The Writings of Maria Valtorta

501. La parabole des fils plus ou moins éloignés de leur père.

501. The parable of the distant children. Healing

501.1

C’est une belle matinée d’automne. Si l’on excepte les feuilles d’un jaune roux qui couvrent le sol et prouvent que nous sommes bien à cette saison, l’herbe est très verte, quelques fleurs sortent des buissons qui ont repris vie avec les pluies d’octobre, l’air qui circule à travers les branches déjà en partie dépouillées est vraiment serein, et tout cela fait penser à un début de printemps. En outre, les arbres à feuilles persistantes, qui se mêlent à ceux à feuilles caduques, apportent une note de gaieté : leurs nouvelles feuilles de couleur émeraude ont poussé au bout des rameaux, près des branches dénudées des autres arbres, et elles semblent ainsi bourgeonner. Les brebis sortent des enclos et se dirigent en bêlant vers les pâturages avec les agneaux des portées d’automne. L’eau d’une fontaine qui se trouve à l’entrée du village brille comme du diamant liquide sous le baiser du soleil et, en retombant dans un sombre bassin, elle produit un scintillement multicolore contre une maisonnette dont le temps a noirci les murs.

Jésus est assis sur un muret dont un côté borde le chemin, et il attend. Ses disciples l’entourent ainsi que les habitants du village, tandis que les bergers, que leurs troupeaux obligent à ne pas trop s’écarter, se répandent sur les deux côtés de la route vers la plaine au lieu de monter plus haut.

De la route qui grimpe de la vallée au mont Nébo, il ne vient personne pour le moment.

« Est-ce qu’il va arriver ? demandent les apôtres.

– Oui, et nous allons l’attendre. Je ne veux pas décevoir une espérance qui se forme et détruire une foi future, répond Jésus.

– N’êtes-vous pas bien parmi nous ? Nous vous avons donné ce que nous avions de meilleur, dit un vieillard qui se chauffe au soleil.

– Mieux qu’ailleurs, père. Et Dieu récompensera votre bonté, lui répond Jésus.

– Alors, parle-nous encore. Il vient parfois ici des pharisiens zélés et des scribes orgueilleux. Mais ils n’ont rien à nous dire. C’est juste. Leur élévation les sépare de… tout, et ils sont les sages. Nous… Devrions-nous ne rien savoir, parce que le sort nous a fait naître ici ?

– Dans la Maison de mon Père, il n’y a pas de séparations ni de différences pour ceux qui parviennent à croire en lui et à mettre en pratique sa Loi, qui est le code de sa volonté, pourvu que l’homme vive en juste pour obtenir une récompense éternelle dans son Royaume.

501.2

Ecoutez : un père avait plusieurs fils. Certains avaient toujours vécu en contact étroit avec lui ; d’autres, pour diverses raisons, en avaient été relativement plus éloignés. Pourtant, connaissant malgré la distance les désirs de leur père, ils pouvaient agir comme s’il avait été proche. D’autres étaient encore plus loin, et, élevés depuis le premier jour de leur naissance au milieu de serviteurs qui parlaient d’autres langues et avaient des coutumes différentes, ils s’efforçaient de servir leur père d’après le peu que, par instinct plus que par connaissance, ils savaient devoir lui être agréable. Un jour, le chef de famille voulut rassembler toute sa descendance et la convia auprès de lui. Il n’ignorait pas comment, malgrés ses ordres, les serviteurs s’étaient abstenus de faire connaître ses pensées à ses enfants éloignés — car, dans leur orgueil, ils les considéraient comme inférieurs et non aimés, uniquement parce qu’ils n’habitaient pas avec leur père. Eh bien, croyez-vous que, arbitrant selon le droit humain, il a donné possession de ses biens à ceux-là seuls qui étaient toujours restés chez lui, ou qui étaient assez proches pour être au courant de ses ordres et de ses désirs ? Au contraire, il suivit une tout autre manière de juger. Observant les actes de ceux qui avaient été sages par amour de ce père qu’ils ne connaissaient que de nom et qu’ils avaient honoré par toutes leurs actions, il les appela auprès de lui pour leur dire : “ Vous avez le double mérite d’être justes, puisque vous l’avez été par votre seule volonté et sans être aidés. Venez m’entourer. Vous en avez bien le droit ! Les premiers m’ont toujours possédé et tous leurs actes étaient réglés par mes conseils et récompensés par mon sourire. Vous, vous avez dû agir uniquement par foi et par amour. Venez, car dans ma maison votre place est prête, et cela depuis longtemps ; à mes yeux, la différence ne tient pas au fait d’avoir toujours été à la maison ou au loin : ce qui fait la différence, ce sont les actions que mes fils ont accomplies, qu’ils soient proches ou non. ”

Telle est la parabole, et voici son explication : les scribes ou les pharisiens, qui vivent autour du Temple, peuvent au Jour éternel ne pas se trouver dans la Maison de Dieu, et beaucoup de personnes, que la distance oblige à ne connaître que succinctement ce qui concerne Dieu, pourront être alors dans son Sein. Car ce qui permet d’obtenir le Royaume, c’est la volonté de l’homme tendue vers l’obéissance à Dieu, et non un amas de pratiques et de science.

