The Writings of Maria Valtorta

432. Avec les paysans de Yokhanan, près de Séphoris.

432. With the peasants of Johanan at Sephoris.

432.1

« Vont-ils venir ? » demande Matthieu à ses compagnons qui sont assis sous un bois de chênes verts sur les premières pentes de la colline où s’élève Séphoris. La plaine d’Esdrelon n’est plus visible, car elle est au-delà de la colline où ils se trouvent. Mais une plaine beaucoup plus petite s’étend entre cette colline et celles de la région de Nazareth, bien distinctes dans la limpide clarté de la lune.

« Ils l’ont promis, et ils vont venir, répond André.

– Certains, du moins. Ils sont partis au milieu de la première veille et ils arriveront au début de la seconde, estime Thomas.

– Plus tard, dit Jude.

– Il nous a fallu moins de trois heures, objecte André.

– Nous sommes des hommes, et en pleine force. Eux sont fatigués, et des femmes les accompagnent probablement, répond encore Jude.

– Pourvu que leur maître ne s’en aperçoive pas ! soupire Matthieu.

– Il n’y a pas de danger : il est parti pour Jezréel, chez un ami.

432.2

Quant à l’intendant, il vient lui aussi, car il ne hait pas le Maître, dit Thomas.

– Cet homme est-il sincère ? demande Philippe.

– Oui, car il n’a pas de raison de ne pas l’être.

– Qui sait ? Etre dans les bonnes grâces du maître et…

– Non, Philippe. Yokhanan le renvoie après les vendanges, précisément parce qu’il ne hait pas le Maître, répond André.

– Qui vous a dit cela ? demandent plusieurs.

– Lui et les paysans… chacun de leur côté. Et quand deux hommes de catégories sociales différentes sont d’accord, c’est signe que ce qu’ils disent est vrai. Les paysans pleuraient le départ de l’intendant. Il était devenu très humain. Et il nous a lui-même rapporté : “ Je suis un homme, pas une marionnette. L’an dernier il m’a demandé : ‘ Honore le Maître, approche-le, sois son fidèle. ’ J’ai obéi. Aujourd’hui, il me dit : ‘ Malheur à toi si tu aimes mon ennemi et si tu leur permets de l’aimer. Je ne veux pas d’anathème sur mes terres pour avoir accueilli ce maudit. ’ Mais, maintenant que je l’ai connu, comment puis-je considérer cet ordre comme juste ? J’ai rétorqué à mon maître : ‘ Tu tenais un discours différent l’an dernier, pourtant c’est toujours le même homme. ’ Il m’a frappé une première fois. J’ai lancé : ‘ Je ne suis pas un esclave et, même si je l’étais, tu ne posséderais pas ma pensée. Or j’estime que Celui que tu appelles maudit est saint. ’ Il m’a frappé de nouveau. Ce matin, il m’a dit : ‘ L’anathème d’Israël est sur mes terres. Malheur à toi si tu transgresses mon ordre. Tu ne seras plus mon serviteur. ’ J’ai répondu : ‘ Tu as raison : je ne serai plus ton serviteur. Cherches-en un autre qui ait ton cœur et qui soit un rapace pour tes biens comme tu l’es pour les âmes d’autrui. ’ Il m’a jeté par terre et battu… Mais le travail de l’année va bientôt finir et, à la lune de Tisri, je vais être libre. Je le regrette seulement pour eux…” et il montrait les paysans, raconte Thomas.

– Mais où l’avez-vous vu ?

– Dans le bois, comme si nous étions des voleurs. Michée, à qui nous avions parlé, l’avait averti et il est arrivé encore couvert de sang ; les serviteurs et les servantes étaient venus par petits groupes…, précise André.

432.3

– Hum ! Alors Judas avait raison ! Lui connaît l’humeur du pharisien…, fait remarquer Barthélemy.

– Judas sait trop de choses !… opine Jacques, fils de Zébédée.

– Tais-toi ! Il pourrait t’entendre ! conseille Matthieu.

– Non. Il s’est éloigné en disant qu’il a sommeil et mal à la tête, répond Jacques.

– C’est la lune : la lune dans le ciel et la lune dans sa tête. Il est ainsi, plus changeant que le vent, déclare sentencieusement Pierre, jusqu’alors muet.

– Oui… Un vrai malheur parmi nous ! soupire Barthélemy.

