The Writings of Maria Valtorta

145. Le premier jour à Sychar.

145. The first day in Sychar.

145.1

A milieu d’une place, Jésus s’adresse à une foule nombreuse. Il est monté sur le petit banc de pierre à côté de la fontaine. Les gens l’entourent. Les Douze également se tiennent autour lui, mais ils ont l’air… consternés ou ennuyés, quand ils ne manifestent pas clairement leur dégoût de certains contacts. Barthélemy et Judas, en particulier, montrent ouvertement leur embarras et pour éviter le plus possible le voisinage des Samaritains, Judas s’est assis à cheval sur la branche d’un arbre, comme s’il voulait dominer la scène tandis que Barthélemy s’est adossé à une porte cochère dans un coin de la place. Les préjugés sont bien vivants chez tous.

Jésus, en revanche, n’a rien qui diffère de l’ordinaire. Je dirais, au contraire, qu’il s’efforce de ne pas effrayer par sa majesté en même temps qu’il cherche à la manifester pour lever tout doute. Il caresse deux ou trois enfants dont il demande le nom et il s’intéresse à un vieil aveugle auquel il donne personnellement l’obole, répond à deux ou trois questions qu’on lui pose sur des sujets qui ne sont pas d’ordre général, mais privé.

145.2

L’un est la demande d’un père dont la fille a fait une fugue par amour et maintenant demande pardon.

« Accorde-lui immédiatement ton pardon.

– Mais j’en ai souffert, Maître ! Et encore aujourd’hui. En moins d’une année, j’ai vieilli de dix ans.

– Le pardon t’apportera du soulagement.

– Ce n’est pas possible. La blessure reste.

– C’est vrai. Mais dans la blessure il y a deux pointes qui font souffrir. L’une, c’est l’affront indéniable que tu as reçu de ta fille. L’autre, c’est l’effort que tu fais pour lui refuser ton amour. Supprime au moins cette dernière. Le pardon, qui est la forme la plus élevée de l’amour, la fera disparaître. Pense, pauvre père, que cette fille est née de toi et qu’elle a toujours droit à ton amour. Si tu la voyais malade d’une maladie physique et si tu savais qu’en ne la soignant pas toi, précisément toi, elle mourrait, la laisserais-tu mourir ? Non, certainement pas. Alors pense que toi, toi précisément, tu peux par ton pardon arrêter son mal et même l’amener à une saine estimation de l’amour. C’est que, vois-tu, c’est le côté matériel, le plus vil, qui chez elle a pris le dessus.

– Alors tu dirais que je dois pardonner ?

– Tu le dois.

– Mais comment faire pour la voir à la maison, après ce qu’elle a commis, sans la maudire ?

– Dans ce cas, tu ne lui aurais pas vraiment pardonné. Le pardon n’est pas dans l’acte de lui rouvrir la porte de la maison, mais dans celui de lui ouvrir ton cœur. Sois bon, homme. Eh quoi ! La patience que nous avons pour le bouvillon capricieux, nous ne l’aurions pas pour notre enfant ? »

145.3

Une femme, de son côté, demande s’il est bon qu’elle épouse son beau-frère pour donner un père à ses orphelins.

« Es-tu sûre qu’il serait un vrai père ?

– Oui, Maître. J’ai trois garçons. Il faut un homme pour les diriger.

– Dans ce cas, fais-le et sois pour lui une épouse fidèle comme tu l’as été pour ton premier mari. »

145.4

Un troisième lui demande s’il ferait bien ou mal d’accepter une invitation qu’il a reçue d’aller à Antioche.

« Homme, pourquoi veux-tu y aller ?

– Parce qu’ici je n’ai pas de moyens de subsistance pour moi et mes nombreux enfants. J’ai fait la connaissance d’un païen qui me prendrait parce qu’il a vu mes capacités à travailler, et il donnerait aussi du travail à mes fils. Mais je ne voudrais pas… ce scrupule te paraîtra étrange de la part d’un samaritain, mais je l’ai. Je ne voudrais pas perdre la foi. Cet homme est un païen, tu sais !

