es-tu passé ?

– Je suis Jésus de Nazareth, et les légionnaires se sont montrés conciliants. Mais il ne faut pas le dire, Lévi.

– Je ne dirai rien… Ils sont meilleurs que beaucoup d’entre nous !

– Conduis-moi là où dort ma Mère et ne réveille personne d’autre dans la maison.

– Comme tu veux, Seigneur. Lazare a donné l’ordre à tous ceux qui dirigent les maisons de t’obéir en tout, sans discussion ni retard. L’aurore pointait à peine quand cet ordre a été apporté par un serviteur, par plusieurs serviteurs, à toutes les maisons. Obéir et se taire. Nous le ferons. Tu nous as rendu notre maître… »

L’homme trottine à travers les couloirs, vastes comme des galeries, du magnifique palais de Lazare sur la colline de Sion, et la lampe qu’il tient à la main éclaire d’une manière féérique le mobilier et les tapisseries qui ornent ces larges couloirs. L’homme s’arrête devant une porte close :

« Voici la chambre de ta Mère.

– Tu peux disposer.

– Et la lampe ? Tu ne la veux pas ? Je peux repartir dans l’obscurité. J’ai l’habitude de la maison : j’y suis né.

– Laisse-la et n’enlève pas la clé de la porte. Je sors tout de suite.

– Tu sais où me trouver. Je vais fermer par précaution, mais je serai prêt à t’ouvrir la porte quand tu viendras. »

592.4

Resté seul, Jésus frappe si doucement qu’il faut être bien éveillé pour entendre.

Un crissement dans la pièce, comme celui d’un siège qu’on déplace, un léger bruit de pas, et une voix basse :

« Qui est-ce ?

– Moi, Maman. Ouvre-moi. »

La porte s’ouvre aussitôt. La lumière de la lune est la seule qui éclaire la pièce tranquille et étend ses rayons sur le lit intact. Un siège est placé près de la fenêtre, grande ouverte sur le mystère de la nuit.

« Tu ne dormais pas encore ? Il est tard !

– Je priais… Viens, mon Fils. Assieds-toi là où j’étais. »

Elle indique le siège près de la fenêtre.

« Je ne peux m’arrêter. Je suis venu te chercher pour t’emmener chez Elise, dans le quartier d’Ophel. Annalia est morte. Vous ne le saviez pas encore ?

– Non. Personne… Quand, Jésus ?

– Après mon passage.

– Après ton passage[1] ! Tu as donc été pour elle l’Ange libérateur !

Cette terre était pour elle une telle prison ! Elle est heureuse ! Je voudrais bien être à sa place ! Elle est morte… naturellement ? Je veux dire : pas à la suite d’un malheur ?

– Elle est morte par excès de joie d’aimer. Je l’ai su alors que je montais déjà vers le Temple. Viens avec moi, Maman. Nous ne craignons pas de nous profaner pour consoler une mère qui a tenu dans ses bras sa fille morte d’une joie surnaturelle… Notre première vierge ! Celle qui est venue[2] à Nazareth, chez toi, pour me trouver et me demander cette joie… Ce sont des jours lointains et sereins.

– Avant-hier, elle chantait comme une mésange amoureuse et m’embrassait en disant : “ Je suis heureuse ! ” Elle était avide de tout savoir sur toi : comment Dieu t’a formé, comment il m’a choisie, et mes premières palpitations de vierge consacrée… Maintenant, je comprends…

592.5

Je suis prête, mon Fils. »

Tout en parlant, Marie a épinglé ses tresses, qui étaient retombées sur ses épaules et qui la faisaient paraître toute jeune, et elle a pris son voile et son manteau.

Ils sortent le plus discrètement possible. Lévi se tient déjà près du portail. Il explique :

« J’ai préféré… A cause de mon épouse… Les femmes sont curieuses. Elle m’aurait posé mille questions. Comme ça, elle ne sait rien… »

Il ouvre, et s’apprête à refermer la porte quand Jésus dit :

« Je reconduirai ma Mère ici avant la fin de cette veille.

– Je resterai près d’ici. Ne crains rien.

– Paix à toi. »

Ils marchent dans les rues silencieuses, désertes, d’où la lune se retire lentement, mais illumine encore le sommet des hautes maisons de la colline de Sion. Plus éclairé est le faubourg d’Ophel, aux maisonnettes humbles et basses.

592.6

Voilà la maison d’Annalia, fermée, sombre, silencieuse. Il y a encore des fleurs fanées sur les marches de la maison, peut-être celles que la vierge a jetées avant de mourir, ou celles qui sont tombées de son lit funèbre…

Jésus frappe à la porte. Il frappe de nouveau…

On entend une fenêtre s’ouvrir en haut, puis une voix accablée demander :

« Qui est là ?

– Marie et Jésus de Nazareth, répond Marie.

– Oh ! je viens !… »

Après une brève attente, les verrous grincent, et la porte s’ouvre sur le visage défait d’Elise, qui s’appuie péniblement aux montants. Lorsque Marie entre et lui tend les bras, elle tombe sur son sein avec les faibles sanglots d’une femme qui a tant pleuré que sa plainte est devenue silencieuse.

Jésus ferme la porte et attend patiemment que sa Mère calme cette désolation. Comme une pièce s’ouvre à côté, ils y entrent, Jésus portant la lampe qu’Elise a posée sur le pavé de l’entrée avant d’ouvrir la porte.

Les pleurs de la mère d’Annalia semblent ne pas pouvoir finir. Elle s’adresse à Marie avec des sanglots dans la voix. La mère parle à la Mère… Jésus, debout contre un mur, se tait…

592.7

Elise ne peut se résigner à cette mort si subite… Et, dans sa souffrance, elle en fait retomber la cause sur Samuel, le fiancé parjure :

« Il lui a brisé le cœur, ce maudit ! Elle ne le disait pas, mais elle souffrait certainement, qui sait depuis quand ! Et dans un cri de joie, son cœur s’est ouvert. Qu’il soit maudit pour toujours.

– Non, ma chérie. Non. Ne maudis pas. Ce n’est pas cela. Dieu l’a tant aimée qu’il l’a voulue dans sa paix. Mais, même si elle était morte à cause de Samuel — ce qui n’est pas vrai, mais supposons-le un instant —, pense à la mort de joie qu’elle a eue, et dis-toi qu’une action mauvaise lui aurait procuré une mort heureuse.

– Elle n’est plus là ! Elle est morte ! Elle est morte ! Tu ne sais pas ce que c’est que de perdre une fille ! Moi, j’ai fait deux fois l’expérience de cette douleur. Car déjà je pleurais sa mort, quand ton Fils l’a guérie. Mais maintenant… Mais maintenant… Il n’est pas revenu ! Il n’a pas eu pitié… Je l’ai perdue ! Perdue ! Mon enfant est déjà dans la tombe ! Sais-tu ce que c’est que de voir agoniser un enfant ? Savoir qu’il doit mourir ? Le voir mort, quand on le croyait guéri et fort ?

Tu l’ignores. Tu ne peux pas en parler… Elle était belle comme une rose éclose au lever du soleil pendant qu’elle se parait, ce matin. Elle avait voulu porter le vêtement que je lui avais confectionné pour ses noces. Elle voulait même se couronner comme une épouse. Puis elle a préféré défaire la guirlande déjà prête et recueillir les pétales pour les jeter à ton Fils. Et elle chantait ! Elle chantait ! Sa voix emplissait la maison. Elle était gracieuse comme le printemps. La joie faisait briller ses yeux comme des étoiles, ses lèvres ouvertes sur la blancheur de ses dents pourpres comme la pulpe de grenade, et elle avait des joues roses et fraîches comme des roses nouvelles que la rosée embellit. Elle est devenue blanche comme le lys à peine éclos. Elle s’est affaissée sur mon sein telle une tige brisée… Plus de paroles ! Plus de soupirs ! Plus de couleurs ! Plus de regard ! Elle était paisible, belle comme un ange de Dieu, mais sans vie.

592.8

Tu ne sais pas, toi qui te réjouis du triomphe de ton Fils et le vois fort et en bonne santé, ce qu’est ma douleur ! Pourquoi n’est-il pas revenu sur ses pas ? En quoi lui avait-elle déplu, et moi avec elle, pour ne pas avoir pitié de ma prière ?

– Elise ! Elise ! Ne dis pas cela… La peine te rend aveugle et sourde… Elise, tu ne connais pas ma souffrance. Et tu ne connais pas le gouffre profonde qu’elle deviendra. Tu as vue ta fille, paisible et belle, se raidir dans la paix. Dans tes bras. Moi… Moi, cela fait plus de six lustres que je contemple mon Fils et, par-delà la peau lisse et pure que j’ai sous les yeux et que je caresse, j’entrevois les plaies de l’Homme des douleurs que deviendra mon enfant. Sais-tu, toi qui dis que j’ignore ce que peut être voir un enfant aller deux fois vers la mort, et y entrer une fois pour y demeurer en paix, sais-tu ce que peut être, pour une mère, d’avoir cette vision pendant tant d’années ? Mon Fils ! Le voilà. Il est déjà vêtu de rouge comme s’il sortait d’un bain de sang. Et bientôt, dans peu de temps — le visage de ta fille dans le tombeau ne sera pas encore devenu sombre —, je le verrai revêtu de la pourpre de son sang innocent, de ce sang que je lui ai donné. Et si tu as reçu sur ton cœur ta fille, sais-tu quelle sera ma douleur de voir mourir mon Fils comme un malfaiteur sur le bois ? Regarde-le, le Sauveur de tous, sauveur dans l’esprit et dans la chair, car la chair de ceux qu’il aura sauvés sera incorrompue et bienheureuse dans son Royaume. Et regarde-moi ! Regarde cette Mère qui, heure après heure, accompagne et conduit — je ne le retiendrais pas un instant ! — son Fils au sacrifice ! Moi, je peux te comprendre, pauvre maman que tu es. Mais toi, comprends mon cœur ! Ne hais pas mon Fils. Annalia n’aurait pas supporté l’agonie de son Seigneur. Et son Seigneur l’a rendue heureuse en une heure d’allégresse. »

592.9

Elise a cessé de pleurer devant cette révélation. Elle dévisage Marie, au pâle visage de martyre mouillé de larmes silencieuses, tourne les yeux vers Jésus, qui la regarde avec pitié… et glisse aux pieds de Jésus en gémissant :

« Mais elle est morte ! Elle est morte, Seigneur ! Comme un lys, un lys brisé. Les poètes disent de toi[3] que tu es celui qui se complaît parmi les lys ! Ah ! vraiment, toi qui es né de ce lys qu’est Marie, tu descends souvent dans les parterres fleuris, et des roses pourpres tu fais des lys blancs, puis tu les cueilles en les retirant au monde. Pourquoi ? Pourquoi, Seigneur ? N’est-il pas juste qu’une mère jouisse de la rose qui est née d’elle ? Pourquoi en éteindre la pourpre dans la froide blancheur de mort du lys ?

