The Writings of Maria Valtorta

477. Un dialogue entre Jésus et sa Mère dans les bois de Mathatias.

477. A conversations with His Mother in the wood

477.1

Jésus est seul. Seul sur un plateau un peu en forme de cuvette qui, par une ondulation légère et continue, s’élève sur le versant des collines qui entourent certainement le lac de Galilée, car je le vois en bas, à droite. Le bleu splendide de ses eaux s’assombrit à cause du crépuscule proche, qui enlève à une grande partie du lac l’éclat des rayons du soleil. En arrière de la cuvette, au nord, on distingue la montagne d’Arbel et, au-delà, plus hautes, celles de l’autre rive du lac où se trouvent Meieron et Giscala. Au nord-est, lointain, mais puissant et royal, s’élève le Grand Hermon dont le soleil à son coucher frappe bizarrement le pic le plus élevé : il lui donne une couleur topaze rosé à l’occident, et lui laisse ailleurs sa couleur opaline, qui tend à cette indéfinissable nuance d’un bleu neigeux que j’ai vue quelquefois sur les cimes de nos Alpes, à la frontière.

Quand je regarde vers le nord, c’est ce que j’ai sous les yeux. Je vois aussi sans difficulté, à droite, tout en bas, le lac, et à gauche, plus élevées, les collines qui empêchent de voir la plaine de la côte. Mais si je me tourne vers le midi, j’aperçois le mont Thabor, au-delà des collines en pente douce qui sont certainement celles qui entourent Nazareth. Il y a une petite ville, tout en bas, près d’une route de grande circulation où les gens se hâtent de gagner les lieux de repos entre les étapes.

Jésus ne regarde rien de ce que, moi, je regarde. Il cherche seulement un endroit où s’asseoir, et le choisit au pied d’un énorme chêne vert dont le feuillage a protégé de la canicule l’herbe du sol : elle est encore fraîche et touffue comme si la chaleur n’était pas passée en brûlant tout.

Jésus a ainsi en face de lui le lac, à côté le sentier parmi les arbres par lequel il est monté, et de l’autre côté les hauteurs qui entourent au nord la cuvette de prés et de forêts où il se trouve, et qui est toute verte grâce aux chênes verts et à d’autres arbres au feuillage persistant que l’automne n’atteint pas. Çà et là seulement, on y voit une tache rouge sang : c’est celle d’une feuille qui change de couleur avant de tomber, pour céder la place à une feuille naissante qui apparaît déjà tout près de celle qui meurt.

Très fatigué, Jésus s’appuie contre le tronc puissant et garde un moment les yeux fermés, comme pour se reposer. Mais, ensuite, il prend sa pose habituelle, en se détachant du tronc, penché un peu, les coudes sur les genoux, les avant-bras tendus, les mains jointes, les doigts entrelacés. Et il pense. Il prie certainement. De temps à autre, à cause de quelque bruit qui parvient à lui — oiseaux qui se battent en cherchant une place pour la nuit, quelque animal dans l’herbe qui fait tomber une pierre le long de la pente, une branche qui en heurte une autre par suite d’un coup de vent —, il lève les yeux, et d’un regard pensif qui sûrement ne voit pas, il les tourne dans la direction du bruit, surtout s’il vient du côté du sentier qui monte à travers les chênes verts. Puis il baisse de nouveau les yeux pour se concentrer intérieurement. Par deux fois, il observe attentivement le lac qui est déjà dans l’ombre, puis il tourne la tête pour regarder vers l’occident où le soleil a disparu derrière les collines boisées. La seconde fois, il se lève et va vraiment sur le sentier, pour regarder s’il monte quelqu’un, puis il retourne à sa place.

477.2

Enfin, voilà un bruit de pas. Deux personnes apparaissent : Marie, vêtue de bleu foncé, et Jean, chargé de sacs. Jean crie deux fois : “ Maître ! ” et, dès que Jésus se tourne, il ajoute :

« Voici ta Mère ! »

Et il l’aide à traverser un petit ruisseau, avec des cailloux mis sur le sentier dans le but de le consolider et de le rendre plus pratique pour la montée ou la descente, en réalité avec le résultat d’en faire de vrais pièges pour des pieds mal chaussés.

Jésus se lève aussitôt pour aller à la rencontre de sa Mère et il l’aide avec Jean à franchir la masse éboulée qui devrait retenir la terre — en réalité, seules les racines des chênes jouent ce rôle. Maintenant, Marie est soutenue par son Fils, qui la couve des yeux et lui demande :

« Tu es fatiguée ?

– Non, Jésus. »

Elle lui sourit.

« J’ai pourtant l’impression que tu l’es. Je regrette de t’avoir fait voyager. Mais moi, je ne pouvais pas venir…

– Oh ! ce n’est rien, mon Fils. Je transpire un peu, mais ici, on est bien… C’est plutôt toi qui es fatigué, et aussi ce pauvre Jean… »

Mais Jean secoue la tête en riant. Après avoir déposé le sac neuf et bien rempli de Jésus et le sien sur l’herbe, au pied du chêne, il se retire en disant :

« Je vais plus bas. J’ai vu une petite source et je vais me rafraîchir un peu dans cette eau. Mais j’entendrai, si vous m’appelez. »

Et il se retire pour laisser pleine liberté à Jésus et à sa Mère.

477.3

Marie desserre son manteau et enlève son voile pour essuyer la sueur qui perle à son front. Elle regarde Jésus, ils se sourient mutuellement, et elle boit son sourire tandis qu’il lui caresse la main et la passe sur sa joue pour en sentir la caresse. Il est tellement “ fils ” par ce geste que je lui ai vu faire à bien d’autres reprises ! Marie dégage sa main et remet en ordre les cheveux de Jésus, lui enlevant un petit morceau d’écorce resté entre les mèches. L’amour qu’elle y met est si grand, que chaque mouvement de ses doigts est une caresse. Elle dit :

« Tu es tout en sueur, Jésus. Ton manteau sur les épaules est humide comme s’il avait plu dessus, mais tu vas pouvoir en prendre un autre. Celui-ci, je le retire. Il est déteint par le soleil et la poussière. J’avais tout préparé, et… Attends ! Je sais que tu as à peine mangé : une croûte de pain rassis avec une poignée d’olives, salées au point de te mordre le gosier. C’est Jean qui me l’a dit. Il ne faisait que boire à son arrivée. Mais je t’ai apporté du pain frais : je venais de le sortir du four. Voilà aussi un rayon de miel que j’avais enlevé hier pour le donner aux enfants de Simon. Mais pour eux, j’ai d’autres rayons. Prends-le, mon Fils. Il vient de notre maison… »

Et elle se penche pour ouvrir la besace, qui contient, par dessus tout le reste, un petit panier d’osier plein de fruits sur lesquels se trouve le rayon de miel enveloppé dans de longues feuilles de vigne, et elle offre le tout à son Fils avec le pain frais et croustillant.

