The Writings of Maria Valtorta

202. Reproche adressé à Judas et arrivée des paysans de Yokhanan.

202. Reproaching of Judas of Iscariot.

202.1

C’est la veille de Pâque. Seul avec ses disciples – car les femmes ne sont pas avec le groupe –, Jésus attend le retour de Pierre qui a emmené l’agneau pascal à son sacrifice.

Pendant qu’ils attendent et que Jésus parle de Salomon à l’enfant, voilà Judas qui traverse la grande cour. Il est avec un groupe de jeunes et il parle en faisant des gestes grandiloquents, et en prenant des poses inspirées. Son manteau ne cesse de s’agiter et il s’en drape avec des poses savantes… Je crois bien que Cicéron n’était pas plus pompeux quand il prononçait ses discours…

« Regarde Judas, là-bas ! Dit Jude.

– Il est avec un groupe de saforim » observe Philippe.

Thomas intervient :

« Je vais écouter ce qu’il dit », et il part sans attendre que Jésus exprime son refus prévisible.

Pour ce qui est de Jésus… son visage dénote une vraie souffrance et un jugement sévère. Marziam, qui le regardait jusqu’alors pendant qu’avec douceur et une légère tristesse il lui parlait du grand roi d’Israël, remarque ce changement et s’en épouvante presque. Il secoue la main de Jésus pour le rappeler à lui :

« Ne regarde pas ! Ne regarde pas ! Regarde-moi, moi qui t’aime tellement ! »

202.2

Thomas réussit à rejoindre Judas sans être vu et il le suit pendant quelques pas. Je ne sais ce qu’il lui entend dire. Je sais qu’il pousse à l’improviste une exclamation de tonnerre qui fait se retourner plusieurs personnes et spécialement Judas, blême de rage :

« Mais que de rabbins compte Israël, désormais ! Je m’en félicite avec toi, nouvelle lumière de sagesse !

– Je ne suis pas une pierre, mais une éponge, et j’absorbe. Et quand le désir de ceux qui sont affamés de sagesse le réclame, je me presse pour me donner avec tous mes sucs vitaux. »

Judas parle de façon ampoulée et méprisante.

« Tu ressembles à un écho fidèle. Mais l’écho, pour subsister, doit rester près de la Voix. Sinon, il meurt, mon ami. Or il me semble que tu t’en éloignes. Il est là. Tu ne viens pas ? »

Judas passe par toutes les couleurs et son visage prend l’expression haineuse et répugnante de ses pires moments. Mais il se domine et dit :

« Je vous salue, mes amis. Je viens avec toi, Thomas, mon cher ami. Allons tout de suite trouver le Maître. Je ne savais pas qu’il était au Temple. Si je l’avais su, je me serais mis à sa recherche. »

Et il passe le bras au cou de Thomas, comme s’il avait pour lui une grande affection.

Cependant Thomas, qui reste paisible mais n’est pas niais, ne se laisse pas embobiner par ces protestations… et il demande, quelque peu sournoisement :

« Comment ? Tu ne sais pas que c’est Pâque ? Et tu penses que le Maître n’est pas fidèle à la Loi ?

– Oh, jamais de la vie ! Mais l’an passé, il se montrait, il parlait… Je me souviens justement de ce jour. Il m’a attiré par sa violence royale… Maintenant… il me semble avoir perdu de sa vigueur. N’en as-tu pas l’impression ?

– Moi, non. Il me paraît avoir perdu confiance.

– En sa mission, voilà, tu as raison.

– Non, tu me comprends mal : il a perdu confiance dans les hommes. Et tu es l’un de ceux qui y contribuent. Honte à toi ! »

Thomas ne rit plus ! Il est sombre, et son “ honte à toi ” est cinglant comme un coup de fouet.

« Attention à tes paroles ! Menace Judas.

– Attention à ta conduite ! Ici, nous sommes deux juifs, sans témoins et c’est pour cela que je parle et je te le répète : “ Honte à toi ! ” Et maintenant, tais-toi. Ne fais pas le tragique ni le pleurnicheur, sinon je parle devant tous.

202.3

Voilà le Maître là-bas et nos compagnons. Comporte-toi comme il faut.

– Paix à toi, Maître…

– Paix à toi, Judas.

– Il m’est si doux de te trouver ici… J’aurais à te parler…

– Parle.

– Tu sais… je voulais te dire… Ne peux-tu m’entendre à part ?

– Tu es parmi tes compagnons.

– Mais je voulais te parler à toi seul.

– A Béthanie, je suis seul avec qui me veut et me cherche, mais tu ne me cherches pas. Tu me fuis…

– Non, Maître, tu ne peux pas dire cela !