– Non. Ne dis pas cela ! Ne parle pas de malheur ! Dis plutôt moyen de se sanctifier…, corrige Simon le Zélote.

– Ou de se damner, car il met les vertus en danger…, dit Jude d’un ton tranchant.

– C’est un malheureux ! » commente tristement André.

432.4

Un silence s’établit. Puis Pierre demande :

« Est-ce que le Maître prie encore ?

– Non. Il est passé pendant que tu dormais, pour rejoindre Jean et son frère Jacques, placés en sentinelles sur la route. Il veut être présent dès l’arrivée de ces pauvres paysans. Ce sera peut-être la dernière fois qu’il les verra, répond Simon le Zélote.

– Pourquoi la dernière fois ? Pourquoi ? Ne dis pas cela. Tu sembles porter malheur ! lance Jude, tout agité.

– Mais parce que, tu t’en rends bien compte, nous sommes de plus en plus persécutés… Je ne sais pas comment nous ferons à l’avenir…

– Simon a raison… Hé ! ce sera une belle avancée d’être tous “ esprits ”… Mais… s’il était permis d’avoir un petit peu… d’humanité…, un tout petit peu de protection de Claudia ne nous aurait pas fait de mal, dit Matthieu.

– Non. Il vaut mieux être seuls… et surtout purs de tout contact avec les païens. Moi… je ne suis pas d’accord, tranche avec décision Barthélemy.

– Assez peu, moi aussi… » confesse Jude. « Le Maître dit cependant que sa Doctrine doit s’étendre dans le monde entier, et que c’est à nous qu’il reviendra de semer partout sa parole. Nous devrons donc nous habituer à approcher les païens et les idolâtres…

– Ce sont des gens impurs. J’ai l’impression de faire un sacrilège. La Sagesse aux porcs !

– Ils ont une âme, eux aussi, Nathanaël ! Tu avais pitié de la fillette hier…

– Parce que… il faut la former à partir de rien. C’est comme un nouveau-né… Mais les autres !… Et puis elle n’est pas romaine…

– Tu crois que les gaulois sont moins idolâtres ? Ils ont leurs dieux cruels, eux aussi. Tu t’en apercevras si tu dois aller les convertir ! intervient Simon le Zélote, qui est plus cultivé que les autres, je dirais plus cosmopolite.

– Mais elle n’est pas de la race des profanateurs d’Israël. Moi, je ne prêcherai jamais aux ennemis d’Israël, ni aux actuels ni aux anciens.

– Alors… tu devras aller très loin, chez les hyperboréens, parce que… on ne le dirait pas, mais Israël a fait l’essai de tous les peuples voisins… dit Thomas.

– J’irai au loin…

432.5

Mais voici le Maître. Allons à sa rencontre. Que de gens ! Ils sont tous venus, jusqu’aux enfants… !

– Jésus va être heureux… »

Ils se joignent au Maître qui avance avec peine dans la prairie, pressé comme il l’est par tant de gens qui l’entourent.

– Judas est-il encore absent ? demande Jésus.

– Oui, Maître. Mais si tu veux, nous allons l’appeler…

– Pas besoin. Ma voix l’atteindra là où il est. Et sa conscience, libre, lui parle avec sa propre voix. Il ne faut pas y unir les vôtres et forcer une volonté. Venez, asseyons-nous ici avec nos frères, et pardonnez-moi si je n’ai pu rompre le pain avec vous pour un repas d’amour. »

Ils s’asseyent en cercle autour de Jésus, qui veut avoir autour de lui les enfants qui, confiants et caressants, se serrent contre lui.

« Bénis-les, Seigneur ! Qu’ils voient, eux, ce que nous, nous espérons voir : la liberté de t’aimer ! crie une femme.

– Oui. Ils nous enlèvent même celle-là. Ils ne veulent pas que dans notre cœur soient gravées tes paroles, et maintenant ils nous empêchent de nous rencontrer en nous défendant de venir vers toi… et nous n’aurons plus de paroles saintes ! gémit un vieil homme.

– Ainsi abandonnés, nous deviendrons pécheurs. Tu nous as enseigné le pardon… tu nous as donné tant d’amour que nous pouvions supporter la méchanceté de notre maître… Mais maintenant… » dit un jeune homme.

Je distingue mal les visages et je ne sais pas exactement qui parle, mais je me base sur le ton des voix.

