The Writings of Maria Valtorta

512. Prophétie devant un village détruit.

512. Prophecy in front of the site of a destroyed town.

512.1

J’ignore où Jésus se trouve, mais c’est certainement dans les montagnes et à un endroit abandonné après avoir été détruit, soit par quelque cataclysme, soit par des opérations de guerre. Je suppose qu’il s’agit plutôt de ces dernières, car les décombres des maisons montrent même des traces de flammes, dans les voûtes protégées de l’eau et encore visibles dans l’entrelacement des ronces, lierres et autres plantes grimpantes ou parasites qui ont poussé un peu partout. Les larges feuilles peluchées d’une plante dont je ne connais pas le nom — mais que j’ai déjà vue en Italie — recouvrent entièrement une ruine qui ressemble à une petite montagne escarpée. Plus loin, un mur resté debout tout seul pour contempler les vestiges de la maison écroulée, est envahi par des câpriers et des pariétaires. Du parapet ajouré de ce qui était une terrasse, pendent les branches d’une clématite qui ondulent au vent comme une chevelure dénouée. Une autre maison dont l’intérieur est écroulé, mais dont les murs extérieurs sont encore debout, ressemble à un énorme vase qui, au lieu de fleurs, contient des arbres qui ont poussé spontanément là où se trouvaient primitivement les pièces. Une autre, restée en partie debout avec des marches , ressemble à un autel préparé pour quelque cérémonie et tout orné de verdure. En haut de cette ruine, un peuplier, grêle et droit comme une lame, paraît demander au ciel la raison d’un tel malheur. Et d’une maison à l’autre, d’un tas de décombres à l’autre, des arbres fruitiers obstinés et dégénérés, devenus sauvages, dominés par le reste de la végétation ou la dominant, nés de fruits tombés, tordus ou droits, rampants, sortis du trou d’un mur, d’un puits asséché, font penser à un bois enchanté. Des oiseaux et des pigeons, sortant des crevasses des ruines, se jettent avidement sur les alentours où autrefois il y avait certainement des champs cultivés et où maintenant se trouve tout un enchevêtrement de vesces dures, desséchées par le soleil, qui ouvrent leurs cosses pour laisser tomber leurs semences de zizanie et d’ivraie qui pousseront au printemps. Les pigeons chassent avec de féroces coups d’aile les oiseaux plus petits qui cherchent quelque grain de mil ou de chanvre sorti de je ne sais quelle semence lointaine, qui au cours des années s’est perpétuée dans les champs incultes par ensemencement spontané. Les oiseaux, spécialement les moineaux bagarreurs, qui se vengent en arrachant les maigres épis d’un mil misérable pour les emporter vers leurs nids, s’envolent péniblement, tout courbés sous le poids et l’embarras de la panicule.

512.2

Jésus n’est pas seulement accompagné des apôtres, mais aussi d’un bon groupe de disciples, dont Cléophas et Hermas d’Emmaüs, les fils du vieux chef de synagogue Cléophas, ainsi que d’Etienne. Il y a également des hommes et des femmes, dont ont peut imaginer qu’ils sont venus de quelque village pour inviter Jésus à venir chez eux, ou bien qu’ils l’ont suivi, après son passage dans leur village. En traversant ce champ de ruines, Jésus s’arrête souvent pour regarder, et définitivement quand, d’un endroit plus élevé, il peut dominer ce labyrinthe de décombres et de végétation où la vie n’est représentée que par des pigeons, certainement autrefois doux et apprivoisés, mais aujourd’hui redevenus sauvages et féroces. Les bras croisés, la tête légèrement inclinée, il contemple, et plus il regarde, plus il devient pâle et triste.

« Pourquoi restes-tu ici, Maître ? Il est visible que cet endroit t’afflige. Ne t’arrête pas à observer. Je me repens de t’avoir fait passer par ici, mais le chemin était plus court, dit Cléophas d’Emmaüs.

– Je ne vois pas ce que vous voyez !

– Et quoi d’autre, Seigneur ? Peut-être revois-tu l’événement passé ? Certes, ce fut effrayant. C’est la manière de faire de Rome… dit l’autre habitant d’Emmaüs.

– Et cela devrait faire réfléchir.

512.3

Regardez tous : il y avait ici une ville, pas bien grande, mais belle. Il y avait plus de demeures seigneuriales que d’humbles maisons. Et ils appartenaient à des riches, ces lieux qui aujourd’hui sont des bois sauvages, ils appartenaient à des riches, ces champs stériles couverts de ronces, d’ivraie, d’orties… Il y avait alors de beaux vergers et des champs couverts de moissons. Les maisons étaient belles à cette époque, avec des jardins pleins de fleurs, des puits et des fontaines où se baignaient les pigeons et où jouaient les enfants. Les habitants de cet endroit étaient heureux, et ce bonheur ne les a pas rendus justes. Ils ont oublié le Seigneur et ses paroles… Et voilà !

