The Writings of Maria Valtorta

205. Les premières charges confiées à Jean d’En-Dor.

205. First assignments to John of Endor.

205.1

Jésus apparaît sur le seuil :

« Jean d’En-Dor, viens ici avec moi. J’ai à te parler. »

L’homme, délaissant l’enfant auquel il apprenait quelque chose, accourt :

« Que veux-tu me dire, Maître ? demande-t-il.

–Viens avec moi, en haut. »

Ils montent sur la terrasse et s’asseyent du côté le plus abrité car, bien que ce soit le matin, le soleil est déjà fort. Jésus tourne son regard vers la campagne cultivée où, de jour en jour, le grain prend une teinte dorée et où les fruits grossissent sur les arbres. Il paraît vouloir suivre par la pensée cette transformation végétale.

« Ecoute, Jean : je crois qu’Isaac va venir aujourd’hui pour m’amener les paysans de Yokhanan avant leur départ. J’ai demandé à Lazare de prêter un char à Isaac pour leur permettre de rentrer plus vite chez eux. Il ne faut pas qu’ils craignent un retard qui pourrait leur valoir un châtiment. Et Lazare le prête, car Lazare fait tout ce que je lui dis. Mais j’attends autre chose de toi : j’ai ici une somme qui m’a été donnée pour les pauvres du Seigneur. Généralement, c’est l’un de mes apôtres qui est chargé de tenir les comptes et de donner les oboles. C’est Judas de Kérioth, d’habitude ; les autres parfois. Or Judas est absent et je ne veux pas que les autres sachent ce que je veux faire. Même Judas, cette fois, ne l’aurait pas su. C’est toi qui t’en chargeras, en mon nom…

– Moi, Seigneur ? Moi ? Je n’en suis pas digne !…

– Tu dois t’habituer à travailler en mon nom. N’est-ce pas pour cela que tu es venu ?

– Oui, mais je pensais devoir travailler à reconstruire ma pauvre âme.

– Et moi, je t’en fournis le moyen. En quoi as-tu péché ? Contre la miséricorde et l’amour. C’est par la haine que tu as démoli ton âme. C’est par l’amour et la miséricorde que tu la reconstruiras. Je t’en procure les matériaux. Je te destinerai particulièrement aux œuvres de miséricorde et d’amour. Tu es capable de soigner. Tu es capable de parler. Avec cela, tu es apte à soigner les infirmités physiques et morales, et tu as le pouvoir de le faire. Tu vas faire tes débuts avec cette œuvre-ci. Prends la bourse. Tu la remettras à Michée et à ses amis. Fais-en des parts égales, mais fais comme je te dis : répartis-la en dix parts, puis donnes-en quatre à Michée : une pour lui, une pour Saül, une pour Joël et une pour Isaïe. Et donne les six autres parts à Michée pour qu’il les remette au vieux père de Yabeç, pour lui et ses compagnons. Ils pourront ainsi y trouver quelque réconfort.

– C’est bien. Mais que dois-je leur dire en guise de justification ?

– Tu diras : “ C’est pour que vous vous souveniez de prier pour une âme qui se rachète. ”

– Mais ils pourront penser que c’est moi ! Ce n’est pas juste !

– Pourquoi ? Ne veux-tu pas te racheter ?

– Il n’est pas juste qu’ils pensent que je suis le donateur.

– Ne te tracasse pas et agis comme je te le dis.

– J’obéis… mais, au moins, permets-moi d’y ajouter quelque chose. De toutes façons… désormais, je n’ai plus besoin de rien. Des livres, je n’en achète plus. Je n’ai plus de poulets à nourrir. Il me faut si peu de choses… Tiens, Maître. Je ne garde qu’un peu d’argent pour les dépenses de sandales… »

Et, d’une bourse qu’il avait à la ceinture, il sort de nombreuses pièces de monnaie et les joint à celles de Jésus.

« Que Dieu te bénisse pour ta miséricorde…

205.2

Jean, bientôt nous nous quitterons, car tu partiras avec Isaac.

– J’en suis peiné, Maître, mais j’obéis.