– Les lys ! Ils seront le symbole de celles qui m’aimeront, comme ma Mère a aimé Dieu. Le blanc parterre du Roi divin.

– Mais nous, les mères, nous pleurerons. Nous, les mères, nous avons droit à nos enfants. Pourquoi les enlever à la vie ?

– Ce n’est pas ce que je veux dire, femme. Les filles resteront, mais consacrées au Roi comme les vierges dans les palais de Salomon. Rappelle-toi le Cantique… Et elles seront épouses, ces bien-aimées, sur la terre comme au Ciel.

– Mais ma fille est morte ! Elle est morte ! »

Ses sanglots déchirants reprennent.

« Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi vit même s’il vient à mourir, et en vérité je te dis qu’il ne meurt pas pour l’éternité. Ta fille vit. Elle vit pour l’éternité, parce qu’elle a cru en la Vie. Ma mort sera pour elle la vie complète. Elle a connu la joie de vivre en moi avant de connaître la douleur de me voir arraché à la vie. Ta peine te rend aveugle et sourde, ma Mère a raison de le dire. Mais bientôt, tu affirmeras toi-même ce que je t’ai fait savoir ce matin : “ Vraiment sa mort a été une grâce de Dieu. ” Crois-le, femme. L’horreur attend cet endroit. Un jour viendra où les mères frappées comme toi s’exclameront : “ Louange à Dieu, qui a épargné à nos enfants de vivre ce moment. ” Et les mères qui n’auront pas été frappées crieront au Ciel : “ Pourquoi, ô Dieu, n’as-tu pas tué nos fils avant cette heure ? ” Crois-le, femme, crois à mes paroles. N’élève pas entre Annalia et toi ce vrai mur de séparation qu’est la différence de foi. Tu vois ? Je pouvais ne pas venir. Tu sais combien je suis haï. Que le triomphe d’un instant ne te fasse pas illusion… Chaque recoin peut dissimuler un piège contre moi. Or je suis venu seul, de nuit, pour te consoler. Je compatis à la douleur d’une mère. Mais pour la paix de ton âme, je viens te dire ces mots. Aie la paix ! La paix !

– C’est à toi de me la donner, Seigneur ! Moi, je ne peux pas ! Il m’est impossible, dans ma souffrance, de me donner la paix. Mais toi, toi qui rends la vie aux morts et la santé aux mourants, fais au cœur déchiré d’une mère le don de la paix.

– Qu’il en soit ainsi, femme. Paix à toi. »

Il lui impose les mains en la bénissant et en priant en silence sur elle. Marie s’est agenouillée à son tour près d’Elise en l’entourant de son bras.

592.10

« Adieu, Elise. Je m’en vais…

– Nous ne nous verrons plus, Seigneur ? Je ne sortirai pas de la maison pendant plusieurs jours, et tu t’en iras après les fêtes pascales. Toi… tu es encore un peu quelque chose de ma fille… parce qu’Annalia… parce qu’Annalia vivait en toi et pour toi. »

Elle pleure, plus calmement, mais comme elle pleure !

Jésus la regarde, caresse sa tête chenue et lui dit :

« Tu me reverras.

– Quand ?

– D’ici huit nuits.

– Et tu me réconforteras encore ? Tu me béniras pour me donner de la force ?

– Mon cœur te bénira avec toute la plénitude de mon amour pour ceux qui m’aiment. Viens, Maman.

– Mon Fils, si tu le permets, je voudrais rester encore avec cette mère. La souffrance est un flot qui revient dès que s’est éloigné Celui qui donne la paix… Je rentrerai à l’heure de prime. Je n’ai pas peur de marcher seule, tu le sais. Et tu sais que je passerai à travers toute une armée ennemie pour réconforter un frère en Dieu.

– Qu’il en soit comme tu veux. Je pars. Que Dieu soit avec vous. »

Il sort sans faire de bruit, en fermant derrière lui la porte de la pièce et celle de la maison.

592.11

Il revient vers les murs, à la Porte d’Ephraïm ou à la Porte Stercoraire, dite aussi du Fumier : j’ai plusieurs fois entendu désigner ces deux portes voisines sous ces trois noms, peut-être parce que l’une ouvre sur la voie de Jéricho qui est au fond — or cette voie mène à Ephraïm —, et l’autre parce qu’elle est proche de la vallée de Hinnom où l’on brûle les ordures de la ville. Et elles se ressemblent tant que je les confonds.

Le ciel commence à blanchir du côté de l’orient, mais il reste criblé d’étoiles. Les chemins sont enveloppés d’une pénombre plus pénible que l’obscurité de la nuit, que la lune tempérait de sa blanche clarté.

Mais le soldat romain a de bons yeux et, voyant Jésus s’avancer vers la porte, il va à sa rencontre.

« Salut. Je t’ai attendu… »

Hésitant, il s’arrête,.

« Parle sans crainte. Que veux-tu de moi ?

– Savoir. Tu as dit : “ La paix que je donne demeure même dans la guerre, car c’est une paix d’âme. ” Je voudrais savoir quelle est cette paix et ce qu’est l’âme. Comment l’homme en guerre peut-il être en paix ? Quand on ouvre le temple de Janus, on ferme celui de la paix. Les deux réalités ne peuvent coexister dans le monde. »

Il est adossé au muret verdâtre d’un petit jardin, dans une ruelle étroite comme un sentier dans les champs, humide, sombre, obscur, au milieu de pauvres maisons. A part une légère lueur que laisse voir le casque bruni, on ne voit rien des deux hommes. L’ombre enveloppe les visages et les corps dans une unique obscurité.

La voix de Jésus s’élève, une voix douce et lumineuse qui trahit sa joie de jeter une semence de lumière chez le païen :

« Dans le monde, c’est vrai, la paix et la guerre ne peuvent coexister. L’une exclut l’autre. Mais la paix peut demeurer dans le soldat, même si les ordres lui imposent de mener la guerre. Ma paix peut exister en lui, parce qu’elle vient du Ciel, et elle n’est pas atteinte par le fracas de la guerre et la férocité des massacres. Etant divine, elle envahit la part divine que l’homme a en lui-même, et qu’on appelle l’âme.

– Divine ? En moi ? César est divin. Moi, je suis fils de paysans. Maintenant, je suis un légionnaire sans grade. Si je suis brave, je pourrai peut-être devenir centurion. Mais divin, non !

– Il y a en toi une partie divine : c’est l’âme. Elle vient de Dieu, du vrai Dieu. Aussi est-elle divine, perle vivante en l’homme, et elle vit de nourritures divines et vivantes : la foi, la paix, la vérité. La guerre ne la trouble pas. La persécution ne la blesse pas. La mort ne la tue pas. Seul le mal, faire ce qui est mauvais, la blesse ou la tue, et la prive aussi de la paix que, moi, je donne. Car le mal sépare l’homme de Dieu.

592.12

– Et qu’est-ce que le mal ?

– Rester dans le paganisme et adorer les idoles quand la bonté du vrai Dieu nous a fait connaître l’existence du vrai Dieu. Ne pas aimer son père, sa mère, ses frères, ses sœurs et son prochain. Voler, tuer, être rebelle, être débauché, mentir. C’est cela, le mal.

– Ah ! alors, moi, je ne peux pas avoir ta paix ! Je suis soldat, et on nous ordonne de tuer. Il n’y a donc pas de salut pour nous ?

– Sois juste dans la guerre comme dans la paix. Accomplis ton devoir sans cruauté et sans avidité. Lorsque tu combats et que tu conquiers, souviens-toi que l’ennemi est semblable à toi, et que toute ville a ses mères et ses jeunes filles, comme ta mère et tes sœurs, et sois courageux sans être une brute. Tu ne sortiras pas de la justice et de la paix, et ma paix restera en toi.

– Et ensuite ?

– Et ensuite ? Que veux-tu dire ?

– Après la mort ? Qu’advient-il du bien que j’ai fait et de l’âme, dont tu dis qu’elle ne meurt pas si on ne commet pas le mal ?

– Elle vit, elle vit ornée du bien que tu as fait, dans une paix joyeuse, plus grande que celle dont on jouit sur la terre.

– Alors, en Palestine, un seul homme avait fait le bien ! J’ai compris.

– Qui ?

– Lazare de Béthanie. Son âme n’est pas morte !

– En vérité, c’est un juste. Néanmoins, beaucoup lui sont semblables et meurent sans ressusciter, mais leur âme vit dans le vrai Dieu. Car l’âme a une autre demeure, dans le Royaume de Dieu. Et celui qui croit en moi entrera dans ce Royaume.

– Même moi, qui suis Romain ?

– Même toi, si tu crois à la Vérité.

– Qu’est-ce que la vérité ?

– Je suis la Vérité, le Chemin qui conduit à la vérité, je suis la Vie et je la donne, car celui qui accueille la Vérité accueille la vie. »

592.13

Le jeune soldat réfléchit en silence… Puis il lève la tête — il a le visage encore pur d’un jeune homme — et, avec un sourire limpide, serein, il dit :

« J’essaierai de me rappeler cela, et d’en apprendre plus encore. Cela me plaît…

– Comment t’appelles-tu ?

– Vitalis, de Bénévent, plus exactement des campagnes proches de la ville.

– Je me souviendrai de ton nom. Rends vraiment vital ton esprit en le nourrissant de vérité. Adieu. On ouvre la porte. Je sors de la ville.

– Salut ! »

Jésus se dirige rapidement vers la porte et s’engage d’un pas leste sur le chemin qui mène au Cédron, à Gethsémani, et de là au Camp des Galiléens.

592.14

Dans les oliviers de la colline, il rejoint Judas, qui monte lui aussi vers le camp qui s’éveille.

Judas fait un geste qui trahit son épouvante de se trouver face à face avec Jésus. Celui-ci le regarde fixement, en silence.

« Je suis allé apporter la nourriture aux lépreux. Mais… j’en ai trouvé deux à Hinnom, cinq à Siloan. Les autres sont guéris. Ils étaient encore sur place, mais si bien rétablis qu’ils m’ont prié d’avertir le prêtre. J’étais descendu au point du jour pour être libre ensuite. La nouvelle va faire du bruit. Un si grand nombre de lépreux guéris ensemble après que tu les as bénis en présence de tant de gens ! »

Jésus se tait. Il le laisse parler. Il ne lui dit ni : “ Tu as bien fait ”, ni quoi que ce soit qui ait trait à l’action de Judas et au miracle, mais il s’arrête à l’improviste, regarde l’apôtre droit dans les yeux, et lui demande :

« Eh bien ? Qu’est-ce que cela a changé de t’avoir laissé la liberté et l’argent ?