Faites donc ce que je vous ai expliqué hier. Qu’aucune crainte excessive ne vous paralyse. Faites-le sans escompter éviter ainsi le châtiment. Agissez seulement par amour pour Dieu, qui vous a créés pour vous aimer et être aimé de vous. Et vous obtiendrez une place dans la Maison paternelle.

501.3

– Ah ! parle-nous encore !

– Sur quoi donc dois-je vous enseigner ?

– Tu disais hier qu’il y a des sacrifices plus agréables à Dieu que celui des agneaux et des béliers, et aussi que certaines lèpres sont plus honteuses que celles de la chair. Je n’ai pas bien compris ta pensée » dit un berger. Et il poursuit : « Avant qu’un agneau ait un an et qu’il soit le plus beau du troupeau, sans tache et sans défauts, sais-tu combien de sacrifices il faut faire, et combien de fois il faut vaincre la tentation d’en faire le mouton du troupeau ou de le vendre comme tel ? Or, si pendant un an, on résiste à toute tentation, si on le soigne et si on s’attache à lui, la perle du troupeau, sais-tu comme est grand le sacrifice de l’immoler sans profit et avec douleur ? Peut-il y avoir un sacrifice plus grand à offrir au Seigneur ?

– Homme, je te dis en vérité que le sacrifice ne réside pas dans l’animal immolé, mais dans l’effort que tu as fait pour le garder pour l’immolation. En vérité, je vous déclare que le jour va venir où, conformément à la parole inspirée[1], Dieu dira : “ Je n’ai pas besoin du sacrifice des agneaux et des béliers ”, et il exigera un sacrifice unique et parfait. A partir de cette heure, tout sacrifice sera spirituel. Mais il est déjà annoncé depuis des siècles quel sacrifice préfère le Seigneur. David s’exclame en pleurant : “ Si tu avais désiré un sacrifice, je te l’aurais offert, mais tu ne veux pas d’holocauste. Le sacrifice à Dieu, c’est un esprit contrit (et j’ajoute : obéissant et affectueux, car on peut accomplir aussi un sacrifice de louange, de joie et d’amour et non seulement d’expiation). Le sacrifice à Dieu, c’est un esprit brisé ; d’un cœur brisé et broyé, mon Dieu, tu n’as point de mépris. ” Non, votre Père ne méprise pas non plus le cœur qui a péché et s’est humilié. Alors comment accueillera-t-il le sacrifice d’un cœur pur, juste, qui l’aime ? C’est là celui qui lui est le plus agréable : le sacrifice quotidien de la volonté humaine à la volonté divine, qui se montre dans la Loi, les inspirations et dans les événements journaliers. De même, la lèpre de la chair n’est pas la plus honteuse, celle qui exclut de la vue des hommes et des lieux de prière, mais c’est la lèpre du péché. Il est vrai qu’elle passe bien souvent inaperçue des hommes. Mais vivez-vous pour les hommes ou pour le Seigneur ? Est-ce que tout se termine ici, ou bien continue dans l’autre vie ? Vous connaissez la réponse. Soyez donc saints pour n’être pas lépreux aux yeux de Dieu, qui voit le cœur des hommes, et gardez-vous purs spirituellement pour pouvoir vivre éternellement.

– Et si quelqu’un a gravement péché ?

– Qu’il n’imite pas Caïn, ni Adam et Eve, mais qu’il coure aux pieds de Dieu et qu’avec un vrai repentir il lui demande pardon. Un malade, un blessé, va voir le médecin pour guérir. Que le pécheur aille à Dieu pour obtenir sa miséricorde. Moi…

501.4

– Toi ici, Maître ? » crie un homme qui monte par le chemin, tout enveloppé dans son manteau, et en compagnie de plusieurs autres.

Jésus se retourne pour le regarder.

« Tu ne me reconnais pas ? Je suis le rabbi Sadoq. Nous nous rencontrons de temps à autre.

