The Writings of Maria Valtorta

208. La haine de l’innocent Marziam.

208. The wrath of the innocent Marjiam.

208.1

« Il est à peu près sûr que nous les trouverons si nous revenons un moment sur la route d’Hébron. Je vous en prie, partez deux par deux à leur recherche sur les sentiers de la montagne. D’ici aux piscines de Salomon, puis de là à Bet-çur. Nous vous suivrons. C’est ici sa zone de pâturage » dit le Seigneur aux douze.

Je me rends compte alors qu’il parle des bergers.

Les apôtres s’apprêtent à partir, chacun avec son compagnon préféré. Seul le couple presque inséparable de Jean et André ne se forme pas car ils se dirigent tous deux vers Judas en disant : « Je viens avec toi », et Judas répond :

« Oui, viens, André. Cela vaut mieux ainsi, Jean. Toi et moi nous serions deux qui connaissons déjà les bergers. Il vaut donc mieux que tu accompagnes quelqu’un d’autre.

– Moi, alors, mon garçon » dit Pierre en quittant Jacques, fils de Zébédée.

Sans protester, ce dernier part avec Thomas, tandis que Simon le Zélote s’en va avec Jude, Jacques, fils d’Alphée, avec Matthieu et les deux inséparables Philippe et Barthélemy ensemble. L’enfant reste avec Jésus et les deux Marie.

Fraîche et belle, la route passe à travers les montagnes couvertes de verdure, qu’il s’agisse de forêts ou de prés. On rencontre des troupeaux qui, à la lumière blonde de l’aurore, se dirigent vers les pâturages.

A chaque tintement de clarine, Jésus cesse de parler, regarde, puis il demande aux bergers si Elie, le berger bethléemite, se trouve dans les parages. Je saisis que désormais Elie est surnommé “ le bethléemite ”. Même si d’autres bergers sont originaires de Bethléem, ce surnom lui appartient de droit ; mais il peut aussi traduire le mépris. Mais personne n’est au courant. Ils répondent en arrêtant leur troupeau et en cessant de jouer de leurs flûtes rustiques.

Les jeunes possèdent presque tous l’une de ces flûtes primitives en roseau, devant lesquelles Marziam s’extasie, jusqu’à ce qu’un bon vieux berger lui donne celle de son petit-fils en disant :

« Il s’en fabriquera une autre. »

Et Marziam s’en va, tout heureux, avec son instrument en bandoulière car, pour le moment, il ne sait pas s’en servir.

208.2

« J’aimerais tant les rencontrer ! S’exclame Marie.

– Nous les trouverons certainement. A cette saison, ils sont toujours du côté d’Hébron. »

L’enfant s’intéresse à ces bergers qui ont vu Jésus enfant et il pose mille questions à Marie qui répond avec patience et bonté.

« Mais pourquoi ont-ils été punis ? Ils n’avaient fait que du bien…, demande l’enfant après le récit de leurs malheurs.

– Il est fréquent que l’homme commette des erreurs en accusant des innocents du mal qu’en réalité un autre a fait. Mais, comme eux sont restés bons et ont su pardonner, Jésus les aime beaucoup. Il faut toujours savoir pardonner.

– Mais tous ces enfants qui ont été tués, comment ont-ils fait pour pardonner à Hérode ?

– Ce sont de petits martyrs, Marziam, et les martyrs sont saints. Eux, non seulement pardonnent à leur bourreau, mais ils l’aiment, car il leur a ouvert le Ciel.

– Mais sont-ils au Ciel ?

– Non, pas pour le moment. Ils sont dans les limbes où ils font la joie des patriarches et des justes.

– Pourquoi ?

– Parce qu’ils ont dit, en arrivant avec leur âme rougie de sang : “ Nous voici. Nous sommes les hérauts du Christ Sauveur. Réjouissez-vous, vous qui attendez, car il est déjà sur la terre. ” Et tous les aiment parce qu’ils apportent cette bonne nouvelle.

– La bonne nouvelle, m’a dit mon père, c’est aussi la Parole de Jésus. Alors, lorsque mon père ira dans les limbes après l’avoir proclamée sur terre, et que moi aussi j’irai, ils nous aimeront nous aussi ?

– Toi, tu n’iras pas dans les limbes, mon petit.

– Pourquoi ?

– Parce que Jésus sera déjà remonté aux Cieux et les aura ouverts, et tous les bons, à leur mort, iront immédiatement au Ciel.

– Je serai bon, je le promets. Et Simon-Pierre ? Lui aussi, hein ? Parce que je ne veux pas devenir orphelin une seconde fois !

– Lui aussi, sois-en sûr. Mais, au Ciel, il n’y a pas d’orphelins. Nous avons Dieu, et Dieu est tout. Nous ne le sommes même pas ici-bas, car le Père est toujours avec nous.

– Mais, dans cette belle prière que ma mère et toi m’avez enseignée, elle, la nuit et toi, pendant la journée, Jésus dit : “ Notre Père qui es aux Cieux. ” Nous ne sommes pas encore au Ciel, comment donc sommes-nous avec lui ?

– Parce que Dieu est partout, mon enfant. Il veille sur le bébé qui naît comme sur le vieillard qui meurt. L’enfant qui naît en ce moment, à l’endroit le plus reculé de la terre, a sur lui le regard et l’amour de Dieu, et ce jusqu’à sa mort.

– Même s’il est méchant comme Doras ?

– Oui.

– Mais Dieu, qui est bon, peut-il aimer ce Doras qui est si méchant et fait pleurer mon vieux père ?

– Il le regarde avec indignation et douleur, mais s’il se repentait, il lui dirait ce que dit le père de la parabole à son fils repentant.

208.3

Tu devrais prier pour qu’il se repente et…

– Oh non, Mère ! Je prierai pour qu’il meure ! » dit l’enfant avec fougue.

Bien que sa sortie soit peu… angélique, son impétuosité est telle et si sincère que les autres sont obligés de rire.

Mais ensuite Marie reprend son doux sérieux de maîtresse :

« Non, mon chéri, tu ne dois pas faire cela envers un pécheur. Dieu ne t’écouterait pas et il te regarderait même avec sévérité. Nous devons souhaiter du bien à notre prochain, même s’il est très méchant, le plus grand bien possible. La vie est un bien, car elle donne à l’homme la possibilité d’acquérir des mérites aux yeux de Dieu.

– Mais, si quelqu’un est méchant, il n’acquiert que des péchés !