– Moi aussi, je souffre de t’éloigner, mais j’ai tant besoin de disciples itinérants ! Je n’y suffis plus. Bientôt je lancerai les apôtres sur les chemins, puis j’enverrai les disciples. Et tu accompliras très bien ta tâche. Je te réserverai pour des missions spéciales. En attendant, tu te formeras avec Isaac. Il est très bon, et l’Esprit de Dieu l’a vraiment instruit durant sa longue maladie. Et c’est l’homme qui a toujours tout pardonné… Nous quitter, du reste, ne veut pas dire ne plus nous voir. Nous nous rencontrerons souvent et, chaque fois que nous nous retrouverons, je parlerai spécialement pour toi. Souviens-toi de cela… »

Jean se penche, se cache le visage dans les mains en sanglotant et gémit :

« Ah ! Dans ce cas, dis-moi tout de suite quelque chose qui me persuade que je suis pardonné… que je puis servir Dieu… Si tu savais, maintenant que s’est dissipée la fumée de la haine, comme je vois mon âme… et comme… et comme je pense à Dieu…

– Je le sais. Ne pleure pas. Reste dans l’humilité, mais sans t’avilir. S’avilir, c’est encore de l’orgueil. Aie seulement, seulement l’humilité. Allons, ne pleure pas… »

Jean d’En-Dor se calme peu à peu…

Quand il le voit calmé, Jésus dit :

« Viens, allons sous les feuillages des pommiers et réunissons nos compagnons et les femmes. Je parlerai à tous, mais je te dirai comment Dieu t’aime. »

Ils descendent, rassemblant les autres autour d’eux au fur et à mesure qu’ils arrivent et on s’assied en cercle à l’ombre de la pommeraie. Lazare aussi, qui parlait avec Simon le Zélote, se joint à la compagnie. Cela fait vingt personnes en tout.

205.3

« Ecoutez : voici une belle parabole qui vous guidera par sa lumière en bien des occasions.

Un homme avait deux fils. L’aîné était sérieux, travailleur, affectueux, obéissant. Le second était plus intelligent que son aîné – qui, en vérité, était un peu borné et se laissait guider pour ne pas avoir à se donner la peine de décider par lui-même – ; en revanche, il était aussi rebelle, distrait, dépensier et paresseux, et il aimait le luxe et le plaisir. L’intelligence est un grand don de Dieu, mais c’est un don dont il faut user sagement. Sinon, il en va comme de certains remèdes qui, employés indûment, tuent au lieu de guérir. Le père suivait son droit et son devoir en le rappelant à une vie plus sage, mais c’était sans résultat, sauf d’essuyer des réponses méchantes et de voir son fils s’endurcir dans ses idées mauvaises.

Enfin, un jour, après une dispute plus envenimée, le cadet dit : “ Donne-moi ma part des biens. Ainsi, je n’entendrai plus tes reproches ni les plaintes de mon frère. A chacun son lot et que tout soit fini.

– Prends garde, répondit le père, tu seras bientôt ruiné. Que feras-tu, alors ? Réfléchis : je ne serai pas injuste en ta faveur et je ne reprendrai pas la plus petite somme à ton frère pour te la donner.

– Je ne te demanderai rien. Sois tranquille. Donne-moi ma part. ”

Le père fit estimer ses terres et les objets précieux. Après avoir constaté que l’argent et les bijoux avaient autant de valeur que les terres, il donna à l’aîné les champs et les vignes, les troupeaux et les oliviers, et au cadet l’argent et les bijoux, que ce dernier vendit aussitôt pour avoir tout en argent. Cela fait, en peu de jours, il partit pour un pays lointain où il vécut en grand seigneur, dissipant ses biens en bombances de toutes sortes, se faisant passer pour un fils de roi car il avait honte de dire : “ Je suis un campagnard ”, et reniant ainsi son père. Festins, amis et amies, vêtements, vins, jeux… vie dissolue… Il vit bien vite s’épuiser ses réserves et arriver la misère. Et pour alourdir cette misère, il survint dans le pays une grande disette qui fit fondre le reste de ses ressources.

205.4

Il aurait bien voulu aller chez son père, mais il était orgueilleux et ne s’y décida pas. Il alla alors rencontrer un homme riche du pays qui avait été son ami au temps de l’abondance et il le supplia : “ Prends-moi au nombre de tes serviteurs en souvenir des profits que je t’ai procurés. ” Voyez comme l’homme est sot ! Il préfère se mettre sous le joug d’un maître au lieu de dire à son père : “ Pardon ! Je me suis trompé ! ” Ce jeune avait appris bien des choses inutiles grâce à sa vive intelligence, mais il n’avait pas voulu apprendre le proverbe[1] de l’Ecclésiastique : “ Comme il est infâme, celui qui abandonne son père, et comme Dieu maudit celui qui fait de la peine à sa mère ! ” Il était intelligent, mais il n’était pas sage.

