The Writings of Maria Valtorta

22. Les journées passées à Hébron.

22. The days in Hebron. The significance

22.1

Je vois – c’est le matin, me semble-t-il – Marie coudre, assise dans la pièce du rez-de-chaussée. Elisabeth va et vient, tout aux occupations de la maison. Quand elle entre, elle ne manque jamais d’aller caresser la tête blonde de Marie, que les murs plutôt sombres font paraître plus blonde encore, d’autant qu’un rayon de beau soleil entre par la porte ouverte sur le jardin

Elisabeth se penche pour regarder le travail de Marie – c’est la broderie qu’elle avait à Nazareth – et elle en loue la beauté.

« J’ai aussi du lin à filer, dit Marie.

– Pour ton enfant ?

– Non, je l’avais déjà quand je ne pensais pas… » Marie ne termine pas sa phrase, mais je comprends : « … Quand je ne pensais pas devoir être la Mère de Dieu. »

« Désormais, c’est pour lui que tu devras t’en servir. Est-il beau ? Fin ? Les enfants, tu sais, ont besoin d’un linge très doux.

– Je le sais.

– Moi, j’avais commencé… tard, car je voulais être cer­taine qu’il ne s’agissait pas d’un piège du Malin. Pourtant… j’avais é­prouvé une telle joie intérieure que, non, cela ne pouvait venir de Satan. Et puis… j’ai tellement souffert ! Je suis vieille, moi, Marie, pour être dans cet état.

22.2

J’ai beaucoup souffert. Toi, tu ne souffres pas…

– Moi, non. Je ne me suis jamais sentie aussi bien.

– Eh oui ! Toi… il n’y a en toi aucune tache, si Dieu t’a choisie pour être sa Mère. C’est pourquoi tu n’es pas sujette aux souffrances d’Eve. Celui que tu portes est saint.

– J’ai l’impression d’avoir des ailes dans le cœur, et non un poids. J’ai l’impression d’avoir en moi toutes les fleurs et tous les oiseaux qui chantent au printemps, tout le miel, tout le soleil… Oh, que je suis heureuse !

– Bénie es-tu ! Moi aussi, depuis que je t’ai vue, je n’ai plus senti ni poids, ni fatigue ni douleur. Il me semble être renouvelée, jeune, libérée des misères de mon corps de femme. Mon enfant, après avoir bondi de joie au son de ta voix, s’est installé tranquillement dans sa joie. J’ai l’impression de l’avoir en moi comme dans un berceau vivant et de le regarder dormir, repu et heureux, respirant comme un petit oiseau sous l’aile de sa maman…

22.3

Mais je vais me mettre au travail, il ne me pèsera plus. Je n’y vois pas bien clair, mais…

– Laisse, Elisabeth ! C’est moi qui m’occuperai de filer et de tisser pour toi et pour ton enfant. Je suis rapide et j’ai de bons yeux.

– Il va te falloir penser au tien…

– Oh, j’en ai tout le temps ! Je pense d’abord à toi, qui approches du moment de ta délivrance, et puis je penserai à mon Jésus. »

Vous décrire la douceur de l’expression et de la voix de Marie, vous dire comment ses yeux se perlent d’une douce larme de bonheur, vous décrire comment elle rit en disant ce nom, les yeux tournés vers le ciel lumineux et bleu, cela dépasse les capacités humaines. On dirait que l’extase la saisit rien qu’à dire “ Jésus ”.

Elisabeth s’écrie :

« Quel beau nom ! Le nom du Fils de Dieu, notre Sauveur !

– Oh, Elisabeth ! »

Marie devient toute triste et saisit les mains que sa parente tient croisées sur son sein gonflé.

« Dis-moi, toi qui, à mon arrivée, as été remplie de l’Esprit du Seigneur et qui as prophétisé ce que le monde ignore. Dis-moi, qu’est-ce que mon enfant devra faire pour sauver le monde ? Les prophètes… ah, les prophètes qui parlent du Sauveur ! Isaïe… tu te rappelles Isaïe ? “ C’est l’homme des douleurs. Par ses bles­sures nous sommes guéris. Il a été transpercé et blessé à cause de nos crimes… Le Seigneur a voulu le consumer dans les souf­frances… Après sa condamnation, il fut élevé… ” De quelle élévation parle-t-il ? On l’appelle Agneau et moi, je pense… je pense à l’agneau pascal, à l’agneau de Moïse et je le rapproche du serpent élevé par Moïse[1] sur une croix. Elisabeth !… Elisabeth !…

Que vont-ils faire à mon enfant ? Que devra-t-il souffrir pour sauver le monde ? »

Marie pleure. Elisabeth la console.