« Ne pleurez pas. Ma parole ne vous fera pas défaut. Je viendrai encore, tant que je le pourrai…

– Non, Maître et Seigneur. Il est méchant, et ses amis également. Ils pourraient te faire du mal, et ce serait à cause de nous. Nous faisons le sacrifice de te perdre, mais ne nous oblige pas à devoir dire un jour avec chagrin : “ C’est à cause de nous qu’il a été pris. ”

– Oui, sauve-toi, Maître !

– Ne craignez rien.

432.6

On voit,[1] dans le Livre de Jérémie, comment celui-ci demanda à son secrétaire Baruch d’écrire ce que le Seigneur lui dictait, et d’aller le lire aux personnes rassemblées dans la maison du Seigneur, à la place du prophète qui, étant prisonnier, ne pouvait pas s’y rendre. C’est ce que je ferai. J’ai de nombreux et fidèles Baruch parmi mes apôtres et mes disciples. Ils viendront vous rapporter la parole du Seigneur, de sorte que vos âmes ne périront pas. Et moi, je ne serai pas pris à cause de vous, car le Très-Haut me cachera à leurs yeux jusqu’à ce que vienne l’heure où le Roi d’Israël doit être montré aux foules pour être connu de tous.

Et ne craignez pas non plus de perdre les paroles qui sont en vous. On lit, toujours dans Jérémie, que, même après la destruction du volume par Joachim, roi de Juda, — qui espérait, en brûlant le rouleau, détruire les paroles éternelles et véridiques —, ce qui avait été dicté par Dieu demeura parce que le Seigneur ordonna au prophète : “ Prends un autre rouleau pour y écrire tout ce qu’il y avait dans le rouleau brûlé par le roi. ” Et Jérémie donna un volume à Baruch, un rouleau qui n’avait pas servi, et il dicta de nouveau à son secrétaire les paroles éternelles et d’autres encore pour les compléter. Car le Seigneur répare les dégâts faits par les hommes quand c’est pour le bien des âmes. Il ne permet pas que la haine anéantisse ce qui est œuvre d’amour.

Eh bien, moi aussi, je peux me comparer à un volume rempli de saintes vérités : si je viens à être détruit, croyez-vous que le Seigneur vous laissera périr sans que vous soyez aidés par d’autres volumes, où se trouveront mes paroles et celles de mes témoins, qui raconteront ce que je ne pourrai pas dire, parce qu’emprisonné par la Violence et détruit par elle ? Et croyez-vous que ce qui est imprimé dans le volume de vos cœurs puisse s’anéantir quand le temps passera sur mes paroles ? Non. L’Ange du Seigneur vous les répétera et les gardera fraîches dans vos âmes qui désirent la sagesse. Qui plus est, il vous les expliquera et vous posséderez la sagesse de la parole de votre Maître. Vous scellez par la souffrance votre amour pour moi. Est-ce que ce qui résiste même à la persécution peut périr ? Non. C’est moi qui vous le dis.

Le don de Dieu ne s’efface pas. Seul le péché l’anéantit.

432.7

Mais vous, vous ne voulez sûrement pas pécher, n’est-ce pas, mes amis ?

– Non, Seigneur. Ce serait te perdre même dans l’autre vie, disent plusieurs.

– Mais ils nous feront pécher. Il nous a imposé de ne plus sortir du domaine pendant le sabbat… et il n’y aura plus de Pâque pour nous. Nous pécherons donc, disent d’autres.

– Non, c’est lui qui péchera, lui seul. Car il viole le droit de Dieu et des enfants de Dieu de s’embrasser et de s’aimer en un doux colloque d’amour et d’enseignement le jour du Seigneur.

– Mais lui répare par de nombreux jeûnes et offrandes. Pour nous, c’est impossible, parce que notre nourriture est déjà trop insuffisante en proportion de la fatigue de notre travail. Et nous n’avons rien à offrir… Nous sommes pauvres…

– Vous offrez ce que Dieu apprécie : votre cœur. Isaïe, parlant[2] au nom de Dieu, dit aux faux pénitents : “ Au jour de votre jeûne apparaît votre volonté et vous accablez vos débiteurs. Vous jeûnez pour vous quereller, discutailler et vous battre à coups de poings d’une manière impie. Ne jeûnez pas comme jusqu’à présent si vous voulez faire entendre votre voix là-haut ! Est-ce cela, le jeûne que je désire ? Se borner une journée à affliger son âme, à tourmenter son corps et à dormir dans la cendre, est-ce cela que tu appelleras jeûne et jour agréable au Seigneur ? Tout autre est celui que je préfère : brise les chaînes du péché, délie les engagements qui oppriment, renvoie libres les opprimés, enlève tous les fardeaux. Partage ton pain avec l’affamé, accueille les pauvres et les pèlerins, habille ceux qui sont nus et ne méprise pas ton prochain. ”