L’homme à qui il s’était adressé, en échange de tout ce dont il avait profité au détriment du jeune imbécile, mit ce sot à la garde des cochons — il était en effet dans un pays païen où il y avait beaucoup de porcs —. Il l’envoya donc faire paître dans ses possessions les troupeaux de porcs. Crasseux, les vêtements en lambeaux, puant, affamé — car la nourriture était rare pour tous les serviteurs et surtout pour les plus bas placés ; or lui, qui était étranger, gardien de cochons et méprisé, il rentrait dans cette catégorie —, il voyait les animaux se rassasier de glands et il soupirait : “ Si je pouvais au moins m’emplir le ventre de ces fruits ! Mais ils sont trop amers ! La faim elle-même ne me les fait pas trouver bons. ” Et il pleurait en pensant aux riches festins de satrape qu’il avait faits peu de temps auparavant, au milieu des rires, des chants et des danses… Il repensait aussi aux honnêtes repas abondants de sa maison lointaine, aux portions que son père faisait pour tous impartialement, ne gardant pour lui que la plus petite, heureux de voir le sain appétit de ses fils… Il pensait encore aux portions que ce juste faisait pour ses serviteurs, et il soupirait : “ Les domestiques de mon père, même les plus bas placés, ont du pain en abondance… or moi, ici, je meurs de faim… ” Il a fallu tout un long travail de réflexion, une longue lutte pour briser son orgueil…

205.5

Enfin vint le jour où, revenu à l’humilité et à la sagesse, il se leva et dit : “ Je vais trouver mon père ! C’est une sottise que cet orgueil qui me tient captif. Et de quoi ? Pourquoi souffrir dans mon corps et plus encore dans mon cœur, alors que je peux obtenir le pardon et le soulagement ? Je vais aller trouver mon père. C’est décidé. Que lui dirai-je ? Mais ce qui est né à l’intérieur de moi, dans cette abjection, dans ces ordures, dans la faim ! Je lui dirai : ‘ Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi donc comme le dernier de tes serviteurs, mais tolère-moi sous ton toit. Que je te voie passer… ’ Je ne pourrai lui dire : ‘ …parce que je t’aime. ’ Il ne le croirait pas. Mais ma vie le lui dira, et il le comprendra et, avant de mourir, il me bénira encore… Oh ! Je l’espère, parce que mon père m’aime. ” Revenu le soir au village, il prit congé de son maître et, mendiant le long du chemin, il revint à sa maison.

Et revoilà les champs paternels… et la maison… et son père qui dirigeait les travaux, vieilli, amaigri par la souffrance, mais toujours aussi bon… A la vue de cette ruine dont il était la cause, le coupable s’arrêta, tout intimidé… mais le père, tournant les yeux, l’aperçut et courut à sa rencontre, car il était encore loin. Dès qu’il l’eut rejoint, il lui jeta les bras autour du cou et l’embrassa. Le père était le seul à avoir reconnu son fils dans ce mendiant humilié et lui seul avait eu pour lui un mouvement d’amour.

Le fils, serré entre ses bras, la tête sur les épaules de son père, murmura au milieu de ses sanglots : “ Père, permets-moi de me jeter à tes pieds. ” “ Non, mon fils ! Pas à mes pieds : sur mon cœur qui a tant souffert de ton absence et qui a besoin de revivre en sentant ta chaleur sur ma poitrine. ” Alors, le fils, pleurant plus fort, lui dit : “ Ah ! Mon père ! J’ai péché contre le Ciel et contre toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Mais permets-moi de vivre parmi tes serviteurs, sous ton toit, te voyant et mangeant ton pain, en te servant, en buvant ta respiration. A chaque bouchée de pain, à chacune de tes respirations, mon cœur si corrompu se reformera et il deviendra honnête… ”

Mais son père, sans relâcher son étreinte, le conduisit à ses serviteurs qui s’étaient rassemblés à distance et qui observaient ; il leur dit : “ Vite, apportez ici le plus beau vêtement et des bassines d’eau parfumée, lavez-le, parfumez-le, habillez-le, mettez-lui des chaussures neuves et un anneau au doigt. Puis prenez un veau gras et tuez-le. Et qu’on prépare un banquet. Car mon fils était mort, et le voilà ressuscité, il était perdu et le voilà retrouvé. Je veux que lui aussi retrouve son amour simple de petit enfant. Il faut que je lui donne mon amour et que la maison soit en fête pour son retour. Il doit comprendre qu’il est toujours pour moi mon dernier-né, tel qu’il était dans son enfance lointaine, quand il marchait à mes côtés et me réjouissait par son sourire et son babil. ” Et les serviteurs firent tout cela.

