The Writings of Maria Valtorta

357. Jean et les fautes de Judas Iscariote.

357. John and the faults of Judas Iscariot.

357.1

Les magnifiques étoiles d’une sereine nuit de mars resplendissent dans le ciel d’Orient, si visibles et si vives que le firmament semble s’être abaissé comme un baldaquin sur la terrasse de la maison qui a accueilli Jésus. C’est une maison très haute, située à l’un des endroits les plus élevés de la ville, de sorte qu’un horizon infini s’ouvre devant et autour dans toutes les directions. Et si la terre disparaît dans l’obscurité de la nuit que n’égaie pas encore la lune qui décroît, le ciel resplendit de milliers de lumières. C’est vraiment la revanche du firmament qui présente victorieusement ses parterres d’astres, ses prairies de la Voie Lactée, ses planètes gigantesques, ses bosquets de constellations en face des éphémères végétations de la terre qui, bien que séculaires, ne sont toujours qu’une heure par rapport à ce que sont les étoiles depuis le moment où le Créateur a fait le firmament. Et quand on se perd à regarder là-haut, en promenant les yeux sur les jardins éthérés où les plantes sont les galaxies, on a l’impression d’entendre les voix, les chants de ces forêts de splendeurs, de cet orgue énorme de la plus sublime des cathédrales, où il me plaît d’imaginer que les soufflets et les registres sont les vents des courses des astres et que les voix sont les étoiles lancées sur leurs trajectoires. Cette impression s’impose d’autant plus à moi que le silence nocturne de Gadara est absolu. Pas gangouillis de fontaine, pas un chant d’oiseau. Le monde est endormi et les créatures aussi. Les hommes reposent, moins innocents que les autres créatures, d’un sommeil plus ou moins tranquille dans leurs maisons obscures.

357.2

Mais de la porte qui donne sur la terrasse inférieure — car il y a une terrasse plus élevée au-dessus de la plus haute pièce — débouche une grande ombre, à peine visible dans la nuit, mais où se devine la blancheur du visage et des mains qui ressort sur le vêtement sombre. Elle est suivie d’une autre plus petite. Les deux marchent sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller ceux qui dorment peut-être dans la pièce inférieure, et montent l’escalier extérieur qui mène à la plus haute terrasse. Puis ils se prennent par la main et vont ainsi s’asseoir sur un banc qui longe le parapet très haut entourant la terrasse. A cause du banc très bas et du parapet très haut, tout disparaît à leurs yeux. Même s’il y avait le plus beau clair de lune, descendu pour éclairer le monde, pour eux cela ne servirait de rien. La ville est cachée tout entière par le mur, et avec elle, dans l’obscurité de la nuit, les ombres les plus sombres des montagnes voisines. Seul le ciel se découvre à eux avec les constellations du printemps et les magnifiques étoiles d’Orion, de Rigel et de Bételgeuse, d’Aldébaran, de Persée, d’Andromède et de Cassiopée, ainsi que les Pléiades unies comme des sœurs ; Vénus couleur de saphir et éclatante comme le diamant, le pâle rubis de Mars et le topaze de Jupiter sont les rois du peuple astral et palpitent comme pour saluer le Seigneur, multipliant leurs rayonnements de lumière en l’honneur de la Lumière du monde.

Pour les admirer, Jésus lève la tête en l’appuyant contre le haut muret et Jean l’imite, le regard perdu là-haut où l’on peut ignorer le monde… Puis Jésus dit :

« Et maintenant que nous nous sommes purifiés au spectacle des étoiles, prions. »

Il se lève et Jean l’imite. Une prière prolongée, silencieuse, pressante, tout âme, les bras en croix, le visage levé, tourné vers l’orient où s’annonce une première lueur lunaire. Puis le “ Notre Père ” qu’ils disent ensemble, lentement, non pas une fois mais trois, et en mettant toujours plus d’insistance dans leur demande, ce que leurs voix manifestent clairement. C’est une supplication qui sépare l’âme de la chair, si ardente qu’elle les laisse sur les chemins de l’infini.

Puis vient le silence. Ils s’asseyent là où ils étaient avant, tandis que la lune éclaire toujours plus la terre endormie.

357.3

Jésus passe un bras autour des épaules de Jean et l’attire à lui :

« Dis-moi donc ce que tu sens devoir me confier. Qu’est-ce que mon Jean a vu à l’aide de la lumière spirituelle, dans l’âme ténébreuse de notre compagnon ?

– Maître… je me repens de t’avoir dit cela. Je ferais deux péchés…

– Pourquoi ?

– Parce que je te ferais souffrir en te révélant ce que tu ne sais pas, et… parce que… Maître, est-ce un péché de dire le mal que nous voyons dans un autre ? Oui, n’est-ce pas ? Alors comment pourrais-je le dire, en blessant la charité !… »

Jean est angoissé.

Jésus éclaire son âme :

« Ecoute, Jean : qu’est-ce qui compte le plus pour toi, le Maître ou le condisciple ?

– Le Maître, Seigneur. C’est toi qui comptes le plus.

– Et que suis-je pour toi ?

– Le Commencement et la Fin. Tu es Tout.

– Crois-tu que, puisque je suis Tout, je sais aussi tout ce qui existe ?