« Ne pleure pas, Marie. C’est ton fils, mais aussi le Fils de Dieu. Dieu s’occupera de son Fils, et aussi de toi, sa Mère. Et si beaucoup se montreront cruels envers lui, beaucoup l’aimeront. Beaucoup, à travers tous les siècles. Le monde regardera ton Enfant et te bénira avec lui, toi, la source d’où jaillit la Rédemption. Etre élevé comme Roi de toute la création, quel destin que celui de ton fils… Penses-y, Marie. Roi, parce qu’il aura racheté toute la création et, en tant que tel, il en deviendra le Roi universel. Même sur la terre, dans le temps, il sera aimé. Mon enfant précèdera le tien et l’aimera. C’est l’ange qui l’a dit à Zacharie, et lui me l’a écrit…

22.4

Ah, quelle douleur que de le voir muet, mon Zacharie ! Mais j’ai bon espoir que, après la naissance de notre enfant, son père sera lui aussi délivré de son châtiment. Prie, toi qui es le siège de la puissance de Dieu et la cause de la joie du monde. Pour l’obtenir, j’offre, comme je le peux, mon enfant au Seigneur : il est à lui, puisqu’il l’a prêté à sa servante pour lui donner la joie d’être appelée “ mère ”. Il est le témoignage de ce que Dieu a fait pour moi. Je désire qu’il s’appelle “ Jean ”[2]. N’est-il pas une grâce, mon enfant ? Et n’est-ce pas Dieu qui me l’a faite ?

– Moi aussi, je suis bien convaincue que le Seigneur t’accordera cette grâce. Je prierai… avec toi.

– Cela me fait tant de peine de le voir muet ! » Elisabeth pleure. « Quand il écrit, puisqu’il ne peut plus parler, j’ai l’impression qu’il y a des monts et des mers entre mon Zacharie et moi. Après tant d’années de tendres paroles, sa bouche n’exprime plus que le silence. Ces temps-ci, tout particulièrement, il serait si beau de parler de ce qui va arriver ! Je me retiens même de parler pour ne pas le voir se fatiguer à me répondre par gestes. J’ai tellement pleuré ! Je t’ai tellement attendue ! Le village regarde, bavarde et critique. Le monde est ainsi fait. Quand on éprouve une peine ou une joie, on a besoin de compréhension, et non de critique. Il me semble désormais que la vie est bien meilleure. Depuis que tu es avec moi, je sens la joie en moi. Je sens que mon épreuve va se terminer et que je serai bientôt tout à fait heureuse. Il en sera bien ainsi, n’est-ce-pas ? Je suis résignée à tout. Mais si Dieu pouvait pardonner à mon époux ! Pouvoir l’entendre prier comme avant ! »

22.5

Marie la caresse, la console et l’invite, pour la distraire, à sortir un peu dans le jardin ensoleillé.

Elles se rendent sous une tonnelle bien entretenue jusqu’à une petite tour sans prétention, dans les trous de laquelle nichent les co­lombes.

Marie jette des graines en riant car les colombes se préci­pitent sur elle en roucoulant, et en décrivant de grands cercles aux reflets irisés. Elles se posent sur sa tête, sur ses épaules, sur ses bras et ses mains, allongent leurs becs de corail pour attraper les graines dans le creux de ses mains, becquetant avec grâce les lèvres roses de la Vierge et ses dents qui brillent au soleil. Marie puise le grain blond d’un sac et rit au milieu de cette joute d’avidité envahissante.

« Comme elles t’aiment, dit Elisabeth. Cela fait à peine quelques jours que tu es parmi nous, et elles t’aiment plus que moi, qui m’en suis toujours occupée. »

La promenade se poursuit jusqu’à un enclos, au fond du verger, où se trouve une vingtaine de chèvres accompagnées de leurs chevreaux.

« Tu reviens du pâturage ? demande Marie à un petit berger à qui elle fait une caresse.

– Oui, parce que mon père m’a dit : “ Rentre à la maison, car il va bientôt pleuvoir et il y a des bêtes qui vont mettre bas. Veille à ce qu’elles aient de l’herbe sèche et une litière toute prête. ” Le voilà qui arrive. » Il indique le bois, d’où vient un bêlement tremblotant.

Marie caresse un chevreau blond comme un enfant qui vient se frotter contre elle, puis Elisabeth et elle boivent du lait tout frais tiré que le jeune berger leur offre.

Le troupeau arrive, mené par un berger hirsute comme un ours. Mais ce doit être un homme bon, car il porte sur les é­paules une brebis qui gémit. Il la pose délicatement par terre et ex­plique :

« Elle va agneler. Elle avait du mal à marcher. Je l’ai prise sur mes épaules. J’ai dû faire vite pour arriver à temps. »

La brebis, qui boite douloureusement, est menée au bercail par l’enfant.