205.6

Le fils aîné était aux champs et il ne sut rien jusqu’à son retour. Le soir, en revenant à la maison, il la vit tout illuminée et il entendit provenir de l’intérieur le son des instruments et le bruit des danses. Il appela un serviteur qui courait, tout affairé, et lui demanda : “ Qu’est-ce qui se passe ? ” Et le serviteur répondit : “ Ton frère est de retour ! Ton père a fait tuer le veau gras parce qu’il a retrouvé son fils en bonne santé et guéri de son grand mal, et il a ordonné que l’on fasse un banquet. On n’attend que toi pour commencer. ” Mais l’aîné, en colère parce qu’il lui paraissait injuste de tant fêter son cadet qui, outre qu’il était le plus jeune, avait été mauvais, ne voulut pas entrer et était même sur le point de s’éloigner de la maison.

Mais dès que son père en fut averti, il courut dehors et le rejoignit, essayant de le convaincre et le priant de ne pas assombrir sa joie. L’aîné répondit à son père : “ Et tu voudrais que je n’en sois pas fâché ? Tu te montres injuste et méprisant à l’égard de ton aîné. Moi, dès que j’ai pu travailler, je t’ai servi, et cela fait bien des années. Je n’ai jamais transgressé tes ordres, ni même négligé tes désirs. Je suis toujours resté près de toi et je t’ai aimé pour deux, pour guérir la blessure que mon frère t’avait faite. Et tu ne m’as même pas donné un chevreau pour faire la fête avec des amis ! Mais lui qui t’a offensé, qui t’a abandonné, qui a été paresseux et dissipateur, et qui revient poussé par la faim, tu l’honores, et pour lui tu as tué le veau le plus beau. Ça vaut bien la peine d’être travailleur et sans vices ! Tu ne devais pas me faire cela ! ”

Le père lui dit alors en le serrant contre son cœur : “ Oh ! Mon fils ! Comment peux-tu croire que je ne t’aime pas sous prétexte que je n’étends pas un voile de fête sur tes actions ? Tes actions sont saintes par elles-mêmes, et le monde t’en loue. Mais ton frère, au contraire, a besoin d’être relevé dans l’estime du monde et dans sa propre estime. Et tu crois que je ne t’aime pas parce que je ne te donne pas une récompense visible ?

Mais matin et soir, à chacune de mes respirations et de mes pensées, tu es présent à mon cœur, et à tout instant je te bénis. Tu as la récompense continuelle d’être toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il était juste de faire un banquet et de festoyer pour ton frère qui était mort et qui est ressuscité au bien, qui était perdu et qui est revenu à notre amour. ” Alors l’aîné se rendit à ses raisons.

205.7

C’est ce qui arrive, mes amis, dans la Maison du Père. Que celui qui se reconnaît dans la situation du cadet de la parabole, pense également que, s’il l’imite en revenant lui aussi au Père, le Père lui dit : “ Non pas à mes pieds, mais sur mon cœur qui a souffert de ton absence et qui se réjouit maintenant de ton retour. ” Que celui qui se trouve dans la situation de l’aîné, sans faute à l’égard du Père, ne soit pas jaloux de la joie de son père, mais qu’il y prenne part en offrant son amour à son frère racheté.

Voilà ce que j’avais à vous dire. Reste, Jean d’En-Dor, et toi aussi, Lazare. Que les autres aillent préparer les tables. Nous viendrons bientôt. »

Tous se retirent. Quand Jésus, Lazare et Jean sont seuls, Jésus dit à Lazare et à Jean :

« Ainsi en sera-t-il de l’âme chère que tu attends, Lazare, et ainsi en est-il de la tienne, Jean. La bonté de Dieu dépasse toute mesure. »…

205.8

…Les apôtres, accompagnés de Marie et des femmes, se dirigent vers la maison, précédés de Marziam qui saute en courant devant. Mais il revient vite, prend Marie par la main, et lui dit :

« Viens avec moi. Je dois te dire quelque chose en particulier. »

Et Marie accède à sa demande.

