64.1
Je vois les rives du lac de Génésareth ainsi que les barques des pécheurs tirées sur la rive. Là, adossés aux barques, se trouvent Pierre et André, occupés à raccommoder les filets que leurs employés leur apportent, dégoulinants, après les avoir débarrassés dans le lac des débris qui y sont restés accrochés. A une dizaine de mètres, Jean et Jacques, penchés sur leur barque, s’occupent à tout mettre en ordre, aidés par un jeune employé et par un homme de cinquante à cinquante-cinq ans qui, je pense, est Zébédée, car l’employé l’appelle “ patron ” et il ressemble beaucoup à Jacques.
Pierre et André, les épaules appuyées à la barque, travaillent silencieusement à réparer les mailles et les flotteurs de position. De temps à autre seulement, ils échangent quelques mots sur leur travail qui, à ce que je comprends, a été infructueux.
Pierre ne se plaint pas de sa bourse vide, ni de la fatigue inutile, mais il dit :
« Cela me déplaît… car comment ferons-nous pour donner de la nourriture à ces pauvres gens ? Il ne nous arrive que de rares offrandes et, ces dix deniers et sept drachmes que nous avons reçus pendant ces quatre jours, je n’y touche pas. Seul le Maître doit nous indiquer à qui doit aller cet argent. Or il ne revient pas avant le sabbat ! Si encore notre pêche avait été bonne !… Le menu fretin, je l’aurais cuisiné et donné à ces pauvres gens… et s’il s’était trouvé quelqu’un pour murmurer à la maison, cela ne m’aurait rien fait. Les gens bien portants peuvent chercher des vivres, mais les malades !…
– Et puis ce paralytique !… Ils ont déjà fait tant de chemin pour l’amener ici…, dit André.
– Ecoute, mon frère. Moi je pense… qu’on ne peut rester séparés et je ne sais pas pourquoi le Maître ne veut pas que nous restions tout le temps avec lui. Au moins… je ne verrais plus ces pauvres gens que je ne puis secourir, et si je les voyais, je pourrais leur dire : “ Il est ici. ”