Plus de maisons, plus de fleurs, plus de fontaines, ni de moissons, ni de fruits. Il ne reste que les pigeons, et pas heureux comme autrefois. Au lieu du grain blond et du cumin dont ils étaient jadis friands et gavés, ils se battent maintenant pour avoir un peu de vesce rêche et d’ivraie amère. Et c’est fête s’ils trouvent un épi d’orge qui a poussé parmi les décombres !…

Et, en regardant, je ne vois même plus les pigeons…

Mais des multitudes de visages… dont beaucoup ne sont pas encore nés… Je vois des ruines et des ruines, des ronces et des vignes sauvages, et des vesces sauvages qui couvrent les terres de la Patrie… Et tout cela parce que l’on n’a pas voulu accueillir le Seigneur… J’entends les pleurs de petits enfants épuisés, plus malheureux que ces oiseaux auxquels Dieu pourvoit encore par un minimum de secours pour leur garder la vie, alors que ces petits seront privés de tout secours, victimes du châtiment général, languissants sur le sein desséché de leur mère, mourant de privations et de douleurs et d’une épouvante sans nom. Et j’entends les lamentations des mères pour leurs enfants morts de faim sur leurs seins. Et les plaintes des épouses qui ont perdu leur époux, des vierges capturées pour servir aux plaisirs des vainqueurs, des hommes envoyés en captivité après avoir connu toutes les hontes de la guerre, et des vieillards qui ont assez vécu pour voir accomplie la prophétie[1] de Daniel.

Et j’entends la voix infatigable d’Isaïe dans le souffle de ce vent parmi les ruines, dans la plainte des pigeons au milieu des décombres : “ C’est avec des mots barbares, en une langue étrangère que le Seigneur parlera à ce peuple auquel il avait dit : ‘ C’est ici mon repos. Restaurez celui qui est fatigué ; c’est mon soulagement. ’ ”

Mais ils n’ont pas voulu écouter. Non, ils ne l’ont pas voulu, et le Seigneur n’a pas pu trouver de repos dans son peuple. Celui qui est fatigué, qui s’est épuisé à parcourir ses contrées pour enseigner, guérir, convertir, réconforter, ne trouve pas de repos, mais la persécution. Au lieu du soulagement, pièges et trahison. Le Fils ne fait qu’un avec le Père.

Et si la Vérité vous a enseigné[2] qu’une simple coupe d’eau offerte à un homme aura sa récompense — car tout acte de miséricorde accordé à un frère est fait à Dieu lui-même —, quel châtiment attendra ceux qui retiennent même la pierre du sentier qui pourrait servir d’oreiller à la tête du Fils de l’homme, et la source de la montagne qui coule par la bonté du Créateur, et le fruit oublié sur la branche, laissé de côté parce que pourri ou vert, l’épi disputé aux pigeons, et qui ont déjà préparé le lacet pour étrangler l’air dans la gorge, et avec l’air, la vie ?

512.4

Ah ! malheureux Israël qui as perdu en toi la justice, ainsi que la miséricorde de Dieu !

Voici, voici de nouveau la voix d’Isaïe dans la brise du soir, plus effrayante que le cri de l’oiseau de mort, presque aussi redoutable que la voix qui résonna au Jardin terrestre pour la condamnation des deux coupables, et — ah ! que c’est terrible ! — et qui n’est plus unie cette voix du prophète comme alors à la promesse d’un pardon, comme alors ! Non, il n’est pas de pardon pour ceux qui méprisent Dieu, pour ceux qui disent : “ Nous avons fait alliance avec la mort, nous avons conclu un pacte avec l’enfer. Les fléaux, quand ils viendront, ne tomberont pas sur nous, car nous avons mis notre espérance dans le Mensonge et nous serons protégés par lui, qui est puissant. ” Voici, voici Isaïe qui répète ce qu’il a entendu du Seigneur : “ Voici que pour le fondement de Sion, je placerai[3] une pierre angulaire, choisie avec soin, précieuse… Je pèserai le jugement et mesurerai la justice, et la grêle détruira l’espérance dans le Mensonge. Les eaux bouleverseront les abris : votre alliance avec la Mort sera détruite et votre pacte avec l’enfer n’existera plus. Quand la tempête du fléau passera, elle vous bouleversera, chaque fois elle vous bouleversera, à toute heure, et il n’y aura que les châtiments pour vous faire comprendre la leçon. ”