Pendant que Jésus mange, elle tire du sac les vêtements qu’elle a préparés pour les mois d’hiver, solides, chauds, capables de protéger du froid et de l’eau, et elle les montre à Jésus, qui lui dit :

« Que de travail, Maman ! J’avais encore ceux de l’hiver dernier…

– Quand les hommes sont loin de leurs femmes, ils doivent tout renouveler, afin de ne rien avoir à réparer pour être impeccables. Mais je n’ai rien gaspillé. Le manteau que je porte, c’est le tien que j’ai raccourci et reteint. Pour moi, il va encore bien, mais pour toi, il n’allait plus. Tu es Jésus… »

Dire tout ce que contient cette phrase, c’est impossible. “ Tu es Jésus. ” C’est une phrase simple, mais ces quelques mots renferment tout l’amour de la Mère, de la femme disciple, de l’ancienne juive pour le Messie promis et de la juive du temps béni qui possède Jésus. Si Marie s’était prosternée en adorant son Fils comme Dieu, il n’y aurait eu là qu’une simple manifestation de respect. Mais ces mots en disent bien plus long qu’une adoration formelle des genoux qui plient, du dos qui se penche, du front qui touche le sol : il y a là tout l’être de Marie, avec sa chair, son sang, son âme, son cœur, son esprit, son amour, qui adore totalement et parfaitement le Dieu-Homme.

Je n’ai jamais rien vu de plus grand, de plus absolu, que ces adorations de Marie pour le Verbe de Dieu qui est son Fils, mais dont elle se rappelle toujours qu’il est Dieu. Aucune des personnes guéries ou converties par Jésus, que je vois adorer leur Sauveur, pas même les plus ardentes, pas même celles qui expriment leur amour avec une impétuosité inconsciemment théâtrale, n’a quelque chose qui ressemble à cela. Elles aiment totalement, mais toujours en créatures auxquelles il manque quelque chose pour être parfaites. Marie aime, j’ose le dire, divinement. Elle aime mieux qu’une créature. Ah ! elle est vraiment la fille de Dieu exempte de faute ! C’est pour cela qu’elle peut aimer ainsi !… Et je pense à ce qu’a perdu l’homme par le péché originel… Je pense à ce que nous a volé Satan en entraînant nos premiers parents. Il nous a enlevé ce pouvoir d’aimer Dieu comme l’a aimé Marie… Il nous a enlevé le pouvoir d’aimer comme il faut.

477.4

Pendant que je me fais ces réflexions en regardant le Couple parfait, Jésus, qui a fini son repas, a glissé pour s’asseoir dans l’herbe aux pieds de sa Mère. Il pose sa tête sur les genoux de Marie comme un enfant las, et même attristé, qui se réfugie auprès de la seule personne qui puisse le réconforter. Et Marie caresse ses cheveux, effleure le front lisse de son Jésus. Elle semble par ce geste vouloir mettre en fuite toutes les fatigues et toutes les peines qui affectent son Fils. Jésus ferme les yeux, et Marie arrête sa caresse, tout en laissant sa main sur les cheveux de Jésus, et en regardant droit devant elle, pensive, sans bouger. Elle croit peut-être que Jésus s’est endormi. Il est si las…

Mais Jésus rouvre les yeux presque aussitôt. Il voit que le soir arrive, il voit qu’il ne lui est pas permis de prolonger cette heure de réconfort. Alors il relève la tête en restant assis à sa place, et il demande :

« Tu sais, Maman, d’où je viens ?

– Oui, Jean me l’a dit. Deux âmes qui reviennent à Dieu… C’est une joie pour toi comme pour moi.

– Oui, et c’est avec cette joie au cœur que je descends à Jérusalem.

– Pour te réconforter de la déception que tu as eue le jour même où nous nous sommes quittés.

– Comment sais-tu cela ? Jean te l’a dit ? Lui seul le sait…

– Non. C’est moi qui l’ai interrogé. Mais Jean m’a répondu : “ Mère, tu vas le voir bientôt. Demande-le-lui. ” »

Jésus sourit :

« Jean est fidèle jusqu’au scrupule. »

477.5

Après un temps de silence, Jésus reprend :

« Qui donc t’en a parlé ?

– On ne m’en a pas parlé directement. Il est venu des… des hommes chez Joseph, ton frère. Et… lui est venu chez moi. Il était encore un peu… Oui, mon Fils, il vaut mieux dire la vérité, un peu fâché après ta rencontre avec lui à Capharnaüm, et particulièrement après sa conversation avec Jude et Jacques. Ils se sont vus en ton absence, et Jacques aussi, ou pour mieux dire : Jacques surtout, s’est montré sévère… Très sévère… Je dirais même trop. Cependant l’Eternel, toujours bon, a tiré un bien de ce léger désaccord, sûrement parce que c’était un désaccord venu de deux sources d’amour. Différentes, c’est vrai, mais c’est toujours de l’amour. Imparfaites, c’est vrai, car si elles avaient été parfaites, au moins chez l’un des deux, il n’aurait pas provoqué la colère… Parler de colère, c’est peut-être un peu trop fort pour qualifier l’état d’âme de Jacques, mais il est certain qu’il a été dur, très dur… Tu l’aurais certainement rappelé à la charité. Moi… je ne l’ai pas approuvé, mais j’ai compati, car j’ai compris ce qui l’irritait, lui qui est toujours patient. On ne peut lui demander d’être parfait… C’est un homme. Il est encore très homme, lui aussi. Oh ! il y a encore beaucoup à faire pour que Jacques arrive à être un juste comme l’était mon Joseph ! Lui … il savait toujours se dominer… et être toujours bon…

Mais je divague ! Je parlais de l’amour imparfait des deux hommes pour toi — car ils t’aiment tant ! Même Joseph, bien que cela ne paraisse pas à première vue. Mais c’est de l’amour pour toi, tous les soins qu’il prend de cette pauvre femme. Et c’est de l’amour pour toi, sa manière de penser en vieux juif attaché à ses idées comme son père. Que ne donnerait-il pas pour te voir aimé de tous ! A sa façon… sûrement… — Mais, pour venir au fait, je dois te dire que Joseph, que l’attitude tranchante de Jacques n’a pas blessé, s’est mis à venir chez moi, chaque jour. Et sais-tu pourquoi ? Pour que je lui explique les Ecritures “ comme toi et ton Fils vous les comprenez ”, m’a-t-il dit. Expliquer les Ecritures à la lumière de la Vérité !… C’est difficile quand celui qui écoute est un Joseph, fils d’Alphée, c’est-à-dire quelqu’un qui croit fermement au royaume temporel du Messie, à sa naissance royale et à tant d’autres préjugés !