– Pourquoi as-tu offensé hier Simon, et moi avec lui, et avec nous Joseph d’Arimathie, tes compagnons, ma Mère et les autres ?

– Moi ? Mais je ne vous ai même pas vus !

– Tu n’as pas voulu nous voir. Pourquoi n’es-tu pas venu, comme convenu, bénir le Seigneur pour un innocent accueilli dans la Loi ? Réponds ! Tu n’as même pas éprouvé le besoin de prévenir que tu ne viendrais pas.

– Voici mon père ! Crie Marziam, qui aperçoit Pierre de retour avec son agneau égorgé, éventré, enveloppé dans sa peau. Oh ! Avec lui, il y a Michée et les autres ! J’y vais, je peux aller à leur rencontre pour avoir des nouvelles de mon vieux père ?

– Va, mon enfant » dit Jésus en lui faisant une caresse ; il ajoute, en touchant l’épaule de Jean d’En-Dor :

« Je t’en prie, accompagne-le et… retiens-les un peu. »

Il se tourne de nouveau vers Judas :

« Réponds donc ! J’attends.

– Maître… une nécessité imprévue… inéluctable… J’en ai souffert… mais…

– Mais n’y avait-il personne, dans tout Jérusalem, qui puisse apporter ton excuse, en admettant que tu en aies eu une ? C’était déjà une faute. Je te rappelle que, récemment, un homme s’est dispensé d’ensevelir son père pour me suivre, et que mes frères ont quitté la maison paternelle sous les anathèmes pour me suivre, et aussi que Simon et Thomas, et avec eux André, Jacques, Jean, Philippe et Nathanaël ont quitté leurs familles, comme Simon le Cananéen sa fortune pour me la donner, et Matthieu le péché pour me suivre. Et je pourrais continuer à te citer cent noms. Il en est qui ont quitté la vie, la vie elle-même, pour me suivre au Royaume des Cieux. Mais, si tu manques à ce point de générosité, sois du moins poli. Tu n’as pas la charité, mais respecte au moins les convenances. Imite, puisqu’ils te plaisent, les pharisiens hypocrites qui me trahissent, qui nous trahissent en se montrant polis. Ton devoir était de te réserver pour nous, hier, pour ne pas offenser Pierre ; or j’exige qu’il soit respecté de tous. Tu devais au moins prévenir.

– Je me suis trompé.

202.4

mais maintenant je suis venu exprès à ta recherche pour te dire que, toujours pour la même raison, je ne pourrai venir demain. Tu sais… J’ai des amis de mon père et je…

– Assez ! Va donc les rejoindre. Adieu.

– Maître… Tu es en colère contre moi ? Tu m’as dit que tu me servirais de père… Je suis un étourdi, mais un père pardonne…

– Je te pardonne, oui. Mais va-t’en. Ne fais pas attendre plus longtemps les amis de ton père, comme moi je ne fais pas attendre davantage les amis du saint Jonas.

– Quand quitteras-tu Béthanie ?

– A la fin des Azymes. Adieu. »

Jésus lui tourne le dos et se dirige vers les paysans, en extase devant Marziam, qui a tellement changé.

Il fait quelques pas, puis s’arrête à cause de la réflexion de Thomas :

« Par Yahvé ! Il voulait te voir avec ta violence royale ! Le voilà servi !…

– Je vous prie tous d’oublier cet incident, comme je m’efforce de le faire moi-même. En outre, je vous ordonne de garder le silence envers Simon-Pierre, Jean d’En-Dor et le petit. Pour des motifs que votre intelligence est en mesure de comprendre, il convient de ne pas les attrister ni de les scandaliser. Silence également à Béthanie avec les femmes. Il y a ma Mère. Souvenez-vous-en.

– Sois tranquille, Maître.

– Nous ferons tout pour réparer.

– Et pour te consoler, oui, assurent tous ceux qui sont présents.

– Merci…

202.5

Oh ! Paix à vous tous ! Isaac vous a trouvés. J’en suis heureux. Profitez en paix de votre Pâque. Mes bergers seront autant de frères bons avec vous. Isaac, avant qu’ils ne partent, amène-les-moi. Je veux les bénir encore. Avez-vous vu l’enfant ?

– Ah, Maître, comme il va bien ! Sa santé est déjà plus florissante ! Nous le dirons à son vieux père. Il en sera très heureux ! Ce juste nous a assuré que, désormais, Yabeç est son fils… C’est providentiel ! Nous raconterons tout, tout.