Mais ce n’est pas ainsi qu’agit Yokhanan. De par le travail que vous faites pour lui en l’enrichissant, vous êtes ses créanciers. Or il vous traite plus mal que des débiteurs retardataires, il hausse la voix pour vous menacer et lève la main pour vous frapper. Il n’est pas miséricordieux envers vous, et il vous méprise parce que vous êtes ses serviteurs. Mais le serviteur est un homme comme son maître et, s’il a le devoir de servir, il a également le droit de recevoir ce qui est nécessaire à un homme, aussi bien matériellement que pour le bien de son âme. On n’honore pas le sabbat, même en le passant à la synagogue, si, le même jour, on enchaîne ses frères et on les abreuve d’aloès. Quant à vous, faites vos sabbats en parlant du Seigneur entre vous, et le Seigneur sera parmi vous. Pardonnez, et le Seigneur vous glorifiera.

432.8

Je suis le Bon Berger, et j’ai pitié de toutes les brebis. Mais, c’est certain, j’aime d’un amour particulier celles que les bergers idolâtres ont frappées pour qu’elles s’éloignent de mon chemin. C’est pour elles, plus que pour toute autre, que je suis venu. Car mon Père, qui est aussi le vôtre, m’a donné cet ordre : “ Fais paître ces brebis d’abattoir, tuées sans pitié par leurs maîtres qui les ont vendues en disant : ‘Nous nous sommes enrichis !’ et desquelles les bergers n’ont pas eu compassion. ”

Eh bien, je ferai paître le troupeau d’abattoir, les pauvres du troupeau, en abandonnant à leur méchanceté ceux qui vous accablent et affligent le Père, qui souffre en ses enfants. Je tendrai la main aux plus petits des fils de Dieu et je les attirerai à moi, pour qu’ils aient ma gloire.

Le Seigneur le promet par la bouche des prophètes qui célèbrent ma pitié et ma puissance de Berger. Et moi, je vous le promets directement, à vous qui m’aimez. Je veillerai sur mon troupeau. A ceux qui accusent les bonnes brebis de troubler l’eau et d’abîmer la pâture pour venir à moi, je dirai :

“ Eloignez-vous : c’est vous qui asséchez la source et faites dépérir la pâture de mes enfants. ” Mais je les ai amenés à d’autres pâturages, aux pâturages qui rassasient l’âme, et je le ferai encore. Je vous laisserai à vous ce pâturage pour vos grosses panses, je vous abandonnerai la source amère que vous avez fait jaillir. Mais moi, je partirai avec elles en séparant les vraies brebis de Dieu des fausses, et mes agneaux ne seront plus tourmentés par rien, ils jubileront pour toujours dans les pâturages du Ciel. ”

Persévérez, mes enfants bien-aimés ! Ayez encore un peu de patience, tout comme moi. Soyez fidèles, en faisant ce qui vous est permis par votre maître injuste. Dieu jugera que vous avez tout accompli, et il vous en récompensera. Ne haïssez pas, même si tout conspire à vous enseigner la haine. Ayez foi en Dieu. Vous voyez : Jonas a été soustrait à sa souffrance, et Jabé a été amené à l’amour. Mais le Seigneur agira avec vous de la même façon qu’avec le vieil homme et avec l’enfant, partiellement en cette vie, totalement dans l’autre.

432.9

Je n’ai que des pièces de monnaie à vous offrir pour rendre moins dure votre situation matérielle. Je vous les donne. Matthieu, remets-les-leur, pour qu’ils se les partagent. Il y en a beaucoup, mais c’est toujours trop peu pour vous, qui êtes si nombreux et si nécessiteux. Je n’ai rien d’autre… rien de matériel. Mais j’ai mon amour, la puissance que je tiens de ma qualité de Fils du Père, pour demander pour vous les infinis trésors surnaturels, afin de vous consoler de vos larmes et de donner la lumière à vos brumes.

Oh ! quelle triste vie que Dieu peut rendre lumineuse ! Lui seul, lui seul le peut !