Mais pour lui faire accepter l’idée que le Roi d’Israël doit, certes, être de souche royale, descendant de David, mais qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit né dans un palais royal, son orgueil lui-même m’a servi. Lui… il est fier d’appartenir à la race de David ! Je lui ai dit doucement beaucoup de choses… et cette idée, je l’ai redressée en lui. Il admet maintenant que, conformément aux prophéties, tu es celui qu’elles ont annoncé. Mais je n’aurais pas réussi à le convaincre que ta vraie grandeur consiste justement à être un Roi spirituel — le seul titre qui puisse faire de toi un Roi universel et éternel —, s’il n’était venu à deux reprises des gens pour le chercher… Les premiers, encore ceux de Capharnaüm et d’autres avec eux, l’ont au début de nouveau séduit par des promesses éblouissantes de grandeur pour toute la maison. Mais quand ils l’ont vu moins disposé à céder en leur faveur — ils exigeaient que Joseph te force et me force à te faire accepter une couronne —, ils se sont trahis en passant à des menaces : les habituelles menaces voilées dont ils se servent, des couteaux tranchants enveloppés de laine soyeuse pour les faire paraître inoffensifs… Alors Joseph a réagi en répliquant : “ Je suis le plus âgé, mais Jésus est majeur et, dans notre famille, il ne me semble pas qu’il y ait jamais eu d’imbéciles ou de fous. Comme il est majeur depuis déjà quatre lustres, il sait ce qu’il fait. Allez donc l’interroger, et s’il refuse, laissez-le tranquille. Il est responsable de ses actes. ”

Plus tard, précisément la veille du sabbat, il est venu certains de tes disciples… Tu me regardes, mon Fils ? Permets-moi de ne pas te révéler leurs noms, mais permets-moi de te dire de leur pardonner… Un fils qui aurait levé la main sur les cheveux blancs de son père, un lévite qui aurait profané l’autel et craindrait la colère de Yahvé, ne seraient pas comme ils étaient… Ils venaient de Capharnaüm, où ils t’avaient cherché… Ils avaient suivi les routes du lac, de Capharnaüm à Magdala, puis à Tibériade, en espérant te trouver. Ils ont alors rencontré Hermas et Etienne, qui descendaient avec d’autres à Jérusalem, après avoir été quelques jours les hôtes de Gamaliel. Je ne veux pas répéter ce qu’ils ont dit, ce qu’ils veulent te dire, et brûlent de te dire. Mais leurs paroles avaient augmenté encore plus la douleur des disciples qui furent égarés au point de s’unir à ceux qui voulaient te trahir par une onction trompeuse. Quand ils sont arrivés, Joseph était chez moi, et cela tombait bien. Certes, Joseph n’est pas encore arrivé à la lumière, mais il en est déjà à la naissance de son aurore. Joseph a compris le piège et… il t’aime maintenant beaucoup, notre Joseph. Il t’aime, je n’ose pas dire de la juste manière, mais, au moins, comme un aîné qui souffre de ta souffrance, qui veille sur ta sauvegarde, qui connaît tes ennemis…

Voilà pourquoi je sais ce qu’ils t’ont fait, mon Fils. Une douleur… Et une joie, parce que plus d’un t’a reconnu pour ce que tu es. Cette douleur et cette joie ont été la tienne et la mienne. Et nous pardonnons à tous, n’est-ce pas ? Moi, j’ai déjà pardonné à ceux qui se sont repentis, dans la mesure où cela m’était permis.

– Maman, tu pouvais tout pardonner, même pour moi, car je l’avais déjà fait en voyant leurs cœurs. Ce sont des hommes… Tu l’as bien dit !…

477.6

Mais j’ai aussi la joie de voir Joseph avancer vers l’aurore de la vraie lumière…

– Oui. Il espérait te voir. Il aurait été bon que tu le rencontres. Aujourd’hui, il était absent jusqu’au coucher du soleil, et il sera peiné de ne pas te voir. Mais il pourra le faire à Jérusalem.

– Non, Mère. Je ne resterai pas à Jérusalem de manière à être vu. J’ai besoin d’évangéliser la ville et les alentours, et on m’en chasserait immédiatement, si l’on me découvrait. Je devrai donc agir comme quelqu’un qui fait le mal alors que je ne veux faire que du bien… Mais c’est ainsi.

– Alors tu ne verras pas Joseph ? Il part demain pour la fête des Tentes. Vous pouviez faire le voyage ensemble…

– Je ne puis…

– Ils te persécutent déjà à ce point, mon Fils ? »

Quelle angoisse il y a dans la voix de Marie !

« Non, Mère, non, pas plus qu’auparavant. Rassure-toi. Et même… de bonnes âmes viennent à moi. D’autres, qui ne sont pas bonnes, prennent le temps de réfléchir, alors qu’auparavant elles frappaient sans raison ; le nombre des disciples augmente, les anciens se forment de plus en plus, les apôtres se perfectionnent. Je ne parle pas de Jean : il a toujours été une grâce que le Père m’accorde, mais je parle de Simon-Pierre, et des autres. Je peux dire que de jour en jour Simon change : d’homme qu’il était, il devient apôtre, et tu sais ce que je veux dire. Et il me donne beaucoup de joie. Quant à Nathanaël et à Philippe, ils se détachent des liens de leurs idées. Et Thomas et… Mais que dis-je ! Tous. Oui, sois-en sûre : tous, à cette heure, sont bons : ils font ma joie. Tu dois être tranquille, puisque tu me sais avec eux : ils sont les amis, les consolateurs, les défenseurs de ton Fils. Puisses-tu être ainsi défendue et aimée !

– Moi, j’ai Marie, j’ai les épouses de Joseph et de Simon, et puis eux-mêmes et leurs enfants. J’ai le bon Alphée. D’ailleurs qui, à Nazareth, n’aime pas Marie de Nazareth ? Tu dois être tranquille… C’est tout un village qui aime bien ta Mère.

– Mais ils ne m’aiment pas encore, excepté quelques-uns. Je le sais, et je sais que leur amour pour toi est imprégné de la compassion que l’on éprouve pour la mère d’un fou et d’un vagabond. Mais toi, tu sais que je n’en suis pas un et que je t’aime.

