The Writings of Maria Valtorta

248. A Bethléem de Galilée.

248. In Bethlehem in Galilee. Lawful judgment

248.1

C’est le soir quand ils arrivent à Bethléem de Galilée. On comprend que c’est la destinée des villes qui portent ce nom de s’étendre sur des collines ondulées, entourées de verdure, de bois, de prairies sur lesquels paissent les troupeaux qui descendent vers les bercails pour la nuit. Vestige d’un crépuscule puissant qui s’achève, le ciel est rouge. L’atmosphère est pleine de la mu­sique pastorale des cloches et des bêlements tremblants auxquels s’unissent les cris joyeux des enfants qui jouent et les voix de leurs mères qui les appellent.

« Judas va avec Simon chercher un logement pour nous et les femmes. L’auberge est au centre du village et nous vous y rejoindrons. »

Tandis que Judas et Simon le Zélote obéissent, Jésus se tourne vers sa Mère :

« Cette fois, ce ne sera pas comme à l’autre Bethléem. Tu trouveras où te reposer, ma Mère. Il n’y a pas beaucoup de voyageurs à cette saison et il n’y a pas d’édit.

– A cette saison, il serait même agréable de dormir dans les prés ou au milieu de ces bergers, parmi les agneaux. »

Marie sourit à son Fils ainsi qu’à des jeunes bergers curieux qui la regardent fixement.

248.2

Elle sourit de telle manière que l’un d’eux donne un coup de coude à un autre et lui dit tout bas :

« Ce ne peut être qu’elle » et il s’avance, sûr de lui, en disant :

« Je te salue, Marie, pleine de grâce. Le Seigneur est-il avec toi ? »

Marie répond par un sourire encore plus doux : « Voilà le Seigneur » et elle montre Jésus qui s’est retourné pour charger ses cousins de donner des oboles aux pauvres qui s’approchent avec des demandes plaintives. Marie touche légèrement son Fils en lui disant :

« Mon Fils, ces jeunes bergers te cherchent et ils m’ont reconnue, je ne sais comment…

– Sûrement, Isaac sera passé par ici en y laissant le parfum de la révélation. Mon garçon, viens ici. »

Le berger, un petit brun d’environ douze-quatorze ans, robuste malgré sa maigreur, aux yeux noirs très vifs et dont les cheveux retombent en une tignasse d’ébène, enveloppé dans sa peau de brebis – on dirait une copie du Précurseur en plus jeune – s’approche de Jésus avec un sourire de bonheur, comme fasciné.

« Paix à toi, mon enfant, comment as-tu reconnu Marie ?

– Parce que seule la Mère du Sauveur pouvait avoir ce sourire et ce visage. On m’a dit : “ Un visage d’ange, des yeux comme des étoiles et un sourire plus doux que le baiser d’une mère, doux comme son nom ‘ Marie ’, saint au point de pouvoir se pencher sur le Dieu nouveau-né. ” J’ai vu cela en elle et je l’ai saluée parce que je te cherchais. Nous te cherchions, Seigneur, et… je n’osais pas te saluer, toi, en premier.

– Qui t’a parlé de nous ?

– Isaac, de l’autre Bethléem. Il nous a promis de nous conduire à toi à l’automne.

– Isaac est venu ici ?

– Il est encore dans ces parages, avec beaucoup de disciples. Mais c’est lui qui nous a parlé, à nous les bergers. Et nous avons cru à sa parole.

248.3

Seigneur, permets-nous, à nous aussi, de t’adorer comme nos compagnons de la sainte nuit. »

Il s’agenouille dans la poussière du chemin et lance un cri aux autres bergers qui ont arrêté le troupeau aux portes de la cité (portes, c’est une façon de parler car cette cité n’a pas de murs), là où Jésus, lui aussi, s’était arrêté pour attendre les femmes et entrer avec elles dans le village.

Le jeune berger crie :

« Père, frères et amis, nous avons trouvé le Seigneur. Venez et adorons. »

Les bergers viennent se grouper avec leur troupeau auprès de Jésus et le prient de ne pas aller chez d’autres personnes, mais d’accepter leur pauvre maison, qui n’est pas éloignée, pour y habiter avec ses amis.

« Il y a un grand bercail, expliquent-ils, puisque Dieu nous protège, et il y a des pièces et des portiques pleins de foin odorant. Les pièces seront pour ta Mère et ses sœurs, puisque ce sont des femmes, mais il y en a une aussi pour toi. Les autres peuvent dormir avec nous sur le foin, sous les portiques.

– Moi aussi, je resterai avec vous et ce sera pour moi un plus doux repos que si je dormais dans l’appartement d’un roi. Mais allons d’abord prévenir Judas et Simon.

– J’y vais moi-même, Maître » dit Pierre, qui part avec Jacques, fils de Zébédée.

Ils s’arrêtent sur le bord de la route, en attendant le retour des quatre apôtres.

248.4

Les bergers regardent Jésus comme si c’était déjà Dieu dans sa gloire. Et les plus jeunes sont réellement béats et semblent vouloir se graver dans l’esprit chaque détail sur Jésus et sur Marie, qui s’est penchée pour caresser des agneaux, venus dresser leurs museaux contre ses genoux en bêlant.

« Il y en avait un, dans la maison d’Elisabeth, ma parente, qui léchait mes tresses toutes les fois qu’il me voyait. Je l’appelais “ mon ami ”, car il était vraiment pour moi un ami comme un enfant et, dès qu’il le pouvait, il courait vers moi. Celui-ci me le rappelle tout à fait, avec ses yeux de deux couleurs. Ne le tuez pas ! L’autre aussi, on le laissa vivre à cause de son amour pour moi.

– C’est une agnelle, femme, et nous voulions la vendre parce qu’elle a des yeux de deux couleurs et je crois que d’un œil elle y voit peu. Mais nous la garderons si tu le désires.

– Oh oui ! Je voudrais bien qu’on ne tue jamais d’agneau… Ils sont tellement innocents et leur voix est une voix d’enfant qui appelle sa mère. Il me semble qu’on tue un enfant en tuant l’un de ceux-ci.

– Mais alors, femme, il n’y aurait plus de place pour nous sur la terre si tous les agneaux restaient en vie ! Dit le berger le plus âgé.