– Et aussi que je suis fils de la Loi. Et que j’en suis heureux. Et que je pense à lui sans cesse. Qu’il ne pleure pas pour moi ni pour Maman. Elle m’est toute proche, et elle est un ange pour lui également et on le verra aussi à l’heure de la mort. Au cas où Jésus aurait déjà ouvert les portes des Cieux, alors Maman, plus belle qu’un ange, viendra à la rencontre de mon vieux père et le conduira à Jésus. C’est lui qui l’a dit. Vous le lui direz ? Saurez-vous bien le dire ?

– Oui, Yabeç.

– Non, maintenant je m’appelle Marziam. Ce nom, c’est la Mère du Seigneur qui me l’a donné. C’est comme si on disait son nom. Elle m’aime tant ! Elle me met au lit tous les soirs et me fait dire les prières qu’elle faisait dire à son Enfant. Et puis, elle me réveille par un baiser, elle m’habille, et m’enseigne plein de choses. Et lui aussi. Mais elles pénètrent si doucement en moi qu’on apprend sans peine. Mon Maître ! ! ! »

L’enfant se serre contre Jésus dans un tel mouvement d’adoration que son expression vous émeut.

« Oui, vous rapporterez tout cela, et aussi que le vieil homme ne doit pas perdre espoir. Cet ange prie pour lui et, moi, je le bénis. Vous aussi, je vous bénis. Allez. Que la paix soit avec vous. »

Les groupes se séparent, et chacun s’en va de son côté.

202.1

It is the eve of Passover. Jesus is alone with His apostles, because the women have not joined the group, and He is waiting for Peter, who has taken the lamb of Passover to be sacrificed. While they are waiting and Jesus is speaking to Marjiam of Solomon, Judas crosses the large yard. He is with a group of young men speaking, gesticulating ostentatiously and assuming an inspired attitude. He shakes his mantle continuously, then drapes it round himself posing skilfully. I do not think that Cicero looked so stately when delivering his orations…

«Look, Judas is over there!» says Thaddeus.

«He is with a group of saforim» remarks Philip.

And Thomas says: «I am going to hear what he is saying» and he runs away before Jesus may express a foreseeable «don’t».

Oh! Jesus’ countenance! A countenance of suffering and of severe judgement. Marjiam, who was looking at Him while He was speaking kindly and somewhat sadly of the great king of Israel, notices, the sudden change, is almost frightened by it and shakes Jesus’ hand to call Him back to His senses exclaiming: «Don’t look! Don’t look! Look at me, for I love You.»…

202.2

Thomas is successful in reaching Judas without being seen by him and follows him for a few steps. I do not know what he hears, but I know that he bursts into a sudden thundering exclamation. which causes many people to turn around, and in particular Judas, who becomes livid with rage: «How many rabbis there are in Israel! I congratulate you, new light of wisdom!»

«I am not a flint-stone. I am a sponge. And I absorb. And when the desire of those starving for wisdom demands it, I squeeze out all my juices of life to give them…» Judas is pompous and contemptuous.

«You sound like a perfect echo. But an echo can only exist, if it is near the Voice. Otherwise it fades away, my friend. You seem to be going away from it. He is over there. Are you not coming?»

Judas changes colour, with the rancorous disgusting countenance of his worst moments. But he controls himself. He says: «Goodbye, my friends. Here I am with you, Thomas, my dear friend. Let us go to the Master at once. I did not know that He was here in the Temple. If I had known, I would have looked for Him» and he clasps Thomas’ shoulders with his arm, as if he were very fond of him.

But Thomas, who is placid but not foolish, is not deceived by such protestations… and asks rather astutely: «What? Don’t you know that it is Passover? And do you think that the Master is not faithful to the Law?»

«Oh! Never on your life! But last year He went about, and spoke… I remember this very day. He attracted me by means of His royal authoritativeness… Now… He looks to me like one who has lost vigour. Don’t you think so?»

«No, I don’t. I think He looks like one who has lost esteem.»

«Yes, in His mission, you are quite right.»

«No. You have misunderstood. He has lost men’s esteem. And you are one of those responsible for that. Shame on you!» Thomas no longer smiles. He is serious and his words lash Judas like a whip.

«Watch how you speak!» threatens the Iscariot.

«Watch how you behave. We are two Jews here, with no witnesses. And that is why I am speaking to you. And I say once again: “Shame on you!”. And now be quiet. Don’t feign tragedy and don’t start lamenting, otherwise I will speak in front of everybody.

202.3

There is the Master and your companions. Control yourself.»

«Peace to You, Master…»

«Peace to you, Judas of Simon.»