477.7

Tu sais que, me séparer de toi, c’est l’obéissance, je ne dis pas la plus grande, mais, sur le plan de l’affection, la plus douloureuse que me demande le Père…

– Oui, mon Fils ! Oui, je le sais. Moi, je ne me plains de rien. Bien sûr, je voudrais, je préférerais être avec toi, dans la boue, dans le vent, à la belle étoile, persécutée, fatiguée, sans toit ni feu, sans pain, comme toi tant de fois, au lieu d’être chez moi, pendant que tu es au loin et que j’ignore comment tu vas quand je pense à toi. Toi avec moi, et moi avec toi, tu souffrirais moins, et moi de même… Tu es mon Fils, et je pourrais toujours te prendre dans mes bras et te défendre du froid, de la dureté des pierres et surtout de la dureté des cœurs, par mon amour, sur ma poitrine, dans mes bras. Tu es mon Fils. Je t’ai tant gardé sur mon cœur dans la grotte, pendant le voyage en Egypte, et au retour, toujours, quand les pièges de la saison et des hommes pouvaient te nuire. Pourquoi ne pourrais-je pas le faire maintenant ? Ne suis-je donc plus ta Mère, sous prétexte que tu es maintenant l’Homme ? Une mère ne peut-elle donc plus être tout pour son fils pour la simple raison qu’il n’est plus petit ? Je pense que, si je suis avec toi, ils ne pourront pas te faire du mal… car personne… Non. Je suis sotte… Tu es le Rédempteur… et les hommes, je l’ai vu, n’ont aucune pitié, même de leur propre mère… Mais laisse-moi venir près de toi. Tout vaut mieux pour moi que d’être au loin.

– Si les hommes étaient meilleurs, je serais revenu encore une fois à Nazareth. Mais même Nazareth… Peu importe. Ils viendront à moi. Pour le moment, je vais vers les autres… et je ne puis t’emmener avec moi. Je ne reviendrai plus ici avant qu’ils sachent qui je suis.

477.8

Maintenant, je pars en Judée… Je monte au Temple… Puis je resterai dans ces contrées… Je parcourrai encore une fois la Samarie. Je travaillerai là où il y a le plus à faire. Aussi, Mère, je te conseille de te préparer à me rejoindre au début du printemps et de t’établir près de Jérusalem. Nous nous y verrons plus facilement. Je remonterai jusqu’à la Décapole encore quelques fois et nous nous verrons encore… Je l’espère. Mais je resterai généralement en Judée. Jérusalem est la brebis qui a le plus besoin de soins car, en vérité, elle est plus têtue qu’un vieux mouton et plus querelleuse qu’un bouc retourné à l’état sauvage. Je vais y répandre la Parole comme une rosée qui ne se lasse pas de tomber sur son aridité… »

Jésus se lève, s’arrête, regarde sa Mère qui le fixe attentivement. Il ouvre la bouche, puis secoue la tête en disant :

« Il y a encore ceci à dire, avant la dernière recommandation… Mère, si Joseph veut me parler, qu’il soit après-demain à l’aube sur la route qui va de Nazareth à Jezréel en passant par le mont Thabor. J’y serai seul ou avec Jean.

– Je le lui dirai, mon Fils. »

477.9

Un silence s’établit, un silence profond, car les oiseaux ont fini de se quereller dans les frondaisons et le vent aussi se tait, tandis que le crépuscule s’assombrit. Puis Jésus, qui semble avoir cherché péniblement les derniers mots à dire, achève :

« Maman, la pause est finie… Un baiser, Maman, et ta bénédiction. »

Ils s’embrassent et se bénissent mutuellement.

Alors Jésus, se penchant pour ramasser le voile de sa Mère, appelle Jean comme pour rendre moins solennelles ses paroles :

« Lorsque tu viendras en Judée, apporte-moi mon vêtement le plus beau, celui que tu m’as tissé pour les fêtes solennelles. A Jérusalem, je dois être le “ Maître ” au sens le plus large, et même le plus sensiblement humain, puisque ces esprits fermés et hypocrites sont plus attentifs à l’extérieur — l’habillement — qu’à l’intérieur — l’enseignement. Ainsi, même Judas de Kérioth sera content… et aussi Joseph, qui me verra vraiment en habit royal. Oh ! ce sera un triomphe ! Et le vêtement que tu as tissé y contribuera… »

Et il sourit en hochant la tête pour atténuer la vérité cruelle que cachent ces mots.

Mais Marie ne s’y trompe pas. Elle se lève et s’appuie au bras de Jésus en s’écriant : “ Mon Fils ! ” avec un accent déchirant qui me fend le cœur.

Jésus la serre contre sa poitrine, et elle pleure sur ce cœur…

« Maman, j’ai voulu te parler de cela en cette heure de paix… Je te confie mon secret et ce que j’ai de plus cher ici-bas. Aucun disciple ne sait que nous ne reviendrons plus dans cette région, jusqu’à ce que tout soit accompli. Mais toi… Pour toi, il n’est pas de secret… Je te l’avais promis[1], Maman. Ne pleure pas. Nous avons encore beaucoup d’heures à passer ensemble. C’est pour cette raison que je te dis : “ Viens en Judée. ” T’avoir à mes côtés me dédommagera des fatigues de la plus difficile évangélisation de ces cœurs durs qui font obstacle à la Parole de Dieu. Viens avec les femmes disciples de Galilée. Vous me serez bien utiles. Jean s’occupera de votre hébergement. Maintenant, avant qu’il revienne, prions ensemble. Puis tu retourneras au village, et moi aussi je viendrai de nuit… »

477.10

Ils prient ensemble et en sont aux derniers mots du Notre Père quand Jean apparaît. Malgré la pénombre, il aperçoit avec étonnement, en s’approchant, les traces de larmes sur le visage de Marie. Mais il garde le silence. Il salue le Maître et lui dit :

« Je serai à l’aurore sur la route, hors de Nazareth… Viens, Mère. Hors du bois, il fait encore clair, et en bas, la route est bien éclairée par les lanternes des chars qui y circulent… »

Marie embrasse encore Jésus en pleurant dans son voile puis, aidée par Jean qui la tient par le coude, elle descend le sentier en direction de la vallée.

Jésus reste seul à prier, à réfléchir, à pleurer. Car Jésus pleure en regardant sa Mère descendre. Puis il revient là où il était auparavant et reprend la pose qu’il avait précédemment, tandis que les ombres et le silence s’épaississent autour de lui.

Le 14 février 1944.

