The Writings of Maria Valtorta

179. La parabole du semeur.

179. The parable of the sower.

179.1

Jésus me montre le cours du Jourdain, ou plutôt l’endroit où il se jette dans le lac de Tibériade, là où s’étend la cité de Bethsaïde sur la rive droite du fleuve quand on regarde vers le nord, et il me dit :

« Actuellement, la ville ne paraît plus être sur les rives du lac mais un peu à l’intérieur dans les terres et cela déconcerte les spécialistes. On doit en chercher l’explication dans le fait que, de ce côté, le lac a été comblé par vingt siècles d’alluvions apportées par le fleuve et par les éboulis descendus des collines de Bethsaïde. A l’époque, la ville se situait exactement à l’embouchure du fleuve dans le lac. Mieux, aux saisons où les eaux du fleuve étaient plus hautes, les barques les plus petites remontaient le fleuve lui-même sur un assez long parcours, presque jusqu’à la hauteur de Chorazeïn. Et, les jours de tempête sur le lac, le fleuve servait toujours de port et d’abri aux barques de Bethsaïde. Je ne dis pas cela pour toi, à qui la chose importe peu, mais pour les docteurs pointilleux. Et maintenant, va de l’avant. »

179.2

Les barques des apôtres, après avoir traversé la brève partie du lac qui sépare Capharnaüm de Bethsaïde, s’amarrent dans cette ville. Mais d’autres les ont suivies et beaucoup de gens en descendent et s’unissent aux habitants venus de Bethsaïde saluer le Maître qui entre dans la maison de Pierre où… se trouve de nouveau son épouse qui, je suppose, a préféré vivre seule plutôt que d’entendre les plaintes continuelles de sa mère envers son mari.

Les gens, au dehors, réclament à grands cris le Maître. Cela agace Pierre, qui monte sur la terrasse et harangue ses concitoyens ou, du moins, il leur dit qu’il leur faudrait faire preuve d’un peu de respect et de politesse. Maintenant qu’il a le Maître chez lui, il voudrait bien profiter un peu paisiblement de sa présence. Au contraire, il n’a pas le temps et le plaisir de lui offrir seulement un peu d’hydromel parmi les nombreuses choses qu’il a dit à sa femme d’apporter, et il grommelle.

Jésus le regarde en souriant et hoche la tête en disant :

« On dirait que tu ne me vois jamais et qu’il est exceptionnel de se trouver ensemble !

– Mais c’est la réalité ! Quand nous sommes de par le monde, sommes-nous jamais seuls, toi et moi ? Jamais de la vie ! Le monde s’interpose entre toi et moi, avec ses malades, ses affligés, avec les auditeurs, les curieux, les calomniateurs, les ennemis, mais nous ne sommes jamais seuls toi et moi. Aujourd’hui, au contraire, tu es avec moi, dans ma maison, et ils devraient le comprendre ! »

Il est vraiment fâché.

« Mais je ne vois pas de différence, Simon. Mon amour est le même. Ma parole est la même. Que je te la dise à toi en privé, ou que je la dise pour tous, n’est-ce pas la même chose ? »

179.3

Pierre avoue alors sa grande peine :

« C’est que je suis cabochard et facilement distrait. Quand tu parles sur une place, sur une montagne, au milieu d’une si grande foule, moi, je ne sais pourquoi, je comprends tout, mais je ne me rappelle rien. Je l’ai dit aussi à mes compagnons et ils m’ont donné raison. Les autres, je veux dire le peuple qui t’écoute, te comprend et se souvient de ce que tu dis. Combien de fois n’avons-nous pas entendu quelqu’un reconnaître : “ Je n’ai plus fait cela parce que tu l’as dit ”, ou encore : “ Je suis venu parce qu’un jour je t’ai entendu dire telle autre chose qui m’a frappé. ” Nous, au contraire… hum ! C’est comme l’eau d’une rivière qui passe sans s’arrêter. La rive ne l’a plus, cette eau est passée. Il en arrive de nouveau, encore et toujours. Mais elle passe… Et moi, je pense avec terreur que, s’il en est comme tu le dis, le moment viendra où tu ne seras plus là pour jouer le rôle du fleuve et… et moi… Qu’aurai-je à donner à ceux qui ont soif, si je ne garde pas une seule goutte de ce que tu me donnes ? »

Les autres appuient également les plaintes de Pierre, se lamentant de ne jamais rien retrouver de tout ce qu’ils entendent quand ils voudraient se le rappeler pour répondre aux nombreuses personnes qui les interrogent.

Jésus sourit et répond :

« Mais je n’en ai pas l’impression. Les gens sont très contents de vous aussi…

– Oh, oui ! Pour ce que nous faisons ! Te faire de la place, et pour cela jouer des coudes, porter les malades, recueillir les oboles et dire : “ Oui, le Maître, c’est lui ! ” La belle affaire !