– Eh bien ? Rien ne contamine si on ne veut pas être contaminé. Va donc à Antioche et sois fidèle au vrai Dieu. Il te guidera et tu seras même un bienfaiteur pour ton maître qui reconnaîtra Dieu à ton honnêteté. »

145.5

Puis il s’adresse à tout le monde :

« J’ai entendu parler beaucoup d’entre vous, et en tous j’ai découvert une secrète douleur, une peine dont vous-mêmes ne vous rendez peut-être pas compte, mais qui saigne dans vos cœurs. Voici des siècles qu’elle grandit et ni les raisons que vous exprimez ni les injures qu’on vous lance ne peuvent la faire disparaître. Au contraire, elle durcit de plus en plus et pèse comme la neige quand elle se transforme en glace.

Je ne suis pas à votre place et je ne suis pas non plus de ceux qui vous accusent. Je suis justice et sagesse. Et pour résoudre votre cas, je vous cite encore Ezéchiel. En qualité de prophète, il parle[1] de Samarie et de Jérusalem en disant qu’elles sont les filles d’un même sein et en les appelant Ohola et Oholiba.

La première à tomber dans l’idolâtrie, ce fut Ohola, car elle était déjà privée de ce secours spirituel qu’est l’union à notre Père des Cieux. L’union à Dieu est salut, toujours. Elle a échangé la véritable richesse, la véritable puissance, la véritable sagesse contre une pauvre richesse, avec la puissance et la sagesse de quelqu’un qui était, plus encore qu’elle-même, inférieur à Dieu, et elle fut séduite par lui au point de devenir l’esclave de la manière de vivre de celui qui l’avait séduite. Pour être forte, elle devint faible. Pour être plus, elle devint moins. Pour avoir été imprudente, elle devint folle. Quand quelqu’un s’est imprudemment contaminé par une infection, il lui est bien difficile de s’en guérir.

Vous direz : “ Avons-nous été amoindris ? Non. Nous avons été grands. ” Grands, oui, mais comment ? A quel prix ? Vous le savez. Combien, même parmi les femmes, acquièrent la richesse au prix effroyable de leur honneur ! Elles acquièrent une chose qui peut ne pas durer. Elles perdent définitivement une autre chose : leur bonne renommée.

Oholiba, voyant que la folie d’Ohola lui avait procuré des richesses, voulut l’imiter et devint plus folle encore qu’Ohola, et ce au prix d’une double faute. En effet, elle avait avec elle le vrai Dieu et n’aurait jamais dû mépriser la force qui lui venait de cette union. Et une dure, terrible punition est survenue et encore davantage à Oholiba qui s’était montrée doublement folle et impure. Dieu lui tournera le dos. Déjà il est en train de le faire pour s’en aller vers ceux qui ne sont pas de Juda. Et on ne pourra accuser Dieu d’être injuste car lui, il ne s’impose pas. Il ouvre les bras à tous, il invite tout le monde, mais si on lui dit : “ Va-t’en ”, il s’en va. Il va chercher l’amour et en inviter d’autres jusqu’à ce qu’il trouve quelqu’un qui lui dise : “ Je viens. ” C’est pourquoi je vous assure que cette pensée peut procurer un grand soulagement à votre tourment.

Ohola, reviens à toi ! Dieu t’appelle. La sagesse de l’homme consiste à se repentir. La sagesse spirituelle réside dans l’amour du Dieu vrai et de sa vérité. Ne regardez ni Oholiba, ni la Phénicie, ni l’Egypte, ni la Grèce. Regardez Dieu. Le Ciel est la patrie de toute âme droite. Il n’y a pas beaucoup de lois, mais une seule : celle de Dieu. C’est par ce code que l’on obtient la vie. Ne dites pas : “ Nous avons péché ”, mais : “ Nous ne voulons plus pécher. ” Que Dieu vous aime encore, la preuve en est dans le fait qu’il vous a envoyé son Verbe vous dire : “ Venez. ” Venez, je vous en adjure. Vous êtes injuriés et proscrits ? Et par qui ? Par des êtres semblables à vous. Mais Dieu est plus grand qu’eux, et il vous dit : “ Venez. ” Un jour viendra où vous vous réjouirez de n’être pas allés au Temple… Votre intelligence s’en réjouira. Mais les âmes se réjouiront davantage car le pardon de Dieu sera déjà descendu sur ceux qui, dispersés en Samarie, ont le cœur droit. Préparez-en l’avènement. Venez au Sauveur universel, ô enfants de Dieu qui avez perdu la vraie Voie.

145.6

– Nous serions bien venus, du moins certains d’entre nous. Mais ce sont ceux de l’autre côté qui ne veulent pas de nous.