– Que veux-tu dire ?

– Ceci : je te demande si tu t’es sanctifié depuis que je t’ai rendu la liberté et l’argent. Et tu me comprends… Ah ! Judas ! Souviens-toi ! Souviens-toi toujours : tu as été celui que j’ai aimé plus que tout autre, en recevant de toi moins d’amour que tous les autres m’en ont donné. Ce que j’ai reçu de toi, c’est une haine plus mordante — car c’était celle d’un homme que je traitais en ami — que la haine la plus féroce du plus féroce pharisien. Et rappelle-toi encore ceci : même maintenant, je ne te hais pas, mais, pour autant que cela dépende du Fils de l’homme, je te pardonne. Va, maintenant. Nous n’avons plus rien à nous dire. Tout est déjà accompli… »

Judas voudrait parler, mais Jésus, d’un geste impérieux, lui fait signe de marcher en avant… Et Judas, tête basse comme un vaincu, se met en chemin…

592.15

A la limite du Camp des Galiléens, les onze apôtres et les deux serviteurs de Lazare sont déjà prêts.

« Où es-tu allé, Maître ? Et toi, Judas ? Vous étiez ensemble ? »

Jésus devance la réponse de Judas :

« J’avais quelque chose à dire à des cœurs. Judas est allé chez les lépreux… Mais tous sont guéris, sauf sept.

– Oh ! pourquoi y es-tu allé ? Je voulais venir, moi aussi ! s’exclame Simon le Zélote.

– Pour être libre, maintenant, de venir avec nous » répond Jésus. « Marchons. Nous entrerons dans la ville par la Porte du Troupeau. Dépêchons-nous. »

592.16

Il part en avant, en passant par les oliveraies qui conduisent du camp, à mi-chemin entre Béthanie et Jérusalem, puis par l’autre petit pont qui franchit le Cédron près de la Porte du Troupeau.

Des maisons de paysans sont éparses sur les pentes. Tout en bas, près du torrent, un figuier ébouriffé se penche sur la rivière. Jésus se dirige vers lui, et il cherche à voir si le feuillage fourni recèle quelque figue mûre. Mais le figuier est tout en feuilles, nombreuses, inutiles. Il ne porte pas le moindre fruit.

« Tu es comme beaucoup de cœurs en Israël. Tu n’as pas de douceurs pour le Fils de l’homme, et pas de pitié. Puisses-tu ne plus jamais porter de fruit, et que personne ne se rassasie de toi à l’avenir » dit Jésus.

Les apôtres se regardent. La colère de Jésus contre l’arbre stérile, peut-être sauvage, les étonne. Mais ils ne disent rien. Ce n’est que plus tard, après avoir passé le Cédron, que Pierre lui demande :

« Où as-tu mangé ?

– Nulle part.

– Alors tu as faim ! Voici là-bas un berger avec quelques chèvres qui paissent. Je vais lui demander du lait pour toi. Je fais vite. »

A ces mots, il s’éloigne à grands pas et revient lentement avec une vieille écuelle remplie de lait.

Jésus boit et, avec une caresse, rend le bol au petit berger qui a accompagné Pierre…

592.17

Une fois entrés en ville, ils montent au Temple, et après avoir adoré le Seigneur, Jésus revient dans la cour où enseignent les rabbis.

Les gens l’entourent, et une mère, venue de Cintium, présente son enfant qu’une maladie a rendu aveugle, à ce qu’il me semble. Il a les yeux blancs comme s’il avait une vaste cataracte sur la pupille ou un albugo.

Jésus le guérit en effleurant les orbites avec les doigts. Aussitôt, il prend la parole :

« Un homme acheta un terrain. Il y planta des vignes, construisit une maison pour les vignerons, une tour pour la surveillance, des celliers et des pressoirs, puis il en confia l’entretien à des fermiers en qui il avait confiance. Et il partit au loin.

Quand vint le temps où les vignes avaient suffisamment poussé pour donner du fruit, le maître de la vigne envoya ses serviteurs chez ses vignerons pour retirer le revenu de la récolte. Mais les vignerons les encerclèrent, ils frappèrent les uns à coups de bâton, en lapidèrent d’autres avec de lourdes pierres et les blessèrent grièvement, enfin ils en tuèrent un certain nombre. Ceux qui purent revenir vivants chez le maître, racontèrent ce qui leur était arrivé. Le maître les soigna, les réconforta, et il envoya d’autres serviteurs encore plus nombreux. Mais les vignerons leur firent subir le même traitement qu’aux premiers.

Alors le maître de la vigne se dit : “ Je vais leur envoyer mon fils bien-aimé. Ils respecteront sûrement mon héritier. ”

Mais les vignerons le virent venir de loin et, lorsqu’ils surent que c’était l’héritier, ils s’appelèrent l’un l’autre : “ Venez, soyons en nombre et unissons nos forces. Entraînons-le dehors, à un endroit écarté, et mettons-le à mort. Son héritage nous reviendra. ” Ils l’accueillirent avec des honneurs hypocrites, l’entourèrent comme pour lui faire fête, l’embrassèrent, et soudain ils le ligotèrent, le frappèrent fortement et avec mille moqueries, puis ils l’amenèrent au lieu du supplice et le tuèrent.

Maintenant, répondez-moi : ce père et maître s’apercevra un jour que son fils et héritier ne revient pas. Il découvrira alors que ses vignerons, auxquels il avait confié une terre fertile pour qu’ils la cultivent en son nom, en retirent une juste part et en remettent à leur seigneur ce qui était juste, ont tué son fils. Alors que fera-t-il ? »

Jésus darde ses iris de saphir, enflammés comme par un soleil, sur l’assistance, et en particulier sur les groupes des juifs les plus influents, pharisiens et scribes disséminés dans la foule. Personne ne souffle mot.

« Parlez donc, vous au moins, puisque vous êtes des rabbis d’Israël. Dites une parole de justice qui persuade le peuple de la justice. Moi, je pourrais dire une parole qui ne serait pas conforme à votre manière de voir. Parlez donc, vous, pour que le peuple ne soit pas induit en erreur. »

Les scribes, se voyant contraints, répondent :

« Il punira les scélérats en les faisant périr d’une manière atroce, et donnera sa vigne à d’autres fermiers pour qu’ils la lui cultivent honnêtement, et lui remettent le revenu de la terre qui leur est confiée.

– Vous avez bien parlé. Il est écrit[4] : “ La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. C’est là l’œuvre du Seigneur, une œuvre admirable à nos yeux. ” Vous connaissez l’Ecriture, et vous estimez juste que soient cruellement punis ces vignerons meurtriers du fils héritier de leur maître, pour que la vigne soit remise à d’autres fermiers, qui la cultiveront honnêtement. C’est pourquoi je vous dis : “ Le Royaume de Dieu vous sera enlevé, et il sera confié à des personnes qui lui donneront du fruit. Celui qui tombera contre[5] cette pierre se brisera, et celui sur lequel la pierre tombera sera écrasé. »

592.18

Les chefs des prêtres, les pharisiens et les scribes font preuve d’un grand… héroïsme en ne réagissant pas, tant est forte leur volonté d’atteindre le but désiré ! Ils se sont opposés à lui très fréquemment pour bien moins que cela, et aujourd’hui où le Seigneur Jésus leur annonce ouvertement que le pouvoir leur sera retiré, ils n’éclatent pas en reproches, ils ne font pas d’actes de violence, ils ne menacent pas ; ces faux agneaux patients dissimulent sous une apparence hypocrite de douceur l’immuable cœur d’un loup.

Ils se bornent à s’approcher de lui, qui a repris sa marche en avant et en arrière en écoutant tel et tel des nombreux pèlerins rassemblés dans la vaste cour. Beaucoup lui demandent conseil pour des cas de conscience, ou pour des situations familiales ou sociales. D’autres attendent de pouvoir s’exprimer, après l’avoir entendu prononcer un jugement pour un homme sur une question embrouillée d’héritage : division et rancœur se sont installées entre les héritiers à cause d’un fils de leur père qu’il a eu d’une servante de la maison, mais qu’il a adopté. Les quatre fils légitimes ne veulent pas de sa présence parmi eux, et refusent qu’il puisse hériter d’une part des maisons et des terres. Ils ne veulent plus rien avoir en commun avec lui. Cependant, ils ne savent pas comment résoudre la question car, avant sa mort, leur père les a fait jurer que, de même qu’il avait partagé son pain équitablement entre ses enfants légitimes et son fils illégitime, ils devaient répartir l’héritage dans la même mesure.

Jésus dit à celui qui l’interroge au nom des trois autres frères :

« Sacrifiez tous une parcelle de terre pour la vendre de façon à réunir une somme d’argent équivalente au cinquième de la fortune totale de votre père, et remettez-la au fils illégitime en lui disant : “ Voilà ta part. Tu n’es pas frustré de ce qui t’appartient et nous respectons la volonté de notre père. Va, et que Dieu soit avec toi. ” Mieux, faites preuve de générosité en lui donnant même davantage que la stricte valeur de sa part. Prenez de justes témoins, ainsi personne ne pourra sur la terre, ni dans l’au-delà, vous faire le moindre reproche. De cette manière, vous aurez la paix entre vous et en vous : vous n’aurez pas le remords d’avoir désobéi à votre père, et vous serez délivrés de la présence de celui qui — même s’il n’y est pour rien — a été pour vous une cause de trouble plus que si on avait mis un voleur parmi vous. »

L’homme dit :

« Ce bâtard, en vérité, a enlevé la paix à notre famille, il a eu raison de la santé de notre mère qui en est morte de chagrin, et il a volé une place qui ne lui appartient pas.