– Ne te rabaisse pas trop, Simon.

– Je ne me rabaisse pas, je me connais.

– C’est la plus difficile des sagesses. Mais je veux t’enlever cette grande peur. Une fois que j’ai parlé et que vous n’avez pu tout comprendre et retenir, demandez-moi sans craindre de paraître ennuyeux ou de me décourager. Nous avons toujours des heures d’intimité. Ouvrez-moi alors votre cœur. Je donne beaucoup à tant de gens ! Et que ne vous donnerais-je pas, à vous que j’aime comme Dieu ne le pourrait davantage ? Tu as parlé de l’eau qui passe sans que la rive en garde rien. Un jour viendra où tu t’apercevras que chaque vague a déposé en toi une semence et que chaque semence a donné naissance à une plante. Tu trouveras à ta portée fleurs et plantes pour tous les cas, et tu seras étonné de toi-même en disant : “ Mais que m’a donc fait le Seigneur ? ” car alors tu seras racheté de l’esclavage du péché et tes vertus actuelles se seront élevées à une haute perfection.

– C’est toi qui le dis, Seigneur, et je me fie à cette parole.

179.4

– Maintenant allons trouver ceux qui nous attendent. Venez. Paix à toi, femme. Je serai ton hôte ce soir. »

Ils sortent, et Jésus se dirige vers le lac pour n’être pas bousculé par la foule. Pierre a soin d’éloigner la barque à quelques mètres du rivage de façon que tous puissent entendre la voix de Jésus, mais en laissant un peu d’espace entre lui et les auditeurs.

« De Capharnaüm à ici, j’ai réfléchi à ce que j’allais vous dire. Et j’ai trouvé des indications dans les événements de la matinée.

Vous avez vu venir vers moi trois hommes. L’un spontanément, l’autre parce que je le sollicitais, le troisième poussé par un enthousiasme soudain. Et vous avez vu aussi que, des trois, je n’en ai pris que deux. Pourquoi ? Aurais-je vu un traître dans le troisième ? Non, en vérité. Mais il n’était pas prêt. Apparemment, c’est l’homme qui se tient à côté de moi, qui allait ensevelir son père, qui paraissait le moins prêt. Au contraire, le moins préparé, c’était le troisième. Le deuxième était si prêt, à son insu, qu’il a su accomplir un sacrifice vraiment héroïque.

L’héroïsme pour suivre Dieu est toujours la preuve d’une forte préparation spirituelle. Cela explique certains faits surprenants survenus autour de moi. Les plus préparés à recevoir le Christ, quelles que soient leur caste et leur culture, viennent à moi avec une promptitude et une foi absolues. Les moins préparés m’ob­servent comme un homme qui sort de l’ordinaire ou bien ils m’étudient avec méfiance et curiosité, ou encore ils m’attaquent et me dénigrent par diverses accusations. Ces différents comportements sont en proportion de l’impréparation des esprits.

Dans le peuple élu, on devrait trouver partout des âmes promptes à recevoir ce Messie dans l’attente duquel les patriarches et les prophètes se sont consumés d’impatience, ce Messie enfin venu, précédé et accompagné de tous les signes annoncés par les prophètes, ce Messie dont la physionomie spirituelle se dessine toujours plus clairement à travers les miracles visibles sur les corps et sur les éléments et à travers les miracles invisibles sur les consciences qui se convertissent et sur les païens qui se tournent vers le vrai Dieu. Mais tel n’est pas le cas, bien au contraire. C’est justement chez les enfants de ce peuple que la promptitude à suivre le Messie est fortement contrée et – c’est douloureux à dire –, elle l’est d’autant plus qu’on s’élève dans les classes sociales. Je ne dis pas cela pour vous scandaliser, mais pour vous amener à prier et à réfléchir.

Pourquoi cela se produit-il ? Pourquoi les païens et les pécheurs avancent-ils davantage sur ma route ? Pourquoi ces derniers accueillent-ils ce que je dis et les autres pas ? Parce que les enfants d’Israël sont ancrés, ou plutôt incrustés comme des huîtres perlières sur le banc où elles sont nées. Parce qu’ils sont saturés, remplis, gonflés de leur sagesse et ne savent pas faire place à la mienne en rejetant le superflu pour accueillir le nécessaire. Les autres ne subissent pas cet esclavage. Ce sont de pauvres païens ou de pauvres pécheurs qu’aucune ancre ne maintient en place, semblables à des bateaux en dérive. Ce sont des pauvres qui n’ont pas de trésors à eux, mais seulement des fardeaux d’erreurs et de péchés. Ils s’en défont joyeusement dès qu’ils arrivent à comprendre ce qu’est la Bonne Nouvelle et ils en goûtent le miel fortifiant, bien différent de la dégoûtante mixture de leurs péchés.