– On prie pour qu’il devienne bon. »

L’enfant réfléchit… mais cette instruction sublime ne lui convient guère et il conclut :

« Doras ne deviendra jamais bon, même si je prie. Il est trop méchant. Même si tous les enfants martyrs de Bethléem priaient avec moi, il le resterait. Tu ne sais pas que… tu ne sais pas que… qu’un jour il a frappé mon vieux père avec une verge de fer sous prétexte qu’il l’a trouvé assis à l’heure du travail ? Il ne pouvait se lever car il se sentait mal, et lui… il l’a frappé en le laissant pour mort, puis il lui a donné un coup de pied dans la figure… Moi, je le voyais, car j’étais caché derrière une haie… J’étais allé jusque là car personne ne m’avait apporté de pain depuis deux jours, et je mourais de faim… J’ai dû m’échapper pour qu’on ne m’entende pas, car je pleurais de voir mon père dans cet état, avec du sang sur la barbe, allongé par terre, comme mort… En pleurant, je suis allé mendier un pain… mais ce pain me reste toujours sur le cœur… : il a le goût du sang et des larmes de mon père, des miennes et de celles de tous les hommes torturés et qui ne peuvent aimer leur bourreau. Moi, je voudrais frapper Doras pour qu’il sache ce que sont les coups, je voudrais le laisser sans pain pour qu’il apprenne ce qu’est la faim, je voudrais le faire travailler sous le soleil, dans la boue, sous la menace du surveillant et sans manger, pour qu’il sache ce qu’il inflige aux pauvres… Je ne peux pas l’aimer car… il tue mon vieux père, et moi, si je ne vous avais pas trouvés, à qui serais-je maintenant ? »

L’enfant se tord de douleur, il crie et pleure, tremblant, bouleversé, frappant l’air de ses petits poings fermés à défaut de pouvoir frapper le bourreau. Stupéfaites, très émues, les femmes essaient de le calmer. Mais il fait vraiment une crise de nerfs et n’entend rien. Il hurle :

« Je ne peux pas, je ne peux pas l’aimer et lui pardonner. Je le hais, pour tous, je le hais, je le hais, je le hais !… »

Il fait de la peine, il fait peur.

208.4

C’est la réaction d’une personne qui a trop souffert.

Et Jésus le dit bien :

« Voilà le plus grand crime de Doras : pousser un innocent à la haine… »

Mais aussitôt, il prend l’enfant dans ses bras :

« Ecoute, Marziam : veux-tu rejoindre un jour ta maman, ton père, tes frères, ton vieux père ?

– Oui…

– Dans ce cas, tu ne dois haïr personne. Celui qui hait n’entre pas au Ciel. Tu ne peux pas, maintenant, prier pour Doras ? Eh bien, ne prie pas, mais ne hais pas. Sais-tu ce que tu dois faire ? Tu ne dois jamais te retourner en arrière pour penser au passé…

– Mais mon père qui souffre, ce n’est pas du passé…

– C’est vrai, Marziam, mais essaie de faire cette simple prière : “ Notre Père, qui es aux Cieux, pense toi-même à ce que je désire… ” Tu verras que le Père t’écoute de la meilleure des manières. Même si tu tuais Doras, qu’obtiendrais-tu ? Tu perdrais l’amour de Dieu, le Ciel, l’union avec tes parents, et tu ne ferais pas disparaître les souffrances du vieillard que tu aimes. Tu es trop petit pour pouvoir le faire. Mais Dieu, lui, le peut. Parles-en à lui. Dis-lui : “ Tu sais à quel point j’aime mon vieux père et tous les malheureux. Occupe-toi d’eux, toi qui peux tout. ” Comment ? Ne veux-tu pas annoncer la Bonne Nouvelle ? Mais elle parle d’amour et de pardon ! Comment peux-tu dire à un autre : “ Ne hais pas. Pardonne ” si, toi-même, tu ne sais pas aimer et pardonner ? Laisse faire le bon Dieu, laisse-le faire et tu verras comment il règle bien toutes choses. Le feras-tu ?

– Oui, parce que je t’aime. »

Jésus embrasse l’enfant et le met par terre. L’affaire est réglée et on arrive au bout de la route.

208.5

Les trois grands bassins creusés dans la roche de la montagne – une œuvre vraiment grandiose – resplendissent de toute leur surface très limpide, tout comme la chute d’eau qui, du premier bassin, tombe dans le second, plus grand, et de celui-ci dans un troisième bassin qui est un véritable petit lac d’où elle part par des conduites vers des villes éloignées. En raison de l’humidité du sol dans cette région, la montagne, de la source aux piscines et de celles-ci à la plaine, est d’une fertilité merveilleuse. Les fleurs les plus variées d’entre les fleurs sauvages, ainsi que des plantes parfumées et rares donnent un aspect riant aux pentes vertes. On dirait que l’homme a semé ici des fleurs de jardin et des plantes parfumées qui répandent dans l’air, sous le soleil qui les chauffe, leurs arômes de cannelle, de camphre, d’œillet, de lavande et autres odeurs pénétrantes, fortes, suaves, qui se mêlent pour former la plus merveilleuse des meilleures odeurs de la terre. Je dirais que c’est une symphonie de parfums parce que c’est réellement le poème des plantes et des fleurs sous toutes leurs teintes variées et leurs agréables exhalaisons.

Tous les apôtres sont assis à l’ombre d’un arbre couvert de grandes fleurs blanches, dont j’ignore le nom, aux énormes clochettes pendantes d’émail blanc, qui ondulent au moindre souffle de vent et répandent des flots de parfum à chaque ondulation. Je ne connais pas le nom de cet arbre. La fleur me rappelle un arbuste qui existe en Calabre et qu’on appelle là-bas « bottaro », mais ici, il s’agit d’un arbre élevé, au tronc puissant, et non d’un arbuste.

Jésus appelle ses apôtres, et ils accourent.

« Nous avons trouvé presque immédiatement Joseph qui revenait d’un marché. Ce soir, ils seront tous à Bet-çur. Nous nous sommes réunis en nous hélant et nous nous sommes installés ici, au frais, explique Pierre.

– Quel bel endroit ! On dirait un jardin ! Nous discutions entre nous pour savoir s’il était naturel ou non. Les uns pensent que oui, les autres sont d’un avis différent, dit Thomas.

– La terre de Judée a de ces merveilles…, dit Judas, qui tire inévitablement orgueil de tout, même des fleurs et des plantes.