– Le monde est toujours petit quand Dieu veut que deux personnes se rencontrent. Nous nous retrouverons encore, rabbi. En attendant, que la paix soit avec toi. »

L’autre ne lui rend pas son salut de paix, mais il demande :

« Que fais-tu ici ?

– J’ai fait ce que tu t’apprêtes à faire. Cette montagne n’est-elle pas sacrée pour toi ?

– Si, et j’y viens avec mes disciples. Mais moi, je suis un scribe !

– Et moi, un fils de la Loi. Je vénère donc Moïse tout comme toi.

– C’est un mensonge. Tu remplaces sa parole par la tienne et tu demandes que l’on obéisse à toi, et non plus à nous.

– Pas à vous, non. L’obéissance à votre égard n’est pas nécessaire…

– Elle n’est pas nécessaire ? Quelle horreur !

– Non, pas plus que ne le sont, pour te garder de l’air automnal, les zizits flottants et nombreux qui ornent ton habit. C’est ton vêtement qui te protège. Ainsi en est-il des nombreuses paroles que l’on enseigne : j’accepte celles qui sont nécessaires et saintes, celles de Moïse, et je ne m’occupe pas des autres.

– Samaritain ! Tu ne crois pas aux prophètes !

– Les prophètes, vous non plus ne les observez pas. Si c’était le cas, vous ne me traiteriez pas de Samaritain.

– Mais laisse-le donc, Sadoq. Veux-tu parler avec un démon ? » lance un autre pèlerin qui arrive avec d’autres personnes.

Puis, portant un regard dur sur le groupe qui entoure Jésus, il voit Judas et le salue ironiquement.

501.5

Les villageois veulent défendre Jésus. Peut-être en effet arriverait-il quelque incident, mais voilà que l’homme de Pétra, suivi d’un serviteur, se fraie un chemin en criant. Tous les deux portent un enfant dans les bras.

« Laissez-moi passer. Seigneur, je me suis trop fait attendre ?

– Non, homme, viens auprès de moi. »

Les gens s’écartent pour le laisser passer. Il s’approche de Jésus et s’agenouille pour mettre par terre une fillette dont la tête est bandée de lin. Son serviteur l’imite en déposant un petit garçon aux yeux éteints.

« Ce sont mes enfants, Maître Seigneur ! » dit-il.

Dans cette courte phrase, tremble toute la souffrance et l’espérance d’un père.

« Tu as fais preuve d’une grande foi, homme. Et si je t’avais déçu ? Si tu ne m’avais pas trouvé ? Si je te disais que je ne puis les guérir ?

– Je ne te croirais pas. Je ne croirais même pas à l’évidence de ne pas te voir. Je dirais que tu t’es caché pour éprouver ma foi et je te chercherais jusqu’à ce que je te trouve.

– Et la caravane ? Et tes profits ?

– Qu’est-ce en comparaison de toi, qui peux guérir mes enfants et me donner une foi pleine d’assurance en toi ?

501.6

– Découvre le visage de la fillette, ordonne Jésus.

– Je le garde couvert, car elle souffre beaucoup de la lumière.

– Ce ne sera qu’un instant de souffrance » dit Jésus.

Mais la petite fille se met à pleurer désespérément et refuse qu’on lui enlève la bande.

« Elle croit que tu vas lui faire mal avec du feu, à l’instar des médecins, explique le père, qui se débat pour écarter de la bande les mains de l’enfant.

– Oh ! Ne crains rien, fillette. Comment t’appelles-tu ? »

La petite pleure sans mot dire. C’est son père qui répond pour elle :

« Tamar, du lieu où elle est née. Et le garçon, Fara.

– Ne pleure pas, Tamar. Tu ne vas pas souffrir. Sens mes mains : je n’ai rien dans les doigts. Viens sur mes genoux. En attendant, je vais guérir ton frère et il te dira ce qu’il a éprouvé. Viens ici, mon petit. »

Le serviteur pousse près de ses genoux le pauvre petit aveugle, aux yeux éteints par le trachome. Jésus lui fait une caresse sur la tête et lui demande :

« Sais-tu qui je suis ?

– Jésus le Nazaréen, le Rabbi d’Israël, le Fils de Dieu.

– Veux-tu croire en moi ?

– Oui. »

Jésus lui met la main sur les yeux en lui couvrant plus de la moitié du visage. Il dit :

« Je le veux ! Et que la lumière des pupilles ouvre la voie à la lumière de la foi. »

Puis il retire sa main. L’enfant pousse un cri en portant ses menottes à ses yeux, et s’exclame :

« Papa ! Je vois ! »

Mais il ne court pas vers son père. Dans sa spontanéité enfantine, il s’attache au cou de Jésus, lui dépose un baiser sur les joues, et reste ainsi, attaché à son cou, avec sa petite tête qui se réfugie sur l’épaule de Jésus pour habituer ses pupilles au soleil.

