The Writings of Maria Valtorta

312. Jésus annonce à Jean d’En-Dor qu’il l’envoie à Antioche.

312. Jesus informs John of Endor

312.1

C’est une pluvieuse matinée d’hiver. Jésus est déjà levé et, dans son atelier, il travaille à de petits objets. Mais il y a dans un coin de la pièce un tout nouveau métier à tisser, pas très grand mais bien tourné.

Marie entre avec une tasse fumante de lait.

« Bois, Jésus. Il y a si longtemps que tu es levé ! Le temps est froid et humide …

– Oui. Mais, au moins, j’ai pu tout finir… Ces huit jours de fête avaient paralysé le travail… »

Jésus s’est assis sur l’établi de menuisier, un peu de biais, et il boit son lait pendant que Marie observe le métier et le caresse de la main.

« Tu le bénis, Maman ? demande Jésus en souriant.

– Non, je le caresse parce que c’est toi qui l’as fait. La bénédiction, tu la lui as donnée en le fabriquant. Tu as eu une bonne idée. Il rendra service à Syntica. Elle est très adroite pour le tissage. Et il lui servira pour approcher des femmes et des jeunes filles. Qu’as-tu fait d’autre, car je vois des copeaux d’olivier, me semble-t-il, près du tour ?

– J’ai fabriqué des objets utiles pour Jean d’En-Dor. Tu vois ? Un étui pour les styles et une petite table pour écrire. Et puis ces pupitres pour y renfermer ses livres. Je n’aurais pas pu faire cela si Simon, fils de Jonas, n’avait pas pensé à un petit char. Mais maintenant, nous pourrons y charger aussi ces meubles… et eux sentiront que je les ai aimés jusque dans ces petites attentions…

– Tu souffres de les éloigner, n’est-ce pas ?

– Je souffre… Pour moi et pour eux. J’ai attendu jusqu’à présent pour leur en parler… et c’est déjà beaucoup que Simon ne soit pas encore arrivé avec Porphyrée… C’est le moment de parler… Une souffrance qui m’est restée sur le cœur tous ces jours et qui a même attristé les lumières des nombreuses lampes… Une souffrance que maintenant je dois faire subir aux autres… Ah ! Maman, j’aurais voulu être seul à en souffrir !

– Mon bon Fils ! »

Marie lui caresse la main pour le consoler.

312.2

Un silence, puis Jésus reprend la parole :

« Jean est-il levé ?

– Oui. Je l’ai entendu tousser. Peut-être est-il à la cuisine pour boire du lait. Pauvre Jean !… »

Une larme coule sur les joues de Marie. Jésus se lève :

« J’y vais… Je dois aller le lui dire. Avec Syntica, ce sera plus facile… Mais pour lui… Maman, va trouver Marziam, réveille-le, et priez pendant que je parle à cet homme… C’est comme si je devais fouiller dans ses entrailles. Je pourrais le tuer ou le paralyser spirituellement… Quelle peine, mon Père !… J’y vais… »

Et il sort, réellement accablé.

Il fait les quelques pas qui mènent de l’atelier à la chambre de Jean, qui est la même où est mort Jonas, c’est-à-dire celle de Joseph. Il rencontre Syntica qui rentre avec un fagot qu’elle a pris dans le four et qui le salue, sans rien savoir. Il répond, absorbé, au salut de la Grecque, puis reste immobile à regarder un parterre de lys qui entrouvrent à peine leurs boutons. Mais il n’est pas sûr qu’il les voie… Enfin, il se décide. Il se retourne et frappe à la porte de Jean qui se présente et dont tout le visage s’éclaire en voyant que Jésus vient le trouver.

« Puis-je entrer un peu chez toi ? lui demande Jésus.

– Oh, Maître ! Mais toujours !

312.3

J’étais en train d’écrire ce que tu disais hier soir sur la prudence et l’obéissance. D’ailleurs, il vaudrait mieux que tu le regardes, car il me semble n’avoir pas tout retenu de ce que tu as dit sur la prudence. »

Jésus est entré dans la petite pièce, déjà bien rangée, dans laquelle on a ajouté une petite table pour la commodité du vieux maître. Il se penche sur le parchemin et lit.

« C’est parfait. Tu as bien transcrit.

– Voilà, tu vois. Il me semblait m’être mal expliqué dans cette phrase. Tu dis toujours qu’il ne faut pas se faire de soucis pour le lendemain et pour son corps. Maintenant, dire que la prudence, même pour les choses qui se rapportent au lendemain, est une vertu, cela me paraissait une erreur qui venait de moi, naturellement.

– Non. Tu ne t’es pas trompé. C’est bien ce que j’ai dit. Le souci exagéré et apeuré de l’égoïste est différent du soin prudent du juste. C’est un péché que l’avarice pour le lendemain dont peut-être nous ne jouirons jamais, mais ce n’est pas un péché que l’économie pour se garantir le pain, à soi et à sa famille, en période de disette. C’est un péché que le soin égoïste de son propre corps, en exigeant que ceux qui sont autour de nous s’en préoccupent, en s’épargnant tout travail et tout sacrifice de peur que la chair n’en souffre ; mais ce n’est pas un péché de le préserver de maladies inutiles qu’on attrape par imprudence et qui sont une charge pour la famille et une perte de travail fructueux pour nous. Dieu a donné la vie. C’est un don qui vient de lui. Nous devons en user saintement, avec prévoyance et sans égoïsme.

312.4

Tu vois ? Parfois la prudence conseille des actions qui, pour des sots, peuvent paraître lâcheté ou inconstance, alors qu’elles ne sont que simples précautions, conséquences de faits nouveaux qui se sont présentés. Par exemple : si je t’envoyais maintenant justement au milieu de gens qui pourraient te nuire… les parents de ta femme par exemple, ou les gardiens des mines où tu as travaillé, ferais-je bien ou mal ?

– Moi… je ne voudrais pas te juger, mais je dirais qu’il vaudrait mieux m’envoyer ailleurs, là où il n’y a pas à craindre que mon peu de vertu soit mis à trop dure épreuve.