– Oui, mais… je crois que, si par exemple le jardin de Jeanne à Tibériade était abandonné et devenait sauvage, la Galilée aussi posséderait au milieu des ruines la merveille de ses roses splendides, réplique Jacques, fils de Zébédée.

– Et tu ne te trompes pas. C’était dans cette région que se trouvaient les jardins de Salomon, aussi célèbres que ses palais dans le monde de cette époque. C’est peut-être ici qu’il a rêvé le Cantique des Cantiques appliquant à la Cité sainte toutes les beautés qu’il avait fait pousser ici, dit Jésus.

– C’est donc moi qui avais raison ! Dit Jude.

– Tu avais raison, dit l’autre Jacques, son frère. Sais-tu, Maître ? Il citait l’Ecclésiaste en unissant l’idée des jardins à celle des bassins et terminait en disant[1] : “ Pourtant il s’aperçut que tout est vanité et que rien ne dure sous le soleil sauf la Parole de mon Jésus. ”

– Je te remercie, mais remercions aussi Salomon. Que les fleurs primitives proviennent de lui ou non, il est certain que les bassins qui alimentent plantes et hommes viennent de lui. Qu’il en soit béni. Allons donc jusqu’à ce grand rosier hirsute qui a formé, d’un arbre à l’autre, une galerie fleurie. Nous allons nous arrêter là. Nous sommes presque à mi-chemin. »

208.6

… Ils reprennent la route vers la neuvième heure, lorsque s’allongent les ombres des arbres de cette région bien cultivée. On croit traverser un immense jardin botanique, car chaque espèce de plante y est représentée pour son tronc, son fruit ou sa beauté. Les cultivateurs circulent un peu partout, mais ne font guère attention à la troupe des apôtres qui passe. Elle n’est pas la seule, d’ailleurs. D’autres groupes de juifs sont sur la route, de retour des fêtes pascales.

Cette route est en assez bon état, bien qu’elle soit taillée dans les montagnes, et des panoramas toujours variés rompent la monotonie de la marche. Ruisseaux et torrents dessinent des vir­gules d’argent liquide et écrivent des paroles qu’ils chantent ensuite, dans leurs mille méandres qui se recoupent, se répandent sous les bois ou se cachent sous des cavernes d’où ils ressortent embellis. Ils semblent jouer avec les arbres et les roches comme de joyeux gamins.

Même Marziam, maintenant complètement rasséréné, s’essaie à jouer de son instrument pour imiter les oiseaux. Mais, vraiment, ce ne sont pas des chants, mais de lamentables sons discordants qui me semblent être fort désagréables aux plus difficiles de la troupe, c’est-à-dire à Barthélemy à cause de son âge et à Judas pour d’autres raisons. Mais personne ne donne clairement son avis et l’enfant continue en sautillant de-ci de-là. Deux fois seulement, il montre un hameau niché dans la forêt et demande :

« C’est le mien ? » en devenant tout pâle.

Mais Simon, qui le garde tout près de lui, répond :

« Le tien est très loin d’ici. Viens, viens cueillir ces belles fleurs pour les apporter à Marie » ; il le distrait ainsi.

208.7

Le crépuscule arrive quand apparaît Bet-çur sur sa colline ; aussitôt après, voici venir, sur le chemin secondaire qu’ils ont pris pour s’y rendre, les troupeaux des bergers et avec eux les bergers qui accourent.

Mais quand Elie voit que Marie est là, elle aussi, il lève les bras de surprise, et reste sans bouger, n’osant en croire ses yeux.

« paix à toi, Elie. C’est bien moi. Cela t’avait été promis et, à Jérusalem, il n’a pas été possible de nous voir… Mais n’y pensons plus. Maintenant, nous nous voyons, dit doucement Marie.

– Oh ! Mère, Mère !… »

Elie ne sait que dire. Finalement il trouve :

« Voilà, c’est maintenant que je fais ma Pâque. C’est la même chose, même mieux encore.

– Mais oui, Elie. Nous avons fait une bonne vente : nous pouvons tuer un agneau. Soyez les hôtes de notre pauvre table…, disent Lévi et Joseph.

– Ce soir, nous sommes fatigués. Ce sera pour demain. Ecoutez : connaissez-vous une certaine Elise, épouse d’Abraham, fils de Samuel ?

– Oui, elle est chez elle, à Bet-çur, mais Abraham est mort et, l’an passé, ses fils également : un malaise subit pour le premier et on n’a jamais compris de quoi il était mort. Le second a décliné lentement et rien n’arrêtait sa maladie. Nous lui donnions du lait de jeune chèvre, car les médecins disaient que c’était bon pour le malade. Il en buvait des quantités qui venaient de tous les bergers car sa pauvre mère en envoyait chercher auprès de quiconque possédait une chèvre de premier lait dans son troupeau. Mais cela n’a servi à rien. Quand nous sommes revenus dans la plaine, il ne se nourrissait plus. Et à notre retour, au mois d’Adar[2], il était mort depuis deux lunes.

– Ma pauvre amie ! Elle m’aimait bien, au Temple… nous avions des ancêtres communs… Elle était bonne… Elle a quitté le Temple pour épouser Abraham auquel elle était promise depuis son enfance, deux ans avant moi, et je me souviens de sa venue au Temple pour l’offrande de son premier-né au Seigneur. Elle me fit appeler, pas uniquement moi, mais elle voulut me voir seule plus longuement… Et maintenant, elle est seule… Ah, il faut que je me hâte d’aller la consoler ! Quant à vous, restez. J’y vais avec Elie et je serai seule à entrer chez elle. La douleur veut qu’on la respecte…

– Pas même moi, Mère ?

– Toi, toujours. Mais les autres… Pas même toi, mon petit. Ce serait pour elle une souffrance. Viens, viens, Jésus !

– Attendez-nous sur la place du village. Cherchez un abri pour la nuit. Adieu » leur ordonne Jésus à tous.

208.8

Avec Elie, Jésus et sa Mère se dirigent donc vers une grande maison toute fermée et silencieuse à laquelle le berger frappe avec son bâton. Une servante passe la tête par la fenêtre en demandant qui est là. Marie s’avance en disant :

« Marie, fille de Joachim et son Fils, de Nazareth. Dis-le à ta maîtresse.

– C’est inutile. Elle ne veut voir personne. Elle se laisse mourir en pleurant.

– Essaie.

– Non, je sais comment elle me chasse si je cherche à la distraire. Elle ne veut voir personne ni parler à personne. Elle ne parle qu’au souvenir de ses fils.