179.5

Ecoutez, et peut-être comprendrez-vous mieux comme peuvent être différents les fruits d’un même travail.

Un semeur s’en alla semer. Il possédait de nombreux champs, de différentes sortes. Certains étaient un héritage de son père et la négligence y avait laissé proliférer les plantes épineuses. Lui-même en avait acquis d’autres : il les avait achetés tels quels à un homme incapable et les avait laissés en l’état. D’autres encore étaient entrecoupés de chemins car cet homme recherchait toujours ce qui est le plus commode et il ne voulait pas faire beaucoup de détours pour aller d’un endroit à l’autre. Enfin, il y en avait quelques uns, les plus proches de chez lui, auxquels il avait consacré tous ses soins pour avoir une vue agréable devant sa maison. Ces derniers étaient bien débarrassés des cailloux, des ronces, du chiendent et du reste.

L’homme prit donc son sac de grains, des meilleurs, et il se mit à ensemencer. Le grain tomba dans la bonne terre meuble, labourée, propre, bien fumée des champs les plus proches de la maison. Il tomba sur les champs entrecoupés de chemins et de sentiers qui les divisaient et, qui plus est, y amenaient la crasse de poussières arides sur la terre fertile. Une autre partie tomba sur les champs où la paresse de l’homme avait laissé se multiplier épines et chardons. Maintenant que la charrue les avait emportées, elles paraissaient avoir disparu, mais elles étaient toujours là car seul le feu, cette destruction radicale des mauvaises plantes, les empêche de renaître. Le reste de la semence tomba sur les champs achetés récemment et qu’il avait laissés tels quels sans les défricher en profondeur ni les débarrasser de toutes les pierres éparses dans le sol, qui y formaient un pavage dur dans lequel les racines tendres ne pouvaient pénétrer. Après avoir tout semé, il rentra chez lui et dit : “ C’est bien ! Maintenant, je n’ai plus qu’à attendre la récolte. ”

179.6

Il se réjouissait parce que, au fil des jours et des mois, il voyait lever des épis de blé drus dans les champs proches de sa maison, et cela poussait… Quel soyeux tapis ! Et puis ces épis, quelle mer ! Les blés blondissaient et chantaient, en battant épi contre épi, un hosanna au soleil. L’homme disait : “ Tous les autres champs vont être comme ceux-ci ! Préparons les faux et les greniers. Que de pain ! Que d’or ! ” Et il se réjouissait… Il moissonna le blé des champs les plus proches, puis passa à ceux hérités de son père, mais laissés en friche. Et il en resta bouche bée. Le blé avait abondamment poussé car les champs étaient bons et la terre, amendée par son père, était grasse et fertile. Mais sa fertilité avait agi aussi sur les plantes épineuses, emportées par la charrue mais toujours vivaces. Elles avaient repoussé et formé un véritable plafond de ramilles hérissées de ronces au travers duquel seuls quelques rares épis avaient pu lever. Le reste était presque entièrement mort étouffé.

L’homme se dit : “ J’ai été négligent à cet endroit, mais ailleurs il n’y avait pas de ronces, cela ira mieux. ” Et il passa aux champs récemment acquis. Sa stupeur fit croître sa peine. Maigres et maintenant desséchées, les feuilles des épis gisaient comme du foin sec répandu partout. Du foin sec. “ Mais comment cela se fait-il ? comment ? ” gémissait l’homme. “ Et pourtant, il n’y a pas ici d’épines ! Et la semence était la même ! Pourtant, le blé avait poussé, dru et beau ! On le voit aux feuilles bien formées et nombreuses. Alors pourquoi tout est-il mort sans faire d’épis ? ” Et avec douleur il se mit à creuser le sol pour voir s’il y trouvait des nids de taupes ou autres fléaux. Or il n’y avait ni insectes ni rongeurs : mais que de pierres, que de pierres ! Un amas de caillasse. Les champs en étaient littéralement truffés et le peu de terre qui les recouvrait n’était qu’un trompe-l’œil. Ah ! S’il avait labouré le sol profondément quand il en était temps ! Ah, s’il avait creusé et testé le fond avant d’acquérir ces champs comme un bon terrain ! Ah, si du moins, après avoir fait l’erreur de les acheter au prix proposé sans s’assurer de leur qualité, il avait fait des efforts pour les améliorer ! Mais c’était désormais trop tard et ses regrets étaient inutiles.