Ils tournent vers le puits qui est dans un angle de la petite cour, caché sous une tonnelle touffue qui monte de la terre vers la terrasse en faisant un arc. Là-derrière se trouve Judas.

« Judas, que veux-tu ? Va-t’en, Marziam… Parle, que veux-tu ?

– Je suis en faute… Je n’ose aller trouver le Maître, ni affronter mes compagnons. Aide-moi…

– Je t’aiderai. Mais ne penses-tu pas à la douleur que tu causes ? Mon Fils a pleuré à cause de toi, et tes compagnons en ont souffert. Mais viens. Personne ne te dira rien. Et, si tu le peux, ne retombe plus dans ces fautes. C’est indigne d’un homme, et sacrilège à l’égard du Verbe de Dieu.

– Et toi, Mère, tu me pardonnes ?

– Moi ? Moi, je ne compte pas auprès de toi qui t’estimes si grand. Je suis la plus petite des servantes du Seigneur. Comment peux-tu te préoccuper de moi, si tu n’as pas pitié de mon Fils ?

– C’est que, moi aussi, j’ai une mère et, si j’ai ton pardon, il me semble avoir le sien.

– Elle n’est pas au courant de cette faute.

– Mais elle m’avait fait jurer d’être bon avec le Maître. Je suis parjure. Je sens le reproche de l’âme de ma mère.

– Tu le sens ? Et tu ne sens pas le chagrin et le reproche du Père et du Verbe ? Tu es un malheureux, Judas ! Tu sèmes la douleur en toi et chez ceux qui t’aiment. »

Marie est grave et triste. Elle parle sans acrimonie, mais avec beaucoup de sérieux. Judas pleure.

« Ne pleure pas, mais deviens meilleur. Viens. »

Elle le prend par la main et entre ainsi dans la cuisine.

C’est pour tous la plus vive stupeur. Mais Marie prévient toute parole peu charitable. Elle dit :

« Judas est revenu. Agissez de la même manière que le fils aîné après le discours du père. Jean, va prévenir Jésus. »

Jean part au pas de course.

Un silence pèse dans la cuisine… Puis Judas dit :

« Pardonnez-moi, et toi Simon pour commencer. Tu as un cœur si paternel ! Je suis un orphelin, moi aussi.

– Oui, oui, je te pardonne. Je t’en prie, n’en parle plus. Nous sommes des frères… Ces hauts et ces bas de pardons implorés et de rechutes ne me plaisent guère. Ils avilissent celui qui les reçoit comme celui qui les accorde. Voici Jésus. Va le trouver. Et cela suffit. »

Judas y va pendant que Pierre, ne pouvant rien faire d’autre, se met avec ardeur à casser du bois sec.

205.1

«John of Endor, come here with Me. I must speak to you» says Jesus looking out of the door.

The man hastens towards Jesus leaving the boy to whom he was explaining something. «What do You want to tell me, Master?» he asks.

«Come upstairs with Me.»

They go up to the terrace and they sit down in the most sheltered part, because the sun is already strong, although it is still morning. Jesus runs His eyes over the cultivated country, where day by day the corn is becoming golden and fruit is ripening on trees. He seems to be wishing to derive some thought from that vegetable metamorphosis.

«Listen, John. I think that Isaac is coming today to bring Me Johanan’s peasants before they leave. I told Lazarus to lend Isaac a wagon to quicken their return and thus avoid a delay which would cause them to be punished. And Lazarus has agreed, because he does everything I tell him. But I want something else from you. I have here a sum of money given to Me by a person for the poor of the Lord. Usually one of My apostles is responsible for keeping the money and giving alms. Generally it is Judas of Kerioth; sometimes one of the others. But Judas is not here. And I do not want the others to know what I want to do. I would not have told Judas either. You will do it, in My name…»

«I, my Lord?… I?… Oh! I am not worthy!…»

«You must accustom yourself to working in My name. Is that not why you came?»

«Yes, but I thought I had to work to rebuild my poor soul.»