– Va, femme, je te l’ordonne. Dis-lui : “ C’est la petite Marie de Nazareth, celle qui était ta fille au Temple… ” Tu verras qu’elle voudra me recevoir. »

La femme s’en va en hochant la tête.

Marie explique à son Fils et au berger :

« Elise était beaucoup plus âgée que moi. Elle attendait au Temple le retour de son époux, parti en Egypte pour une affaire d’héritage, et elle y est restée jusqu’à un âge inhabituel. Elle a environ dix années de plus. Les maîtresses avaient l’habitude de donner aux plus jeunes des élèves plus grandes pour les conduire… et elle fut ma compagne-maîtresse. Elle était bonne et… Voici la femme. »

En effet, la servante accourt, stupéfaite, et elle ouvre toute grande la porte principale :

« Entre, entre ! » dit-elle.

Puis, à voix basse :

« Bénie sois-tu, toi qui la fais sortir de cette pièce. »

Elie se retire et Marie entre avec son Fils.

« Mais cet homme, vraiment… par pitié ! Il a l’âge de Lévi…

– Laisse-le entrer. C’est mon Fils, et il la consolera mieux que moi. »

La femme hausse les épaules et les précède à travers le long vestibule d’une maison, belle, mais bien triste. Tout est propre, mais tout semble mort…

208.9

Une femme, grande, mais toute courbée, avec des vêtements de deuils, s’avance dans le couloir, dans la pénombre.

« Elise ! Chère Elise ! C’est moi, Marie ! Dit Marie en courant à sa rencontre et en l’embrassant.

– Marie ? Toi ! Je te croyais morte, toi aussi. On m’avait raconté… quand ? Je ne sais plus… J’ai la tête vide… On m’avait rapporté que tu étais morte, comme beaucoup de mères, après la venue des mages. Mais qui m’a dit que tu étais la Mère du Sauveur ?

– Les bergers, peut-être…

– Ah les bergers ! »

Elle éclate en sanglots.

« Ne prononce pas ce mot. Il me rappelle mon ultime espoir de sauver la vie de Lévi… Et pourtant… oui… un berger m’a parlé du Sauveur, et j’ai tué mon fils en l’amenant à l’endroit où, disait-on, se trouvait le Messie, près du Jourdain. Mais il n’y avait personne… et mon fils est revenu pour mourir… La fatigue, le froid… je l’ai tué… mais je n’ai pas voulu être meurtrière. Je me disais que, lui, le Messie, guérissait les malades… et je l’ai fait pour cette raison… Maintenant, mon fils m’accuse de l’avoir tué…

– Non, Elise. C’est de l’imagination. Ecoute : je crois que ton fils, au contraire, m’a prise par la main en me disant : “ Va trouver ma chère maman. Conduis-lui le Sauveur. Je suis mieux ici que sur la terre. Mais elle n’écoute que son propre chagrin et ne peut entendre ce que je lui murmure tout bas parmi mes baisers, pauvre maman qui est comme possédée par un démon qui la pousse au désespoir parce qu’il veut nous séparer. Alors que, si elle se ré­signe et croit que Dieu fait tout pour le bien, nous serons unis pour toujours, avec mon père et mon frère. Jésus peut le faire. ” Je suis donc venue… avec lui… Ne veux-tu pas le voir ?… »

Marie a parlé en gardant dans ses bras la malheureuse et en lui donnant des baisers sur ses cheveux gris, avec une douceur qu’elle seule peut avoir.

« Oh, si c’était vrai ! Mais alors pourquoi Daniel n’est-il pas venu te trouver pour te dire de venir plus tôt ? Et qui donc m’a dit autrefois que tu étais morte ? Je ne m’en souviens pas… je ne m’en souviens pas… C’est même pour cette raison que j’ai attendu – peut-être trop – pour venir trouver le Messie. Mais on m’avait dit qu’il était mort, comme toi, comme tous à Bethléem…

– Ne cherche pas qui te l’a dit.

208.10

Viens, regarde, voici mon Fils. Viens à lui. Fais plaisir à tes enfants et à ta Marie. Sais-tu que nous souffrons de te voir ainsi ? »

Et elle la mène à Jésus, qui s’était placé dans un coin obscur et qui maintenant seulement s’avance sous une lampe que la femme de service a posée sur un coffre élevé.

La pauvre mère lève la tête… et je vois alors qu’il s’agit de cette Elise qui se tenait aussi au Calvaire avec les saintes femmes. Jésus lui tend les mains en un geste d’invitation qui n’est qu’amour. La malheureuse lutte un peu, puis lui donne les siennes et tout à coup s’abandonne sur la poitrine de Jésus en gémissant :

« Dis-moi, dis-moi que je ne suis pas coupable de la mort de Lévi ! Dis-moi qu’ils ne sont pas perdus pour toujours ! Dis-moi que bientôt je les rejoindrai !

– Oui, oui. Ecoute : ils sont dans la joie maintenant que tu es dans mes bras. Je ne tarderai pas à les rejoindre, et que dois-je leur dire, alors ? Que tu ne t’en remets pas au Seigneur ? Est-ce cela que je dois dire ? Les femmes d’Israël, les femmes de David sont si courageuses, si sages, dois-tu leur apporter un démenti ? Non. Tu souffres, mais parce que tu as souffert seule. Ta douleur et toi. Toi et ta douleur. Alors tu ne peux en porter le poids. N’as-tu plus gardé à l’esprit les paroles d’espoir[3] au sujet de ceux que la mort nous a pris ? “ Je vous sortirai de vos tombeaux et je vous ramènerai dans la terre d’Israël. Alors vous saurez que je suis le Seigneur, lorsque j’ouvrirai vos tombes et que je vous aurai fait remonter de vos tombeaux. Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez. ” La terre d’Israël, pour les justes endormis dans le Seigneur, c’est le Royaume de Dieu. Je l’ouvrirai et le donnerai à ceux qui attendent.