– Je le sais. Mais je pense à leur douleur et à celle des brebis, leurs mères. Elles pleurent tant quand on leur enlève leurs petits ! Elles ressemblent vraiment à des mères comme nous. Et moi, je ne peux voir souffrir personne, mais j’éprouve un déchirement devant une mère ainsi déchirée. C’est une douleur différente de toute autre car, sous le choc de la mort d’un enfant, ce sont non seulement notre cœur et notre cerveau qui se dé­chirent, mais jusqu’à nos entrailles. Nous, les mères, restons unies à notre enfant, toujours. Et c’est nous déchirer complètement que de nous l’enlever. »

Marie ne sourit plus, mais une larme brille dans son œil bleu et elle regarde son Jésus qui l’écoute et la regarde ; elle lui pose une main sur le bras, comme si elle craignait qu’on soit sur le point de l’arracher à son côté.

248.5

Sur la route poussiéreuse arrive un petit groupe de gens armés : six hommes accompagnés de gens qui poussent des cris. Les bergers regardent et discutent à voix basse. Puis, ils regardent Marie et Jésus.

Le plus âgé parle :

« Heureusement que tu n’entres pas à Bethléem ce soir.

– Pourquoi ?

– Parce que ces gens, qui viennent de passer et qui entrent en ville, y vont pour arracher un fils à une mère.

– Oh ! Mais pourquoi ?

– Pour le tuer.

– Oh ! Non ! Qu’a-t-il fait ? »

Jésus pose la même question et les apôtres s’approchent pour écouter.

« On a trouvé le riche Joël, tué sur le chemin de la mon­tagne. Il revenait de Sycaminon avec beaucoup d’argent. Mais ce n’étaient pas des voleurs car l’argent était encore sur le mort. Le serviteur qui l’accompagnait a rapporté que son maître lui avait dit de courir en avant pour prévenir de son retour, et sur la route, en se dirigeant vers le lieu où l’homicide a été commis, il a seulement vu le jeune homme qu’on va tuer. Deux hommes du village, d’ailleurs, jurent qu’ils l’ont vu attaquer Joël. Maintenant les parents du mort exigent la mort du jeune homme. Et s’il est homicide…

– Tu ne le crois pas ?

– Cela ne me paraît pas possible. Ce jeune homme est à peine plus âgé qu’un adolescent. Il est bon. Il vit toujours avec sa mère dont il est le fils unique, et elle est veuve, une sainte veuve. Il ne manque pas de ressources, il ne pense pas aux femmes. Il n’est pas querelleur, il n’est pas fou. Alors pourquoi a-t-il tué ?

– Mais il a peut-être des ennemis ?

– Qui ? Joël qui est mort ou Abel l’accusé ?

– L’accusé.

– Ah, je ne sais pas … Mais… Je ne sais pas.

– Sois franc, homme.

– Seigneur, c’est une chose que je pense, et Isaac nous a dit de ne pas penser du mal de son prochain.

– Mais on doit avoir le courage de parler pour sauver un innocent.

– Si je parle, que j’aie raison ou tort, je devrai m’enfuir d’ici parce qu’Aser et Jacob sont puissants.

– Parle sans crainte : tu ne seras pas contraint de fuir.

– Seigneur, la mère d’Abel est belle, jeune et sage. Aser n’est pas sage, ni Jacob. Au premier, la veuve plaît, et au second… le village sait que le second est un coucou dans le ménage de Joël. Je pense que…

– J’ai compris.

248.6

Allons, mes amis. Vous, les femmes, restez donc avec les bergers. Je reviendrai vite.

– Non, mon Fils. Je t’accompagne. »

Jésus se dirige rapidement vers le centre de la cité. Les bergers restent indécis, mais ensuite ils laissent le troupeau aux plus jeunes qui restent avec toutes les femmes, sauf la Mère et Marie, femme d’Alphée qui suivent Jésus et se hâtent de rejoindre le groupe des apôtres.

A la troisième rue qui coupe la voie principale de Bethléem, ils rencontrent Judas, Simon, Pierre et Jacques qui arrivent en gesticulant et en criant.

« Quelle affaire, Maître ! Quelle affaire et quelle peine ! S’écrie Pierre, bouleversé.

– Un fils enlevé de force à sa mère pour le tuer. Elle le défend comme une lionne. Mais c’est une femme contre des gens armés, ajoute Simon le Zélote.

– Elle saigne déjà de partout ! Dit Judas.

– Ils ont défoncé sa porte car elle s’était barricadée dans sa maison, achève Jacques, fils de Zébédée.

– Je vais la trouver.

– Oh oui ! Toi seul peux la consoler. »

248.7

Ils tournent à droite, puis à gauche vers le centre du village. Déjà, on voit l’attroupement tumultueux qui s’agite et se presse près de la maison d’Abel, et les cris d’une femme, déchirants, inhumains, féroces, en même temps que pitoyables, parviennent jusqu’ici.

Jésus hâte le pas en arrivant sur une place minuscule – un élargissement de la rue plutôt qu’une place – où le tumulte est à son comble.

La femme dispute encore son fils aux gardes. Elle s’accroche d’une main qui est devenue une griffe de fer aux débris de la porte abattue et, de l’autre, reste attachée à la ceinture de son fils. Si quelqu’un cherche à l’en séparer, elle le mord férocement, insensible aux coups qu’elle reçoit et à la douleur des cheveux qu’on lui tire d’une manière si cruelle que cela amène sa tête en arrière. Et quand elle ne mord pas, elle hurle :

« Lâchez-le ! Assassins ! Il est innocent ! La nuit du meurtre de Joël, il était au lit près de moi ! Assassins ! Assassins ! Calomniateurs ! Immondes ! Parjures ! »

Le jeune garçon, saisi aux épaules par ses gardes, traîné par les bras, se retourne, le visage bouleversé et crie :

« Maman ! Maman, pourquoi dois-je mourir puisque je n’ai rien fait ? »

C’est un bel adolescent, grand et élancé, aux yeux noirs et doux, aux cheveux noir foncé, légèrement frisés. Son vêtement déchiré laisse voir un corps souple et jeune, presque comme celui d’un enfant.

Jésus, aidé de ceux qui l’accompagnent, fend la foule com­pacte comme un roc et se fraie un chemin jusqu’au groupe pitoyable juste au moment où la femme, à bout de forces, a été arrachée à la porte et traînée comme un sac attaché au corps de son fils sur les pierres du chemin.

Mais cela dure quelques mètres seulement. Une secousse plus violente arrache la main de la mère de la ceinture de son fils, la femme tombe en avant, son visage frappe durement contre le sol, saignant encore davantage. Mais elle se redresse aussitôt sur les genoux, les bras tendus pendant que son fils, qu’on emporte rapidement autant que le permet la foule qui s’écarte difficilement, libère son bras gauche et l’agite en se tordant en arrière et en criant :

« Maman ! Adieu ! Rappelle-toi, toi au moins, que je suis innocent ! »

La femme le regarde avec des yeux de folle, et puis tombe à terre, évanouie.