Et moi, je dis :

“ Père c’est pour eux que je te prie. Je ne te prie pas pour les gens heureux et riches du monde, mais pour eux qui n’ont que toi et moi. Fais-les s’élever si haut dans les voies spirituelles, qu’ils trouvent tout réconfort dans notre amour ; et donnons-nous à eux avec l’amour, avec tout notre infini amour, pour recouvrir de paix, de courage, de paix, de sérénité, de force surnaturelle, leurs journées et leurs occupations, afin que, éloignés du monde par amour pour nous, ils puissent résister à leur calvaire, et après la mort, te posséder toi, nous, l’infinie béatitude. ” »

Jésus a prié debout, après s’être dégagé doucement des enfants qui s’étaient endormis sur lui. Il a l’air majestueux et doux en priant.

Puis il baisse les yeux et dit :

« Je pars. C’est pour vous le moment de partir pour arriver chez vous à temps. Nous nous reverrons. Je vous amènerai Marziam. Mais même quand je ne pourrai plus venir, mon Esprit sera toujours avec vous, et mes apôtres vous aimeront comme je vous ai aimés. Que le Seigneur fasse reposer sur vous sa bénédiction. Allez ! »

Il se penche pour caresser les enfants endormis et s’abandonne aux effusions de la pauvre foule, qui n’arrive pas à se détacher de lui…

Enfin, chacun s’en va dans sa direction et les deux groupes se séparent pendant que la lune descend et que l’on allume des branches pour éclairer la route. L’âcre fumée des rameaux encore humides est une bonne excuse pour les larmes qui coulent…

432.10

Judas les attend, adossé à un tronc d’arbre. Jésus le regarde sans mot dire, pas même quand Judas lâche :

« Je vais mieux. »

Ils avancent comme ils peuvent dans la nuit, puis plus aisément à l’aube.

Voyant un carrefour, Jésus s’arrête :

« Séparons-nous. Que Thomas, Simon le Zélote et mes frères viennent avec moi. Que les autres aillent m’attendre au lac. »

Judas intervient :

« Merci, Maître… je n’osais te le demander, mais tu précèdes mes désirs. Je suis vraiment fatigué et, si tu le permets, je m’arrêterai à Tibériade…

– Chez un ami », ne peut s’empêcher de dire Jacques, fils de Zébédée.

Judas écarquille les yeux… Mais il se borne à cela.

Jésus se hâte de dire :

« Il me suffit que tu rejoignes tes compagnons à Capharnaüm pour le sabbat. Venez que je vous embrasse, vous qui me quittez. »

Et il embrasse affectueusement ceux qui s’en vont en donnant à chacun un conseil à voix basse…

Personne ne fait d’objection. Seul, Pierre supplie en partant :

« Reviens vite, Maître.

– Oui, reviens vite, reprennent les autres.

Et Jean dit le mot de la fin :

« Sans toi, le lac sera bien triste… »

Jésus les bénit encore et promet :

« Bientôt ! »

Puis chacun part de son côté.

432.1

«Will they come?» Matthew asks his companions who are sat in a wood of holm-oaks in the lower slopes of the hill on which Sephoris rises. The Esdraelon plain is no longer visible, as it is beyond the hill where they are. But there is a much smaller plain between this hill and those in the region of Nazareth and which can be seen clearly in the bright moonlight.

«They promised. And they will come» replies Andrew.

«At least some of them. They were going to leave half-way through the first watch and they will be here at the beginning of the second one» says Thomas.

«Later» says Thaddeus.

«It took us less than three hours» objects Andrew.

«We are men and in full strength. They are tired and will have women with them» replies Thaddeus again.

«Provided their master does not find out!» says Matthew with a sigh.

«There is no danger. He left for Jezreel, where he will be the guest of a friend.

432.2

The superintendent is there. But he is coming as well, because he does not hate the Master» says Thomas.

«Will that man be sincere?» asks Philip.

«Yes, because there is no reason why he should not be.»

«Well! To get into his master’s good graces and…»

«No, Philip. When vintage time is over he will be dismissed by Johanan just because he does not hate the Master» replies Andrew.

«Who told you?» several of them ask.