– Exactement ! Tu jugerais avec sagesse et prudence. C’est pour cela que je ne t’enverrais jamais en Bithynie ou en Mysie où tu es déjà allé, et pas non plus à Cintium bien que toi, spirituellement, aies désiré y retourner. Ton âme pourrait s’y trouver accablée par de nombreuses duretés humaines et pourrait revenir en arrière. La prudence, donc, enseigne à ne pas t’envoyer là où tu serais inutile alors que je pourrais t’envoyer ailleurs, là où ce serait profitable pour moi, pour les âmes du prochain et la tienne. N’est-ce pas ? »

Ignorant ce que le destin lui réserve, Jean ne saisit pas les allusions de Jésus à une possible mission hors de Palestine. Jésus étudie son visage et le voit calme, heureux de l’écouter, et de répondre :

« Sûrement, Maître, je serais plus utile ailleurs. Moi-même quand, il y a quelques jours, j’ai dit : “ Je voudrais aller chez les païens donner le bon exemple là où j’ai donné le mauvais exemple ”, je me le suis reproché en me disant : “ Chez les païens, oui, parce que tu n’as pas les préventions des autres d’Israël. Mais pas à Cintium, non, ni sur les monts désolés où tu as vécu comme un galérien et un loup, aux mines de plomb et aux carrières de marbre précieux. Tu ne pourrais pas y revenir, même par soif de sacrifice absolu. Ton cœur serait bouleversé par des souvenirs cruels, et si tu venais à être reconnu, même s’ils ne se jetaient pas sur toi, ils diraient : ‘ Tais-toi, assassin ! Nous ne pouvons pas t’écouter ’ et il serait donc inutile d’y aller. ” Voilà ce que je me suis dit. Et c’est une pensée juste.

312.5

– Tu vois donc que tu possèdes aussi la prudence. Moi aussi, je la possède. C’est pour cela que je t’ai épargné les fatigues de l’apostolat comme les autres l’exercent et que je t’ai amené ici dans le repos et la paix.

– Ah oui ! Quelle paix ! Si je vivais cent ans ici, elle serait toujours la même. C’est une paix surnaturelle. Et si je partais, je l’emmènerais avec moi, même dans l’autre vie… Les souvenirs pourront encore me troubler le cœur et les offenses me faire souffrir, car je suis un homme. Mais je ne serais plus capable de haïr car, ici, la haine a été stérilisée pour toujours, jusque dans ses surgeons les plus lointains. Je n’ai même plus d’antipathie pour la femme, moi qui la regardais comme l’animal le plus immonde et le plus méprisable de la terre. Ta Mère est hors de cause. Elle, je l’ai vénérée dès que je l’ai vue, car je l’ai sentie différente de toutes les femmes. Elle est le parfum de la femme, mais de la femme sainte. Qui n’aime pas le parfum des fleurs les plus pures ? Mais les autres femmes aussi m’ont réconcilié avec la femme : les disciples bonnes, affectueuses, patientes sous leur fardeau de chagrin, comme Marie, femme de Cléophas, et Elise, généreuses comme Marie de Magdala, si absolue dans son changement de vie, ou bien douces et pures comme Marthe et Jeanne, ou encore dignes, intelligentes, toutes pensée et rectitude comme Syntica. Cette dernière, je te l’avoue, est celle que je préfère. Son affinité d’esprit me la rend chère, et son affinité de condition – elle comme esclave, moi comme galérien – me permet d’avoir pour elle la confiance que la différence des autres m’interdit. Syntica est pour moi un repos. Je ne saurais te dire avec précision ce qu’elle représente pour moi et comment je la considère. Comme je suis vieux par rapport à elle, je la vois comme ma fille, la fille sage et studieuse que j’avais désiré avoir… Je suis un malade qu’elle soigne avec beaucoup d’affection, je suis un homme triste et solitaire qui ai pleuré et regretté ma mère toute ma vie, et cherché la femme-mère dans toutes les femmes sans la trouver : or voilà que je trouve en elle la réalité de mon rêve, et je sens descendre la rosée d’une affection maternelle sur ma tête lasse et sur mon âme qui va à la rencontre de la mort … Tu vois qu’en sentant en Syntica une âme de fille et de mère, je sens en elle la perfection de la femme et, grâce à elle, je pardonne tout le mal qui m’est venu de la femme. Si, par quelque hasard impossible, cette malheureuse qui fut mon épouse et que j’ai tuée, ressuscitait, je sens que je lui pardonnerais, car maintenant j’ai compris l’âme féminine, facilement affectueuse, ardente quand elle se donne… que ce soit au mal ou au bien.

– Je suis très heureux que tu aies trouvé tout cela en Syntica. Elle sera pour toi une bonne compagne pour le reste de ta vie et vous ferez ensemble beaucoup de bien. Aussi, je vous associerai… »

Jésus scrute Jean de nouveau. Mais il n’y a aucun signe que l’attention du disciple, qui pourtant n’est pas superficiel, ait été éveillée. Quelle miséricorde divine lui voile jusqu’au moment décisif la sentence ? Je ne sais. Je sais que Jean sourit en disant :

« Nous chercherons à te servir du meilleur de nous-mêmes.

– Oui. Et je suis même certain que vous le ferez sans discuter le travail et le lieu que je vous attribuerai, même si ce n’est pas celui que vous désirez… »

312.6

Jean a un premier pressentiment de ce qui l’attend. Il change de visage et de couleur. Il devient sérieux et pâlit. Son œil unique, attentif et scrutateur, fixe maintenant le visage de Jésus qui poursuit :

« Te souviens-tu, Jean, qu’un jour, pour calmer tes doutes sur le pardon de Dieu, je t’ai dit[1] : “ Pour te faire comprendre la Miséricorde, je t’emploierai à des œuvres spéciales de miséricorde et j’aurai pour toi les paraboles de la miséricorde ” ?

– Oui. Et ce fut vrai. Tu m’as persuadé et m’as accordé justement de faire des œuvres de miséricorde et je dirais les plus délicates comme les aumônes, et l’instruction d’un enfant, d’un Philistin et d’une Grecque. Cela m’a montré que Dieu avait bien connu mon vrai repentir, et l’avait vu réel, pour me confier des âmes innocentes ou des âmes à convertir afin que je les forme à lui. »

Jésus embrasse Jean et l’attire contre lui dans l’attitude qu’il a habituellement avec l’autre Jean et, pâlissant sous la peine qu’il doit causer, il dit :

« Maintenant encore, Dieu te confie une tâche délicate et sainte. Une tâche de prédilection. Toi seul, qui es généreux, qui es sans étroitesses ni préventions, qui es sage, et surtout qui t’es offert[2] à tous les renoncements et à toutes les pénitences pour expier ce reste de purification, cette dette que tu avais encore envers Dieu, toi seul peux le faire. Tout autre s’y refuserait, et aurait raison, parce qu’il manquerait de ce qui est requis et nécessaire. Aucun de mes apôtres ne possède tout ce que tu as, toi, pour aller préparer les voies du Seigneur… D’ailleurs, tu t’appelles Jean. Tu seras donc un précurseur de ma Doctrine… tu prépareras les chemins pour ton Maître… tu remplaceras même le Maître qui ne peut aller aussi loin… (Jean sursaute et cherche à se libérer du bras de Jésus pour le regarder en face, mais sans y parvenir car l’étreinte de Jésus est douce mais autoritaire pendant que sa bouche donne le coup de grâce…)… Ne peut aller aussi loin… jusqu’en Syrie… à Antioche…

312.7

– Seigneur ! » s’écrie Jean en se libérant violemment de l’embrassement de Jésus. « Seigneur ! A Antioche ? Dis-moi que j’ai mal compris ! Dis-le-moi, par pitié !… »

Il est debout… toute supplication dans son œil unique, dans son visage qui a pris la couleur de la cendre, dans ses lèvres qui tremblent, de même que ses mains tendues en avant, dans sa tête qui paraît s’incliner vers la terre comme s’il était accablé par la nouvelle.