248.8

Jésus se présente devant le groupe des gardes :

« Arrêtez-vous un moment. Je vous l’ordonne ! »

Son visage ne souffre pas de réplique.

« Qui es-tu ? » lance, agressif, un citadin du groupe. « Nous ne te connaissons pas. Ecarte-toi et laisse-nous passer pour qu’il soit tué avant la nuit.

– Je suis un Rabbi. Le plus grand. Au nom de Yahvé, arrêtez-vous ou Dieu vous foudroiera. »

A ce moment, il semble que c’est lui qui va les foudroyer.

« Qui est témoin contre cet homme ?

– Lui, lui et moi, répond celui qui a parlé le premier.

– Votre témoignage n’est pas valable parce qu’il n’est pas vrai.

– Comment peux-tu dire cela ? Nous sommes prêts à le jurer.

– Votre serment est un péché.

– Nous, pécher ? Nous !

– Vous ! De même que vous couvez la luxure, que vous nourrissez la haine, que vous êtes avides de richesses, que vous êtes homicides, vous êtes également parjures. Vous vous êtes vendus à l’Impureté. Vous êtes capables d’accomplir n’importe quelle infamie.

– Fais attention à tes paroles. Je suis Aser…

– Et moi, je suis Jésus.

– Tu n’es pas d’ici. Tu n’es pas prêtre, ni juge. Tu n’es rien. Tu es étranger.

– Oui, je suis l’Etranger car la terre n’est pas mon Royaume. Mais je suis Juge et Prêtre. Non seulement de cette petite portion d’Israël, mais de tout Israël et du monde entier.

– Allons, allons ! Nous n’avons affaire avec un fou, dit l’autre témoin, qui pousse Jésus pour l’écarter.

– Tu ne feras pas un pas de plus ! » tonne Jésus en le regardant d’un regard de miracle qui subjugue et paralyse, comme il rend la vie et la joie quand il le veut. « Tu ne fais pas un pas de plus !

248.9

Tu ne crois pas à ce que je dis ? Eh bien, alors, regarde. Ici, il n’y a pas la poussière[1] du Temple, ni son eau, et il n’y a pas de paroles écrites à l’encre pour rendre très amère l’eau qui est le jugement pour la jalousie et l’adultère. Mais ici, il y a moi. Et c’est moi qui rends le jugement. »

La voix de Jésus est une sonnerie de trompette tant elle est pénétrante.

Les gens se bousculent pour voir. Seules la Vierge Marie et Marie, femme d’Alphée, sont restées pour secourir la mère évanouie.

« Et voici comment je juge : donnez-moi une pincée de la poussière de la route et peu d’eau dans un vase. Et pendant qu’on me les donne, vous les accusateurs, et toi l’accusé, répondez-moi. Es-tu innocent, mon enfant ? Réponds sincèrement à celui qui est pour toi le Sauveur.

– Je le suis, Seigneur.

– Aser, peux-tu jurer n’avoir dit que la vérité ?

– Je le jure. Je n’aurais pas de raison de mentir. Je le jure par l’autel. Que descende du ciel une flamme qui me brûle si je ne dis pas la vérité.

– Jacob, peux-tu jurer que ton accusation est sincère et que tu n’as pas quelque motif secret qui te pousse à mentir ?

– Je le jure par Yahvé. Seul l’amour pour mon ami assassiné me pousse à parler. Je n’ai rien de personnel contre ce jeune homme.

– Et toi, serviteur, peux-tu jurer d’avoir dit la vérité ?

– Je le jure mille fois, s’il le faut ! Mon maître ! Mon pauvre maître ! »

Il pleure en se cachant la tête de son manteau.

« C’est bien. Voici l’eau et voici la poussière. Et voici la parole : “ Toi, Père saint et Dieu très-haut, rends par mon intermédiaire le jugement de vérité pour que vie et honneur soient rendus à l’innocent et à sa mère désolée, et un juste châtiment à celui qui n’est pas innocent. Mais, de par la grâce que j’ai à tes yeux, que ni flamme ni mort, mais une longue expiation arrive à ceux qui ont commis ce péché. ” »

Il dit ces mots en tenant les mains étendues sur la cruche comme le fait le prêtre pendant la messe, à l’offertoire. Puis il y plonge sa main droite et, de sa main mouillée, il asperge les quatre hommes soumis au jugement et leur fait boire une gorgée de cette eau, d’abord au jeune homme, puis aux trois autres. Ensuite, il croise les bras et les observe.

248.10

La foule elle aussi regarde et, l’instant d’après, elle pousse un cri et se jette le visage contre terre. Alors les quatre hommes qui étaient alignés se regardent les uns les autres, et crient à leur tour. Le premier, le jeune homme, crie de stupeur, les autres d’horreur, car ils voient leurs visages couverts d’une lèpre subite, alors que le jeune homme en est indemne.

Le serviteur se jette aux pieds de Jésus qui s’écarte comme tout le monde, y compris les soldats, tout en prenant par la main le jeune Abel afin de lui éviter de se contaminer auprès des trois lépreux. Et le serviteur crie :

« Non ! Non ! Pardon ! Pas lépreux ! Ce sont eux qui m’ont payé pour retarder le maître jusqu’au soir, pour le frapper sur le chemin désert. Ils m’ont fait exprès déferrer la mule. Ils m’ont dit de mentir et de prétendre que j’étais venu en avant. Mais au contraire, j’étais avec eux pour le tuer et je dis aussi pourquoi ils l’ont fait : parce que Joël s’était aperçu que Jacob aimait sa jeune femme et parce qu’Aser voulait la mère d’Abel et qu’elle le repoussait. Ils se sont mis d’accord pour se débarrasser en même temps de Joël et d’Abel et jouir des femmes. J’ai parlé. Enlève-moi la lèpre, enlève-la-moi ! Abel, tu es bon, prie pour moi !

– Toi, va auprès de ta mère. Qu’en sortant de son évanouissement, elle voie ton visage et revienne à une vie tranquille. Quant à vous… Je devrais vous dire : “ Qu’il vous soit fait ce que vous avez fait. ” Et ce serait justice, une justice humaine. Mais je vous livre à une expiation surhumaine. La lèpre, dont vous êtes horrifiés, vous préserve d’être saisis et tués comme vous le méritez. Peuple de Bethléem, écartez- vous, ouvrez-vous comme les eaux de la mer pour les laisser aller vers leur longue galère. Galère terrible ! Plus atroce qu’une mort immédiate. Et c’est une grâce de pitié de Dieu pour leur donner la possibilité de se repentir, s’ils le veulent. Allez ! »

La foule se colle aux murs pour laisser libre le milieu du chemin. Les trois hommes, couverts de lèpre comme s’ils étaient malades depuis des années, s’en vont, l’un derrière l’autre, vers la montagne. Dans le silence du crépuscule qui descend et qui a fait taire toutes les voix d’oiseaux et de quadrupèdes, on n’entend que leurs pleurs.