«He himself and the peasants… each on his own account. And when two people of different categories agree in saying the same thing, it means that what they say is true. The peasants were weeping because the superintendent is leaving. He was very humane. And he said to us: “I am a man and not a clay puppet. Last year he said to me: ‘Honour the Master, approach Him, become one of His believers’. I obeyed. Now he says to me: ‘Woe betide you if you love my enemy and if you allow the servants to love Him. I do not want my land to be anathematised by receiving that cursed man’. But now that I know Him, how can I consider that order just? I said to the master: ‘Last year you spoke differently, but He is always the same’. He beat me a first time. I said: ‘I am not a slave, and even if I were, you would not be in possession of my thought. My thought judges Him to be holy Who you say is cursed’. He beat me again. This morning he said to me: “The anathema of Israel is in my property. Woe to you if you disobey my order. You will no longer be my servant’. I replied: ‘You are right. I will no longer be your servant. Look for another one who has a heart like yours and who is as rapacious about your property as you are about other people’s souls’. And he threw me on the ground and struck me… But the work of the year will soon be over and at the new moon of Tishri I will be free. I am only sorry for these…” and he pointed at the peasants» says Thomas.

«But where did you see him?…»

«In the wood, as if we were highwaymen. Micah, to whom we had spoken, had informed him and he came while he was still bleeding and servants and maid-servants came a few at a time…» says Andrew.

432.3

«H’m! so Judas was right! He is familiar with the mood of the Pharisee…» remarks Bartholomew.

«Judas knows too many things!…» says James of Zebedee.

«Be quiet! He may hear you!» advises Matthew.

«No. He has gone away saying that he is sleepy and has a headache…» replies James.

«Moon! Moon in the sky and moon in his head. It is so: he is more changeable than the wind» pronounces Peter who has been silent so far.

«Yes! A real misfortune among us!» says Bartholomew with a sigh.

«No, don’t say that! Not a misfortune! On the contrary: a way to sanctify oneself…» says the Zealot.

«Or to damn oneself, because he makes one lose one’s virtues…» says Thaddeus resolutely.

«He is a poor wretch!» remarks Andrew sadly.

432.4

There is silence. Then Peter asks: «But is the Master still praying?»

«No. While you were dozing He passed by and joined John and his brother James, placed as sentries on the road. He wants to be with the poor peasants at once. Perhaps it is the last time He will see them» replies the Zealot.

«Why the last time? Why? Don’t say that. It seems to bring bad luck!» says Thaddeus excitedly.

«Because you can see it… We are persecuted more and more… I don’t know what we will do in future…»

«Simon is right… Eh! it will be lovely to be all spiritual… But… if we had been permitted to have a little… humanity… a pinch of protection from Claudia would have done no harm» says Matthew.

«No. It is better to be alone… and above all to be free from contacts with the heathens. I… do not approve of them» says Bartholomew resolutely.

«Not much myself… But… the Master says that His Doctrine must spread all over the world. And that we have to do that… We have to sow His words everywhere… So we will have to adapt ourselves to approaching Gentiles and idolaters…» says Thaddeus.

«Impure people. It seems to me something sacrilegious. Wisdom to pigs!…»

«They have a soul, too, Nathanael! You felt sorry for the girl yesterday…»

«Because… she is… a mere nothing which is to be perfected. She is like a new-born baby… But the others!… And she is not a Roman…»

«Do you think that the Gauls are not idolaters? They have their cruel gods as well. You will find out if you have to go and convert them!…» says the Zealot who is more learned than the others, I would say, in a cosmopolitan manner.

«But she does not belong to the race of those who are profaning Israel. I will never preach to the enemies of Israel, neither to the present nor to the old ones.»

«Then… you will have to go very far away, among the hyperboreans, because… it does not seem so, but Israel has had a taste of all the neighbouring peoples…» says Thomas.

«I will go far away…

432.5

But here is the Master. Let us go and meet Him. How many people! They have all come! Even the children…»

«The Master will be happy…»

They join the Master Who is advancing with difficulty on the meadow, pressed as He is by so many surrounding Him.

«Is Judas still absent?» asks Jesus.

«Yes, Master. But we will call him, if You wish so…»

«It is not necessary. My voice will reach him where he is. And his free conscience speaks to him with its own voice. It is not necessary for you to add your voices and force a will. Come, let us sit down here with our brothers. And forgive Me if I have not been able to break the bread with you in a feast of love.»

They sit in a circle with Jesus in the centre, and Jesus wants around Him all the children who press against Him affectionately and full of confidence.

«Bless them, Lord! That they may see what we long to see: freedom to love You! » shouts a woman.

«Yes. They are depriving us also of that. They do not want Your words to be impressed in our souls. And now by forbidding You to come, they are preventing us from meeting… and we will have no more holy words!» moans an old man.