Humilié, l’homme se releva et se rendit aux champs qu’il avait entrecoupés de petits chemins pour sa commodité… Et il déchira ses vêtements de douleur. Ici, il n’y avait rien, absolument rien… La terre foncée du champ était couverte d’une légère couche de poussière blanche… L’homme tomba sur le sol en gémissant : “ Mais pourquoi ici ? Il n’y a là ni épines ni pierres, car ce sont nos champs. Mon grand-père, mon père et moi-même, nous les avons toujours possédés et, pendant des dizaines d’années, nous les avons rendus fertiles. J’y ai ouvert les chemins, j’ai enlevé de la terre aux champs, mais cela ne peut les avoir rendus stériles à ce point… ” Il pleurait encore quand une réponse à ses plaintes douloureuses lui fut donnée par une bande de nombreux oiseaux qui s’abattaient des sentiers sur le champ, et du champ sur les sentiers, à la recherche de graines… Le champ, devenu un canevas de sentiers sur les bords desquels du grain était tombé, avait attiré une foule d’oiseaux qui avaient mangé d’abord le grain tombé sur les chemins, puis celui du champ jusqu’au dernier grain.

Ainsi l’ensemencement, le même pour tous les champs, avait donné là-bas cent pour un, ailleurs soixante ou trente, et ici rien. Que celui qui a des oreilles pour entendre entende. La semence, c’est la Parole : elle est la même pour tous. Les endroits où elle tombe sont vos cœurs. Que chacun en fasse l’application et comprenne. Que la paix soit avec vous. »

179.7

Puis, se tournant vers Pierre, il lui dit :

« Remonte aussi haut que tu peux et amarre la barque de l’autre côté. »

Pendant que les deux barques avancent un peu sur le fleuve pour s’arrêter ensuite près de la rive, Jésus s’assied et demande au nouveau disciple :

« Qui reste-t-il maintenant chez toi ?

– Ma mère avec mon frère aîné, marié depuis cinq ans. Mes sœurs sont par-ci par-là dans la région. Mon père était très bon et ma mère, désolée, le pleure. »

Le jeune homme s’arrête brusquement car il sent un sanglot lui monter du cœur.

Jésus le prend par la main et lui dit :

« J’ai connu moi aussi cette douleur et j’ai vu pleurer ma Mère. Je te comprends donc bien… »

Le frottement de la barque sur le gravier interrompt la conversation pour permettre de débarquer. On ne voit plus ici ces collines basses de Bethsaïde qui plongent pour ainsi dire leur nez dans le lac, mais une plaine avec de riches moissons s’étend sur cette rive en face de Bethsaïde en direction du nord.

« Nous allons à Mérom ? demande Pierre.

– Non. Nous prenons ce sentier à travers champs. »

Les champs, beaux et bien entretenus, montrent des épis encore tendres mais déjà formés. Ils sont tous au même niveau et avec le léger ondoiement que leur imprime un vent frais venu du nord, ils semblent former un autre petit lac où font office de voiles les arbres qui se dressent ça et là, pleins de pépiements d’oiseaux.

« Ces champs ne sont pas comme ceux de la parabole, observe Jacques, le cousin de Jésus.

– Non, assurément ! Les oiseaux ne les ont pas dévastés, il n’y a ni épines ni cailloux. Du beau blé ! D’ici un mois, il sera déjà blond… et d’ici deux mois, il sera prêt à être fauché et engrangé, dit Judas.

– Maître… je te rappelle ce que tu as dit chez moi. Tu as si bien parlé ! Mais je commence à avoir dans la tête des nuages aussi embrouillés que là-haut, dit Pierre.

– Ce soir, je te l’expliquerai.

179.8

Nous voici arrivés en vue de Chorazeïn. »

Jésus regarde longuement le nouveau disciple et lui dit :

« On donne à celui qui donne et la possession n’enlève pas le mérite du cadeau. Conduis-moi à votre tombeau et chez ta mère. »

En larmes, le jeune homme s’agenouille en baisant la main de Jésus.

« Lève-toi ! Allons ! Mon âme a ressenti ton chagrin. Je veux par mon amour te fortifier dans l’héroïsme.

– Isaac l’Adulte m’avait raconté à quel point tu étais bon. Isaac, tu sais ? Celui dont tu as guéri la fille. Il a été mon apôtre. Mais je vois que ta bonté est encore plus grande que ce qu’il m’avait dit.

– Nous allons aussi saluer l’Adulte pour le remercier de m’avoir donné un disciple. »

A leur arrivée à Chorazeïn, la maison d’Isaac est justement la première qu’ils aperçoivent. Un vieil homme rentre chez lui, mais quand il voit le groupe de Jésus avec ses disciples, et parmi eux le jeune homme de Chorazeïn, il lève les bras, son bâton à la main : il en a le souffle coupé et reste bouche bée. Jésus sourit et son sourire rend la parole au vieillard.

« Dieu te bénisse, Maître ! Mais d’où me vient cet honneur ?

– C’est pour te dire “ merci ”.