Marie s’est assise sur une pierre ; elle joue avec les chevreaux et les agneaux et présente des fleurs de trèfle à leurs museaux roses. Un chevreau noir et blanc lui met les pattes sur les épaules et flaire ses cheveux.

« Ce n’est pas du pain, dit Marie en riant. Demain, je t’en apporterai un croûton. Maintenant, tiens-toi tranquille. »

Elisabeth, rassérénée, rit elle aussi.

22.6

Je vois Marie filer rapidement sous la tonnelle, où le raisin grossit. Il a dû se passer un certain temps, car les pommes commencent déjà à rougir sur les arbres et les insectes bourdonnent autour des figues arrivées à maturité.

Elisabeth est vraiment très forte, sa démarche est lourde. Marie la regarde avec attention et amour. Marie elle-même, lorsqu’elle se lève pour ramasser le fuseau qui est tombé un peu plus loin, paraît s’arrondir sur les côtés. L’expression de son visage a changé, elle est plus mûre. Avant, c’était une enfant, maintenant c’est une femme.

Comme le jour baisse, les femmes rentrent à la maison et l’on allume les lampes. En attendant le dîner, Marie tisse.

« Cela ne te fatigue vraiment pas ? demande Elisabeth en montrant le métier à tisser.

– Non, tu peux en être sûre.

– Pour moi, cette chaleur m’épuise. Je ne souffre plus, mais désormais le poids est bien lourd pour mes vieux reins.

– Prends courage, tu seras bientôt délivrée. Comme tu seras heureuse, alors !

22.7

Moi, je ne vois pas encore approcher l’heure d’être mère. Mon enfant ! Mon Jésus ! Comment sera-t-il ?

– Aussi beau que toi, Marie.

– Oh non, plus beau ! Il est Dieu. Je ne suis que sa servante. Mais j’ai voulu dire : sera-t-il blond ou brun ? Ses yeux auront-ils la couleur d’un ciel serein ou ressembleront-ils à ceux des cerfs des montagnes ? Moi, je me le représente plus beau qu’un chérubin, les cheveux bouclés et couleur d’or, les yeux de la couleur de notre mer de Galilée quand les étoiles pointent à l’horizon, avec une petite bouche comme une tranche de grenade quand elle s’ouvre après avoir mûri sous le soleil. Quant à ses joues, je les imagine du même teint rosé que cette rose pâle que voici. Il aurait deux petites mains qui tiendraient dans le calice d’un lys tant elles seraient petites et belles, et deux pieds petits au point de remplir la paume de la main, aussi gracieux et lisses qu’un pétale. Vois : j’emprunte l’idée que je me fais de lui à toutes les beautés que la terre me suggère. J’entends même sa voix. Lorsqu’il pleurera – car mon bébé pleurera un peu, de faim ou de sommeil, et ce sera toujours une grande douleur pour sa maman qui ne pourra pas l’entendre pleurer sans en avoir le cœur transpercé –, lorsqu’il pleurera, donc, son cri ressemblera à ce bêlement qui nous arrive du petit agneau qui vient de naître et qui cherche la mamelle et la tiédeur de la toison de sa mère pour dormir. Son rire emplira de ciel mon cœur épris de son enfant. Je peux m’éprendre de lui, puisque c’est mon Dieu et mon amour ne contrevient pas à ma consécration virginale. Son rire aura tout du joyeux roucoulement d’une petite colombe, heureuse d’être rassasiée et comblée dans la tiédeur de son nid. Je pense à ses premiers pas… un petit oiseau sautillant dans un pré fleuri. Le pré, ce sera le cœur de sa maman, qui soutiendra ses petits petons roses de tout son amour pour qu’il ne rencontre rien qui puisse le faire souffrir. Comme je vais l’aimer, mon enfant ! Mon fils !

22.8

Joseph aussi l’aimera !

– Mais il va falloir que tu l’apprennes à Joseph ! »

Marie s’assombrit et soupire.

« Il faudra bien qu’il le sache… J’aurais voulu que le Ciel le lui annonce, parce que c’est bien difficile à expliquer.

– Veux-tu que je me charge de le lui dire ? Nous le ferons venir pour la circoncision de Jean…

– Non. J’ai remis à Dieu le soin de l’instruire de son heureux sort de père nourricier du Fils de Dieu, et il le fera. L’Esprit m’a dit, ce soir-là : “ Tais-toi. Confie-moi la tâche de te justifier. ” Il le fera. Dieu ne ment jamais. C’est une grande épreuve. Mais avec l’aide de l’Eternel, elle sera surmontée. En dehors de toi, à qui l’Esprit l’a révélé, personne ne doit savoir ce que la bienveillance du Seigneur a fait pour sa servante.