« Purifiez le chemin à grande eau après y avoir allumé du feu. Quant à vous, soldats, allez rapporter que justice est faite, et cela conformément à la plus parfaite loi mosaïque. »

Jésus se dispose à se rendre là où sa Mère et Marie, sa tante, continuent à secourir la femme qui revient lentement à elle, pendant que son fils caresse ses mains glacées et les baise.

248.11

Mais les habitants de Bethléem le supplient avec un respect mêlé de crainte :

« Parle-nous, Seigneur. Tu es réellement puissant. Tu es certainement celui dont a parlé l’homme qui, en passant par ici, a annoncé le Messie.

– Je parlerai de nuit, près du bercail des bergers. Pour l’instant, je vais aider la mère à se rétablir. »

Il va donc trouver la femme, assise sur les genoux de Marie, femme d’Alphée. Elle se remet peu à peu en regardant le vi­sage affectueux de Marie qui lui sourit. Elle ne se rend pas bien compte de ce qui se passe jusqu’au moment où elle dirige son regard sur la chevelure noire de son fils qui est penché sur ses mains tremblantes, et elle demande :

« Je suis morte, moi aussi ? Ce sont les limbes ?

– Non, femme, c’est la terre et voici ton fils, sauvé de la mort. Et ici, voilà Jésus, mon Fils, le Sauveur. »

La femme a un premier mouvement, bien humain : elle rassemble ses forces et se tend en avant pour prendre la tête inclinée de son enfant. Elle le voit sain et sauf, l’embrasse avec frénésie, pleurant, riant, retrouvant tous les noms qu’elle lui donnait quand il était petit pour lui dire sa joie.

« Oui, maman, oui. Mais maintenant, ce n’est pas moi qu’il faut regarder, mais lui, lui qui m’a sauvé. Bénis le Seigneur. »

La femme, encore trop faible pour se lever ou se mettre à genoux, tend ses mains qui tremblent et saignent encore, saisit la main de Jésus et la couvre de baisers et de larmes.

Jésus lui pose sa main gauche sur la tête :

« Sois heureuse, en paix et sois toujours bonne. Et toi aussi, Abel.

– Non, mon Seigneur. Ma vie et celle de mon fils sont à toi parce que tu les as sauvées. Permets-lui d’aller avec les disciples, comme il le désirait déjà depuis qu’ils sont venus ici. Je te le donne avec une grande joie et je te prie de me permettre de le suivre pour le servir et servir les serviteurs de Dieu.

– Et ta maison ?

– Oh, Seigneur ! Est-ce que quelqu’un qui renaît à la vie peut avoir les sentiments qu’il avait avant de mourir ? Grâce à toi, Mirta est sortie de la mort et de l’enfer. Dans ce village, je pourrais en venir à haïr ceux qui m’ont torturée dans mon enfant. Or toi, tu prêches l’amour, je le sais. Permets donc à la pauvre Mirta d’aimer le Seul qui mérite l’amour, sa mission, ses serviteurs. Maintenant, je suis encore épuisée et ne pourrais te suivre. Mais, dès que je le pourrai, permets-le-moi, Seigneur. Je marcherai à ta suite et près de mon Abel…

– Tu suivras ton fils, et moi avec lui. Sois heureuse. Sois en paix, maintenant. Avec ma paix. Adieu. »

Et, pendant que la femme soutenue par son fils et quelques pieuses personnes rentre chez elle, Jésus, accompagné des bergers, des apôtres, de sa Mère et de Marie, femme d’Alphée, sort du village pour se rendre au bercail situé à l’extrémité d’une rue qui débouche sur la campagne…

248.12

… Un grand feu de bois a été allumé pour éclairer la réunion. Assis en demi-cercle dans les champs, un grand nombre de personnes attendent que Jésus vienne parler. Entre-temps, ils parlent des événements du jour. Abel est là lui aussi, avec beaucoup de gens qui le félicitent et prétendent que tous croyaient à son innocence.

« Pourtant, vous étiez prêts à me tuer ! Même toi qui m’avais salué à la porte de ma maison, à l’heure précise où Joël a été tué » ne peut se retenir de répondre le jeune homme.

Mais il ajoute :

« Mais moi, je te pardonne au nom de Jésus. »

Jésus arrive du bercail vers eux. Grand, vêtu de blanc, entouré par les apôtres, suivi par les bergers et les femmes.

« Paix à vous tous !

Si ma venue a servi à instaurer le Règne de Dieu parmi vous, béni soit le Seigneur. Si ma venue a servi à faire éclater une innocence, béni soit le Seigneur. Si le fait d’être arrivé à temps pour empêcher un crime sert aussi à donner à trois coupables un moyen de se racheter, béni soit le Seigneur.

Maintenant, cette journée nous incite à méditer sur un grand nombre de points, ce que nous allons faire pendant que la nuit descend pour envelopper de ténèbres la joie de deux cœurs et le remords de trois autres. Dans ses ténèbres, elle recouvre d’un voile pudique les pleurs de joie des premiers et les larmes brû­lantes des autres, que Dieu voit cependant. Au nombre de ces points, il nous est montré que rien n’est inutile de ce que Dieu a donné comme Loi.

248.13

La Loi donnée par Dieu est théoriquement très observée en Israël, mais en réalité ce n’est pas le cas. La Loi est là, analysée, disséquée, disloquée au point de la faire mourir par des tortures subtiles et mesquines. Elle est là. Mais comme un cadavre momifié est sans vie, sans respiration, sans circulation de sang bien qu’il ait l’apparence d’être seulement immobilisé par le sommeil, ainsi la Loi n’a ni vie, ni respiration, ni sang dans bien trop de cœurs. Sur une momie, on s’assoit comme sur un tabouret, sur une momie on peut poser des objets, des vêtements, même des ordures si on veut, et elle ne se révolte pas parce qu’elle n’a pas de vie. De même, trop de gens font de la Loi un tabouret, un appui, une décharge pour leurs ordures, certains qu’elle ne se révoltera pas dans leur conscience parce que, pour eux, elle est morte.