– Oui, Seigneur. C’est la raison pour laquelle je suis très embarrassé. Car je pense que tu sais et que tu souffres. Et parce que je me souviens que tu m’as dit un jour que parfois tu es l’homme, seulement l’homme, et que par conséquent le Père te fait connaître ce que c’est que d’être homme, un homme qui doit se conduire selon la raison. Et je pense aussi que Dieu, ton Père, par pitié pour toi, pourrait te cacher ces laides réalités…

– Tiens-t’en à cette pensée, Jean, et parle en toute confiance. Confier ce que tu sais à celui qui pour toi est “ Tout ”, ce n’est pas un péché. Car le “ Tout ” ne se scandalise pas, ne médit pas et ne manquera pas de charité, pas même en pensée, à l’égard du malheureux. Ce serait un péché si tu disais ce que tu sais à quelqu’un qui ne peut être tout amour, à tes compagnons par exemple, qui seraient médisants et même attaqueraient le coupable sans miséricorde, nuisant ainsi à lui et à eux-mêmes. Car il faut faire preuve de miséricorde, une miséricorde toujours d’autant plus grande que l’on se trouve devant une pauvre âme qui souffre de tous les maux. Un médecin, un infirmier compatissant, ou bien une mère, s’il s’agit d’un simple malaise s’impressionnent peu et ne se tourmentent pas de la guérison. Mais si l’enfant ou l’homme est très malade, en danger de mort, déjà gangrené et paralysé, comme ils luttent pour le guérir, en surmontant toute répugnance et fatigue ! N’en est-il pas ainsi ?

– Si, Maître, dit Jean qui a pris sa pose habituelle, le bras enlacé autour du cou de son Maître et la tête appuyée sur son épaule.

– Eh bien ! Ce n’est pas tout le monde qui sait se montrer miséricordieux envers les âmes malades. On doit donc être prudent pour révéler leurs maux, pour que le monde ne les fuie pas et ne leur nuise pas par son mépris. Un malade qui se voit méprisé s’assombrit et son état empire. En revanche, si on le soigne avec une joyeuse espérance, il peut guérir, car la bonne humeur confiante de celui qui l’assiste le pénètre et renforce l’efficacité du remède. Mais tu sais que je suis la Miséricorde et que je n’humilierai pas Judas. Parle donc sans scrupules. Tu n’es pas un espion. Tu es un fils qui confie à son père, avec une affectueuse anxiété, le mal découvert dans son frère pour que le père le soigne. Allons… »

357.4

Jean pousse un profond soupir, puis il baisse encore plus la tête en la laissant glisser sur la poitrine de Jésus, et dit :

« Comme il est pénible de parler de corruption !… Seigneur… Judas est impur… et il cherche à m’amener à l’impureté. Qu’il me méprise ne m’importe guère. Mais je suis affligé qu’il vienne vers toi, souillé par ses amours. Depuis son retour, il m’a tenté plusieurs fois. Quand le hasard nous laisse seuls – et il essaie de toutes manières que cela arrive –, il ne fait que parler de femmes… et j’en éprouve le dégoût que j’aurais si on m’immergeait dans une pourriture qu’on essaierait de m’introduire dans la bouche…

– Mais en es-tu troublé au plus profond de toi-même ?

– Troublé, comment ? Mon âme frémit. Ma raison crie contre ces tentations… Moi, je ne veux pas être corrompu…

– Mais ta chair, qu’éprouve-t-elle ?

– Elle frissonne d’horreur.

– Cela seulement ?

– Oui, Maître. Et alors je pleure, car il me semble que Judas ne pourrait faire une plus grande offense à quelqu’un qui s’est consacré à Dieu. Dis-moi : cela portera-t-il atteinte à mon of­frande ?

– Non, pas plus qu’une poignée de boue jetée sur une plaque de diamant. Elle ne raie pas la plaque, elle ne la pénètre pas. Il suffit d’une coupe d’eau pure que l’on jette sur elle pour la rendre nette. Elle devient plus belle qu’auparavant.

– Purifie-moi, alors.

– Ta charité te purifie, et aussi ton ange gardien. Rien ne reste sur toi. Tu es un autel purifié sur lequel Dieu descend.

357.5

Et qu’est-ce que Judas fait d’autre ?

– Seigneur, il… Ah, Seigneur ! »

La tête de Jean glisse encore plus bas.

« Quoi ?

– Il… ce n’est pas vrai que c’est son argent qu’il te donne pour les pauvres. C’est de l’argent des pauvres qu’il dérobe pour lui, pour qu’on le loue d’une générosité qui n’existe pas. Tu l’as rendu furieux parce qu’au retour du mont Thabor tu lui as enlevé tout l’argent. Et il m’a dit : “ Il y a des espions parmi nous. ” Je lui ai répliqué : “ Pour espionner quoi ? Tu voles, peut-être ? ” “ Non, m’a-t-il répondu, mais je suis prévoyant et j’ai deux bourses. Quelqu’un l’a dit au Maître et il m’a imposé de tout donner ; il me l’a imposé si fortement que j’ai été pour ainsi dire obligé de le faire. ” Mais ce n’est pas vrai, Seigneur, qu’il fait cela par prévoyance. Il le fait pour avoir de l’argent. Je pourrais l’affirmer avec la quasi certitude de dire la vérité.

– Quasi certitude ! Ce doute, oui, est une légère faute. Tu ne peux l’accuser d’être un voleur, si tu n’en es pas absolument certain. Les actions des hommes ont parfois une apparence fâ­cheuse, tout en étant bonnes.

– C’est vrai, Maître. Je ne l’accuserai plus, pas même en pensée. Mais qu’il ait deux bourses et que celle qu’il dit lui appartenir et qu’il te donne est encore la tienne et qu’il le fait pour être loué, c’est vrai. Moi, je ne ferais pas cela. Je sens qu’il n’est pas bien de le faire. »

– Tu as raison.

357.6

Que dois-tu dire encore ? »

Jean lève un visage épouvanté, il est sur le point de parler mais préfère se taire et il glisse à genoux en cachant son visage dans le vêtement de Jésus, qui pose la main sur ses cheveux.

« Allons, donc ! Tu pourrais avoir mal vu. Je t’aiderai à bien voir. Tu dois aussi me dire ce que tu penses des causes probables du péché de Judas.