– Ce n’est pas lui le coupable, homme, mais celui qui l’a engendré. Lui n’a pas demandé à naître pour porter la marque de la bâtardise. C’est la convoitise de votre père qui l’a engendré et a provoqué sa souffrance et la vôtre. Montrez-vous donc justes envers cet innocent, qui paie déjà durement une faute qui n’est pas la sienne. Ne frappez pas d’anathème l’esprit de votre père. Dieu l’a jugé. Il n’est nul besoin des foudres de vos malédictions. Honorez toujours votre père, même s’il est coupable, non pour lui-même, mais parce que, vous ayant créés par ordre de Dieu et étant le seigneur de votre maison, il a représenté votre Dieu sur la terre. Les parents viennent immédiatement après Dieu. Rappelle-toi le Décalogue, et ne pèche pas. Va en paix. »

592.19

Les prêtres et les scribes s’approchent alors de lui pour l’interroger :

« Nous t’avons entendu. Tu as dit ce qui était juste. Salomon n’aurait pu donner de plus sage conseil. Mais, toi qui opères des prodiges et rends des jugements tels que seul le sage roi pouvait en rendre, apprends-nous par quelle autorité tu agis. D’où te vient un tel pouvoir ? »

Jésus les regarde fixement. Il n’est ni agressif ni méprisant, mais très imposant. Il répond :

« Moi aussi, j’ai à vous poser une question, et si vous me répondez, je vous dirai par quelle autorité j’agis, moi qui ne suis qu’un homme sans l’autorité que procurent des charges, qui plus est pauvre — car c’est cela que vous voulez dire. Le baptême de Jean, d’où venait-il ? Du Ciel ou de l’homme qui le donnait ? Répondez-moi. Par quelle autorité Jean le donnait-il comme rite purificateur et pour vous préparer à la venue du Messie ? Or Jean était encore plus pauvre, plus ignorant que moi, et sans charge d’aucune sorte, ayant passé sa vie dans le désert depuis son enfance. »

Les scribes et les prêtres se consultent. La foule se presse autour d’eux, les gens ont les yeux grands ouverts et les oreilles attentives, ils sont prêts à protester ou à acclamer si les scribes disqualifient Jean-Baptiste et offensent le Maître, ou bien s’ils paraissent vaincus par la question du Rabbi de Nazareth, divinement sage. Le silence absolu de cette foule en attente de réponse est frappant. Il est si profond que l’on entend la respiration et les chuchotements des prêtres ou des scribes, qui communiquent entre eux presque sans parler, et observent le peuple dont ils devinent les sentiments prêts à exploser.

Enfin, ils se décident à répondre. Ils se tournent vers le Christ qui, appuyé contre une colonne, les bras croisés, les scrute sans jamais les perdre de vue :

« Maître, nous ne savons pas par quelle autorité Jean faisait cela ni d’où venait son baptême. Personne n’a pensé à le lui demander de son vivant, et lui ne l’a jamais dit spontanément.

– Eh bien, moi non plus je ne vous dirai pas par quelle autorité j’agis. »

Il leur tourne le dos, appelle à lui les Douze et, fendant la foule qui l’acclame, il sort du Temple.

592.20

Quand ils sont déjà dehors, au-delà de la Probatique, Barthélemy fait remarquer à Jésus :

« Tes adversaires sont devenus très prudents. Peut-être vont-ils se convertir au Seigneur qui t’a envoyé et te reconnaître pour le Messie saint.

– C’est vrai. Ils n’ont pas discuté ta question ni ta réponse… constate Matthieu.

– Qu’il en soit ainsi. C’est beau de voir que Jérusalem se convertit au Seigneur, son Dieu, s’exclame encore Barthélemy.

– Ne vous faites pas d’illusions ! Cette partie de Jérusalem ne se convertira jamais. Ils n’ont pas répondu autrement parce qu’ils ont craint la foule. Je n’avais pas besoin d’entendre ce qu’ils se disaient à voix basse pour connaître leurs pensées.

– Et que disaient-ils ? demande Pierre.

– Ils disaient ceci… Je désire que vous le sachiez pour les connaître à fond et pour que vous puissiez donner aux hommes qui viendront plus tard une exacte description du cœur de mes contemporains. S’ils ne m’ont pas répondu, ce n’est pas parce qu’ils se convertissent au Seigneur, mais parce qu’ils pensaient : “ Si nous répondons : ‘Le baptême de Jean venait du Ciel ”, le Rabbi rétorquera : “ Alors pourquoi n’avez-vous pas cru à ce qui venait du Ciel et enseignait la préparation au temps messianique ? ”, et si nous disons : “ De l’homme ”, ce sera la foule qui se rebellera : “ Dans ce cas, pourquoi ne croyez-vous pas à ce que Jean, notre prophète, a dit de Jésus de Nazareth ? ” Il valait donc mieux répondre : “ Nous ne savons pas. ” Voilà leur raisonnement. Ce n’était pas la conséquence de quelque retour à Dieu, mais un lâche calcul : leur but était d’éviter de devoir reconnaître publiquement que je suis le Christ et que j’agis ainsi parce que je suis l’Agneau de Dieu dont a parlé le Précurseur. Et moi non plus, je n’ai pas voulu dire par quelle autorité j’accomplis mes miracles. Je l’ai précisé à de nombreuses reprises déjà dans ces murs et dans toute la Palestine, et mes prodiges sont encore plus explicites que mes paroles. Désormais, je ne m’exprimerai plus en paroles. Je laisserai parler les prophètes et mon Père, ainsi que les signes du Ciel, car le moment est venu où tous ces signes vont être donnés. Ceux qui ont été révélés par les prophètes et marqués des symboles de notre histoire, et ceux que j’ai annoncés : le signe de Jonas — vous vous souvenez de ce jour-là à Cédès[6] ? C’est le signe qu’attend Gamaliel.

Toi, Etienne, toi, Hermas, et toi, Barnabé qui as quitté tes compagnons aujourd’hui pour me suivre, vous avez certainement entendu le rabbi parler plus d’une fois de ce signe. Eh bien, il sera bientôt donné. »

Il s’éloigne en montant à travers les oliviers de la montagne, suivi des siens et de nombreux disciples (des soixante-douze) en plus d’autres, comme Joseph Barnabé qui le suit pour l’entendre parler encore.

592.21

Jésus dit :

« Tu placeras ici la seconde partie du lundi, autrement dit les propos tenus à mes apôtres pendant la nuit (vision du 6 mars 1945). »

592.1

Jesus sai depressa da tenda de um galileu, lá sobre o pequeno planalto do Olival, onde muitos galileus se reúnem por ocasião das solenidades. O campo está todo ainda dormindo sob a claridade da lua, que vai se pondo lentamente, cobrindo com sua luz de prata as tendas, as árvores e os declives. E lá embaixo a cidade está dormindo…

Jesus passa com segurança e sem fazer barulho por entre uma tenda e outra e, depois de sair do campo, desce rapidamente por uns caminhos escarpados, indo para o Getsêmani, o atravessa e sai dele deixando para trás a pequena ponte sobre o Cedron, que é como uma fita de prata que canta para a lua, e chega à porta guardada pelos legionários. Talvez seja uma medida de precaução tomada pelo Procônsul, essa escolta noturna diante das portas fechadas. Os soldados, que são quatro, estão conversando sentados sobre grandes pedras que estão servindo de cadeiras, encostadas ao muro forte, e se aquecem ao lado de um pequeno fogo de estrepes secos que projetam uma luz avermelhada sobre as couraças brilhantes e sobre os capacetes severos, sob os quais emergem uns rostos tão diferentes, em sua fisionomia itálica tão diferente da dos hebreus.

– Quem vem lá? –diz o primeiro que vê aparecer a alta figura de Jesus por detrás da esquina de um casebre que está perto da porta, e o soldado sobraça a hasta que termina em uma lança pontiaguda.

Ele estava apoiado no muro, perto dali, e se põe na posição regulamentar sendo imitado pelos outros. E sem dar tempo a Jesus de responder, ele lhe diz:

– Agora não se entra. Não sabes que na segunda vigília termina a entrada?

– Eu sou Jesus de Nazaré. Estou com minha Mãe na cidade. E estou indo a Ela.

– Oh! É o homem que ressuscitou o morto em Betânia! Por Júpiter! Finalmente, eu o irei ver.

E vai para perto de Jesus olhando para Ele com curiosidade, e andando ao redor dele para certificar-se de que não é alguma coisa irreal, estranha, mas um homem mesmo, como os outros. E ele diz:

– Oh! Numes! Ele é belo como Apolo, mas em tudo mais é como nós. E não traz nem bastão nem chapéu, e nenhum sinal do seu poder.

Ele está perplexo. Jesus olha para ele pacientemente. Sorrindo-lhe com doçura. Os outros, que são menos curiosos — talvez já tenham visto Jesus em outras ocasiões — dizem:

– Teria sido bom que Ele tivesse estado aqui na metade da primeira vigília, quando foi levada para o sepulcro a bela menina que morreu esta manhã. Nós o teríamos visto ressuscitá-la…

Jesus docemente repete:

– Posso ir até minha Mãe?

Os quatro soldados voltam a si. O mais velho deles fala:

– Na verdade a ordem seria de não deixar passar. Mas Tu passarias do mesmo modo. Aquele que força até as portas do Hades pode muito bem forçar as portas de uma cidade fechada. Além disso, Tu não és homem suscitador de sublevações. Portanto, para Ti a proibição não vale. Toma cuidado para não seres visto pelas rondas do lado de dentro. Abre, Marcos Grato. E Tu, passa sem fazer barulho. Nós somos soldados e temos que obedecer…

– Não temais. A vossa bondade não merecerá castigo para vós.

Um legionário abre com cuidado uma passagem que há no enorme portão, e diz:

– Passa depressa. Daqui a pouco termina a vigília e nós vamos ser substituídos pelos que devem vir depois de nós.

– A paz esteja convosco.

– Mas nós somos homens de guerra…

– Até na guerra a paz que Eu dou permanece, porque é a paz da alma.

E Jesus mergulha na escuridão do buraco que se abriu através dos muros. Ele passa silencioso pela frente do corpo de guarda e o buraco aberto deixa sair a luz trêmula de uma candeia de azeite. É uma lâmpada comum, suspensa do forro por um gancho, e com a luz dela podem ver-se os corpos dos soldados que estão dormindo sobre umas esteiras no chão, todos enrolados em seus mantos e com as armas aos seus lados.

592.2

Jesus já está na cidade… e eu o perdi de vista, enquanto fiquei observando dois daqueles soldados que estão entrando e que observam se Ele se afastou, antes de entrar e despertar os que estão dormindo, pois é a troca do turno.

– Não o estamos vendo mais… Que terá Ele querido dizer com aquelas palavras? Eu gostaria de sabê-lo –diz o mais novo.

– Tu devias ter-lhe feito a pergunta. Ele não nos despreza. É o único hebreu que não nos despreza, que não nos maltrata de modo algum –responde o outro que já tem mais idade.

– Não tive coragem. Logo eu, um camponês de Benevento, ir falar a alguém que dizem ser Deus?

