The Writings of Maria Valtorta

390. La foi d’Abraham d’Engaddi

390. The faith of Abraham of Engedi

390.1

Vers le crépuscule, un crépuscule de feu qui rougit les maisons toutes blanches d’Engaddi et donne à la Mer Morte des reflets de nacre noire, Jésus se dirige vers la place principale. Le jeune homme qui l’a hébergé l’accompagne et le guide à travers les méandres de la ville, à l’architecture vraiment orientale.

Le soleil doit être très fort dans ces lieux ainsi ouverts en face de la lourde surface de la Mer Salée. J’ai l’impression que, en été, il doit en sortir des souffles ardents, isolée comme l’est cette ville au milieu du désert aride que le soleil doit battre sans pitié en rendant brûlant le terrain. Pour s’en défendre, les habitants d’Engaddi ont tracé des rues étroites, qui paraissent l’être encore plus à cause des gouttières et des corniches des maisons qui s’avancent largement, de sorte qu’en levant les yeux, on ne voit apparaître qu’une bande étroite de ciel, d’un bleu violent.

Les maisons sont élevées, presque toutes à deux étages, surmontées d’une terrasse sur laquelle, malgré la hauteur, grimpent et s’étendent des vignes pour faire de l’ombre et offrir le plaisir des grappes qui, une fois mûries sous le soleil souverain, dans la réverbération des murs et du sol de la terrasse, doivent être sucrées comme le raisin sec de Damas. Ces vignes rivalisent pour permettre aux hommes et aux oiseaux d’y trouver du repos. Des passereaux aux pigeons, il y a une foule d’oiseaux qui nichent à Engaddi, profitant des grands palmiers qui poussent un peu partout, et des opulents arbres fruitiers qui s’élèvent dans les cours, dans les jardins enserrés par les maisons, se penchent au-dessus des venelles et retombent par dessus les murs blanchis. Leurs branches chargées de fruits, qui mûrissent au joyeux soleil, dépassent les nombreuses arcades qui, à certains endroits, forment de véritables galeries interrompues çà et là par des exigences architectoniques, et montent vers le ciel bleu, si uni, d’une couleur si moelleuse qu’il donne l’impression que, s’il était possible de l’atteindre, on palperait un lourd velours ou un cuir lisse peint et teint par quelque sage artiste dans ce ton parfait, plus dense qu’une turquoise, moins qu’un saphir, très beau, inoubliable.

Quant aux eaux… Que de sources et de fontaines doivent jaillir dans les cours et les jardins des maisons, au sein de la verdure de mille plantes ! En passant dans les ruelles encore désertes — car les habitants sont au travail ou chez eux —, on entend l’eau couler, clapoter, chanter, comme autant de notes d’une harpe pincée par quelque artiste invisible. Et pour en augmenter le charme, les arcades, les tournants continuels des rues recueillent ces gazouillis, les amplifient, augmentent leur nombre par l’effet des échos pour en faire tout un arpège.

Et des palmiers, des palmiers, encore des palmiers ! Sur la moindre petite place large comme une pièce d’habitation, on voit leurs troncs, minces, très élevés, grimper vers le ciel. Tout en haut, un léger mouvement de balancement des feuilles, serrées comme un panache en haut du fût, les fait bruire. L’ombre, qui tombe sûrement à pic en plein midi sur la minuscule place et la couvre tout entière, se reflète maintenant d’une étrange manière sur les murets des plus hautes terrasses.

Mais Engaddi est propre, en comparaison des villes de Palestine. Peut-être le fait que les maisons soient serrées les unes contre les autres, qu’elles aient toutes des cours et des jardins cultivés, a-t-il contribué à enseigner aux habitants à ne pas jeter toutes leurs immondices dans les rues, et à les recueillir, au contraire, avec les ordures des animaux pour en faire des tas de fumier destinés aux arbres et aux plates-bandes, ou bien… par un rare souci d’ordre. Les ruelles sont propres, asséchées par le soleil, et on n’y trouve pas les peu gracieux tas d’épluchures jetées au rebut, les sandales éculées, les chiffons sales, les excréments et autres déchets infects que l’on voit dans Jérusalem elle-même, dans les rues à peine périphériques.