Mais Jésus ne peut dire : « Tu as mal compris. » Il ouvre les bras, se levant à son tour pour accueillir sur son cœur le vieux pédagogue, et il confirme :

« A Antioche, oui. Dans la maison de Lazare, avec Syntica. Vous partirez demain ou après-demain. »

La désolation de Jean est vraiment déchirante. Il se dégage à moitié de l’étreinte de Jésus et, visage contre visage, baigné de larmes qui coulent sur ses joues amaigries, il s’écrie :

« Ah ! Tu ne me veux plus avec toi ! En quoi t’ai-je déplu, mon Seigneur ? »

Puis il se dégage et tombe sur la table, secoué par des sanglots déchirants, torturants, entrecoupés de quintes de toux, sourd à toutes les caresses de Jésus, et murmurant :

« Tu me chasses, tu me chasses, je ne te verrai jamais plus… »

Jésus souffre visiblement et il prie… Puis il sort doucement et voit sur le pas de la porte de la cuisine Marie, avec Marziam qui est effrayé par ces pleurs… En outre, il y a là Syntica, surprise elle aussi.

« Mère, viens ici un moment. »

Très pâle, Marie vient aussitôt. Ils entrent ensemble. Marie se penche sur l’homme qui pleure, comme si c’était un pauvre enfant, en disant :

« Allons ! Allons ! Mon pauvre fils ! Pas comme ça ! Tu vas te faire du mal. »

Jean lève son visage bouleversé et crie :

« Il me renvoie !… Je vais mourir seul, au loin…Ah ! Il pouvait bien attendre quelques mois et me laisser mourir ici. Pourquoi cette punition ? En quoi ai-je péché ? T’ai-je causé des ennuis ? Pourquoi m’avoir donné cette paix pour ensuite… pour ensuite… »

Il retombe sur la table, pleurant plus fort, haletant… Jésus pose sa main sur ses épaules maigres qui tressautent :

« Peux-tu donc croire que, si je l’avais pu, je ne t’aurais pas gardé ici ? Oh, Jean ! Sur la route du Seigneur il y a de terribles nécessités ! Et le premier à en souffrir, c’est moi. Moi, qui porte ma douleur et celle de tout le monde. Regarde-moi, Jean. Regarde si mon visage est celui de quelqu’un qui te hait, qui est las de toi… Viens ici, dans mes bras, écoute comme mon cœur palpite de douleur ! Ecoute-moi, Jean, ne me comprends pas mal. C’est la dernière expiation que Dieu t’impose pour t’ouvrir les portes du Ciel.

312.8

Ecoute… »

Il le soulève et le tient dans ses bras.

« Ecoute… Maman, sors un moment… Maintenant que nous sommes seuls, écoute. Tu sais qui je suis. Crois-tu fermement que je suis le Rédempteur ?

– Et comment ne le croirais-je pas ? C’est pour cela que je voulais rester avec toi, toujours, jusqu’à la mort…

– Jusqu’à la mort… ma mort sera horrible !

– Je parle de la mienne. De la mienne !

– La tienne sera paisible : tu seras réconforté par ma présence qui t’infusera la certitude de l’amour de Dieu, et par l’amour de Syntica ; en outre, tu auras la joie d’avoir préparé le triomphe de l’Evangile à Antioche. Mais la mienne ! Tu me verrais réduit à un amas de chair couverte de plaies et de crachats, outragée, abandonnée à une foule furieuse, pendue à une croix pour mourir comme un malfaiteur… Est-ce que tu pourrais supporter cela ? »

Jean, qui à chaque détail de ce que Jésus sera dans la Passion, a gémi : “ Non, non ! ” crie un “ non ” brutal et ajoute :

« J’en reviendrais à haïr l’humanité… Mais moi, je serai mort, parce tu es jeune et…

– Et je ne verrai plus qu’une Encénie. »

Jean le fixe, l’air terrifié…

« Je te l’ai dit en secret pour t’expliquer que c’est l’une des raisons pour lesquelles je t’envoie au loin. Tu ne seras pas seul à avoir ce sort. Tous ceux à qui je veux éviter d’être troublés d’une manière supérieure à leurs forces, je les éloignerai auparavant. Cela te paraît-il être un manque d’amour ?…

– Non, mon Dieu martyr… Pourtant, moi je dois te quitter… et mourir au loin.

– Au nom de la Vérité que je suis, je te promets que je serai penché sur l’oreiller de ton agonie.

– Et comment cela, si je suis aussi loin, et si tu me dis que, toi, tu ne vas pas si loin ? C’est pour me renvoyer moins triste…

– Jeanne, femme de Kouza, qui se mourait au pied du Liban, m’a vu : j’étais bien loin et elle ne me connaissait pas encore, et de là je l’ai ramenée à la pauvre vie de la terre. Crois qu’au jour de ma mort elle regrettera d’avoir vécu !… Mais pour toi, joie de mon cœur en cette seconde année du Maître, je ferai davantage : je viendrai te porter dans la paix, en te donnant la mission de dire à ceux qui attendent : “ L’heure du Seigneur est arrivée. De même que le printemps arrive maintenant sur la terre, le printemps du Paradis se lève pour nous. ” Mais je ne viendrai pas seul à ce moment-là… Je viendrai, tu me sentiras toujours… Moi, je le peux et je le ferai. Tu posséderas le Maître en toi, comme jamais tu ne m’as possédé. Car l’Amour peut se communiquer à celui qu’il aime et assez sensiblement pour toucher non seulement l’âme, mais les sens eux-mêmes.

312.9

Es-tu plus tranquille maintenant, Jean ?