Je pourrais comparer une grande partie d’Israël aux forêts pétrifiées que l’on voit ici et là dans la vallée du Nil et dans le désert d’Egypte. C’étaient de nombreuses forêts d’arbres vivants, nourris par la sève, bruissants au soleil, couverts de beaux feuil­lages, de fleurs, de fruits. Ils faisaient du lieu où ils avaient poussé un petit paradis terrestre, cher aux hommes et aux animaux qui y oubliaient l’aridité désolée du désert, la soif ardente que le sable donne à l’homme par sa poussière brûlante qui pé­nètre dans la gorge. Ils oubliaient le soleil impitoyable qui, en peu de temps, calcifie les cadavres en les décharnant, en consumant les chairs en poussière, et en laissant couchés dans les vagues des sables, des squelettes et encore des squelettes polis comme par un ouvrier soigneux. Ils oubliaient tout sous cette ombre verte, bruissante, riche en eau et en fruits qui restauraient, consolaient, redonnaient du courage pour de nouveaux parcours.

Puis, pour une raison inconnue, comme des choses maudites, ces forêts se sont non seulement desséchées comme le font les arbres qui, bien que morts, servent encore à faire du feu dans les foyers de l’homme ou des brasiers pour éclairer la nuit, tenir les fauves au loin et chasser l’humidité de la nuit pour les voyageurs éloignés de tout village, mais ces arbres n’ont pas servi comme bois. Ils sont devenus de la pierre. De la pierre ! La silice du sol semble, par quelque sortilège, être montée des racines au tronc, aux branches, au feuillage. Puis les vents ont brisé les branches les plus faibles, devenues semblables à de l’albâtre, qui est tout à la fois dur et mou. Mais les branches les plus grosses restent là, sur leurs troncs puissants pour tromper les caravanes fatiguées, qui, sous les reflets éblouissants du soleil ou sous la lumière spectrale de la lune, voient se profiler les ombres des arbres qui se dressent sur des plaines ou au fond de vallées qui ne voient l’eau qu’aux époques des crues fécondes, cherchant avec angoisse un refuge, de quoi se restaurer, un puits, des fruits frais ; les yeux fatigués par le reflet du soleil sur les sables sans rien qui en abrite, les caravaniers se précipitent vers ces forêts fantômes. De vrais fantômes ! Apparences illusoires de corps vivants, présence réelle de choses mortes.

Je les ai vues. J’en ai gardé le souvenir – bien qu’à cette époque, je ne sois guère plus agé qu’un tout-petit –, comme l’une des plus tristes choses de la terre. C’est ainsi qu’elles m’étaient apparues tant que je n’ai pas pu toucher, mesurer, peser les choses de la terre qui sont totalement tristes car complètement mortes : ce qui est immatériel, c’est-à-dire les vertus et les âmes mortes. Les premières mortes dans les âmes, et les âmes elles-mêmes mortes parce qu’elles se sont tuées.

248.14

La Loi est en Israël, certes, mais à la manière des arbres pétrifiés dans le désert : devenue silice. Morte. Cause d’erreur, objet destiné à se corroder sans utilité. Objet nuisible, même, comme une forêt pétrifié parce qu’elle crée des mirages qui attirent en éloignant des vraies oasis, et font mourir de faim, de soif, de désolation, en abusant les plus affaiblis. Choses mortes qui en attirent d’autres à la mort, comme on le lit dans certains récits de mythes païens.

Aujourd’hui, vous avez eu un exemple de ce qu’est une Loi réduite à l’état de pierre dans une âme devenue elle aussi de pierre. C’est la source de toutes sortes de péchés et de malheurs. Que cela vous serve à savoir vivre et à savoir faire vivre la Loi en vous, dans son intégrité que, moi, j’éclaire par des lumières de miséricorde.

La nuit est profonde. Les étoiles nous regardent, et Dieu avec elles. Tournez les yeux vers le ciel étoilé et élevez votre âme vers Dieu. Et, sans critiquer les malheureux déjà punis par Dieu, sans tirer orgueil, de n’avoir pas péché comme eux, promettez à Dieu et à vous-mêmes de ne pas tomber dans l’aridité des plantes maudites des déserts et des vallées d’Egypte.

Que la paix soit avec vous. »

Il les bénit, puis se retire dans la vaste enceinte du bercail entouré de vieux portiques sous lesquels les bergers ont étendu une bonne couche de foin pour servir de lit aux serviteurs du Seigneur.

248.1

It is evening when they reach Bethlehem in Galilee. It is obvious that it is the destiny of towns with this name to lie on undulating hills covered with green, woods, meadows where flocks graze, descending to the folds at night. The sky is still red after a glorious sunset, which is just over, and the air is full of pastoral music of bells and trembling bleatings, which are joined by the merry shouting of children and by the voices of mothers calling them.

«Judas of Simon, go with Simon and find lodgings for us and for the women. There is an inn in the centre of the village and we shall meet you there.»

While Judas and Simon obey, Jesus turns to His Mother and says: «This time it will not be like the other Bethlehem. You will find where to rest, Mother. Few people move about at this time of the year and there is no edict.»

«In this season it would be pleasant to sleep also on meadows or amongst these shepherds and the little lambs» and Mary smiles at Her Son and at some little shepherds who are staring at Her curiously.

248.2

She smiles in such a way that one of them touches another with his elbow and whispers to him: «It must be Her» and he comes forward, sure of himself, saying: «Hail, Mary, full of grace. Is the Lord with You?»

Mary replies with an even sweeter smile: «There is the Lord» and She points to Jesus, Who has turned around to speak to His cousins, asking them to give alms to the poor who are approaching them with plaintive requests. And She touches Her Son lightly saying to Him: «Son, these little shepherds are looking for You and they have recognised Me. I do not know how…»

«Isaac must have been here and left the perfume of revelation. Young man, come here.»

The little shepherd, a little swarthy fellow, about twelve to fourteen years old, strong though lean, with very dark bright eyes, and an shock of ebony hair, clad in sheep skin – and he seems to me a young copy of the Precursor – approaches Jesus smiling happily, as if he were enchanted.

«Peace to you, boy. How did you recognise Mary?»

«Because only the Mother of the Saviour could have such a smile and countenance. I was told: “The countenance of an angel, eyes like stars and a smile sweeter than the kiss of a mother, as sweet as Her name, which is Mary, so holy as to be able to bend over the new-born God”. That is what I saw in Her and I greeted Her because I was looking for You. We were looking for You Lord, and… I did not dare greet You first.»

«Who spoke to you of Us?»

«Isaac, from the other Bethlehem, and he promised to take us to You in autumn.»