[…]

477.11

Jésus dit[2] :

« Parmi toutes les douleurs de Marie, ma Mère, je n’ai pas oublié celle-ci : avoir dû la torturer par l’attente de ma souffrance, avoir dû la voir pleurer. C’est pour cette raison que je ne lui refuse rien. Elle m’a tout donné. Je lui donne tout. Elle a connu toute la souffrance. Je lui donne toute la joie.

Je voudrais que, quand vous pensez à Marie, vous méditiez sur son agonie, qui a duré trente-trois ans et a eu son sommet au pied de la croix. C’est pour vous qu’elle l’a endurée. C’est pour vous qu’elle a supporté les quolibets de la foule qui la considérait comme la mère d’un fou. Pour vous, elle a subi les reproches de sa parenté et des personnages d’importance. Il était encore pour vous, mon apparent désaveu[3] : “ Ma Mère et mes frères sont ceux qui font la volonté de Dieu. ” Or qui accomplissait mieux qu’elle cette terrible volonté, qui lui imposait la torture de voir son Fils être supplicié ?

C’est pour vous qu’elle a connu les fatigues de me rejoindre ici ou là, c’est pour vous qu’elle a fait des sacrifices, depuis celui de laisser sa petite maison et de se mêler à la foule, jusqu’à celui de quitter son village pour le tumulte de Jérusalem. Pour vous, elle a dû être en contact avec celui qui fomentait dans son cœur de me trahir. Pour vous, elle a ressenti la douleur de m’entendre être accusé de possession diabolique. Tout, tout a été pour vous.

477.12

Vous ne savez pas combien j’ai aimé ma Mère. Vous n’imaginez pas à quel point le cœur du Fils de Marie a été sensible aux affections. Vous croyez que ma torture fut seulement physique, tout au plus vous y ajoutez cette torture spirituelle que fut l’abandon final du Père.

Non, mes enfants. J’ai aussi éprouvé les passions humaines. J’ai souffert de voir la douleur de ma Mère, de devoir la conduire au supplice comme une douce brebis, ou la déchirer par mes adieux successifs : à Nazareth avant l’évangélisation ou dans ce que je vous ai montré et qui précède ma Passion imminente, et encore — lorsque déjà elle a commencé par la trahison de Judas — avant la Cène, enfin lors de cet atroce adieu sur le Calvaire.

J’ai souffert de me voir raillé, haï, calomnié, entouré de curiosités malsaines qui n’ont pas évolué vers le bien, mais vers le mal. J’ai souffert de tous les mensonges que j’ai dû entendre ou voir à l’œuvre à mes côtés : ceux des pharisiens hypocrites qui m’appelaient Maître et m’interrogeaient, non par foi en mon intelligence, mais pour me tendre des pièges ; ceux à qui j’avais accordé des bienfaits et qui se changèrent en accusateurs au Sanhédrin et au Prétoire ; celui, prémédité, long, subtil de Judas, qui m’a vendu et a continué de jouer au disciple, puis qui m’a désigné aux bourreaux par un geste d’amour. J’ai souffert du mensonge de Pierre, pris d’une peur humaine.

Que de mensonges, qui tous me révoltèrent, moi qui suis la Vérité ! Combien y en a-t-il aujourd’hui encore à mon sujet ! Vous prétendez m’aimer, mais vous ne m’aimez pas. Vous avez mon nom sur les lèvres, mais au fond du cœur vous adorez Satan et vous suivez une loi contraire à la mienne.

J’ai souffert en pensant que, devant la valeur infinie de mon sacrifice — celui d’un Dieu —, trop rares sont ceux qui seraient sauvés. Tous, je dis bien tous ceux qui, dans les siècles des siècles de la terre, allaient préférer la mort à la vie éternelle, rendant vain mon sacrifice, je les ai gardés présents à l’esprit. Et c’est avec cette connaissance que je suis allé à la rencontre de la mort.

477.13

Tu vois, petit Jean, que ton Jésus et sa Mère ont profondément souffert dans leur être moral, et longuement. Patience donc, si tu dois connaître cela. Je l’ai dit[4] : “ Le disciple n’est pas plus grand que son Maître. ”

Demain je te parlerai des douleurs de l’esprit. Pour l’instant, repose-toi. Que la paix soit avec toi. »

477.1

Jesus is alone. All alone in a slightly hollow-shaped tableland which with slight but continuous undulations rises on the slopes of the hills surrounding the lake of Galilee, which I can see below, to the right, as its beautiful blue water becomes darker because of the oncoming sunset which withdraws the brightly sparkling sunbeams from a wide surface of the lake. Behind the dell, to the north are the mountains of Arbela, and farther back, beyond the lake, the higher mountains of Meiron and Giscala. To the north-east in the distance, the mighty majestic, from whatever side one looks at it, Great Hermon, the highest peak of which is whimsically lit up by the setting sun, so that its western side is a pinkish topaz hue, whilst the rest is an opaline shade verging to the nondescript snowy blue nuance which I have seen at times on the tops of our Alps at the borders.

That is what I see looking north and if I turn to the right I can easily see the lake below, on the left, and the higher hills which obstruct the view of the plain along the coast. But if I face south I can see the Tabor behind smooth hills which are certainly the ones which surround Nazareth. There is a little town down, at the bot­tom, near a very busy road along which people are hurrying to reach their halting-places.

Jesus does not look at what I am looking. He is only seeking a place where to sit down and He chooses it at the foot of a very powerful holm-oak whose leafy branches have protected the grass growing on the ground around it from dog-days, so that it is fresh and thick, as if parching summer had never passed there. Thus the lake is in front of Jesus, and on His side, among trees, is the path on which He came up, on the opposite side the undulating ground surrounding the northern part of the dell covered with meadows and woods, where He is, and which is completely green, because most trees are holm-oaks, that is evergreens not affected by autumn. Only here and there they show blood-red spots, where leaves change then colour before falling, making room for fresh ones, which in the embryo state are already growing near the withering ones.

Jesus is very tired and leans against the powerful trunk and re­mains for some time with His eyes closed, to rest. He then takes his usual posture, moving away from the trunk, leaning slightly forward, his elbows resting on his knees, his forearms stretched forward, his hands joined and his fingers interlaced. He is pensive. He is certainly praying. Now and again when He hears a noise nearby – birds squabbling over a resting place for the night, some animal among the grass causing a stone to roll down the mountain side, a branch blown by a solitary gush of wind knocking against another branch – He raises His eyes, and with a pensive glance which certainly does not see, He looks in the direc­tion of the sound, wondering if it comes from the little road that climbs among the holm-oaks. He then lowers his eyes again con­centrating on Himself. He looks attentively at the lake twice which is already in the shade, and then He turns His head looking westwards where the sun has already set behind the woody hills. The second time He stands up and walks towards the path to see whether anybody is coming up, and then He goes back to his place.