390.2

Voici le premier cultivateur qui revient du travail sur un âne gris. Pour le défendre contre les mouches, il a caparaçonné complètement avec des branches de jasmin son âne, qui avance au petit trot, en secouant ses oreilles et ses grelots sous la couverture ondulante des branches parfumées. L’homme regarde et salue. Le jeune lui dit :

« Viens sur la grande place. Tu entendras le Rabbi, qui loge chez moi. »

Un troupeau de brebis, en provenance d’une petite place au fond de laquelle on aperçoit la campagne, s’engage dans la rue et l’envahit. Elles marchent étroitement serrées les unes contre les autres, mettant leurs sabots là où les a mis celle qui les précède, la tête penchée comme si elle était trop lourde pour leur cou grêle sur leur masse obèse. Elles trottinent de leur pas bizarre, et leur corps trop gras ressemble à un baluchon fixé sur quatre piquets… Jésus, Jean et Pierre imitent l’homme qui est avec eux et s’adossent au mur chaud d’une maison pour les laisser passer. Un adulte et un enfant suivent le troupeau. Ils regardent et saluent. Le jeune homme dit :

« Enfermez les brebis et venez sur la grande place avec vos familles. Le Rabbi de Galilée est parmi nous. Il va nous parler. »

Voici la première femme qui sort, entourée d’une nichée d’enfants, pour aller je ne sais où. Le jeune homme l’invite elle aussi :

« Viens avec Jean et les enfants écouter le Rabbi que l’on nomme Messie. »

Les maisons s’ouvrent peu à peu dans le soir qui tombe et laissent entrevoir en arrière-fond de verts jardins, ou de paisibles courettes où les pigeons prennent leur dernier repas. Le jeune homme passe la tête par chaque porte ouverte et lance :

« Venez entendre le Rabbi, le Seigneur. »

390.3

Ils débouchent enfin dans une rue droite, l’unique rue droite de cette ville qui n’a pas été construite comme on l’aurait voulu, mais en fonction des palmiers ou des puissants pistachiers, certainement centenaires et respectés comme des notables par les habitants qui leur doivent de ne pas mourir d’insolation. Au bout, apparaît maintenant une place où font office de colonnes les fûts de nombreux palmiers. On dirait une de ces salles hypostyles des temples ou des palais très anciens, faites d’un vaste espace rempli de colonnes placées à des distances régulières pour faire une forêt de pierre soutenant le plafond. Ici les palmiers servent de pilastres et, serrés comme ils sont, leurs feuillages se rejoignent pour former un plafond émeraude sur la place blanche, au milieu de laquelle se trouve une haute fontaine carrée, remplie d’une eau cristalline qui jaillit d’une colonnette au centre du bassin et retombe dans des vasques plus basses où peuvent s’abreuver les animaux. En ce moment, les paisibles pigeons domestiques l’ont prise d’assaut et ils boivent ou dansent un menuet, leurs pattes roses posées sur le bord le plus haut, ou encore ils aspergent leurs plumes en produisant des reflets dus aux gouttes d’eau qui s’accrochent un moment aux barbes des plumes.

Il y a du monde. Les huit apôtres qui s’étaient dispersés çà et là en quête de logement sont revenus, et chacun a rassemblé ses fidèles désireux d’entendre celui qu’on leur a indiqué comme le Messie promis. Les apôtres se hâtent d’accourir de tous côtés vers le Maître, comme autant de comètes qui traînent à leur suite les petits groupes de leurs conquêtes.

390.4

Jésus lève la main pour bénir les disciples et les habitants d’Engaddi.

Jude parle au nom de tous :

« Voici, Maître et Seigneur. Nous avons fait ce que tu nous as demandé, et ils savent qu’aujourd’hui la Grâce de Dieu est au milieu d’eux. Mais ils veulent aussi entendre la Parole. Plusieurs te connaissent par ouï-dire, certains pour t’avoir rencontré à Jérusalem. Tous — et les femmes en particulier — désirent te connaître, et en premier lieu le chef de la synagogue. Le voici. Viens, Abraham. »

L’homme, vraiment très âgé, s’avance. Il est ému : il voudrait parler mais, dans son trouble, il ne retrouve plus ce qu’il avait préparé. Il se penche pour s’agenouiller en s’appuyant sur son bâton, mais Jésus l’en empêche et commence par l’embrasser en disant :

« Paix au vieux et juste serviteur de Dieu ! »

L’autre, de plus en plus ému, ne sait que répondre :

« Louange à Dieu ! Mes yeux ont vu le Promis ! Que puis-je demander de plus à Dieu ? »

Et, levant les bras dans une pose hiératique, il entonne le psaume de David[1] :

« “ J’ai attendu le Seigneur avec impatience, et il s’est tourné vers moi. ” »

Mais il ne le cite pas intégralement : il ne chante que les passages qui se rapportent davantage à l’événement :

« “ Il a entendu mon cri et m’a tiré de l’abîme de la misère et de la boue du marécage…

Il a mis sur mes lèvres un cantique nouveau.

Heureux l’homme qui met son espoir dans le Seigneur.