– Oui, mon Seigneur. Mais quelle douleur !

– Tu ne te révoltes pas, pourtant…

– Me révolter ? Jamais ! Je te perdrais tout à fait. Je dis “ mon ” Notre Père : Que ta volonté soit faite.

– Je savais que tu allais me comprendre… »

Il l’embrasse sur les joues où coulent des larmes continuelles bien qu’apaisées.

« Me laisses-tu saluer l’enfant ?… C’est une autre douleur… Je l’aimais bien… »

Ses larmes redoublent…

« Oui. Je l’appelle tout de suite… Et j’appelle aussi Syntica. Elle aussi va souffrir… tu dois l’aider, toi, homme…

– Oui, Seigneur. »

Jésus sort pendant que Jean pleure ; il embrasse et caresse les murs et les objets de la petite pièce accueillante.

Marie et Marziam entrent ensemble.

« Oh, Mère ! Tu as entendu ? Tu le savais ?

– Je le savais et je m’en affligeais… Mais moi aussi, je me suis séparée de Jésus… Et je suis sa Mère…

– C’est vrai !… Marziam, viens ici. Tu sais que je pars et que nous ne nous reverrons plus ? »

Il veut être courageux, mais il prend l’enfant dans ses bras, s’assied sur le bord du lit, et pleure, pleure sur la tête brune de Marziam qui est bien près de l’imiter.

312.10

Jésus entre avec Syntica qui demande :

« Pourquoi tant de larmes, Jean ?

– Il nous renvoie, tu ne le sais pas ? Tu ne le sais pas encore ? Il nous envoie à Antioche !

– Eh bien ? N’a-t-il pas dit[3] que là où deux sont réunis en son nom, il est au milieu d’eux ? Allons, Jean ! Jusqu’à présent peut-être, tu as choisi ton sort toi-même et cela t’effraie de subir une autre volonté, même venant de l’amour. Moi… moi, j’ai l’habitude de subir le sort que m’impose autrui. Et quel sort !… Aussi je me soumets volontiers à ce nouveau destin. Eh quoi ? Je ne me suis pas révoltée contre un esclavage despotique autrement que lorsqu’on a voulu l’exercer sur mon âme. Et je devrais maintenant me révolter contre ce doux esclavage d’amour qui ne blesse pas, mais élève notre âme et nous confère le titre et la réalité d’être ses serviteurs ? Tu as peur de demain, parce que tu souffres ? Moi, je travaillerai pour toi. Tu as peur de rester seul ? Mais moi, je ne te quitterai jamais. Tu peux en être certain. Je n’ai pas d’autre but dans ma vie que d’aimer Dieu et mon prochain. Tu es le prochain que Dieu me confie. Imagine combien tu me seras cher !

– Vous n’aurez pas besoin de travailler pour vivre, car vous êtes dans la maison de Lazare. Mais je vous conseille de vous servir des méthodes d’enseignement pour approcher le peuple : toi, comme maître, toi, femme, par tes travaux féminins. Cela servira à l’apostolat et donnera un but à vos journées.

– Ce sera fait, Seigneur » répond avec fermeté Syntica.

312.11

Jean est toujours avec l’enfant dans ses bras et il pleure doucement. Marziam lui fait une caresse…

« Tu te souviendras de moi ?

– Toujours, Jean, et je prierai pour toi… Même… Attends un moment… »

Il sort en courant. Syntica demande :

« Comment irons-nous à Antioche ?

– Par la mer. Tu as peur ?

– Non, Seigneur, puisque c’est toi qui nous envoies, et cela nous protégera.

– Vous voyagerez avec les deux Simon, mes frères, les fils de Zébédée, André et Matthieu. Vous irez d’ici à Ptolémaïs sur un char où l’on mettra les coffres et un métier à tisser que j’ai fait pour toi, Syntica, ainsi que quelques objets utiles pour Jean…

– J’avais bien soupçonné quelque chose en voyant les coffres et les vêtements, et j’ai préparé mon âme au détachement. C’était trop beau de vivre ici !… »

Un sanglot qu’elle retient brise la voix de Syntica. Mais elle se reprend pour soutenir le courage de Jean. Et c’est d’une voix raffermie qu’elle demande :

« Quand partirons-nous ?

– Dès l’arrivée des apôtres, peut-être demain.

– Alors, si tu permets, je vais ranger les vêtements dans les coffres. Donne-moi tes livres, Jean. »

Je crois que Syntica désire être seule pour pleurer… Jean répond :

« Prends-les… Cependant, donne-moi ce rouleau avec son ruban bleu. »

Marziam rentre avec son pot de miel.

« Tiens, Jean. Tu le mangeras à ma place…

– Mais non, mon enfant ! Pourquoi ?

– Parce que Jésus a dit qu’une cuillerée de miel sacrifiée peut donner paix et espoir à un affligé. Tu es affligé… Moi, je te donne tout le miel, pour que tu sois tout consolé.

– Mais c’est trop de sacrifice, mon enfant…

– Oh, non ! Dans la prière de Jésus, on dit : “ Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal. ” Ce pot était une tentation pour moi… et il pouvait être un mal, car il pouvait me faire rompre mon vœu. Ainsi, je ne le vois plus… et c’est plus facile… et je suis certain que Dieu t’aidera par ce nouveau sacrifice. Mais ne pleure plus. Ni toi non plus, Syntica… »

En effet, la Grecque pleure maintenant sans bruit, tout en rassemblant les livres de Jean. Et Marziam les caresse à tour de rôle, avec une grande envie de pleurer lui aussi. Mais Syntica sort, chargée de rouleaux, et Marie la suit avec le pot de miel.

312.12

Jean reste avec Jésus, assis à côté de lui, et avec l’enfant dans les bras. Il est calme, mais accablé.

« Mets aussi ton dernier écrit dans le rouleau » lui conseille Jésus. « Je pense que tu veux le donner à Marziam…

– Oui… J’en ai une copie pour moi… Voici, mon garçon, ce sont les paroles du Maître. Celles qui ont été dites quand tu n’étais pas là et d’autres aussi… Je voulais continuer à les copier pour toi parce que tu as la vie devant toi… et qui sait combien de personnes tu évangéliseras… Mais je ne peux plus le faire… Maintenant, c’est moi qui reste sans ses paroles… »

Il recommence à pleurer fortement.

L’attitude de Marziam est à la fois douce et virile. Il s’attache au cou de Jean et dit :

« Désormais, c’est moi qui les écrirai pour toi et je te les enverrai… N’est-ce pas, Maître ? C’est possible, hein ?

– Bien sûr, c’est possible. Et ce sera une grande charité de le faire.