«It is a great pleasure for me to find You here… I would like to speak to You…»

«Do so.»

«You know… I wanted to tell You… Can You not listen to me aside?»

«You are among your companions.»

«But I wanted You only.»

«At Bethany I am alone with those who want Me and look for Me, but you do not look for Me. You avoid Me…»

«No, Master. You cannot say that.»

«Why did you offend Simon and Me yesterday, and Joseph of Arimathea, your companions and My Mother and the other women as well?»

«I did? But I did not see you!»

«You did not want to see us. Why did you not come, as we had arranged, to bless the Lord because of an innocent child who was being accepted by the Law? Tell Me! You did not even feel the need to inform us that you were not coming.»

«There is my father!» shouts Marjiam who sees Peter coming back with his lamb, which has been slaughtered, eviscerated and wrapped once again in its skin. «Oh! Micah and the others are with him! I am going, can I go and meet them and hear of my old father?»

«Yes, son, go» says Jesus caressing him. And touching John of Endor on his shoulder, he says to him: «Please, go with him and… keep them there for a little while.» And He addresses Judas once again: «Tell Me! I am waiting for your reply.»

«Master… a sudden obligation… an unbreakable one… I was very sorry… But…»

«But was there not one person in Jerusalem who could bring your justification, supposing you had one? And even that would have been a fault. I remind you that recently a man did not bury his father to follow Me, and that these brothers of Mine left their father’s house, amongst imprecations, to follow Me, and that Simon and Thomas, and Andrew, James, John, Philip and Nathanael with them, left their families and Simon Cananean left his wealth to give it to Me and Matthew his sins to follow Me. And I could go on mentioning one hundred more names. There are people who leave their lives, their very lives, to follow Me to the Kingdom of Heaven. But since you are so selfish, at least be polite. You have no charity, at least be courtly. Since you like them, imitate the false Pharisees who betray Me, who betray us behaving like well-bred people. It was your duty to be free to be with us yesterday, so as not to offend Peter, for whom I demand respect from everybody. But if you had at least sent notice…»

«I made a mistake.

202.4

But now I was coming to You on purpose, to tell You that for the same reason I cannot come tomorrow. You know… I have friends of my father and…»

«That is enough. Go with them. Goodbye.»

«Master… are You angry with me? You told me that You would act as my father… I am a reckless son, but a father forgives…»

«I forgive you. But go away. Do not keep your father’s friends waiting, as I do not keep waiting the friends of holy Jonah .»

«When are You leaving Bethany?»

«At the end of the Feast of Unleavened Bread. Goodbye.»

Jesus turns around and goes towards the peasants who are in an ecstasy over Marjiam who is so changed. He takes a few steps then stops because of Thomas’ remark: «By Jehovah! He wanted to see in You the authoritativeness of a King! He got what he wanted!…»

«I beg you all to forget the incident, as I am striving to forget it. I order you to make no mention of it to Simon of Jonah, John of Endor and the little one. For reasons which you can easily understand, it is better not to grieve or scandalise those three. And no word about it at Bethany, with the women. My Mother is there, do not forget it.»

«Do not be concerned, Master.»

«We will do all we can to make amends.»

«And to comfort You» they all say.

«Thank you…

202.5

Oh! Peace to you all. Isaac found you. I am glad. Enjoy your Passover in peace. My shepherds will be as many good brothers to you. Isaac, before they go away, bring them to see Me. I want to bless them once again. Have you seen the boy?»

«Oh! Master! How well he is! He is already much healthier! We will tell the old man. He will be so happy. This just man has told us that Jabez is now his son… It is a gift of Providence! We will tell him everything.»

«Also that I am a son of the Law. And that I am happy. And I always remember him. And he must not weep for me or for my mother. She is near me and she is near him like an angel and he will always have her, also in the hour of death, and if Jesus has already opened the gates of Heaven, well, then mummy will come to meet the old father and she will be more beautiful than an angel and will take him to Jesus. Jesus told me. Will you tell him? Will you be able to tell him properly?»

«Certainly, Jabez.»

«No. Now I am Marjiam. The Lord’s Mother gave me that name. It is as if you said Her name. She loves me so much. She puts me to bed in the evening and She makes me say the prayers which She made Her Child say. And She wakes me up with a kiss, She dresses me and teaches me many things. Also Jesus does. But they teach me so gently that I learn without any difficulty. My Master!!!» The child presses against Jesus with an attitude of adoration and love that is really moving.

«Yes, tell him everything, and also not to give up hope. This angel prays for him and I bless him. I bless you, too. Go. Peace be with you.»