Que de merveilles tu as accomplies, Seigneur mon Dieu, nul ne t’est comparable. Je voudrais les redire et les proclamer, mais leur nombre dépasse toute énumération.

Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation, mais tu as ouvert mes oreilles.” (il est de plus en plus ému).

“ Il est dit que je dois faire ta volonté… Je garde ta Loi tout au fond de mon cœur.

J’ai annoncé ta justice à la grande assemblée. Voici : je n’ai pas gardé mes lèvres closes, tu le sais, Seigneur.

Je n’ai pas tenu ta justice cachée en moi, j’ai proclamé ta vérité et le salut qui vient de toi…

Mais toi, Seigneur, n’éloigne pas de moi ta compassion…

Des malheurs sans nombre sont tombés sur moi… ” (il pleure vraiment, et les larmes rendent sa voix encore plus cassée et chevrotante).

“ Je suis pauvre et misérable, mais le Seigneur prend soin de moi. Tu es mon aide, mon protecteur, ô mon Dieu, ne tarde pas !…”

Voilà le psaume, mon Seigneur, et j’ajoute de mon côté : dis-moi : “ Viens ” et je te répondrai comme dans le psaume : “ Voici, je viens ! ” »

Puis il se tait et pleure. On lit toute sa foi dans ses yeux brouillés par les années.

390.5

Les gens expliquent :

« Il a perdu sa fille, qui lui laisse des petits-enfants. Sa femme est devenue aveugle et a perdu l’esprit à la suite de nombreuses souffrances, et l’on ne sait rien de leur fils unique. Il a disparu du jour au lendemain… »

Jésus pose sa main sur l’épaule du vieil homme :

« Les souffrances des justes passent aussi rapidement que l’hirondelle en comparaison de la durée de la récompense éternelle. Mais nous allons rendre à ta Saraï ses yeux d’autrefois et l’intelligence de ses vingt ans pour qu’elle réconforte ta vieillesse.

– Elle s’appelle Colombe, signale quelqu’un dans la foule…

– Pour lui, elle est sa princesse[2]. Mais écoutez la parabole que je vous propose.

– Tu ne vas pas auparavant délivrer des ténèbres les yeux et l’esprit de mon épouse pour qu’elle puisse savourer la Sagesse ? demande anxieusement le vieux chef de la synagogue.

– Peux-tu croire que Dieu peut tout, et que son pouvoir vient d’un autre monde ?

– Oui, Seigneur.

390.6

Je me rappelle, un soir, il y a plusieurs années : j’étais croyant, bien que je connaisse alors le bonheur. Car c’est ainsi ! L’homme, quand il est heureux, peut même oublier Dieu.

Moi, je croyais en Dieu, même en ce temps joyeux où ma femme était jeune et en bonne santé ; mon Elise grandissait, c’était une jeune fille belle comme un palmier, qui était déjà fiancée, et Elisée l’égalait en beauté et la surpassait en force, comme il convient à un homme… J’étais allé avec l’enfant aux sources qui se trouvent près des vignes qui forment la dot de Colombe, laissant ma femme et ma fille aux métiers sur lesquels on tissait le trousseau nuptial… Mais je t’ennuie peut-être ? Le malheureux, par ses souvenirs, songe à sa joie passée… mais cela n’intéresse guère les autres…

– Parle, parle !

– J’étais donc parti avec l’enfant… Les sources… Si tu es venu par la route de l’occident, tu sais où elles sont… Ces sources étaient à la limite du lieu béni, et en regardant, on apercevait, au-delà, le désert et la route blanche, à cause des pierres romaines encore bien visibles dans les sables de Juda… Plus tard… cette marque aussi a disparu ! Un signal qui se perd dans les sables, ce n’est rien ! Mais c’est mal que se soit effacé le signe de Dieu, envoyé pour te désigner, dans les âmes d’Israël. Dans trop d’âmes !

Mon garçon m’a dit : “ Père, regarde ! Une grande caravane, avec des chevaux, des chameaux, des serviteurs et des seigneurs, en direction d’Engaddi. Ils viennent peut-être aux sources avant la tombée de la nuit…” J’ai levé les yeux des sarments dont je m’occupais et qui traînaient après la vendange abondante, et j’ai vu… Ces hommes venaient bien aux sources. Ils descendiren, me virent et demandèrent s’ils pouvaient camper en cet endroit pour une nuit.

“ Engaddi a des maisons hospitalières, et elle est toute proche ”, répondis-je.