– Même à mon Daniel ? Même à mon Lévi ? Il avait une si grande répulsion pour la mort… Il ne pouvait s’imaginer être éloigné de sa maman. C’est pour cela que je voulais mourir et aller auprès de lui au tombeau…

– Mais ce n’est pas là que se trouve la partie vivante d’eux-mêmes. Il n’y a là que de la matière morte qui ne peut t’entendre. Eux, ils sont dans le lieu de l’attente…

– Mais est-ce vraiment cela ? Ah ! Ne te scandalise pas de moi. Ma mémoire s’est envolée avec mon chagrin ! J’ai la tête remplie du bruit des larmes et du râle de mes fils. Quel râle ! Quel râle ! Cela m’a dissous le cerveau. Je n’ai plus que ce râle en moi…

– Et moi, je t’y mettrai les paroles de la vie. Je sèmerai la Vie, car je suis Vie, là où est la rupture de la mort. Rappelle-toi le grand Judas Macchabée qui voulut faire un sacrifice pour les morts, parce qu’il pensait à juste titre qu’ils sont destinés à ressusciter et qu’il faut hâter pour eux l’heure de la paix par des sacrifices opportuns. Si Judas Maccabée n’avait pas été certain de la résurrection, aurait-il prié et fait prier pour les morts ? Lui, au contraire, comme il est écrit[4], a pensé qu’une grande récompense était réservée à ceux qui meurent pieusement, comme tes fils l’ont sûrement fait… Tu vois que tu dis oui ? Ne désespère donc plus. Mais prie saintement pour tes morts, afin que leurs péchés soient effacés avant que je ne vienne à eux. Alors, sans attendre un instant, ils viendront avec moi au Ciel. Car je suis le Chemin, la Vérité et la Vie : je conduis, je dis la vérité et je donne la vie à celui qui croit à ma vérité et me suit. Dis-moi : tes fils croyaient-ils à la venue du Messie ?

– Bien sûr, Seigneur. Ils avaient appris de moi cette croyance.

– Et Lévi croyait-il possible sa guérison par l’effet de ma vo­lonté ?

– Oui, Seigneur. Nous espérions en toi mais… cela ne lui a servi à rien… et il est mort découragé après avoir tant espéré… »

Les pleurs de la femme reprennent ; s’ils se sont calmés, ils paraissent plus désolés dans ce calme que dans leur furie précédente.

« Ne dis pas que cela n’a servi à rien. Celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra éternellement…

208.11

La nuit descend, femme. Je vais rejoindre mes apôtres. Je te laisse, Mère…

– Ah ! Reste, toi aussi !… J’ai peur, si tu t’éloignes, d’être reprise par ce tourment… la tempête commence à peine à s’apaiser en t’écoutant…

– Ne crains rien ! Tu as Marie avec toi. Demain, je reviendrai. J’ai quelque chose à dire aux bergers. Puis-je leur demander de venir près de ta maison ?

– Oh oui ! Ils y venaient aussi l’an passé pour mon fils… Derrière la maison, il y a un jardin, puis une cour rustique. Ils peuvent y venir comme ils le faisaient alors pour rassembler leurs troupeaux…

– C’est bien. Je viendrai. Sois bonne. Rappelle-toi que, au Temple, Marie t’avait été confiée. A mon tour, je te la confie cette nuit.

– Oui, sois tranquille. J’en prendrai soin, je la… Je devrai penser à son souper, à son repos… Il y a bien longtemps que je ne pense plus à ces choses ! Marie, veux-tu dormir dans ma chambre comme le faisait Lévi durant sa maladie ? Moi, dans le lit de mon fils, toi dans le mien. J’aurai l’impression d’entendre sa respiration légère… Il me tenait toujours par la main…

– Oui, Elise. Et auparavant nous parlerons de mille choses…

– Non, tu es fatiguée. Tu dois dormir.

– Toi aussi…

– Oh, moi… Je ne dors plus depuis des mois… Je pleure… je pleure… Je ne sais rien faire d’autre…

– Ce soir, au contraire, nous prierons, puis nous irons au lit et tu dormiras… Nous dormirons main dans la main, nous aussi. Tu peux partir, mon Fils, et prie pour nous…

– Je vous bénis. Que la paix soit avec vous et à cette maison ! »

Et Jésus s’en va avec la servante qui reste interdite et ne fait que répéter :

« Quel miracle, Seigneur ! Quel miracle ! Après tant de mois, elle a parlé, elle a pensé… quelle affaire ! On disait qu’elle mourait folle… Et j’en étais peinée, car elle est bonne.

– Oui, elle est bonne, c’est pourquoi Dieu lui viendra en aide. Adieu femme. Paix à toi aussi. »

Jésus sort dans la rue à moitié sombre, et tout prend fin.

208.1

«We shall almost certainly find them if we go back on to the Hebron road for a little while. Please go in pairs looking for them on the mountain paths. From here to Solomon’s Pools and thence to Bethzur. We will follow you. This is their pasture area» says the Lord to the Twelve and I understand that He is speaking of the shepherds.

The apostles are getting ready to go, each with his favourite companion and only the inseparable couple of John and Andrew do not get together because they both go to the Iscariot saying: «I will come with you» and Judas replies: «Yes, come, Andrew. It is better thus, John. You and I already know the shepherds. So it is better if you go with someone else.»

«Come with me, then, boy» says Peter leaving James of Zebedee, who without protesting goes with Thomas, while the Zealot joins Judas Thaddeus, James of Alphaeus goes with Matthew and the two inseparable Philip and Bartholomew remain together. The boy remains with Jesus and the Maries.

The road is cool and comfortable and runs among completely green mountains covered with forests and meadows. They meet herds going towards pastures in the faint light of dawn.

At the sound of every cattle-bell Jesus stops speaking and looks around, He then asks the shepherds whether Elias, the Bethlehemite shepherd, is in that area. I understand that by now Elias is called «the Bethlehemite». Even if other shepherds are from Bethlehem, he is by right or by mockery «the Bethlehemite». But no one knows where he is. They answer stopping their herds and ceasing to play their rustic flutes.

Almost every young man has one of those primeval cane flutes, which cause Marjiam to be thrown into ecstasies, until a good old man gives him his nephew’s saying: «He will make himself another one», and Marjiam goes away happily with the instrument across his back, even if he does not know how to play it, at least for the time being.

208.2

«I would like so much to meet them!» exclaims Mary.

«We will certainly find them. In this season they are always near Hebron.»

The boy is interested in those shepherds who saw the Child Jesus and he asks Mary many questions and She explains everything patiently and kindly.

«But why did they punish them? They had done nothing but good!» asks the boy after hearing the story of their misfortunes.

«Because very often man makes mistakes, accusing innocent people of evil deeds that in actual fact were done by someone else. But as they have been good and have forgiven, Jesus loves them so much. We must always be able to forgive.»

«But all the children who were slaughtered, how could they have forgiven Herod?»

«They are little Martyrs, Marjiam, and martyrs are saints. They not only forgive their executioners, but they love them, because they open Heaven to them.»