«If we are abandoned thus, we will become sinners. You taught us to forgive… You gave us so much love that we could bear our master and his ill-will… But now…» says a young man. I cannot see their faces very well, so I do not know exactly who is speaking. I base myself on the tones of the voices.

«Do not weep. I will see that you do not lack My word. I will come again, as long as I can…»

«No, Master and Lord. He is wicked and so are his friends. They could injure You and because of us. We will make the sacrifice of losing You, but do not give us the sorrow of having to say: “He was caught because of us”.»

«Yes, save Yourself, Master.»

«Do not be afraid.

432.6

We read[1] in Jeremiah how the prophet told his secretary Baruch to write what the Lord dictated to him and to go and read what he had written to those who had gathered in the house of the Lord, and to read it in place of the prophet who was in prison and could not go there. I will do the same. Among My apostles and disciples I have many faithful Baruchs. They will come and tell you the word of the Lord and your souls will not perish. And I will not be caught through your fault, because the Most High God will conceal Me from their eyes until the hour when the King of Israel is to be shown to the crowds so that the whole world may know Him. And do not be afraid either of losing the words which are in you. We read, always in Jeremiah, that also after the destruction of the scroll by Jehoiakim, king of Judah, who by burning the scroll hoped to destroy the eternal truthful words, what God had dictated remained, because the Lord gave this order to the prophet: “Take another scroll and write down all the words that were written on the scroll burnt by the king”. And Jeremiah gave a scroll to Baruch, a scroll without any writing, and he dictated once again to his secretary the eternal words and he added some more as well to complete the previous ones, because the Lord mends the damages caused by men when such amends are useful to souls, and He does not allow hatred to cancel the work of love. Well, even if I, comparing Myself to a scroll full of holy verities, should be destroyed, do you think that the Lord would let you perish without the help of other scrolls, which will contain My words and those of My witnesses telling you what I cannot tell you, as I am a prisoner of Violence and destroyed by it? And do you think that what is impressed in the scrolls of your hearts can be cancelled with the passing of time on the words? No. The angel of the Lord will repeat those words to you, keeping them fresh in your souls eager for Wisdom. Not only. But he will explain them to you and you will be wise through the word of your Master. You seal your love for Me by means of the seal of sorrow. Can what resists persecution perish? It cannot. I am telling you. God’s gifts cannot be cancelled. Sin only can cancel them.

432.7

But you certainly do not wish to commit sin, do you, My friends?»

«No, Lord. It would mean losing You in the next life» reply many.

«But they will make us sin. He has ordered us not to leave his fields anymore on Sabbaths… and there will be no more Passovers for us. So we will commit sin…» say others.

«No. You will not sin. He will. He only, as he does violence to the right of God and of His children to embrace and love one another in sweet conversation of love and teaching on the day of the Lord.»

«But he makes amends through many fasting-days and offerings. We cannot, because the food we get is already too scanty as compared with the work we do, and we have nothing to offer… We are poor…»

«You offer what is appreciated by God: your hearts. Isaiah speaking[2] to false penitents in the name of God says: “Look, on your fast-days your will is revealed and you oppress your debtors. Look, you fast to quarrel and squabble and fight cruelly. Do not fast anymore as you have done so far, if you want to make your voice heard on high. Is that the sort of fast that pleases Me? That man for one day should just afflict his soul and torment his body and lie down on ashes? Is that what you call fasting, a day acceptable to the Lord? The fasting I prefer is a different one. Break the chains of sin, undo oppressive obligations, let the oppressed go free, remove all burdens. Share your bread with the hungry, shelter the poor and pilgrims, clothe the naked and do not despise your neighbour”. But Johanan does not do that. You are his creditors because of the work you do for him making him rich, and he treats you worse than defaulting debtors and he raises his voice to threaten you and his hand to strike you. He is not merciful and he despises you because you are servants. But a servant is a man just like his master, and if it is his duty to serve, it is also his right to receive what is necessary to a man, with regards both to his body and to his spirit. The Sabbath is not honoured even if a man spends it in the synagogue, if on the same day the man who keeps it puts chains on his brothers and gives them aloe to drink. Keep your Sabbaths talking with one another of the Lord, and the Lord will be among you. Forgive and the Lord will glorify you.