“ – Non. Nous veillons pour être prêts à fuir, car Hérode nous recherche. D’ici, les sentinelles verront toute la route et il sera facile d’échapper à ceux qui veulent nous retrouver. ”

“ – Quel péché avez-vous donc commis ? ” demandai-je, étonné et prêt à leur indiquer les cavernes de nos montagnes, puisque c’est pour nous une coutume sacrée à l’égard des persécutés. Et j’ajoutai :

“ – Vous êtes étrangers et originaires de lieux différents… Je ne sais pas comment vous avez pu pécher contre Hérode… ”

“ – Nous avons adoré le Messie, qui est né à Bethléem de Juda et vers lequel nous a guidés l’étoile du Seigneur. Hérode le cherche et donc nous aussi, pour que nous lui indiquions l’endroit où il se trouve. Or c’est pour le tuer qu’il est à sa recherche. Quant à nous, peut-être trouverons-nous la mort dans les déserts, sur cette route longue et inconnue, mais nous ne dénoncerons pas le Saint descendu du Ciel ! ”

Le Messie ! Le rêve de tout véritable israélite ! Mon rêve ! Il était au monde ! Et il vivait à Bethléem de Juda conformément à la prédiction[3] !… Je demandai, en tenant mon fils sur mon cœur, une quantité de nouvelles, et je disais :

“ Ecoute, Elisée ! Rappelle-toi ! Toi, tu le verras sûrement ! ”

J’avais déjà cinquante ans, et je n’espérais plus le voir… ni vivre assez longtemps pour le voir adulte… Mais Elisée… ne peut plus l’adorer… »

Le vieillard pleure de nouveau, puis se ressaisit :

« Les trois Sages m’ont parlé avec une patiente douceur. Ils m’ont décrit ta sainte enfance, ta Mère, ton père… J’aurais bien passé la nuit avec eux… Mais Elisée s’endormait sur moi. Je pris donc congé des trois Sages en leur promettant de garder le silence pour ne pas leur faire tort par de possibles dénonciations. Mais à Colombe, dans la chambre nuptiale, je racontai tout, et ce fut un soleil au milieu des malheurs qui nous frappèrent plus tard. Ensuite, j’ai appris le massacre… et, pendant des années, j’ai ignoré si tu étais sain et sauf. Maintenant, je le sais. Mais moi seulement, car Elise est morte, Elisée n’est plus, et Colombe ne peut entendre cette heureuse nouvelle… Mais ma foi dans le pouvoir de Dieu, déjà vive, est devenue parfaite depuis cette soirée lointaine où trois hommes, de races différentes, ont témoigné de la puissance de Dieu, par leur union d’âmes, grâce à l’étoile miraculeuse, sur le chemin de Dieu pour adorer son Verbe.

– Et ta foi sera récompensée.

390.7

Maintenant, écoutez.

Qu’est-ce que la foi ? Elle est parfois pareille à une dure semence de palmier, minuscule, formée d’une brève phrase : “ Dieu existe ”, nourrie par une seule affirmation : “ Je l’ai vu. ” Ainsi en a-t-il été de la foi d’Abraham en moi, grâce aux paroles des trois Sages d’Orient. Ainsi en a-t-il été de la foi de notre peuple, depuis les plus lointains patriarches, transmise d’une génération à l’autre, depuis Adam à sa postérité. Il était certes pécheur, mais on a cru à sa parole : “ Dieu existe, et nous existons parce qu’il nous a créés. Et moi, je l’ai connu. ” Ainsi en a-t-il été de cette foi, toujours plus parfaite car toujours plus manifestée, qui est venue par la suite, et qui est pour nous un héritage, éclairé de manifestations divines, d’apparitions angéliques, de lumières de l’Esprit. Ce sont là des semences toujours minuscules en comparaison de l’Infini. Mais en mettant des racines, en fendant la dure écorce de l’animalité avec ses doutes et ses tendances, en triomphant des passions, ces herbes nuisibles, des péchés, de la moisissure des corruptions, des vices comme autant de vers rongeurs, de tout, elle s’élève dans les cœurs, grandit, s’élance vers le soleil, vers le ciel, jusqu’à se libérer des limites de la chair et se fondre en Dieu dans sa connaissance parfaite, dans sa possession complète, au-delà de la vie et de la mort, dans la vraie Vie.

Celui qui a la foi a trouvé le chemin de la Vie. Celui qui sait croire n’erre pas. Il voit, il reconnaît, il sert le Seigneur et possède le salut éternel. Pour lui, le Décalogue est quelque chose de vital et chacun de ses commandements est une perle dont s’orne sa future couronne. Pour lui, la promesse du Rédempteur est le salut. L’homme qui croyait avant que je ne vienne sur la terre est-il mort ? Peu n’importe. Sa conviction le rend égal à ceux qui s’approchent aujourd’hui de moi avec amour et foi. Les justes trépassés seront bientôt dans la joie, car leur foi va obtenir sa récompense. Après avoir accompli la volonté de mon Père, j’irai leur dire : “ Venez ! ” et tous ceux qui sont morts dans la foi monteront avec moi dans le Royaume du Seigneur.