– Je le ferai. Et quand je serai absent, j’en chargerai Simon le Zélote. Il m’aime bien et t’aime bien, et il le fera pour être charitable envers nous. Ne pleure donc plus. Puis je viendrai te voir, moi… Tu n’iras certainement pas si loin…

– Oh ! Si, bien loin ! A des centaines de milles… Et bientôt je mourrai. »

L’enfant est déçu et découragé. Mais il se ressaisit avec la belle sérénité de l’enfant à qui tout semble facile.

« Puisque toi, tu y vas, je pourrai y aller avec mon père. Et puis… nous nous écrirons. Quand on lit les pages sacrées, c’est comme si on était avec Dieu, n’est-ce pas ? Donc, quand on lit une lettre, c’est comme si on était avec celui qu’on aime et qui nous l’a écrite. Allons, viens à côté, avec moi…

– Oui, allons-y, Jean.

312.13

Mes frères vont bientôt arriver avec Simon le Zélote. Je les ai fait appeler.

– Ils le savent ?

– Pas encore. J’attends pour le dire que tous soient présents…

– C’est bien, Seigneur. Allons-y… »

C’est un vieillard bien courbé qui sort de la chambre de Joseph, un vieillard qui semble saluer chaque plante, chaque tronc, et le bassin et la grotte, pendant qu’il se dirige vers l’atelier où Marie et Syntica rangent en silence les objets et les vêtements dans le fond des coffres…

Et c’est ainsi, silencieux et éplorés, que les trouvent Simon, Jude et Jacques. Ils observent… mais ne posent pas de questions et je n’arrive pas à comprendre s’ils se rendent compte de la vérité.

312.14

Jésus dit :

« J’avais, pour donner une indication aux lecteurs, indiqué le lieu de l’emprisonnement de Jean par les noms maintenant en usage. On a fait des objections[4]. Je précise donc maintenant : “ Bithynie et Mysie ” pour ceux qui veulent les noms de l’Antiquité. Mais cet Evangile est pour les simples et les petits, pas pour les docteurs pour lesquels, en majorité, il est inacceptable et inutile. Les simples et les petits comprendront mieux “ Anatolie ” que “ Bithynie ou Mysie ”.

N’est-ce pas, petit Jean, qui pleures pour la douleur de Jean d’En-Dor ? Mais il y a tant de Jean d’En-Dor dans le monde ! Ce sont les frères affligés pour lesquels je t’ai fait souffrir[5] l’an dernier. Maintenant prends du repos, petit Jean qui ne seras jamais envoyée loin du Maître, mais en seras toujours plus proche.

Ainsi se termine la seconde année de prédication et de vie publique : l’année de la miséricorde… Et je ne puis que répéter la plainte qui terminait la première année. Mais elle ne concerne pas mon porte-parole qui, contre les obstacles de tout genre, continue son travail. Vraiment, ce ne seront pas les “ grands ” mais les “ petits ” qui parcourront les chemins héroïques, en les aplanissant par leurs sacrifices, même pour ceux qui sont appesantis par trop de fardeaux. Les “ petits ”, c’est-à-dire les simples, les doux, ceux qui ont le cœur et l’intelligence purs. Les “ tout-petits ”.

Et je vous le dis, mes petits, je vous le dis, Romualdo et Maria, et avec vous à tous ceux qui vous ressemblent : “ Venez à moi pour entendre encore et toujours le Verbe qui vous parle parce qu’il vous aime, qui vous parle pour vous bénir. Que ma paix soit avec vous. ” »

312.1

It is a wet winter morning. Jesus is already up and is busy in His workshop. He is making small items. But in a corner there is a new loom, not a very big one, but well-shaped and polished.

Mary comes in with a cup of steaming hot milk. «Drink this, Jesus. You have been up so long. And it is damp and cold…»

«Yes, but at least I have been able to finish everything… The eight feast days had paralysed My work…» Jesus has sat down on the carpenter’s bench, a little sideways, and drinks the milk while Mary looks at the loom and rubs Her hand on it caressingly.

«Are You blessing it, Mother?» asks Jesus smiling.

«No, I am caressing it because You made it. You blessed it by making it. It was a good idea to make it. It will be very useful to Syntyche. She is a very skillful weaver. It will help her to approach women and girls. What else have You made, I see thin shavings, of olive, I think, near the lathe?»

«I have made useful things for John. See? A stylus case and a writing board. And these desks in which he can keep his rolls. I could not have made all these things if Simon of Jonah had not thought of getting a cart. But now we can load these as well… and also through these little things they will feel that I love them…»

«You suffer in sending them away, do You not?»

«I do… For Myself and for them… I have waited up to the present moment to tell them and it is strange that Simon has not yet arrived with Porphirea… I must tell them now… I have had this pain in My heart all these days and even the light of the many lamps looked sad to Me… A suffering which I must now communicate to others… Ah! Mother, I would have liked to have kept it all to Myself…»

«My good Son!» Mary caresses His hand to comfort Him.

312.2

There is silence… Then Jesus carries on speaking: «Is John up?»

«Yes. I heard him cough. He is perhaps in the kitchen taking his milk. Poor John!…» tears stream down Mary’s cheeks.

Jesus stands up: «I am going… I must go and tell him. It will be easier with Syntyche… But with him… Mother, go to Marjiam, wake him up and pray while I speak to that man… I feel as if I had to rummage in his bowels. I may kill or paralyse his spiritual vitality… How painful, Father!… I am going…» and He is really depressed when He goes out.

He walks the few steps which separate Him from John’s room, which is the same one where Jonah died, that is, Joseph’s room. He meets Syntyche, who is coming in with a faggot from the stone oven and who greets Him, completely unaware of the situation. Although engrossed in thought He replies to the Greek woman’s greeting and stops to look at a bed of lilies which are beginning to show a tiny tuft of leaves. But I am not sure that He really sees them… He then makes up His mind. He turns around and knocks at John’s door, who opens and whose face brightens on seeing Jesus coming to him.

«May I come in for a moment?» asks Jesus.

«Oh! Master! Of course!

312.3

I was writing what You said last night on prudence and obedience. I think You had better have a look at it, because I do not think that I remember everything on prudence.»

Jesus has entered the little room, which has already been tidied up and in which they have put a small table for the convenience of the old master. Jesus bends over the parchments and reads. «Very well, you have repeated it very well.»

«Here, see. I thought this sentence was not quite correct. You always say that it is not necessary to be solicitous about tomorrow and one’s body. Now I thought that it was wrong to say that prudence, also with regard to things concerning tomorrow, is a virtue. An error of mine, of course.»