La foule crie au miracle tandis que le père essaie de détacher le petit garçon du cou de Jésus.

« Laisse-le. Il ne m’ennuie pas. Seulement, Fara, dis à ta sœur ce que je t’ai fait.

– Une caresse, Tamar. Comme la main de maman. Oh ! sois guérie toi aussi, et nous jouerons de nouveau ensemble ! »

501.7

Avec encore un peu d’hésitation, la petite fille se fait mettre sur les genoux de Jésus, qui voudrait la guérir sans même toucher la bande. Mais les scribes et leurs compagnons se mettent à crier :

« C’est truqué : l’enfant y voit ! C’est un coup monté pour abuser de la bonne foi des villageois !

– Ma fille est malade. Moi…

– Laisse tomber. Toi, maintenant, Tamar, sois gentille et laisse-moi t’enlever les bandes. »

La fillette, convaincue, laisse faire. Quel spectacle, quand tombe la dernière bande ! Deux plaies rouges, croûteuses, enflées, occupent la place des yeux et il en coule des larmes et du pus. De la foule s’élève un murmure d’horreur et de pitié, tandis que l’enfant porte ses mains à son visage pour se protéger de la lumière, qui doit la faire souffrir horriblement ; sur les tempes rougissent de récentes brûlures.

Jésus écarte ses menottes et effleure légèrement cette ruine en y appuyant la main et en disant :

« Père, toi qui as créé la lumière pour la joie des vivants, et qui as donné des pupilles même aux moucherons, rends la lumière à cette créature qui t’appartient, afin qu’elle te voie et croie en toi, et que, de la lumière de la terre, elle entre par la foi dans celle de ton Royaume. »

Il retire sa main…

« Oh ! » s’écrie la foule.

Il n’y a plus de plaies, mais la petite garde les yeux fermés.

« Ouvre-les, Tamar. N’aie pas peur. La lumière ne te fera aucun mal. »

La fillette obéit, avec quelque crainte et, en ouvrant ses paupières, elle découvre deux petits yeux noirs bien vifs.

« Papa ! Je te vois ! »

Et elle aussi s’abandonne sur l’épaule de Jésus pour s’habituer lentement à la lumière.

La foule est en émoi, tandis que l’homme de Pétra se jette aux pieds de Jésus en sanglotant de joie.

« Ta foi a obtenu sa récompense. Dorénavant, que ta reconnaissance porte ta foi en l’Homme à une plus haute sphère : à la foi dans le vrai Dieu. Lève-toi et partons. »

Jésus pose par terre la fillette qui sourit de bonheur, et se sépare du garçon en se levant. Il les caresse encore et voudrait fendre le cercle des gens qui l’entourent pour voir les yeux guéris.

501.8

« Tu devrais demander la guérison toi aussi pour tes yeux voilés » dit un disciple à un vieil homme que l’on conduit par la main, tant il a la vue brouillée.

– Moi ?! Moi ?! Je ne veux pas voir la lumière par un démon. Au contraire, je crie vers toi, Dieu éternel ! Ecoute-moi. A moi ! A moi les ténèbres absolues ! Mais que je ne voie pas le visage du démon, de ce démon, de ce sacrilège, de cet usurpateur, de ce blasphémateur, de ce déicide ! Que tombent les ombres sur mes yeux pour toujours. Les ténèbres, les ténèbres pour ne pas le voir, jamais, jamais, jamais ! »

C’est lui qui semble être un démon ! Dans son paroxysme, il se frappe les orbites comme s’il voulait faire éclater ses yeux.

« Ne crains rien : tu ne me verras pas. Les Ténèbres ne veulent pas de la Lumière, et la Lumière ne s’impose pas à ceux qui la repoussent. Je pars, vieil homme. Tu ne me verras plus sur la terre. Mais tu me verras tout de même ailleurs. »

Alors Jésus, avec cette langueur qui accentue la démarche particulière des gens de haute taille, légèrement penchée en avant, commence à descendre la route. Il est si abattu qu’il ressemble déjà au Condamné qui parcourt le mont Moriah chargé de la croix… Et les hurlements des ennemis, excités par le vieil homme en furie, rappellent beaucoup les cris de la foule de Jérusalem le vendredi saint.