Imitez dans la foi les palmiers de votre terre : ils sont nés d’une petite semence, mais avec une si forte volonté de croître, et de pousser si droit, oublieux du sol, mais épris du soleil, des astres, du ciel. Ayez foi en moi. Sachez croire ce que trop peu croient en Israël, et je vous promets la possession du Royaume céleste, par le pardon de la faute originelle et par la juste récompense accordée à tous ceux qui pratiquent ma doctrine qui est la très douce perfection du parfait Décalogue de Dieu.

390.8

Je vais rester parmi vous aujourd’hui et demain, jour du sabbat sacré, et je partirai à l’aube du lendemain. Que celui qui est affligé vienne à moi ! Que celui qui doute vienne à moi ! Que celui qui veut la vie vienne à moi ! Sans crainte, car je suis la Miséricorde et l’Amour. »

Et Jésus fait un large geste de bénédiction pour congédier ses auditeurs, afin qu’ils puissent aller dîner et prendre quelque repos. Il est sur le point de s’éloigner quand une petite vieille, jusqu’alors cachée dans le coin d’une ruelle, fend la foule qui veut encore rester avec le Maître et, parmi les cris étonnés des gens, va s’agenouiller aux pieds de Jésus en s’écriant :

« Bénis sois-tu ainsi que le Très-Haut qui t’envoie ! Et béni soit le sein qui t’a engendré et qui est grand comme celui de la plus grande des femmes, puisqu’elle a pu te porter, toi ! »

Une exclamation d’homme s’y joint :

« Colombe ! Colombe ! Oh ! Tu vois ! Tu entends ! Tu parles avec sagesse en reconnaissant le Seigneur ! Oh ! Dieu ! Dieu de mes pères ! Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ! Dieu des prophètes ! Dieu de Jean, le Prophète. Dieu ! Mon Dieu ! Fils du Père ! Roi comme le Père ! Sauveur par obéissance au Père ! Dieu comme le Père, et mon Dieu, Dieu de ton serviteur ! Sois béni, aimé, suivi, adoré éternellement ! »

Et le vieux chef de la synagogue glisse à genoux, à côté de sa femme, et l’étreignant du bras gauche, la serrant contre son cœur, il se penche et la fait s’incliner elle aussi pour baiser les pieds du Sauveur. Un cri de joie de la foule tout entière fait vibrer les troncs, tant il est puissant et effraie les pigeons qui, déjà dans leurs nids, prennent leur envol et tournent au-dessus d’Engaddi comme pour répandre dans toute la ville la nouvelle que le Sauveur est dans ses murs.

390.1

Towards sunset, a fiery one that ruddies the very white houses of Engedi and makes the Dead Sea a sheet of black nacre, Jesus sets out towards the main square. He is now with the boy who gave Him hospitality and who is now leading Him through the streets of the town, with its distinctly oriental architecture.

To protect themselves from the sun – which must be very strong in this place so exposed to the heavy expanse of the Salt Sea, which I understand must exhale hot fumes in the summer months, and is so isolated in the midst of a bare desert on which the sun blazes down mercilessly burning the ground – the inhabitants of Engedi built very narrow streets, which look even more narrow because of the projecting eaves and cornices of the dwellings, so that anyone looking up can see only a very thin strip of the deep blue sky.

The buildings are tall, most of them being two storey houses, with vine-clad roof terraces, giving shade and delightful grapes, which must be as sweet as raisins, when they fully ripen in the golden sun and the reflected heat of the walls and terrace-floors. And the vines compete in giving comfort to men and the many birds, from sparrows to doves, which nest in Engedi, with the towering palm-trees, which have grown everywhere, and with magnificent opulent fruit-trees, which have come up in yards, in house gardens, and peep out over little lanes, hanging down white walls with their branches already laden with fruit ripening in the bright sun, reaching down below the numerous archivolts, which in some parts really form tunnels, interrupted here and there for architectonic reasons, and they rise towards the blue sky, a sky so uniform and mellow, that if it could be touched, it would be like touching thick velvet or smooth leather, painted and dyed by a cunning craftsman with that perfect, beautiful, unforgettable hue, which is darker than a turquoise and lighter than a sapphire.