– Seigneur, Judas se sent privé de la force qu’il voudrait pour faire des miracles… Tu sais qu’il y a toujours aspiré… Tu te souviens d’En-Dor ? Et au contraire… c’est lui qui en fait le moins. Depuis qu’il est revenu, il ne réussit plus à rien… Même la nuit il s’en plaint en songe comme si c’était un cauchemar et… Maître, mon Maître !

– Allons, parle. Va jusqu’au bout.

– Il lance des imprécations… et il fait de la magie. Cela, ce n’est ni mensonge ni doute. Je l’ai vu de mes propres yeux. Il m’a choisi comme compagnon parce que je dors profondément, ou plutôt parce que je dormais profondément. Maintenant, je l’avoue, je le surveille et mon sommeil est moins profond car, dès qu’il remue, je l’entends… J’ai mal fait, peut-être. Mais j’ai feint de dormir pour voir ce qu’il faisait. Et deux fois je l’ai vu et entendu faire des choses qui ne conviennent pas. Je ne m’y connais pas en magie, mais c’est bien de cela qu’il s’agit.

– Seul ?

– Oui et non. A Tibériade, je l’ai suivi. Il est allé dans une maison. J’ai demandé par la suite qui y habite. C’est un homme qui fait de la nécromancie avec d’autres. Et quand Judas est sorti, presque au matin, j’ai compris d’après les paroles échangées qu’ils se connaissaient ; et ils sont si nombreux… pas tous des étrangers. Il demande au démon la force que tu ne lui donnes pas. C’est pour cela que j’ai fait au Père le sacrifice de la mienne, pour qu’il la lui passe et qu’il ne soit plus pécheur.

– Tu devrais lui donner ton âme, mais cela ni le Père ni moi ne le permettrions… »

357.7

Un long silence. Puis Jésus dit d’une voix lasse :

« Allons, Jean. Descendons. Nous nous reposerons en attendant l’aube.

– Tu es plus triste qu’avant, Seigneur ! J’ai mal fait de parler !

– Non. Je le savais déjà. Mais toi, au moins, tu es soulagé… et c’est cela qui compte.

– Seigneur, dois-je le fuir ?

– Non. Ne crains rien. Satan ne nuit pas aux Jean. Il les terrorise, mais il ne peut leur enlever la grâce que Dieu ne cesse de leur donner. Viens. Au matin je parlerai, et ensuite nous irons à Pella. Il faut faire vite, car le fleuve a déjà grossi à cause de la fonte des neiges et de la pluie de ces derniers jours. Il sera bientôt en crue, d’autant plus que le halo de la lune annonce des pluies abondantes… »

Ils descendent et disparaissent dans la pièce située sous la terrasse.

357.8

C’est le matin, un matin de mars. Aussi nuages et éclaircies se succèdent-ils dans le ciel. Mais il y a plus de nuages que d’éclaircies et ils tendent à couvrir le ciel. Un air chaud souffle par à-coups syncopés et alourdit l’atmosphère en la voilant d’une poussière venue peut-être des régions du haut plateau.

« Si le vent ne change pas, ce sera de l’eau ! » dit sentencieusement Pierre en quittant la maison avec les autres.

Jésus sort en dernier après avoir pris congé du maître de maison et part avec lui. Ils se dirigent vers une place. Après quelques pas, ils sont arrêtés par un officier romain accompagné de soldats.

« C’est toi, Jésus de Nazareth ?

– Oui.

– Que fais-tu ?

– Je parle aux foules.

– Où ?

– Sur la place.

– Des paroles séditieuses ?

– Non. Des préceptes de vertus.

– Attention ! Ne mens pas ! Rome en a assez des faux dieux.

– Viens, toi aussi. Tu verras que je ne mens pas. »

L’homme qui a logé Jésus sent qu’il doit intervenir :

« Mais depuis quand tant de questions à un rabbi ?

– Il est dénoncé comme séditieux.

– Séditieux ? Lui ? Mais tu te trompes, Marius Sévère ! C’est l’homme le plus doux de la terre. C’est moi qui te le dis. »

L’officier hausse les épaules et répond :

« Cela vaut mieux pour lui. Mais c’est pour cette raison qu’on l’a dénoncé au centurion. Va, donc. Le voilà prévenu. »

Et il fait demi-tour pour s’en aller avec ses subalternes.

« Mais qui cela peut-il être ? Moi, je ne comprends pas ! S’étonnent plusieurs.

– Ne cherchez pas à comprendre » répond Jésus. « C’est inutile. Allons pendant qu’il y a beaucoup de monde sur la place. Puis nous partirons également d’ici. »

357.9

Ce doit être une place plutôt commerciale. Ce n’est pas un marché mais presque, car elle est entourée de magasins où sont entreposées toutes sortes de marchandises. Une foule de gens s’y pressent. Il y a aussi beaucoup de monde sur la place ; quelqu’un fait signe que c’est Jésus, et le “ Nazaréen ” est aussitôt entouré. Il y a des gens de toutes classes et de toutes nationalités. Certains sont venus par vénération, les autres par curiosité.

Jésus fait signe qu’il va parler.

« Ecoutons-le ! Dit un Romain qui sort d’un magasin.

– Est-ce que ce sera pour entendre une lamentation ? lui répond un camarade.

– Ne crois pas cela, Constance. Il est moins indigeste que l’un ou l’autre de nos rhéteurs habituels.

– Paix à ceux qui m’écoutent ! Il est dit dans Esdras, dans la prière d’Esdras[1] : “ Et que dirons-nous maintenant, ô notre Dieu, après ce qui est arrivé ? Car nous avons abandonné tes commandements, ceux que tu nous as prescrits par l’intermédiaire de tes serviteurs… ”

– Arrête-toi, toi qui parles ! C’est nous qui te donnons le sujet » crient une poignée de pharisiens qui se fraient un chemin au milieu de la foule.

Presque aussitôt l’escorte armée réapparaît et s’arrête dans le coin le plus proche. Les pharisiens se tiennent maintenant en face de Jésus.