«Was Isaac here?»

«He is still in this area with many disciples. And he spoke to us shepherds. And we believed in his word,

248.3

Lord: allow us to adore You as our companions did on that blessed night» and while he kneels down on the dust of the road, he utters a cry to the other shepherds who have stopped their flocks at the gate of the town (gate so to say, because it is not a walled town), where also Jesus had stopped, waiting for the women to enter the town together.

The little shepherd shouts: «Father, brothers and friends, we have found the Lord. Come and worship Him.»

And the shepherds come crowding with their flocks around Jesus and they beg Him not to go elsewhere but to accept their poor house, which is not far, as a dwelling place for Himself and His friends. «It is a wide fold» they explain «because God protects us and there are rooms and porches full of fragrant hay. The rooms are for Mother and Her sisters, because they are women. But there is also one for You. The others can sleep with us in the porches, on the hay.»

«I shall stay with you, too. And I shall rest more pleasantly than if I slept in a king’s room. But let us go and tell Judas and Simon first.»

«I will go, Master» says Peter and he goes away with James of Zebedee.

They stop on the side of the road awaiting the return of the four apostles.

248.4

The shepherds look at Jesus as if He were already God in His glory. The younger ones are really delighted and they seem to be wishing to impress in their minds every detail of Jesus and Mary, who has bent to caress some lambs, which are rubbing their heads against Her knees and bleating.

«There was one, in the house of My relative Elizabeth, which used to lick My plaits every time it saw Me. I called it “friend”, because it was My friend, just like a child, and it came to Me every time it could. This one reminds Me of it with its eyes of two different shades. Do not kill it! Also the other was allowed to live because of its love for Me.»

«It’s a ewe-lamb Woman, and we were going to sell it, because of the different shades of its eyes and I think it can see very little with one of them. But we will keep it if You wish so.»

«Oh! yes! I would not like any little lamb to be killed… They are so innocent and with their child-like voices they seem to be calling their mothers. I would think I was killing a baby if I had to kill one of these.»

«But, Woman, if all the lambs were to live, there would be no room for us on the earth» says the oldest shepherd.

«I know. But I am thinking of their pain, and of the pain of their mothers. They weep so much when their little ones are taken away from them. They look like real mothers, like us. I cannot bear to see anybody suffer, but it tears My heart to see a mother tortured. It is a different grief from any other, because the shock for the loss of a son tears not only our hearts and brains, but our very wombs. We mothers are always united to our sons. And it tears us completely, when they are taken away from us.» Mary no longer smiles, but tears shine in Her blue eyes and She looks at Jesus Who is listening to Her and looks at Her, while She lays a hand on His arm, as if She were afraid He might be torn away from Her side.

248.5

A small escort of armed men arrives from a dusty road: six men together with some people who are shouting. The shepherds look and whisper something to one another. They then look at Mary and Jesus.

The oldest one says: «So it was a good job that You did not go into Bethlehem this evening.»

«Why?»

«Because those people, who passed by going to town, have gone to tear a son from his mother.»

«Oh! But why?»

«To kill him.»

«Oh! no! What has he done?»

Jesus also asks the same question and the apostles have gathered to hear.

«Rich Joel was found dead on the mountain road: he had been killed. He was coming back from Sicaminon with a lot of money. But he was not killed by highwaymen, because the money was still there. The servant, who was accompanying him, said that his master had told him to run ahead and inform relatives of their return, and on the way he saw the young man, whom they are now going to kill, going towards the place where the man was murdered. And two men of the town now swear that they saw the young man attack Joel. Joel’s relatives now demand his death. And if he is a murderer…»

«Do you not think he is?»

«I don’t think it is possible. The young man is a little older than a boy, he is good, and is always with his mother, as he is her only son and she is a widow and a holy living person. He is well off. He does not bother with women. He is neither quarrelsome nor foolish. So why did he kill?»

«Perhaps he has some enemies.»

«Who? Joel, the dead man, or Abel, the one who is accused?»

«The latter.»

«Ah! I would not know… But… No, I would not know.»

«Be frank, man.»

«Lord, it is something I am thinking of, and Isaac told us that we must not think ill of our neighbour.»

«But one must have courage to speak to save an innocent person.»

«If I speak, whether I am right or wrong, I shall have to flee from here, because Aser and Jacob are powerful.»

«Speak without fear. You will not have to flee.»

«Lord, Abel’s mother is young, beautiful and wise. Aser is not wise, neither is Jacob. The former likes the widow and the latter… everybody in town knows that the latter sleeps in Joel’s bed. I think that…»

«I see.

248.6

Let us go, My friends. You women stay here with the shepherds. I shall be back soon.»

«No, Son. I am coming with You.»

Jesus is already walking fast towards the centre of the town. The shepherds are uncertain as to what to do, but they leave the flocks to the younger ones, who stay with all the women, with the exception of the Blessed Virgin and Mary of Alphaeus, who follow Jesus and they go to meet the apostolic group.

At the third road crossing the main street in Bethlehem they meet the Iscariot, Simon, Peter and James, who are coming towards them gesticulating and shouting.

«What a terrible thing, Master! And how painful!» exclaims Peter who is deeply upset.

«A son torn off his mother to be killed, and she is defending him like a hyena. But she is a woman against armed men» adds Simon Zealot.

«Many parts of her body are already bleeding» says the Iscariot.

«They broke her door down because she had barricaded it» concludes James of Zebedee.

«I am going to her.»

«Oh! yes! You are the only one who can console her.»

248.7

They turn right, then left, towards the town centre. It is now possible to see the excited tumultuous crowd pressing near Abel’s house, and the heart-rending, inhuman, wild and, at the same time, pitiful shouting of a woman can be heard.

Jesus quickens His pace and arrives at a very small square, a widened curve of the street rather than a square, where the uproar is at its greatest.

The woman is still contending for her son with the guards, holding on with one hand, which is like an iron claw, to the ruin of the knocked down door, and to her son’s belt with the other one and she savagely bites anyone who tries to loosen her grip, notwithstanding they deal her many blows and pull her hair so cruelly as to throw her head back. When she does not bite she shouts: «Leave him! Murderers! He’s innocent! The night Joel was killed he was in bed beside me! Murderers! Slanderers! Foul Perjurers!»

And the young man, whom the armed men are holding by the shoulders and dragging by the arms, turns around terror-stricken and shouts: «Mother, mother! Why must I die if I have not done anything?»

He is a handsome tall slender young man, with dark mild eyes, and dark wavy hair. His torn garment shows the young agile body of an adolescent.