«No. You are not wrong. That is exactly what I said. The exaggerated and fearful anxiety of a selfish person is different from the prudent care of a just person. It is sinful to be avaricious for the future, which, perhaps, we shall never see. But it is not sinful to be thrifty to secure a piece of bread, also for one’s relatives when there is a shortage. The selfish care of one’s body is sinful, when a person demands that all those around him should worry about him, and avoids all work or sacrifice lest his body should suffer, but it is not sinful to preserve it from wasteful diseases, the result of imprudent behaviour, which diseases are a burden for relatives and a loss of profitable work for ourselves. Life is given by God. It is a gift of His. Consequently we must make holy use of it, without being imprudent or selfish.

312.4

See? At times prudence suggests actions, which foolish people may consider cowardly or inconstant, whereas they are the result of holy prudence in the light of new events, which have occurred. For instance: if I sent you now right in the middle of people who might do you harm… for instance your wife’s relatives or the watchmen of the mines where you worked, would I do a good or a bad thing?»

«I… I would not like to pass judgement on You. But I would say that it would be better to send me elsewhere, where there is no danger of my little virtue being put to too hard a test.»

«There you are! You would judge wisely and prudently. That is why I would never send you to Bithynia or Mysia, where you have already been. Neither would I send you to Cintium, although you have a spiritual desire to go there. Your spirit might be overwhelmed by much human harshness and might fall back. Prudence therefore teaches Me not to send you where you would be valueless, whereas I could send you elsewhere with a good profit for Me, for the souls of your neighbours and your own. Is that not right?»

As John is completely unaware of what his destiny has in store for him, he does not catch Jesus’ allusions to the possibility of a mission outside of Palestine. Jesus scans his face and sees that he is calm, completely happy to listen to Him, and quick in replying: «Of course, Master, I would be more useful elsewhere. When some days ago I said: “I would like to go among the Gentiles to set a good example where I set a bad one”, I reproached myself saying: “Among the Gentiles, yes, because you are not biased as the Israelites. But not at Cintium, nor on the desolate mountains, where I lived as a convict and like a wolf in the lead mines and in the quarries of precious marbles. Not even for the sake of a perfect sacrifice could you go there. Your heart would be upset by recollections of cruelty, and if they recognised you, even if they did not act cruelly against you, they would say: ‘Be quiet, murderer. We cannot listen to you so it would be quite useless to go there”. That is what I said to myself. And I was right.»

312.5

«You can therefore see that you possess prudence. I possess it, too. That is why I took you away from the hard work of apostolate, as is practised by the others, and I brought you here, to rest and be in peace.»

«Oh! yes! How peaceful it is! If I lived here for a hundred years, it would still be the same. It is a supernatural peace. And if I went away, I would take it with me. I will take it also to the next life… Recollections may still stir my heart and offences may make me suffer, because I am a man. But I will never be able to hate again, because hatred has been sterilised here for good, as far as its most remote ramifications. And I no longer have an aversion to women, whom I considered the filthiest and meanest animals on the earth. Your Mother is out of question. I venerated Her from the first moment I saw Her because I felt that She was different from all women. She is the perfume of woman, but the perfume of holy woman. Who does not love the scent of the purest flowers? But also the other women, the good women disciples, loving and patient under their sorrowful burdens, like Mary Clopas and Eliza; generous like Mary of Magdala, so complete in her change of life; kind and pure like Martha and Johanna; dignified, intelligent, thoughtful and upright, like Syntyche, have reconciled me with women. Syntyche, I admit it, is the one I like best. Affinity of mind and of circumstances make her dear to me: she was a slave, I a convict, and that allows me to be on familiar terms with her which the difference with the others forbids. She is peace and tranquillity to me. I could not tell You exactly what she means to me and what I consider her. As I am old compared to her, I see her as a daughter, the wise and studious daughter I would have liked to have… But I, a sick man whom she cures with so much love, a sad and solitary man who has grieved for and regretted his mother throughout his life, and has sought a mother in every woman, without ever finding one, I now see my dream becoming true in her and I feel the dew of motherly love descend upon my tired head and upon my soul while I am going towards my death… You can see that, as I perceive in Syntyche the soul of a daughter and of a mother, I see in her the perfection of womanhood and for her sake I forgive all the evil I received from women. If, what is an impossible case, that wretch of my wife, whom I killed, should rise from the dead, I feel that I would forgive her because I have now understood the soul of woman, prone to love, generous in giving herself… both in good and in evil.»

«I am glad that you have found all that in Syntyche. She will be a good companion to you for the rest of your days and you will do much good together. Because I will associate you…»

Jesus scans John once again. But there is no sign of aroused attention in the disciple, although he is not a superficial person. Which divine mercy conceals his sentence until the crucial moment? I do not know. I know that John smiles saying: «We shall endeavour to serve You to the best of our ability.»

«Yes. And I am sure that you will do so, without discussing the work or the place, which I will allot to you, even if it should not be what you wish…»

312.6

John has a first inkling of what awaits him. His countenance and colour change. He becomes serious and pale and his only eye stares attentively and inquisitively at the face of Jesus, Who continues: «Do you remember, John, when I said to you[1], to dispel your doubts about God’s forgiveness: “To let you understand Mercy I will employ you in special merciful deeds and I will apply to you the parables of mercy”?»

«Yes. And You did. You have convinced me and You have granted me the possibility to do deeds of mercy, and I would say, the most delicate ones, such as giving alms and teaching a boy, a Philistine and a Greek woman. That made it clear to me that God was aware of my true repentance and thus He entrusted me with innocent souls or the souls of converts, that I might perfect them.»

Jesus embraces John and draws him close to His side, as He is wont to do with the other John, and turning pale because of the grief He has to cause, He says: «Also now God is going to entrust a delicate holy task to you. A task of predilection. Only you who are generous, unreserved and unbiased, wise, and above all have offered yourself[2] to all renunciations and penances to expiate the remaining purgation and debt you still had with God, only you can do it. Anybody else would refuse, and quite rightly, because he would be lacking the necessary requisites. Not one of My apostles possesses what you have, to go and preach the ways of the Lord… Further, your name is John. So you will be a Precursor of My Doctrine… you will prepare the way for your Master… and more than that, you will act in place of your Master, Who cannot go so far… (John starts and endeavours to free himself from Jesus’ arm, in order to look at Him in the face, but he is not successful, because Jesus’ hold is kind but authoritative, while His lips give the final blow…) … He cannot go so far… as far as Syria… as far as Antioch…»

312.7

«Lord!» shouts John, freeing himself with violence from Jesus’ embrace. «Lord! To Antioch? Tell me that I have misunderstood You! Tell me, please!…» He is standing… His whole attitude is a supplication: his only eye, his face which has turned ashen-grey, his trembling lips, his outstretched shaking hands, his lowered head, which seems to be burdened by the news.