477.2

Finally the sound of footsteps is heard and two figures appear: Mary wearing a dark blue garment and John laden with bags. John calls twice: «Master!» and as soon as Jesus turns around he says: «Here is Your Mother» and he helps Her to cross a little stream and to step over some large stones placed on the path for the purpose of consolidating it and making it more comfortable for people going up or down, whereas in actual fact they are pitfalls for people wearing light sandals.

Jesus gets up at once to meet His Mother and helps Her with John to climb the stones of the collapsed dry wall, which was to support the plateau. In actual fact only the roots of the holm-oaks fulfil that function. Mary is now supported by Her Son Who looks at Her and asks: «Are You tired?»

«No, Jesus» and She smiles at Him.

«But I think that You really are tired. I am sorry that I made You come. But I could not come to You…»

«Oh! it does not matter, Son. I am a little hot. But it is pleasant here… But You are very tired, and poor John, as well.»

But John shakes his head smiling and putting down the new well-packed bag of Jesus and his own on the grass, at the foot of the holm-oak and he withdraws saying: «I am going down. I saw a little fountain. I am going to refresh myself in its water. But if You should call me, I shall hear You» and he goes away leaving the Two free.

477.3

Mary unfastens her mantle and takes off her veil wiping the perspiration beading her forehead. She looks at Jesus and smiles at Him, and She drinks in his smile, as He also smiles at Her while caressing her hand and pressing it against his cheek to be caressed. He is so «filial» in that gesture which I have seen Him make more than once! Mary frees Her hand and tidies up his hair, removing a tiny bit of the bark of a tree from his locks, and each movement of her fingers is a caress, such is the love with which it is made. And She says: «You are in a sweat, Jesus. Your mantle is wet on the shoulders, as if You had been in the rain. But You can take another one now. I will take this one back. Sunshine and dust have discoloured it. I had everything ready, and… Wait! I know that You have just had something to eat: a crust of stale bread and a handful of olives, which were so salty as to irritate Your throat. I was told by John who did nothing but drink as soon as he arrived. But I brought You some new bread. I had just taken it out of the oven, and a honeycomb which I took from the beehive yesterday, to give it to Simon’s children. But I have more honeycombs for them. Take it, Son. It comes from our house…» and She bends to open the bag, in which, on top of all its contents, there is a low wicker basket with some fruit lying on which is a honeycomb wrapped in long vine leaves, and She offers everything to Her Son with some new crisp bread.

And while Jesus is eating, She takes out of the bag the garments which She prepared for the winter months; they are heavy and warm suitable to protect one from cold and rain and She shows them to Jesus, Who says: «How much work, Mother! I still had those of last winter…»

«When men are away from their women, they must have everything new, so that they do not need to have anything mended, in order to be properly dressed. But I have not wasted anything. This mantle of mine is your old one, which I shortened and re­-dyed. It is still all right for Me. But not for You. You are Jesus…»

It is impossible to say what there is in this sentence. «You are Jesus». A simple sentence. But all the love of the Mother, of the disciple, of the ancient Hebrew women for the Promised Messiah, of the Hebrew women of the blessed time in which Jesus lived, is in those few words. If the Mother had prostrated Herself worship­ping Her Son as God, Her veneration would have been of a limited form. But Her words express something which is more than the formal adoration of knees that bend, of a back that bows, of a forehead that touches the ground: here it is Mary’s whole being, Her flesh, blood, mind, heart, spirit, love, adoring the God-Man completely and perfectly.

I have never seen anything greater, more absolute than these adorations of Mary for the Word of God, Who is her Son, and Who She always remembers is her God. None of the people whom I see worship their Saviour, after being cured or converted by Jesus, not even the most fervent ones, not even those who inadvertently behave theatrically in their transport of love, have anything like this. They love completely, but always as creatures lacking something to be perfect. Mary loves, I dare say, divinely. She loves more than a creature. Oh! She really is the daughter of God free from sin! That is why She can love thus!… And I think of what man lost through the original Sin… I think of what Satan stole from us by overwhelming our First Parents. He deprived us of the power of loving God as Mary loved Him… He deprived us of the power of loving well.

477.4

While I am meditating on these matters watching the perfect Couple, Jesus, at the end of his meal, is sitting on the grass at Mary’s feet resting His head on her knees like a tired sad child who takes shelter near the only person who can console him. And Mary caresses His hair, touching Jesus’ smooth forehead lightly. She seems to be wishing to dispel all the tiredness and all the grief which are in Her Son by means of Her caresses. Jesus closes His eyes and Mary stops caressing Him; She remains with Her hand resting on His head, looking in front of Her, pensively still. Perhaps She thinks that Jesus may fall asleep. He is so tired.

But Jesus opens His eyes again almost at once, He sees that it is growing dark, He realises that it is not possible to prolong that hour of solace so He raises His head, still sitting where He is and He says: «Do You know, Mother, from where I come.»

«Yes, I know. John told Me. Two souls returning to God. A joy for You and for Me.»

«Yes. And I am going down to Jerusalem with that joy.»

«To make up for the disappointment You received the same day that we parted.»

«How do You know? Did John tell You? He is the only one who knows…»

«No. I asked him about it. But John replied: “Mother, You will be seeing Him before long. Ask Him”.»

Jesus smiles saying: «John is scrupulously faithful.»

477.5

There is a pause, then Jesus asks: «So, who spoke to You about it?»

«Not to Me. Some… men came to Your brother Joseph. And… he came to Me. He was still a little… Yes, Son. It is always better to speak the truth. He was somewhat upset after meeting You at Capernaum and especially after his discussion with Judas and James. They met during Your absence and James, too, nay James above all was severe… Very severe… I would say too severe. But the Eternal Father, Who is always good, derived some good from their variance. Certainly because it was a variance originating from two sources of love. Different, of course, but still love. Im­perfect, that is true. Because if they had been perfect, if at least one source were perfect, it would not have gone so far as to get angry… Anger is perhaps too strong a word to describe James’ mood, but he was certainly very severe… You would have certain­ly reminded him to be charitable. I… did not approve, but I bore with him because I realised what was upsetting so much the ever patient James. One cannot expect him to be perfect… He is a man. And he is still very much of a man, too. Oh! there is still a long way to go before James becomes as just as was My Joseph! He… knew how to control himself and be always good… But I am digressing! I was speaking of the imperfect love of the two for You – because they love You so much. Also Joseph does, although at first sight he does not seem to. It is really love for You all the care he takes of Me, a poor woman. And it is love for You his way of thinking, as an old Israelite, firm in his ideas like his father. He would give anything to see You loved by everybody! His way… of course… –. But reverting to the fact, I must tell You that Joseph, whom James’ firm behaviour did not harm, began to come to Me every day. And do You know why? That I may explain the Scriptures to him “as You and Your Son understand them” he said. To explain the Scriptures in the light of the Truth!… It is not easy when he who is listening to you is Joseph of Alphaeus that is, one who firmly believes in the temporal kingdom of the Messiah, in His royal birth and in so many other things!