Jesus with the help of those who accompany Him, pushes His way through the crowd, as compact as a rock, and reaches the pitiful group just at the moment when the exhausted woman is torn away from the door and dragged along the stony road, like a sack, tied to the body of her son. But that lasts for only a few yards. A more violent jerk tears the mother’s hand off the young man’s belt and the woman falls prone on the ground beating the road with her face, which bleeds profusely. But she gets up on her knees, stretching out her arms, while her son, who is being dragged away swiftly, as far as the crowds allow as they open out with difficulty, frees his left arm and waves it, twisting around and shouting: «Mother! Goodbye! Remember, at least you, that I am innocent!». The woman looks at him with staring eyes, she then faints and drops to the ground.

248.8

Jesus stops before the group of captors. «Stop for one moment. I order you!» His countenance allows no objection.

«Who are You?» aggressively asks a citizen in the group. «We do not know You. Move aside and let us go so that he may be killed before night.»

«I am a Rabbi. The greatest. In the name of Jehovah stop, or He will strike you by lightning». In the meantime He seems to be striking by lightning. «Who are the witnesses against this man?»

«I, him and him» replies the man who had spoken before.

«Your testimony is not valid because it is false.»

«How can You say that? We are ready to swear it.»

«Your oath is a sin.»

«We are sinning? Are we?»

«You are. As you nurse your lust and your hatred, as you are greedy for wealth, as you are murderers, so you are also perjurers. You have sold yourselves to Filth. You are capable of any filthy deed.»

«Watch how You speak! I am Aser…»

«And I am Jesus.»

«You do not belong here, You are neither a priest nor a judge. You are nothing. You are a foreigner.»

«Yes, I am a Foreigner because the earth is not My Kingdom. But I am Judge and Priest. Not only of this small portion of Israel, but of the whole of Israel and of the whole world.»

«Let’s go, let’s go! We are dealing with a mad man» says the other witness and he gives Jesus a vigorous push to draw Him aside.

«You shall not take another step» thunders Jesus, whose majestic countenance subdues and paralyses, as it can give life and joy when He wishes. «You shall not take another step.

248.9

You do not believe what I am saying? Well, look. There is no dust[1] of the Temple here, or water from it, neither are there words written with ink to make the water bitter, which is judgement on jealousy and adultery. But I am here. And I will give judgement.» Jesus’ voice is so piercing that it sounds like a blare.

People throng to see. Only the Blessed Virgin and Mary of Alphaeus have stayed to help the mother who has fainted.

«And this is My judgement. Give me a pinch of dust from the road and a drop of water in a jug. And while they are being brought to Me, you who are accusing, and you who are accused, reply to Me. Are you innocent, son? Say so frankly to Him Who is your Saviour.»

«I am, Lord.»

«Aser can you swear that you have spoken but the truth?»

«I swear it. I have no reason to lie. I swear it by the altar. May fire descend from Heaven and burn me if I am not telling the truth.»

«Jacob, can you swear that you are sincere in accusing and that there is no secret motive urging you to lie?»

«I swear by Jehovah. Only the love for my slain friend induces me to speak. I have no personal grudge against him.»

«And you, servant, can you swear that you have told the truth.»

«I will swear it a thousand times, if necessary! My master, my poor master!» and he covers his head with his mantle.

«Good. Here is the water and here is the dust. And this is the word. “Holy Father and Most High God, pass judgement on truth through Me, so that life and honour may be given to the innocent man and to the anguished mother, and suitable punishment to those who are not innocent. But because of the grace, which I enjoy in Your eyes, let neither fire nor death, but a long expiation come to them who have committed sin”.»

He says these words stretching His hand over the pitcher, as priests do at the altar, during Mass at offertory. He then dips His right hand into the pitcher and with His wet hand He sprays the four men under judgement and makes each drink a drop of water: first the young fellow and then the others. He then folds His arms across His chest and looks at them.

248.10

Also the crowds look, but after a few moments they utter a cry and throw themselves down, with their faces on the ground. The four men then, who are lined up, look at one another and shout in turn: the young man out of amazement, the others out of horror because they see their faces covered with sudden leprosy, whereas the young fellow is immune from it.

The servant throws himself at the feet of Jesus, Who steps aside, like everybody else, including the soldiers, and taking young Abel by the hand draws him away as well, so that he may not become contaminated near the three lepers. And the servant shouts: «No! No! Forgive me! I am a leper! They paid me to delay my master until evening, so that they could kill him on the desert road. They made me unshoe his mule on purpose. They instructed me how to lie saying that I had come ahead. Instead I was with them killing him. And I will also tell You why they did it. Because Joel had found out that Jacob was in love with his young wife and because Aser wanted the mother of this young man and she refused him. So they made an agreement to get rid of Joel and Abel at the same time and then have a nice time with the women. I have told You everything. Cleanse me of my leprosy! Abel, you are good, pray for me!»

«Abel, go to your mother, so that when she comes round she may see your face and thus come back to life happily. And you… I should say to you: Let it be done to you what you have done”. And it would be human justice. But I am entrusting you to a superhuman expiation. The leprosy, which you abhor, saves you from being seized and killed as you deserve. People of Bethlehem, step aside, open out, as the water of the sea did and let these men go to their long imprisonment. A dreadful imprisonment! More dreadful than sudden death. Divine pity has granted them the possibility to make amends, if they wish so. Go!»

The crowds throng against the walls of houses leaving the centre of the road free, and the three men, covered with leprosy as if they had been affected by the disease for years, go towards the mountain, walking one behind the other. In the silence of approaching twilight, when all birds and animals become quiet only their moaning can be heard.

«Purify the street with plenty of water, after lighting fires on it. And you, soldiers, go and report that justice has been done according to the most perfect Mosaic Law.» And Jesus is about to go where His Mother and Mary of Clopas are still assisting the woman who is coming to herself slowly, while her son is caressing and kissing her cold hands.

248.11

But the people of Bethlehem with almost terrified respect beg Him: «Speak to us, Lord. You are really powerful. You are certainly the One mentioned by the man who came here announcing the Messiah.»

«I will speak to you tonight, near the fold of the shepherds. I am now going to comfort Abel’s mother.»

And He goes to the woman, who is sitting on the lap of Mary of Alphaeus and is recovering her senses. She looks at the loving face of Our Lady Who smiles at her, but she is not fully aware of the situation until her eyes rest on the dark haired head of her son bent over her trembling hands, and she asks: «Am I dead, too? Is this Limbo?»

«No, woman. This is the Earth. This is your son saved from death. And this is Jesus, My Son, the Saviour.»