– Mais de quoi, mon Dieu ? C’est à moi de te remercier. Entre, entre ! Ah ! Quelle douleur que ma fille soit partie assister sa belle-mère ! Car elle est mariée, sais-tu ? Que de bénédictions depuis que je t’ai rencontré ! Tout de suite après sa guérison, un riche parent est revenu de loin, veuf, avec de petits enfants qui avaient besoin d’une mère… Oh ! Mais je t’ai déjà raconté tout cela ! Ma tête est vieille ! Pardonne-moi.

– Ta tête est sage et elle oublie aussi de se glorifier du bien qu’elle fait pour son Maître. Oublier le bien que l’on a fait, c’est de la sagesse. Elle manifeste l’humilité et la confiance en Dieu.

– Mais moi… je ne saurais…

– Et ce disciple, n’est ce pas grâce à toi que je l’ai ?

– Oh !… mais je n’ai rien fait, sais-tu ? Je lui ai seulement dit la vérité… et je suis content qu’Elie soit avec toi. »

Il se tourne vers Elie et lui dit :

« Passé le premier moment de surprise, ta mère a essuyé ses larmes quand elle a su que tu étais auprès du Maître. Ton père a eu, malgré cela, un deuil plein de dignité. Il est depuis peu au tombeau.

– Et mon frère ?

– Il se tait… Tu sais… cela lui a été un peu dur de te voir absent… à cause du village… C’est encore ce qu’il pense… »

Le jeune homme se tourne vers Jésus :

« Tu l’as dit. Mais moi, je ne voudrais pas qu’il soit mort… Fais qu’il devienne vivant comme moi, et à ton service. »

Les autres ne comprennent pas et regardent d’un air interrogateur, mais Jésus répond :

« Ne désespère pas et persévère. »

Puis il bénit Isaac et s’en va malgré l’insistance d’Isaac.

179.9

Ils font une halte auprès du tombeau fermé et ils prient. Puis, à travers un vignoble à demi dépouillé, ils se dirigent vers la maison d’Elie.

La rencontre entre les deux frères est plutôt réservée. L’aîné se juge offensé et veut le faire remarquer. Le cadet se sent humainement coupable et ne réagit pas. Mais leur mère arrive. Sans un mot, elle se prosterne et baise le bord du vêtement de Jésus. Son arrivée apaise l’atmosphère et les esprits au point qu’on veut faire honneur au Maître.

Cependant, Jésus n’accepte rien et dit seulement :

« Que vos cœurs soient justes l’un envers l’autre, comme était juste celui que vous pleurez. Ne donnez pas un sens humain à ce qui est surnaturel : la mort et l’appel à une mission. L’âme du juste ne s’est pas troublée de voir que son fils n’assistait pas à l’ensevelissement de son cadavre. Au contraire, elle s’est apaisée en pensant à la sécurité de l’avenir de son Elie. Que l’opinion du monde ne trouble pas la grâce de l’élection. Si le monde a pu s’étonner de ne pas le voir auprès du cercueil de son père, les anges ont exulté de le voir aux côtés du Messie. Soyez justes. Et toi, mère, que cela te console. Tu l’as élevé avec sagesse et ton fils a été appelé par la Sagesse. Je vous bénis tous. Que la paix soit avec vous, maintenant et toujours. »

Ils reviennent sur le chemin qu’ils reprennent pour aller au fleuve, et de là à Bethsaïde. L’homme, Elie, ne s’est pas attardé un seul instant sur le seuil de la maison paternelle. Après son baiser d’adieu à sa mère, il a suivi le Maître avec la simplicité d’un enfant qui suit son véritable père.

179.1

Jesus says to me showing me the course of the Jordan, or rather, the mouth of the Jordan where it flows into Lake Tiberias, that is where the town of Bethsaida lies on the right bank of the river, with respect to those facing north: «The town nowadays no longer appears to be on the shore of the lake, but a little inland. And that puzzles scholars. The explanation is to be found in the earth that filled this part of the lake, as it was deposited there throughout twenty centuries by the river, by alluvia and landslides from the hills of Bethsaida. The town was then just at the mouth of the river and in fact the smaller boats, particularly in seasons rich in water, used to sail upstream, almost as far as Korazim; the river, however, was always used as a harbour and shelter for the boats of Bethsaida when the lake was very rough. I am not saying this for you, to whom it is of no interest, but for difficult doctors. And now go on.»

179.2

The boats of the apostles, after crossing the short stretch of the lake between Capernaum and Bethsaida, land in the latter town. Other boats have followed them and many people come off them to join the people of Bethsaida who have come to greet the Master. Jesus enters Peter’s house where his wife is staying once again. I suppose she has preferred to be alone rather than live with her mother who continuously grumbles about her husband.

