631.1
Jérusalem brûle déjà sous le soleil de midi. L’ombre d’une archivolte vient parfois reposer le regard ébloui par le soleil qui frappe les murs blancs des maisons et rend brûlant le sol des chemins. La blancheur incandescente des murs et l’obscurité des arcades font de Jérusalem une étrange peinture en blanc et noir, une alternance de lumière violente et de pénombre — qui, par contraste avec la lumière violente, paraît ténèbre —, alternance qui tourmente comme une obsession, car elle enlève la faculté de voir, soit par excès de lumière soit par excès d’ombre. On marche les yeux plissés, en cherchant à courir dans les zones de lumière et de chaleur, et en ralentissant sous les archivoltes. Impossible de faire autrement, car le contraste entre lumière et ténèbre est tel que, même les yeux ouverts, on ne voit rien.
C’est ainsi qu’avancent les apôtres dans une ville que l’heure de midi rend déserte. Ils transpirent abondamment, s’essuient le visage et le cou avec leur couvre-chef, et halètent…
Mais quand ils doivent sortir de la ville, le soulagement intermittent des arcades cesse. La route, qui rase les murs et qui se perd vers le nord et vers le sud comme un ruban éblouissant de poussière incandescente, donne l’impression d’un sol de fournaise. Il s’en élève une chaleur de four, une chaleur qui dessèche les poumons. Le petit torrent, qui coule au-delà des murs, n’est plus qu’un filet d’eau au milieu d’une grève de cailloux que le soleil blanchit comme autant de crânes calcinés. Les apôtres se précipitent sur ce filet d’eau et y boivent. Ils y plongent leur couvre-chef, et se les mettent trempés sur la tête après s’être lavé le visage. Ils pataugent dans ce filet d’eau les pieds nus. Mais oui ! C’est un bien piètre rafraîchissement. L’eau est chaude comme si on l’avait versée d’un chaudron suspendu au-dessus d’une flamme. Ils s’en font la remarque :
« Elle est chaude et peu abondante. Elle a un goût de boue et de borith. Quand il y en a si peu, elle garde le goût des lessives faites à l’aube. »