Désolé, l’homme de Pétra, portant dans ses bras sa fillette effrayée qui pleure, murmure :

« C’est pour moi Seigneur ! A cause de moi ! Toi qui as montré tant d’amour pour moi ! Et moi pour toi ! J’ai placé dans la tente sur le chameau des cadeaux pour toi. Mais que sont-ils en comparaison des insultes que je t’ai attirées ? J’ai honte d’être venu à toi…

– Non, homme. C’est mon pain amer de chaque jour, et tu es le miel qui l’adoucit. Il y a toujours plus de pain que de miel, mais il suffit d’une goutte de miel pour rendre doux beaucoup de pain.

– Tu es bon… Mais dis-moi au moins ce que je dois faire pour soigner ces blessures.

– Garde la foi en moi. Pour le moment, comme tu le peux et autant que tu le peux. Dans quelque temps… Oui, mes disciples viendront jusqu’à Pétra et au-delà. Alors suis leur enseignement, car c’est moi qui parlerai en eux. Et en attendant, parle aux habitants de Pétra de ce que j’ai fait pour toi. Ainsi, quand ceux qui m’entourent, et d’autres encore, viendront en mon nom, que mon nom ne leur soit pas inconnu. »

501.9

Tout en-bas, sur la voie romaine, sont arrêtés trois chameaux, l’un avec une selle seulement, les autres avec un baldaquin. Un serviteur les surveille.

L’homme se dirige vers une tente et y prend des paquets :

« Voilà » dit-il, en les offrant à Jésus. « Ils te seront utiles. Ne me remercie pas : c’est moi qui dois te bénir pour ce que tu m’as donné. Si tu peux le faire pour des incirconcis, bénis-moi, avec mes enfants, Seigneur ! »

Et il s’agenouille avec les enfants, suivi par les serviteurs. Jésus étend les mains et prie à voix basse, les yeux fixés vers le Ciel.

« Va ! Sois juste et tu trouveras Dieu sur ton chemin, alors tu le suivras sans plus le perdre. Adieu, Tamar ! Adieu, Fara ! »

Il les caresse avant qu’ils montent avec les serviteurs, un par chameau. Les bêtes se lèvent au crrr, crrr des chameliers et font demi-tour pour partir au trot sur le chemin qui va vers le sud. Deux petites mains brunes se penchent à travers les rideaux, et l’on entend deux voix d’enfant :

« Adieu, Seigneur Jésus ! Adieu, père ! »

Alors l’homme se penche jusqu’à terre et baise le vêtement de Jésus ; puis il monte en selle et part vers le nord.

« Et maintenant, allons-y, dit Jésus en prenant à son tour la direction du nord.

– Comment ? Tu ne vas plus là où tu voulais ? demandent les apôtres.

– Non. Nous ne pouvons plus nous y rendre !… Les voix du monde avaient raison !… Et cela parce que le monde est rusé et connaît les œuvres du démon… Nous allons à Jéricho… »

Comme Jésus est triste !… Tous le suivent, chargés des paquets donnés par l’homme, accablés et muets…

501.1

It is a beautiful autumn morning. Apart from the yellow-red leaves covering the ground and reminding one of the season the grass is so green with some little flowers springing from the tufts revived by the autumn rains, the air moving among the branches partly already bare is so serene, that one is inclined to think it is the beginning of springtime, all the more so as perennial leaves mixed with annual leaves bring a cheerful note with their little fresh emerald green fobiage sprouting at the ends of little branches, near the bare branches of other plants, which thus seem to be putting forth fresh leaves. Sheep come out of their folds and they go with the lambs born in autumn towards the grazing grounds bleating. The water of a foun­tain at the beginning of the village is shining like liquid diamonds in the sun kissing it, and when falling into the dark basin seems to emit multicoloured rays against the walls blackened by age of a little house.

Jesus sits on a little wall bordering the road on one side and waits. His apostles and the villagers are around him, while the shepherds, who do not wish to spread out too far, confined as they are by their flock, instead of climbing higher up, remain on both sides of the road towards the plain.

No one is coming at present on the road which from the valley climbs to mount Nebo.

«Will he be coming?» ask the apostles.

«Yes, he will. And we shall wait for him. I do not want to disap­point a dawning hope and destroy a future faith» replies Jesus.

«Are you not happy here? We have given you the best we had» says an old man who is warming himself in the sun.

«Happier than elsewhere, father. And your kindness will be rewarded by God» replies Jesus.

«Then speak to us a little more. Zealous Pharisees and proud scribes come here at times. But they do not speak to us. It is fair. They are high up, separated from… everything, and wise. We… So are we to know nothing because our fate made us come into the world here?»