432.8

I am the Good Shepherd and I have mercy on all My sheep. But I certainly love with particular fondness those which idolatrous shepherds have beaten, so that they may go away from My way. For them, more than for any other, I have come. Because your Father and Mine ordered Me: “Pasture these sheep for slaughter, killed mercilessly by their masters who have sold them saying: ‘We have become rich!’ and on which the shepherds had no mercy”. Well, I will pasture the flock for slaughter, o poor people of the herd, forsaking to their wickedness those who distress you and afflict the Father Who suffers in His children. I will stretch out My hand to the little ones among the children of God and I will draw them to Me, so that they may have My glory. The Lord promises that through the lips of the prophets who celebrate My pity and power as Shepherd. And I promise directly you who love Me. I will provide for My flock. To those who accuse good sheep of making the water turbid or spoiling the pasture to come to Me, I will say: “Go away. You are the ones who cause the springs of My children to dry up and their Pastures to parch. But I have led and will lead them to other pastures; to the pastures which satisfy the spirit. I will leave you a pasture for your big bellies, I will leave you the bitter spring which you made well up and I will go with My sheep, separating the true sheep of God from the false ones, and My lambs will no longer be distressed by anything, but they will exult forever in the pastures of Heaven”.

Persevere, My beloved children! Be patient a little longer, as I am. Be faithful, doing what your unfair master allows you to do. And God will judge that you have done everything and will reward you for everything. Do not hate, even if everything urges and teaches you to hate. Have faith in God. See: Jonah was relieved of his suffering and Jabez was taken towards love. And what the Lord did to the old man and to the boy, He will do to you: partly in this life, completely in the next one.

432.9

I have but money to give you to make your material situation less painful. I will give it to you. Give it to them, Matthew, so that they may share it. It is much, but always too little for you who are so many and so poor. But I have nothing else… materially. But I have My love, and the power of being the Son of the Father, so that I can ask infinite supernatural treasures for you, to comfort your grief and enlighten your darkness. Oh! your sad life can be made bright by God! By Him alone!… And I say: “Father, I pray You for them. I do not pray You for the happy and rich people in the world. But I pray for these, who have but You and Me. Let them rise so high in the ways of the spirit, that they may find all comfort in Our love, and let us give Ourselves to them with love, with all our infinite love, to fill their days and their work with peace, serenity, courage, with supernatural peace, serenity and strength, so that, as if they were estranged from the world through Our love, they may endure their calvary and after their death, they may have You, Us, infinite beatitude”.»

Jesus has prayed standing up, slowly freeing Himself from the children who had fallen asleep leaning against Him. And He is solemn and kind in His prayer.

He now lowers His eyes and says: «I am going. You must go now, to be back in your homes in time. We will meet again. And I will bring Marjiam. But even when I can no longer come, My Spirit will always be with you and My apostles will love you as I did. May the Lord lay His blessing upon you. Go!» And He bends to caress the sleeping children and He gives Himself up to the effusive warm-heartedness of the poor people who cannot make up their minds to part from Him…

At last they all go their ways and the two groups part while the moon is setting and branches of trees are to be lit to illuminate the road. And the pungent smoke of the dampish branches is a good excuse for shining eyes…

432.10

Judas is waiting for them leaning against the trunk of a tree. Jesus looks at him and does not say anything, not even when Judas says: «I feel better.»

They go on thus, as best they can during the night, then much quicker at dawn.

When they are in sight of a cross-roads Jesus stops and says: «Let us part. Thomas, Simon Zealot and My brothers will come with Me. The others will go to the lake and wait for Me.»

«Thank You, Master… I did not dare ask You, But You are helping me. I am really tired. And if You allow me, I will stop at Tiberias…»

«At a friend’s» James of Zebedee cannot refrain himself from saying.

Judas opens his eyes wide… but nothing else.

Jesus hastens to say: «As far as I am concerned it is enough if you go to Capernaum on the Sabbath with your companions. Come, that I may kiss you, you who are leaving Me.» And He fondly kisses the apostles who are departing, giving each of them a piece of advice in a whisper…

No one objects. Peter only, when leaving, says: «Come soon, Master.»

«Yes, come soon» say the others, and John concludes: «The lake will look very sad without You.»

Jesus blesses them again and promises: «I will see you soon!» and then they all go their own way.


Notes

  1. On voit, en Jr 36.
  2. Isaïe, parlant, en Is 58, 3-7.

Notes

  1. We read, in: Jeremiah 36.
  2. Isaiah speaking, in: Isaiah 58,3-7.