«But are they in Heaven?»

«No, not just now. But they are in Limbo where they are the joy of Patriarchs and of the just.»

«Why?»

«Because when they arrived with their souls purple with blood, they said: “Here we are, we are the heralds of Christ the Saviour. Rejoice, you who are waiting, because He is already on the earth”. And everybody loves them because they are the bearers of these good tidings.»

«My father told me that also Jesus’ Word is good tidings. So when my father goes to Limbo after repeating it on the earth, and I also go there, will we be loved as well?»

«You will not go to Limbo, My dear little one.»

«Why?»

«Because Jesus will have already gone back to Heaven and will have opened it and all good people will go straight to Heaven when they die.»

«I will be good, I promise. And Simon of Jonah? He too, eh? Because I do not want to become an orphan a second time.»

«He will be there as well, you may be sure, but there are no orphans in Heaven. We have God. And God is everything. We are not orphans here either. Because the Father is always with us.»

«But Jesus in that lovely prayer, which You teach me by day and my mother at night, says: “Our Father Who are in Heaven”. We are not in Heaven yet. Therefore, how can we be with Him?»

«Because God is everywhere, son. He watches over the baby that is born and over the old man who is dying. The child who is born this moment, in the most remote part of the world, has God’s love and eye with him and will have them until he dies.»

«Even if he is as bad as Doras?»

«Yes.»

«But can God, Who is so good, love Doras who is so bad and makes my old father weep?»

«He looks at him with disdain and sorrow. But if he should repent. He would say to him what the father of the parable said to his repentant son.

208.3

You should pray that he may repent and…»

«Oh! no, Mother! I will pray that he may die!!!» says the child impetuously. Although his remark is not very… angelical, his impetuosity is so sincere that no one can help laughing.

Mary then resumes the sweet seriousness of a Teacher: «No, My dear. You must not do that to a sinner. God would not listen to you and would look sternly at you as well. We must wish our neighbour the greatest welfare, even if our neighbour is very bad. Life is a good thing because it gives man the possibility of gaining merits in the eyes of God.»

«But if one is bad, one gains sins.»

«We pray that he may become good.»

The boy is pensive… but he does not like this sublime lesson and he concludes: «Doras will not become good even if I pray for him. He is too bad. Even if all the baby martyrs of Bethlehem should pray with me, he would not become good. You do not know… You do not know that one day he struck my old father with an iron rod, because he found him sitting during working hours? He was not able to stand because he was not feeling well… and he beat him and left him half dead, and then kicked him on his face… I saw him because I was hiding behind a hedge… I had gone there because no one had brought me any bread for two days and I was hungry… I had to run away so that he might not hear me, because I was crying seeing my father like that, with blood on his beard, lying on the ground, as if he were dead… I was weeping when I went to beg some bread… but that bread is still lying here… and it tastes of the blood and tears of my father and mine, and of all those who are tortured and who cannot love those who torture them. I would like to strike Doras that he may feel what a blow is, and I would like to leave him without any bread, that he may learn what it is to be hungry, and I would make him work in the sun, in mud, under the threats of the overseer, without food, that he may know what he gives the poor… I cannot love him because… because he kills my holy father, and I… if I had not found you, to whom would I have belonged ?»

The child, in a fit of pain, shouts and cries, trembling, deranged, striking with his closed fists the air, as he cannot strike the slave-driver. The women are amazed and touched and they endeavour to calm him. But he is really in a fit of grief and does not hear anything. He shouts: «I cannot, I cannot love and forgive him. I hate him, I hate him on behalf of everybody, I hate him, I hate him!…» He is in a pitiful and frightful state.

208.4

It is the reaction of a creature who has suffered too much.

And Jesus says so: «That is Doras’ gravest felony: to drive an innocent child to hate…» He then takes the child in His arms and speaks to him: «Listen, Marjiam. Do you want to go one day with your mummy, your daddy, your little brother and the old father?»

«Yes…»

«Then you must not hate anybody. He who hates does not go to Heaven. You cannot pray for Doras just now? Well, do not pray, but do not hate. Do you know what you must do? You must never look back to think of the past…»

«But my father who suffers is not past…»

«That is true. But look, Marjiam, try and pray like this: “Our Father Who are in Heaven, please see to what is my wish…”. You will see that the Father will listen to you in the best possible way. Even if you killed Doras, what would you do? You would lose the love of God, Heaven, the company of your father and mother and you would not relieve of his troubles the old man whom you love. You are too little to be able to do it. But God can. Tell Him. Say to Him: “You know how much I love my old father and how I love all those who are unhappy. Will You please see to this matter, because You can do everything”. What? Do you not want to preach the Gospel? But the Gospel teaches love and forgiveness! How can you say to one: “Do not hate. Forgive” if you cannot love and forgive? Leave things to good God and you will see how well He can arrange matters. Will you do that?»

«Yes, I will, because I love You.»

Jesus kisses the boy and puts him down.

The incident is over as well as their journey.

208.5

There are three large basins excavated in the rocky mountain, a really grand work, and the surface of the most limpid water sparkles as well as the waterfall that from the first basin falls into the second larger one and then into the third one, which is really a little lake. Pipelines convey the water to distant towns. The whole mountain, from the spring to the basins and from the basins to the ground is most beautiful and fertile, thanks to the humidity of the soil in this area, and flowers more composite than wild ones, together with rare scented herbs, make the green sides of the mountain a most pleasant and brilliant sight. One would think that man has planted garden flowers here together with scented herbs, which, in the heat of the sun, diffuse in the air their aromas of cinnamon, camphor, clove, lavander and other pleasantly pungent, fragrant, strong, sweet smells, in a wonderful blend of the finest earthly perfumes. I would say that it is a harmonious conglomeration of smells because it is really a poem of herbs and flowers in hues and fragrance.

All the apostles are sitting in the shade of a tree covered with large white flowers, the name of which I do not know. They are huge pendulous bell-shaped flowers, of a white enamel hue, which dangle at the least breath of wind, diffusing their fragrance at each undulation. I do not know the name of this tree. Its flowers remind me of a shrub that grows in Calabria, which the locals call «bottaro», but the trunk is quite different, as this is a tall tree, with a robust trunk, and not a shrub. Jesus calls them and they hasten towards Him.

«We found Joseph almost at once, he was coming back from a market. They will all be at Bethzur this evening. We gathered together, by shouting to one another, and we remained here in the cool shade» explains Peter.

«What a lovely place! It looks like a garden! We were discussing whether it is natural or not, and some insist it is, some that it isn’t» says Thomas.