– Um Deus montado num jumento? Ah! Ah! Se Ele fosse um bêbado como Baco, poderia ser. Mas bêbado Ele não é. Creio que Ele não bebe. Não vedes como é pálido e magro?

– Contudo os hebreus…

– Eles, sim, que bebem, ainda que não mostrem que o fazem! E bêbados, por terem tomado dos fortes vinhos destas terras e de sua sícera, chegaram a ver um deus em um homem. Podes crer em mim. Os deuses são invenções. O Olimpo está vazio deles e a terra não os tem.

– Se eles te ouvissem!…

– Serás ainda tão criança, que não possas ser um candidato e não saibas ainda que o próprio César não crê nos deuses, e que neles também não creem os pontífices, nem os áugures, nem os adivinhos, nem os sacerdotes, nem as vestais, nem ninguém?

– E, então, por que…

– Por que os ritos? Porque agradam ao povo e são úteis aos sacerdotes e servem a César, para que ele se faça obedecer como se fosse um deus, levado pela mão dos deuses do Olimpo. Mas os primeiros a não crerem são justamente aqueles que nós veneramos como ministros dos deuses. Eu sou pirrônico. Já percorri todo o Orbe. Já fiz muitas experiências. Os meus cabelos já estão ficando brancos nas sobrancelhas e meu pensamento já amadureceu. Tenho como um código pessoal estas três sentenças: amar Roma, única deusa e única certeza, amá-la até o sacrifício da própria vida. Não acreditar em nada, pois tudo aquilo que nos circunda é ilusão, com exceção da Pátria sagrada e imortal. Até de nós devemos duvidar, porque é incerto até se nós estamos vivos. Os sentidos e a razão não bastam para dar-nos a certeza de chegarmos a conhecer a Verdade, e viver e morrer têm o mesmo valor, porque não sabemos o que é viver e não sabemos o que é morrer –diz ele, afetando ter um ceticismo filosófico de uma criatura superior…

O outro o fica olhando, na incerteza. Depois diz:

– Pois eu, ao contrário, creio. E gostaria de saber… Saber por meio daquele homem que passou por aqui há pouco. Ele certamente sabe a Verdade. Há uma coisa estranha que sai dele. É como uma luz que entra dentro da gente!

– Esculápio te salve! Tu estás doente! Há pouco subiste do vale para a cidade. E as febres aparecem facilmente nos que fazem esta viagem sem se terem ainda aclimatado com esta região. Tu estás delirando. Vem cá. Não há nada como vinho quente com aromas para fazer que saia de nós, com o suor, o veneno da febre do Jordão…

E o manda para o corpo da guarda. Mas o outro se livra dele, dizendo:

– Eu não estou doente. Não quero vinho quente drogado. Eu quero velar lá fora dos muros –(e mostra o lado interno do bastião)– e ficar esperando o homem que se chama Jesus.

– Se ficar esperando não te desagrada… Eu vou despertar aqueles para a substituição. Adeus!…

Ele entra, fazendo muito barulho, no corpo da guarda, despertando os companheiros e gritando:

– Já chegou a hora. Vamos, ó grandes preguiçosos. Já estou cansado!…

Boceja rumorosamente e pragueja porque deixaram que o fogo apagasse, e porque beberam todo o vinho quente, “tão necessário para enxugar o orvalho da Palestina…”

O outro, o jovem legionário, encostado a uma muralha que a lua toca com sua luz do poente, espera que Jesus volte do lugar aonde foi. E as estrelas velam pela esperança dele…

592.3

Enquanto isso, Jesus já chegou à casa de Lázaro sobre a colina de Sião e está batendo à porta.

Levi a abre:

– És tu, Mestre? As patroas estão dormindo. Por que não mandaste um servo, se precisavas de alguma coisa?

– Não o teriam deixado passar.

– Ah! É verdade. Mas como foi que Tu passaste?

– Eu sou Jesus de Nazaré. E os legionários me deixaram passar. Mas não o contes a ninguém, Levi.

– Não contarei… Eles são melhores do que muitos de nós!

– Leva-me onde minha Mãe está passando a noite, mas não despertes nenhum outro da casa!

– Como Tu quiseres, Senhor. A ordem de Lázaro a todos os seus auxiliares em casa é a de obedecer-te em tudo, sem discussão e demora. Foi pouco depois da aurora que um servo chegou trazendo esta ordem, e muitos outros servos a foram levar a todas as casas. Obedecer e calar-se. E nós o faremos. Tu nos deste de novo o patrão…

O homem vai troteando na frente pelos corredores vastos como galerias do esplêndido palácio de Lázaro sobre a colina de Sião. E a luz que ele leva nas mãos ilumina de modo fantástico os móveis e tapeçarias que ornamentam largos corredores. O homem para diante de uma porta fechada:

– Ali está a tua Mãe.

– Podes ir.

– E a lâmpada? Não a queres? Eu posso voltar no escuro. Conheço bem a casa. Nasci aqui.

– Então, deixa-a. E não tires a chave da porta. Eu saio logo.

– Tu sabes onde encontrar-me. Eu fecharei por precaução. Mas estarei pronto para ir abrir-te a porta quando vieres.

592.4

Jesus fica sozinho. Ele bate levemente, uma batida tão leve que somente alguém que esteja bem acordado pode ouvir. Há um rumor dentro do quarto, como o de uma cadeira que é mudada de lugar e um ligeiro rumor de passos, e uma voz que fala baixo:

– Quem bate?

– Eu, minha Mãe. Abre para Mim.

A porta é aberta logo. A luz da lua é a única luz que ilumina o quarto silencioso e estende seus raios sobre o leito, que esta noite ainda não foi usado. Uma cadeira está perto da janela, que está toda aberta sobre o mistério da noite.

– Ainda não estavas dormindo? Já é tarde!

– Eu estava rezando… Vem, meu Filho. Senta-te aqui onde eu estava –e mostra-lhe a cadeira perto da janela.

– Eu não posso parar aqui. Eu vim te buscar para irmos à casa da Elisa em Ofel. Anália morreu. Não o sabíeis ainda?

– Não. Ninguém… Quando foi, Jesus?

– Depois da minha passagem.

– Depois da tua passagem[1]! Então, foste para ela o Anjo libertador?! Para ela esta Terra era como uma prisão! Feliz dela! Eu quereria estar no lugar dela! Morreu… de morte natural? Quero dizer: não foi por alguma desventura?

– Morreu de alegria, por amor. Ela ficou sabendo que Eu já estava na saída do Templo. Vem comigo, minha Mãe. Nós não tememos profanar-nos por consolarmos uma mãe que teve em seus braços a filha que morreu de uma alegria sobrenatural… A nossa primeira virgem! Aquela que foi a Nazaré[2], foi a ti para encontrar-me e pedir-me essa alegria… Dias longínquos e serenos.

– Anteontem ela cantava como um toutinegra apaixonada, e me beijava, dizendo: “Eu sou feliz!”, e estava ansiosa por ouvir tudo de Ti. Como foi que Deus te formou. Como foi que Ele me escolheu. E minhas primeiras palpitações de virgem consagrada… Agora eu compreendo…

592.5

Estou pronta, meu Filho.

Maria, enquanto estava falando, foi recolhendo suas tranças, que estavam caídas pelas costas e que a faziam ficar parecendo uma menina; pôs o véu e o manto.

Eles saem fazendo o menor barulho possível. Levi já está perto do portão. E ele explica:

– Eu achei melhor fazer assim… Por minha mulher… As mulheres são curiosas. Ela me teria feito mil perguntas… Assim é melhor…

Ele abre, depois começa a fechar.

Jesus diz:

– Ainda esta noite Eu trarei de volta minha Mãe.

– E eu ficarei velando aqui perto. Não tenhas medo.

– A paz esteja contigo.

Eles vão pelas estradas silenciosas, que estão vazias, e das quais a lua vai-se retirando lentamente, pois por enquanto ela parece estar parada lá, por cima das casas altas da colina de Sião. O mais iluminado é o bairro de Ofel, com suas casinhas mais humildes e mais baixas.

592.6

Aquela é a casa de Anália. Está fechada, escura e silenciosa. Umas flores já murchas estão sobre os degraus da porta. Talvez sejam aquelas jogadas pela virgem antes de morrer. Ou então, as que caíram do seu leito fúnebre…

Jesus bate na porta. Bate de novo.

Ouve-se o rumor de uma janela lá no alto. E uma voz pergunta:

– Quem bate?

– Maria e Jesus de Nazaré –responde Maria.

– Oh! Já vou!…

Uma breve espera e depois se ouve o barulho dos ferrolhos funcionando. A porta se abre e mostra o rosto desfeito de Elisa, que com dificuldade consegue manter-se à porta. E quando Maria, na entrada, lhe abre os braços, deixa-se cair neles com os soluços de quem já chorou tanto e que nem tem mais voz para falar. Jesus fecha a porta e fica esperando com paciência que sua Mãe acalme aquela ânsia.

Perto da porta há um quarto. Entram nele e Jesus vai levando a lâmpada que Elisa havia posto no chão antes de abrir a porta. O pranto da mãe parece que não vai ter fim. Ela fala, por entre os soluços roucos, a Maria. A mãe fala à Mãe. Jesus, em pé junto à parede, está calado.

592.7

Elisa não é capaz de achar motivo para aquela morte e daquele modo… E em seu sofrimento faz cair a culpa dela em Samuel, o noivo que a enganou:

– Ele lhe partiu o coração, aquele maldito! E ela não dizia nada. Mas com certeza sofria, quem sabe quanto! E na alegria, no grito, seu coração se partiu. Que ele seja maldito para sempre.

– Não, querida. Não. Não maldigas. Não é assim. Deus a amou tanto que a quis ver em paz. Mas mesmo que ela tivesse morrido por causa de Samuel — não o foi, mas suponhamos isso por um momento — pensa bem que morte alegre ela teve, e que a má ação lhe causou uma morte feliz.

– Eu não a tenho mais! Ela morreu! Ela morreu! Tu não sabes o que é perder uma filha! Eu já provei esta dor por duas vezes. Porque eu já a chorava como morta quando o teu Filho a curou. Mas agora… Ele não voltou! Não teve piedade!… E eu a perdi! Já está no túmulo a minha filha! Sabes o que vem a ser ficar vendo assim um filho agonizar? Saber que ele vai morrer? Depois vê-lo morto, quando se esperava que ele ficasse são e forte? Tu não sabes. Nem podes falar… Ela era bela como uma rosa que se estava abrindo aos primeiros raios do sol, enquanto se arrumava esta manhã. Ela tinha querido ornar-se com a veste que eu lhe havia feito para as núpcias. Ela também queria ornar-se como esposa. Depois preferiu desfazer a grinalda já feita e despetalar as flores para jogá-las em teu Filho, e estava cantando! Cantando! Sua voz enchia a casa. Estava linda como a primavera. A alegria tornava seus olhos brilhantes como estrelas e purpúreos como a polpa da romã, os lábios abertos sobre a brancura dos dentes, e tinha as faces rosadas e frescas como as rosas novas que o orvalho vem ornar. E tornou-se branca como o lírio que acabou de abrir-se. E se agarrou ao meu peito como um caule despedaçado… E não disse mais nem uma palavra! Não deu mais nem um suspiro! Não tinha mais cor. Nenhum olhar. Plácida, bela como um anjo de Deus, mas já sem vida.