And waters… How many fountains, large and small, must be gurgling in the yards and gardens of houses, among thousands of plants! Walking along the narrow streets, still deserted, as the people are either at work or at home, one can hear them dripping, gurgling, rustling like the notes of a harp played by a hidden harpist. And the charm is increased by the many archivolts and corners that gather together the sounds of the waters, amplifying them and increasing them through numerous echoes, composing a harmonious arpeggio.

And endless palm-trees!… Where there is a little square, even if only the size of a room, the very tall slender trunks rise towards the sky, and their tops, tufts of rustling leaves tied like brushes round the trunks, hardly move up there, and their shadows at midday fall perpendicular to the little square, covering it completely, whilst now they are forming fantastical designs on the higher terraces.

The town is clean as compared with Palestinian towns. Perhaps the fact that houses are so close together and each has a yard and cultivated garden has helped to teach the population not to throw garbage into the streets, but to gather such waste and animal excrement into special dunghills to be used as fertilizer for trees and flower-beds, or it is… a very rare case of cleanliness. The little streets are clean, dried by the sun and there is no unpleasant display of waste vegetables, old sandals, dirty rags, excrement and the like, as can be seen even in Jerusalem, in streets quite near the town centre.

390.2

There is the first farmer coming back from his work, riding a little grey donkey. To protect the animal from flies, the man has caparisoned it with jasmine branches and the beast is now trotting away shaking its ears and harness-bells under the wavy scented screen of branches. When the man turns around and greets him, the boy says: «Come to the main square. You will hear the Rabbi who is staying with me.»

Now there is a flock of sheep invading the street coming from a little square beyond which one can see the country background. They proceed close to one another, each putting its feet in the places where the one preceding it puts them, with their heads stooped as if they were too heavy for their necks – so thin compared with their fat bodies – trotting in their strange fashion and their obese bodies looking like bundles resting on four sticks… Jesus, John and Peter imitate the man who is with them, and they lean against the warm wall of a house to let them pass. A man and a boy are following the flock. They look and greet. The young man says: «Put the sheep in the fold and come to the main square with your relatives. The Rabbi of Galilee is here with us and He is going to speak to us.»

And there is the first woman to come out, surrounded by a group of children, going I wonder where. The young man says: «Come with John and his sons to hear the Rabbi, Whom they call the Messiah.»

The houses open little by little in the oncoming evening, showing green backgrounds of gardens, or peaceful yards where doves are having their last feed. The youth peeps in at each door and shouts: «Come to listen to the Rabbi, the Lord.»

390.3

They finally come to a straight road, the only straight one in this town, which was not built as people would have liked, but as palm-trees or the mighty age-old pistachio-trees wanted, and which are respected as notables by the citizens, who are indebted to them for not dying of sunstroke. At the end there is a square where many trunks of palm-trees act as columns. It looks like a hypo style hall of temples and ancient palaces, which consisted of a large room with columns placed at symmetrical intervals forming a stony forest to support the roof. The palm-trees here act as columns and, thick as they are, with their dense rustling foliage they form an emerald ceiling over the white square in the middle of which there is a tall square fountain full of crystal-clear water gushing out from a little column in the centre of the basin, and falling into lower basins, where animals can water. Tame docile doves have rushed to it just now and they are drinking or dancing a minuet with their little pink legs on the upper edge, or they are spraying their feathers which shine increasing their iridiscent hues as the drops of water rest for a moment on the barbs of the feathers.

There are many people. And there are the eight apostles who had gone in various directions looking for lodgings, and each of them has gathered some followers, who are anxious to hear Him, Whom the apostle has pointed out as the promised Messiah. The apostles hasten towards the Master from all directions trailing, like comets, the little groups they have conquered.

390.4

Jesus raises His hand to bless His disciples and the people of Engedi.

Judas of Alphaeus speaks on behalf of everyone: «Here, Master and Lord. We have done what You told us and these people are aware that the Grace of God is among them. But they want also the Word. Many know You having heard of You. Many because they met You in Jerusalem. Everybody, and the women in particular, wish to know You, and first of all, their head of the synagogue. There he is. Come here, Abraham.»

The man, who is very old, comes forward. He is moved. He would like to speak, but moved as he is, he cannot find any of the words he had prepared. He stoops to kneel down, leaning on his stick, but Jesus stops him, embracing him at once and saying: «Peace to the old just servant of God!» and the man, who is more and more moved, can only reply: «Praise be to God! My eyes have seen the Promised Messiah! What else shall I ask of the Lord?» and raising his arms, in hieratic attitude, he intones David’s 40th psalm[1]: «“I waited anxiously for the Lord and He has stooped to me”.» But he does not recite it all. He repeats only the passages which are more appropriate to the occasion: «“He heard my cry and has pulled me out of the pit of misery, out of the slough of the marsh…

He has put a new song in my mouth.