The first reaction of the woman is simply human. She collects all her strength and leans forward to take the bent head of her son in her hands, she sees that he is safe and sound, she kisses him frantically, weeping, laughing, repeating all possible pet names to express her joy.

«Yes, mother, yes. But now look, not at me, at Him, at Him Who saved me. Bless the Lord.»

The woman, still too weak to stand up or get up on her knees, stretches out her trembling bleeding hands and takes Jesus’ hand kissing and wetting it with tears.

Jesus lays His left hand on her head saying to her: «Be happy. In peace. And be always good. And you, too, Abel.»

«No, my Lord. My son’s life and mine are Yours, because You have saved them. Let him go with Your disciples, as he has been wishing to, since they were here. I offer him to You with so much joy and I beg You to allow me to follow him, to serve him and the servants of God.»

«And what about your house?»

«Oh! Lord! Can one risen from death have the same affections one had before dying? Myrtha has come back from death and out of hell through You. In this town I may go as far as hating those who tortured me through my child. And You preach love. I know. So let poor Myrtha love the Only One Who deserves love, and let her love His mission and His servants. Just now I am still exhausted and I would not be able to follow You. But allow me, my Lord, to do so as soon as I am fit. I will follow You and be with my Abel…»

«You will follow your son and Me. Be happy and in peace now. With My peace. Goodbye.»

And while the woman goes into her house supported by her son and other kind people, Jesus leaves the town with the shepherds, the apostles, His Mother and Mary of Alphaeus, and goes towards the fold, which is situated at the end of a road, in the fields.

248.12

… A bonfire lights up the meeting. Many people sitting in semicircles are waiting for Jesus to come and speak to them. In the meantime they are talking of the events of the day. Abel is there as well and many congratulate him stating that everybody believed in his innocence.

The young man cannot help replying: «But you were still prepared to kill me! Even you who had greeted me at the doorstep of my house, just at the time Joel was killed» And he adds: «But I forgive you in Jesus’ name.»

Jesus is now coming from the fold towards them: tall, clad in white, surrounded by the apostles, followed by the shepherds and women.

«Peace to you all.

If My coming here has served to establish the Kingdom of God among you, blessed be the Lord. If My coming here has served to make innocence shine, blessed be the Lord. If My coming here in time to prevent a crime also serves the purpose of giving three culprits the possibility of redeeming themselves, blessed be the Lord. Of all the many things on which this day induces us to meditate, and on which we shall be meditating while night falls to wrap in its darkness the joy of two hearts and the remorse of three others – and in its darkness it hides, as in a chaste veil, the joyful tears of the former and the bitter ones of the latter, which, however God sees – there is one thing which points out that there is nothing useless in what God gave as His Law.

248.13

The Law given by God, nominally, is strictly observed in Israel. But in actual fact it is not. The Law is analysed, dissected, hashed, to the extent of causing it to die through the torture of petty quibbles. It is there. But as a mummified body has no life, no breathing and no blood circulation, notwithstanding it looks like a body that is motionless because fast asleep, so the Law has no life, no breathing, no blood in far too many hearts. One can sit on a mummy as on a stool. One can lay things on a mummy, such as clothes, even filth, if one wishes, and the mummy will not rebel, because it has no life. Likewise too many people make a stool of the Law, a place where to lay things or discharge their filth, sure that it will not rebel in their consciences, which are dead.

I could compare a large portion of Israel to the petrified forests that one can see strewn in the Nile Valley and in the Egyptian desert. They were woods, woods of living trees, nourished with sap, rustling in the sunshine, with beautiful leaves, flowers and fruit. They made of the spot where they came up a small earthly paradise, dear to men and to animals, who forgot the desolate aridity of the desert, the parching thirst which sand causes to man, penetrating his throat with burning dust. They forgot the merciless sun that calcifies corpses in a short time, removing their flesh and turning it into dust, leaving clean skeletons stretched on the sand, so clean that they look as if they had been diligently polished by a workman. They forgot everything in the green rustling shade, rich in water and fruit, which refreshened and comforted them and gave them energy for new journeys.

Then, for some unknown reason, like cursed things, they withered like trees that after dying still serve to light fires for man, or bonfires to illuminate the night to keep away wild animals, or disperse the dampness of the night for pilgrims far from their houses. But those did not serve as firewood. They became like stones. The silica of the soil seemed to have climbed from the roots up to the trunk, the branches and leaves, through witchcraft. The winds then broke the thinner branches, which had become like alabaster, which is hard and soft at the same time. But the stronger branches are still there, on the powerful trunks, to deceive tired caravans. In fact in the dazzling reflection of the sun or the spectral moonlight caravans can see the shadows of the straight trunks stand out on tablelands or at the bottom of valleys, which receive water only at the time of the fertile floods, and they rush towards the phantom forests, both because they are anxious to find shelter, refreshment, water and fresh fruit, and because their tired eyes are dazzled by the sun shining on the shadeless sand. True phantoms! Illusive likeness of living bodies. Real presence of dead things.

I saw them. Although I was little older than a baby, I remember them as one of the saddest things on the Earth. That is how they appeared to Me, until I touched, experienced, and weighed the entirely sad things of the Earth, because they are completely dead things. Immaterial things, that is dead virtues and dead souls. The former are dead in souls, the latter are dead because they killed themselves.

248.14

There is the Law in Israel. But it is there like the petrified trees in the desert that have become silica, death, deceit. They are things destined to wear away without being of any use. And more than that, they are harmful, because they cause mirages that allure people diverting them from true oases and thus cause them to die of thirst, hunger and desolation. They are death, attracting others to death, as we read in certain tales of pagan myths.

You have had an example today of what a Law is when it is reduced to stone in a soul that has also become stone. It is all kinds of sins and the cause of misfortune. May this serve you to learn how to live and to let the Law live within you, in its integrity, which I enlighten with the light of mercy.

It is the dead of night. The stars are looking down at us and God is looking down at us as well. Look up to the starry sky and elevate your souls to God. And without criticising the unhappy men already punished by God, and without any pride of being free from such sins, promise to God and to yourselves that you will not fall into the aridity of the cursed trees in the Egyptian deserts and valleys.

Peace be with you.»

He blesses them and then withdraws into the large fold enclosure, surrounded by rustic porches under which the shepherds have spread much hay as beds for the servants of the Lord.


Notes

  1. la poussière, etc, sont les éléments qui servent à accomplir le jugement de Dieu prescrit en Nb 5, 11-31.

Notes

  1. dust, etc… the necessary elements to fulfil the judgement of God as prescribed in Numbers 5:11-31.