But it was his own pride that helped Me to make him accept the idea that the King of Israel is to be of royal descent, of David’s stock, agreed, but that it is not necessary for Him to be born in a royal palace. He… oh! how proud he is of belonging to the stock of David! I told him many things in a kind way… and I got him to revise that idea. He now admits, in accordance with the proph­ecies, that You are the predicted one. But…oh! I would not have been successful in convincing him that Your true greatness con­sists exactly in being the King of the spirit, the only thing that can make You the universal and eternal King, if people had not come on two occasions looking for him… The first, still those from Capernaum with others, after tempting him with dazzling prom­ises of grandeur for the whole household, seeing that he was less inclined to yield to their suggestions – they expected him to force You and to force Me to make You accept a crown – they betrayed themselves when they began to threaten him… The usual half­-hidden threats which they use. Sharp knives wrapped in soft wool to make them seem harmless… And Joseph reacted saying: “I am the oldest, but He is of age and I have never been told that in our family there have been fools or madmen. For twenty years, since He became of age, He has been aware of what He does. So go to Him and ask Him, and if He refuses, leave Him in peace. He is responsible for His actions”.

Then some of Your disciples came, it was just the eve of the Sab­bath… Are You looking at Me, Son? Allow Me not to mention their names, but let Me tell You to forgive them… A son who should lift his hands against his old father, a levite who should desecrate the altar and be afraid of Jehovah’s wrath, would not be like them… They came from Capernaum where they had been looking for You… They had come along the lake road from Capernaum to Magdala and then to Tiberias hoping to find You. And they had met with Hermas and Stephen, who were going down to Jerusalem with other people after being Gamaliel’s guests for some days. I do not want to repeat what they said, what they want to tell You and are anxious to tell You. But their words had increased even more the grief of the disciples who had been led astray to the extent of joining those who wished to betray You by means of a false unc­tion. Joseph was with Me when they came. And it was a good thing. Oh! Joseph has not yet reached the Light, but he is already in the twilight of his dawn. Joseph understood the snare and… our Joseph is very fond of You now. He loves You, I dare not say in the right manner, but at least as an adult relative who suffers because of Your suffering, who watches over Your safety, who knows Your enemies…

That is why I know what they did to You, Son. A sorrow… and a joy because more than one recognised You for what You are. Such grief and joy for You and for Me. But we are forgiving everybody, are we not? I have already forgiven those who repented, as far as I am allowed to forgive.»

«Mother, You might have forgiven them also on My behalf. Because I had already forgiven them as I saw their hearts. They are men… What You said is correct!…

477.6

But I have also the joy of seeing Joseph proceeding towards the dawn of the true Light…»

«Yes. He was hoping to see You. You ought to see him. He was absent today until sunset. And he will be grieved at not seeing You. But he will be able to see You in Jerusalem.»

«No, Mother. I will not be staying in Jerusalem so that people may see Me. I must evangelize the City and the villages in the neighbourhood, and I would be driven out at once if they found Me. So I will have to act like one doing evil, whereas I only want to do good… But it is so.»

«So will You not see Joseph? He is leaving tomorrow for the Tabernacles. You could have travelled together…»

«I cannot…»

«Are they already persecuting You so fiercely, Son?» How much anxiety is in the Mother’s voice!

«No, Mother. No. Not more than previously. Be reassured. On the contrary… kind spirits come to Me. Others, who are not good, stop and meditate, whilst previously they struck without any reason, the disciples are increasing, the older ones are improving in their spiritual training, the apostles are becoming more perfect. I am not referring to John: he has always been a grace granted to Me by the Father, I mean Simon of Jonah and the others. Simon is changing day by day from the man he was into an apostle, and You know what I mean. And he gives Me so much joy. And Nathanael and Philip are freeing themselves from the ties of their ideas. And Thomas and… But what am I saying? All of them. Yes, believe Me. They are all good at present: they are My joy. You must not worry since You know that I am with them: they are the friends, the comforters, the supporters of Your Son. I wish You were so well defended and loved!»

«Oh! I have Mary, I have the wives of Joseph and Simon and them as well and their children. I have good Alphaeus. And then, who in Nazareth is not fond of Mary of Nazareth? You must not worry… A whole village loves Your Mother.»

«But they do not love Me as yet, with few exceptions. I know and I am aware that their love for You is imbued with the commisera­tion one feels for the Mother of a mad vagrant. But You know that I am not and that I love You.

477.7

You know that to part from You is I will not say the greatest, but the most lovingly sorrowful obe­dience which the Father requests of Me…»

«Yes, Son! I know. But I do not regret anything. I would certain­ly like to be with You, I would prefer to be with You, on muddy roads, exposed to winds, sleeping in the open, persecuted, tired, without a home and a fireplace, with no bread, as You are very often, rather than be in My house, while You are far away, and I do not know how You are, when I think of You. If You were with Me and I with You, You would suffer less and I would suffer less… Because You are My Son and I could always hold You in My arms and defend You from the cold, from hard stones, and above all from hardened hearts, with My love, My breast, My arms. You are My Son. I held You so long against My heart in the grotto, in the journey to Egypt, and on the way back, always when the dangers of season and the snares of men might have injured You. Why could I not do it now? Am I perhaps no longer Your Mother, because You are now the Man? So can a mother no longer be everything for her son, because he is no longer a little child? I think that if I am with You they will not be able to injure You… because nobody… No. I am silly… You are the Redeemer… and men – I have noticed it – have no mercy even for their own mothers… But let Me come with You. Everything is better for Me than being away from You.»

«If men were kinder I would come back to Nazareth again. But even Nazareth… It does not matter. They will come to Me. For the time being I am going to other people… And I cannot take You with Me. I will come back here only when they realise Who I am.

477.8

I am now going to Judaea… I will go up to the Temple… I will then remain in that district… I will go through Samaria once again. I will work where there is more work to be done. So, Mother, I ad­vise You to be ready to join Me early in spring and to settle near Jerusalem. It will be easier for us to meet. I will go up to the Decapolis again and we shall meet again… I hope so. But as a rule, I will remain in Judaea. Jerusalem is the sheep needing more care because she is really more stubborn than an old ram and more quarrelsome than a wild billy-goat. I am going there to spread the Word like dew which never tires falling on her aridity…»

Jesus stands up, He stops and looks at His Mother Who gazes at Him attentively. He moves His lips and shaking His head He says: «There is still something to be said before the last thing… Mother, if Joseph wants to speak to Me, let it be at dawn the day after tomorrow on the road which from Nazareth goes to Jezreel via the Tabor. I shall be there alone or with John.»