« C’est toi, le Galiléen ? Jésus de Nazareth ?

– Oui !

– Loué soit Dieu que nous t’ayons trouvé ! »

Vraiment ils ont des visages si haineux qu’ils ne semblent pas heureux de la rencontre… Le plus âgé prend la parole :

« Nous te suivions depuis plusieurs jours, mais nous arrivions toujours après ton départ.

– Pourquoi me suivez-vous ?

– Parce que tu es le Maître et que nous voulons être éclairés sur un point obscur de la Loi.

– Il n’y a pas de points obscurs dans la Loi de Dieu.

– En elle, non. Mais, hé ! Hé !… Mais sur la Loi sont venues se greffer les “ choses ajoutées ”, comme tu dis, hé ! Hé !… et elles ont créé l’obscurité.

– De la pénombre, tout au plus. Et il suffit de tourner son intelligence vers Dieu pour la dissiper.

– Tout le monde ne sait pas le faire. Nous, par exemple, nous restons dans la pénombre. Tu es le Rabbi, hé ! Hé ! Aide-nous donc.

357.10

– Que désirez-vous savoir ?

– Nous voulions savoir s’il est permis à l’homme de répudier sa femme pour un motif quelconque. C’est une chose qui arrive souvent, et chaque fois cela fait du bruit là où cela arrive. Les gens s’adressent à nous pour savoir si c’est permis et nous répondons suivant les cas.

– En approuvant le fait accompli quatre-vingt-dix fois sur cent. Pour les dix pour cent que vous n’approuvez pas, il s’agit des pauvres ou de vos ennemis.

– Comment le sais-tu ?

– Parce qu’il en est ainsi de toutes les affaires humaines. Et j’ajoute une troisième catégorie : celle où, si le divorce était permis, il se justifierait davantage, comme dans les vrais cas pénibles tels qu’une lèpre incurable, une condamnation à vie, ou une maladie honteuse…

– Alors, pour toi, ce n’est jamais permis ?

– Ni pour moi, ni pour le Très-Haut, ni pour aucune âme droite. N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement des jours, a créé l’homme et la femme ? Et qu’il les créa mâle et femelle ? Il n’avait pas besoin de le faire. S’il l’avait voulu, il aurait pu, pour le roi de la Création fait à son image et à sa ressemblance, créer un autre mode de procréation, qui aurait été tout aussi bon, bien que différent de tout autre moyen naturel. Et il a dit : “ Pour cette raison, l’homme quittera son père et sa mère et s’unira à la femme, et les deux seront une seule chair. ” Dieu les a liés en une seule unité. Ils ne sont donc plus “ deux ” chairs mais “ une ” seule. Ce que Dieu a uni, parce qu’il a vu que c’était “ bon ”, que l’homme ne le sépare pas, car si cela arrivait, ce ne serait plus bon.

357.11

– Dans ce cas, pourquoi Moïse a-t-il donc dit : “ Si un homme a pris une femme, mais qu’elle n’a pas trouvé grâce à ses yeux pour quelque chose de honteux, il lui écrira un libelle de répudiation, le lui remettra en mains propres et la renverra de sa maison ” ?

– C’est à cause de la dureté de votre cœur : pour éviter, par un ordre, des désordres trop graves. C’est pour cela qu’il vous a permis de répudier vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi. Car la femme n’est pas une bête qui, selon les caprices de son maître ou les libres circonstances naturelles, est soumise à tel ou tel mâle, chair sans âme qui s’accouple pour la reproduction. Vos femmes ont une âme comme vous, et il n’est pas juste que vous la piétiniez sans pitié. S’il est dit dans sa condamnation : “ Tu seras soumise au pouvoir de ton mari et il te dominera ”, cela doit se produire selon la justice et non selon la tyrannie qui lèse les droits d’une âme libre et digne de respect.

En répudiant alors que ce n’est pas permis, vous offensez l’âme de votre compagne, la chair jumelle qui s’est unie à la vôtre, ce tout qu’est la femme que vous avez épousée en exigeant son honnêteté, alors que vous, parjures, vous allez vers elle, déshonorés, diminués, parfois corrompus, et vous continuez à l’être en profitant de toute bonne occasion pour la blesser et donner libre cours à vos passions insatiables. Vous faites de vos femmes des prostituées ! Pour aucun motif, vous ne pouvez vous séparer de la femme qui vous est unie selon la Loi et la Bénédiction. C’est seulement dans le cas où la grâce vous touche, quand vous comprenez que la femme n’est pas un objet que l’on possède mais une âme et donc qu’elle a des droits égaux aux vôtres d’être reconnue comme faisant partie intégrante de l’homme et non pas comme son objet de plaisir, et c’est seulement dans le cas où votre cœur est assez dur pour ne pas épouser une femme après avoir profité d’elle comme d’une courtisane, seulement pour faire disparaître le scandale de deux personnes qui vivent ensemble sans la bénédiction de Dieu sur leur union que vous pouvez renvoyer une femme. C’est qu’alors il ne s’agit pas d’union mais de fornication, et qui souvent n’est pas honorée par la venue des enfants supprimés contre nature ou éloignés comme déshonorants.

Dans aucun autre cas, dans aucun autre. Car si vous avez des enfants illégitimes d’une concubine, vous avez le devoir de mettre fin au scandale en l’épousant si vous êtes libres. Je ne m’arrête pas à l’adultère consommé au détriment d’une femme ignorante. Pour cela, il y a les pierres de la lapidation et les flammes du shéol. Mais pour celui qui renvoie son épouse légitime parce qu’il en est las et qui en prend une autre, il n’y a qu’un jugement : c’est un adultère. Il en est de même pour celui qui prend une femme répudiée, car si l’homme s’est arrogé le droit de séparer ce que Dieu a uni, l’union matrimoniale continue aux yeux de Dieu et celui qui passe à une seconde femme sans être veuf est maudit. Quant à l’homme qui, après avoir répudié sa femme, après l’avoir abandonnée aux craintes de l’existence qui l’obligent à se remarier pour avoir du pain, la reprend si elle reste veuve du second mari, il est également maudit. Car, bien qu’étant veuve, elle a été adultère par votre faute et vous redoubleriez son adultère. Avez-vous compris, ô pharisiens qui me tentez ? »

Ceux-ci s’en vont tout penauds, sans répondre.