«And I will give you the means. Against what did you sin? Against Mercy and Love. You demolished your soul by means of hatred. You will rebuild it through love and mercy. I will give you the material. I will make use of you especially for deeds of mercy and love. You are also capable of curing, and of speaking. So you are qualified to take care of physical and moral miseries and you are capable of doing it. You will start with this action. Here is the purse. You will give it to Micah and his friends. Divide it into equal parts. But divide it as I will tell you. Make ten parts and give four to Micah, one for himself and one each to Saul, Joel and Isaiah. Give the other six to Micah with instructions to give them to Jabez’ old father, for himself and his companions. They will thus be able to have some comfort.»

«All right. But what shall I tell them to justify it?»

«Say: “This is to remind you to pray for a soul that is redeeming itself” .»

«But they may think that it is I! It is not fair!»

«Why? Do you not want to redeem yourself?»

«It is not fair that they should think that I am the donor.»

«Never mind, do as I tell you.»

«I will obey… but at least let me give something as well. In any case… now I do not need anything anymore. I do not buy books and I have no poultry to feed. I am satisfied with very little. Take this, Master. I am keeping a minimum for my sandal expenses…» and from a purse attached to his belt he takes out some coins which he adds to Jesus’ money.

«May God bless you for your mercy…

205.2

John, before long we shall be parting, because you will be going with Isaac.»

«I am sorry about that, Master. But I will obey.»

«I am sorry as well to send you away. But I need itinerant disciples so badly. I am no longer sufficient. I will soon be sending the apostles and then the disciples. And you will do a lot of good. I will keep you for special missions. In the meantime you will become formed with Isaac. He is so good and the Spirit of God has really instructed him during his long disease. And he is the man who has always forgiven everything… On the other hand, the fact that we have to part does not mean that we shall never meet again. We shall often meet, and every time we are together, I will speak just for you, remember that…»

John bends very low, he hides his face in his hands, bursts into bitter tears and moans: «Oh! Then tell me at once something to persuade me that I have been forgiven… that I can serve God… If You knew how I see my soul, now that the smoke of hatred has vanished… and how I think of God…»

«I know, do not weep. Be humble, but do not be disheartened. Disheartenment is still pride. Be humble, that is all. Cheer up, do not weep…»

John of Endor slowly calms down…

When Jesus sees that he has become calm, He says: «Come, let us go under that thicket of apple-trees and gather our companions and the women. I will speak to everybody, but I will tell you how God loves you.»

They go down, assembling the others as they procede, and they all sit down in a circle in the shade of the apple orchard. Also Lazarus, who was speaking to the Zealot, joins the company. They are about twenty people in all.

205.3

«Listen. It is a beautiful parable that will guide you with its light in many cases.

A man had two sons. The elder was a serious, affectionate, obedient worker. The younger was more intelligent than his brother who was actually somewhat dull and preferred to be guided rather than tire himself making decisions by himself, but he was also rebellious, absent-minded, fond of luxury, pleasure loving, a squanderer and idle. Intelligence is a great gift of God. But it is a gift to be used wisely. Otherwise it is like certain medicines that, when taken in the wrong way, kill instead of curing. His father, as it was his right and duty, used to recall him to a more sensible life. But it was all in vain, the only result was that he answered back and became more obstinate in his wicked ideas.

Finally one day, after a fierce quarrel, the younger son said: “Give me my part of the estate. So I will no longer hear your reproaches and my brother’s complaints. Let each have his own and no more about it”. “Be careful” replied the father, “because you will soon be ruined. What will you do then? Consider that I will not be unfair to favour you and I will not take a farthing off your brother to give it to you”. “I will not ask you for anything. You may be sure. Give me my part”.

The father had the estate and valuables assessed, and since money and jewels were worth as much as the real estate, he gave the elder brother the fields and vineyards, the herds and olive-trees, and the younger one the money and jewels, which the young man changed immediately into money. And after doing that in a few days, he went to a distant country where he lived like a lord, squandering all his money on a life of debauchery, making people believe that he was the son of a king, because he was ashamed to admit that he was a countryman and thus he disowned his father. Banquets, friends, women, robes, wines, games… he led a loose life. He soon saw that his money was coming to an end and that poverty was in sight. And to make matters worse, the country experienced a severe famine, which compelled him to spend his last penny.

