22.1
Je vois – c’est le matin, me semble-t-il – Marie coudre, assise dans la pièce du rez-de-chaussée. Elisabeth va et vient, tout aux occupations de la maison. Quand elle entre, elle ne manque jamais d’aller caresser la tête blonde de Marie, que les murs plutôt sombres font paraître plus blonde encore, d’autant qu’un rayon de beau soleil entre par la porte ouverte sur le jardin
Elisabeth se penche pour regarder le travail de Marie – c’est la broderie qu’elle avait à Nazareth – et elle en loue la beauté.
« J’ai aussi du lin à filer, dit Marie.
– Pour ton enfant ?
– Non, je l’avais déjà quand je ne pensais pas… » Marie ne termine pas sa phrase, mais je comprends : « … Quand je ne pensais pas devoir être la Mère de Dieu. »
« Désormais, c’est pour lui que tu devras t’en servir. Est-il beau ? Fin ? Les enfants, tu sais, ont besoin d’un linge très doux.
– Je le sais.
– Moi, j’avais commencé… tard, car je voulais être certaine qu’il ne s’agissait pas d’un piège du Malin. Pourtant… j’avais éprouvé une telle joie intérieure que, non, cela ne pouvait venir de Satan. Et puis… j’ai tellement souffert ! Je suis vieille, moi, Marie, pour être dans cet état.