«The land of Judaea has such marvels» states the Iscariot, who is inevitably inclined to grow proud by everything, also by flowers and herbs.

«Yes, but… I think that if Johanna’s garden at Tiberias were abandoned and it became wild, also Galilee would have the marvel of wonderful roses among ruins» retorts James of Zebedee.

«You are not wrong. This is the area where Solomon’s gardens were, and they were famous, like his palaces, throughout the world of those days. Perhaps it was here that he dreamt of the Song of Songs, and he ascribed to the Holy City all the beautiful flowers that he had grown here» says Jesus.

«So I was right!» exclaims Thaddeus.

«Yes, you were. Do You know, Master? He was quoting Ecclesiastes, joining the idea of the gardens to the idea of the basins and he concluded by saying[1]: “But he realised that everything is vanity and nothing lasts under the sun, except the Word of My Jesus” » says James, the other brother.

«I thank you. But let us thank also Solomon, whether the orginal flowers are his or not. The basins that nourish herbs and men are certainly his. May he be blessed for them. Now let us go over to that big ruffled rose-bush, which has formed a flowery tunnel from tree to tree. We will stop there. We are almost half way…»

208.6

… And they take to the road again about the ninth hour, when every tree casts a long shadow in this area, which is very well cultivated in every part. One has the impression of walking through a botanic garden because all kinds of trees are represented: forest trees, fruit and ornamental ones. There are people working the land everywhere but they show no interest in the group passing by. On the other hand, it is not the only one. Other groups of Israelites are on their way back from the Passover celebration. The road is quite good although it is cut along the mountains, and the continuously varying landscape relieves travellers of the monotony of the journey. Streams and torrents form liquid silver commas and write words which they then sing their many intersecting meanderings, which flow through forests or hide under caves from which they come out more beautiful. They seem to be playing with plants and stones like happy children.

Also Marjiam, who is cheerful once again, plays and tries to make music with his instrument to imitate birds. But the sounds he produces are not songs, but dissonant laments, which appear to be most unwelcome to the more difficult members of the group, that is to Bartholomew, because of his age, and to Judas of Kerioth, for many reasons. But no one complains openly and the boy whistles frisking about. Only twice he points at a village nestling in the forests and asks: «Is it mine?» and turns pale. But Simon, who keeps him close to himself, replies: «Your village is very far from here. Come, let us see if we can pick that beautiful flower and take it to Mary» and thus takes his mind off his worries.

208.7

The sun is beginning to set when Bethzur appears on its hill and almost at the same time, on the secondary road they have taken to go there, they see the flocks of the shepherds and the shepherds who run to meet them. When Elias sees that Mary also is there, he lifts his arms in a gesture of surprise and remains thus, not believing his own eyes.

«Peace to you, Elias. It is I. We promised you, but it was not possible to meet in Jerusalem… Never mind, We are meeting now» says Mary kindly.

«Oh! Mother, Mother!…» Elias does not know what to say, At last he finds words: «Well, I am celebrating Passover now. It is just the same, or better still.»

«Of course, Elias. We sold well. We can kill a little lamb. Oh! Please be the guests of our poor table» beg Levi and Joseph.

«We are tired this evening, Tomorrow. Listen. Do you know a certain Eliza, the wife of Abraham of Samuel?»

«Yes. She lives in her house at Bethzur. But Abraham is dead and his sons died last year. The first one died of a disease in a few hours, and no one knows of what he died. The other died of a slow death and nothing stopped his decline. We gave her the milk of a young goat, because the doctors said it was good for him. He drank a lot of it, as all the shepherds took it to her, because the poor mother had sent people to look for whoever had a young goat giving milk for the first time in the herd. But it was of no avail. When we came back to the plain the young man would not take any food. When we came back in Adar, he had been dead two months.»

«My poor friend! She was so fond of Me in the Temple… and she was somehow related to Me through our ancestors… She was good… She left to marry Abraham, to whom she had been promised since her childhood, two years before Me and I remember when she came to offer her first-born to the Lord. She sent for Me, not only for Me, but later she wanted Me to be alone with her for some time… And now she is alone… Oh! I must make haste to comfort her! You stay here. I will go with Elias and I will enter by Myself. Sorrow demands respect…»

«Not even I, Mother?»

«Of course, always. But the others… Not even you, My little one. It would be painful for you. Come, Jesus!»

«Wait for us on the village square. Look for a shelter for the night. Goodbye» orders Jesus.

208.8

And with only Elias for company, Jesus and Mary go as far as a large house, which is completely closed and silent. The shepherd knocks at the door with his stick. A maidservant looks out of a little window asking who it is. Mary moves forward saying: «Mary of Joachim and Her Son, from Nazareth. Tell your mistress.»

«It is useless. She does not want to see anybody. She is weeping her heart out.»

«Try.»

«No. I know how she drives me away if I try to take her mind off her worries. She does not want anyone, she will not see anyone or speak to anyone. She speaks only to the memory of her sons.»

«Go, woman. I order you to go. Say to her: “Little Mary of Nazareth is here, the one who was your daughter in the Temple…”. You will see that she will be wanting Me.»

The woman goes away shaking her head. Mary explains to Her Son and to the shepherd: «Eliza was much older than I was. She was waiting in the Temple for her fiance to come back from Egypt where he had gone on inheritance matters and so she remained there up to an unusual age. She is almost ten years older than I am. The teachers used to entrust the little girls to the guidance of adult pupils… and she was My companion-teacher. She was good and… Here is the woman.»

In fact the servant thoroughly amazed rushes to open the door wide: «Come in, come in!» she says. And then in a low voice: «May You be blessed for getting her out of that room.»

Elias takes his leave and Mary enters with Her Son.

«But this man, really… For pity’s sake! He is the same age as Levi…»

«Let Him come in. He is My Son and will comfort her better than I can.»

The woman shrugs her shoulders and precedes them through the long hall of a beautiful but sad house. Everything is clean, but everything seems dead…

208.9

A tall woman, walking bowed in dark clothes, comes forward in the dim light of the hall.

«Eliza! Dear! I am Mary!» says Mary running towards her and embracing her.

«Mary? You… I thought You were dead, too. I was told… when? I don’t know… My head is empty… I was told that You died with many other mothers after the coming of the Magi. But who told me that You were the Mother of the Saviour?»