Happy is the man who puts his trust in the Lord.

How many wonders You have done for us, O Lord my God! You have no equal. I would like to proclaim them again and again, but they are more than I can count.

You, Who wanted no sacrifice or oblation, opened my ear… (he is moved more and more).

It is written that I must do Your will… I have always loved Your Law from the depths of my being.

I have always proclaimed Your righteousness in the Great Assembly. I did not close my lips, as You know well, O Lord.

I have never kept Your righteousness to myself, but I have proclaimed Your faithfulness and saving help…

For Your part, O Lord, do not withhold Your kindness from me…

More misfortunes beset me than I can count (he is now weeping copiously, uttering his words in a voice that is even more trembling and senile because of his tears)…

I am a poor wretch, but the Lord takes care of me. You are my help, my protector, my God, do not delay!…”.

That is the psalm, my Lord, and I add one of my own: “Say to me: ‘Come’ and I will say to You what the psalm says: ‘Here I come!’”.»

He becomes silent and weeps with all his faith gathered in his eyes dimmed by age.

390.5

People explain: «His daughter died and left young grandchildren to him. His wife has become blind and dull-witted through grief, and they do not know what happened to their only son. He disappeared all of a sudden…»

Jesus lays His hand on the shoulder of the old man and says to him: «The sufferings of the just are as swift as a swallow, as compared with the duration of the eternal reward. But we shall give back to Sarah the eyesight of bygone days and the intelligence of her youth, so that she may comfort your old age.»

«Her name is Colomba» informs one of the people…

«She is his princess[2]. But listen to the parable I am going to tell you…»

«Will You not free first from darkness the eyes and the mind of my wife, so that she also may relish Wisdom?» asks the old head of the synagogue anxiously.

«Do you believe that God can do everything and that His power spreads over the universe?»

«Yes, my Lord, I do.

390.6

I remember one evening many years ago. I was then happy, but even in joy I was a believer. Because that is what man is like! While he is happy, he can also forget about God. But I believed in God, also in those happy days, when my wife was young and healthy, and my daughter Eliza was growing as beautiful as a palm tree and was already engaged, and Elisha was as handsome as she was beautiful, but he exceeded her in strength as befits a man… I had gone with the boy to the fountains near the vineyard, which is Colomba’s dowry, while my wife and daughter remained at home to weave the girl’s trousseau… But perhaps I am boring You… A poor wretch dreams remembering his past happiness… but other people are not interested…»

«Go on, go on!»

«I had gone with the boy… The fountains… If You came along the western road, You know where they are… The fountains were at the boundary of the blessed place, and looking beyond the desert, one could see the white stones of the Roman road, which was then still visible among the sands of Judah… Later… that landmark also disappeared! It does not matter if a landmark disappears among sands! But it is bad that the sign of God, sent to point You out, should dissolve in the hearts of Israel. In too many hearts! My son said: “Father! Look! A great caravan, with horses and camels, and servants and gentlemen going towards Engedi. They are perhaps coming to the fountains before it gets dark…”. As I was attending to the vine-branches, I raised my eyes, so tired after the abundant vintage, and I saw… The men were really coming to the fountains. They dismounted, they saw me and they asked whether they could camp there for one night.

“Engedi has hospitable homes and it is not far” I replied.

“No. We will be keeping watch to be ready to flee, because Herod is pursuing us. Our guards will be able to control every road from here and it will be easy to escape from those seeking us”.

“What sin have you committed?” I asked, as I was surprised and willing to show them the caves of our mountains, as is our sacred custom to assist those who are persecuted. And I added: “You are strangers and you come from different places… I do not see how you can have sinned against Herod…”.

“We have worshipped the Messiah Who was born in Bethlehem of Judah and to Whom we were led by the star of the Lord. Herod is looking for Him, and that is why he wants to find us, so that we may tell him where the Child is. But he is looking for Him to kill Him. We will perhaps die in the desert, on a long unknown road, but we will not reveal where the Holy Child is, Who descended from Heaven!”.

