Mais voici le Maître. Allons à sa rencontre. Que de gens ! Ils sont tous venus, jusqu’aux enfants… !
– Jésus va être heureux… »
Ils se joignent au Maître qui avance avec peine dans la prairie, pressé comme il l’est par tant de gens qui l’entourent.
– Judas est-il encore absent ? demande Jésus.
– Oui, Maître. Mais si tu veux, nous allons l’appeler…
– Pas besoin. Ma voix l’atteindra là où il est. Et sa conscience, libre, lui parle avec sa propre voix. Il ne faut pas y unir les vôtres et forcer une volonté. Venez, asseyons-nous ici avec nos frères, et pardonnez-moi si je n’ai pu rompre le pain avec vous pour un repas d’amour. »
Ils s’asseyent en cercle autour de Jésus, qui veut avoir autour de lui les enfants qui, confiants et caressants, se serrent contre lui.
« Bénis-les, Seigneur ! Qu’ils voient, eux, ce que nous, nous espérons voir : la liberté de t’aimer ! crie une femme.
– Oui. Ils nous enlèvent même celle-là. Ils ne veulent pas que dans notre cœur soient gravées tes paroles, et maintenant ils nous empêchent de nous rencontrer en nous défendant de venir vers toi… et nous n’aurons plus de paroles saintes ! gémit un vieil homme.
– Ainsi abandonnés, nous deviendrons pécheurs. Tu nous as enseigné le pardon… tu nous as donné tant d’amour que nous pouvions supporter la méchanceté de notre maître… Mais maintenant… » dit un jeune homme.
Je distingue mal les visages et je ne sais pas exactement qui parle, mais je me base sur le ton des voix.
« Ne pleurez pas. Ma parole ne vous fera pas défaut. Je viendrai encore, tant que je le pourrai…
– Non, Maître et Seigneur. Il est méchant, et ses amis également. Ils pourraient te faire du mal, et ce serait à cause de nous. Nous faisons le sacrifice de te perdre, mais ne nous oblige pas à devoir dire un jour avec chagrin : “ C’est à cause de nous qu’il a été pris. ”
– Oui, sauve-toi, Maître !
– Ne craignez rien.