205.4

He would have liked to go back to his father. But he was proud and decided not to. So he went to a wealthy man of the country, a friend of his in his happy days, and he begged him saying: “Take me among your servants, remembering the days when you enjoyed my wealth”. See how foolish man is! He prefers the lash of a master rather than say to his father: “Forgive me. I made a mistake!”. The young man had learned many useless things with his bright intelligence, but he did not want to learn the saying of Ecclesiasticus: “How ill-famed is he who deserts his father and how accursed of the Lord is whoever angers his mother”. He was intelligent, but not wise.

The man that he turned to, in exchange for the grand time he had enjoyed with the foolish young man, sent him to look after his pigs, because it was a pagan country and there were many pigs. So he was sent to pasture the herds of pigs in the farm. Filthy, in rags, stinking and starving — food in fact was scarce for all the servants and particularly for the lowest ones and he, a foreign ridiculed herdsman of pigs was considered such — he saw the pigs glut themselves with acorns and sighed: “I wish I could fill my stomach with this fruit! But they are too bitter! Not even starvation can make them palatable”. And he wept remembering the sumptuous banquets when he acted the “grand seigneur” only a short while before, laughing, singing, dancing… and then he would think of the honest substantial meals at his far away home, of the portions his father used to make impartially for everybody, keeping for himself the smallest one, happy to see the healthy appetite of his and he remembered the helpings his just father gave the servants and he sighed: “My father’s servants, even the lowest, have plenty of bread… and I am dying here of starvation…”. A long meditation, a long struggle to subdue his pride…

205.5

At last the day came when his humility and wisdom revived and he got up and said: “I will go back to my father! This pride of mine is silly, as it deprives me of my freedom. And why? Why should I suffer in my body and even more in my heart when I can be forgiven and receive comfort? I will go back to my father. That is settled. And what shall I say to him? What has matured in my heart here, in this abjection, in this filth, suffering the pangs of hunger! I will say to him: ‘Father, I have sinned against Heaven and against you, I am no longer worthy of being called your son; treat me therefore as the least of your servants, but bear me to stay under your roof. That I may see you moving about… I cannot say to him: ‘… because I love you’. He would not believe me. But my behaviour will tell him and he will understand and before dying he will bless me once again… Oh! I hope so. Because my father loves me”. And when he went back to town in the evening he gave up his job and begging along the way he went back home. And he saw his father’s fields… and the house… and his father supervising the work… he was old, emaciated by grief but always kind and good… The guilty son seeing that ruin caused by him stopped frightened… but the father, looking around, saw him and ran to meet him, because he was still far away. And when he reached him, he threw his arms around his neck and kissed him. Only the father had recognised his son in the dejected beggar and he was the only one to be moved with love.

The son, clasped in his father’s arms, with his head resting on his father’s shoulder, whispered sobbing: “Father, let me throw myself at your feet”. “No, son! Not at my feet. Rest on my heart, which has suffered so much because of your absence, and now needs to revive feeling your warmth on my chest”. And the son, crying louder, said: “Oh! father! I have sinned against Heaven and against you, I am no longer worthy to be called son by you. But allow me to live among your servants, under your roof, seeing you, eating your bread, serving you, and you will be the breath of my life. Every time I take a morsel of bread, every time you breathe, my heart, which is so corrupt, will change and I will become honest…”

But the father, embracing him all the time, led him towards the servants, who had gathered together watching in the distance and he said to them: “Quick, bring the best robe, and basins of scented water here, and wash him, spray him with scents, clothe him, put new sandals on his feet and a ring on his finger. Bring a fattened calf and kill it. And prepare a banquet. Because this son of mine was dead and has come back to life, he was lost and has been found. Now I want him to find the innocent love of a child once again, and my love and the celebration of the household for his return, must give it to him. He must realise that he is always my dear last-born child, as he was in his childhood a long time ago, when he used to toddle beside me making me happy with his smile and his prattling”. And the servants did so.

205.6

The elder son was out in the country and he did not know anything until his return. Coming towards the house in the evening, he saw that it was brightly lighted and he heard the sound of instruments and dancing coming from it. He called a servant who was bustling about and asked him: “What is happening?”. And the servant replied: “Your brother has come back! Your father had the fattened calf killed because his son has come back to him safe and cured of his wickedness and he ordered a celebration. They are only waiting for you to start”. But the first-born was angry because he thought that such a feast for his younger brother was unfair, as he was not only younger, but had also been wicked. And he did not want to go in, on the contrary he was about to walk away from the house.