But Jesus cannot say: «You have misunderstood.» He opens His arms, standing up to receive the old teacher on His heart, and He opens His lips to confirm: «Yes, to Antioch. To a house of Lazarus’. With Syntyche. You shall leave tomorrow or the day after.»

John’s desolation is really heart-rending. He half-frees himself from the embrace, and face to face, with his thin cheeks wet with tears, he cries: «Ah! You do not want me any longer!! How have I offended You, my Lord?» He gets free of Jesus’ grasp and throws himself on the table, in an outburst of heart-rending sobs interrupted by fits of coughing, insensible to Jesus’ caresses and he moans: «You are driving me away, You are rejecting me, I will never see You again…»

Jesus is clearly grieved and He prays… He then goes out slowly and sees Mary with Marjiam at the kitchen door. The boy is frightened by John’s weeping… A little farther away, there is Syntyche, who is also astonished. «Mother, come here a moment.»

Mary goes at once. She is pale. They go in together. Mary bends over the weeping man as if he were a poor boy, saying: «Good, be good, poor son of Mine! Do not weep like that! You will hurt yourself.»

John raises his convulsed face and shouts: «He is sending me away!… I will die all alone, far away… Oh! He might have waited a few months and let me die here. Why this punishment? How have I sinned? Have I ever troubled You? Why give me all this peace, and then.. and then…» He collapses once again on the table, weeping louder, panting…

Jesus lays a hand on his lean trembling shoulders, saying: «And can you possibly believe that if I could have, I would not have kept you here? Oh! John! There are dreadful necessities on the way of the Lord! And I am the first to suffer thereby, as I have to bear My sorrow and the sorrow of the whole world. Look at Me, John. See whether My face is the face of one who hates you, and is tired of you… Come here, in My arms, and feel how My heart is throbbing with grief. Understand Me, John, do not misunderstand Me. This is the last expiation God imposes on you, to open the gates of Heaven to you.

312.8

Listen…» and He lifts him up and holds him in His arms. «Listen… Mother, go out for a moment… Listen now, that we are alone. You know who I am. Do you firmly believe that I am the Redeemer?»

«Of course I do. That is why I wanted to stay with You, for good, until death…» «Death… My death will be a dreadful one!…»

«Mine, I mean. My death…»

«Yours will be placid, comforted by My presence, which will instil the certainty of God’s love into you, and consoled by the love of Syntyche, as well as by the joy of having prepared the triumph of the Gospel in Antioch. But Mine! You would see My body reduced to a mass of flesh covered with wounds, covered with spittle, outraged, abandoned to an enraged crowd, put to death hanging from a cross like a criminal… Could you bear all that?»

John, who at each detail of how Jesus will be dealt with during His Passion has groaned: «No, no!», shouts a sharp «no» and adds: «I would begin to hate mankind again… But I will be dead, because You are young and…»

«And I will see but one more Dedication.»

John looks at Him, struck with terror…

«I told you secretly to let you know that that is one of the reasons why I am sending you away. But you will not be the only one. I will send away, beforehand, all those whom I do not want to be upset more than their strength can possibly stand. And do you think that is lack of love?…»

«No, my martyr God… But I have to leave You… and I will die far away from You.»

«In the name of the Truth which I am, I promise you that I will be bent over the pillow of your agony.»

«How can that be, if I am so far away and You say that You cannot come so far? You say that to make my departure less sad…»

«Johanna of Chuza, dying at the foot of Lebanon, saw Me although I was far away and she did not yet know Me and from where I was I brought her back to the poor life of this world. Believe Me, on the day of My death she will regret having survived!… But for you, the joy of My heart during this second year of My teaching, I will do more. I will come to take you to peace, and I will entrust you with the mission to say to those who are waiting: “The hour of the Lord has come. As springtime is coming to the earth, so the springtime of Paradise is rising for us”. But that will not be the only time I will come… I will come… you will perceive Me… always… I can and I will do it. You will have the Master within you, as you do not have Me even now. Because Love can be communicated to its beloved ones, and so sensitively as to touch not only their spirits, but also their senses.

312.9

Are you more tranquil now, John?»

«Yes, my Lord. But how sorrowful!»

«However, you are not rebelling…»

«Rebel? Never! I would lose You completely. I say “my” Our Father: Thy will be done.»

«I knew that you would understand Me…» He kisses John’s cheeks, still wet with continuous although calmer tears.

«Will You let me say goodbye to the boy?… That is another grief… I was fond of him…» he weeps bitterly again…

«Yes. I will call him at once… And I will call Syntyche as well. She will suffer, too. You must help her, you, a man…»

«Yes, my Lord.»

Jesus goes out while John weeps and kisses and caresses the walls and furnishings of the little hospitable room.

Mary and Marjiam come in together.

«Oh! Mother! Did You hear? Did You know?»

«I knew. And I was sorry… But I also parted with Jesus… And I am His Mother…»

«That is true!… Marjiam, come here. Do you know that I am going away and we shall not see each other again?…» He wants to be brave. But he takes the boy in his arms, he sits on the edge of the bed and weeps on the dark-haired head of Marjiam, who imitates him at once.

312.10

Jesus enters with Syntyche who asks: «Why so much weeping, John?»

«He is sending us away, do you not know? Have you not been told yet? He is sending us to Antioch!»

«Well? Did He not say that where there are two people assembled in His name, He will be among them? Come on, John! So far, perhaps, you have chosen your lot yourself, and thus the imposition of another will, even if a loving one, frightens you. I…I am accustomed to accepting the fate imposed on me by other people. And what a destiny!… So I now willingly submit to this new fate. Why not? I did not rebel against despotic slavery, except when it wanted to rule over my soul. And should I now rebel against this sweet slavery of love, which does not injure but elevates our souls and bestows on us the honour of being His servants? Are you afraid of tomorrow because you are not well? I will work for you. Are you afraid of being left alone? But I will never leave you. Be sure of that. I have no other aim in life but to love God and my neighbour. And you are the neighbour whom God entrusts to me. Consider, therefore, whether you are dear to me!»

«You need not work to live, because you will be in Lazarus’ house. But I advise you to make use of teaching as a means of approaching people. You, John, as a teacher, and you, Syntyche, with needlework. It will be useful to your apostolate and will give an aim to your daily life.»