«In the House of My Father there are no separations or dif­ferences for those who believe in Him and practise His Law, which is the code of His will, that man may live righteously to obtain the eternal reward in His Kingdom.

501.2

Listen. A father had many children. Some had always lived close to Him, some, for various reasons, had been relatively farther away from their father. However, as they were aware of their father’s wishes, although they were far away, they were able to act as if he were present. Some more strove to serve their father with regards to the little which, more out of instinct than out of knowledge they knew pleased him, because they were farther away and from the first day of their birth had been brought up by servants who spoke different languages and had different customs. One day the father, who was aware that, despite his in­structions the servants had refrained from making his thoughts known to these remote children, because in their pride they con­sidered them inferior and no longer loved, only because they did not live with their father, decided to gather all his offspring together. And he summoned them. Well, do you think that he judged them on the lines of human rights, granting the possession of his property only to those who had always been in his house, or who had not been so far as to be prevented from becoming acquainted with his orders and wishes? On the contrary, following a complete­ly different line and taking into consideration the deeds of those who had been just for the sake of their father, whom they knew on­ly by name, and had honoured him with all their actions, he called them close to him saying: “Your being just is doubly meritorious, because you were so only through your own will, without any help. Come and stand around me. You are quite entitled to it! The others have had me all the time and all their actions were guided by my advice and rewarded with my smiles. You had to act out of faith and love. Come, because your places are ready in my house and I do not make any distinction between having always been in the house and having been away from it; but the difference is in the deeds accomplished by my children, near me or far from me.”

That is the parable. And this is its explanation: the scribes or the Pharisees, living around the Temple, may not be in the House of the Lord on the eternal Day, and many, who are so far as to have only a scanty knowledge of the things of God, may be then in His Bosom. Because what the Kingdom gives is the will of man inclined to obey God, and not a mass of practices and science.

Do, therefore, what I explained to you yesterday. Do it without excessive fear that paralyses, do it without calculating to avoid punishment. Do it therefore only for the love of God Who created you to love you and to be loved by you. And you will have a place in the Father’s House.»

501.3

«Oh! continue speaking to us!»

«What shall I say to you?»

«Yesterday You said that there are sacrifices more pleasing to God than those of lambs and rams, and also that there are leprosies more disgraceful than those of the body. What You said is not very clear to me» says a shepherd, who concludes: «Before a lamb is a year old and it is the most beautiful in the flock, without any stain or fault, do You realise how many sacrifices one must make and how many times one has to overcome the temptation of using it as the ram of the herd or selling it as such? Now if for a year one resists every temptation, one takes care of it and becomes fond of it, the gem of the herd, do You know how great is the sacrifice of immolating it without any profit and with deep sorrow? Is there a greater sacrifice to be offered to the Lord?»

«Man, I solemnly tell you that the sacrifice does not consist in the animal immolated, but in the effort made by you in keeping it to immolate it. I solemnly tell you that the day is about to come when, as the inspired word says[1], God will say: “I do not need the sacrifice of lambs and rams” and He will exact one only sacrifice and a perfect one. And from that moment every sacrifice will be spiritual. But ages ago it was said which sacrifice is preferred by the Lord. David exclaims[2] weeping: “If You had wanted a sacrifice, I would have given it to You, but holocausts give You no pleasure. The sacrifice for God is a contrite spirit (and I add: obedient and loving, because one can offer a sacrifice of praises and joy and love, not only of expiation). The sacrifice for God is a contrite spirit; You, O God, will not scorn a contrite and humiliated heart”. No, neither does your Father scorn a heart that has sinned and repented. So, how will He receive the sacrifice of a pure just heart that loves Him? That is the most agreeable sacrifice. The daily sacrifice of human will to the divine will as shown to you in the Law, in inspirations and in daily events. And likewise, the leprosy of the flesh is not the most disgraceful disease that excludes people from the presence of men and from places of prayer. But it is the leprosy of sin. It is true that it often passes unnoticed by men. But do you live for men or for the Lord? Does everything come to an end here or does it continue in the next life. You know. So be holy, that you may not be lepers in the eyes of God, Who sees the hearts of men and remain pure in spirit that you may live forever.»

«And if one is a hardened sinner?»

«Let him not imitate Cain. Let him not imitate Adam and Eve. But let him run to the feet of God and ask for mercy with true repentance. A sick or wounded man goes to a doctor to be cured. Let a sinner go to God to have forgiveness. I…»

501.4

«Are You here, Master?» shouts one who is coming up the road, all wrapped in a mantle among many other people.