Outside the crowds claim Jesus at the top of their voices, which disturbs Peter very much, so much so that he goes up to the roof terrace and harangues the citizens telling them that they ought to have respect and manners. He would like to enjoy the company of his Master for a little while, in peace, now that he has Him in his house, whereas he has neither the time nor the pleasure to offer Him some water and honey among the many things he asked his wife to offer. And he grumbles…

Jesus looks at him smiling and shakes His head saying: «You would think that you never see Me and that we have just met by chance!»

«But it is so! When we are in the world are You and I ever together? Never in your life! Between You and me there is the world with its sick people, its distressed people, its listeners, its curious people, its slanderers, its enemies, and You and I are never together. Here instead You are with me, in my house, and they ought to understand that!» He is really upset.

«But I do not see the difference, Simon. My love is the same and My word is the same. Whether I tell you privately, or I tell everybody, what difference does it make?»

179.3

Peter then confesses his great grief: «The trouble is that I am a blockhead and my mind wanders easily. When You speak in a square, on a mountain, amongst a large crowd, I understand everything, but I do not know why, I remember nothing. I told also my companions and they say that I am right. Other people, I mean the people who listen to You, understand You and remember what You say. How often have we heard someone say: “I have no longer done that because You told us”, or: “I came because once I heard You say so and so I was impressed by it”. We instead… hum! it’s like a water course which passes by and does not stop. The river bank no longer has the water that has passed by. It is true that other water comes, a great deal of it, but it passes by, it passes by… And I am terrified at the thought that, if what You say will come true, the moment will come when You will no longer be there to play the part of the river and… and I… What will I give to those who are thirsty if I cannot save even one drop of the great lot You give me?»

Also the others support Peter’s moaning, complaining that they are left with nothing of what they hear, whilst they would like to remember everything to reply to those who ask them questions.

Jesus smiles and replies: «I do not think so. People are very satisfied with you as well…»

«Certainly… of course! For all we do! Make room for You, by elbowing our way through the crowds, carrying sick people, collecting alms and saying: “Yes, that is the Master!”. Wonderful, isn’t it?»

«Do not defame yourself too much, Simon.»

«I am not defaming myself. I know myself.»

«That is the most difficult wisdom. But I wish to relieve you of your great fear. When I speak and you cannot understand and remember everything, ask Me without any fear of boring or discouraging Me. We always have some hours of privacy, when you can open your hearts to Me. I give so much to so many. And what would I not give you whom I love so much that God could not love you more? You spoke of waves that pass by and nothing is left on the bank. The day will come when you will realise that every wave has deposited a seed and that a plant has grown from every seed. You will find in front of you flowers and plants for all occasions and you will be amazed at yourself saying: “What has the Lord done to me?” because you will then be redeemed from the slavery of sin and your present virtues will have reached a great height of perfection.»

«You say so, my Lord, and I rest upon Your word.»

179.4

«Now let us go to those who are waiting for us. Come. Peace to you, woman. I will be your guest this evening.»

They go out and Jesus directs His steps towards the lake to avoid being oppressed by the crowds. Peter is quick in moving the boat a few yards from the shore, so that Jesus’ voice may be heard by everybody, but with a space between Him and those listening.

«Coming here from Capernaum I was thinking what I should tell you and I found an indication in the events of this morning.

You saw three men come to Me. One came spontaneously, the second because I urged him, the third came because of a sudden enthusiasm. And you also saw that I took only two of them. Why? Did I perhaps see a traitor in the third one? No, in truth. But I saw that he was unprepared. To all appearances, this one here beside Me, the one who was going to bury his father, seemed more unprepared. Instead the most unprepared was the third one. This one was so prepared, without being aware of it, that he was able to make a really heroic sacrifice.

Heroism in following God is always evidence of strong spiritual preparation. And that is the explanation of certain surprising events that take place around Me. Those who are most prepared to receive Christ, whichever their caste and education might be, come to Me with absolute promptitude of faith. Those who are less prepared examine Me as an exceptional man or they study Me with suspicion or curiosity, or they attack and defame Me accusing Me in various ways. The different ways of behaviour are proportional to the unprepared nature of spirits.