– Moi aussi, j’ai toujours gardé le silence, même à l’égard de Zacharie qui en aurait éprouvé une joie immense. Il te croit mère selon la nature.

– Je le sais, et je l’ai voulu par prudence. Les secrets de Dieu sont saints. L’ange du Seigneur n’avait pas révélé à Zacharie ma maternité divine. Il l’aurait pu si Dieu l’avait voulu, car Dieu connaissait l’imminence du temps de l’Incarnation de son Verbe en moi. Mais Dieu a tenu cette lumière joyeuse cachée à Zacharie, qui ne croyait pas à la possibilité de votre fécondité tardive. Je me suis conformée à la volonté de Dieu. Et, tu le vois, tu as appris ce secret vivant en moi. Lui, il n’a rien remarqué. Tant que le voile de son incrédulité à l’égard de la puissance de Dieu ne tombera pas, il sera écarté des lumières surnaturelles. »

Elisabeth soupire et se tait.

22.9

Zacharie entre. Il présente des rouleaux à Marie. C’est l’heure de la prière qui précède le repas. C’est Marie qui prie à haute voix à la place de Zacharie. Puis ils prennent place à table.

« Quand tu ne seras plus ici, comme nous regretterons de n’avoir plus personne pour nous réciter les prières, dit Elisabeth en regardant son mari muet.

– C’est toi, Zacharie, qui prieras alors », dit Marie.

Il secoue la tête et écrit :

« Je ne pourrai jamais plus prier pour les autres. J’en suis devenu indigne depuis que j’ai douté de Dieu.

– Zacharie, tu prieras. Dieu pardonne. »

Le vieil homme essuie une larme et soupire.

Après le dîner, Marie retourne au métier à tisser.

« Cela suffit, dit Elisabeth. Tu te fatigues trop.

– Le temps est proche, Elisabeth. Je veux faire à ton enfant un trousseau digne de celui qui précède le Roi de la race de David. »

Zacharie écrit :

« De qui naîtra-t-il ? Et où ? »

Marie répond :

« Là où les prophètes l’ont annoncé, là où l’Eternel le choisira. Tout ce que fait notre très-haut Seigneur est bien fait. »

Zacharie écrit :

« Donc à Bethléem ! En Judée. Nous irons le vénérer, femme. Tu viendras toi aussi à Bethléem avec Joseph. »

Marie, baissant alors la tête sur son métier, répond :

« Je viendrai. »

C’est ainsi que la vision s’achève.

22.10

Marie dit :

« Le premier acte de l’amour du prochain s’exerce envers le prochain. Que cela ne te semble pas n’être qu’un simple jeu de mots. La charité a un double objet : Dieu et le prochain. Dans la charité à l’égard du prochain est comprise celle qui s’exerce envers nous-mêmes. Mais si nous nous aimons plus que les autres, nous ne sommes plus charitables, nous sommes égoïstes. Même dans les choses permises, il faut être assez saint pour faire passer les besoins d’autrui avant les nôtres. Soyez-en sûrs, mes enfants : Dieu supplée aux besoins des personnes généreuses par tous les moyens de sa puissance et de sa bonté.

22.11

C’est cette certitude qui m’a poussée à venir à Hébron pour aider ma parente dans l’état où elle se trouvait. Comme j’avais été attentive à lui apporter une aide humaine, Dieu, se donnant au-delà de toute mesure à son habitude, y unit le don d’un secours surnaturel auquel j’étais loin de penser. Je vais apporter de l’aide matérielle, et Dieu sanctifie ma droiture d’intention en opérant la sanctification du fruit du sein d’Elisabeth ; par elle, qui présanctifie Jean-Baptiste, il soulage la souffrance physique d’une fille d’Eve déjà âgée, qui a conçu à un âge inhabituel.

Elisabeth, cette femme à la foi intrépide et qui s’abandonne avec confiance à la volonté de Dieu, méritait de comprendre le mystère renfermé en moi. L’Esprit lui parle par le tressaillement de l’enfant en elle. Jean-Baptiste a prononcé son premier discours d’annonciateur du Verbe à travers les tissus de veines et de chair qui le séparent de sa sainte mère et en même temps l’unissent à elle.

Et moi, je ne refuse pas de dire ma qualité de Mère du Seigneur à celle qui en est digne et à qui la Lumière se révèle. Le lui refuser reviendrait à refuser à Dieu la louange qui lui est due, la louange que je portais en moi. Puisque je ne pouvais la partager avec personne, je la disais aux plantes, aux fleurs, aux étoiles, au soleil, aux oiseaux qui chantent et aux brebis patientes, au murmure des eaux et à la lumière d’or qui me donnait un baiser en descendant du ciel. Mais prier à deux est plus doux que de faire notre prière toutes seules. J’aurais voulu que le monde entier connaisse mon sort, non pas pour moi, mais pour s’unir à moi dans une même louange de mon Seigneur.