«The shepherds perhaps…»

«Oh! the shepherds!» The woman bursts into bitter tears. «Don’t mention that name. It reminds me of the last hope for Levi’s life… And yet… yes… a shepherd spoke to me of the Saviour and I killed my son taking him to the place where they said the Messiah was, near the Jordan. But there was nobody there… and my son arrived back in time to die… Fatigue, cold… I killed him… But I had no intention of being a murderer. I was told that He, the Messiah, cured diseases… and that is why I did it… Now my son accuses me of killing him…»

«No, Eliza. It is you that think so. Listen. I instead think that your son has taken Me by the hand saying: “Come to my dear mother. Take the Saviour to her. I am happier here than I would be on the earth. But she listens only to her weeping, and she cannot hear the words that I whisper to her with my kisses, poor mother, she is like a woman possessed by a demon who wants her to surrender to despair, because he wants us to be divided. If instead she resigns herself and believes that God does everything for a good purpose, we would be united for good, with our father and brother. Jesus can do it”. And I came… with Him… Do you not wish to see Him?…» Mary has spoken holding the poor wretch in Her arms all the time, kissing her grey hair with unparalleled kindness.

«Oh! if it were true! But, why then did Daniel not come to You, to tell You to come sooner?… But who told me some time ago that You were dead? I don’t remember… I don’t remember… That is another reason why perhaps I waited too long to go to the Messiah. But they said that He, You, everybody had died at Bethlehem…»

«Never mind who said so.

208.10

Come here, look, My Son is here. Come to Him. Make your children and your Mary happy. Do you know that we suffer seeing you thus?» And She leads her towards Jesus Who is standing in a dark corner and only now comes forward, under a lamp that the maidservant has placed on top of a tall coffer.

The poor mother raises her head… and I now see that she is the Eliza who was also on Calvary with the pious women. Jesus stretches out His hands in a gesture of loving invitation. The poor wretch hesitates a moment, then she entrusts her own hands to His and finally, all of a sudden, she throws herself on to Jesus’ chest, moaning: «Tell me, tell me that I am not guilty of Levi’s death! Tell me that they are not lost forever! Tell me that I will soon be with them!…»

«Yes, I will. Listen. They are now exulting because you are in My arms. I will soon be going to them, and what shall I tell them? That you are not resigning yourself to the Lord? Shall I tell them that? The women of Israel, the women of David, so strong, so wise, are to be given the lie by you? No. You are suffering, because you suffered all alone. Your grief and you. You and your grief. One cannot endure it thus. Are you no longer bearing in mind the words[2] of hope for those whom death has taken away from us? “I mean to raise you from your graves and lead you back to the soil of Israel. And you will know that I am the Lord when I open your graves and raise you from your graves. When I put My spirit in you, you will live”. The soil of Israel, for the just sleeping in the Lord, is the Kingdom of God. I will open it and give it to those who are waiting.»

«Also to my Daniel? And to my Levi?… He was so horrified at death!… He could not stand the idea of being far from his mother. That is why I wanted to die and be buried beside him…»

«But they were not there with their living parts. Only dead things were there and they could not hear you. They are in the place of expectation…»

«But does it really exist? Oh! Do not be scandalised at me. My memory has turned into tears! My head is full of the noise of the weeping and death-rattle of my sons. That death-rattle! That death-rattle. It has dissolved my brains. I have but that death-rattle in here…»

«And I will put the words of life there for you. I will sow the Life, because I am Life, where there is the din of death. Remember the great Judas Maccabee who wanted a sacrifice offered for the dead, rightly thinking that they are destined to rise again and that it is necessary to hasten their peace by means of suitable sacrifices. If Judas Maccabee had not been certain of their resurrection, would he have prayed and made people pray for the dead? As it is written[3], he thought that a great reward is set aside for those who die piously, as your sons certainly did… See, you are saying yes? So do not despair. But pray devoutly for your dead ones, that their sins may be expiated before I go to them. Then, without waiting for a moment, they will come to Heaven with Me. Because I am the Way, the Truth and the Life and I lead, and I speak the Truth and I give Life to those who believe in My Truth and follow Me. Tell Me. Did your sons believe in the coming of the Messiah?»

«Of course, my Lord. I taught them to believe that.»

«And did Levi believe that if I wanted I could cure him?»

«Yes, My Lord. We hoped in You… but it was of no avail… and he died disheartened after hoping so much…» The woman resumes weeping again more calmly but more desolately in her calm than when she was agitated.

«Do not say that it was of no avail. He who believes in Me, even if he is dead, will live forever…

208.11

Night is falling, woman. I will join My apostles. I leave My Mother with you…»

«Oh! Will you please stay as well!… I am afraid that if You go away, my torture will begin again… The storm is just beginning to calm at the sound of Your words…»

«Do not be afraid! You have Mary with you. I will come again tomorrow. I have something to tell the shepherds. Can I tell them to approach your house?…»

«Oh! Yes. They used to come for my son last year too… Behind the house there is an orchard and a rustic yard. They can go there as they used to do then, to keep the flock together…»

«All right. I will come. Be good. Remember that Mary in the Temple was entrusted to You. I entrust Her to you as well tonight.»

«Yes, do not worry. I will look after Her… I will have to see Her supper, to Her rest… For how long I have never thought of these things! Mary, will You sleep in my room, as Levi did when he was ill? I in my son’s bed, You in mine. And I will feel as if I heard his light breathing again… He always held me by the hand…»

«Yes, Eliza. But before we shall speak of many things.»

«No. You are tired. You must sleep.»

«You, too…»

«Oh! It is I who have not slept for months… I weep… and weep… I can do nothing else…»

«This evening, instead, we shall pray, and then we shall go to bed and you will sleep… We shall sleep holding each other’s hand. You may go, Son, and pray for us…»

«I bless you. Peace to you and to this house!»

And Jesus goes away with the maidservant who is dumbfounded and keeps repeating: «What a miracle, my Lord! What a miracle! After so many months she has spoken, she has reasoned… Oh! what a wonderful thing!… They were saying that she would die insane… And I was sorry, because she is good.»

«Yes, she is good and that is why God will help her. Goodbye, woman. Peace to you too.»

Jesus goes out on to the almost dark street and it all ends.


Notes

  1. en disant, comme en Qo 1, 2-3.
  2. Adar : février/mars.
  3. paroles d’espoir, que l’on trouve en : Ez 37, 12-14.
  4. comme il est écrit en : 2M 12, 43-46.

Notes

  1. saying as in Qoelet 1:2-3.
  2. words in Ezekiel 37:12-14.
  3. As it is written in 2 Maccabees 12:43-46.