592.8

Tu não sabes, tu que te alegras com os triunfos do teu Filho e sabes que Ele está são e forte, não sabes o que é a minha dor! Por que Ele não retornou? Em quê ela lhe havia desagradado, e eu com ela, para não ter piedade da minha oração?

– Elisa! Elisa! Não fales assim… Tua dor te faz cega e surda… Elisa, tu não sabes qual é o meu sofrimento. E não sabes que mais profundo se tornará o meu sofrimento. Tu a viste plácida e bela, quando ela enrijeceu em paz. E entre os teus braços. Eu… Eu venho contemplando a minha Criatura há mais de seis lustros, e acima das carnes limpas e puras, que eu contemplo e acaricio, vejo as chagas do Homem das dores, que vai tornar-se o meu Filho. Sabes, tu que dizes que eu não sei o que é ver meu Filho ir duas vezes para a morte e na segunda ficar em paz, será que sabes o que é para uma mãe ter diante dos olhos uma visão assim por tantos anos? O meu Filho! Ei-lo aqui. Já está vestido de vermelho como se tivesse saído de um banho de sangue. Já está perto, é daqui a pouco. Ainda não terá escurecido o rosto de tua filha no sepulcro e eu já o estarei vendo vestido com a púrpura de seu sangue inocente. Daquele sangue que eu lhe dei. E se tu tomaste sobre o coração a tua filha, então sabes qual será a minha dor ao ver morrer o meu Filho como um malfeitor sobre o lenho da cruz? Olha para Ele! É o Salvador de todos. No espírito e na carne. Porque a carne dos salvados por Ele será incorruptível e feliz em seu Reino. E olha para mim! Olha para esta Mãe que a cada hora o acompanha e conduz — oh! Eu não o deteria em nenhum passo! — o próprio Filho ao Sacrifício! Eu te posso compreender, pobre mãe. Mas tu, compreendas o meu coração! Não odeies o meu Filho. Anália não teria suportado ver a agonia do seu Senhor. E seu Senhor a fez feliz em uma hora de gozo intenso.

592.9

Elisa parou de chorar ao ouvir esta revelação. Ela olha para Maria, que está com o seu rosto de mártir lavado por lágrimas silenciosas, olha para Jesus, que está olhando para ela com piedade… e, gemendo, se joga aos pés de Cristo, dizendo:

– Mas minha filha morreu! Ela morreu, Senhor! Como um lírio, um lírio despedaçado. Disseram os poetas[3] que Tu és Aquele que se compraz por estar entre lírios. Oh! Na verdade, Tu, nascido do lírio que é Maria, desces frequentemente aos canteiros floridos e das rosas purpúreas fazes cândidos lírios, e os colhes, tirando-os do mundo. Por quê? Por quê, Senhor? Não é justo que uma mãe goze da rosa que dela nasceu? Por que matar o que era purpúreo no frio candor da morte do lírio?

– Os lírios! Eles serão o símbolo daqueles que me haverão de amar como minha Mãe amou a Deus. É o cândido canteiro do Rei Divino.

– Mas nós mães choraremos. Nós mães temos direitos sobre os nossos filhos. Por que tirá-los da vida?

– Não é isso que Eu quero dizer, mulher. Ainda ficarão as filhas, consagradas ao Rei, como as virgens nos palácios de Salomão. Lembra-te do Cântico… E como esposas, serão as bem-amadas na terra e no Céu.

– Mas a minha filha morreu. Morreu!

E recomeça um choro dilacerante.

– Eu sou a ressurreição e a Vida. Quem crê em Mim, ainda que morra, viverá. Em Verdade Eu te digo que não morrerá para sempre. A tua filha está viva. Vive para sempre porque acreditou na Vida. Ela conheceu a alegria de viver em Mim antes de conhecer a dor de ver-me sendo arrebatado da vida. A tua dor te faz ficar cega e surda. Bem que minha Mãe o diz. Mas brevemente tu dirás aquilo que te mandei dizer esta manhã: “Realmente a sua morte foi uma graça de Deus.” Acredita, mulher. Este lugar aguarda o horror. E chegará o dia em que as mães atingidas como você dirão: “Louvor a Deus que poupou estes dias aos nossos filhos.” E as mães que não foram feridas, gritarão ao Céu: “Por que, ó Deus, por que não mataste os nossos filhos antes desta hora?” Acredita nisso, mulher. Acredita nas minhas palavras. Não levantes entre ti e Anália uma verdadeira clausura que as pode separar: a diferença na fé. Estás vendo? Eu podia não ter vindo. Tu sabes quanto Eu sou odiado. Que não te iluda o triunfo de uma hora!… Cada canto pode estar escondendo uma cilada para Mim. Eu vim sozinho, de noite, para consolar-te e dizer-te estas palavras. Eu me compadeço da dor de uma mãe. Mas pela paz de tua alma Eu venho dizer-te estas palavras: Fica em paz! Em paz!

– Dá-me essa paz, Senhor! Eu não posso. Não posso, neste sofrimento, dar-me paz. Mas Tu, que dás a vida aos mortos e a saúde aos que estão morrendo, dá a paz ao coração dilacerado de uma mãe.

– Assim seja, mulher. Que tenhas a paz.

Ele lhe impõe as mãos, abençoando-a e orando em silêncio sobre ela. Maria, por sua vez, ajoelhou-se perto de Elisa rodeando-a com o seu braço.

592.10

– Adeus, Elisa. Eu já me vou…

– Não nos veremos mais, Senhor? Eu não sairei de casa por muitos dias, e Tu irás embora depois das festas pascais. Tu… és ainda um pouco da minha filha… porque Anália… porque Anália vivia em Ti e por Ti.

Ela chora. Já está mais calma. Mas como chora!

Jesus olha para ela. E a acaricia sobre a cabeça encanecida. E lhe diz:

– Tu me verás ainda.

– Quando?

– Daqui a oito noites, a começar por esta.

– E me confortarás ainda? E me abençoarás e me darás forças?

– O meu coração te abençoará com a plenitude do meu amor para com aqueles que me amam. Vamos, minha Mãe.

– Meu Filho, se Tu me permites, eu gostaria de ficar ainda com esta mãe. A dor é um vagalhão que volta, depois de ter-se afastado Aquele que dá paz… Eu estarei de volta à hora de prima. Não tenho medo de andar sozinha. Tu sabes disso, e sabes que eu passaria por todo um exército inimigo contanto que pudesse dar consolo a algum meu irmão da parte de Deus.

– Seja como quiseres. Eu me vou. Deus esteja convosco.

Jesus sai sem fazer barulho, fechando atrás de si a porta do quarto e a da casa.

592.11

Ele volta para perto dos muros, dirige-se para a Porta de Efraim, também chamada Estercorária ou do Estrume, pois muitas vezes eu ouvi chamar estas duas portas, próximas uma da outra, por esses três nomes, talvez porque uma delas se abre para a estrada de Jericó, que está no fundo, e a outra, porque está perto do vale de Hinon, onde são queimadas as imundícies da cidade, e são tão parecidas que eu as confundo.

O céu começa a embranquecer do lado do oriente, mesmo estando ainda cheio de estrelas. As estradas continuam envolvidas em uma penumbra, mais incômoda do que a escuridão da noite, que a lua temperava com a sua brancura.

Mas o soldado romano tem bons olhos e, tendo visto Jesus que se aproxima da porta, vai ao encontro dele.

– Salve! Eu fiquei te esperando.

E ele para, hesitante.

– Fala sem medo. Que queres de Mim?

– Quero saber. Tu disseste: “A paz que Eu dou permanece até na guerra, porque é a paz da alma.” Eu gostaria de saber que paz é essa e o que é que vem a ser a alma. Como pode o homem que está na guerra estar em paz? Quando se abre o templo de Jano, fecha-se o da Paz. Não podem as duas coisas estar no mundo ao mesmo tempo.

Ele está falando encostado no murinho esverdeado de uma pequena horta, em uma ruazinha estreita como uma trilha entre os campos, entre casas pobres, umidade, ar tétrico, sombrio. Fora o leve brilho que se nota no capacete brunido do soldado, não se enxerga nada dos dois que estão falando. A sombra apaga os rostos e os corpos, reduzindo tudo a uma completa escuridão.

A voz de Jesus ressoa clara e luminosa, pela alegria que Ele tem por lançar uma semente de luz na mente do pagão:

– No mundo, em verdade, não pode haver paz e guerra ao mesmo tempo. Porque uma exclui a outra. Mas no homem de guerra pode haver paz, mesmo quando ele combate na guerra para a qual foi mandado. Pode ser a minha paz. Porque a minha paz vem do Céu, e o fragor da guerra não a lesa, nem a ferocidade das matanças. Ela, como uma coisa divina, invade outra coisa divina que o homem tem em si, e que é chamada alma.

– Coisa divina? Em mim? Divino é César. Eu sou um filho de camponeses. Agora eu sou um legionário, sem nenhum grau. Se eu for um destemido poderei talvez chegar a ser um centurião. Mas divino, não.

– Há uma parte em ti que é divina. É a alma. Ela vem de Deus. Do verdadeiro Deus. Por isso ela é divina, uma pedra preciosa viva no homem e é de coisas divinas que ela se alimenta: a fé, a paz, a verdade. A guerra não a perturba. A perseguição não a lesa. A morte não a mata. Só o mal, fazer aquilo que é mal é o que a fere ou mata, e até a priva da paz que Eu dou. Porque o mal separa o homem de Deus.

592.12

– E que é o mal?

– Estar no paganismo e adorar os ídolos, quando a bondade do verdadeiro Deus permitiu conhecer que existe o verdadeiro Deus. Não amar o pai, a mãe, os irmãos e o próximo. Roubar, matar, ser rebeldes, viver na luxúria, ser falsos. Isto é o mal.

– Ah! Então, eu não posso ter a tua paz! Como soldado e comandado, eu sou obrigado a matar. Então, para nós não há salvação?