357.12

« Cet homme est sévère. S’il était à Rome, il verrait pourtant fermenter une boue encore plus fétide » dit un Romain.

Certains hommes de Gadara murmurent aussi :

« Il est difficile d’être homme, s’il faut être aussi chaste !… »

D’autres disent plus haut :

« Si telle est la situation de l’homme par rapport à la femme, il vaut mieux ne pas se marier. »

Les apôtres eux aussi tiennent ce raisonnement tandis qu’ils reprennent la route vers la campagne, après avoir quitté les habitants de Gadara. Judas en parle d’un air méprisant, Jacques avec respect et réflexion. Jésus répond à l’un et à l’autre :

« Tous ne comprennent pas cela, ou alors pas comme il faut. Certains, en effet, préfèrent le célibat pour être libres de satisfaire leurs vices. D’autres pour éviter la possibilité de pécher, en n’étant pas de bons maris. Mais il y en a seulement quelques-uns auxquels il est accordé de comprendre la beauté d’être exempts de sensualité et même d’un désir honnête de la femme. Et ce sont les plus saints, les plus libres, les plus angéliques sur la terre. Je parle de ceux qui deviennent eunuques pour le Royaume de Dieu. Il y a des hommes qui naissent ainsi; d’autres que l’on a rendus tels. Pour les premiers, leurs impuissance doit susciter la compassion, pour les seconds il s’agit d’un attentat condamnable. Mais il y a enfin la troisième catégorie : celle des eunuques volontaires qui, sans se faire violence et par conséquent avec un double mérite, savent adhérer à la demande de Dieu et vivent comme des anges pour que l’autel délaissé de la terre porte encore des fleurs et de l’encens pour le Seigneur. Ces derniers refusent de satisfaire la partie inférieure de leur être pour faire grandir en eux la partie supérieure, par laquelle ils fleurissent au Ciel dans les parterres les plus proches du trône du Roi. Et en vérité, je vous dis que ce ne sont pas des mutilés, mais des êtres doués de ce qui manque à la plupart des hommes. Non pas les objets d’un mépris imbécile, mais plutôt d’une grande vénération. Que celui qui doit le comprendre le comprenne et le respecte, s’il le peut. »

Les apôtres mariés chuchotent entre eux.

« Qu’avez-vous ? demande Jésus.

– Et nous ? » dit Barthélemy au nom de tous. « Nous ne savions pas cela et nous avons pris femme. Mais il nous plairait d’être comme tu dis…

– Il ne vous est pas défendu de l’être désormais. Vivez dans la continence en voyant dans votre compagne une sœur, et vous en aurez grand mérite aux yeux de Dieu. Mais hâtez le pas pour être à Pella avant la pluie[2]. »

357.1

The magnificent stars of a clear night in the month of March are shining in the eastern sky and they are so large and bright that the vault of heaven seems to have stooped down like a canopy over the terrace of the house that welcomed Jesus. It is a very tall house, situated in one of the highest parts of the town, so that the infinite horizon spreads out before those who look in every direction. And if the earth disappears in the darkness of the night, which is not brightened by moonlight, as the moon is waning, the sky is glittering with countless stars. It is really the victory of the firmament which triumphantly displays its garden beds of stars, its Galatea grasslands, its planetary giants and forests of constellations in opposition to the fleeting vegetation of the earth, which, even when it is age old, is still one hour old, as compared with those that exist since God made the firmament. And when one is lost looking up there, and one’s eyes roam along the wonderful avenues, where the trees are stars, one seems to hear the voices and songs of those splendid forests, of that huge organ of the most sublime cathedral, in which I like to imagine that the winds of racing stars are bellows and registers and the stars launched in their trajectories are voices. And one seems to perceive all that, particularly because the silence of the night, while Gadara is asleep, is total. No fountain whispers, no bird sings. The world is asleep, as well as all creatures. Men, who are less innocent than other creatures, are sleeping more or less peacefully in their dark homes.

357.2

But a tall dark shadow, which is just visible because of the contrast of the white face and hands against its dark garment, comes out of the door of the room that opens onto the lower terrace, there is in fact another higher one on the upper room, and is followed by another lower shadow. They are walking on tiptoe to avoid awaking those who are perhaps sleeping in the room underneath and they climb on tiptoe the outside little staircase, which takes to the top terrace. They then take each other’s hand and they go and sit down on the bench that lies against the high parapet surrounding the terrace. The low bench and the high parapet conceal everything from their eyes. Even if it were bright moonlight illuminating the world, they would see nothing. Because the town is completely concealed and also the dark shadows of nearby mountains are hidden in the darkness of the night. Only the sky is displayed to them with its springtime constellations and the magnificent stars of Orion: of Rigil and Betelgeuse, of Aldebaran, of Perseus, Andromeda and Cassiopeia and the Pleiades united like sisters. And Sapphirine Venus covered with diamonds, and Mars of pale ruby, and the topaz of Jupiter are the kings of the starry population and they palpitate as if they wished to greet the Lord, hastening their palpitations of light for the Light of the world.

Jesus raises His head to look at them and rests it against the high wall, and John imitates Him getting lost looking up there where the world can be ignored… Then Jesus says: «And now that this contemplation has cleansed us, let us pray.» He stands up and John does likewise. A long, silent, pressing prayer, said with all their souls, their arms stretched out crosswise, with their faces raised towards the east, where the first pale hint of moonlight appears. And then the «Our Father» said together, slowly, not once but three times, with increasing insistence in asking, as is clearly expressed by their voices. And their entreaty is so ardent that it separates their souls from their bodies, launching them along the ways of the Infinite.