La prudence m’a empêchée de révéler la vérité à Zacharie. Ç’aurait été outrepasser l’œuvre de Dieu. Or, si j’étais son Epouse et sa Mère, j’étais toujours sa servante et, puisqu’il m’avait aimée sans mesure, je ne pouvais me permettre de me substituer à lui et de prendre une décision qui m’aurait placée au-dessus de lui.

Dans sa sainteté, Elisabeth comprend et se tait, car les saints sont toujours humbles et soumis.

22.12

Un don de Dieu doit toujours nous rendre meilleurs. Plus nous recevons de lui, plus nous devons donner, car plus nous recevons, plus c’est le signe qu’il est en nous et avec nous. Et plus il est en nous et avec nous, et plus nous devons nous efforcer de nous rapprocher de sa perfection.

Voilà pourquoi je fais passer mon ouvrage au second rang, et je travaille pour Elisabeth. Je ne cède pas à la peur de ne pas avoir assez de temps. Dieu est le maître du temps. Il vient en aide à ceux qui espèrent en lui, même dans les choses de tous les jours. L’égoïsme n’avance à rien, il retarde. La charité ne retarde rien, elle fait avancer les choses. Gardez-le toujours à l’esprit.

22.13

Quelle paix dans la maison d’Elisabeth ! Si je n’avais eu le souci de Joseph et celui, surtout, de mon enfant qui devait être le Rédempteur du monde, j’aurais été heureuse. Mais déjà la croix projetait son ombre sur ma vie et j’entendais les voix des prophètes comme un glas…

Je m’appelais Marie. L’amertume a toujours été mêlée aux douceurs que Dieu déversait dans mon cœur. Mais quand Dieu nous appelle, Maria, à la condition de victime pour son honneur, il est doux d’être moulues comme du grain sous la meule : c’est ainsi que nous faisons de notre douleur le pain qui fortifie les faibles et les rend capables de gagner le Ciel !

Mais cela suffit. Tu es fatiguée et heureuse. Repose-toi avec ma bénédiction. »

22.1

It is morning. I see Mary sewing, sitting in the room on the ground floor. Elizabeth is going to and fro, busy with the housework. And when she comes into Mary’s room, she never fails to go and caress Her fair head, which looks even more fair against the rather dark walls and in the beautiful sun rays that enter through the door open onto the garden.

Elizabeth bends down to look at Mary’s work — the embroidery She had in Nazareth — and she praises its beauty.

«I have also some linen to spin,» says Mary.

«For your Child?»

«No. I had it already when I never thought…» Mary does not say anything else. But I understand: «…when I never thought I was to be the Mother of God.»

«But now You will have to use it for Him. Is it good? Fine? Children, You know, need very soft material.»

«I know.»

«I had begun… Late, because I wanted to be sure that it was not a deception of the Evil One. Although… I felt such a joy within me, that it could not possibly come from Satan. After… I suffered so much. I am old, Mary, really old, to be in this state.

22.2

I suffered so much. Don’t You suffer…»

«No. I don’t. I have never been so well.»

«Of course. Quite right. You… there is no stain in You, as God chose You for His Mother. And that is why You are not subject to Eve’s sufferings. The One You bear is holy.»

«I feel as if I had a wing in My heart and not a burden. I seem to have within Me all the flowers and all the birds that sing in springtime, and all the honey and all the sunshine… Oh! I am so happy!»

«Blessed Mary! Neither do I any longer feel burden, tiredness or pain, since I saw You. I seem to be new, young, freed from the miseries of woman’s flesh. My child, after leaping happily at the sound of Your voice, is now quiet in his joy. And I seem to have him, in me, as in a living cradle, and I see him sleeping satisfied and happy, breathing like a little bird under the wing of its mother…

22.3

I will now start working. He will no longer be a weight. I cannot see very well, but…»

«Never mind, Elizabeth. I will see to the spinning and weaving both for you and for your baby. I am quick and My sight is very good.»

«But you will have to see to Your…»

«Oh! There will be plenty time!… First I will take care of you, since you are going to have your baby very shortly, and later I will see to My Jesus.»

It is beyond human possibility to tell you how sweet are Mary’s expressions and voice, how bright Her eyes are with sweet happy tears, and how She smiles in pronouncing that Name, looking at the clear blue sky. She seems to be enraptured simply saying: «Jesus».

Elizabeth exclaims: «What a beautiful name! The name of the Son of God, of Our Redeemer!»