Jesus turns around and looks at him.

«Don’t you recognise me? I am rabbi Sadoc. We meet now and again.»

«The world is always small when God wants people to meet. We shall meet again, rabbi. In the meantime, peace be with you.»

The other does not exchange the greeting of peace, but he ask: «What are You doing here?»

«I have done what you are about to do. Is this mountain not a holy one for you?»

«You have said it. And I come with my disciples. But I am a scribe!»

«And I am a son of the law. So I venerate Moses as you do.»

«That is a lie. You make void his word with Yours and You exact obedience to Yours, no longer to ours.»

«To yours, no. It is yours. But it is not necessary…»

«It is not necessary? How dreadful!»

«No, not any more than the many flowing zizith adorning your garment are necessary to protect you from the autumn air. It is the garment that protects you. So, of the many words that are taught I accept the holy and necessary ones, the Mosaic ones, and I neglect the others.»

«Samaritan! You do not believe the prophets!»

«You do not respect the prophets either. If you did, you would not call Me Samaritan.»

«Leave Him alone, Sadoc. Do you want to speak to a demon?» says another pilgrim who has just arrived with other people. And looking around with hard eyes at the group surrounding Jesus, he sees Judas of Kerioth and greets him scoffingly.

501.5

An incident might take place, because the local people want to defend Jesus, but the man from Petra, followed by a servant, elbows his way through the crowd. Both he and the servant are holding a child each in their arms.

«Let me pass. Lord, have I kept You waiting too long?»

«No, man. Come to Me.»

The people open out to let him pass. He comes to Jesus and kneels down laying on the ground a little girl whose head is wrapped in linen bandages. The servant imitates him laying down a boy with unseeing eyes.

«My children, master Lord!» he says, and all the hope and grief of a father quiver in the short sentence.

«You have had much faith, man. Supposing I had disappointed you? Or you had not found Me? Or I said to you that I cannot cure them?»

«I would not believe You. Neither would I believe the evidence of not seeing You. I would say that You had hidden Yourself to test my faith and I would look for You until I found You.»

«And what about the caravan and your profit?»

«Such things? What are they with respect to You Who can cure my children and give me firm faith in You?»

501.6

«Uncover the girl’s face» orders Jesus.

«I keep it covered because the light hurts her very much.»

«It will only be a moment of pain» says Jesus.

But the little girl begins to weep desperately and does not want to be unbandaged.

«She is behaving like that because she thinks that You will tor­ture her with fire as the doctors did» explains the father while struggling to remove the child’s hands from the bandages.

«Oh! don’t be afraid, little girl. What is your name?»

The girl is weeping and does not reply. Her father replies instead of her: «Tamar, from the place where she was born. And the boy Fara.»

«Don’t weep, Tamar. I will not hurt you. Feel My hands. I am not holding anything. Come to My lap. In the meantime I will cure your brother and he will tell you what he felt. Come here, child.»

The servant pushes towards Jesus’ knees the poor little blind fellow whose eyes have been ruined by trachoma. Jesus caresses his head and asks him: «Do you know who I am?»

«Jesus the Nazarene, the Rabbi of Israel, the Son of God.»

«Will you believe in Me?»

«Yes, I will.»

Jesus lays His hand on the boy’s eyes covering more than half of his face. He says: «I want it! And may the light of his eyes open the way to the light of Faith.» And He removes His hand.

The boy utters a cry taking his hands to his eyes, and then says: «Father! I can see!» But he does not run to his father. In his boyish spontaneity he clings to Jesus neck and kisses His cheeks and re­mains thus, embracing His neck, with his little head sheltered on Jesus’ shoulder, to get his eyes accustomed again to sunshine.

The crowds shout at the miracle while the father would like to remove the boy from Jesus’ neck.

«Leave him. He is not disturbing Me. Only, Fara, tell your sister what I have done to you.»

«A caress, Tamar. It felt like mummy’s hand. Oh! be cured as well and we shall play again!»

501.7

The girl, still somewhat reluctant, has herself placed on the knees of Jesus, Who would like to cure her without even touching her bandages. But the scribes and their companions shout: «It’s a trick. The girl can see. It’s a plot to take advantage of your confidence in Him, o inhabitants of this place.»

«My daughter is sick. I…»

«Never mind! Now, Tamar, be good and let Me remove your bandages.»

The girl, who is now convinced, agrees. What a sight when the last linen bandage is removed! Two red, scabby, swollen sores are in the place of her eyes, and tears and pus run down from them. The crowds yell with terror and pity while the little girl takes her hands to her face to protect herself from the light which must make her suffer terribly; two red recent burns appear on her temples.