«It will be done, Lord» replies Syntyche resolutely,

312.11

John is still holding the boy in his arms and is weeping quietly. Marjiam is caressing him…

«Will you remember me?»

«I will, John, always, and I will pray for you… Indeed… Wait a moment…» He runs out.

Syntyche asks: «How shall we go to Antioch?»

«By sea. Are you afraid?»

«No, Lord. In any case, You are sending us, and that will protect us.»

«You will go with the two Simons, My brothers, Zebedee’s sons, Andrew and Matthew. From here to Ptolemais you will go by cart, in which we shall put the chests and a loom which I made for you, Syntyche, with some articles which will be useful to John…»

«I imagined something when I saw the chests and the garments. And I prepared my soul for the separation. It was too beautiful to live here!…» a stifled sob breaks Syntyche’s voice. But she collects herself to support John’s courage. She asks in a firm voice: «When are we leaving?»

«As soon as the apostles come, tomorrow probably.»

«Well, if You do not mind, I will go and pack the garments in the chests… Give me your rolls, John.» I think that Syntyche is anxious to be alone so that she may weep…

John replies: «Take them… but give me that roll tied with a blue ribbon.»

Marjiam comes in with his jar of honey.

«Here, John, take it. You will eat it instead of me…»

«No, my child! Why?»

«Because Jesus has said that a spoonful of honey offered as a sacrifice can give peace and hope to an afflicted soul. You are afflicted… I am giving you all the honey that you may be completely comforted.»

«But it is too big a sacrifice for you, boy.»

«Oh! no! In Jesus’ prayer we say: “Lead us not into temptation, but deliver us from evil”. This jar was a temptation to me… and might have been an evil because it might have made me infringe my vow. Now I will not see it anymore… and it is easier… and I am sure that God will help you, because of this new sacrifice. But do not weep anymore. And you, too, Syntyche…»

In fact the Greek woman is now weeping, noiselessly, while taking John’s rolls. And Marjiam caresses them in turn, with a keen desire to weep himself. Syntyche goes out laden with rolls and Mary follows her with the jar of honey.

312.12

John is left with Jesus, Who is sitting beside him, and with the boy in his arms. He is calm, but depressed.

«Put your last writing in the roll» suggests Jesus. «I think that you want to give it to Marjiam…»

«Yes… I have a copy for myself… Here, boy. These are the words of the Master. The words He spoke when you were not here and others as well… I wanted to continue copying them for you, because you have a whole life in front of you… and goodness knows how much you will evangelize… But I cannot do it any more… Now it is I who will be left without His words…» And he begins to weep bitterly once again.

Marjiam is kind and virile in his new gesture. He throws his arms around John’s neck and says: «I will write them for you now and I will send them to you… Is that right, Master? It can be done. Can it not?»

«Of course it can. And it will be great charity to do so.»

«I will do it. And when I am not there, Simon Zealot will do it. He loves me and he loves you and he will do it out of charity. So do not weep anymore. And I will come to see you… You will certainly not go very far…»

«Oh! how far! Hundreds of miles… And I will die soon.»

The boy is disappointed and down-hearted. But he collects himself with the beautiful serenity of a child who thinks everything is easy. «If you can go there, so I can come with my father. And… we will write to each other. When one reads the holy scriptures, it is like being with God, isn’t it? So when we read a letter, it is like being with the person we love and who wrote it. Come on, let us go into the next room, come with me…»

«Yes, let us go, John.

312.13

My brothers will soon be here with the Zealot. I sent for them.»

«Do they know?»

«Not yet. I am waiting to tell them until they are all here…»

«All right, my Lord. Let us go…»

The old man who leaves Joseph’s room is really bent with age. And he seems to be saying goodbye to every stem, to every trunk, to the fountain and the grotto, while going towards the workshop where Mary and Syntyche are silently laying things and garments in the chests…

And Simon, Judas and James find them in this way… silent and sad. They watch them… but ask no questions and I wonder whether they realize the truth.

312.14

Jesus says:

«To give the readers a clear indication, I had indicated the place of John’s prison expiation, with the name now in use. Someone is objecting to this. An exception is made. So I will now clarify the matter: Bithynia and Mysia, for those who want the ancient names. But this is the Gospel for simple people and little ones, not for doctors, to the majority of whom it is unacceptable and useless. And simple people and the little ones understand “Anatolia” better than “Bithynia or Mysia”. Is that not right, little John, who are weeping over John of Endor’s grief? But there are so many Johns of Endor in the world! They are the forlorn brothers for whom I made you suffer[3] last year. Rest now, little John, as you will never be sent far away from the Master, on the contrary you will be closer and closer to Him.

And the second year of preaching and public life ends in this way: the year of Mercy… And I can but repeat the lamentation dictated at the closing of the first year. But it does not implicate My mouthpiece, who continues her work struggling against all kinds of obstacles. It is not really the “great” people but the “little” ones who proceed along the paths of heroism, levelling them through their sacrifices, also for those who are weighed down by too many things. The “little” ones, that is those who are simple, meek, pure in their hearts and intellects: “little children”. And I say to you, O little children, and to you, Romualdo, and to you, Mary, and to all those who are like you: “Come to Me so that you may again and always hear the Word Who speaks to you because He loves you and He speaks to you to bless you. My peace be with you”.»


Notes

  1. je t’ai dit, comme en 205.1.
  2. t’es offert, en 250.10.
  3. dit en: 278.2.
  4. des objections, comme dans les notes de 62.2 et de 343.5, et dans le texte de 619.7. Suit une justification qui confirme les notes mises en 3.2 (mois de l’année), 40.6 (citations bibliques), 44.3 (usage du latin), 157.2 (chrétiens), 272.4 (purgatoire), 323.5 (parenté), 591.6 (jours de la semaine). D’autres exemples de termes anachroniques, sans note indiquée mais tout aussi justifiables sont : kilomètres (comme en 335.12), Eucharistie (comme en 612.1, 615.9, 629.7, 635.15), séminaires (comme en 629.11). Evidement, les termes modernes utilisés dans les expressions personnelles de l’écrivain ne sont pas anachroniques, comme ceux annotés en 419.5 et 531.20.
  5. pour lesquels je t’ai fait souffrir, comme on peut le lire dans la « dictée » du 29 mai 1944, rapportée dans le volume des Cahiers de 1944.

Notes

  1. I said to you, as in 205.1.
  2. have offered yourself, in 250.10.
  3. for whom I made you suffer, as can be read in the “dictation” of 29th May 1944, in the volume “The Notebooks. 1944”.