«Oh! Elizabeth!» Mary becomes sad and She seizes the hands of Her relative who had laid them across her enlarged abdomen. «Tell Me, since you were illuminated by the Spirit of the Lord, when I came here, and you prophesied what the world does not know, tell Me: what will My Creature have to suffer to save the world? The Prophets… Oh! What do the Prophets say of the Saviour? Isaiah… Do you remember Isaiah? “He is the Man of sorrows. Through His wounds we are healed. He was pierced through for our faults, crushed for our sins. Yahweh has been pleased to crush Him with suffering. After being condemned He was lifted up…” What lifting is he referring to? They call Him the Lamb and I cannot help thinking of the lamb of the Passover, of the lamb of Moses, and I associate it with the serpent elevated by Moses on a cross. Elizabeth! ay…Elizabeth!…What will they do to My Creature? What will He have to suffer to save the world?» Mary is crying.

Elizabeth comforts Her. «Mary, don’t cry. He is Your Son, but He is also the Son of God. God will see to His Son, and will look after You, His Mother. And if so many will be cruel to Him, so many will love Him. So many!… Forever and ever. The world will look at Your Son and will bless You with Him. They will bless You, for You are the Spring from which redemption gushes out. The destiny of Your Son! He will be raised to the rank of King of the whole creation. Just think of that, Mary. King, because He will redeem the whole creation, and as such, He will be universal King. And He will be loved also in the world, in its lifetime. My son will precede Yours and will love Him. The angel told Zacharias. And he wrote it down for me…

22.4

How painful it is to see him dumb, my Zacharias! But I hope that when the baby is born also the father will be freed from his punishment. Will You pray, too, since You are the Seat of the Power of God and the Cause of delight in the world. To obtain this grace I make my offers to the Lord, as best I can. I offer my creature: because it belongs to Him, as He lent it to His servant to grant her the joy of being called “mother”. It is the testimony of what God has done for me. I want his name to be “John”. Isn’t my son a grace? And didn’t God grant me it?»

«And God, I am sure, will grant you the grace. I will pray… with you.»

«I suffer so much seeing him dumb!…» Elizabeth is crying. «When he writes, as he can no longer speak to me, there seem to be mountains and oceans between me and my Zacharias. After so many years of sweet conversation, now there is nothing but silence from his mouth. And particularly now, when it would be so nice to talk about him who is about to come. I even refrain from speaking to avoid seeing him getting strained in his efforts to reply to me by gestures. I have cried so much! How much did I long for You! The people of the village watch, talk and criticise. Such is the world. But when one has a pain or a joy, one needs to be understood, not criticised. But now my life seems completely improved. I feel a joy in me since You came here. I feel that my test is about to end and that I shall soon be completely happy. I am right, am I not? I have resigned myself to everything. But if God would only forgive my husband! If I could only hear him pray once again!»

22.5

Mary caresses and comforts her and in order to divert her attention, she invites her to take a little walk in the sunny garden.

They walk under a well cultivated pergola, as far as a little rustic tower, in the holes of which doves have nested.

Mary scatters the birdseed laughing, because the doves have rushed on Her, cooing loudly and flapping noisily, forming iridescent circles around Her. They alight on Her head, shoulders, arms and on Her hands, stretching their rosy beaks to snatch the grains from Her hands, gracefully pecking the Virgin’s rosy lips and Her teeth that shine in the sun. Mary takes the golden corn from a little sack and She laughs in the middle of that game of intrusive greed.

«How fond they are of You!» points out Elizabeth. «You have only been here a few days and they love You more than me, although I have always taken care of them.»

They continue walking until they reach an enclosure, at the end of the orchard, where there are about twenty goats with their little kids.

«Have you come back from the pasture?» Mary asks a little shepherd, caressing him.

«Yes, because my father said to me: “Go home, because it is going to rain shortly and there are some sheep about to lamb. Make sure they have dry grass and litter”. There he is, he is coming.» And he points to the wood, whence a continual trembling bleating can be heard.

Mary caresses a little kid, as fair as a child, which rubs itself against Her, and together with Elizabeth She drinks some new milk that the little shepherd offers them.

Then the sheep arrive led by a shepherd as hairy as a bear. But he is obviously a good man because he is carrying a groaning sheep on his shoulders. He puts her down gently and explains: «She is about to lamb. She can only walk with difficulty. I put her on my shoulders and I hurried all the way to get here in time.» The sheep, still limping painfully, is led into the fold by the boy.

Mary is sitting on a stone and is playing with the little kids and the lambs, offering clover flowers to their pretty rosy little faces. A black and white kid puts its little hooves on Her shoulder and smells Her hair. «It is not bread,» says Mary laughing. «I will bring you some crumbs tomorrow. Be good, now.»

Once again cheerful, Elizabeth also laughs.

22.6

I see Mary Who is spinning very quickly under the pergola, where the grapes are growing bigger and bigger. Some time must have elapsed because the apples are beginning to redden on the trees and the bees are humming near the fig flowers already mature.