Malheureux Israël ! Comme ces champs où ne persistent que la vesce aride et l’ivraie amère, et où il n’y a plus de grain, voici ce qu’il en sera d’Israël… Alors la terre qui n’a pas voulu de Dieu ne produira pas de pain pour ses enfants. Ces derniers — qui n’ont pas voulu accueillir Celui qui était fatigué — frappés, devenus sauvages, comme des galériens à la rame, s’en iront, esclaves de ceux qu’ils considéraient avec mépris comme des êtres inférieurs. Vraiment, Dieu battra ce peuple orgueilleux sous le poids de sa justice et l’anéantira sous le brisoir de son jugement…

Voilà ce que je vois dans ces ruines. Des ruines ! Des ruines ! Au septentrion, au midi, à l’orient et à l’occident, et surtout au centre, dans le cœur, où la ville coupable sera changée en une fosse putride… »

Des larmes coulent lentement le long du visage pâle de Jésus qui lève son manteau pour se cacher le visage, ne laissant découverts que ses yeux dilatés par sa douloureuse vision.

Puis il se remet en route, tandis que ses compagnons, glacés d’épouvante, hésitent à parler…

512.1

I do not know in which place Jesus is. He is certainly in the mountains, in a place deserted after it was destroyed either by a cataclysm or by active war. And I would say that the latter is the more likely cause, because the ruins of the houses show signs of fire in the ceilings protected from rain and still visible through the tangle of bramble, ivy and other creepers and parasitic plants, which have grown everywhere. The broad hairy leaves of a plant, whose name I do not know, although I have seen it also in Italy, cover a large ruin which looks like a steep hill. Farther back a wall, standing upright and lonely to contemplate the rest of the collapsed house, is invaded by caper bushes and pellitory, and a clematis, whose branches undulate in the wind like loose hair, hangs from a fretted parapet of what once was a terrace. Another house, the central part of which has collapsed, whilst the outer walls are still erect, looks like a huge flower vase, which in place of stems contains trees which have grown spontaneously in the hollow where rooms previously were. Another house,· part of which is still erect, with the remains of the walls rising in steps, looks like an altar prepared for some rite and completely adorned in green. On the very top of the ruins, a poplar, as slender and straight as a blade, seems to be asking the sky the reason for such a disaster. And between house and house, rubble and rubble, obstinate fruit-trees, now degenerate and wild, overwhelmed by other vegetation or overwhelming it, grown from fallen fruit, twisted, straight, creeping, coming out from holes in walls, from a dried well, give the impression of a bewitched forest. And birds and pigeons coming out of crevices among the ruins, fly avidly towards neighbouring fields once cultivated, where now there are tangles of hard vetch, dried up by the sun, and from their open pods seeds drop to the ground to spring up again at springtime, and tangles of darnel and tares. With fierce blows of their wings the pigeons drive away the smaller birds searching for millet-seed or grains of hemp, which have come up from who knows what remote seed, lasting for years and years in waste land through spontaneous sowing. And the birds, particularly the quarrelsome sparrows, avenge themselves, by tearing off the thin ears of the scrubby millet and taking them away, to their nests, flying with difficulty, all twisted because of the weight and the encumbrance of the millet-cob.

512.2

Jesus is not only with His apostles, there is also a large group of disciples, amongst whom Cleopas and Hermas of Emmaus, the sons of the old chief of the synagogue Cleopas, and Stephen. There are also some men and women, as if they had come from some village to invite Jesus to go to their town, or if they were following Him after He had been with them. And Jesus, crossing the ruined site, often makes a pause to look around, and He stops at the highest spot that commands a view over entanglements of rubble and vegetation, where life is represented only by the pigeons which once were certainly mild and tame, whereas now they are wild and fierce. He contemplates the place with His arms folded across His breast, His head lowered, and the more He looks around the paler and sadder He becomes.

«Why are You stopping here, Master? One can clearly see that this place distresses You. Do not stop to contemplate it. I am sorry I made You come this way, but it is such a good short cut» says Cleopas of Emmaus.

«Oh! I am not looking at what you see!»

«At what, then, Lord? Perhaps You see the past event once again? It was certainly a dreadful one. That is the system of Rome…» says the other man from Emmaus.

«And that should make one think.

