A leur arrivée à la maison, Jésus confie aux disciples le nouveau venu. Il monte, seul, là où il était auparavant. Il va même dans la pièce du haut et s’y assied, pour réfléchir.
Peu après, Pierre monte avec Judas.
« Maître, Judas m’a fait réfléchir à des choses qui sont justes.
– Dis-moi de quoi il s’agit.
– Tu prends ce Nicolaï, un prosélyte, dont nous ignorons le passé. Nous avons déjà eu tellement d’ennuis et encore aujourd’hui. D’ailleurs, que savons-nous de lui ? Est-ce que nous pouvons lui faire confiance ? Judas dit, à juste raison, que ce pourrait être un espion envoyé par des ennemis.
– Mais oui ! Un traître ! Pourquoi n’a-t-il pas voulu dire d’où il vient et qui l’envoie ? Je l’ai interrogé, mais il se borne à répondre : “ Je suis Nicolaï d’Antioche, prosélyte. ” Moi, j’ai de forts soupçons.
– Je te rappelle qu’il vient parce qu’elle me voit trahi.
– C’est peut-être un mensonge ! Ce peut être une trahison !
– Celui qui partout voit le mensonge ou la trahison est une âme qui en est elle-même capable, parce qu’il juge d’après son propre modèle, dit Jésus avec sérieux.
– Seigneur, tu m’offenses ! S’écrie Judas, indigné.
– Laisse-moi donc et va avec ceux qui m’abandonnent. »
Judas sort en claquant la porte brutalement.
« Pourtant, Seigneur, Judas n’a pas tout-à-fait torts… Et puis je ne voudrais pas que… cet homme parle de Jean. Ce ne peut être que l’homme d’En-Dor, ce Félix, qui te l’a envoyé…
– Certainement, mais Jean d’En-Dor est prudent et il a repris son ancien nom. Sois tranquille, Simon. Un homme qui devient disciple parce qu’il sait que ma cause humaine est déjà perdue, ne peut être qu’un esprit droit. Il est bien différent de celui qui vient de sortir et qui est venu à moi parce qu’il espérait être le premier ministre d’un roi puissant… et qui ne se persuade pas que je suis Roi seulement au niveau spirituel…
– As-tu des soupçons sur lui, Seigneur ?
– Sur personne. Mais en vérité, je te dis que là où arrivera Nicolaï, disciple et prosélyte, Judas, fils de Simon, apôtre juif et Judéen, n’arrivera pas.
– Seigneur, je voudrais interroger Nicolaï sur… Jean.
– Ne le fais pas. Jean ne l’a chargé de rien parce qu’il est prudent. Toi, ne sois pas imprudent.
– Non, Seigneur. Je te le demandais seulement…
– Descendons pour hâter le repas. Quand il fera nuit noire, nous partirons… Simon… m’aimes-tu ?
– Oh ! Mon Maître ! Mais que dis-tu ?
– Simon, mon cœur est plus sombre que le lac en une nuit de tempête, et aussi agité que lui…
– Oh ! Mon Maître !… Que dois-je te dire, si je suis encore plus… sombre et agité que toi ? Je te dirai : “ Voici ton Simon, et si mon cœur peut te réconforter, prends-le. ” Je n’ai que lui, mais il est sincère. »
Jésus pose un moment sa tête sur la poitrine large et robuste, puis il se lève et descend avec Pierre.