Among the chosen people it should be possible to find everywhere spirits ready to receive the Messiah in Whose expectaion Patriarchs and Prophets were consumed by anxiety, the Messiah Who at last has come, preceded and accompanied by all the prophesied signs, the Messiah, Whose spiritual personality becomes clearer and clearer through the visible miracles worked on bodies and elements, and through the invisible ones worked on consciences which are converted and on Gentiles who turn to the True God. But it is not so. The promptitude in following the Messiah is strongly hindered by the children of that people and, what is sad to be said, it is more hindered the more one climbs to its higher classes. I am not saying this to scandalise you, but to induce you to pray and meditate. Why does that happen? Why do Gentiles and sinners proceed farther on My way? Why do they accept what I say and the others do not? Because the children of Israel are anchored, or rather, they are stuck like pearl-oysters to the bank where they were born. Because they are filled, overwhelmed and obese with their wisdom and they cannot make room for Mine by throwing away what is superfluous to make room for what is necessary. The others do not suffer from such slavery. They are poor heathens or poor sinners, unimpeded like a boat which is adrift, they are poor people, who have no treasures of their own, but only heaps of errors or sins, of which they gladly strip themselves as soon as they understand what the Gospel is and they taste its fortifying honey, which is quite different from the nauseating mixture of their sins.

179.5

Listen, and perhaps you will understand better how the same action can bear different fruits.

A sower went out to sow. He owned many fields of various kinds. He had inherited some from his father, on which his carelessness had allowed thorny plants to proliferate. Other fields had been purchased by him: he had bought them from a neglectful man and he had left them as they were. In other fields there were many intersecting roads, as the man loved comfort and did not like to travel a long way when going from one place to another. Finally, there were some fields, the closest to his house, which he had looked after to have a pleasant sight in front of his house. They were free from stones, thorns, couch-grass and so on.

So the man took his sack of seed-corn of the best quality, and began to sow. The seed fell on the good soft soil, which had been ploughed, weeded, fertilized, in the fields near the house. It was spread in the fields with many roads and paths, which divided into small portions, and caused also the fertile soil to be covered by ugly arid dust. Some of the seed fell on the fields where the foolishness of the man had allowed the thorny plants to proliferate. The plough had turned them upside down, it looked as if they were not there, but they were, because only fire, the radical destructor of weeds, prevents them from growing again. The last seed fell on the fields which he had recently bought and had left as they were, without ploughing them and without removing all the stones, which had sunk into the ground forming a hard surface on which no plant could take root. After scattering all the seed, he went back home and said: “Very well! All I have to do is to wait for the harvest”.

179.6

And he was delighted because, as months went by, he saw the corn come up thick in the fields near the house and grow… oh! what a beautiful sea! and it turned gold and it sang hosannas to the sun, as one ear rubbed against another. The man said to himself: “All the fields are like these ones! Let us prepare sickles and granaries. How much bread! How much gold!” And he was delighted…

He cut the corn in the nearest fields and after that he went to the ones which he had inherited from his father and which he had left in a wild state. And he was taken aback. The corn had come up, because the fields were good and the soil cultivated by the father was rich and fertile. But its fertility had affected also the thorny plants, which had been overturned but not destroyed. They had grown again and had formed a really thick ceiling of bramble, through which the corn had not been able to emerge, with the exception of a few ears, and it was completely suffocated.

The man said: “I neglected this place. But there was no bramble in the other fields, so it should be all right”. And he went to the fields which he had purchased shortly before. His surprise and grief were greater. The thin withered corn leaves were strewn all over like dry hay. Nothing but dry hay. “How come?” moaned the man. “And yet there are no thorns here! And it was the same seed! And it had come up thick and beautiful. It can be seen by the well formed and numerous leaves. Why then did it all wither before coming into ear?” And with real regret he began to dig the ground to see whether there were any mole burrows or other pests. There were no insects or rodents. But how many stones! A stone-pit! The fields were literally paved with chips of stone and the scanty earth covering them was deceiving. Oh! if he had ploughed deep at the right time! Oh! if he had dug the ground before accepting the fields and buying them as good ones! Oh! if, after the mistake he had made in buying what he had been offered without making sure of its goodness, if at least he had improved them by working hard! It was now too late and all regret was useless.

The man stood up, and, downhearted as he was, he went to the fields where he had built many roads for his comfort… and mad with grief he tore off his clothes. There was absolutely nothing there… The dark soil of the field was covered with a thin layer of white dust… The man collapsed to the ground moaning: “But why here? There are no stones, no bramble here, because these are our fields. My grandfather, my father and I have always owned them and in many many years we made them fertile. I built the roads, have taken some of the earth away, but that could not make them so sterile…” He was still weeping when he received the answer to his grief from a swarm of birds, which flew eagerly from the paths to the field and back to the paths in search of seeds… The field. which had been turned into a network of paths, on the edges of which the corn had fallen, had attracted many birds, which first had eaten the corn on the paths and then the seeds in the field. down to the last grain.

So the same seed, sown in all the fields, had yielded one hundred to one in some, sixty, thirty, nothing in others. Listen, anyone who has ears. The seed is the Word: the same for everybody. The places where the seed fell: your hearts. Meditate the parable and understand it. Peace be with you.»

179.7

He then turns towards Peter and says: «Go up the river as far as you can and stop on the other side.» And while the two boats sail a short distance up the river and then stop near the bank, Jesus sits down and asks the new disciple: «Who is left at home now?»