Then there is silence. They sit down where they were before, while the moon whitens the sleeping earth more and more.

357.3

Jesus lays His arm on John’s shoulder and draws him towards Himself saying: «So tell Me what you feel you must tell Me. What has My John seen, with the assistance of spiritual light, in the gloomy soul of his companion?»

«Master… I regret having said that to You. I will commit two sins…»

«Why?»

«Because I will grieve You by revealing what You do not know, and… because… Master, is it a sin to speak of the evil we see in other people? It is, isn’t it? So, how can I speak about it, offending against charity!…» John is depressed.

Jesus enlightens his soul: «Listen, John. According to you, who is worth more, the Master or a fellow-disciple?»

«The Master, Lord. You are worth the most.»

«And what am I according to you?»

«The Beginning and the End. You are Everything.»

«Since I am Everything, do you think that I know everything?»

«Yes, my Lord. That is why there is a great contrast in me. Because I think that You know and suffer. And because I remember that one day You told me that at times You are the Man, only the Man, and thus the Father lets You know what it is to be a man, who must behave according to reason. And I also think that God, out of pity for You, may conceal this unpleasant truth from You…»

«Stick to that idea, John, and speak confidently. It is not a sin to confide what you know to Him Who is “Everything” for you. Because He Who is “Everything” will not be scandalised, will not grumble or lack charity, not even by thought, towards the unhappy fellow. It would be a sin if you said what you know to anyone who is not capable of being full of love, to your companions for instance, who would backbite and assail the culprit mercilessly, injuring him and themselves. It is therefore necessary to be merciful, the more merciful, the poorer the soul is in front of us, affected by many diseases. A doctor, a compassionate nurse, a mother are not much upset if a person is not seriously ill and they do not fight hard to cure him. But if a son, or a man, is seriously ill and his life is in danger, either because of intervening gangrene or paralysis, how they strive to cure him overcoming repugnance and fatigue. Is it not so?»

«Yes, it is, Master» replies John who has taken his usual position with his arm around the Master’s neck and his head reclined on His shoulder.

«Well, not everybody knows how to be merciful to diseased souls. Consequently one must be careful in revealing their trouble so that the world may not shun them and hurt them through contempt. A sick man who realizes that he is being derided, becomes gloomy and gets worse. If instead he is nursed with cheerful hope, he may recover because the hopeful good humour of those nursing him inspirits him and stimulates the effect of medicines. But you know that I am Mercy and I will not humiliate Judas. So you may speak without scruple. You are not a spy. You are a son who with loving anxiety confides to his father the evil discovered in a brother so that the father may cure him. Come on…»

357.4

John heaves a long sigh, then lowers his head further, letting it slide on to Jesus’ chest, and says: «How grievous it is to speak of putrid things!… Lord… Judas is lewd… and tempts me to commit obscene things. I do not mind if he derides me. But it grieves me that he should come to You, filthy with his love affairs. Since he came, he has tempted me several times. When we happen to be alone – and he takes advantage of every opportunity – he does nothing but speak of women… and I am as disgusted with it as if I were immersed in some fetid matter that threatened to enter my mouth…»

«Are you deeply upset by that?»

«What? Upset? My soul shudders. Reason cries against such temptations… I do not want to be corrupted…»

«How does your body react?»

«It shrivels with disgust.»

«Nothing else?»

«No, Master, and I weep because I think that Judas could not cause a more serious offence to a man who has consecrated his life to God. Tell me: will that be detrimental to my offering?»

«No. Not more than a handful of mud thrown against a diamond plaque. It will not affect or penetrate the plaque. A cup of clean water poured over it is enough to clean it. And it becomes more beautiful than before.»

«Cleanse me, then.»

«Your charity and your angel cleanse you. There is nothing left on you. You are a clean altar on which God descends.

357.5

What else does Judas do?»

«Lord, he… Oh! Lord!» John’s head slides lower.

«What?»

«He… It is not true that the money he gives You for the poor belongs to him. It is the money of the poor that he steals, to be praised for being generous, which is not true. He was wild because when You came back from mount Tabor, You took all the money away from him. And he said to me: “There are spies among us”. I replied: “Spies of what? Have you stolen, perhaps?”. “No” he replied to me, “but I am far-sighted and I have two purses. Someone told the Master and He ordered me to hand everything over, and He was so authoritative that I was compelled to do so”. But it is not true, Lord, that he does so because he is provident. He does that to have money for himself. I could bear witness to that and I am almost certain that I would be telling the truth.»

«Almost certain! That uncertainty is indeed a slight fault. You cannot accuse him of being a thief, if you are not absolutely certain. The actions of men at times appear to be faulty, whereas they are good.»

«That is true, Master. I will not accuse him anymore, not even in my own mind. But it is true that he has two purses, and that the one he says belongs to him and he gives to You, is instead Yours and he does so to be praised. I would not do that, because I feel that it is not right.»

«You are right.

357.6

What else have you to tell Me?»

John raises his frightened face, opens his mouth to speak, then closes it and falls on his knees hiding his face in the tunic of Jesus, Who lays a hand on his head.

«So, speak up! You may have misjudged things. I will help you to consider them properly. You must also tell Me what you think of the probable causes of Judas’ sinning.»

«Lord, Judas feels that he does not have the strength he would like to have to work miracles… You are aware that it has always been his ambition… Do You remember Endor? Instead… he is the one who works fewer miracles. Since he came back, he has not been able to do anything… and during the night he moans in his dreams, as if they were nightmares and… Master!»

«Come on. Tell Me everything.»