– Procura ser justo na guerra como na paz. Cumpre o teu dever sem ferocidade e sem avidez. Enquanto combates e conquistas, pensa que o inimigo é semelhante a ti e que todas as cidades têm mães e meninas como a tua mãe e as tuas irmãs, e procura ser corajoso sem seres um bruto. Assim, não sairás da justiça e da paz, e a minha paz ficará em ti.

– E depois?

– E depois? Que queres dizer?

– Depois da morte. Que acontece com o bem que eu tiver feito e com a alma que Tu dizes que não morre, se não se fizer o mal?

– Ela vive. Vive adornada com o bem que tiver feito, em uma paz cheia de alegria, maior do que aquela que se goza na Terra!

– Então na Palestina só existe um homem que fez o bem! Agora compreendi!

– E quem é ele?

– Lázaro de Betânia. A alma dele não morreu!

– Na verdade, ele é justo. Mas muitos são iguais a ele e morrem sem ressuscitarem, mas a alma deles vive no Deus verdadeiro. Porque a alma tem uma outra morada, no Reino de Deus. E quem crer em Mim entrará naquele Reino.

– Até eu, que sou romano?

– Também tu, se creres na verdade.

– Que é a Verdade?

– Eu sou a Verdade, e o Caminho para ir à Verdade, e sou a Vida e dou a Vida, porque quem acolhe a Verdade, acolhe a Vida.

592.13

O jovem soldado fica pensando… e se cala… Depois, ele levanta o rosto. Um rosto ainda puro de jovem, e tem um sorriso puro e sereno. E diz:

– Eu procurarei lembrar-me disso e aprender mais ainda. Isto me agrada…

– Como te chamas?

– Vital. Sou de Benevento. Dos campos da cidade.

– Eu me lembrarei do teu nome. Faze que o teu espírito seja verdadeiramente vital, nutrindo-o com a Verdade. A porta já está sendo aberta. Vou sair da cidade.

– Ave!

Jesus vai logo para a porta e se apressa pelo caminho que vai para o Cedron e o Getsêmani, e de lá para o campo dos Galileus.

592.14

Por entre as oliveiras do monte, vem chegando Judas Iscariotes, que vem subindo, também ele, para o campo, onde já estão despertando. Judas leva quase um susto ao achar-se diante de Jesus. Jesus olha fixamente nele, sem nada dizer.

– Eu fui levar alimento para os leprosos. Mas… encontrei só dois em Hinon e cinco em Siloan. Os outros ficaram curados. Ainda estão lá, mas curados; por isso me pediram que avisasse o sacerdote. Eu havia descido ao alvorecer do dia para ficar livre depois. A coisa vai dar o que falar. Um número tão grande de leprosos curados ao mesmo tempo, depois que tu os abençoaste na presença de tanta gente!

Jesus não fala. Ele o deixa falar… Jesus não lhe diz: “Fizeste bem”, nem nenhum outra palavra que se refira à ação de Judas, nem ao milagre, mas, parando de repente, e olhando fixamente para o apóstolo, lhe pergunta:

– E então? Que mudança houve ao ter te deixado em liberdade e com o dinheiro?

– Que queres dizer?

– O seguinte: Eu te pergunto se ficaste santificado depois que Eu te dei liberdade e dinheiro… Ah! Judas! Lembra-te disso! Lembra-te sempre: tu foste aquele que Eu amei mais do que qualquer outro, recebendo de ti menos amor do que o que Eu recebi de todos os outros. O que Eu recebi de ti foi um ódio maior, porque é ódio de alguém que tratei como amigo, ódio mais feroz do que o ódio do fariseu mais feroz. E lembra-te também disto: de que Eu nem agora te odeio, mas, no tanto que toca ao Filho do homem, Eu te perdoo. Agora, vai. Não há mais nada a dizer entre Mim e ti. Tudo já está feito…

Judas quereria dizer alguma coisa, mas Jesus, com um gesto decisório, lhe faz sinal para que vá para frente… E Judas, inclinando a cabeça como um vencido, vai para frente…

592.15

No limite do Campo dos Galileus, os apóstolos e os dois servos de Lázaro já estão prontos.

– Onde estiveste, Mestre? E tu, Judas? Vós estáveis juntos?

Jesus, antes que Judas respondesse, diz:

– Eu tinha algo a dizer a uns corações. Judas foi aos leprosos… Mas foram curados todos, menos sete.

– Oh! Por que foste? Eu queria ir também –diz Zelotes.

– Para ficar livre agora e poder vir conosco. Vamos. Entraremos na cidade pela Porta do Rebanho. Vamos logo –diz ainda Jesus.

592.16

Põe-se a caminho por primeiro, passando pelos olivais que se acham à beira da estrada pelo campo, a quase meio caminho entre Betânia e Jerusalém, pela pequena ponte que atravessa o Cedron, perto de Porta do Rebanho.

Há algumas casas de camponeses espalhadas pelas ladeiras, e, lá embaixo, perto das águas da torrente, está uma figueira toda cheia de folhas, inclinada por cima do rio. Jesus se dirige a ela e procura ver se por entre as folhas largas e grossas não haverá algum figo maduro. Mas a figueira só tem folhas, muitas, mas inúteis, e não tem nenhum fruto nos ramos, e lhe diz:

– Tu és como muitos corações em Israel. Não tens doçuras para o Filho do homem nem piedade. Que de ti não nasça mais nenhum figo e ninguém de ti coma no futuro.

Os apóstolos olham um para o outro. A ira de Jesus contra a planta estéril, talvez até uma planta selvagem, os espanta. Mas eles não dizem nada. Somente mais tarde, depois de terem atravessado o Cedron, é que Pedro lhe pergunta:

– Onde foi que comeste?

– Em lugar nenhum.

– Oh! Então estás com fome. Lá vem um pastor com uma cabra pastando. Eu vou até lá e pedirei leite para Ti. Eu volto logo.

E ele vai com grandes passos e volta, tomando cuidado com uma velha tigela cheia de leite.

Jesus bebe e, com uma carícia, entrega a tigela ao pastorzinho, que veio de lá acompanhando Pedro…

592.17

Entram na cidade e sobem ao Templo e, tendo adorado o Senhor, Jesus volta para o pátio onde os rabis estão dando suas lições.

As pessoas se aglomeram ao redor dele e uma mãe que veio de Cintium lhe apresenta o seu filho, que uma doença fez ficar cego, como me parece. Ele tem os olhos brancos como quem tem uma grande catarata sobre a pupila, ou uma albugem. Jesus o cura, tocando-lhe de leve as órbitas com os seus dedos. E, logo em seguida, começa a falar:

– Um homem comprou um terreno e plantou nele um vinhedo, construiu uma casa para os colonos, uma torre para os vigias, adegas e lagares onde prensar as uvas, e o entregou a alguns colonos nos quais ele tinha confiança. Depois, viajou para longe. Quando chegou o tempo em que os vinhedos já podiam estar dando frutos, tendo as videiras já crescido, o dono da vinha mandou os seus servos aos colonos a fim de receberem os lucros da colheita. Mas os colonos cercaram aqueles servos e uma parte deles foi recebida com pauladas, outros foram feridos com pedradas que os machucaram muito e outros foram mortos. Os que ainda puderam voltar vivos à casa do patrão lhe contaram o que havia sucedido. O patrão fez neles os curativos e os consolou. E depois mandou outros servos, em número bem maior. E os colonos trataram a estes como haviam tratado aos primeiros. Então, o dono da vinha disse: “Mandar-lhes-ei o meu filho. Certamente eles haverão de honrar ao meu herdeiro.” Mas os colonos, ao vê-lo, e tendo ficado sabendo que ele era o herdeiro, combinaram entre si uns com os outros, dizendo: “Vinde. Reunamo-nos, e seremos muitos. Vamos arrastá-lo lá para fora, para um lugar afastado, e o matemos. E a herança dele ficará para nós.” E, recebendo-o com uma delicadeza fingida, o rodearam como se fosse para festejá-lo, e, depois de o beijarem, o amarraram e lhe deram uma forte surra, levando-o depois, no meio de mil motejos, ao lugar do suplício, e lá o mataram. Agora, dizei-me vós. Aquele pai e patrão que um dia percebe que seu filho não voltou, e descobre que aqueles seus servos-colonos, aqueles aos quais ele havia dado uma terra fértil para que a cultivassem em seu nome, recebendo por isso o tanto que fosse justo e dando o tanto que era justo ao seu patrão, descobre que eles é que foram os assassinos de seu filhos, que é que fará?

E Jesus dardeja suas íris de safira, acesas como um sol, sobre os que haviam chegado, mas especialmente sobre os grupos dos judeus mais influentes, os fariseus e os escribas espalhados pelo meio da multidão. Ninguém diz nada.

– Falai, vós, então. Pelo menos vós, que sois os rabis de Israel. Dizei uma palavra de justiça, que prepare o povo para a justiça. Eu poderia dizer uma palavra não boa, de acordo com o vosso pensamento. Dizei-a, então, vós, para que o povo não seja levado ao erro.

Constrangidos, os escribas respondem assim:

– Ele punirá aqueles celerados, fazendo-os perecer de um modo atroz, e dará a vinha a outros colonos que honestamente a cultivem, dando-lhe o produto da terra recebida por eles em consignação.

– Vós falastes bem. Assim está escrito[4] na Sagrada Escritura: “A pedra que os construtores rejeitaram tornou-se a pedra angular. Esta é a obra feita pelo Senhor, e é uma coisa maravilhosa aos nossos olhos.” Porque assim está escrito, e vós sabeis disso e julgais justo que sejam punidos atrozmente aqueles colonos que mataram o filho herdeiro do dono da vinha e que ela seja consignada a outros colonos que a cultivem honestamente. É por isso que Eu vos digo: “Ser-vos-á tirado o Reino de Deus e será dado a outros que nele produzam frutos. E quem cair contra[5] esta pedra se esfacelará, e aquele sobre quem a pedra cair, será esmagado.”

592.18

Os chefes dos sacerdotes, os fariseus e os escribas, com um ato verdadeiramente… heroico, não reagem. A que ponto chega o desejo de atingir um objetivo! Por muito menos, em outras ocasiões, opuseram-se a Ele. E hoje, que o Senhor Jesus lhes diz abertamente que lhes vai ser tirado o poder, eles não disparam impropérios contra Ele, não cometem atos violentos, não ameaçam, como falsos cordeirinhos pacientes que, por baixo de uma veste fingida de mansidão, estão escondendo um imutável coração de lobo.