«My mother and the eldest brother, who has been married for five years. My sisters are in various parts of the region. My father was very good and my mother mourns his death broken-heartedly.» The young man stops all of a sudden, stifling heartfelt sobs.

Jesus grabs his hand and says: «I experienced that sorrow Myself and I saw My Mother weep. So I can understand…»

The rubbing of the boat on the pebbly river-bed causes the conversation to be interrupted to allow them to go ashore. The low hills of Bethsaida, which almost reach down to the lake, have come to an end here, instead a plain rich in crops extends from the shore, on the other side of Bethsaida, northwards.

«Are we going to Merom?» asks Peter.

«No, let us take this path among the fields.»

The lovely and well kept fields show ears of corn still tender but well formed, all of the same height; and, while lightly undulating in the cool northern breeze, they look like another small lake, the sails of which are the trees growing here and there full of whistling birds.

«These fields are not like the ones of the parable» remarks Jesus’ cousin James.

«Not really! The birds have not devastated them, there are no stone, no bramble. The corn is beautiful! In a month’s time it will be golden… and in two it will be ready for the sickle and the granary» says Judas of Kerioth.

«Master… I remind You of what You said in my house. You spoke so well. But I am beginning to have ideas in my head that are as confused as those ruffled clouds up there…» says Peter.

«This evening I will explain it to you.

179.8

Now we are in sight of Korazim.» And Jesus stares at the new disciple saying: «Much is given to those who give. And possessions do not deprive the gift of its merits. Take Me to the sepulchre of your family and to your mother’s house.»

The young man kneels down kissing Jesus’ hand and weeping.

«Get up. Let us go. My spirit has perceived your weeping. I want to fortify you in your heroism through My love.»

«Isaac the Elder had told me how good You were. Isaac, You know? You cured his daughter. He was my apostle. But I see that Your Kindness is much greater than I was told.»

«We shall call also on the Elder to thank him for giving Me a disciple.»

They reach Korazim and Isaac’s house is the first one they find. The old man, who is on his way back home, when he sees Jesus with His apostles and the young man from Korazim among them, raises his arms, holding his walking stick in his hand, and is speechless and dumbfounded. Jesus smiles and His smile gives speech back to the old man.

«May God bless You, Master! Why so much honour to me?»

«To say “Thanks” to you.»

«But what for, my God? I have to say that word to You. Come in. Oh! I am sorry that my daughter is absent, assisting her mother-in-law. Because she got married, You know? I have received nothing but blessings after I met You! After she was cured that rich relative of ours came from far away, a widower, with the little ones needing a mother… Oh! But I have already told You all that! My head is old! Forgive me!»

«Your head is wise and forgets to be proud of the good it does for its Master. To forget the good done is wisdom. It shows humility and trust in God.»

«But I… I would not know…»

«And this disciple… have I not had him through you?»

«Oh!… But I have done nothing, You know? I only told him the truth… and I am happy that Elias is with You.» He turns towards Elias and says: «Your mother, after the first moment of astonishment, was relieved when she heard that you were with the Master. The last honours rendered to your father were really solemn. He has not been long buried.»

«And what about my brother?»

«He is quiet… you know… he was rather upset by your absence… because of the village people… He still has that mentality…»

The young man turns to Jesus: «You said so. But I would not like him to be dead… Let him become alive as I am, and at Your service.»

The others do not understand and they look at one another inquisitively, but Jesus replies: «Do not despair, but persevere.» He blesses Isaac and goes away, notwithstanding he entreats Him to stay.

179.9

They stop first near the sepulchre and pray. After, through still semi-bare vineyards, they go to Elias’ house.

The meeting of the two brothers is rather a cold one. The elder feels offended and wants people to notice it. The younger feels guilty from a human point of view and does not react. But the arrival of their mother, who without saying anything prostrates herself and kisses the hem of Jesus’ tunic, brightens the atmosphere and their spirits. And they want to honour the Master But Jesus does not accept anything, He only says: «Let your heart be just, one towards the other, as just was he whom you are mourning. Do not give a human sense to what is super-human: death and the election to a mission. The soul of your just father was not upset seeing that this son was not present at the burial of his body, but it rested quietly on the certainty of Elias’ future. Do not let worldly thoughts disturb the grace of the election. If the world was surprised at not seeing him near his father’s coffin, the angels exulted seeing him beside the Messiah. Be just. And may that comfort you mother. You brought him up wisely and he has been called by Wisdom. I bless you all. Peace be with you now and always.»

They go on the road which takes them back to the river, and from there to Bethsaida. Elias did not delay even for one moment on the threshold of his father’s house. After kissing his mother goodbye, he followed the Master with the simplicity of a child who follows his real father.