Elizabeth is now quite stout, and she is walking heavily. Mary looks at her carefully and lovingly. Also Mary’s sides appear more round when She gets up to pick up the spindle which has fallen far away from Her. The expression on Her face has changed. It is more mature; before She was a girl, now She is a woman.

The women go into the house because it is now getting dark, and the lamps are lit in the room. While waiting for supper, Mary begins to weave.

«Do You never get tired?» asks Elizabeth, pointing to the loom.

«No, you can be sure of that.»

«I am exhausted by this heat. I have not suffered any longer, but now the weight is too heavy for my old kidneys.»

«Take courage. You will soon be free. How happy you will then be.

22.7

I am longing to be a mother. My Child! My Jesus! What will He be like?»

«As beautiful as You are, Mary.»

«Oh no! More beautiful! He is God. I am His maid. What I meant is, will He be fair or dark? Will His eyes be like a clear sky, or like the eyes of a mountain deer? I imagine Him more beautiful than a cherub, with golden curly hair, His eyes the same colour as the Sea of Galilee when the stars begin to peep on the horizon, His tiny little mouth as red as a pomegranate that bursts when it matures in the sun, and His cheeks as pink as this pale rose, with two little hands that could be contained in the hollow of a lily, they are so small and tiny, and two tiny feet that I can hold in the hollow of My hand, so soft and smooth, even more so than the petal of a flower. See. The idea I have of Him is taken from all the beautiful things that nature suggests to Me. And I can hear His voice. When He cries — because My Child will cry a little when He is hungry or sleepy, and it will always be a great pain for His Mummy Whose heart will be pierced every time She hears Him cry — when He cries, His voice will be like the bleating that now comes from a little lamb, only a few hours old, when it seeks its mother’s breast, and her warm maternal fleece to sleep. When He laughs — and My heart in love with my Creature will then be full of Heaven, for I can be in love with Him, because He is My God, and it will not be against My consecrated virginity to love Him as a lover — His voice when He laughs will be like the merry cooing of a happy little dove which is full and content in its cosy little nest. And I think of Him when He is taking His first steps… a little bird hopping on a flowery meadow. The meadow will be His Mother’s heart, it will be laid under His tiny pink feet with all Her love, so that He may not tread on anything that may hurt Him. Oh, how I will love My Child! My Son!

22.8

Also Joseph will love Him.»

«But You will have to tell Joseph.»

Mary’s face darkens, and She sighs. «Yes, I will have to tell him… I wish Heaven would tell him, because it is so difficult to tell.»

«Shall I tell him? We will ask him to come for John’s circumcision…»

«No. I have entrusted God with the task of informing him of his happy destiny of putative father of the Son of God, and He will do so. The Spirit said to Me that evening: ‘Be silent. Entrust Me with the task of justifying You’. And He will do so. God never lies. It is a great trial, but with the help of the Eternal Father, it will be overcome. No one must learn from My mouth what the goodness of the Lord has done. Certainly you are the exception, because the Spirit revealed it to you.»

«I have not mentioned it to anybody, not even to Zacharias who would have been very happy. He thinks you are a mother according to nature.»

«I know. And I decided that out of prudence. The secrets of God are holy. The angel of the Lord did not reveal My divine maternity to Zacharias. He could have done so, if God had wanted, because God knew that the time for the Incarnation of His Word in Me was already imminent. But God hid this joyful light from Zacharias, who rejected your late maternity as something impossible. I have complied with the will of God, as you have seen. You perceived the secret living in Me. He did not perceive anything. Until the screen of his incredulity does not fall before the power of God, he will be separated from supernatural lights.»

Elizabeth sighs and turns silent.

22.9

Zacharias comes in. He offers some parchment rolls to Mary. It is the hour of prayer before supper. Mary prays in a loud voice instead of Zacharias. Then they settle down at the table.

«When You are no longer with us, how we shall regret having no longer anyone to pray for us,» says Elizabeth, looking at her dumb husband.

«You will pray then, Zacharias,» says Mary.

He shakes his head and writes: «I will never be able to pray again for other people. I became unworthy when I doubted of my God.»

«Zacharias, you will pray. God forgives.»

The old man wipes a tear and sighs.

After supper, Mary goes back to the loom.

«That’s enough!» says Elizabeth. «You will become too tired.»

«Your time is approaching, Elizabeth. I want to prepare for your child clothes worthy of him who will precede the King of the House of David.»

Zacharias writes: «Of whom will He be born? And where?»

Mary replies: «Where the Prophets said, and of whom the Eternal Father will choose. Whatever our Most High Lord does, is well done.»

Zacharias writes: «Well, in Bethlehem then! In Judah. We shall go and worship Him, woman. And You will come to Bethlehem, too, with Joseph.»