Jesus removes her little hands and with a light touch He lays His hand on such ruin saying: «Father, Who created light for the joy of the living and gave eyes even to midges, grant light to this creature of Yours that she may see You and believe in You and from the light of the Earth, she may enter, through Faith, the light of Your Kingdom.» He removes His hand…

«Oh!» they all shout.

There are no more sores. But the girl still keeps her eyes closed. «Open them, Tamar. Be not afraid. The light will not hurt you.» The girl obeys rather timorously and opens her eyelids showing two lively dark eyes.

«Father! I can see you!» and she also relaxes on Jesus’ shoulder to become slowly accustomed to the light.

The crowds are rejoicing while the man from Petra throws himself at Jesus’ feet weeping for joy.

«Your faith has received its reward. From now on may your gratitude lead your faith in the Man to the highest sphere: to the faith in the true God. Stand up and let us go.»

And Jesus puts down the girl who smiles happily and He becomes detached from the boy when He stands up. He caresses them once again and He would like to squeeze through the crowd thronging to see the cured eyes.

501.8

«You also ought to ask to have your veiled eyes cured» says a disciple to an old man led by the hand as his eyes are so dimmed.

«Me?! Me?! I don’t want light from a demon. On the contrary! I shout to You, eternal God! Listen to me. To me! Complete darkness to me! That I may not see the face of the demon, of that demon, of that impious usurper, blasphemer, deicide! May shadows fall upon my eyes forever. Darkness, darkness, that I may never see Him!» It is he who seems to be a demon! In his paroxysm he strikes his eye-sockets as if he wanted his eyes to burst.

«Be not afraid. You will not see Me. Darkness does not want the Light and the Light does not impose itself on those who reject it. I am going, old man. You will not see Me again on the Earth. But you will see Me just the same, elsewhere.»

And Jesus is so depressed that the gait typical of very tall people – slightly inclined forward – is more outstanding as He sets off downhill. He is so dejected that He already seems the Condemned man descending the Moriah under the load of the Cross… And the shouts of His enemies, incited by the old madman, are very much like the shouts of the crowds in Jerusalem on Good Friday.

The man from Petra, mortified, with the little girl weeping out of fear in his arms, whispers: «Because of me, Lord! Because of me! You have done so much good to me! But I… to You! I have something for You in the tent on the camel. But what is it com­pared to the insults which I have brought about? I am ashamed that I came near You…»

«No, man. That is My bitter daily bread. And you the honey sweetening it. The bread is always more than the honey. But a drop of honey is sufficient to make much bread sweet.»

«You are good… But at least tell me: what shall I do to dress those wounds?»

«Keep faith in Me, for the time being as best you can. Before long… Yes, My disciples will come as far as Petra and farther. Then follow their doctrine because I shall speak through them. And for the time being speak to those of Petra of what I did for you, so that when those surrounding Me and others will come in My Name, this Name of Mine is not unknown to them.»

501.9

At the end of the descent, on the Roman road, there are three camels. One with just the saddle, the others with baldachins. A servant is watching them.

The man goes to the tent and takes some parcels from it: «Here» he says offering them to Jesus. «They will be useful to You. Do not thank me. It is I who have to bless You for what You have given to me. If You can do it for uncircumcised people, bless me and my children, Lord!» and he kneels down with the children. The serv­ants imitate him.

Jesus stretches out His hands praying in a low voice looking fix­edly at the sky.

«Go. Be just and you will find God on your way and you will follow Him without ever losing Him. Goodbye, Tamar! Goodbye, Fara!» He caresses them before each of them climbs on a camel with the servants.

The animals stand up at the cries of the camel-drivers and they turn trotting southwards. Two little brown hands stretch out from the tents and two shrill voices say: «Goodbye, Lord Jesus! Good­bye, father!»

The man is about to mount, too. He bends to the ground and kisses Jesus’ garment, he then mounts and departs northwards.

«And now let us go» says Jesus setting out northwards.

«What? Are You no longer going where You wanted to go?» they ask Him.

«No. We cannot go any longer!… The voices of the world were right!… Because the world is shrewd and is aware of the works of the demon… We shall go to Jericho…»

How sad is Jesus!… They all follow Him, laden with the parcels given by the man, dejected and speechless…


Notes

  1. Conformément à la parole inspirée : Is 1, 11 ; Amos 5, 22 ; s’exclame : Ps 51, 18-19.

Notes

  1. says, in: Isaiah 1,11.
  2. exclaims, in: Psalm 51,18-19.