512.3

See. There was a town here, it was not a large one, but it was beautiful. It consisted more of luxu­ry houses than of humble ones. And these places, which are now wild forests, belonged to rich people. And these fields, now sterile and covered with bramble, darnel and nettles were also the pro­perty of rich people… They were then rich orchards and fields full of crops. And the houses were beautiful, with gardens full of flowers, and wells, and fountains where pigeons bathed and children played. All the inhabitants of this place were happy, but happiness did not make them just. They forgot the Lord and His words… And this is the result! No more houses, no flowers, no fountains, no crops, no fruits. Only the pigeons are left, and they are no longer as happy as they used to be, and in place of the golden corn and the cumon of which they were so greedy, they now fight to have a little coarse vetch or bitter darnel. And they feast when they find an ear of barley which has come up among the thorns!…

And, as I look, I do not even see the pigeons any more… But faces and faces… Many of which are not yet born… and I see ruins and ruins, bramble and wild grapes and vetch cover the land of our Fatherland… And all that happens because we did not want to ac­cept the Lord. I can hear exhausted children weep, as they are more unhappy than these birds, for which God still provides the minimum assistance to survive, whereas these babies will be destitute of all help, struck by the general punishment, languish­ing on the dry breasts of their mothers, who will be dying of star­vation and sorrow and indefinable fear. And I can hear mothers wailing over their children who died of starvation on their breasts, and the cries of wives deprived of their husbands, and the laments of virgins captured for the pleasure of winners, and the lamenta­tions of men destined to imprisonment after experiencing all dishonour in war and of old men who lived so long as to see the prophecy[1] of Daniel accomplished.

And I hear the untiring voice[2] of Isaiah in the breath of this wind among the ruins, in the wailing of the pigeons among the rubble:

“With uncouth words, in a foreign language the Lord will speak to this people to whom He said: ‘Here is my rest. Let the weary rest; this is my relief’”. But they would not listen. No, they would not listen, and the Lord cannot find rest among His people. The tired One, Who became tired travelling all over its countryside to teach, cure, convert and comfort, does not find rest but persecution, He does not find relief, but snares and treason. The Son is one with the Father. And if the Truth taught you[3] that also a cup of water given to a man will be rewarded, because each act of mercy done to a brother is done to God Himself, what will the punishment be for those who refuse the Son of man even a stone of the road upon which He may rest His head, and the mountain spring which gushes through the bounty of the Creator, and the fruit forgotten on a branch because it was diseased or unripe, and the ear contended with pigeons, and have already prepared the noose to throttle the air in His throat and thus take His life?

512.4

Oh! miserable Israel, who have lost justice and the mercy of God!

Here, here is once again the voice of Isaiah in the evening breeze, more dreadful than the cry of the bird of death, almost as dreadful as the voice that resounded in the Earthly Garden to condemn the two culprits, and – oh! what a terrible thing! – the voice of the Prophet is not joined to the promise of forgiveness as it was then!

No, there is no forgiveness for the mockers of God, for those who say: “We have formed an alliance with Death, we have made an agreement with Hell. When the destructive whip goes by, it will not catch us, for we have set our hopes on Falsehood, and we are protected by it, for it is powerful”. And here is Isaiah, who repeats what he heard from the Lord: “I will lay a precious select cor­nerstone as the foundation of Zion… And I will make justice the measure and integrity the plumb-line, and hail will sweep away the hope in Falsehood, and floods will overwhelm the shelter, your covenant with Death will be broken and your pact with Hell will be annulled. When the destructive whip goes by it will crush you, each time it goes by it will seize you, and punishments only will make you understand the lesson”.

Miserable Israel! Israel will be like these fields, where only arid vetch and bitter darnel persist and where there is no more corn, and the Land that did not want the Lord will have no bread for her children, and the children who refused to receive the tired One, will wander about, beaten, wild, like galley slaves, the slaves of those whom they considered inferior beings. God will really thrash the proud people under the weight of His justice, and will strangle it with the scutch of His judgement…

That is what I see in these ruins. Ruins! Ruins! To the north, to the south, to the east, to the west, and above all in the centre, in the heart, where the guilty town will be changed into a putrid pit…»

And tears run slowly down the pale face of Jesus, Who raises His mantle to veil it, leaving uncovered only His eyes, dilated by the painful vision.

And He sets out again, while those who are with Him hardly whisper, terrified as they are…


Notes

  1. prophétie qui se trouve en Dn 9 ; voix reprise en trois citations distinctes : Is 28, 11-12.15.16-19. On pourrait aussi rattacher à ces passages les prophéties imprécises dont il est question en 333.2, ainsi que la condamnation de Dieu annoncée dans les dernières lignes de 344.6. l’avenir d’Israël est trait explicitement ici “ voilà ce qu’il en sera d’Israël », dit Jésus plus bas, ainsi qu’en : 41.7, 252.10, 258.5, 265.10, 413.2, 447.3, 456.2, 507.6, 513.3/5, 525.12/14, 579.8 (dernières lignes), 580.4/5, 596.44 (dernières lignes), 611.11, 630.6 (à propos du Temple), 635.11.
  2. vous a enseigné, en 265.13.
  3. je placerai manque dans le manuscrit original, mais se trouve dans la transcription dactylographiée.

Notes

  1. prophecy, which is in: Daniel 9.
  2. voice, taken from three different quotations from: Isaiah 28,11-12.15.16-19.
  3. taught you, in 265.13.