«I will tell him, Son.»

477.9

There is silence dead silence, because the birds have ceased quarrelling among the leafy branches and also the wind is quiet while twilight deepens. Then Jesus, Who seems to have found with difficulty the words to be spoken last, says: «Mother, My pause is over… A kiss, Mother. And Your blessing.» They kiss and bless each other.

Then Jesus, bending to pick up His Mother’s veil and calling John as if He wished to make the words less serious, says: «When You come to Judaea bring Me My best tunic. The one which You wove for Me for solemn festivities. In Jerusalem I must be “Master” in the widest meaning and also more human sensitively, because those closed hypocritical spirits look more at the outside: one’s garments, than the inside: one’s doctrine. And thus also Judas of Kerioth will be happy… and Joseph will be satisfied see­ing Me in a royal garment. Oh! it will be a triumph! And the gar­ment woven by You will contribute…» and He smiles to mitigate the harsh truth concealed by those words.

But Mary is not deceived. She stands up and leans on Jesus’ arm exclaiming: «Son!» with such heart-rending grief that makes me suffer. Jesus takes Her in His arms and She weeps against His heart…

«Mother, this is the reason why I wanted to speak to. You in this hour of peace… I entrust You with My secret and what is dearest to Me here on the Earth. None of My disciples know that we shall not come back to these parts of the country until everything has been accomplished. But You… I have no secrets for You… I promised[1] You Mother. Do not weep. We still have many hours to spend together. That is why I say to You: “Come to Judaea”. To have You near Me will requite Me for the fatigue of the most difficult evangelization of those stone-hearted people who are obstructing the Word of God. Come with the Galilean women disciples. You will be very helpful to Me. John will see to lodgings for You and for them. Let us pray together now, before He comes back. Then You will go back to the village, and I will come, too, during the night…»

477.10

They pray together and they are at the last words of the Our Father when John appears and in the dim light, when he is close at hand, he sees the traces of tears on Mary’s face and is amazed. But he makes no remark. He greets the Master and says: «At dawn I shall be on the road outside Nazareth… Come, Mother. Outside the wood it is still daylight and the road, below, is lit up by the lamps of the carts which are travelling…»

Mary kisses Jesus again, weeping under Her veil, and then sup­ported by John who is holding Her by the elbow, She goes down to the path and descends towards the valley.

Jesus is left alone, to pray, to think, to weep. Because Jesus weeps watching His Mother descend. He then goes back to where He was previously and He assumes the same position as before while shadows and silence become deeper and deeper around Him.

14th February 1944.

477.11

Jesus says:

«I did not forget this sorrow of Mary, My Mother, either. That I had to torture Her with the expectation of My suffering, that I had to see Her weep. That is why I deny Her nothing. She gave Me everything. I give Her everything. She suffered all sorrows. I give Her all joy.

When you think of Mary, I would like you to meditate on that agony of Hers that lasted thirty-three years and culminated at the foot of the Cross. She suffered that for your sake. For your sake She suffered the mockery of the crowds that considered Her the mother of a madman. For your sake She endured the reproaches of relatives and important people. For your sake She bore My ap­parent disavowal[2]: “My Mother and My brothers are those who do the will of God”. And who did His will more than She did, and a terrible Will, that imposed on Her the torment of seeing Her Son tortured?

For your sake She endured the fatigue of joining Me here and there. For your sake She made sacrifices, from the sacrifice of leaving Her little house and mingling with the crowds, to the sacrifice of leaving Her little fatherland for the tumult of Jerusalem. For your sake She had to be in touch with him who was brooding over betrayal in his heart. For your sake She suffered hearing Me accused of diabolical possession and heresy. Every­thing for your sake.

477.12

You do not know how much I loved My Mother. You do not con­sider how the heart of Mary’s Son was sensitive to affections. And you think that My torture was purely physical, at the most you add the spiritual torment of the final abandonment by the Father.

No, children. I experienced also the passions of man. I suffered seeing My Mother suffer, having to lead Her, like a meek ewe­lamb, to the torture, being compelled to torment Her with con­tinual farewells, at Nazareth before evangelizing, with the one which I have shown you and which precedes My imminent Pas­sion, with the one before the Supper, when Judas had already initiated My Passion with his betrayal, and with the dreadful one on Calvary.

I suffered seeing Myself derided, hated, slandered, circumvented by unwholesome inquisitiveness that did not evolve into good, but into evil. I suffered because of all the falsehood that I had to hear or see acting beside Me. The falsehood of the hypocritical Phari­sees, who called Me Master and asked Me questions not because they believed in My intelligence but to lay snares for Me; the falsehood of those who had been benefited by Me and who became My accusers in the Sanhedrin and in the Praetorium; the long premeditated subtle falsehood of Judas who sold Me and con­tinued feigning to be My disciple, and indicated Me to the execu­tioners with the sign of love. I suffered because of the lie of Peter, who was seized with human fear.

How much falsehood and so revolting for Me, Who am the Truth! How much there still is, even now, with regards to Me! You say that you love Me, but you do not love Me. You have my Name on your lips, but you adore Satan in your hearts and you follow a law contrary to Mine.

I suffered thinking that with respect to the infinite value of My Sacrifice – the Sacrifice of a God – too few would be saved. All, I say: all those who throughout the centuries of the Earth would prefer death to eternal life, making My Sacrifice vain, were pre­sent to Me. And with that knowledge I went to My death.

477.13

You can see, little John, that your Jesus and His Mother suf­fered bitterly in their moral egos. And for a long time. So be pa­tient, if you will have to suffer. “No disciple is superior to his Master”. I said so[3].

Tomorrow I will speak of the sorrows of the spirit. Rest now, peace be with you».


Notes

  1. promis, en 460.10.
  2. Jésus dit… fait suite à un épisode écrit sur la base d’une “ vision ” du 14 février 1944 et qui est rapportée dans le volume des “ Cahiers de 1944 ”. Ce même épisode, réécrit ici plus en détails sur la base de la “ vision ” du 21 août 1946, est celui qui précède ici.
  3. apparent désaveu, en 269.12.
  4. Je l’ai dit, en 265.11.

Notes

  1. promised in 460.10.
  2. apparent disavowal, as in 269.12.
  3. said so, in 265.11.