But the father, informed of the situation, ran out and reached him and endeavoured to convince him, begging him not to spoil his joy. The elder brother replied to his father: “And you expect me not to be upset? You are unfair to your first-born and you hold him in contempt. I have served you since I was able to work, and I have done that for many years. I have never disobeyed an order of yours, not even a simple desire. I have always been near you, and I have loved you for two, to make you recover from the wound inflicted on you by my brother. And you have not even given me a lamb to have a feast with my friends. You are now honouring my brother and you have killed the best calf for him, who offended and abandoned you, and has been a lazy spendthrift and has now come back because he was driven by starvation. It is really worth while being a hard honest worker! You should not have done that to me”.

The father then, clasping him to his heart, said: “Son! Can you believe that I do not love you, because I do not celebrate your behaviour? Your deeds are holy by themselves, and the world praises you because of them. Your brother, instead, needs to be rehabilitated both in the eyes of the world and in his own. And do you think that I do not love you because I give you no visible prize? But day and night, in every moment of my life, you are present to my heart, and I bless you every moment. You have the continuous reward of being always with me, and what is mine is yours. But it was fair to have a feast, a celebration for your brother who was dead and has come back to good life, who was lost and has come back to our love”. And the first-born yielded to his father’s desire.

205.7

And that, My friends, is what happens in the House of the Father. And whoever feels that he is like the younger son of the parable must believe that if he imitates him in going to the Father, the Father will say to him: “Not at My feet. But rest on My heart, which has suffered because of your absence and is now happy because you have come back”. He who is in the situation of the first-born and without any fault against the Father, must not be jealous of the Father’s joy, but must take part in it and love the redeemed brother.

That is all. You, John of Endor and you, Lazarus, please remain here. The others can go and set the tables. We shall not be long.»

They all withdraw. When Jesus, Lazarus and John are alone, Jesus says to them: «That is what will happen to the dear soul you are awaiting, Lazarus, and that is what is happening to yours, God’s bounty has no limit…»

205.8

… The apostles, together with Mary and the women, go towards the house, preceded by Marjiam who runs ahead frisking. But he soon comes back and takes Mary by the hand saying to Her: «Come with me. I have something to tell You, when we are alone.» And Mary follows him. They turn towards a well, situated in a corner of the little yard and completely covered by a thick bower that from the ground climbs up towards the terrace forming an arch. Behind it, there is the Iscariot.

«Judas, what do you want? Go, Marjiam… Speak. What do you want?»

«I am guilty… I dare not go to the Master or face my companions… Help me…»

«I will help you. But do you not consider how much grief you cause? My Son wept because of you. And your companions suffered. But come. No one will say anything to you. And, if you can, do not commit the same sins again. It is shameful for a man and a sacrilege against the Word of God.»

«And will You forgive me, Mother?»

«I? I count for nothing as far as you are concerned, since you think you are so great. I am the least of the servants of the Lord. How can you worry about Me, if you feel no pity for My Son?»

«Because I have a mother as well, and if You forgive me, I will feel as if she did, too.»

«She does not know about this fault of yours.»

«But she made me swear I would be good to the Master. I am a perjurer. I can feel the soul of my mother reproaching me.»

«You feel that, do you? But do you not feel the lament and the reproach of the Father and of His Word? You are disgraceful, Judas! You cause grief to yourself and to those who love you.»

Mary is very serious and sad. She speaks without bitterness but with much seriousness. Judas weeps.

«Do not weep. Improve yourself. Come» and She takes him by the hand and enters the kitchen.

Everybody is filled with astonishment. But Mary wards off any possible uncharitable remark. She says: «Judas has come back. Behave as the first-born did after his father’s speech. John, go and tell Jesus.»

John of Zebedee runs away. Silence hangs heavy on the kitchen… Then Judas says: «Forgive me, all of you, and you, Simon, first of all. Your heart is so paternal. And I am an orphan, too.»

«Yes, I forgive you. Please, say no more about it. We are brothers… and I do not like these ups and downs of forgiveness and relapses. They humiliate both the offender and the forgiver. Here is Jesus. Go to Him. That’s all.»

Judas goes away and Peter, not being able to do anything else, starts chopping wood with keen impetuosity…


Notes

  1. le proverbe que l’on peut lire en : Si 3, 16.