The Messiah! The dream of every true Israelite! My dream! And He was in the world! In Bethlehem of Judah as it was foretold[3]!… And pressing my son to my heart, I asked for more information and details, saying: “Listen, Elisha! Remember! You will certainly see Him!”. I was already fifty years old and I no longer hoped to see Him… neither did I hope to live so long as to see Him grown into a man… Elisha… can no longer worship Him…»

The old man is weeping again. But he collects himself and says: «The three Wise Men spoke kindly and patiently and they described You in Your holy infancy, and Your Mother and father… I could have spent the night with them… but Elisha was falling asleep in my lap. I said goodbye to the three Wise Men and I promised that I would not say one word that might be detrimental to them. But I told Colomba everything in our bedroom and that was our only joyful expectation in our subsequent misfortunes. Later we heard of the slaughter… and for years I did not know whether You were alive. Now I know. But I am the only one, because Eliza died, Elisha is no longer with us, and Colomba cannot understand the happy news… But my faith in the power of God, which was already alive, became perfect after that remote evening, when three men, of different races, bore witness to the power of God by being united, through the voices of stars and of their souls, on the road of God, to worship His Word.»

«And your faith will be rewarded.

390.7

Now listen.

What is faith? Like the hard seed of a palm-tree, at times it is tiny and consists in a short sentence: “God exists”, supported by one only statement: “I have seen Him”. As the faith Abrabam had in Me, through the words of the three Wise Men from the East. Like the faith of our people, from the most ancient patriarchs, transmitted from one generation to the next one, from Adam to his descendants, from Adam the sinner, who, however, was believed when he said: “God exists, and we exist because He created us. And I have known Him”. Like the faith that came later, and was more perfect because more deeply based on revelation, and is our heritage, shining with divine manifestations, with angelical apparitions and the light of the Spirit. But still a tiny seed as compared with the Infinite. A tiny seed. But it takes root, and splitting the hard bark of animal nature with its doubts and inclinations, and triumphing over the harmful herbs of passions, of sins, over stale discouragement and corroding vices, over everything, it rises in hearts, it grows, it rushes towards the sun, to Heaven, rising, rising… until it gets rid of the limitations of the flesh and merges with God, in its perfect knowledge and full possession, beyond life and death, in True Life.

Who possesses faith, possesses the way of Life. Who can believe, does not err. A believer sees, knows, serves the Lord and has eternal salvation. The Decalogue is of vital importance to him and each commandment is a gem, which will adorn his future crown. The promise of the Redeemer is salvation for him. It does not matter if the believer died before I came to the Earth. His faith makes him equal to those who now approach Me with faith and love. The deceased just will soon be rejoicing because their faith is about to be rewarded. After fulfilling the will of My Father, I will go to them and say: “Come!”, and all those who died in Faith will ascend with Me to the Kingdom of the Lord.

Let your faith be like the palm-trees of your country, which sprout from tiny seeds, but are so determined in growing up straight, that they forget the earth and are in love with the sun, the stars and the sky. Have faith in Me. Believe what too few people believe in Israel, and I promise that you will possess the heavenly Kingdom, through forgiveness of the original sin and the just reward to all those who practise My doctrine, which is the most sweet perfection of the perfect Decalogue of God.

390.8

I will stay with you today and tomorrow, which is the holy Sabbath, and I will leave at dawn the day after the Sabbath. Let those who suffer come to Me! Let those who are in doubt come to Me! Let those who want Life come to Me! Without any fear, because I am Mercy and Love.»

And Jesus makes a wide gesture to bless and dismiss His listeners, so that they may go and have their evening meal and rest and He is about to set off, when a little old woman, so far concealed by the corner of a narrow street, makes her way through the crowds still around the Master, and amid the crying people, she goes and kneels at Jesus’ feet shouting: «May You be blessed and the Most High Who has sent You! And blessed be the womb that bore You, as it is greater than the womb of women, if it was able to bear You!»

The shouting of a man mingles with the woman’s: «Colomba! You see! You understand! You are speaking wisely recognising the Lord! Oh! God! God of my fathers! God of Abraham, Isaac and Jacob! God of the prophets! God of John, the Prophet! God! My God! Son of the Father! King like the Father! Saviour obedient to the Father! God like the Father, and my God, God of Your servant! May You be blessed, loved, followed, worshipped forever!»

And the old head of the synagogue kneels down beside his wife, embracing her with his left arm, pressing her to his heart, he stoops and makes her stoop to kiss the feet of the Saviour, while the joyful shouting of the crowds is so loud that it makes tree-trunks vibrate and frightens the doves, which take flight from the nests where they were already resting and fly over Engedi, as if they wished to spread over the whole town the news that the Saviour is within its walls.


Notes

  1. le psaume de David : il s’agit du Ps 39 dans la Vulgate, et du Ps 40 dans la Bible actuelle.
  2. princesse : c’est la signification du prénom Saraï, ou Sarah.
  3. la prédiction, en Mi 5, 1.

Notes

  1. psalm, that is not the 34th but the 39th in the vulgate and the 40th in the neo-vulgate.
  2. princess is the meaning of the name Sarai (or Sarah).
  3. foretold, in: Micah 5,1.