– Avec le prêtre et le prophète, j’ajoute[2] encore : “ Voici que je vais prendre le bois de Joseph qui est aux mains d’Ephraïm et les tribus d’Israël qui sont avec lui, je vais le mettre contre le bois de Juda et j’en ferai un seul morceau de bois… ” Oui. Venez à moi, pas au Temple. Moi, je ne vous repousse pas. Je suis celui que l’on appelle le Roi qui domine sur tous. Je vous purifierai tous, ô peuples qui voulez être purifiés. Je vous rassemblerai, ô troupeaux qui êtes sans bergers ou avec des bergers idolâtres, car je suis le bon Berger. Je vous donnerai un tabernacle unique et le placerai au milieu de mes fidèles. Ce tabernacle sera source de vie, pain de vie, il sera lumière, salut, protection, sagesse. Il sera tout car il sera le Vivant donné en nourriture aux morts pour les rendre vivants, il sera le Dieu qui se donne avec sa sainteté pour sanctifier. Voilà ce que je suis et ce que je serai. Le temps de la haine, de l’incompréhension, de la crainte est passé. Venez ! Peuple d’Israël ! Peuple séparé ! Peuple affligé ! Peuple éloigné ! Peuple cher, tellement cher, infiniment cher parce que malade, affaibli, saigné à blanc par une flèche qui a ouvert les veines de l’âme et en a fait fuir l’union vitale avec ton Dieu, viens ! Viens vers le sein d’où tu es né, viens sur la poitrine d’où t’est venue la vie. Douceur et tiédeur s’y trouvent encore pour toi. Toujours. Viens ! Viens à la vie et au salut. »

145.1

Jesus is speaking to a large crowd in the centre of a square. He has climbed onto a stone bench near the fountain. The crowds are around Him. Also the Twelve are around Him… their faces are dismayed, or annoyed, or they clearly show disgust at certain contacts. Bartholomew and the Iscariot in particular clearly show their embarrassment and to be as far as possible from the Samaritans; the Iscariot is sitting astride the branch of a tree as if he wanted to dominate the scene, while Bartholomew is leaning against a door in a corner of the square. The prejudice is evident and clearly visible in all of them.

Jesus, on the contrary, has not changed His usual attitude in the least. Indeed I would say that He is endeavouring to prevent His majesty from frightening the people and at the same time He tries to let it shine to remove all doubts. He caresses two or three little ones and asks them their names. He takes an interest in an old man to whom He gives alms Himself. He replies to two or three questions, which are put to Him on private matters, not on general problems.

145.2

The first one is the request of a father whose daughter had eloped and is now begging to be forgiven.

«Forgive her at once.»

«But I suffered because of her, Master. And I still suffer. In less than a year I have grown ten years older.»

«Forgiveness will relieve you.»

«It is not possible. The wound is still there.»

«That is true. But in the wound there are two parts that hurt. One is the undeniable affront you received from your daughter. The other is the effort to cease loving her. Remove at least the latter. Forgiveness, which is the highest form of love, will remove it. You must consider, poor father, that your daughter was born of you and is always entitled to your love. If you knew that she was suffering from a physical disease and that she would die, unless you cured her yourself, would you let her die? Most certainly not. Consider then that you, with your forgiveness can put an end to her illness and bring her back sound in her instinct. Because you must realise that she was overwhelmed by the most basic material instinct.»

«So You would advise me to forgive her?»

«You must.»

«How will I be able to see her move about the house, and not curse her for what she has done?»

«In that case you would not forgive her. Your forgiveness must not consist in opening the door of your house to her once again, but in reopening your heart. Be good, man. What? Shall we not have for our own child the patience we have for a restless steer?»

145.3

A woman, instead, asks Jesus whether she ought to marry her brother-in-law to give a father to her little orphans.

«Do you think he will be a real father to them?»

«Yes, Master, I do. They are three boys. It takes a man to guide them.»

«Marry him, then, and be a faithful wife to him, as you were to your first husband.»

145.4

The third man asks Him whether he will be doing the right thing or not by accepting an invitation to go to Antioch.

«Man, why do you want to go there?»

«Because I have not enough means here for myself and my large family. I met a Gentile who would employ me because he saw how skillful I am in my work and he would take on my sons as well. But I would not like… the scruple of a Samaritan may seem strange to You, but there it is. I would not like to lose our faith. That man, You know, is a heathen!»

«So? Nothing contaminates unless one wants to be contaminated. Go to Antioch and be of the True God. He will guide you and you will be the benefactor of your master, who will acquire the knowledge of God through your honesty.»

