503.1
Une nouvelle fois[1], Jésus parcourt inlassablement les routes de Palestine. Le fleuve à sa droite, il suit le sens de l’eau ; celle-ci est belle, bleue et scintillante là où elle reçoit la caresse du soleil, et bleu-vert près des rives, où l’ombre des arbres la teinte de vert foncé.
Jésus marche au milieu de ses disciples. J’entends Barthélemy lui demander :
« Alors, nous nous dirigeons vraiment vers Jéricho ? Tu ne crains pas quelque embûche ?
– Absolument pas. Je suis arrivé à Jérusalem pour la Pâque par un autre chemin et eux, déçus, ne savent plus où me prendre sans trop attirer l’attention des foules. Crois-moi, Barthélemy, il y a moins de danger pour moi dans une ville très peuplée que sur des sentiers à l’écart. Le peuple est bon et sincère, mais aussi impétueux, et il se soulèverait si on m’arrêtait quand je suis au milieu de lui pour évangéliser et guérir. Les serpents agissent dans la solitude et dans l’ombre. Et puis… J’ai encore un certain temps devant moi pour œuvrer… Après… viendra l’heure du Démon et vous me perdrez. Pour me retrouver ensuite. Croyez-le bien. Et sachez le croire quand il vous semblera que les événements me contredisent plus que jamais. »
Affligés, les apôtres soupirent en le regardant avec amour et douleur ; Jean gémit : « Non ! » et Pierre, de ses bras courts et robustes, l’entoure comme pour le défendre : « Mon Seigneur et Maître ! » Il ne dit rien de plus, mais ces mots contiennent tout.
« C’est ainsi, mes amis. C’est pour cela que je suis venu. Soyez forts. Voyez : je marche avec assurance vers mon but, comme quelqu’un qui avance vers le soleil et sourit au rayon qui lui baise le front. Mon sacrifice sera un soleil pour le monde. La lumière de la grâce descendra dans les cœurs, la paix avec Dieu les rendra féconds, les mérites de mon martyre rendront les hommes capables de gagner le Ciel. Et qu’est-ce que je veux, sinon cela ? Mettre vos mains dans les mains de l’Eternel, mon Père et le vôtre, et dire : « Voilà, je te ramène ces enfants. Regarde, Père, ils sont purs. Ils peuvent revenir vers toi. » Vous voir serrés sur son sein et dire : « Aimez-vous enfin, puisque l’Un et les autres, vous en étiez impatients, et que vous souffriez de n’avoir pu vous aimer profondément. » Voilà ma joie, et chaque jour qui me rapproche de l’accomplissement de ce retour, de ce pardon, de cette union, augmente mon impatience de consommer l’holocauste pour vous donner Dieu et son Royaume. »
En disant cela, Jésus est solennel, presque en extase. Il marche, bien droit dans son vêtement bleu et son manteau plus foncé, tête nue à cette heure encore fraîche du matin, et il paraît sourire à je ne sais quelle vision que ses yeux contemplent sur l’azur d’un ciel serein. Le soleil qui caresse sa joue gauche enflamme encore davantage son regard rayonnant et met des étincelles d’or dans sa chevelure, que soulèvent une légère brise et sa démarche vive. Il fait ressortir le rouge des lèvres qui s’ouvrent pour sourire et il semble éclairer son visage tout entier par une joie qui, en réalité, vient de l’intérieur de son Cœur adorable, enflammé de charité pour nous.