Eles se limitam a aproximar-se dele, que agora recomeçou a caminhar para frente e para trás, indo e voltando, escutando isto ou aquilo dos muitos peregrinos que se dirigiram para o amplo pátio, e dentre os quais muitos lhe pedem algum conselho para casos de consciência, ou para circunstâncias familiares ou sociais, esperando também poder dizer-lhe alguma coisa depois de o terem ouvido fazendo julgamento sobre algum caso complicado de herança, que produziu divisão e rancor entre os diversos herdeiros. Isto por causa de um dos filhos do pai que o teve com uma das servas da casa, mas que foi adotado, e os filhos legítimos não o querem com eles, nem como coerdeiro na repartição das casas e dos terrenos, não querendo ter nada em comum com o bastardo, e não sabem resolver, porque o pai os fez jurar, antes de sua morte, que, assim como ele tinha feito, ao repartir o pão, tanto com o ilegítimo como com os legítimos, em medida igual, assim eles deviam igualmente repartir a herança com ele em medida igual.

Jesus diz àquele que o interroga em nome dos outros três irmãos:

– Sacrificai todos um pedaço de terreno, vendendo-o de tal modo que o valor do dinheiro atinja um quinto da importância total, e dai ao filho ilegítimo, dizendo-lhe: “Aqui está a tua parte. Não ficas prejudicado no que é teu nem se contrariou ao desejo de nosso pai. Vai, e Deus esteja contigo.” Sejais generosos em dar, até mesmo mais do que o valor estipulado. Fazei isso com testemunhas que sejam justas, e ninguém poderá na terra, nem depois desta Terra, levantar vozes de reprovação e de escândalo. E tereis a paz entre vós e em vós, não tendo o remorso de terdes desobedecido ao vosso pai, e não tendo entre vós aquele que, mesmo sendo inocente, é para vós causa de perturbação, ais do que um ladrão que tivesse sido posto entre vós.

O homem diz:

– O bastardo, em verdade, roubou a paz da nossa família, a saúde de nossa mãe que morreu de dor, e um lugar que não é dele.

– Mas não é ele o culpado, homem! Mas, sim, o homem que o gerou. Ele não pediu para nascer e carregar a marca de bastardo. Foi a libidinagem de vosso pai que o gerou para entregá-lo à dor e fazer-vos sofrer. Sede, pois, justos para com o inocente, que já está pagando duramente por uma culpa que não é dele. Nem desejais o mal para o espírito de vosso pai. Deus já o julgou. Não são necessários os raios de vossas maldições. Honrai a vosso pai sempre, ainda que ele seja culpado, não por si mesmo, mas porque representou na terra o vosso Deus, tendo-vos criado por decreto de Deus e sendo o senhor de vossa casa. Os pais estão imediatamente depois de Deus. Lembra-te do Decálogo. E não peques. Vai em paz.

592.19

Os sacerdotes e escribas se aproximam de Jesus, mas agora para interrogá-lo:

– Nós te ouvimos. Falaste conforme a justiça. Foi um conselho que, mais justo, nem Salomão seria capaz de dar. Mas agora, dize a nós, Tu que operas prodígios e dás sentenças, que só o sábio rei poderia dar, com que autoridade é que fazes estas coisas? De onde te vem um tal poder?

Jesus olha fixamente para eles. Ele não está nem agressivo nem com ar de desprezo, mas muito imponente. Ele diz:

– Eu também tenho uma pergunta a fazer-vos e, se me responderdes, Eu vos direi com que autoridade é que Eu, um homem sem autoridade, sem encargos e pobre — porque isto é o que quereis dizer — com que autoridade é que eu faço estas coisas. Pois bem. Dizei-me: o batismo de João, de onde é que vinha? Era do Céu ou do homem, a autoridade com que João o ministrava? Respondei-me. Com que autoridade é que João o administrava como um rito purificador, a fim de preparar-vos para a vinda do Messias, se João era ainda mais pobre e inculto do que Eu, sem exercer nenhum cargo, tendo vivido no deserto desde a sua meninice?

Os escribas e os sacerdotes se consultam uns aos outros. Os que estavam lá presentes se apertam, de olhos atentos e ouvidos bem abertos, prontos tanto para protestar como para aclamar, se os escribas quiserem desqualificar o Batista e ofender o Mestre ou se parecem ter ficado derrotados pela pergunta do Rabi de Nazaré, divinamente sábio. E as pessoas se comprimem ao redor dele. É impressionante o silêncio absoluto desta multidão que está à espera da resposta. É tão profundo que se podem ouvir a respiração e os cochichos dos sacerdotes e escribas, que falam uns aos outros, quase sem usar de palavras, e estão de olhos no povo. Enquanto isso, as pessoas do povo, cujos sentimentos eles bem conhecem, estão prontas para explodir.

E finalmente eles se decidem a responder. Eles se viram para o Cristo, que está encostado a uma coluna com os braços cruzados sobre o peito, e os está perscrutando sem perdê-los de vista, e aí eles dizem:

– Mestre, nós não sabemos com que autoridade João fazia aquilo nem de onde é que vinha o seu batismo. Ninguém pensou em perguntar ao Batista enquanto ele estava vivo, nem ele espontaneamente o disse.

– Pois nem Eu vos direi com que autoridade faço estas coisas.

E lhes vira as costas, chamando para perto de Si os doze e abrindo ala por entre a multidão que o aclama, e sai do Templo.

592.20

Quando já estão lá fora, e tendo já passado pela Piscina Probática e saído por aquele lado, Bartolomeu lhe diz:

– Tornaram-se muito prudentes os teus adversários. Talvez eles estejam convertendo-se ao Senhor que te enviou e reconhecendo-te como o Messias santo.

– É verdade. Eles não discutiram nem sobre o teu pedido nem sobre a tua resposta –diz Mateus.

– Assim seja. Seria belo Jerusalém converter-se ao Senhor seu Deus –diz ainda Bartolomeu.

– Não vos deixeis iludir. Esta porção de Jerusalém não se converterá nunca. Eles não responderam de outro modo porque têm medo da multidão. Eu estava lendo os pensamentos deles, mesmo quando Eu ouvia suas palavras submissas.

– E o que eles estavam dizendo? –pergunta Pedro.

– Diziam isto. Eu desejo que vós o saibais, para conhecê-los a fundo e possais dar aos vindouros uma exata descrição dos homens do meu tempo. Eles não me responderam, não por se terem convertido ao Senhor. Mas porque entre si eles diziam assim: “Se nós respondermos que o batismo de João vinha do Céu, o Rabi nos responderá: ‘E, então, por que não crestes naquilo que vinha do Céu e indicava a preparação para o tempo do Messias?’ E se dissermos que vem dos homens, então será a multidão que se revoltará, dizendo: ‘E, então, por que é que não crestes naquilo que João, o nosso profeta, falou sobre Jesus de Nazaré?’ Por isso, é melhor dizermos que nós não sabemos.” Sobre isso é que eles estavam conversando, não por sua conversão a Deus, mas por um cálculo infame e para não terem que confessar, com suas bocas, que Eu sou o Cristo, e faço estas coisas que faço porque sou o Cordeiro de Deus do qual falou o Precursor. E também Eu não quis dizer com que autoridade é que faço estas coisas que faço. Já muitas vezes Eu o disse, dentro daqueles muros e por toda a Palestina, e os meus prodígios falam ainda mais do que as minhas palavras. Agora não o direi mais com as minhas palavras. Deixarei que falem os profetas e meu Pai, e os sinais do Céu. Porque chegou o tempo no todos os sinais serão dados. Aqueles que foram ditos pelos profetas e assinalados pelos símbolos de nossa história, e aqueles de que Eu falei: o sinal de Jonas; vós vos lembrais daquele dia em Quedes[6]? É o sinal que Gamaliel está esperando. Tu, Estêvão, tu, Hermes, e tu, Barnabé, que deixastes os vossos companheiros, hoje, para seguir-me, certamente muitas vezes ouvistes o rabi falar daquele sinal. Pois bem. Logo será dado o sinal.

E Jesus se afasta, subindo para o meio dos olivais do monte, acompanhado pelos seus e por muitos discípulos (dos setenta e dois), além de outros, como José Barnabé, que o vem acompanhando para ouvi-lo falar ainda.

592.21

Diz Jesus:

– Aqui colocarás a segunda parte da segunda-feira, isto é, as pregações feitas aos meus apóstolos (visão de 6-3-45).


Notes

  1. passage : Marie fait référence à Ex 12, 12-13.
  2. est venue, en 156.5/6, comme Annalia elle-même l’a rappelé en 583.17.
  3. Les poètes disent de toi est peut-être une allusion à Ct 2, 1-2.16 ; 6, 2-3. Plus bas, Jésus se réfère probablement à Ct 6, 8-9 ; 8, 4.
  4. Il est écrit, en Ps 118, 22-23.
  5. contre : ce mot est encadré, sur le manuscrit original, par de forts coups de crayons rouges et bleus. L’explication en sera donnée en 594.8
  6. ce jour-là à Cédès, en 342.6/7 ; le signe qu’attend Gamaliel, promis en 41.9 et rappelé ici, ainsi qu’en : 85.4 ; 114.8/9 ; 160.4 ; 354.4 ; 364.8 ; 478.10 ; 487.10/11 ; 548.14/15 ; 549.9 (passage où, dans le dernier paragraphe, Gamaliel décrit son propre état d’âme) ; 560.5 ; 570.05 ; 602.5.7 ; 604.10 ; 609.28.30 (où il fait une très belle prière) ; 644.5 ; 645.5.10 ; 647.2/5.

Notas

  1. passagem se diz em referência a: Êxodo 12,12-13.
  2. foi a Nazaré, em 156.5/6, como a própria Analia recordou em 583.17.
  3. disseram os poetas, talvez se referindo a: Cântico dos cânticos 2,1-2.16; 6,2-3. Um pouco mais abaixo, Jesus faz uma provável referência a: Cântico dos cânticos 6,8-9; 8,4.
  4. está escrito, em: Salmo 118,22-23.
  5. contra é uma palavra contornada com fortes sinais de lápis vermelho e azul, no manuscrito original. A explicação será feita em 594.8.
  6. daquele dia em Qedes, em 342.6/7; o sinal que Gamaliel está esperando, prometido em 41.9 e lembrado aqui e em: 85.4 - 114.8/9 - 160.4 - 354.4 - 364.8 - 478.10 - 487.10/11 - 548.14/15 - 549.9 (no qual Gamaliel descreve, no último parágrafo, o próprio estado de alma) - 560.5 - 570.5 - 602.5.7 - 604.10 - 609.28.30 (onde recita uma linda oração) - 644.5 - 645.5.10 - 647.2/5.