145.5

He then begins speaking to the crowd.

«I have heard many of you and I have perceived that each of your hearts is filled by a secret sorrow, a grief of which you are not even aware. Your sorrow has been accumulating for centuries and neither the reasons expressed by you nor the insults hurled at you can dissolve it. On the contrary it becomes deeper and deeper and weighs like snow that becomes ice.

I am not one of you, neither am I one of those who accuse you. I am Justice and Wisdom. And once again I will quote Ezekiel to solve your case. He speaks[1] of Samaria and Jerusalem in a prophetical style, and he says that they are daughters of one mother and calls them Oholah and Oholibah. The first to fall into idolatry was the former, whose name is Oholah, because she was already deprived of the spiritual help from union with the Father of Heaven. Union with God is always salvation. She changed true wealth, true power, true wisdom with the poor wealth, power and wisdom of one who was inferior to God, who was even lower than she was, and she was seduced to such an extent as to become the slave of the way of living of her seducer. She wanted to be strong, and instead became weak. She wanted to be superior, and became inferior. She became insane because she was imprudent. It is not easy for one to get rid of an infection, when one has imprudently become infected by it. You may say: “Inferior? No. We were great”. Yes, you were great, but how? At what cost? You know. How many people, also amongst women, become rich at the dreadful cost of their honour! They achieve something that may come to an end. They lose something that never ends: their reputation.

When Oholibah saw that Oholah’s folly had brought her wealth, she wanted to imitate her and became more deranged than her sister, and was twice as guilty, because she had the True God with her and she should never have trodden on the strength that she received from that union. And a terrible severe punishment was inflicted on the twice crazy fornicatrix Oholibah, and a more severe punishment will be imposed. God will turn His back on her. He is already doing so, in order to go to those who do not belong to Judah. Neither can God be accused of being unfair, because He does not impose Himself. He opens His arms to everybody, He invites everybody, but if one says to Him: “Go away”, He goes away. He goes to seek love elsewhere, to invite other people, until He finds someone who says to Him: “I will come”. I therefore say to you that you can find relief from your torture, you must find it, by meditating on what I told you. Oholah, recover your consciousness. God is calling you.

The wisdom of man consists in acknowledging his faults, the wisdom of the spirit lies in loving the True God and His Truth. Do not look at Oholibah, or Phoenicia, or Egypt, or Greece. Look at God. That is the Fatherland of every righteous soul: Heaven. There are not many laws, but one only: God’s. Through the law one achieves Life. Do not say: “We sinned”, but say: “We do not want to sin anymore”. You have the proof that God still loves you and that He has sent His Word to say to you: “Come”. I say to you: “Come”. Have you been offended and proscribed? By whom? By your own fellow creatures. But God is above them and He says to you: “Come”. The day will come when you will rejoice because you were not in the Temple… Your hearts will rejoice at that. But souls will rejoice even more because God’s forgiveness will already have descended upon the righteous hearts scattered throughout Samaria. Prepare His coming. Come to the universal Saviour, o children of God, who have lost your way.»

145.6

«Some of us at least would come. But those on the other side do not want us.»

«And once again with the priest and prophet[2] I say to you: “I am about to take the stick of Joseph, which is in the hand of Ephraim and the tribes of Israel associated with him and I will join it to the stick of Judah and turn them into one stick…” Do not go to the Temple. Come to Me. I do not reject anyone. I am called the King dominating over everybody. I am the King of kings. I will purify all people if they wish to be purified. I will gather you together, o herds without shepherds or with idol-shepherds, because I am the Good Shepherd. I will give you one tabernacle only and I will place it in the midst of My believers. That tabernacle will be the source of life, the bread of life, it will be light, salvation, protection, wisdom. It will be everything, because it will be the Living One given as food to the dead to make them live, it will be God Whose holiness will overflow to sanctify. That is what I am and will be. The days of hatred, of incomprehension, of fear have come to an end. Come! People of Israel! People separated! People afflicted! People remote! You are a dear people, infinitely dear, because you are ill and weak, because you have been wounded by an arrow that has opened the veins of your souls and has let the vital union with your God escape. Come! Come to the bosom where you were born, come to the breast from which you received life. Kindness and warmth are still here for you. Come! Come to Life and to Salvation.»


Notes

  1. il parle en : Ez 23.
  2. j’ajoute, comme en : Ez 37, 19.

Notes

  1. He speaks, in Ezekiel 23.
  2. prophet, Ezekiel 37:19.