«And he curses… and practises witchcraft. This is not a lie and there is no doubt about it. I saw him myself. He chooses me as his companion, because I sleep soundly. Or rather, because I used to sleep soundly. Now, I must admit it, I watch him and my sleep is not so sound, because I hear him as soon as he moves… Perhaps I did the wrong thing. But I pretended to be asleep to see what he was doing. And twice I have heard and seen him do horrible things. I am not an expert in sorcery, but that is what it is.»

«Does he do that by himself?»

«Sometimes he does, sometimes he does not. I followed him at Tiberias. He went into a house. I inquired later who lives there. It is a man who practises sorcery with other people. And when Judas came out, almost at daybreak, I gathered from the words they spoke that they are familiar with one another and they are many… and not all strangers. He asks the demon to give him the power that You do not give him. That is why I renounce my part so that the Father may give it to him and he may sin no more.»

«You ought to give him your soul. But neither the Father nor I would allow that…»

357.7

There is a long silence. Then Jesus says with a tired voice: «Let us go, John. Let us go downstairs. We will rest until dawn.»

«You look more depressed than before, Lord! I should not have told You!»

«No. I already knew. But you have taken a load off your chest… and that is what matters.»

«Lord, must I avoid him?»

«No. Do not be afraid. Satan can do no harm to people like John. He terrorises them, but he cannot take away the grace that God continuously grants them. Let us go. I will speak in the morning and then we will go to Pella. We must make haste, because the river is already swollen with the thawing snow and the rain of the past days. It will soon be in spate, particularly because a haloed moon forebodes heavy rain…»

They go downstairs and disappear in the room underneath the terrace.

357.8

It is morning. A morning in the month of March, when the sky clears and becomes overcast alternately. But clouds overwhelm clearings, trying to take possession of the sky. The breaths of warm air make the air heavy with a veil of dust that is probably blown from the tableland.

«If the wind does not change, there is going to be rain» states Peter coming out of the house with the others.

Jesus comes out last; He says goodbye to the women of the house, while the landlord joins Him. They go towards a square.

After a few steps, they are stopped by a Roman non-commissioned officer who is with other soldiers. «Are You Jesus of Nazareth?»

«Yes, I am.»

«What are You doing?»

«I am going to speak to the crowds.»

«Where?»

«In the square.»

«A seditious speech?»

«No. Precepts of virtue.»

«Be careful! Don’t tell lies! Rome has had enough of false gods.»

«If you come, too, you will see that I am not telling lies.»

The man who gave Jesus hospitality feels that he must put in a word: «Since when is a rabbi asked so many questions?»

«He has been denounced as an agitator.»

«Agitator? Him? You are making a blunder, Marius Severus. He is the meekest man on the earth. I can assure you.»

The officer shrugs his shoulders and replies: «So much the better for Him. But that is the denunciation that the centurion received. He may go. He has been warned.» And he turns around and goes away with his subordinates.

«Who has done that? I don’t understand!» many of the people present say.

Jesus replies: «Never mind. It does not matter. Let us go while there are many people in the square. Later we shall go away from here, too.»

357.9

The square looks like a business place. It is not a market, but not much different from a market, because there are warehouses around it, with all kinds of goods stored in them. And they are crowded with people. So there are many people also in the square and as some of them point out Jesus, a crowd soon gathers around the «Nazarene». In the crowd there are all kinds of people and of every country. Some are there out of veneration, some out of curiosity.

Jesus makes a gesture that He is about to speak.

«Let us listen to Him!» says a Roman coming out of a warehouse.

«Shall we not be listening to a lamentation?» replies his companion.

«Don’t you believe that, Constant. He is not so boring as our usual orators.»

«Peace to those listening to Me! It is written in Ezra, in Ezra’s prayer[1]: “What shall we say now, my God, after what happened? Because, if we have deserted Your commandments, which You ordained through Your servants…”»

«Stop, You who are speaking. We will give You the subject» shout a handful of Pharisees who elbow their way through the crowd. The armed escort appears almost immediately and stops at the nearest corner. The Pharisees are now before Jesus. «Are You the Galilean? Are You Jesus of Nazareth?»

«I am!»

«Praised be the Lord that we have found You!» Their ugly faces are so rancorous that they do not show much joy for the meeting…

The oldest one speaks: «We have been following You for several days, but You had always left when we arrived.»

«Why are you following Me?»

«Because You are the Master and we want to be instructed by You with regards to a dark passage of the Law.»

«There are no dark passages in the Law of God.»

«Not in the Law. But, eh! Eh!… “superimpositions”, as You say, eh! eh!, have been made to the Law and have caused obscurity.»

«A dim light, at the most. And it is enough to turn one’s mind to God to dispel it.»

«Not everybody can do that. We, for instance, are left in the dim light. You are the Rabbi, eh! eh! So help us.»

357.10

«What is it that you want to know?»

«We want to know whether it is lawful for a man to repudiate his wife for any reason whatsoever. It is something that happens frequently and every time it causes a stir wherever it happens. People apply to us to know whether it is lawful. And we reply according to each case.»

«And you approve what happened in ninety per cent of the cases. And the remaining ten per cent, which you do not approve, concerns the poor or your enemies.»

«How do You know?»

«Because that is what happens in all human things. And I would add a third group of people: those who would be more entitled to it, if divorce were lawful: that is, real pitiful cases, such as incurable leprosy, life imprisonment, or unmentionable diseases…»

«So, according to You, it is never lawful.»

«Neither according to Me, nor according to the Most High, or anyone with a righteous soul. Have you not read, that the Creator, at the beginning of times, created man and woman? And He created them male and female; and it was not necessary for Him to do so, because He could have created a different way of procreation for the king of Creation, whom He made in His image and likeness, and it would have been a good way, even if it differed from every other natural way. And He said: “For this reason man will leave his father and mother and will join himself to his wife and they will become one body”. So God joined them in one unity. Thus they are no longer “two”, but “one” body only. So, what God united, because He saw that “it is a good thing”, man must not divide, because if that should happen, it would no longer be a good thing.»