And Mary, bowing Her head over the loom says: «I will come.»

The vision ends thus.

22.10

Mary says:

«The first charity towards our neighbours is to be exerted towards our neighbours. This must not seem a pun to you. There is charity towards God and charity towards our neighbours. Charity towards our neighbours comprises also charity towards ourselves. But if we love ourselves more than our neighbours, we are no longer charitable, we are selfish. Also in lawful matters, we must be so holy as to always give priority to the needs of our neighbour. Be sure, My children, that God provides for the generous by means of His power and His bounty.

22.11

It was this certainty that led Me to Hebron to assist My relative in her condition. And to My eagerness for human help, God, giving beyond measure as He is wont, added an unforeseen gift of supernatural assistance. I went to give material help and God sanctified My good intention by sanctifying, through it, the fruit of Elizabeth’s womb, and by means of that sanctification, by which the Baptist was presanctified, He relieved the physical pain of the elderly daughter of Eve, who had conceived at an unusual age.

Elizabeth, a woman of fearless faith and confident submission to God’s will, deserved to understand the mystery that was enclosed within Me. The Spirit spoke to her through the bouncing in her womb. The Baptist pronounced his first speech, as the Announcer of the Word, through the veils and the diaphgrams of veins and flesh that separated and united him at the same time to his holy mother.

Neither did I deny My prerogative of being the Mother of the Lord, because she was worthy of the information and the Light had revealed Itself to her. To deny it would have meant denying God the praise that it was just should be given to Him, the praise that I bore in Me, and which, since I could not tell anyone, I repeated to the grass, to the flowers, to the stars, to the sun, to the singing birds and the patient sheep, to the warbling waters, to the golden light that kissed Me descending from Heaven. But it is sweeter to pray together rather than say our prayers by ourselves. I would have liked all the world to know of My destiny, not for My own sake, but that they might join Me in praising My Lord.

Prudence forbade me to reveal the truth to Zacharias. That would have implied going beyond the work of God. And if I was His Spouse and Mother, I was still His servant, and I could not take the liberty of substituting Him and exceeding Him in a decree, simply because He had loved Me beyond measure.

Elizabeth in her holiness understood, and was silent. Because a holy person is always submissive and humble.

22.12

The gift of God must increase our goodness. The more we receive from Him, the more we must give. Because the more we receive, the more obvious it is that He is with us and within us. And the more He is with us and within us, the more we must endeavour to reach His perfection.

That is why I worked for Elizabeth, postponing My own work. I was not afraid that I would not have time. God is the master of time. He provides for those who hope in Him, also in normal things. Selfishness does not speed matters up, it delays them. Charity does not delay, it speeds up. Always bear that in mind.

22.13

How much peace there was in Elizabeth’s house! If I had not been worried about Joseph and… and my Child, Who was the Redeemer of the world, I would have been happy. But the cross was already casting its shadow on My life and I heard the voices of the Prophets like a knell…

My name was Mary. Bitterness was always mingled with the sweetness that God poured into My heart. And it increased more and more until the death of My Son. But when God calls us, Mary, to the destiny of victims for His glory, oh! it is sweet to be ground like corn in the millstone, to convert our pain into a bread that can strengthen the weak and make them capable of reaching Heaven!

Now, it is enough. You are tired and happy. Rest now with My blessing.»


Notes

  1. élevé par Moïse, comme cela est relaté en Nb 21, 8-9. Cette citation reviendra fréquemment dans l’œuvre, à partir de 116.9. D’autres faits concernant Moïse sont rapportés, une fois pour toutes, en : 114.6 (prodiges) – 119.4 (les dix commandements) – 212.5 (le veau d’or, le renouvellement de l’Alliance, les tables de la Loi) – 229.3 (sa naissance et son enfance) – 295.5 (avec Josué) – 324.10 (la formule de bénédiction) – 340.9 (le passage de la mer Rouge) – 354.9 (la manne dans le désert) – 354.12 (l’arche d’alliance) – 411.6 (sa mort) – 436.2 (prophète du Christ) – 457.2 (les eaux de Mériba, le refus d’Edom, la mort d’Aaron) – 506.3 (manifestations divines) – 588.6 (malédictions) – 625.6 (l’oppression des Hébreux en Egypte). On trouvera d’autres citations dans l’épisode de la Transfiguration (chapitre 349) ainsi qu’en : 402.6 – 483.9 – 549.8 – 594.6 – 630.5 – 635.7. Les notes sur les lois mosaïques sont rappelées dans l’index thématique, à la fin de ce volume, sous les termes “ Fêtes juives ” et “ Lois ”.
  2. “ Jean ” signifie : “ Le Seigneur fait grâce ”.