357.11

«Why then did Moses say: “If a man has taken a wife, but she does not find favour with him through something disgraceful, he will give her a writ of dismissal and send her away from his house”?»

«He said so because of the hardness of your hearts, to avoid, by means of his order, too serious disorders. That is why he allowed you to repudiate your wives. But it was not so from the beginning. Because a woman is worth more than an animal, which according to the caprice of its master or the free circumstances of nature, copulates with this or that male, a soulless body that copulates for procreation. Your wives have souls, as you do, and it is not fair that you should tread on them pitilessly. If in her condemnation it is said: “You will be subject to the power of your husband and he will lord it over you”, that must take place according to justice and not with arrogance offending against the rights of a free soul worthy of respect. By repudiating your wives, which is not lawful, you give offence to the soul of your companion, to the twin body which joined yours, to the whole woman, whom you married, demanding honesty in her, whilst you, O perjurers, are dishonest, disabled, at times corrupt, when you go to her, and you continue to be so, taking every opportunity to strike her and give a wider scope to your unappeasable lust. Prostitutors of your wives! On no account can you separate from the woman who is joined to you according to the Law and Blessing. Only in the case that grace touches you, and you understand that woman is not a possession but a soul, and has therefore equal rights as yours to be recognised as part of man and not an object for his pleasure, and only in the case that your heart is so hard as not to be able to raise her to the dignity of wife, after enjoying her as a prostitute, only to remove the scandal of two who live together without the blessing of God on their union, you may send her away. Because in that case yours is not union but fornication often not honoured by the birth of children, because they are suppressed against nature or sent away as a disgrace. In no other case. Because if you have illegitimate children from your concubine, it is your duty to put an end to the scandal by marrying her, if you are free. I am not taking into consideration the case of adultery consumed to the detriment of an unaware wife. In that case the stones of lapidation and the fire of Sheol are holy. But for him who sends away his legitimate wife because he is satiated with her, to take another one, there is but one sentence: he is an adulterer. And also he who takes the repudiated woman is an adulterer, because if man has arrogated to himself the right to separate what God has joined, the matrimonial union continues in the eyes of God, and cursed is the man who takes a second wife without being a widower. And cursed is he who, after repudiating his wife and abandoning her to the dangers of life, which compel her to get married again to have her daily bread, takes her back when she becomes a widow of her second husband. Because, although she is a widow, she was an adulteress through your fault, and you would double her adultery. Have you understood, Pharisees, who are tempting Me?»

They go away thoroughly humiliated, without replying.

357.12

«He is a severe man. If He were in Rome He would see that the filth there is even more fetid» says a Roman.

Also some of the Gadara people grumble: «It is difficult to be men, if one must be so chaste!…»

And some say in louder voices: «If that is the situation of a man with respect to his wife, it is better not to get married.»

And the apostles also make the same remarks while they resume going towards the country, after leaving those of Gadara. Judas says so scornfully. James of Zebedee speaks with respect and consideration, and Jesus replies to both of them: «Not everybody understands that properly. Some in fact prefer to remain single in order to be free to indulge their vices. Some to avoid the possibility of sin, not being good husbands. But only few are granted to understand the beauty of being free from sensuality and also from the honest desire of woman. And they are the holiest, the freest, the most angelical on the earth. I am referring to those who become eunuchs for the Kingdom of God. Some men are born such. Some are made such. The former are monstrosities to be pitied, the latter are abuses to be repressed. But there is a third category: the voluntary eunuchs, who without any violence against themselves, and thus with double merit, comply with God’s request and live like angels, so that the forlorn altar of the earth may still have flowers and incense for the Lord. They deny their inferior part satisfaction, so that their superior part may grow greater and bloom in Heaven in the flower-beds closest to the throne of the King. And I solemnly tell you that they are not mutilated, on the contrary they are gifted with what most men lack. Thus they are not the object of foolish sneering words, but of great veneration. Let those understand that who should understand it, and respect it, if they can.»

Those who are married among the apostles whisper to one another.

«What is the matter with you?» asks Jesus.

«And what about us? We were not aware of that, and we got married. But we would like to be as You say…» says Bartholomew on behalf of everybody.

«You are not forbidden to do so as from now onwards. Live continently, considering your companion as a sister and you will have great merit in the eyes of God. But quicken your steps, so that we may be at Pella before it begins to rain[2]


Notes

  1. la prière d’Esdras : elle se trouve en Esd 9, 6-15. La partie reprise commence au v.10.
  2. avant la pluie : Une esquisse de Maria Valtorta suit, qui montre, verticalement et vers l’ouest, le cours du Jourdain vers lequel conflue le Yarloq, qui coule du nord vers l’ouest. C’est sur son cours que se trouvent les sources d’eau sulfureuse. Gadara se situe au centre, sur le tracé d’une chaîne de montagnes. Les quatre points cardinaux sont également indiqués. Cette même région est représentée dans l’esquisse de Maria Valtorta au début du chapitre suivant. Il s’y trouve en plus deux autres affluents du Jourdain sans nom, et la localisation de la ville de Pella est indiquée. Entre celle-ci et Gadara, il y a cette note : Espèce de bas haut plateau entre deux chaînes de collines, les premières des montagnes, à l’orient. Et à droite, écrit transversalement, on peut lire cette autre note : Les monts de l’Auranite devraient se trouver ici, mais la chaîne qui s’interpose ne permet d’en voir que deux sommets éloignés, sûrement les plus hauts.

Notes

  1. prayer, in: Ezra 9:6-15. The section indicated begins in verse 10.
  2. rain: The drawing by M.V. shows: 1. the Jordan, running vertically; 2. the Yarmuc, along which course there are 3. the sulphurous water springs; 4. Gadara, on the top of a chain of hills. The four cardinal points are indicated as well.